Cécile Moffroid M2 « Management des médias » Sciencescom’

Mono graphie

Réflexivité des médias ; quête de sens et légitimité.

L’exemple de l’émission produite et animée par Colombe Schneck sur Inter :

2007-2008

1

Avant propos

Le concept de réflexivité est répandu dans les milieux universitaires pour qualifier les procédés mis en place par les médias pour parler d’euxmêmes. Partant du constat que les dispositifs de mise en abyme sont nombreux, nous nous intéresserons plus spécifiquement aux émissions de critique des médias. Nous nous inspirerons de la littérature télévisuelle, principal sujet d’étude pour la recherche sur la réflexivité médiatique. La radio n’a pour l’instant fait l’objet d’aucun écrit officiel.

Deux phases bien distinctes sont identifiables dans l’histoire de ces émissions d’autocritique, une première au moment de la multiplication des chaînes télévisées, dans les années soixante. Une seconde phase, beaucoup plus retentissante, apparaît avec l’émission « Arrêt sur images », au milieu des années 90. Chacune de ses étapes sera déclenchée par des évènements politiques et sociaux capitaux. A la suite de divers incidents dans le traitement de l’information, il apparut essentiel que les médias fassent l’objet d’une plus grande vigilance citoyenne. C’est l’une des raisons de l’évolution de ces émissions de mise en abyme, qui prennent alors l’allure d’enquêtes journalistiques sur les manquements des médias. A l’origine, les maîtresmots de ces émissions étaient surtout : divertissement, autocélébration et confidences en coulisses. Avec Schneidermann, une nouvelle ère voit le jour, et la profession, collègues et supérieurs hiérarchiques, ne sont pas épargnés. Les dents grincent, c’est la première fois que les journalistes sont euxmêmes sujets d’enquête. Malgré cette volonté de transparence, pour de nombreux individus, citoyens et chercheurs, ces émissions correspondraient à la volonté des chaînes de proposer un alibi à cette absence de contrôle de la corporation journalistique. D’autres raisons sont avancées pour expliquer la présence, et la multiplication de ces émissions, nous en dressons la liste.

Pour pallier à cette crise de confiance, des observatoires, constitués de chercheurs, de citoyens et de professionnels des médias, s’organisent en parallèle. Trois grands spécialistes de la question expliquent la nécessaire existence de ces instances observatrices, « vigies plutôt que juges ». Mais l’on constate que les recherches menées par ces observatoires ne sont quasiment jamais relayées par les médias, objets de toutes ces réflexions. Le fossé se creuse. Une incompréhension grandit. Journalistes et chercheurs s’accusent tour à tour d’être porteurs d’une pensée trop idéologique.

Les émissions de réflexivité dans paysage audiovisuel français se sont multipliées. Chaque grand média propose désormais sa propre émission sur ce thème. Mais les méthodes d’analyse et sujets traités diffèrent grandement. Nous nous focaliserons sur l’émission « J’ai mes sources » sur France Inter, dont la journalisteproductrice qui l’anime, Colombe Schneck, propose régulièrement une mise en présence de sociologues, journalistes, producteurs, patrons de presse, ou chercheurs. Nous établissons, grâce aux avis de ses pairs, une analyse d’image de cette émission, et pointons ses originalités autant que ses probables écueils.

Pour aller plus loin, nous ferons en dernier lieu diverses propositions qui permettraient de trouver un sain consensus entre chercheurs et journalistes : qu’hommes de terrain et penseurs se nourrissent, se fassent mûrir les uns les autres…

2

Présentation des personnes citées et interviewées

Interviewés (par ordre alphabétique) :

 CharlyBishop : blogueur journaliste de presse écrite, issu d’un « grand groupe » (a souhaité rester anonyme)

 Béatrice Donzelle : doctorante et chercheur en histoire des médias et du journalisme, vice présidente du groupe « Jeunes chercheurs radio »

 Laurent Larcher : chef de rubrique du service culture et médias du journal La Croix

 André Offner : pigiste de Nice Matin

 Guy Pineau : sociologue, ancien responsable de recherche à l’INA (Institut national de l’audiovisuel) et chargé d’enseignement à III

 Enguérand Renault : rédacteur en chef du service « Technologies de l’information communication » et « High Tech, informatique et télécoms » au Figaro

 Grégory Rzepski : Ingénieur, coanimateur, chercheur et militant d’Acrimed , vient de publier aux Editions Syllepse « Tous les médias sont-ils de droite ? »

 Augustin Scalbert : chroniqueur de l’émission « J’ai mes sources » sur France Inter et journaliste en charge de la rubrique « Médias » du site Rue89

Personnes citées (par ordre alphabétique) :

Nabil Aliouane : enseignant de l’université Paul Verlaine, Metz

Fabrice Almeida : historien spécialiste des médias

Paul Amar : journaliste présentateur de « Revu et corrigé » sur

Pierre Beylot : professeur de cinéma et d'audiovisuel de l’université Nancy II, coauteur de l’ouvrage « La télévision au miroir », collection Champs Visuels de l’Harmattan, mars 1998)

Stéphane Bern : journaliste, écrivain et présentateur du « Fou du Roi » sur France Inter

Elsa Boublil : journaliste médias de France Inter

Jonathan Bouchet-Petersen : journaliste au Journal du Dimanche

3

Pierre Bourdieu : sociologue des médias

Pierre Carles : journaliste, réalisateur et membre fondateur du journal Pour Lire Pas Lu (PLPL )

Mathias Chaillot : journaliste imédias

Patrick Champagne : sociologue du Centre de sociologie européenne et membre d’ Acrimed (association Action Critique Médias)

Jean-Marie Charon : sociologue au CMVS (Centre d'Etudes des Mouvements Sociaux) et spécialiste de la presse

Lucien Dällenbach : professeur honoraire de l’université de Genève, département de langue et de littérature françaises modernes

Guy Debord : écrivain et cinéaste français, auteur de « La Société du spectacle » 1967)

Régis Debray : écrivain et médiologue

Nicolas Demorand : producteur, journaliste et animateur à France Inter

Olivier Duhamel : politicien, professeur et chroniqueur sur France Culture et Europe 1 (« Médiapolis »)

Umberto Eco : auteur de nombreux essais universitaires sur la sémiotique, l'esthétique médiévale, la communication de masse, la linguistique et la philosophie

Michel Field journaliste, propose avec Olivier Duhamel sur Europe 1 l’émission Médiapolis

Patrick Fournier : journaliste de Télé Obs

Erika Gélinard : journaliste de La Croix

Serge Guérin : sociologue et cofondateur de la revue Médias

Serge Halimi : journaliste, auteur des « Nouveaux chiens de garde », 1997, actualisé en 2005

Yves Harté : rédacteur en chef de Sud Ouest Dimanche

Geneviève Jacquinot-Delaunay : professeur à l’Université Paris VIII, et rédactrice en chef de la revue Médiamorphoses

Laurent Joffrin : directeur de Libération

Edouard Launet : journaliste de Libération

Bernard Leconte : docteur en esthétique et directeur éditorial de « Images abymées : Essais sur la réflexivité iconique » collection Champs Visuels – 2000

Elisabeth Lévy : en charge de la défunte émission « 1e pouvoir » sur France Culture

Henri Maler : maître de conférences à l’Université de Paris VIII, coanimateur d’Acrimed

4

Julien Mielcarek : journaliste d’ iMédias

Denis Olivennes : président du directoire du Nouvel Observateur

Robert E. Park : journaliste américain devenu sociologue du journalisme, décédé en 1944

Patrick Pépin : journaliste, précédent médiateur de Radio France

Bernard Pivot : journaliste et critique littéraire français, animateur d'émissions culturelles à la télévision comme feu « Apostrophes »

Alain Rémond : journaliste à Télérama, puis a participé pendant six ans à l'émission « Arrêt sur images » et actuellement, il rédige toutes les semaines une chronique à Marianne (revue) et un billet chaque jour à La Croix

Jean-Marc Roberts : directeur éditorial chez Stock

Frédéric Schlesinger : directeur délégué de France Inter

Daniel Schneidermann : journaliste, animateur de l'émission de décryptage des médias « Arrêt sur Images »

Yoanna Sultan-R’Bibo : journaliste du magazine Stratégies

Edouard de Rothschild : 1er actionnaire du journal Libération

Philippe Viallon : professeur de communication de l’université de Lyon II

5

Sommaire

Réflexivité : derrière le concept, des propositions multiples de sens

I. QU’APPELLE-T-ON REFLEXIVITE DES MEDIAS ? II. L’AVENEMENT DES EMISSIONS DE REFLEXIVITE A/ Un premier visage à la réflexivité des médias B/ Un autre versant à cette réflexivité : les revues de presse C/ Une tierce physionomie à la réflexivité des médias

III. A QUELLES PROBLEMATIQUES REPONDENT CES EMISSIONS ? a. « ELLES CORRESPONDENT A LA MISE EN PLACE D’UN MARKETING DE L’EXCELLENCE PROFESSIONNELLE » b. « C’EST UN POUVOIR A MEDIATISER COMME LES AUTRES » c. « ELLES PERMETTENT NARCISSISME ET CORPORATISME » d. « ELLES NOUS DEMARQUENT DE LA CONCURRENCE » e. « ELLES SONT ESSENTIELLES POUR DENONCER LA DOMINATION DE LA COMMUNICATION SUR LES MEDIAS » f. « LEUR COUT DE PRODUCTION EST FAIBLE » g. « ELLES SONT VECTEURS D’INFORMATION/D’EDUCATION » h. « ELLES PROPOSENT UNE PRISE DE DISTANCE »

I. LES OBSERVATOIRES II. LES EMISSIONS ACTUELLES

Analyses de l’émission : « J’ai mes sources », animée par Colombe Schneck I. FRANCE INTER ET LES EMISSIONS CONSACREES AUX MEDIAS II. L’EMISSION « J’AI MES SOURCES » DE COLOMBE SCHNECK

A/ Parcours de la journalisteproductrice de l’émission B / Elément déclencheur à l’origine de l’émission C/ Objectifs de l’émission D/ Analyses personnelles de Colombe Schneck E/ L’équipe de « J’ai mes sources » : F/ Thématiques traitées dans les émissions G/ Les émissions préalablement annoncées dans la presse écrite/web H/ Les polémiques nées après l’émission dans la presse I/ « J’ai mes sources » : les avis de ses pairs

Vers un compromis entre spécialistes et professionnels…

Proposition 1 : Un sociologue aux commandes d’une émission ? Proposition 2 : une alliance entre universitaires et journalistes ? Proposition 3 : plus de distance et d’humour pour des analyses plus mûres ? Proposition 4 : au cœur du problème : la responsabilité de chacun

6

Réflexivité : derrière un concept, des propositions multiples de sens

Les recherches et écrits sur la thématique dont il est question dans ce dossier sont inégales selon qu’il s’agisse du média télévisé ou radiophonique. Les chercheurs en radio s’accordent tous sur ce point : il existe certes nombre d’émissions consacrées aux médias en radio, mais l’on constate une absence totale de littérature sur la question. Les recherches universitaires ne semblent pas encore été entreprises sur la radio spécifiquement.

C’est d’abord par la voie de la télévision qu’il nous est donné de comprendre cette notion de réflexivité des médias, quelques revues spécialisées ayant été éditées sur le sujet.

Il faut préciser avant tout que les dispositifs de mise en abyme en télévision sont nombreux, et nous nous intéresserons plus spécifiquement aux émissions de critique des médias. Les procédés d’ostentation technique (exhibition du matériel nécessaire au bon fonctionnement du média), d’électronicité (traitement électronique des informations iconiques), de rediffusions, les émissions nostalgiques ou encore de zapping ne seront pas l’objet de ce dossier, malgré leur appartenance à ce que l’on appelle communément (et hâtivement) « réflexivité » des médias.

I. QU’APPELLE-T-ON REFLEXIVITE DES MEDIAS ?

Comme le constate Nabil Aliouane, de l’université Paul Verlaine de Metz, dans son article « Du miroir au prisme » ( Médiamorphoses n°20, juin 2007) « c’est très facile à écrire, mais beaucoup moins à analyser . »

Le mot « réflexivité » comporte de nombreux sens, il renvoie en premier lieu à l’action physique de réfléchir, l’exemple le plus parlant étant celui du miroir qui réfléchit (renvoie) la lumière. « Réflexif est également un terme employé en mathématiques, il désigne alors la relation qu’un élément peut avoir avec lui-même. » La notion de réflexivité, telle qu’on la conçoit actuellement, est surtout liée à l’action de réfléchir qui concerne « la conscience se connaissant elle-même ». Ces multiples définitions ont donné lieu à des jeux sur les mots et les sens, on a ainsi « accusé les miroirs de ne pas réfléchir. » (Nabil Aliouane)

Théâtre, littérature, cinéma ou peinture ; le concept de réflexivité est peu utilisé. Lui sont préférées des notions comme « récit spéculaire » ou « mise en abyme » que Lucien Dällenbach (Médiamorphoses n°20, juin 2007) définit de la sorte : « [est mise en abyme] toute enclave entretenant une relation de similitude avec l’œuvre qui la contient. » Il précise : « [la réflexivité étant] entendue comme « retour de l’esprit » (du récit) sur ses états et sur ses actes ».

