251 FNAUT infos janvier-fév. 2017 transport - consommation - environnement édition nationale

Bulletin de la Fédération­ Nationale des Associations d’Usagers des Transports Infrastructures de transport : des choix

Une ambition légitime rationnels sont indispensables

Le Commissariat général à l‘environ- nement et au développement durable (CGEDD) a publié récemment des projec- tions de la demande de transport de voya- geurs et de marchandises aux horizons 2030 et 2050. Ces projections confirment la pertinence des propositions ambitieuses de la FNAUT en matière de transport public urbain et ferroviaire. S’agissant de la longue distance (plus de 100 km), le CGEDD prévoit que le trafic voyageurs va croître de 1,2% par an entre 2012 et 2030 puis de 1,1% par an entre 2030 et 2050 en raison de l’augmentation géné- rale de la population et de la progression des salaires. Quai de Seine à Cette hausse du trafic devrait profiter au qui verrait sa part modale passer de 20,6% en 2012 à 22,4% en 2030 et 25,7% en Les choix en matière de grandes infrastructures de transport sont décisifs 2050, avec une forte croissance du nombre car ils orientent durablement les comportements des usagers, voyageurs de voyageurs-kilomètres (66 milliards en ou chargeurs. Mais ils sont trop souvent faits de manière irrationnelle. Bien 2012 ; 126 en 2050, ou seulement 112 si on conçues, les nouvelles infrastructures peuvent induire des transferts mo- prend en compte le développement du daux bénéfiques à la collectivité ; mal conçues, elles peuvent au contraire covoiturage et de l’offre d’autocars Macron). déboucher sur des atteintes inutiles à l’environnement et sur des gaspil- Selon le CGEDD, le train profiterait en particu- lages financiers regrettables. Nous discutons ici quelques exemples de lier de la mise en service des nouvelles LGV. Sur la courte distance, le CGEDD prévoit projets : les rocades urbaines, la troisième ligne de métro de Toulouse, l’aé- une reprise de la demande de mobilité roport de Notre-Dame-des-Landes, le Lyon-Turin, les gares TGV, le canal après des années de crise financière et éco- Seine-Nord. La FNAUT se prononce sur ces projets au cas par cas, sans a nomique : le trafic des personnes augmen- priori technique ou idéologique. terait de 29% entre 2012 et 2050, avec une hausse de 49% pour les transports collectifs On reproche parfois à la FNAUT de sur l’environnement local. Mais souvent, et de 27% pour les voitures particulières. trop s’intéresser aux grands projets d’in- la vision des opposants est trop limitée : Si l’on prend en compte les mesures sup- frastructures de transport. Ce reproche seul le coût d’investissement est pris en plémentaires envisagées pour optimiser n’est pas justifié. compte, seul l’impact environnemental l’occupation de l’espace urbain et donc ré- D’une part, on vérifie que la mise en local est dénoncé par les riverains, les duire la demande de transport, et si on dé- service de grandes infrastructures, quel reports de trafics sont ignorés. On le veloppe la part modale du vélo, le nombre que soit le mode de transport concerné, vérifie aujourd’hui chez les opposants à de véhicules électriques et le covoiturage, la provoque des chocs psychologiques et la modernisation de la ligne Serqueux- demande de transport collectif n’augmen- influence profondément et durablement Gisors, nécessaire à un bon écoulement terait plus que de 16% d’ici 2050. les comportements des usagers : il est du fret issu du Havre. Il faut donc manifestement sortir du bri- donc bien naturel que la FNAUT se pré- D’autres contestations, telles que celle colage actuel dont la seule ambition est de occupe des grands projets. de la 3ème ligne de métro de Toulouse ne fâcher personne, ni les automobilistes, D’autre part, la FNAUT fait preuve (page 3), sont basées au contraire sur des ni les transporteurs routiers, ni les bonnets d’esprit critique, elle se pose des ques- arguments très rationnels et prennent en rouges, ni le patron d’Air , ni les syn- tions face à chaque projet et déter- compte l’intérêt général. dicats cheminots, ni... Faute de quoi le trafic mine sa position au cas par cas, sans Ajoutons que les consultations pu- routier augmentera de 15% d’ici 2030 et dogmatisme : elle a ainsi approuvé la bliques (Notre-Dame-des-Landes, la entre 20 et 34% à l’horizon 2050 selon les LGV Bordeaux-Toulouse et condamné gare TGV de Vandières) sont souvent hypothèses faites sur le niveau de la reprise la LGV Poitiers-Limoges (que le chef lancées pour des raisons politiciennes et économique, le prix du pétrole et le plus ou de l’Etat soutient avec acharnement). mal organisées, si bien que leur résultat moins grand volontarisme de la politique Quand apparaît un grand projet, il est est peu significatif, et que, les projets des transports. généralement contesté à la fois pour son une fois concrétisés, ils font rarement Bruno Gazeau coût « pharaonique » et pour son impact l’objet d’une évaluation critique...

FNAUT infos n°251 - janvier-février 2017 x 1 Dossier Rocades urbaines : l’exemple de Grenoble Notre-Dame-des-Landes La FNAUT critique souvent la ministre Dans les années 1970, tous les élus gre- ment de comportements (c’est le paradoxe de l’Ecologie Ségolène Royal, son obses- noblois, de droite et de gauche, ont ré- de Downs-Thomson). sion du véhicule électrique, son désinté- clamé une rocade sud faisant la jonction Ainsi l’absence de la rocade nord n’a rêt pour le transport collectif, son aban- entre les autoroutes menant à Chambéry provoqué aucun drame local et n’a pas don catastrophique de l’écotaxe et son au nord-est (A43) et à Lyon au nord-ouest empêché l’implantation de la ligne C de refus des contraintes supposées punitives (A48), car le transit (interne à l’aggloméra- tramway sur les grands boulevards sous la en matière de protection de la planète. tion et à longue distance) s’effectuait alors municipalité Destot (PS), la capacité rou- Mais son opposition au projet d’aéroport par les grands boulevards qui frôlaient le tière passant de 2 x 3 voies à 2 x 2 voies : NDDL, pourtant soutenu par Manuel Valls centre de Grenoble. Ces boulevards est- le chaos annoncé par les élus de droite n’a qui voulait expulser les zadistes, est ap- ouest formaient un canyon urbain pollué et pas eu lieu. précié (la position de François Hollande, à invivable, une vraie L’expérience la fois contre le projet et pour son main- autoroute urbaine. Paris / Lyon / Valence Chambéry / Annecy montre donc qu’on tien, est incompréhensible). La rocade a été ou- A peut se passer de En mars dernier, un rapport d’experts verte intégralement rocades telles que commandé par la ministre jugeait le pro- Projet Rocade ord A en 1985, mais : le GCO de Stras- jet NDDL actuel à deux pistes « surdimen- - à l’époque, on bourg. Ce choix sionné » ; et il reconnaissait « la faisabilité

n’a pas réduit la A difficile mais ra- de l’optimisation de l’aéroport existant de capacité des grands tionnel permet de Nantes-Atlantique », donnant raison aux boulevards, et le Grenoble concentrer l’effort opposants. Rocade projet trafic, après y avoir uest financier sur les Plus récemment, Jean-Paul Dubreuil diminué d’un bon transports collec- président d’Air Caraïbes, a critiqué à son Rocade ud tiers par report sur tifs, et de rendre tour le projet, confirmant lui aussi les la rocade sud, a vite inutiles les nou- arguments techniques déjà mis en avant retrouvé son niveau A veaux investisse- par les opposants. initial, de l’ordre de ments routiers, sur- « Je suis le dossier NDDL depuis vingt 50 000 véhicules/ Marseille / Sisteron / Gap tout si on poursuit ans. Le projet est sorti alors que le TGV jour ; une densification n’existait pas. Il y avait alors une volonté - la rocade sud intelligente de la politique de la Région et de la Chambre (gratuite) a favorisé l’étalement urbain et zone centrale (le quartier Europole, qui de commerce : NDDL était le projet struc- induit un fort trafic pendulaire, au point de jouxte la gare centrale de Grenoble, a été turant qui, par son positionnement, devait se saturer en quelques années ; densifié, de même que le polygone scien- desservir les Pays de la Loire et la Bre- - les abords de la rocade se sont vite tifique, et une densification modérée du tagne. Mais les habitants de Brest ou de urbanisés, et les habitants ont commencé quartier de l’esplanade est en discussion). Lorient ne viendront pas à NDDL, Rennes à protester contre les nuisances routières, Jean Sivardière voudra garder son aéroport, et NDDL sera déplacées et amplifiées ; éloigné des 20 % des passagers actuels du - les élus, PS et droite confondus, ont L’aménagement de l’A480 Sud-Loire. alors réclamé une rocade nord (en tunnel Les données ont changé depuis la sous le rocher de la Bastille), ruineuse et Le plan adopté par les élus est le meil- conception du projet. Techniquement, finalement abandonnée en 2005 suite à leur compromis compatible avec le plan de l’aéroport existant de Nantes n’est pas sa- une enquête d’utilité publique (un péage relance autoroutier imposé par l’Etat : gra- turé. Et des vols intercontinentaux au dé- était nécessaire pour la financer). L’agence tuité maintenue, ni élargissement de l’em- part de Nantes ne sont pas envisagés par d’urbanisme avait démontré que sa mise en prise ni augmentation de capacité pour le les compagnies aériennes : pour ce genre service renforcerait les embouteillages au trafic de transit, passage à 2 x 3 voies mais de vols, il faut s’appuyer sur des hubs (Pa- lieu de les réduire (FNAUT Infos 227). vitesse limitée à 70 km/h, aménagement ris ou Amsterdam). On va donc dépenser On peut tirer plusieurs enseignements de l’échangeur du Rondeau à la jonction beaucoup d’argent pour un nouvel aéro- de cette histoire affligeante. avec l’A51 et la rocade sud. On va ainsi port non obligatoire techniquement. Ça l En matière de routes, plus on en améliorer la fluidité du trafic et limiter les va faire des travaux, mais on raisonne à fait, plus il faut en faire, comme en Ile- nuisances, mais pour combien de temps ? courte vue ». de-France ou dans la région lyonnaise. Et pendant que le concessionnaire Chaque nouvelle rocade finit par générer AREA va investir 380 millions d’euros plus de trafic qu’elle peut en écouler. dans l’aménagement de l’A480, aucun pro- Des ! l Dans toutes les agglomérations, on jet de développement du réseau de tramway surestime le trafic de transit à longue dis- n’est engagé, si ce n’est le prolongement de L’association Trans Rhin Rail (TRR) milite tance, toujours inférieur à 10 % du total la ligne A de 1 km à Pont-de-Claix. Pour- pour la réouverture de la ligne transfron- (à Grenoble, il est même inférieur à 5 % tant, les besoins de desserte de la zone sud talière Colmar-, qui implique en heure de pointe). De fait, la congestion et de la zone nord-est (où l’urbanisation l’aménagement d’un pont sur le Rhin et était (et reste) due essentiellement aux continue à se développer) sont importants, la rénovation de 22 km de voie entre Col- déplacements pendulaires à courte dis- à commencer par le prolongement de la mar et Vogelsheim, pour un coût total de tance effectués en voiture). Ce constat doit ligne E jusqu’à Pont-de-Claix où la ligne 70 millions d’euros. inciter à renverser les priorités et à renfor- de bus C2 impose une correspondance Selon un sondage récent de TRR, plus cer en priorité les transports collectifs de avec la ligne E de tramway. de 80 % des personnes interrogées pren- proximité. A la fin des travaux routiers, en 2022, draient un train direct Colmar-Fribourg l Si on joue la congestion au lieu de de la capacité aura donc été redonnée à la si l’offre existait, le trajet pouvant s’effec- chercher à la faire disparaître, on observe voiture, mais dans quelle situation seront tuer alors en 45 minutes. L’offre actuelle qu’une partie du trafic finit par s’évaporer : les transports publics si aucun grand projet consiste en un bus Colmar-Breisach (trajet les automobilistes s’adaptent aux difficul- n’est lancé ? en 55 minutes) puis un train jusqu’à Fri- tés de circulation et changent spontané- Communiqué de l’ADTC-Grenoble bourg (au total 1h30).

2 x FNAUT infos n°251 - janvier-février 2017 Dossier Une troisième ligne de métro à Toulouse ?