La réflexivité en peinture, parfois appelée mise en abyme, a été proposée par des peintres comme Velasquez ou Memling (…). Le miroir permet effectivement d’offrir un point de vue différent, et certains auteurs ont même affirmé qu’« ainsi, Velasquez a assumé sa mission impossible : celle de peindre la

7

peinture… » Nous passions donc d’une réflexion « physique » par le miroir à la métaphore d’une réflexion sur la peinture.

Aux origines de la notion de réflexivité télévisuelle, est l’article d’Umberto Eco, qui affirme : « La caractéristique principale de la néo-télévision c’est le fait quelle parle de moins en moins du monde extérieur. Elle parle d’elle-même et du contact qu’elle est en train d’établir avec son public ».

En fait, la réflexivité est loin d’être un phénomène spécifique à la néotélévision, la télévision s’étant toujours prise pour thème, et ce depuis les origines.

A propos de la télévision, les travaux sur la réflexivité l’ont présenté comme un « « tout homogène », lui ont attribué la capacité de parler, ainsi on est passé d’une « technologie à un sujet » qui tient un discours. Enfin ce « sujet » aurait la capacité de tenir un discours sur ces propres pratiques. Mais la télévision n’est pas un sujet qui tient un discours sur elle-même, car elle n’est pas un sujet uni et unique, elle est un objet. La télévision ne prononce aucun discours, elle n’est que le lieu d’énonciation du discours ». (Nabil Aliouane)

II. L’AVENEMENT DES EMISSIONS DE REFLEXIVITE

« L’apparition d’émissions réflexives date de l’époque pionnière de la télévision. Dominée par le souci de célébrer le travail des professionnels de l’audiovisuel, la télévision des années 60 aime aussi évoquer de manière plus conviviale les coulisses et les vedettes du petit écran sans dédaigner de donner du temps à autre la parole aux téléspectateurs. A partir de la fin des années 70, la concurrence accrue entre les chaînes provoque le développement d’un discours auto-promotionnel toujours très présent aujourd’hui, tandis qu’un certain nombre d’émissions jettent un regard nostalgique sur le passé de la télévision. Les années 80-90 sont marquées par une nouvelle logique de questionnement sur la culture télévisuelle : on s’intéresse aux usages sociaux de la télévision et surtout on s’applique à démonter les mécanismes du langage télévisuel sur le mode tantôt sérieux, tantôt ludique ou satirique. » (Pierre Beylot, professeur de cinéma et d'audiovisuel de l’université Nancy II dans Champs Visuels n°8, février 1998, « La Télévision au miroir »)

A/ Un premier visage à la réflexivité des médias :

En 1988, Umberto Eco déclarait qu’une des particularités de la télévision des années quatrevingt était sa tendance égocentrique, à parler d’ellemême plus que de la réalité dont elle était censée rendre compte : « la particularité de la néo-TV c’est le fait qu’elle parle de moins en moins du monde extérieur. Elle parle d’elle-même et du contact qu’elle est en train d’établir avec son public .» Ce n’est donc pas novateur ; Pierre Beylot : « Loin d’être un phénomène récent, cette première forme du regard réflexif apparaît dès l’époque pionnière avec des émissions comme « Au-delà de l’écran », ou « Micros et caméras », qui témoignent de ce souci, fort ancien, de montrer au téléspectateur l’envers du décor. »

Principales émissions réflexives télévisées (période 19601990) :

- « En direct de », Les Buttes Chaumont , Claude Dagues et Jean Thévenot, 15 mai 1958

8

- « Faire face », La télévision , d’Igor Barrère et Etienne Lalou, 13 avril 1961 (enquête) et 21 avril (débat avec des téléspectateurs)

- « Au-delà de l’écran », de Jean Nohain, André Leclerc et Pierre Sainderichin, émission hebdomadaire de 1960 à 1968

- « Micros et caméras », de Jacques Locquin, émission hebdomadaire de septembre 1965 à décembre 1972

- « Face au public », de Jacques Locquin, 13 émissions de février 1971 à juin 1972

- « TF1/TF1 », de Maurice Bruzek et Sophie Rack, de septembre 1978 à janvier 1982

- « Télé à la une », de Jean Bertho, 4 émissions d’avril à juin 1983 (TF1)

- « Touche pas à mon poste », A2, avril 1986 : « Privés de télé », de Patrick Volson, 07.04.86 « Il était une fois la télé », de MauriceClaude Treilhou, 14.04.86 « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la télé sans jamais oser le demander ou presque », de JeanMarie Perthuis, 21.04.86

- « Trente ans de télévision », 6 émissions en septembreoctobre 1987, A2 (le couple, les vacances, la politique, racontés à la télévision)

- « Télé-connexion » de Bernard Montiel, décembre 1987 à mars 1988, TF1. Continue sous le titre « Télé-zip-zap » à partir d’avril 1988

- « Bonjour la télé », de Pierre Tchernia et Frédéric Mitterand, d’octobre à décembre 1988 et juilletaoût 1989, A2

- « Télé pour/télé contre », de Caroline Tresca et Joseph Poli, 7 émissions de novembre 1989 à janvier 1990, FR3

- « My télé is rich », de Bernard Rapp, 9 émissions, de janvier à juin 1990, A2

- « Télés-dimanche », de Michel Denisot, hebdomadaire du 6 septembre 1992 à juin 1996, Canal+

- « Télé-Vision », de Béatrice Shönberg, hebdomadaire à partir du 8 avril 1993 puis mensuel à partir de septembre 1993, TF1

(sources : Champs Visuels n°8, février 1998, « La Télévision au miroir »)

La plupart de ces émissions relevaient du divertissement.

B/ Un autre versant à cette réflexivité : les revues de presse

Un second procédé réflexif est inventé à la même époque (sources : « Brève histoire de la méta- télévision », 1998, par Philippe Viallon, professeur de communication de l’université de Lyon II) : 9

« Lorsqu’en 1830, Charles Auguste Havas fonde son agence, son activité première consiste à faire lire et traduire des journaux étrangers. Les infos qu’ils contiennent sont reprises par l’agence, puis par des journaux abonnés, sans que leur origine soit mentionnée. C’est le premier cas d’un média dit d’information reprenant des informations d’un autre support. Les autres agences, Wolf et Reuter, crées par d’anciens employés d’Havas, commenceront à travailler selon le même principe. On ne peut concevoir l’industrialisation de la presse du 19 e siècle sans cette dimension de reprise d’information. Pour les autres formes de citation type « revue de presse », il faudra attendre le tournant du siècle pour que le genre s’institutionnalise. Si la presse s’auto-informe volontiers, il n’est pas question que d’autres profitent de la prima materia. En effet, pendant longtemps la presse a refusé que la radio ne diffuse « ses » informations, notamment pendant les années 30. De nombreuses tentatives de conciliation infructueuse débouchent finalement sur des accords en 1937 avec les radios privées et en 1938 avec les « postes » d’Etat, qui prévoient, entre autres, la suppression de la revue de presse le matin sur les radios publiques. Les évènements empêcheront la mise en place de ces accords et après la guerre, la presse ne verra pas tant dans l’autre média un concurrent qu’un moyen de soigner son image de marque. »

La revue de presse est aujourd’hui un procédé courant, et les radios du service public se voient même dans « l’obligation de diffuser « chaque jour et de manière régulière des revues de presse » (décret du 13 novembre 1987, article 26) » (Béatrice Donzelle, doctorante et chercheur en histoire des médias et du journalisme, viceprésidente du groupe « Jeunes chercheurs radio », Médiamorphoses n°20, juin 2007)

C’est ce que le sociologue Pierre Bourdieu appellera la « circularité circulaire de l’information » (« Sur la télévision », Editions Raisons d'agir , Paris, 1996). La répétition ici remplace la démonstration.

C/ Une tierce physionomie à la réflexivité des médias :

Une autre époque de réflexivité a vu le jour courant 19961997. Et c’est sur celle-ci que nous nous focaliserons plus particulièrement.

Si cette nouvelle ère voit le jour, ses conditions d’apparition sont bien moins réjouissantes que précédemment. On est ici bien loin des émissions d’autocélébration… Dans les années 19801990, on constate une multiplication d’erreurs dans le traitement de l’information par les médias (Guerre du Golfe, affaire d’Outreau, charniers de Timioara (décembre 1989, lors de la chute du régime Ceauescu), affaire Grégory (et la violation du secret de l’instruction), minimisations du nombre de grévistes aux mouvements sociaux de 1995, …). En parallèle, la médiatisation de plus en plus importante de la société française déclenche chez les citoyens une évidente demande de transparence visàvis des médias qui sont de plus en plus analysés.

Patrick Pépin (journaliste, exmédiateur de Radio France, Médiamorphoses n°18, octobre 2006, « Les médias observés ») : « dans les sociétés développées, l’hypermédiatisation de toute l’activité humaine, la multiplication des supports matériels ou virtuels qui transmettent de l’information, le considérable marché économique et financier qui s’est constitué autour des médias, a généré un regard critique du public à l’endroit de la production éditoriale et, à fortiori, à l’endroit de celle qui est porteuse des valeurs de citoyenneté. ».

10

A Patrick Champagne (sociologue du Centre de sociologie européenne et membre d’ Acrimed) , dans le même article, de confirmer : « aujourd’hui, les citoyens ont décidé de s’inviter durablement dans tout le processus d’élaboration de la représentation du monde que proposent les médias. (…) Deux raisons principales expliquent cette nouvelle donne : une meilleure connaissance collective des médias (…) et le développement de la toile qui permet à un nombre accru de citoyens de se constituer par bribes et parfois en profondeur, une lecture plus personnelle d’un phénomène d’actualité, quand elle ne lui permet pas d’intervenir directement chez le producteur lui-même. »

Dans la deuxième moitié des années 90, vers 1996, 1997, une critique radicale des médias se met en place : citoyens, critiques, chercheurs et professionnels commencent à réfléchir à la manière dont le corps journalistique, resté jusqu’ici « inexaminé » malgré ses graves manquements, pourrait avoir à répondre de ses actions. Contrairement à de nombreux autres corps de métiers, il n’existe pas d’instance apte à émettre un jugement pouvant être suivi de sanctions dans cette corporation journalistique, il n’était donc pas inutile en ces temps de doutes d’initier une réflexion.

Deux ouvrages seront considérés comme « coups de tonnerre » dans le ciel médiatique français : « Sur la télévision » (Editions Raisons d’Agir – 1996) de Pierre Bourdieu et « Les nouveaux chiens de garde » de Serge Halimi (Editions Raisons d’Agir – 1997) ; le succès de leurs ventes s’imposera de luimême, avec ou sans promotion médiatique. Dans cette atmosphère tendue, c’est le lancement d’une des premières émissions de décryptage du PAF : « Arrêt sur images ». Plusieurs interprétations sont énonciables, et il ne nous appartient pas de trancher normativement.

III. A QUELLES PROBLEMATIQUES OBEISSENT CES EMISSIONS ?

a. « ELLES CORRESPONDENT A LA MISE EN PLACE D’UN MARKETING DE L’EXCELLENCE PROFESSIONNELLE » : face à cette crise de confiance de la part des citoyens, une communication de crise se devait d’être mise en place par les divers médias. Il fallait au plus vite proposer un lieu d’analyse de ces erreurs journalistiques au sein même des médias, pour ne pas perdre le contrôle de ces débats. « L’idée pour les médias dominants est d’intégrer la critique pour la digérer, et ensuite la reformater dans une version plus acceptable. » (Grégory Rzepski, ingénieur, coanimateur, chercheur et militant d’ Acrimed , vient de publier aux Editions Syllepse « Tous les médias sont-ils de droite ? »).

L’objectif évident des chaînes était alors de mettre en place un « marketing de l’excellence professionnelle » (concept développé par le sociologue Patrick Champagne) dont l’objectif était de regagner la confiance des consommateurs, des téléspectateurs donc. Assez rapidement, la légitimation de cette récupération de la critique par le corps journalistique luimême fut permise par la présence de spécialistes, tels Pierre Bourdieu, éminent sociologue de la question. Mais derrière cette invitation se serait caché un autre objectif pour : construire sa propre identité. Grégory Rzepski (Acrimed ) : « au début, Schneidermann répond à Pierre Bourdieu et se sert des oppositions qui naissent de leurs échanges pour construire son personnage de « journaliste-critique-des-médias ». Il veut se

11

distinguer en lui reprochant ses excès, sa posture de savant extérieur aux médias. C’est une critique surplombante. Pour lui il n’est pas légitime ; pour bien critiquer les médias il faudrait selon lui les pratiquer de l’intérieur. C’est de la critique interne. Selon Schneidermann : « Acrimed ou Bourdieu ne se colletinent pas la réalité des médias ! » ».