Toulouse possède actuellement 2 lignes ville de Toulouse, qui se sont très vite avé- une offre à fréquence élevée (15 minutes de métro VAL exploitées par la régie Tis- rées sous-dimensionnées par rapport aux en heures de pointe) : seo Réseau : besoins d’une l’agglomération d’un million - le RER ouest Oncopole-Arènes-Colo- - la ligne A (12,5 km, 18 stations), d’habitants. L’ajout d’une ligne de tramway miers-Pibrac ; d’orientation sud-ouest - nord-est, a été entre Toulouse et Blagnac, en remplace- - le RER nord Marengo-Fenouillet ; ouverte en 1993 et prolongée en 2003 ; elle ment d’une ligne de bus, n’a réglé aucun - le RER nord-est Marengo-Montastruc ; relie Basso Cambo à Balma Gramont et problème : en l’absence d’un véritable site - le RER sud-est Marengo-Escalquens ; dessert l’université du Mirail, le Capitole propre, la vitesse commerciale et le taux - le RER sud Marengo-Muret. et la gare SNCF Matabiau (à la station d’utilisation sont faibles. Toutes les gares de correspondance Marengo) ; L’agglomération toulousaine dispose de doivent disposer de cheminements pié- - la ligne B (15 km, 20 stations), d’orien- 5 voies ferrées qui irriguent son territoire tons et cyclables, de commerces et services tation sud-nord, a été ouverte en 2007 ; elle et supportent des trains régionaux et na- de proximité, de personnels de sécurité, de relie Ramonville à Borderouge. tionaux de voyageurs ainsi que des trains poubelles et de garages à vélos. Les deux lignes sont en correspondance de fret. Les TER permettent des dépla- L’association demande, à cet effet, la à la station Jean Jaurès. Elles transportent cements rapides sur de longues distances. création d’un syndicat mixte métropolitain 280 000 voyageurs/jour. Cependant, les fréquences actuelles sont des transports intégrant le SMTC-Tisseo Ce réseau est complété par 2 lignes de faibles (souvent 1 heure, voire plus) et les et la région Occitanie, sur le modèle du tramway : la T1, orientée sud-nord et ou- gares trop peu attractives (il existe peu de Syndicat mixte des transports pour l’aire verte fin 2010, relie Toulouse à Beauzelle cheminements piétons ou cyclistes pour métropolitaine lyonnaise (SMTAML). via Blagnac sur 11 km ; la T2 en est une y accéder). Et surtout, les tarifs des TER antenne qui dessert le siège social d’Airbus sont déconnectés de la tarification Tisseo Des compléments nécessaires et l’aéroport. La ligne C est une section en dehors de la ligne C Colomiers-Arènes. de 7 km de la ligne SNCF Toulouse-Co- Ce contre-projet écarte donc la 3ème lomiers-Auch accessible avec un titre de ...et son contre-projet de RER ligne de métro, trop coûteuse et insuffisante transport urbain et en correspondance avec pour résoudre les problèmes des banlieues la ligne A et le tramway. Ce constat amène l’AUTATE à proposer toulousaines puisque limitée au territoire Une 3ème ligne de 28 km, dénommée un contre-projet reposant sur 3 principes de la ville de Toulouse. Toulouse Aerospace Express (TAE), généraux : Il comprend en revanche : est aujourd’hui projetée entre la gare de - le transport collectif doit être un service - la création d’un tramway « Arc Ouest aé- Colomiers et Labège via les deux sites public permettant à chaque habitant d’évi- ronautique » pour desservir les bassins d’em- d’Airbus (satellites et aéronautique) et la ter l’usage de la voiture pour ses déplace- ploi de l’aéronautique (Colomiers, Blagnac) ; gare de Matabiau. Son coût annoncé de ments domicile-travail ; - le prolongement de la ligne B de Ra- 2,2 milliards d’euros représente 57 % du - il faut donc réduire la durée des trajets monville à Labège-Innopole puis de Bor- coût des investissements à venir sur 20 et limiter les ruptures de charge ; derouge à l’Union ; ans. Une antenne vers l’aéroport et un - enfin il faut privilégier les investisse- - le déploiement d’un réseau de bus prio- prolongement de la ligne B vers Labège ments de surface, plus souples et moins ritaires reliant les stations de RER, métro Innopole sont en discussion. coûteux (train, tram et BHNS). et tramway, et desservant les zones dépour- Le contre-projet de l’AUTATE vues de transport lourd. L’analyse de l’AUTATE... consiste à mettre en place un réseau de 5 Le projet de l’AUTATE permet d’envi- RER basé sur 3 lignes SNCF de banlieue sager pour la décennie suivante des exten- Dans le cadre du débat public sur le projet existantes, bien connecté au réseau ur- sions des liaisons radiales telles que le pro- de 3ème ligne de métro qui vient de se dé- bain structurant mais indépendant de la longement de la ligne T1 vers le Sud-Est et rouler à Toulouse, l’AUTATE, association desserte fine afin de garantir une vitesse T2 vers le nord. des usagers des transports de l’aggloméra- commerciale et une régularité élevées, et AUTATE : www.autate.fr tion toulousaine et de ses environs, membre de la FNAUT, a déposé un projet alternatif, après avoir recueilli les attentes des habi- tants pendant plusieurs mois sur les réseaux sociaux et lors de réunions publiques. L’AUTATE constate que la moitié des habitants réside hors de Toulouse, que les déplacements hors du centre-ville sont très longs et compliqués et enfin que la part modale des transports collectifs dans l’agglomération est l’une des plus faibles de France (13 % en 2013). Si les déplacements quotidiens domicile travail provoquent tant d’embouteillages, c’est parce qu’ils ne peuvent s’effectuer en transport collectif de manière compétitive avec la voiture. L’agglomération a donc be- soin d’un programme ambitieux de trans- ports collectifs qui couvre l’ensemble du territoire, périphérie comprise, et réduise très sensiblement les temps de parcours. Or le réseau Tisseo actuel concentre son offre sur deux lignes de métro internes à la

FNAUT infos n°251 - janvier-février 2017 x 3 Dossier Le projet Lyon-Turin et l’exemple suisse Désinformation Selon les opposants, le Lyon-Turin Si le volume du fret routier augmente moyens techniques et de l’énergie néces- ne servirait pas à grand-chose pour les peu à travers les Alpes du Nord, il reste saires, disparition du besoin de wagons voyageurs, car le trajet Paris-Milan par considérable et menace la santé des habi- spéciaux pour faire fonctionner l’auto- TGV s’effectuerait en 4h14 une fois le tants et l’attractivité touristique des val- route ferroviaire, réduction des frais de Lyon-Turin réalisé intégralement alors lées de l’Arve et de la Maurienne. Il s’est personnel... que, d’après leurs estimations, on pour- développé au contraire vigoureusement C’est précisément pour réduire les rait atteindre 5h15 dès aujourd’hui : sur la Côte d’Azur. coûts d’exploitation du rail que les Suisses - si le TGV utilisait la LGV Turin-Milan Les opposants au projet Lyon-Turin (Lötschberg, Gothard et Ceneri) et les sans arrêts à Vercelli et Novara, il ga- disent souhaiter le report de ce trafic sur Autrichiens (Brenner, Tauern et Semme- gnerait 45 min (ce sera le cas dans 3 ans le rail, mais force est de constater qu’ils ring) ont réalisé ou entrepris la construc- seulement, grâce aux nouvelles rames veulent priver le rail d’un outil décisif tion d’une demi-douzaine de longs tun- commandées par la SNCF) ; pour améliorer son efficacité, et qu’ils ne nels transalpins alors qu’ils disposent de - la suppression des autres arrêts por- soutiennent pas la proposition du rapport voies ferrées classiques non saturées et terait le gain de temps à 1h54. Bouvard-Destot de créer une écotaxe ré- présentant des déclivités moindres que Conclusion des opposants : « faut-il gionale pour le financer (FNAUT Infos celle de la ligne française de Modane. dépenser 26 milliards pour gagner une 217, 238, 247). heure ? » Ce point de vue est repris, en Ils réclament l’utilisation de la capa- L’exemple suisse particulier, par Dominique Dord, dé- cité disponible sur la ligne classique puté-maire LR d’Aix-les-Bains ; André Ambérieu-Modane tout en dénonçant Bernhard Kunz, directeur général de Gattolin, sénateur EELV des Hauts-de- les risques d’accident le long du lac du Hupac, l’opérateur de la route roulante Seine ; Bertrand Pancher, député-maire Bourget, et alors que la gare de Cham- suisse, confirme ces perspectives de ré- UDI de Bar-le-Duc ; et Yves Crozet, uni- béry est déjà saturée. Ils vantent le trafic duction des coûts que persistent à igno- versitaire lyonnais, spécialiste de l’éco- fret intense observé sur la ligne classique rer les opposants au Lyon-Turin. nomie des transports. du Gothard mais oublient que la Suisse, « La nouvelle transversale alpine, avec La réalité est très différente. comme l’Autriche, subventionne large- le tunnel de base du Gothard (2017), le - L’ouvrage est destiné d’abord au ment le rail en attendant l’ouverture de tunnel de base (de 15 km situé plus au trafic de fret (80 % du trafic prévu). ses nouveaux tunnels, ce qui n’est pas le sud) du Ceneri (2020) et le corridor de - Le meilleur temps annoncé pour le cas en France. 4 mètres de hauteur (2020), accueillera trajet TGV Paris-Milan sans arrêt inter- Ils préconisent aussi l’intensification des trains plus longs, plus lourds et plus médiaire, une fois l’ouvrage terminé, du merroutage des camions entre l’Es- hauts, et offrira un potentiel d’écono- n’est pas de 4h14 mais de 4h04. pagne et l’Italie alors que les ports ita- mies important sur les coûts de pro- - Le meilleur temps actuel est de liens sont déjà encombrés. duction, grâce au raccourcissement de 7h09, il est offert par le TGV qui quitte Ils s’appuient sur la faillite de TP Ferro, la durée des trajets et à l’abandon de la Paris à 10h41 et arrive à Milan à 17h50, gestionnaire du tunnel du Perthus traction multiple. A compter de 2020, sans arrêt à Saint-Jean-de-Mau- (8,3 km) et de la LGV mixte Perpignan- des trains de fret pouvant atteindre rienne. La durée cumulée des arrêts à Figueras, alors que ce tunnel n’est pas un 750 m de long (au lieu de 550) et Lyon Saint-Exupéry (3 min), Chambéry tunnel de base (les rampes d’accès sont 2 000 tonnes circuleront entre l’Europe (6 min), Modane (5 min), Bardonecchia de 1,8 %) et que la faillite de TP Ferro du Nord et l’Italie, ce qui correspond (1 min), Oulx (1 min) et Turin (4 min) est est due à des éléments indépendants de à un gain de productivité de 30 %. Le de 20 minutes. Le freinage et l’accélé- cet opérateur (voir page 6). potentiel de croissance du trafic ferro- ration du TGV avant et après les gares viaire est donc énorme. A terme, l’har- fait perdre 5 min (3 min à Lyon, 1 min Le paramètre fondamental monisation des normes et des gabarits à Oulx et environ 1 min au total aux permettra des réductions substantielles autres gares, qui doivent être franchies Les opposants réclament que la ligne des coûts opérationnels, et une dimi- à 30 km/h seulement, même si le train classique soit mieux utilisée malgré son nution progressive des subventions pu- ne s’y arrête pas). Ainsi le gain de temps profil : savent-ils que nous ne vivons pas bliques. On pourra remplacer 30 chauf- total possible en théorie n’est que de dans une économie administrée ? feurs de poids lourds par un machiniste 45 + 20 + 5 min = 1h10 (et non 1h54), Ce n’est pas l’Etat qui décide la répar- pour acheminer du fret directement de soit un meilleur temps Paris-Milan de tition modale du fret, mais les chargeurs, Gênes à Rotterdam, avec une baisse de 5h59 (et non 5h15). sensibles en priorité au prix et à la fia- 88 % des émissions de CO2 ». Mais tous les arrêts ne peuvent être bilité de l’offre ferroviaire. Or le rail, En Suisse, le transfert du trafic du fret supprimés aujourd’hui ! Pour des rai- s’il doit se contenter d’infrastructures sur le rail s’accentue. Depuis le début sons commerciales évidentes, les ar- obsolètes, ne peut être compétitif avec la 2016, le fret ferrouté a augmenté de 6%, rêts de Lyon, Chambéry et Turin sont route qui, elle, dispose d’infrastructures alors que le trafic routier a baissé de 2%. incontournables ; celui de Modane est modernes et performantes : autoroutes La part de marché du rail a atteint 71 %, utilisé pour les contrôles de police et d’accès et tunnels de basse altitude (Fré- son plus haut niveau depuis 2001, date on imagine mal sa suppression dans jus et Mont Blanc). Et la baisse du prix de l’introduction de la redevance sur les le contexte actuel ; seuls les arrêts de des carburants bénéficie à la route. poids lourds liée aux prestations (RPLP) Bardonecchia et Oulx pourraient donc L’atout essentiel du tunnel de base et de l’autorisation progressive des poids être supprimés, d’où un gain de temps du Lyon-Turin est de permettre une lourds jusqu’à 40 tonnes. Moins de maximum de 4 min. Ainsi le gain de très forte réduction des coûts d’exploi- 500 000 poids lourds ont transité par temps total possible aujourd’hui n’est tation des trains de fret : suppression les Alpes suisses au cours du premier que de 45 + 4 = 49 minutes (et non des doubles ou triples tractions, des semestre 2016. Selon Jon Pult, président 1h54), soit un meilleur temps Paris-Mi- manœuvres et des parcours haut-le-pied de l’Initiative des Alpes, « l’objectif d’un lan de 6h20 : on est bien loin du 5h15 des locomotives, gains de temps et de transfert sur le rail de 650 000 poids annoncé par les opposants... Le Lyon- fiabilité, augmentation du tonnage des lourds par an sur un million n’est pas Turin fera donc gagner 2h16, et non trains et de leur gabarit, réduction des une utopie ». 1h, aux voyageurs.