Dans Libération , du 22 avril 2008, le journaliste Edouard Launet évoquait lui aussi cette éternelle querelle chercheurs/journalistes : « Muhlmann [journaliste en charge de la matinale du WE sur France Inter ] et Demorand [journaliste en charge de la matinale de la semaine sur France Inter ] n’entendent pas remettre en cause le système, seulement exploiter les marges de manœuvre existantes pour l’améliorer. Cette ambition circonscrite est dénoncée par la critique Bourdieusienne des médias, d’Acrimed, à PLPL, Henri Maler [Maître de conférences à l’Université de Paris VIII coanimateur d’ Acrimed ], à Pierre Carles [journaliste, réalisateur et membre fondateur du journal Pour Lire Pas Lu (PLPL) ], lesquels n’y voient – en substance – qu’un nouveau conformisme de jeunes gens bien élevés aux convictions floues, gens de petites réseaux aux grandes ambitions personnelles. Ces attaques exaspèrent Demorand « Moi, j’ai les mains dans le cambouis tous les jours, j’analyse les pratiques de l’intérieur. Eux font de l’idéologie. Où sont leurs grandes enquêtes, qui nous laisseraient scotchés ? » » b. « C’EST UN POUVOIR A MEDIATISER COMME LES AUTRES » : Un des protagonistes du débat, Daniel Schneidermann, propose quant à lui une toute autre analyse : pour lui ce quatrième pouvoir mérite tout autant que les trois premiers d’être observé, analysé : « on ne voit pas bien pourquoi le pouvoir exécutif, le législatif, le judiciaire, le pouvoir économique seraient justiciables d’un traitement médiatique, et pourquoi le pouvoir médiatique seul ne le serait pas . [Il faut] considérer le pouvoir médiatique comme objet de journalisme. » Il s’agit donc de faire preuve de la même rigueur journalistique pour ce domaine que pour un autre : « le journaliste qui s’occupe de médias fait le même travail que celui qui est chargé de la rubrique justice, économie ou politique de son journal . », affirme la journaliste de France Inter et iTélé Colombe Schneck (et ancienne chroniqueuse d’ « Arrêt sur images »). c. « ELLES PERMETTENT NARCISSISME ET CORPORATISME » : Enguérand Renault ( ) : « Pourquoi ce genre d’émissions se multiplient-elles ? Parce que les narcissiques adorent parler d’eux-mêmes ! » Voici un autre argument qui permet de trouver un sens à la multiplication de ces émissions ; c’est cette une fascination des journalistes pour eux mêmes ; à Grégory Rzepski (Acrimed ) d’ajouter : « Il y a une fascination des journalistes pour les médias et le journalisme en tant que tel ; c’est sociologiquement leur univers. Ils retrouvent leurs propres préoccupations dans le travail qu’ils font sur les médias. Il se dégage clairement une sympathie pour les journalistes concernés par leurs sujets d’enquête ». Concernant par exemple la manière de traiter les grèves déclenchées par la crise du quotidien « Le Monde », il ajoute : « Comparez le Monde et n’importe quelle autre grève, c’est hallucinant. Le nombre de journalistes qui se mobilisent est impressionnant et dans le traitement de l’information, on ne retrouve pas les poncifs actuels qui sont véhiculés sur les grèves dans les autres secteurs. Il y a un grave problème de distorsion quantitative et qualitative et une stigmatisation des grévistes. La sympathie des journalistes entre eux fait ressortir la morgue et le mépris dont ils font preuve envers les autres grévistes. ».

12

En ce cas, ces émissions peuvent être justification à parler de soi… Métaphoriquement, on peut relier ce phénomène à une « mise en miroir », concept longuement analysé par Nabil Aliouane (enseignant de l’université Paul Verlaine, Metz). Pierre Beylot (professeur de cinéma et d'audiovisuel de l’université Nancy II) renforce cette idée en ajoutant : « on est face au narcissisme d’une télévision qui aime à s’autocélébrer » d. « ELLES NOUS DEMARQUENT DE LA CONCURRENCE » : Pour se différencier des autres médias, il faut créer sa propre autopromotion. Le risque de ces émissions de réflexivité est de voir cellesci se faire piéger dans les luttes concurrentielles entre médias, lorsqu’elles ne sombrent pas dans le pur nombrilisme professionnel. « Plus profondément ces émissions répondent au souci de valoriser l’image de la chaîne qui les diffuse » selon Pierre Beylot (professeur de cinéma et d'audiovisuel de l’université Nancy II). Il ajoute : « A partir de la fin des années 70, la concurrence accrue entre les chaînes provoque le développement d’un discours auto-promotionnel toujours très présent aujourd’hui ». e. « ELLES SONT ESSENTIELLES POUR DENONCER LA DOMINATION DE LA COMMUNICATION SUR LES MEDIAS » : L’introduction généralisée de la Communication dans la relation journalistes/information pourrait également démystifier l’avènement de ces émissions qui se veulent aussi dénonciatrice (dans une certaine mesure) de la perte de transparence dans la fabrication de l’information. Manière de ne pas baisser les bras, face à la généralisation d’un journalisme « médiocre » de réécriture de communiqués de presse. Les émissions média auraient pour mission de dénoncer cette main mise de la Com’ sur l’Info. Mais devant la multiplication de grands groupes industrialomédiatiques, on peut se questionner sur l’avenir de l’indépendance de la presse… « Comment le professionnel de l’information a-t-il pu imaginer qu’un industriel allait acheter un moyen d’influence tout en s’interdisant de peser sur son orientation ? » concluait Serge Halimi (journaliste, auteur des « Nouveaux chiens de garde », 1997, actualisé en 2005) f. « LEUR COUT DE PRODUCTION EST FAIBLE » : Comme le confirme Fabrice Almeida (historien spécialiste des médias) au magazine Stratégies le 20/12/07 « Elles ne coûtent pas cher à produire ». Pourquoi ? Selon Emmanuel Maubert (rédacteur en chef de JeanMarc Morandini à Europe 1 ) « les chroniqueurs ne sont pas payés ». Ce qui n’est pas une généralité… g. « ELLES SONT VECTEURS D’INFORMATION/D’EDUCATION » : il s’agirait également d’informer le citoyen des révolutions que les instances médiatiques traversent. Pour Fabrice Almeida (historien spécialiste des médias), « même si c’est illusoire, le public aimerait se sentir autonome vis-à-vis des médias ». Il faut sans cesse expliquer, révéler, aider les citoyens à mieux comprendre le monde des médias, qui est de plus en plus présent dans la sphère privée. « Le grand public est plus informé, moins dupe, et veut savoir ce qui se passe dans les cuisines ». (Emmanuel Maubert, rédacteur en chef de JeanMarc Morandini à Europe 1 ). Il poursuit : « on essaye juste de donner des clés au public ». Daniel Schneidermann, concernant son émission « Arrêt sur images », désormais diffusée sur Internet, déclarait dans un entretien à Pierre Beylot (dans Champs visuels n°9 de mars 1998): « A la base de l’émission, il

13

y a la conviction que l’image est un formidable gisement de pédagogie, comme l’écriture. Lire des images de télé, cela s’apprend. L’œil s’éduque. C’est cela que nous voulons montrer sans entrer nous-mêmes dans l’exercice. Notre but est de tirer le début du bout de ficelle… »

h. « ELLES PROPOSENT UNE PRISE DE DISTANCE » : Pour André Offner (pigiste de Nice Matin ), « dans une chronique sur les médias, il est plus aisé de prendre du recul. C’est plus facile que de traiter un évènement à chaud, car on a beaucoup plus de temps qu’un journaliste terrain, qu’un journaliste d’information. » Les bouleversements récents liés au cataclysme « Internet » ont accéléré le processus de publication des journalistes. Une des conséquences principales est le rapprochement des sources et des journalistes : le journalisme collaboratif, appelé aussi web citoyen est probablement l’avenir du journalisme. Une autre répercussion à cela est la rapidité avec laquelle les informations sont relayées en quelques secondes à travers le monde. Le temps de l’introspection, de la prise de recul n’est plus toujours possible pour les journalistes. Et c’est un malaise exprimé par nombre de professionnels. Colombe Schneck (France Inter / iTélé ) dans Médiamorphoses n°: « Je rêverais d’un New Yorker français. Un magazine qui laisse les journalistes préparer leurs articles pendant des mois ». Paul Amar (journaliste, présente Revu et corrigé sur France 5 ) confirme : c’est « l’occasion de porter un regard distancié sur des images ou des informations ingurgitées parfois sans recul. Cela nous permet aussi de réfléchir à voix haute sur notre métier de journaliste ». Pour Geneviève JacquinotDelaunay (professeure de l'Université Paris VIII et chercheuse au CNRS ) : cela donne le prétexte à « revenir sur ce qui questionne le métier [de journaliste], à savoir leur responsabilité de producteur de l’information (…). Dans ce regard réflexif se lit beaucoup la fragilité d’une profession – fragilité identitaire (…) mais actuellement accentuée – face (…) aux métamorphoses des médias et aux modifications que cela entraîne dans la relation tant aux sources d’information qu’aux publics et aux conditions de travail des journalistes. »

C’est peutêtre la volonté de proposer « un regard critique de la télévision sur elle-même qui témoigne d’un effort des acteurs de la télévision pour penser leur propre pratique et inciterait le téléspectateur à adopter lui-même une distance critique par rapport aux programmes qui lui sont proposés ? Autrement dit, lorsque la télévision multiplie ces effets réflexifs, s’agit-il de se réfléchir elle-même ou de réfléchir sur elle-même ? » (Pierre Beylot, professeur de cinéma et d'audiovisuel de l’université Nancy II dans Champs visuels n°9 de mars 1998)

IV. LES OBSERVATOIRES

Le journaliste Laurent Larcher (chef de rubrique du service culture et médias du journal La Croix ), constate cette absence de contrôle dans la profession : « Il n’y a pas de lieu ou l’on réfléchit sur notre pratique. Il n’y a pas de conseil de l’ordre. Effectivement nous faisons des erreurs, quelquefois certains d’entre nous truquent, parfois de fausses informations sont véhiculées, ou alors pas vérifiées. Il y a la tentation de vouloir être les gardiens du temple d’un journalisme idéal… ».

14

De nombreux professionnels font écho de ce constat, et en parallèle de ces stratégies de mise en place d’émissions de mise en abyme, s’organisent petit à petit des associations et observatoires des médias, cette autocritique interne aux médias faisant de nombreux sceptiques.

Dorénavant, la puissance de diffusion d’Internet met en péril celle de la presse écrite. Les associations de critique des médias (entre autres) se sont emparées de ce nouveau médium qui permet, avec peu de moyens économiques, tout en utilisant les compétences de salariés ou bénévoles militants, de briser le monopole de diffusion des journalistes.

• ACRIMED = ActionCritiqueMédias. Cette association de critique radicale des médias est née du mouvement social de 1995, suite à l’Appel à la solidarité avec les grévistes. Depuis 1996, cette structure, pour remplir les prérogatives d’observatoire des médias, se considère comme une associationcarrefour. Elle rassemble chercheurs et universitaires, journalistes et salariés des médias, acteurs du mouvement social et « usagers » des médias. Elle a pour objectif de mettre en lien savoirs professionnels, savoirs théoriques et savoirs militants au service d’une critique indépendante, radicale et intransigeante. Leur critique est très informée : leur réseau d’information est important et de qualité.

• L’observatoire des médias , créé le 24 septembre 2003 à Paris, est affilié à l’Observatoire international des médias , lancé au Forum social de Porto Alegre en janvier 2002. L’Observatoire international des médias a été crée selon l’idée que les médias n’assuraient plus leur rôle de contrepouvoir : le système médiatique étant à la fois acteur (par la concentration croissante qui le caractérise) et vecteur de la mondialisation néolibérale. Plusieurs observatoires nationaux des médias sont en cours de constitution aujourd’hui. L’Observatoire français entend protéger la société, à l’instar de ses congénères des autres pays, manipulations, « contre les abus, bidonnages, mensonges et campagnes d’intoxication des grands médias - qui cumulent puissance économique et hégémonie idéologique -, défendre l’information comme bien public et revendiquer le droit de savoir des citoyens » (source : site de l’observatoire français des médias : http://www.observatoiremedias.info))

• Les Entretiens de l'information : apparaissent en août 2001. Ces rendezvous proposent de mettre en lien des journalistes, des syndicalistes, des médiateurs, des éditeurs, des représentants d'entreprises de médias, des responsables d'école de journalisme, des représentants d'associations ou de mouvements, des avocats, des magistrats, des chercheurs et des universitaires. Leur objectif est de faire que s'organise dans la société un débat public régulier concernant les modalités du traitement de l'information et les moyens pour l'améliorer . Ils constituent une sorte de vigie, de plaque sensible, qui va exprimer les principales difficultés apparues durant l'année. Leur contenu fait désormais l'objet d'une publication (source : site des Entretiens de l’information : http://entretiens.zeblog.com/). Désormais le fruit de ces débats est publié au sein des « Cahiers du journalisme ».

En 2006, sous l’impulsion de la revue Médiamorphoses , trois spécialistes du champ médiatique, vont déchiffrer l’importance de ces observatoires. En voici les principaux extraits :

15

Médiamorphoses : Les médias ont-ils besoin d’être observés et si oui, par qui ? (…) Où, quand et comment procéder à ces observations ? Peut-on observer sans juger ?