4 x FNAUT infos n°251 - janvier-février 2017 Dossier Le vrai coût du Lyon-Turin : 26 milliards d’euros ? TP Ferro : un fiasco annoncé Les opposants au Lyon-Turin changement d’essieux, d’où un coût et un Ce montant impressionnant est cherchent à exploiter la faillite de délai d’acheminement supplémentaires. avancé non seulement par les oppo- TP Ferro pour démontrer qu’une fail- l Le tunnel du Perthus, avec une rampe sants au projet mais aussi par la Direc- lite analogue menace les exploitants d’accès de 18 ‰, n’est pas vraiment un tun- tion du Trésor, la Cour des comptes, du tunnel de base transalpin. Les deux nel de base : la plupart des trains, dont la l’économiste lyonnais Yves Crozet et situations sont-elles analogues ? longueur est limitée à 500 m en Espagne, bien d’autres (les opposants parlent sont en double traction, ce qui alourdit les même aujourd’hui de 30 milliards). Il a TP Ferro, consortium regroupant à éga- coûts d’exploitation. été corrigé par Louis Besson, président lité deux sociétés privées de BTP, le fran- l Les locomotives de la RENFE ont été de la commission intergouvernemen- çais Eiffage et l’espagnol ACS, a obtenu conçues pour tracter des trains de voya- tale pour le Lyon-Turin, qui a examiné en 2003, pour 50 ans, la concession de la geurs, et sont inadaptées aux 1 500 volts du la question avec rigueur dans son ligne mixte à grande vitesse et écartement réseau français : elles ne peuvent circuler au ouvrage « Le nouveau lien ferroviaire international (UIC) Perpignan-Figueras nord de Perpignan. Les opérateurs privés mixte Lyon-Turin ». Nous résumons ici (44,4 km), et en particulier celle du tunnel ne peuvent utiliser la ligne, leurs locomo- son analyse. du Perthus (8,3 km). tives n’étant pas équipées de la signalisation Du coût annoncé de 26 milliards La ligne et le tunnel ont été financés par ERTMS. d’euros, il faut retrancher : 110 millions d’euros de fonds propres, 590 l La ligne littorale au nord de Perpignan - le coût d’un projet indépendant du de subvention publique et 410 d’emprunt. est insuffisamment fiable. Lyon-Turin, le CFAL (contournement L’infrastructure a été livrée, comme nord-sud de l’agglomération lyonnaise, prévu, en février 2009, et la liaison France visant à désaturer le nœud lyonnais) ; Perpignan-Figueras ouverte fin Perpignan - celui des composantes du Lyon-Tu- 2010 et exploitée conjointement par rin qui sont reportées ou quasiment la SNCF et la RENFE. abandonnées (3ème phase des accès Mais, par la suite, le nombre des

Espagne 2010 français au tunnel international : deu- TGV et des trains de fret utilisant la Figueres xièmes tubes des tunnels de Char- ligne est resté très largement inférieur treuse et de Belledonne ; 4ème phase : aux prévisions, et les recettes de péages Girona Lleida LGV Lyon – Saint-André-le-Gaz). inférieures aux frais financiers. La dette 2013 Le vrai coût pour la France est d’à ayant atteint 557 millions d’euros, 2003 2006 peine 10 milliards d’euros 2011 pour TP Ferro a dû déposer son bilan : une une ligne nouvelle Lyon-Italie conti- filiale commune de SNCF Réseau et Tarragona 2008 arcelone nue à grand gabarit fret et un profil de de l’ADIF, son homologue espagnol, plaine (à titre de comparaison, le coût a repris la gestion de l’infrastructure, le des LGV Bordeaux-Toulouse/Espagne personnel et la dette. est de 8,3 milliards d’euros 2016) : Les causes de l’échec sont multiples. l Les péages élevés incitent les chargeurs - 2,17 pour le tunnel international à privilégier la ligne côtière (c’est le cas de 3 (financé à 40 % par Bruxelles, 35 % par Trafic voyageurs trains de fret sur 4). l’Italie et 25 % par la France) ; De cet épisode affligeant, on peut tirer 3 - et 7,74 pour les accès français (tun- l La ligne nouvelle a certes permis de enseignements. nel de Chartreuse et ligne mixte Lyon- créer des relations directes TGV et AVE 1. La ligne a été ouverte trop tôt, dans Chambéry), des ouvrages d’ailleurs entre Barcelone ou Madrid et Paris, Lyon, un environnement ferroviaire impréparé. susceptibles d’être subventionnés par Marseille ou Toulouse. Mais elle n’a été La faillite de TP Ferro est révélatrice de Bruxelles à hauteur de 20 %. raccordée au réseau des LGV espagnoles profonds dysfonctionnements du monde que fin 2013 en raison des difficultés tech- ferroviaire et de l’absence de réelle stra- niques rencontrées à Barcelone par l’ADIF. tégie des deux Etats et des exploitants Trafic routier en baisse ? l Le montant élevé des péages a incité concernés. Selon les opposants, le trafic routier de la SNCF et la RENFE à utiliser du ma- 2. La LGV Perpignan-Figueras con­ fret ne cesse de diminuer à travers les tériel très capacitaire au détriment de la serve cependant un avenir, elle dispose en Alpes du nord, le Lyon-Turin est inutile. En fréquence souhaitée par les clients. Des effet de deux sources majeures de trafic réalité, la baisse du trafic dans les tunnels services transfrontaliers à haute fréquence potentiel : les relations régionales à grande du Mont-Blanc et du Fréjus s’est arrêtée auraient dû être proposés. vitesse Occitanie-Catalogne, et le trans- en 2013. Depuis cette date, d’après la SF- l Le TGV, très cher pour le voyageur, est port du fret à moyenne et longue distance TRF, le trafic dans ces deux tunnels a aug- fortement concurrencé par les avions à bas (10 000 camions passent chaque jour au col menté de 0,7 % en 2014 et 2,6 % en 2015, coût et les cars Macron (y compris les cars du Perthus). soit 3,3 % au total. Dans le seul tunnel du Ouibus de la SNCF). 3. Qu’il s’agisse de Perpignan-Figueras Fréjus, de janvier 2014 à octobre 2016, la ou de Lyon-Turin, la construction d’une croissance du trafic a été de 8 %. Trafic de fret ligne nouvelle doit permettre d’abaisser Quant au trafic passant par la Côte le coût du transport ferroviaire de fret et d’Azur, lui aussi captable par le Lyon-Turin l La ligne nouvelle, à écartement inter- d’améliorer sa vitesse et sa fiabilité. L’échec (la distance Barcelone-Milan est la même national, n’est pas encore connectée à tous de TP Ferro n’invalide en rien le Lyon-Tu- via Vintimille ou Lyon), il a augmenté de les pôles générateurs de trafic fret de Cata- rin (la ligne ne sera pas exploitée en conces- 7 % entre 2009 et 2015. logne : usines embranchées, chantiers de sion, le tunnel prévu est un vrai tunnel de Le trafic total entre la France et l’Italie transport combiné, ports,... Elle n’aura pas base qui débouchera sur des voies à écarte- est de 2 600 000 camions par an : la Suisse totalement accès aux ports de Barcelone, ment normal), mais il doit servir de leçon : a percé deux tunnels ferroviaires de base, Tarragone et Valencia avant 2018. Les une politique ferroviaire globale est indis- Lötschberg et Gothard, alors que le tran- chargeurs doivent donc utiliser des wagons pensable pour valoriser les atouts du rail sit à travers son territoire n’est que de à écartement large espagnol jusqu’à un et assurer le succès du Lyon-Turin face au 1200 000 camions par an... chantier de transbordement du fret ou de camion et à l’avion.