Patrick Pépin : « Les observatoires des médias, qui allient chercheurs et militants concernés, font partie de cette catégorie et sont perçus bien souvent comme des « intrus » dans l’univers de ceux qui ont délivré, sans contrôle social jusqu’à ce jour, une parole verticale et peu contestée. Et si l’on considère que l’information est avant toute chose une « denrée » qui doit produire plus de citoyenneté, plus de maturité démocratique, il n’y a aucune raison, qu’au prétexte de son absolue liberté (…) elle ne soit pas soumise à une observation critique de ses pratiques (…). Partant de là, les observatoires des médias sont non seulement nécessaires, mais indispensables à une bonne pratique démocratique et à une progression de l’offre éditoriale sur ce que l’on pourrait appeler la « grande information », celle qui participe du politique. (…) Un observatoire des médias utile et crédible ne peut tirer sa légitimité que d’une participation croisée de ces trois composantes : le journalisme, le citoyen et l’expert. (…) « Légitimité et Légalité ». (…) A l’égal de la fonction de médiateur de presse, les observatoires des médias doivent être une instance de veille, d’alerte, de dénonciation – non pas des hommes mais des dérives – sans pouvoir de sanction ni de coercition. Ni juge ni surveillant mais plutôt vigie. (…) L’objet est de (…) renforcer le rôle des citoyens dans les prises de décision politique. (…) Seul le travail social est capable de trouver les méthodes et les outils pour combattre efficacement les dérives capitalistiques des médias et l’impuissance historique des journalistes à accepter la critique sur leur propre travail.(…) Il semble bien qu’il ne faille pas un observatoire central (…) mais des observatoires qui multiplient les regards, qui soient eux aussi, à leur tour, facteurs de pluralité de point de vue (…). Les observatoires sont là pour constater, arguments élaborés en main, pour émettre des avis, pour organiser dans l’espace public, aux côtés des journalistes, le débat nécessaire sur l’accomplissement des seules tâches réelles des journalistes : faire avancer la démocratie et rendre des services. »

Patrick Champagne : « Publier est un acte objectivement politique et, à ce titre, suscite un légitime débat : publier, c’est mettre en circulation une certaine représentation du monde, et par là, vouloir contribuer à l’imposer. Cette lutte porte sur différents aspects et niveaux. Elle concerne bien sûr l’exactitude proprement factuelle des informations publiées (…) mais aussi la sélection des informations (…) et plus fondamentalement encore la hiérarchisation des informations. (…) Donc l’information se construit de manière contradictoire dans une lutte plus ou moins ouverte, entre conceptions et représentations de la « bonne » information. »

Jean-Marie Charon : « Dans un tel contexte, il n’est d’autre réponse aux questions posées par le traitement de l’information que de revenir sur les conditions d’une restauration et d’un renforcement de la responsabilité journalistique (…). Celle-ci est la seule garantie possible pour une activité qui expose par nature à l’urgence et au caractère inattendu ou inusité des situations à traiter ».

Le corps journalistique marque, de manière générale, une opposition féroce à la critique extérieure. Ils préfèreraient à celleci l’autoanalyse…

Ce que semble confirmer Jean-Marie Charon : « notre histoire de la réflexion déontologique est marquée par la prétention des journalistes à être les seuls analystes et juges de leur propre pratique (charte de 1918 : « un journaliste… ne reconnaît que la juridiction de ses pairs souveraine… »). (…)

16

Aujourd’hui, le nombre de journalistes (…) et certains syndicats continuent de penser que l’éthique et la déontologie sont de leur seul ressort. ».

Patrick Pépin : « le journalisme est une des rares professions à ne pas produire de pensée sur leur pratique. (…) ils ont abandonné, aux autres, cette fonction depuis des lustres. (…) Seules les sociétés de journalistes intègrent, pour partie, cette activité critique dans leur pratique professionnelle. (…) lorsqu’elles font, elles se limitent, le plus souvent, à leur propre support . »

Patrick Champagne : « Bien des lecteurs savent la difficulté qu’il y a à faire publier un rectificatif dans leur journal ; de même, nombre de personnes mises à cause en tort dans un article ont pu constater les réticences des journaux à publier un droit de réponse. Cette attitude est en fait très générale, les journalistes ne souhaitant pas mettre en évidence leurs manquements (…). Et, chaque fois qu’un « dérapage » important des médias a conduit à poser la question de leur contrôle (Guerre du Golfe, faux charnier de Timisoara, affaire Grégory, violation du secret de l’instruction, affaire d’Outreau, etc.) ceux-ci ont manifesté, avec une belle unanimité, une forte hostilité à la mise en place de toute instance déontologique émanant de la profession elle-même, sur le modèle par exemple des « ordres professionnels » (comme c’est le cas pour les médecins ou les avocats). On sait également leurs réserves à l’égard d’une émission de télé comme « Arrêt sur images » qui pratique pourtant une critique purement journalistique du journalisme, une critique sans doute utile mais qui reste interne au journalisme en ce sens qu’elle s’interroge seulement sur les manquements à la déontologie. Les médias sont encore plus hostiles à une critique des médias extérieure à la profession comme on le voit dans les réactions plus ou moins virulentes que suscite la mise en place d’observatoire des médias. »

V. LES EMISSIONS ACTUELLES

En réponse à cette légitime crise de confiance des français envers les médias, toujours très prégnante (si on se réfère aux réguliers baromètres édités dans la presse) il était nécessaire, pour le corps journalistique, de poursuivre cette démarche d’apparente « œuvre critique ». En conséquence se sont multipliées depuis quelques années les émissions de réflexivité :

Les émissions de réflexivité en radio/télévision à forte visibilité , entre septembre 1992 et juillet 2007 :

TELEVISION :

Canal + : « +Clair » présenté par Florence Dauchez, chaque samedi à 12h35 jusqu’en juillet 2007

Canal + : depuis 1992 : « Télés dimanche » présenté par Michel Denisot, puis par MarcOlivier Fogiel en septembre 1996 avec « TV+ » puis remplacé par « +Clair » présenté par Daphné Roulier et remplacée par Florence Dauchez en 2005.

Direct 8 : « Morandini » présenté par JeanMarc Morandini, 19h20h, du lundi au vendredi, lancé en avril 2006.

17

France 5 : « Arrêt sur images » présenté par Daniel Schneidermann, chaque dimanche à 12h30 (50min), lancé en septembre 1995 i

TF1/LCI : « La vie des médias » présenté par Philippe Laroque, hebdomadaire, le weekend sur LCI : samedi 14h10 / dimanche soir 1h15 sur TF1, lancé en septembre 1999, et en avril 2005, Emmanuel Schwartzenberg est remplacé par Philippe Laroque.

TPS Star : « Telle est ma télé », le dimanche en clair à 13h30 présenté par Julie Raynaud, lancé en janvier 2004.

RADIO

BFM : septembre 2001 à mars 2003 : « Hypermédia », animé par Michel Picot.

Europe 1 : diverses interventions de JeanMarc Morandini : chronique quotidienne à 7h25, 9h dans l’édition du journal pour donner audiences télé Médiamétrie, 10h30 à 12h : journal quotidien de la télévision (lancé à la rentrée 2003)

France Culture : « Le premier pouvoir » présenté par Elisabeth Lévy, le samedi 8h10 à 9h, lancé en septembre 2005, supprimé en juillet 2006.

France Inter : « J’ai mes sources » présenté par Colombe Schneck, du lundi au vendredi de 10h à 10h30, depuis septembre 2006. Auparavant le thème des médias était traité par Ivan Levaï et Sophie Loubière chaque samedi pendant une saison (20052006) dans l’émission « Intermedia », et précédemment « Vous écoutez la télé » par MarcOlivier Fogiel chaque samedi à 11h.

RMC : Morandini « JT du petit écran » en 2003, et « On l’a vu à la télé » 20032004 par Evelyne Thomas tous les jours de 10h à 12h.

RTL : « On refait la télé » présenté par Isabelle MoriniBosc, lancé en septembre 2003 et supprimé en juin 2006, pendant deux ans à 9h puis à 14h.

Les grilles des émissions à forte visibilité de la saison 2007-2008 (hors rediffusions) :

TELEVISION Telle est ma TPS Star Mathias Gurtler En clair, dimanche, télé 13h30 +Clair Canal + Charlotte Le Gris de En clair, samedi, 12h35 la Salle Le JT des Canal + Christophe Chaque jour dans la médias Beaugrand matinale, 7 minutes Morandini Direct 8 JeanMarc TLJ à 18h50 Morandini 18

Pif Paf Paris Première Philippe Vandel Samedi, 18h Revu et Corrigé France 5 Paul Amar Samedi, 19h /rediffusé dimanche 13h15 La vie des TF1/LCI Philippe Laroque LCI : samedi, 14h10 médias TF1 : dimanche 1h15

i

Médiapolis Europe 1 Michel Field, Olivier Dimanche, 11h à 12h Duhamel L’atelier des Radio France Philippe Couve Samedi, selon situation médias Internationale géographique Médias Grand France Info Amaury de Dimanche 6h21, 7h49, Angle Rochegonde 12h19 et 13h51 Masse critique France Culture Frédéric Martel Samedi, 8h10 à 9h

INTERNET Arrêt sur arretsurimages.net Daniel Diffusé chaque lundi images Schneidermann

Auxquelles s’ajoutent les chroniques/reportages réguliers sur les médias (ex : Blog à part présenté par Alexandre Boussageon, Affaires à suivre dans les médias , présenté par Philippe Bailly sur France Inter , ou encore sur France Info les chroniques telles Info Télé proposée par Danièle Ohayon, Actuscopie animée par Denis Muzet, Le Monde est net , par David Abiker. Sur RTL : C'est sur le net par Pascale Laverton, sur Europe 1… etc.

En comptabilisant toutes les émissions et rubriques dédiées aux médias au sein du paysage audiovisuel français, en 20062007 ces programmes occupaient près de 10h hebdomadaires à la télévision et 15h30 à la radio, et en 20072008, 15h en télévision et 12h30 en radio. Ces chiffres attestent de la vitalité de ce type d’émissions.

Béatrice Donzelle, doctorante et chercheur en histoire des médias et du journalisme, viceprésidente du groupe « Jeunes chercheurs radio », déclarait dans la revue Médiamorphoses de juin 2007, que les émissions et chroniques réservées aux médias sur France Inter en 20062007 totalisaient environ 5h de programmes. Et que ces émissions « consacrées aux médias, (…) [restaient] principalement focalisées sur le territoire hexagonal ». En tout, ces émissions représentent « 2,6 % du temps d’antenne de la grille hebdomadaire de France Inter. Si leur part d’audience ne se détache pas du reste de la station, le volume d’auditeurs à l’écoute de ces émissions est supérieur à l’audience moyenne de l’ensemble de la grille. Ceci s’explique en partie par le fait que plusieurs de ces chroniques, en particulier les revues de presse, sont programmées à des heures de très grande écoute (…). C’est cette insertion dans des tranches d’information qui implique à la fois leur mode de production : un format court. (…) En revanche, 19

l’émission « J’ai mes sources », programmée à une heure d’écoute traditionnellement inférieure à la moyenne, subit une concurrence plus rude en termes de parts de marché, avec 5,1 % de parts d’audience des autres stations à la même heure (…). Malgré tout l’émission conserve un volume d’écoute pratiquement égal à la moyenne de France Inter, ce qui peut être un indice de l’intérêt que portent les auditeurs aux questions soulevées dans ce type de programme dédié aux médias.

Bernard Leconte (directeur éditorial de l’ouvrage « Images abymées : Essais sur la réflexivité iconique » collection Champs Visuels chez l’Harmattan – 2000) explique cet intérêt du public pour ces émissions de la manière suivante : « C’est en choquant que la télévision, et, conséquemment, certaines émissions critiques de la télévision, fidélisent : elles opèrent un effet de séduction sur le téléspectateur qui subit un coup de foudre, tombe amoureux de telle émission, fonctionne alors dans l’affectif, voire le passionnel. Nous sommes fort loin de l’intention radicale de Guy Debord (écrivain et cinéaste français, auteur de « La Société du spectacle » 1967) qui était, en son temps, de « nuire à la société spectaculaire ».

Remises en question qualitatives :

Certains de ces programmes sont régulièrement critiqués, mais les arguments d’opposition sont variables. Le mode choisi par certains, au lieu de la critique, est la dénonciation systématique.

Paul Amar (journaliste présentateur de « Revu et corrigé » sur France 5 ) est perçu comme peu incisif, tandis que JeanMarc Morandini (à la tête de deux émissions média : sur Direct 8 et Europe 1 ) est assimilé au voyeur du PAF.

Les animateurs de ces émissions ont été interrogés à maintes reprises dans la presse, et voici un condensé de leur vision du métier :

Positionnement surplombant

Paul Amar : « je ne suis ni un juge, ni un procureur. (…) [Mais] je ne suis pas une balance. De toute façon dans notre métier, l’objectivité n’existe pas. Dans mon émission, il n’y a pas de verdict. Nous ne formulons pas le vrai et le faux . »

A l’inverse, pour le service public radiophonique cette foisci, Colombe Schneck (sur iTélé et France Inter ) déclarait : « Je m’intéresse d’abord au pouvoir des médias. Et comme journaliste, je dois pouvoir montrer, démonter, les mécanismes en place. Dire le vrai et le faux, c’est évidemment l’honneur du journalisme. »

Légitimité

Comme le souligne Laurent Larcher (chef de rubrique du service culture et médias du journal La Croix ) « il y a quelque chose d’ambigu et de complexe dans la démarche de celui qui est chargé d’analyser le

20

travail de ses confrères ». Cela pourrait expliquer ces réponses plutôt contradictoires des journalistes média interrogés.

Légéreté

Selon le programme, le ton se fait différent : « comme pour dédramatiser, le ton se fait léger, les sujets aussi. » (Yoanna SultanR’Bibo, journaliste à Stratégies , dans son article du 20 décembre 2007)

Christophe Beaugrand (journalistechroniqueur média Canal + , anime « Le JT des médias »): « ce qu’apprécient les gens, c’est notre bonne humeur, on traite les infos de manière fun »

Dans « + Clair », une place importante est consacrée à « l’Observatoire des Séries », « Webzone » ou la « Télé des voisins » : « c’est ce cocktail entre infos sérieuses et moins sérieuses qui plaît » explique Charlotte Le Gris de la Salle (présentatrice de « + Clair » sur Canal + )

Liberté d’action

Selon Laurent Larcher ( La Croix ), beaucoup d’entre eux affirment ne pas subir de « pression d’une hiérarchie soucieuse de ses intérêts, de ses amitiés ou de ses complicités. » :

Paul Amar : (…) « je n’ai aucune pression de ma hiérarchie ». Colombe Schneck : « Ni sur France Inter, ni tu i

D’autres au contraire, avouent leur impuissance face aux priorités des groupes auxquels ils appartiennent :

Michel Field (journaliste et coanimateur de « Médiapolis » sur Europe 1 ) : « Lorsque je travaillais sur Paris Première, je ne pouvais pas critiquer des programmes produits par M6, la maison mère. Les pressions sont dictées par l’intérêt supérieur du groupe. ». Pour Elisabeth Lévy (journaliste chargée de l’animation du défunt « 1e pouvoir » sur France Culture ) : « dans la médiacratie, on se tient et on se soutient. Toucher à quelqu’un, c’est s’en prendre aux autres .»

Pour Laurent Larcher, « tant qu’il s’agit d’information people, les journalistes ont encore une forme de liberté ». Le filon développé par JeanMarc Morandini risque donc d’être exploité pour quelques temps encore.

Peuton alors parler de « censure » ? Oui, mais assez rarement directe « on vous conseille de faire autrement, de changer d’invité. Alors céder ou ne pas céder ? Il m’est arrivé de le faire une fois, je le regrette. » (Colombe Schneck). Elle continue : « Plus j’avance, plus je me dis que l’indépendance des journalistes dépend d’abord de chacun. Il y a bien plus d’autonomie que de contrôle. (…) La théorie du complot ne tient pas. (…) Mais en revanche il y a des journalistes qui ont tendance à s’autocensurer. »

21

Autocensure

A moins que cette forme d’autoréprobation ne soit inconsciente pour de nombreux journalistes… ? Pour François Ruffin (auteur des « Petits soldats sur journalisme », éditions Les Arènes 2003), le problème trouverait ses origines au sein même des instances de formation de la pensée journalistique : selon lui, le système des Ecoles de Journalisme « fabrique des journalistes-techniciens à même de produire une information-marchandise qui alimente l’industrie de la presse ». Il y cite la parole des directeurs encourageant les étudiants à ne pas réfléchir, et raconte de l’intérieur comment on devient « un gratte-papier obéissant », « habitué à produire du vide ». Pensée unique, préformatée… la censure ne viendrait donc pas forcément des cimes du pouvoir.

Grégory Rzepski (auteur de « Tous les médias sont-ils de droite ?» aux éditions Syllepse , et chercheur d’ Acrimed ) expose quant a lui une double analyse : « L’emprise du pouvoir politique est encore très forte sur les médias. Pendant des années prévalait, dans l’audiovisuel, le contrôle politique, avec un ORTF aux ordres, totalement contrôlé. Aujourd’hui ce qui importe c’est bien plus le pouvoir économique, sous l’emprise de grands groupes industriels comme Bouygues, Lagardère, Vivendi, ou des grands groupes mondiaux de communication… Ils dominent les médias en général, publics ou privés. Il reste une partie des grands médias qui sont contrôlés par la puissance publique, et dans ce cadre là aussi, il y a encore des interventions. Cela ne signifie pas que chaque jour Mr Schlesinger (présidentdirecteur de France Inter) reçoit un appel de la ministre de l’information qui lui dicte le sommaire du journal de 8h sur France Inter, non. Cela existait à une certaine époque, maintenant c’est bien plus insidieux, subtil : on nomme à la tête des radios comme France Inter des personnes qui seront totalement ajustés aux attentes du pouvoir, et qui, de toute façon devanceront les exigences de celui-ci. C’est pareil dans les médias privés. Laurent Joffrin, directeur de Libération, ne reçoit pas un coup de fil quotidien de Rothschild (1 er actionnaire du journal Libération ). Il est parfaitement ajusté aux attentes, c’est pour ça qu’il a été choisi. Olivennes, qui vient d’être nommé patron du Nouvel Obs, c’est tout à fait pareil. C’est quelqu’un qui incarne la ligne éditoriale du patron Perdriel. Il y a donc une conformité sociologique, idéologique, qui de toute façon dispense les propriétaires, publics ou privés, de toute intervention directe. En confiant la tranche « médias » à quelqu’un comme Colombe Schneck par exemple, au vu de son parcours, cette journaliste n’allait pas faire « n’importe quoi ». Si subversive son émission pouvait-elle être, il serait question d’une subversion assez relative. Nous avons la même situation pour France Télévisions avec Schneidermann, remplacé par Paul Amar, qui est vraiment un journaliste complètement conforme aux hiérarchies politiques et éditoriales. »

Les censures seraientelles donc intrinsèques aux médias … ?

22

Analyses de l’émission : « J’ai mes sources », animée par Colombe Schneck

VI. FRANCE INTER ET LES EMISSIONS CONSACREES AUX MEDIAS

En 20062007, la chaîne généraliste du service public consacre « 8 émissions (…) essentiellement (…) aux médias : 5 revues de presse, 2 chroniques dédiées au Net, et une quotidienne de 30 minutes qui se penche sur le traitement de l’information dans ses différents supports. Ces émissions s’insèrent dans la cohérence de la grille des programmes de la station. » selon Béatrice Donzelle, chercheuse en radio.

Elle ajoute : « France Inter, comme toute entreprise audiovisuelle, est soumise à la Loi relative à la liberté de la communication qui impose ses missions aux sociétés de service public (Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée le 31 mars 2006).

Les émissions de France Inter consacrées aux médias répondent toutes aux uns ou aux autres de ces principes. En outre, les sociétés de service public sont également tenues de respecter un cahier des charges. Celui de Radio France assigne à France Inter, sa chaîne généraliste, une vocation « d’information, de distraction et de culture », ainsi que l’obligation de diffuser « chaque jour et de manière régulière des revues de presse » (décret du 13 novembre 1987, article 26) »

Au total ces émissions occupent environ 5 heures d’antenne par semaine, « ce qui représente 2,6% du temps d’antenne de la grille hebdomadaire de France Inter . (…) Elles sont animées par des journalistes, par des professionnels de l’information, (…) leur durée allant de 4 à 12 minutes. Seule l’émission « J’ai mes sources », dépendant de la direction des programmes, sort de ce cadre. Colombe Schneck, la journaliste qui l’anime, a d’ailleurs, contrairement aux présentateurs des autres programmes voués aux médias, le statut de productrice, ses confrères arborant eux le titre de chroniqueurs. On peut ainsi considérer que cette émission s’inscrit dans la vocation démocratique et citoyenne du service public audiovisuel, et qu’elle concourt à « l’éducation à l’audiovisuel et aux médias ».

VII. L’EMISSION « J’AI MES SOURCES » DE COLOMBE SCHNECK

Emission apparue sur les ondes de France Inter le 3 septembre 2006, et diffusée de 10h à 10h30 du lundi au vendredi.

A/ Parcours de la journaliste-productrice de l’émission :

A travers de nombreux articles, la presse relate les faits d’arme de la journaliste :

Dans le journal Nice Matin , le 28 octobre 2006, André Offner : « Colombe a toujours voulu être journaliste. (…) A dix-huit ans, elle fait la baby-sitter cher Philippe Labro, alors directeur de RTL, qui lui propose un stage de trois mois. Révélation de l’univers sonore de la radio, bien avant celui de l’image et, comme elle apprend vite, on lui confie des reportages, parfois le micro.» Elle

23

obtient ensuite une « maîtrise en droit public à Paris II et un diplôme de Sciences Po à l’IEP », puis « file à New York (…) pendant trois ans (…) comme correspondante free lance pour le Monde, Le Point, Télérama. »,

Dans l’entretien entre Colombe Schneck et Serge Guérin de juin 2007, dans la revue Médiamorphoses n°20) : « J’ai commencé à travailler (…) à New York, dans les années 1992. C’était alors une période marquée par les débuts du Net et l’explosion du câble et du satellite. (…) J’avais toujours été intéressée par les médias, mais là j’avais le sentiment d’assister à leur prise de pouvoir, à des changements économiques incroyables. (…) j’ai réalisé beaucoup de papiers, comme correspondante pigiste pour des titres français, (…) sur les nouveaux acteurs et les changements de stratégies des groupes.

Quand elle revient de New York : « elle s’entend répondre, comme de nombreux journalistes débutants, qu’il n’y a pas de place pour elle : « « Tu ne sais pas écrire ». J’ai tellement entendu cette phrase que je me suis intéressée à la télévision. » (Yves Harté, Médias n°14, automne 2007)

A mon retour à Paris fin 1994, (…) Alain Rémond, alors à Télérama, m’a conseillé d’aller voir Daniel Schneidermann (…). (…) Durant quatre années j’ai participé à l’émission en multipliant les reportages sur le fonctionnement des médias. C’était une époque passionnante et où l’on pouvait montrer beaucoup de choses et développer des angles originaux pour faire percevoir les modes de fonctionnement de la télévision. » (entretien entre Colombe Schneck et Serge Guérin, juin 2007, Médiamorphoses n°20)

« [Arrêt sur images] fut pendant quatre ans la rencontre télégénique entre une jeune française peu affirmée et l’émission la plus pointue de carottage des journaux. « « Arrêt sur images » a été pour moi la matrice de mon histoire professionnelle et surtout m’a permis de comprendre ce qu’était la télévision : beaucoup d’adrénaline et le plaisir narcissique de savoir que l’on apparaît» (Yves Harté, Médias n°14, automne 2007)

Elle continue l’aventure d’ « Arrêt sur images » jusqu’en 1999 où elle passe à Canal +, et depuis 2001, sur i

Un jour, elle est « invitée pour parler de son premier livre dans l’émission de Stéphane Bern. [Celui-ci], bluffé par le naturel de la romancière, lui demande alors de tenir une chronique dans son émission. » (Yves Harté, Médias n°14, automne 2007)

B / Elément déclencheur à l’origine de l’émission :

Frédéric Schlesinger (directeur délégué de France Inter ) : « J’ai tout de suite adoré ce personnage atypique. Je l’ai entendue par hasard chez Stéphane Bern et l’ai engagée par conviction dans une grille que je voulais aménager. J’ai tout de suite compris que ce joli petit minois transmettait beaucoup plus d’émotion qu’on en pouvait imaginer quand on la voyait. »

24

C/ Objectifs de l’émission :

Colombe Schneck : « Pour moi, il s’agit de montrer comment fonctionne l’information, de comprendre les raisons d’un choix de Une, d’expliquer les réseaux qui permettent de produire l’information. (…) décrire et (…) faire comprendre la révolution qui se déroule sous nos yeux avec l’apparition du Web, des forums, des blogs, etc. (…) Ce qui est intéressant aussi c’est de faire intervenir des gens passionnés, des personnes aux parcours décalés. » (entretien entre Colombe Schneck et Serge Guérin, juin 2007, Médiamorphoses n°20)

Patrick Fournier (Télé Obs ): « elle « ausculte » chaque matin les médias », « la journaliste explique à ses auditeurs une révolution qui ne fait que commencer », « « dans ce bouleversement généralisé, qu’est-ce qui va changer dans notre (…) rapport au monde ? C’est la seule question qui m’intéresse » (Colombe Schneck) », « « Le monde de la télé ne sera pas épargné (…) trop d’émissions de radio lui cirent les pompes » ». (Télé Obs , le 21 septembre 2006)

« On suit l'actualité mais ça n'a rien à voir avec ce que fait Jean-Marc Morandini (…) Il vit par la télé et moi ça n'a rien à voir. Et puis, on parle aussi beaucoup de la presse écrite, la radio, l'internet. Chez nous, la télévision, ça ne veut pas dire grand chose : il y a une telle révolution numérique que toutes les questions autour des médias sont posées (les droits d'auteur, l'économie du cinéma et de l'édition, du livre, de la presse…) » (iMédias , le 19 mars 2007, Julien Mielcarek)

« Les mécanismes des relations de pouvoir entre journalistes et médias sont plus complexes qu’on ne le pense. Il faut (…) faire intervenir les gens capables d’expliciter leurs choix, de montrer la difficulté des décisions, l’imbrication des enjeux. C’est aussi pourquoi je tiens à avoir de nombreux chroniqueurs avec moi. Par exemple, dans « J’ai mes sources » (…) plus d’une dizaine de spécialistes viennent régulièrement donner leur point de vue » (entretien entre Colombe Schneck et Serge Guérin, juin 2007, Médiamorphoses n°20)

Page de présentation du site de l’émission en 2007-2008 : www.radiofrance.fr/franceinter/em/jaimessources/pres.php Présenté par Colombe Schneck du lundi au vendredi de 9h35 à 10h Les médias, tous les médias, rien que les médias. Vaste programme : loin de se cantonner à la seule télévision, Colombe scrute les lois, les enjeux, les personnalités d’un domaine qui nous concerne tous, dans notre quotidien et dans notre rapport au monde. Télévision, radio, presse, mais aussi Internet, téléchargement, blogs, technologies de l’information : un monde complexe face auquel Colombe Schneck sait garder la tête froide et l’esprit clair. Le fait marquant du jour avec un invité, des reportages d’Elsa Boublil et avec des chroniqueurs expérimentés et incontestables.