FNAUT infos n°251 - janvier-février 2017 x 5 Dossier Un canal à (gros) problèmes L’avis d’un expert Selon Pierre Parreaux, président du Curieusement, le projet de canal la Région Hauts-de-France délégué aux CLAC (Comité de liaison pour les alter- Seine-Nord-Europe (CSNE) suscite peu transports : « il ne s’agit pas de faire une au- natives aux canaux interbassins), le fran- d’opposition de la part des environ- toroute à péniches entre le bassin parisien chissement d’un seuil entre deux bassins nementalistes et écologistes, qui par et les ports d’Anvers et Rotterdam » (c’est fluviaux coûte jusqu’à 30 fois plus cher par ailleurs s’acharnent contre le projet pourtant ce que redoutent de nombreux km qu’un canal de plaine (ratio constaté ferroviaire Lyon-Turin, à l’évidence plus experts et les dirigeants du port du Havre). lors de la construction du canal Main-Da- pertinent (FNAUT Infos 217). Le financement des quatre plateformes nube). C’est pour cela que l’Europe flu- (460 millions non compris dans le budget viale reste concentrée au nord-ouest du Le canal à grand gabarit doit être tracé du canal) n’est pas dégagé (pas plus que territoire européen. Le Rhin est un boule- entre l’Oise et le canal Dunkerque-Escaut ceux du RER du Grand Lille, du métro vard à bateaux, sans écluse sur 618 km : il (entre Compiègne et la région de Cambrai), Transmanche Lille-Calais-Ashford, de la est souvent cité en exemple, mais sa confi- sur 107 km de longueur et 54 m de largeur rénovation du réseau TER et du barreau guration est unique en Europe. (dans les lignes droites, et bien davantage TGV Creil-Roissy souhaités par la Région Si le réseau Freycinet des canaux à petit dans les courbes). Hauts-de-France). gabarit (bateaux de 300 tonnes) s’est dé- Autre difficulté : pour que les veloppé en France aux 18e et 19e siècles Dunerque convois fluviaux utilisant le canal en franchissant des seuils, c’est qu’à Anvers à grand gabarit puissent navi- l’époque, surtout avant l’apparition du C

a n rail, ils jouaient un rôle déterminant dans a guer sur l’Oise au sud de Com-

l

D Boulogne- u piègne, il faudrait relever les le développement économique, et aussi n ruxelles k Lille sur-Mer e r 22 ponts existants, ferroviaires parce que leurs modestes besoins en eau q u e ou routiers, à 7 m de hauteur (en étaient compatibles avec les ressources - E sc Escaut au plus des 61 ponts inclus dans le hydrographiques des régions traversées. Abbeville t Cambrai projet Seine-Nord). Obstacle Le canal Seine-Nord exigerait au contraire supplémentaire : le pont histo- des écluses hautes - donc des coûts de Saint uentin rique Louis XV de Compiègne construction et de fonctionnement très Amiens Le avre vient juste d’être restauré... élevés et des péages dissuasifs - et des Beauvais Il est envisagé de laisser les pompages d’eau qui doubleraient la Seine Compiègne ponts à 5,25 mètres, mais les consommation énergétique des bateaux. convois devraient alors ne trans- Le canal Seine-Nord, au gabarit de porter que 2 couches de conte- 4 400 tonnes, est encadré par des voies Oise neurs au lieu de 3, ce qui diminue- de moindre gabarit, dont la mise à niveau Paris rait très fortement la rentabilité n’est jamais comptée dans le coût du Chlons-en- Champagne du canal. Il faudrait relever de canal. Le gabarit majoritaire des canaux Evry même les très nombreux ponts belges est de 1 350 tonnes. L’Escaut (en existants sur le canal Dunkerque- Belgique) est en cours de recalibrage à Il comprendra 6 écluses car une 7ème, Escaut, l’Escaut, la Deûle et la Lys. 2000 tonnes, la Lys et la Deûle à 4400. prévue au bief de partage, a finalement été En 2014, un Premier ministre très opti- Le transport de conteneurs par voie supprimée au profit d’une tranchée qui exi- miste annonçait le début des travaux en d’eau sur de longues distances n’est ren- gera d’énormes déblais. Le dénivelé total 2017 et l’ouverture du canal en 2023. Plus table que si on peut en empiler au moins entre l’Oise et l’Escaut sera de 106 m. prudemment, on parle aujourd’hui d’une 3 couches sur un bateau. Or il pourrait Selon Voies Navigables de France, très ouverture en 2027. s’écouler des décennies avant que tous optimiste, 500 000 camions par an seraient La FNAUT a critiqué de longue date le les ponts situés entre Rotterdam et Paris transférés de la route sur la voie d’eau (soit projet de canal Seine-Nord (FNAUT Infos aient été reconstruits. 10 % du trafic sur l’A1 entre Paris et Lille ; 159, 217, 230, 238, 241, 246). Ce projet an- Le trafic escompté de 12 millions de le reste du trafic prévu serait pris au rail cien a été relancé (sans le débat réclamé alors tonnes par an sur Seine-Nord est exagé- selon le rapport Massoni-Lidsky publié en par la FNAUT) par le ministre des trans- rément optimiste car seule une partie du 2013 - FNAUT Infos 217). ports Jean-Claude Gayssot suite à l’abandon trafic routier (3 %) est fluvialisable et la du projet de canal Rhin-Rhône en 1997. construction de l’A1 bis est toujours envi- Un financement bien difficile... Confronté à « l’état catastrophique du ré- sagée. Enfin le réseau ferré, la Seine et le seau TER », Gérald Darmanin a demandé canal Dunkerque-Escaut sont bien loin Le canal est officiellement évalué à à la SNCF de construire moins de LGV d’être saturés. 4,5 milliards d’euros hors taxes. Le finan- (il oublie seulement que ce n’est pas elle cement sera entièrement public. Initiale- qui décide, et que dorénavant les nouvelles ment, la Région Hauts-de-France devait LGV seront financées par l’Etat, comme BIEN DIT verser 300 millions, les départements vient de l’annoncer le secrétaire d’Etat aux (Nord, Pas-de-Calais, Somme et Oise) Transports) : il n’a pas songé à l’abandon l Alain Bonnafous, ancien directeur du 400 millions, l’Etat 1 milliard, l’Union encore possible du canal, dont l’utilité reste Laboratoire d’économie des transports de européenne 1,8 milliard (40 % du total), à démontrer... Lyon : « on va dépenser 4,5 milliards d’eu- le financement étant complété par un Selon Edouard Philippe, député-maire ros pour une opération qui ne peut qu’ac- emprunt de 0,7 milliard. Mais l’Ile-de- LR du Havre, le canal, en favorisant Anvers croître nos émissions de gaz à effet de serre France ne versera que 110 millions des et Rotterdam, serait « un projet démesuré, et qui, au total, détruira plus de richesse 210 escomptés. Finalement les départe- d’une naïveté déconcertante, un gâchis éco- qu’elle n’en créera. L’ADEME l’a établi soli- ments verseront 500 millions, la Région nomique et environnemental ». Il préco- dement : si une tonne-kilomètre passe de Hauts de France 350 millions. nise de développer non un axe fluvial nord- la route à la voie d’eau, 50 grammes de CO2 Quatre plateformes logistiques sont pré- sud, mais un axe ferroviaire est-ouest du sont économisés en moyenne ; si elle passe vues le long du canal car, comme l’explique Havre vers l’Europe centrale, par Amiens du rail à la voie d’eau, 32 grammes supplé- Gérald Darmanin, vice-président LR de et Châlons-en-Champagne. mentaires sont émis ».