A propos de la nouvelle saison 2007-2008 :

25

Mathias Chaillot (imédias, 31 août 2007) : « On n'échappe pas aux phénomènes de mode, même dans le service public : on y parlera peopolisation, décryptage télé ou communication politique . »

Tarif Média.com , 31 août 2007, à propos de « J’ai mes sources » nouvelle saison : « À 9h30, après "Esprit critique", la page culturelle du matin, Colombe Schneck présentera "J'ai mes sources". Cette saison, la journaliste s'attardera sur le pouvoir politique et économique des médias et décryptera la communication des personnalités politiques. »

Le zapping du PAF.com , 31 août 2008 : « Colombe Schneck prendra ensuite le relais à 9h30. La journaliste proposera un rendez-vous pour comprendre comment se construit derrière l'écran l'information. Cette saison, l'émission ira plus sur l'enquête et l'investigation comme par exemple enquêter sur comment le Président de la République gère son image . »

Journal du Dimanche , 2 septembre 2007, Jonathan BouchetPetersen, « un « Arrêt sur images » radiophonique »

D/ Analyse personnelle de Colombe Schneck

« Il y a dix ans, lors de mes débuts à « Arrêt sur images », je me faisais insulter par beaucoup de journalistes. Aujourd’hui j’ai dépassé tout ça. Je me sens tout à fait légitime pour parler des médias » ( Yoanna SultanR’Bibo, Stratégies, 20 décembre 2007)

Colombe Schneck, affirme qu’il est possible de garder son indépendance : « Pas d’amis dans le secteur, pas de dîner en ville, pas d’acceptation à déjeuner… On peut très bien faire ce métier en gardant une distance... : le téléphone et les e-mails permettent beaucoup de choses ! » (entretien entre Colombe Schneck et Serge Guérin, juin 2007, Médiamorphoses n°20)

Sur le forum du Nouvel Obs.com , le 10 avril 2007, à la question d’un internaute : « Vous travaillez sur i>Télé, groupe Canal+, groupe Vivendi. Vous êtes donc en plein dans la cible des médias dont les actionnaires sont liés à l´Etat. Cela ne vous gêne-t-il pas en tant que journaliste ? Cela ne vous pose-t-il pas un problème supplémentaire en tant que journaliste médias ? Et sur l´honneur, avez-vous déjà subi des pressions ? Non, cela ne me gêne pas. Oui, je peux vous assurer sur l´honneur que je n´ai jamais subi de pressions »

Puis, à l’interrogation de Marianne Behar (Humanité Dimanche , 8 février 2007) « Douze ans à prendre le pouls des médias, ce n’est pas trop long ? « Tout est remis en question avec la révolution numérique. Le nombre des intervenants s’est énormément élargi. Les conséquences sont énormes, notamment sur l’économie du cinéma ou de l’édition. J’ai été contactée par France Inter pour présenter une émission sur la télévision. Mais cela ne m’intéressait pas de me limiter à la télévision, car la télévision, ça ne veut plus rien dire aujourd’hui. »

Julien Mielcarek (imédias , le 19 mars 2007) : « Est-ce difficile de parler médias quand on est au sein d'un grand groupe ? Au début de la saison, certains critiquaient le fait que vous receviez les patrons des autres radios « Je continue de le faire. La rédaction de France Inter était assez réticente quand j'ai reçu le patron de RTL ou de NRJ. Je trouvais ça assez étonnant car

26

je suis journaliste et je suis l'actualité des médias dans toutes les radios. Je n'en avais pas parlé à la direction de Radio France et ça s'est bien passé. Ils m'ont d'ailleurs défendu vis à vis de la rédaction »

« En décryptant les médias chaque matin, vous pensez aussi que votre rôle est d'éduquer un peu plus les gens pour mieux consommer l'info ? « Quand je travaillais à « Arrêt sur images », il y avait une vraie dimension pédagogique. Ce serait prétentieux de ma part de dire que je vais éduquer les gens. Je me pose beaucoup de questions et j'espère que l'émission apporte des réponses. »

E/ L’équipe de « J’ai mes sources » :

Productrice : Colombe Schneck Réalisatrice : Anne Weinfield Attachée de production : Virginie Rouzic Reportage : Elsa Boublil

Chroniqueurs :

En 20062007 : • Pierre Lescure (ancien PDG de Canal+ ), • JeanLouis Missika (sociologue), • Eric Tong Cuong (président de Young et Rubicam France), • Pascal Josèphe (président d’ IMCA ), • Bruno Patino (directeur de la publication de Télérama ), • Claude Cabanes (éditorialiste et chroniqueur à l’ Humanité ), • Eric Macé (sociologue), • Carlos Gomez (journaliste au Journal du Dimanche ), • Sheily Lemon (chargée d’études pour la lettre Nota (IMCA )), • Carole Villevet (journaliste spécialisée médias), • Emmanuel Charonnat (DGA en charge des études et de la recherche chez Startcom ), • JeanFrançois Halin (auteur) • et AnneElisabeth Lemoine (journaliste).

En 20072008 : o Claude Cabanes (éditorialiste et chroniqueur à l’ Humanité ), o Bruno RogerPetit (ancien journaliste de et rédacteur en chef de l'hebdo gratuit Sport ) o Eric Macé (sociologue), o David Abiker (journaliste média sur France Info ) o Eric Naulleau (éditeur, écrivain, traducteur, chroniqueur médias sur France 2 dans « On n’est pas couché ») o JeanLouis Missika (sociologue)

27

o Philippe Bailly (Directeur de NPA Conseil) o Darkplanneur (planneur stratégique)

F/ Thématiques traitées dans les émissions (entre le 03.09.08 et le 21.04.08):

Télévision 98 Presse 39 Politique 34 Internet 28 Journalisme 22 Littérature 14 Monde 13 Médias : institution 12 Nouvelles technologies 10 Radio 9 Musique 9 Publicité 6 Groupes Médias 6 Cinéma 6

Enfants 5

Production 4

Social 2 VOD 1

Même si les thématiques de ces émissions sont corrélées les unes aux autres, conséquence notamment de la convergence numérique, il est à constater que contrairement à l’annonce faite concernant le sujet « Internet » est moins abordé que celui de la télévision. Etonnant quand on connaît les objectifs de l’émission, maintes fois répétés par Colombe Schneck.

Pour chacune des émissions, un sujet clé :

21/03/2008 >Mai 68, censure et apprentissage de la liberté, les reporters sont en direct avec leurs radiotéléphones . Le gouvernement tente de les controler comme il peut en coupant leurs lignes. Marc Alvarez était reporter à France Inter. Aujourd’hui il est rédacteur en chef de la rédaction de France Bleue Haute Normandie . Gilles Schneider était à Europe 1 à l’époque, il est aujourd’hui secrétaire général de l’information de RadioFrance ...

20/03/2008 >Le regard de trois documentaristes sur une élection municipale, celle de Paris . Dans quelles conditions ontils pu travailler ? avec quelle marge de liberté ? Yves Jeuland a réalisé un film culte " Paris à tout prix" sur la campagne municipale de 2001, filme qui est sorti en DVD Vanessa Schneider signe "Le Paris en or de Bertrand Delanoé" diffusé ce soir sur Canal Plus Serge Moati qui avait déja suivi celle ...

28

19/03/2008 >Quelle stratégie Nicolas Sakozy adopte til afin de recouvrer une image présidentielle ? Les journalistes politiques vontils suivre la com dictéee par l’Elysée ? Thierry Vedel, politologue chercheur au CEVIPOF , spécialiste en communication politique Renaud Dély, directeur adjoint de la rédaction de Marianne JeanFrançois Achilli , journaliste politique à France Inter

18/03/2008 >Selon l’institut Médiamétrie un jeune entre 15 et 24 ans sur quatre regarde désormais la télévision sur internet, le téléphone ou son ordinateur. A quoi ressemblera la télévision de demain ? Patricuia Langrand, directrice exécutive en charge des contenus chez Orange et Valéry Gerfaud, directeur général de M6 Web

17/03/2008 >Pourquoi les campagnes eéectorales ressemblentelles de plus en plus à des fictions ? Une histoire et des héros. Aujourd’hui Barack Obama. Christian Salmon auteur de l’essai " Storytelling" édité à La Découverte et David Kessler, directeur de France Culture et fan de la série "A la Maison Blanche"

14/03/2008 >Comment la télévision construit ou déconstruit les enfants . Bernatd Stiegler, philosophe, directeur du département culturel du centre Pompidou auteur de "Prendre soin de la jeunesse et des générations" Ed Flammarion et Pierre Belaisch, directeur général adjoint des chaines jeunesse de Lagardère Active .

13/03/2008 >De la difficulté d’enquêter dans les entreprises et les milieux économiques . Paul Moreira pour son documentaire " Travailler à en mourir" diffusion ce soir sur France 2 à 23h00 et Laurent Mauduit, journaliste économique et cofondateur du site Médiapart

12/03/2008 >Ces derniers temps la télévision, la presse, l’édition, multiplient les témoignages sur la seconde guerre mondiale et l’holocauste . Père Patrick Desbois pour son livre " Porteurs de mémoire" Ed Michel Lafon et son documentaire diffusé ce soir sur " La shoah par balles, l’histoire oubliée" Hervé Brusini producteur de Pieces à convictions sur France 3

11/03/2008 >Les nouvelles chaines de la TNT . Les 20 mars seront lancées sept nouvelles chaînes gratuites sur la Télévision Numérique Terrestre en Ile de France. Ce matin, J'ai Mes Sources part à la découverte de deux chaines pas comme les autres, Cinaps TV et Demain TV. Avec : Yacine Sabeg, Romain Pomédio

10/03/2008 >La Traque : Ce soir, à 20h50, Canal+ diffuse la Traque, ou le récit poignant de 12 ans du combat de Serge et Beate Klarsfeld à la poursuite de Klaus Barbie . Avec : Alexandra Deman, Serge et Beate Klarsfeld

07/03/2008 >Monsieur Neuwirth, tenez bon ! A la veille de la Journée de la Femme, France 3 rend hommage a Lucien Neuwirth qui, en 1967, a fait voter la loi autorisant la contraception. L'actualité, c'est aussi les 23e Victoires de la Musique diffusées demain soir à partir de 20h10 sur France 2 et sur France Inter. Avec : Sébastien Grall, Gilles Bressand (au téléphone)

28/02/2008 > La promotion et la distribution du cinema indépendant. Comment le cinéma indépendant peutil survivre face aux blockbusters tels que Astérix et Obélix, et ses 20 millions d'euros alloués à sa seule campagne promotionnelle? avec : Sylvain Bourmeau, Nathanaël Karmitz 29

29/02/2008 >Les nettoyeurs Ce soir, à 23h25, France 3 rend hommage à des héros de tous les jours. Une simple entreprise de nettoyage agit pour redonner leur dignité aux habitants d'une cité des quartiers nords de Marseille. Ils sont "Les Nettoyeurs". avec : Sophie Goupil, JeanMichel Papazian, François Brey et Didier Bonnet (au téléphone)

03/03/2008 >Je travaille mais je suis pauvre Kilimandjaro, au delà des limites Ce soir, à 20h50, Canal+ diffuse le documentaire "Je travaille mais je suis pauvre". Pascal Catuogno a rencontré ceux qui, alors qu'ils appartenaient à la classe dite "moyenne", ont chuté face à la société de consommation. Et vendredi soir, TF1 diffusait ... avec : Pascal Catuogno, Jérôme Caza (au téléphone)

04/03/2008 >Chez Maupassant Après le succès de la première saison, France 2 réadapte 4 oeuvres de Guy de Maupassant, et ça commence ce soir à 20h50, avec "Le Rosier de Madame Husson" et "L'ami Joseph". avec : Denis Malleval, Laurent Henneman

Ces émissions attestent de l’intérêt de « J’ai mes sources » pour les thématiques télévisuelles, mais de manière générale elles permettent la découverte d’initiatives originales, voire éducatives.

En outre, on remarquera qu’il est difficile pour les radios de résister à la prépondérance du média « roi » qu’est la télévision, et que peu d’émissions sont consacrées à une réelle mise en abyme de la radio sur ellemême. Les émissions de réflexivité en télévision, à l’inverse, ne comportent quasiment aucune thématique liée à la Radio.

G/ Les émissions préalablement annoncées dans la presse écrite/web :

• Invité de l’émission : JeanMarie Messier, exPDG de Vivendi - L’Express , 25 janvier 2007

• Semaine spéciale Bernard Pivot - Le Parisien , 3 mars 2007 - Humanité Dimanche , 8 mars 2007 - Livres Hebdo , 9 mars 2007 - Télérama , 14 mars 2007 + dans la rubrique « Microondes », le 20 mars 2007 - TéléObs , 15 mars 2007 - Le Nouvel Obs , 15 mars 2007 - Le Monde , 1819 mars 2007 - imédias , 19 mars 2007 - Le Figaro , 19 mars 2007 - Les Inrockuptibles , 20 mars 2007 - leblogtvnews.com , le 21 mars 2007

• Journée de la femme : 30

- elle.fr , 8 mars 2007

• « Le petit rapporteur » : - zappingdupaf.fr , 14 juin 2007 - La Lettre de l’audiovisuel , 15 juin 2007

• Edition spéciale des Echos réalisée par des parlementaires : - zappingdupaf.fr , 7 octobre 2007

• Invitée émission : Virginie Calmels, nouveau PDG d’Endemol - acturadio.fr , 19 octobre 2007 - La Lettre de l’audiovisuel , 22 octobre 2007 + 23 octobre 2007 - imédias , 18 octobre 2007 et 22 octobre 2007 - Satellifax , 23 octobre 2007 - Correspondance de la presse , 23 octobre 2007 - Stratégies , 23 octobre 2007

• Crise au « Monde », invités : Fottorino, Charon, Dumay - acturadio.fr , 8 janvier 2008

• Journée Mai 68 : - Télérama , rubrique « Microondes », le 21 mars 2008 - telesatellite.com , le 21 mars 2008

H/ Les polémiques nées après l’émission dans la presse :

Quand la presse s’intéresse à l’émission « J’ai mes sources », il s’agit surtout d’annoncer des évènements particulièrement originaux. Seules deux émissions ont néanmoins déclenché la polémique, une polémique parfois positive :

 Affaire du Général Lafourcade : - marianne2.fr , le 20 novembre 2007 « Enquête à charge au Rwanda, documentaire-fiction sur Canal +, émission de Colombe Schneck sur France Inter, l'Armée française est mise sur la sellette à propos de son comportement dans les années 1990. (…) Depuis quelques années, une violente polémique agite les milieux diplomatiques, humanitaires et journalistiques sur ce qui s'est passé au Rwanda(…) Le dossier est à la fois complexe et douloureux. Du côté rwandais, on accuse la France, qui était liée par des accords de coopération au régime d'Habyarimana, d'avoir soutenu les génocidaires. Le journaliste du Figaro Patrick de Saint Exupéry a donné une certaine force à ces accusations, ainsi que certaines associations humanitaires. De leur côté, d'autres journalistes comme Stephen Smith ou Pierre Péan ont réalisé des contre-enquêtes tendant à établir que l'armée française a fait du mieux qu'elle a pu pour remplir la mission de l'ONU, décidée bien tardivement, et que les intentions du gouvernement de l'époque étaient strictement humanitaires. (…) Enfin, l'enquête du juge Bruguière, publiée voici un an, a conclu à la culpabilité du président Kagame et de certains 31

de ses lieutenants dans l'attentat perpétré le 6 avril 1994 contre le président Habyarimana, attentat qui a joué un rôle de déclencheur dans le génocide ayant causé la mort de 800 000 personnes. (…) Il n'est pas question ici de trancher sur le fond d'un dossier comprenant des milliers de pages de documentation et de témoignages. Mais on peut s'étonner du peu d'impartialité manifestée à la fois par les auteurs du documentaire et par l'émission de France Inter. Il est pour le moins cavalier que les auteurs du documentaire n'aient consulté que Patrick Saint Exupéry, négligeant même (…) d'interroger le général responsable de l'opération. Il est aussi regrettable que, lors de son émission consacrée en principe à la critique des médias sur France Inter, J'ai mes sources, lundi 19 novembre, Colombe Schneck n'ait convié que les partisans d'une seule thèse, qui met en cause l'armée française : les auteurs de la fiction télé et Patrick de Saint Exupéry, sans jamais faire référence à l'enquête de Pierre Péan ni aux travaux universitaires critiquant le régime de Kagame. Il est d'ailleurs ahurissant que les auteurs du documentaire aient loué à l'antenne la largesse d'esprit de Paul Kagamé qui a certes autorisé le tournage d'un film dont il savait qu'il ne le desservirait point, mais qui, rappelons-le, écrase son peuple sous le joug de sa dictature… Encore plus ahurissant que le journaliste du Figaro Patrick de Saint Exupéry ait pu dire à l'antenne qu'il était blacklisté par les militaires français du Sirpa, le service de communication de l'armée, alors que lui-même écrivait, le 12 juillet 1994 dans le Figaro : «En mettant sur pied l'opération Turquoise, l'armée française a agi au mieux. »

 Emission sur les « nègres » des écrivains : - actualitte.com , 31 mars 2008 : (rédigé par Clément S.) « Ces nègres qui écrivent la vie des autres… Politiquement correctement, on ne dit pas nègre, mais co-auteur. C'est plus délicat et respectueux. Même si ça ne change rien. La douce Colombe Schneck, porteuse de paix et dont le sourire ravit chaque matin les auditeurs de France Inter, tant pis pour ceux qui n'ont pas la couleur sur leur poste, en noir et blanc, cela se voit aussi très bien... Ma petite Colombe, donc, a eu le bon goût de réaliser son émission J'ai mes sources sur les auteurs qui avancent cachés, tapis dans l'ombre des célébrités à qui ils prêtent leur plume : les nègres. Invités pour traiter du sujet, Éric Dumoulin, qui publie chez Robert Laffont Politiquement nègre et Jean-François Kervean, auteurs des autobiographies (sic...) de Michel Drucker et de Loana. Quelle est la situation du nègre, ou co-auteur, sa place au sein de l'édition, et dans le travail d'écriture, quel statut pour lui, quand il prête sa plume à ceux qui n'en ont pas ? Toute une émission à retrouver sur les ondes archivées de France Inter Nègres, co-auteurs...les plumes de l'ombre . »

I/ « J’ai mes sources » : les avis de ses pairs

Yves Harté (portrait de Colombe Schneck, automne 2007, Médias n°14): « Colombe Schneck explore consciencieusement l’envers du décor du journalisme. (…) en convoquant des invités a priori ravis et qu’elle met sur le grill de sa voix précipitée. (…) Bien souvent, l’invité en ressort en ayant dit ce qu’il voulait cacher ou n’avait pas prévu de dire. (…) journaliste volubile, curieuse de tout (…). Elle parle comme elle interviewe, avec des interruptions, un débit saccadé, des mots qu’elle avale et parfois des gloussements, un rire qui n’appartient qu’à elle et dont on ignore s’il 32

relève du sanglot ou du fou rire. Etrange Mlle Schneck qui va de l’enquêtrice acharnée à la questionneuse candide. (…) mange les mots quand elle parle, oublie une conjonctive sur deux, mais possède une belle ténacité et un sourire désarmant.

Jean-Marc Roberts (son directeur éditorial chez Stock) : « C’est une fausse fragile. (…) elle a une grande capacité de travail jointe à une douceur belliqueuse qui exclut la violence. »

Grégory Rzepski (ingénieur, coanimateur, chercheur et militant d’ Acrimed , vient de publier aux Editions Syllepse « Tous les médias sont-ils de droite ? ») : « dans les émissions de Colombe Schneck, nous trouvons beaucoup d’éléments intéressants pour s’informer sur les médias. A ACRIMED, on s’en sert comme terreau... C’est vrai qu’il y a des gens qui s’expriment dans ses émissions, et qui ne s’expriment pas ailleurs. » (interview Cécile Moffroid)

Serge Guérin (Médias ): « Elle a su devenir incontournable et inventer son propre style de prise de parole en évitant les discours trop convenus. Ses émissions ne sont ni une copie du travail de Daniel Schneidermann, ni un lieu seulement dédié à la promotion d’un petit monde autocentré sur son actualité. (…) cette journaliste (…) [a] développ[é] (…) une vision « enchantée » des médias. » (entretien entre Colombe Schneck et Serge Guérin, juin 2007, Médiamorphoses n°20)

Erika Gélinard : « Colombe Schneck bouscule les médias », elle se démarque par un « débit saccadé et (…) un rire spontané ». Concernant le contenu de ses émissions, ses « sujets [sont] pertinents et souvent originaux, abordés avec un ton percutant » ( La Croix , 1617 septembre 2006)

André Offner (Nice Matin , 28 octobre 2006) ne tarit pas d’éloges à son égard et énumère les qualités de Colombe Schneck : « pétillante journaliste », « visage mélodieux », « rire frondeur », « voix (im)pertinente pour poser les bonnes questions (…) sans détour », « Colombe et ses chroniqueurs bousculent leurs interlocuteurs. »

Marianne Behar (Humanité Dimanche ) demande « Jamais vous n’abordez frontalement vos invités… ? Et Colombe Schneck de répondre : « C’est ma méthode en douceur et en douce. (…) Je pense que j’obtiens de meilleures réponses en séduisant mes interlocuteurs et en les mettant à l’aise. », « C’est vrai que j’ai une élocution compliquée et une voix qui peut sembler bizarre. Je travaille à y remédier (…). Ceci dit je ne vais pas changer la personnalité de la voix qui est la mienne, même si elle est effectivement atypique pour la radio. » ( Humanité Dimanche , 8 février 2007)

Pour preuve de bonvouloir, Colombe Schneck a consacré toute une émission à l’importance des voix en radio (le 30 mai 2007), ce qui pourrait symboliser une certaine capacité à prendre du recul sur sa pratique. Voici le contenu annoncé de l’émission « « Votre voix est insupportable, vous bafouillez, vous avalez des mots, vous ricanez sans cesse », c’est Eric de Dijon qui m’écrit. Mais où sont passées les belles voix de radio ? Les canons de radiophonie ont-ils évolué ? »

33

Laurent Larcher (La Croix ) atteste de la capacité de sa collègue à « ne pas se prendre au sérieux ». Pour lui c’est une journaliste qui a beaucoup d’humour, et qui est remarquable pour sa fraîcheur. « Elle fait son travail avec beaucoup d’honnêteté, de sérieux, et sa spontanéité est non-feinte. Ses questions sont impertinentes... Mais on peut s’interroger : Colombe Schneck est- elle obligée de le faire pour le « spectacle »… ? N’est-elle pas obligée de poser des questions insolentes pour répondre aux attentes de ses auditeurs ? Dès qu’il y a polémique il y a un éveil… C’est comme ça que l’on accroche l’auditeur. Enfin on en est tous là. Nous sommes tous tenus par notre public. Effectivement elle a été capable à plusieurs reprises de porter le fer, notamment avec Nonce Paolini (Directeur Général de TF1) mais quand je l’entends je n’ai pas le sentiment qu’elle soit extrêmement incisive. Concernant TF1 c’est un minimum d’être critique. Et en même temps je dirais que c’est un peu facile. Surtout quand on travaille sur le service public c’est difficile d’en dire du bien, mais j’ai l’impression qu’elle enfonce un peu des portes ouvertes. Pour TF1 tout le monde est d’accord avec elle. » (interview Cécile Moffroid)

A propos de la semaine spéciale que « J’ai mes sources » a consacré à l’émission posthume « Apostrophes », par Bernard Pivot (du 19 au 23 mars 2007) Guy Pineau, chercheur à l’ INA s’est avoué déçu : « Lors de l’émission en présence de Jean d’Ormesson, Colombe Schneck n’a pas soulevé les critiques qui s’imposaient. A propos du conflit qui, à l’époque, avait opposé Pivot et Debray (écrivain et médiologue) , elle n’a pas semblé avoir eu vent de cet évènement si stratégique. C’était du papotage… »

Incisive , Colombe Schneck ? Son chroniqueur Augustin Scalbert le pense : « Oui, elle peut l’être. Mais elle n’est pas dans le même rôle que nous ses chroniqueurs, étant donné sa position d’animatrice. Elle est tout de même censée mettre à l’aise ses invités ! Ce n’est qu’ensuite qu’elle n’hésite pas à poser les questions qui fâchent. Mes enquêtes gênent du monde dans la profession... Et Colombe, au moins, a le courage de les passer. » (interview Cécile Moffroid)

Mais reprend Laurent Larcher : « « J’ai mes sources » se pense plus dans le divertissement que dans l’introspection. Ça n’a pas l’aridité d’un « Arrêt sur images ». »

Pourtant, Colombe Schneck sait se montrer franche . Exemple, sur le forum du Nouvel Obs.com , 10 avril 2007, à la question d’un internaute elle répond : « il y a aussi beaucoup d´autocensure, tel chef de service d´un titre du groupe Lagardère, au hasard le JDD, va censurer une information qui lui semble opposée aux intérêts de ses patrons. Les ordres directs sont rares»

A Grégory Rzepski (chercheur d’ Acrimed ) d’ajouter : « Il y a quand même dans les émissions de Colombe Schneck tout un volet de la critique qui est mis de côté. En fait le plus important pour nous à Acrimed, ce sont les pages Economie de la presse économique, ce sont les faits bruts. Ce qu’est aujourd’hui le secteur de l’information, qui est extrêmement concentré, l’importance de la publicité, l’importance des conflits en cours, les mobilisations au sein du secteur avec les grèves qui se multiplient, tous ces sujets sociaux ne sont quasiment jamais abordés dans ses émissions. Il y a peut-être une prise de risque dans la mesure où l’on va sortir un scoop sur l’intervention de tel dirigeant de médias, etc. Mais les raisons qui font que ça se passe comme ça dans le secteur

34

de l’information ne sont jamais abordées, pour toute une série de raisons, qui tient également au format de l’émission, relativement court, une demi-heure, dans laquelle il y a une chronique, un petit point actu au début. En conséquence, le dossier, avec le reportage et les autres éléments, ne totalisent qu’un quart d’heure vingt minutes d’émission. Et comme il faut changer de sujet tous les jours, il n’est pas concevable de prendre le temps d’approfondir les thématiques soulevées. Par exemple, TF1 est actuellement en difficulté, c’est donc Takis Candilis qui va être invité, il sera taquiné sur le fait que les programmes qu’il a mis en place sur TF1 ne fonctionnent pas bien, etc… mais ce qui serait intéressant en ce moment serait de savoir quelle est la stratégie de cette chaîne, quel est le rapport de ses dirigeants avec le pouvoir, et tout ce qui se joue à propos de la publicité… Ce sont des sujets que Colombe Schneck n’aborde pas malheureusement.