6 x FNAUT infos n°251 - janvier-février 2017 Actualité Brèves En bref Fraude Bêtisier BIEN DIT, MAIS... La fraude coûte 4,5 millions d’euros par an au réseau strasbourgeois (CTS). En cinq La Chambre de Commerce et d’Industrie l Nicolas Dupont-Aignan, président ans, le taux de fraude a cependant baissé de Grenoble « partage la nécessité de doter de Debout la France, à propos d’ : « de 25%, il est passé à 9,2 % en 2015, un des l’agglomération d’un centre-ville rénové et j’attends un grand programme de transport meilleurs résultats français en la matière. La embelli », mais souligne que « des projets collectif qui permette aux gens de ne plus tendance s’accentue avec l’introduction de de piétonisation non préparés dans d’autres prendre la voiture ». Lors des élections régio- la tarification solidaire. villes (lesquelles ?) ont entraîné des baisses nales de 2015, il voulait « réconcilier la voiture d’activité commerciale de plus de 30 %. La et l’Ile-de-France, réhabiliter l’automobile » et Le nec plus ultra de l’intermodalité vie de nombreux ménages et l’attractivité de « dépenser 5 milliards d’euros pour faire sau- l’ensemble de Grenoble seraient menacées. ter les bouchons » (FNAUT Infos 240)... Le système proposé par le consortium I2TC Ce serait un véritable crime économique l Dominique Bussereau, ancien ministre va-t-il révolutionner l’intermodalité ? Le prin- qui ferait des dégâts considérables. Peut-on LR des Transports : « depuis 2012, le gouver- cipe est « simple » : pour éviter une rupture prendre le risque du plus gros plan social isé- nement a délibérément choisi la route, mul- de charge entre téléphérique et tramway, les rois (plus de 5 000 emplois, soit presque le tipliant les programmes autoroutiers, favo- cabines seraient décrochées, posées sur les tiers des emplois du commerce central) ? » risant le covoiturage et le car, supprimant rails puis tractées par une motrice. l’écotaxe, majorant la TVA sur les transports Enquêtes publics et diminuant les concours au trans- Logistique urbaine port public ». En 2003, le gouvernement Raf- Selon l’institut Harris, 30 % des Fran- farin, auquel il appartenait, avait supprimé Paris et Amsterdam ont fait une expé- çais considèrent la baisse des prix comme la les subventions aux TCSP et PDU des villes rience éphémère de distribution du fret par priorité pour accroître l’usage des transports de province (FNAUT Infos 120). Et lui-même tramway. A Dresde, le tramway est utilisé publics. Cette attente est particulièrement est favorable à l’A831... pour le transport de pièces automobiles vers forte (41 %) chez les ménages aux revenus les usines BMW au rythme d’une livraison par les plus faibles. Pour 25 % des Français et Une idée juste heure. A Zurich, un ancien tramway collecte 38 % des ménages les plus aisés, la principale les déchets métalliques et électroniques. attente concerne le renforcement des fré- Selon Alain Vidalies, « l’idée d’expéri- Selon l’Atelier parisien d’urbanisme quences ; viennent ensuite le développement menter la concurrence dans le TER me pa- (APUR), « les réseaux de tramway ne sont pas de l’intermodalité (17 % des Français), et raît juste ». Une idée que la FNAUT défend pensés pour le fret : ni raccordement des sites l’amélioration de la sécurité (15 %), enfin un depuis le colloque qu’elle a organisé à Tours, logistiques, ni interconnexion entre lignes, ni meilleur confort et des contrôles antifraudes en 1992, sur l’avenir des lignes régionales. réflexion sur le matériel roulant ; il faut faire plus efficaces (7 % des sondés). émerger une nouvelle offre de transport ». Selon une enquête effectuée fin 2015 par Une idée contestable En 2014, l’institut de recherche Effica- l’Association Française du Rail, qui regroupe city a relancé le projet Tramfret pour des les exploitants ferroviaires privés, 54 % des Yves Crozet, économiste : « il ne faut pas livraisons de marchandises en ville (voir le Français seulement se disent satisfaits de cantonner la réussite du rail à la simple taxa- site : www.tramfret.com). l’offre TER de leur région (50 % dans les tion de la route et de l’avion. Le rail n’ira pas zones rurales), 79 % estiment que la concur- mieux parce que l’on tape sur la route ». Bionique ferroviaire rence dans le secteur ferroviaire serait utile et 78 % que les Régions devraient pouvoir Le bec et la tête du martin-pêcheur, un choisir leur exploitant, comme c’est le cas oiseau qui plonge dans l‘eau sans faire de depuis longtemps en Allemagne. vagues, ont inspiré le nez du TGV japonais. Le TGV a gagné en aérodynamisme pour traver- Prédiction inquiétante ser les tunnels étroits situés entre Osaka et Hakata. Sa consommation a diminué de 15 % Selon Augustin de Romanet, PDG de Pa- et sa vitesse a augmenté de 10 %. ris Aéroport : « le trafic aérien pourrait qua- siment doubler d’ici 2030, l‘émergence des Amende finlandaise classes moyennes dans de nombreux pays est un formidable moteur de croissance. La En Finlande, un automobiliste riche, surpris population susceptible de voyager va passer à 103 km/h au lieu de 80 km/h, s’est vu infli- de 2,7 à 4,7 milliards d’ici 2030. Le trafic abrutis.com ger une amende de 54 024 euros : le mon- progresse de 4 à 5 % par an, un peu moins tant des amendes est en effet indexé sur le en Europe, un peu plus en Asie ». Fillette mécontente salaire net et le nombre d’enfants à charge du contrevenant (source : www.atlantico.fr). Langage de colloque Ella, 6 ans, a écrit à la Southern Railway, qui exploite les lignes du sud de Londres : Opinion allemande Ne parlez plus d’innovation dans le pro- « Cher Mr du Chemin de Fer, mon papa cess de production, mais de disruption tech- est toujours en retard le soir et me manque Selon le ministère allemand de l’environ- nologique ; de covoiturage, mais d’« usage beaucoup, ça me rend triste. S’il vous plaît, nement, 82 % des citadins interrogés sou- partagé des véhicules terrestres à moteur ». ramenez-le à la maison à l’heure. Il dit que haitent qu’on abandonne toute planifica- Sachez aussi que l’intermodalité est un outil vous prenez tout son argent, c’est pour ça tion urbaine centrée sur la voiture, et qu’à la rétistique et discursif au service de la promo- que je ne peux pas aller à Disneyland ». place, on se préoccupe des déplacements tion des territoires dans la mondialisation. Le papa paie un abonnement annuel de effectués à pied, à vélo et en transport public. Quel que soit le thème du colloque dans le- 4 000 livres et dit : « la société devrait offrir Les jeunes (14 à 17 ans) sont même 92% à se quel vous intervenez, dites de temps à autre : à ma fille une compensation pour le temps déclarer favorables à cette politique. « ça, c’est un vrai sujet ». qu’elle ne passe pas avec moi ».