Les causes politiques ou structurelles qui expliquent ces nouveaux rapports très particuliers entre journalistes et politiciens sont également très peu abordées. On accorde peu de place aux mobilisations politiques qui pourraient aider à transformer ces médias. (pour exemple, le 17 mai dernier a eu lieu pour la seconde fois les états généraux sur le pluralisme des médias. Etaient présents la plupart des syndicats de journalistes, et les représentants des grands syndicats français, des chercheurs et de nombreux professionnels des médias. Et bien personne n’en a parlé, ni Colombe Schneck, ni Schneidermann. ») »

Un irréductible blogueur a quant à lui une vision du travail de Colombe Schneck totalement originale : il lui reproche sa totale incompétence… ! Voici en quels termes, et sous le pseudo « CharlyBishop », il s’exprime : « Colombe, fous-nous la paix ! », « Elle se présente comme spécialiste des questions qui ont trait aux médias. Elle est partout. Chaque jour elle déverse sa bouillie sur France Inter et I-Télé. Elle est insupportable. » « Réhabilitons la chasse à la Colombe ! », « Vous connaissez Colombe Schneck ? Non ? Alors vous avez de la chance », « Moi, je la subis chaque matin, à la télé et à la radio, et je la maudis. », « Malheureusement, c'est là qu'elle sévit. », « elle se prétend spécialiste », « le vautour Colombe », « elle étale chaque jour son incompétence et sa méconnaissance des dossiers qu'elle aborde. », « interruptions permanentes, (…) questions ineptes, toujours à côté de la plaque... », « certaine forme de pitié pour leur interlocutrice... », « De Schneidermann, Colombe Schneck a hérité de la diction hasardeuse mais malheureusement pas du sens de l'analyse. Le fond, très discutable, de sa pensée se traduit dans la forme par une bouillie verbale quasi-incompréhensible. Comme si Colombe avait des chamalows dans la bouche. Elle débite ses clichés à toute berzingue, écorche les mots, ripe, glisse, commence des phrases qui ne se terminent jamais, pose des questions qui sont des affirmations sans compter ses erreurs sur les dates, les noms, les titres... Bref c'est n'importe quoi. Et pourtant, chaque jour, on la laisse revenir. Qu'on la fasse taire, par pitié ! » (Jdd.fr , 30 mars 2007)

En lisant attentivement les critiques de ce blogueur, on constate que les griefs exprimés sont peu argumentés et que ce sont les fruits d’un énervement qui semblent motiver cet article. Pour en savoir plus, il nous fallait l’interviewer. Il a d’abord fallu comprendre dans quelle positionnement se trouvait cette personne pour pouvoir assurer que la journaliste multipliait les erreurs de dates et noms, autant qu’elle serait incompétente. Il fut difficile de le savoir, mais

35

notre interlocuteur livra finalement qu’il était journaliste de presse écrite, dans un grand groupe. Un élément qui pouvait laisser imaginer une réelle expertise sur le sujet des médias. Néanmoins, quel ne fut pas notre étonnement de constater que de nouveau, aucun argument tangible ne pouvait nous être fourni par notre interlocuteur ! Les reproches porteraient vaguement sur les analyses « à côté de la plaque » de Colombe Schneck concernant un grand groupe média, mais surtout sur sa « personnalité qui m’agace », et surtout sur sa façon de s’exprimer apparemment « insupportable ». Et c’est là que va apparaître l’élément central de son mécontentement : il affirme : « Elle parle des médias, pointe les dérapages, c’est son travail, mais cela fait un peu « juge » ! Je trouve qu’elle se place un peu trop au dessus des autres, alors qu’elle n’est vraiment pas exemplaire… ! ». Voilà enfin l’argument qui semble expliquer l’ensemble de la démarche de ce journaliste si vindicatif. En creusant un peu plus, en faisant le tour des émissions qui proposent également ce décryptage des médias, CharlyBishop concède « Elle n’est pas parfaite, mais ce n’est pas un métier facile : tous ceux qui parlent librement se font taper sur les doigts ! C’est vrai qu’elle a parfaitement sa place, mais il y a plusieurs lectures à avoir sur un même sujet… »

C’est donc la position surplombante d’analyste des médias qui a déclenché cette réaction… Voilà où se situe l’épicentre du malaise qui a poussé ce journaliste à s’exprimer sur la toile, caché derrière un pseudonyme. Cette mission de décryptage des médias que Colombe Schneck semble réaliser avec sérieux et légitimité aux dires de a plupart des spécialistes, expose néanmoins à des ressentiments de la part de toute la profession. Et c’est l’expression d’un malaise certain. Il manque toujours à l’appel ce fameux corps de professionnels et spécialistes des médias qui aurait la charge d’émettre des avis sur les dérapages qui ont motivé l’écriture de genre d’articles, pour le moins surprenant.

36

Vers un compromis entre spécialistes et professionnels…

Les fruits de cette monographie sur le concept de « réflexivité des médias » prendront la forme de quelques propositions, qui permettront peutêtre à ces émissions de trouver sens et légitimité :

 Proposition 1 : Un sociologue aux commandes d’une émission ?

Laurent Larcher (chef de rubrique du service culture et médias du journal La Croix ) est sceptique : « Est-ce bien leur rôle ? Dans une émission, il faut un chef d’orchestre qui soit capable de mettre un ton, une couleur, et de savoir s’adresser à un large public pour être compris par l’ensemble des personnes. Les sociologues des médias organisent des séminaires, ont leurs propres universités, colloques. Nous journalistes devrions nous nourrir de leur travail, mais doit-on leur laisser prendre notre place ? Je ne pense pas. »

Augustin Scalbert (Rue 89 ): « On pourrait effectivement imaginer une émission de médias animée par un sociologue… Il serait légitime, peut-être même plus qu’un journaliste, mais je ne connais pas un seul sociologue qui ferait cela ! Il sortirait alors de son rôle de sociologue justement, il rentrerait dans ce système qu’il est censé observer. Conclusion, il n’y a que les journalistes qui peuvent faire ça. C’est vrai qu’on peut se dire « c’est comme si c’était un sportif qui parlait des sportifs, ou un politique qui parlerait des politiques, ou un boulanger des boulangers ! » Mais la différence c’est que le boulot du sportif, du politique ou du boulanger ce n’est pas « de parler de »… c’est de faire de la politique du sport ou du pain ! Ce n’est pas de rendre compte, de mettre en perspective, d’informer. »

 Proposition 2 : une alliance entre universitaires et journalistes ?

JeanMarie Charon (sociologue des médias) : « il me semble (…) que la période est mûre pour permettre que le traitement de l’information, le travail des journalistes, l’activité des médias, fassent l’objet d’un débat public. (…) la règle doit être celle de la diversité des intervenants. (…) Les chercheurs et universitaires analystes des médias doivent apporter une connaissance, des résultats d’enquêtes et d’études, sans lesquelles l’analyse des pratiques par les professionnels eux-mêmes piétine ou bute sur des représentations corporatistes. (…) Les journalistes, comme les acteurs issus de la société, ont tout à gagner à se faire expliquer, comprendre et connaître, par exemple, les résultats que peuvent apporter les outils et les théories concernant l’analyse de la réception . »

Laurent Larcher : « Dans la presse écrite, dans le monde des revues ou magazines il est concevable de pendre le temps d’une vraie réflexion. C’est plus adapté à la distance nécessaire à ce travail, on est moins dans le show, le spectacle, on ne s’adresse pas à des millions de personnes, on cible plus notre lecteur. »

Un filon que Nicolas Demorand (journaliste de France Inter ) a décidé d’exploiter. « La radio lui a passé l’envie d’écrire mais ses lectures et sa pratique quotidienne à Culture, puis Inter, l’ont amené à réfléchir sur le journalisme : avec Olivier Duhamel (politicien, professeur et chroniqueur sur France Culture) et Géraldine Muhlmann (journaliste de France Inter), il vient de créer au Seuil la collection Médiathèque, qui fédèrera des textes courts sur le thème « presse et démocratie ». Premier auteur publié et figure tutélaire, Robert E. Park (1864-1944), journaliste américain devenu sociologue du journalisme. » (Portrait de Nicolas Demorand, Libération du mardi 22 avril 2008, par Edouard Launet).

37

 Proposition 3 : plus de distance et d’humour pour des analyses plus mûres ?

La prise de distance s’avère néanmoins nécessaire et il ne serait pas inutile d’observer les mœurs des journalistes outre manche : en Amérique du Nord, les « Journalism review » sont généralement nourries et produites par des journalistes ayant fait le choix de prendre une distance visàvis de leur activité habituelle ; ce qu’on appelle en France une année sabbatique.

Ce manque de recul a été souligné par Elisabeth Lévy dans La Croix : « les acteurs de la médiacratie manquent terriblement d’humour et de distance avec eux-mêmes ». A Laurent Larcher de confirmer : « l’autodérision est difficile. Nous sommes plus dans la célébration ou dans le ton professoral. Nous avons tous un égo développé, nous sommes comme des cocottes, surtout ceux très exposés médiatiquement. Oui, parfois nous confondons le métier avec le vedettariat et nous acceptons peu la critique. »

 Proposition 4 : au cœur du problème : la responsabilité de chacun

Geneviève Jacquinot Delaunay : « Comme tout sujet d’investigation, les médias exigent rigueur intellectuelle et responsabilité éthique. Les médias qui parlent aux médias ont une fonction éducative à assumer (…). Il est urgent d’en tenir compte pour la formation des journalistes de demain. »

En quelques mots

Passionnant sujet d’investigation que l’observation d’une profession en désarroi face à la crise de confiance de ses publics. L’avenir est prometteur, espérons que l’éternel clivage entre hommes de terrain et de sousterrains s’estompera au profit d’un débat plus construit et plus juste, incitant chacun à sa propre responsabilisation.

38

Sources

 « Les nouveaux chiens de garde », de Serge Halimi, 1997, actualisé en 2005, éditions Raisons d’Agir  CSA Textes juridiques – Cahier des missions et des charges de Radio France  « La télévision au miroir » collection Champs Visuels (revue interdisciplinaire de recherches sur l’image) chez l’Harmattan, n°8, février 1998  « Tous les médias sont-ils de droite ? », Grégory Rzepski et Mathias Reymond, pour Acrimed (éditions Syllepse)  « Les petits soldats du journalisme », François Ruffin, éditions Les Arènes  « Images abymées : Essais sur la réflexivité iconique » collection Champs Visuels (revue interdisciplinaire de recherches sur l’image) chez l’Harmattan, 2000  Médiamorphoses n°20, mai 2007 :  Champs visuels n°9 de mars 1998 : « La télévision au miroir »  Site de l’observatoire français des médias : http://www.observatoiremedias.info  Site des Entretiens de l’information : http://entretiens.zeblog.com/  Stratégies , 20 décembre 2007  Charte du journalisme de 1918  Journal du Dimanche , 2 septembre 2007  Le zapping du PAF.com , 31 août 2008  Tarif Média.com , 31 août 2007  Imédias, 31 août 2007 et 19 mars 2007  Télé Obs, 21 septembre 2006  Nice Matin , 28 octobre 2006  Médias n°14, automne 2007  La Croix, 1617 septembre 2006  Site de « J’ai mes sources » : www.radiofrance.fr/franceinter/em/jaimessources/pres.php  Télérama, le 30 août 2006  Humanité Dimanche , 8 février 2007  Jdd.fr , 30 mars 2007  Forum Nouvel Obs.com, 10 avril 2007  Marianne 2007.info , 21 juin 2007  JDD , 2 septembre 2007  Marianne2.fr , 20 novembre 2007  Libération , 22 avril 2008  Médiamorphoses n°18 (octobre 2006) : « Les médias observés »  Satellimag , 2 octobre 2006  La Croix , 34 novembre 2007

39

Remerciements particuliers à Guy Pineau et JeanJacques Cheval

40