FNAUT infos n°251 - janvier-février 2017 x 7 En régions Transport urbain par câble : Nouvelles adhésions Les associations suivantes ont adhéré la technique avant les besoins ? à la FNAUT au cours de l’année 2016 : Le 19 novembre 2016, le premier télé- Le choix de la technique doit venir l’association Au fil des réseaux (Dijon), phérique urbain français, conçu par une après l’analyse des besoins, qui doivent l’association pour la promotion de la ligne entreprise suisse, a été inauguré à Brest être appréhendés sur le long terme. Et, Morlaix-Roscoff, le comité des usagers de (celui de Grenoble est à vocation pure- qu’il s’agisse de l’alternative tramway/ la ligne Paris-Dreux-Argentan-Granville, ment touristique). Il relie le centre-ville BHNS ou de l’alternative tramway/câble, l’association ASPIC de Nîmes, l’association et le plateau des Capucins, un ancien site ce choix ne doit pas être fait en fonction TGV Sud Territoires Environnement (Bé- industriel militaire de 16 ha en cours d’ur- des contraintes financières immédiates. ziers), l’association AUTATE de Toulouse banisation, en passant à 70 m au-dessus de Contrairement au tramway ou au BHNS qui s’oppose au projet de 3ème ligne de la rivière Penfeld. (s’il dispose d’un véritable site propre), le métro de l’agglomération toulousaine. Les deux nacelles du téléphérique transport par câble occupe peu d’espace au peuvent embarquer jusqu’à 60 personnes, sol : ce n’est pas nécessairement un atout, le trajet est de 420 mètres et dure 3 mi- contrairement à ce que laisse entendre la La revue Transports urbains nutes. Elles fonctionnent avec des vents de ministre qui montre ainsi qu’elle ne sou- près de 110 km/h ; une partie des vitres haite pas limiter la place de la voiture en Le GETUM, Groupement pour l’étude des cabines se teinte à l’approche des habi- ville. Le câble, en effet, ne permet pas de des transports urbains modernes, est une tations afin de préserver l’intimité de leurs réduire l’espace occupé par la voiture, ce association fondée en 1967, adhérente résidents. Il n’y aura pas de personnel dans qui reste l’objectif premier des Plans de à la FNAUT. Elle est présidée par Francis les stations ou les cabines. Déplacements Urbains introduits par la Beaucire. Le système sera disponible 358 jours Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de Le GETUM édite la revue Transports ur- par an, il a coûté 19 millions d’euros et l’énergie (loi Lepage de 1996). bains, mobilités-réseaux-territoires. Cette sa construction a évité celle d’un nouveau revue indépendante publie des contri- pont de 30 à 60 millions, ou d’une pas- Un créneau bien précis butions émanant des réseaux de trans- serelle de 25 à 30 millions, selon Brest port collectif, des autorités organisatrices, Métropole Océane. Le trafic prévu est de Le transport urbain par câble est bien des associations militantes, des bureaux 1850 usagers par jour. Le coût de fonc- adapté au franchissement des coupures d’études et des chercheurs universitaires. tionnement n’a pas été publié. urbaines (fleuves, vallées, autoroutes, Le GETUM prend aussi position sur les ques- faisceaux ferroviaires) et à la desserte des tions politiques, sociales, économiques et Le transport du futur ? villes comportant de fortes dénivelées environnementales impliquant la mobilité (FNAUT Infos 160, 223). Mais, contrai- et l’aménagement des territoires. A cette occasion, la ministre de l’Envi- rement à ce qu’a indiqué la ministre, il Un dossier numérique donne accès aux ronnement et des Transports Ségolène n’est justifié que dans ces cas particuliers, sommaires et aux éditoriaux des derniers nu- Royal a vanté les mérites du téléphérique si le volume de sa clientèle potentielle méros publiés : olegk.free.fr/tu/hometu.html de Brest (« une grande première nationale, est suffisant mais pas trop élevé, et si son Pour abonnement(1) ou commande de voire internationale ») et plus générale- intrusion visuelle est acceptable (le projet numéros, s’adresser au trésorier, Pierre ment du transport urbain par câble : « c’est d’Issy-les-Moulineaux a été abandonné Zembri : [email protected] vraiment le transport du futur notamment suite à l’opposition des riverains). Ce n’est (1) Tarif particulier accordé aux associations de la dans les agglomérations qui sont surchar- pas une solution universelle. FNAUT : 36 euros pour 4 numéros (au lieu de 46 euros). gées par la circulation ; il n’y a pas plus propre, il n’y a pas plus sécurisé, il n’y a Une nouvelle mode ? Nouvelle formule pas plus silencieux et en plus il n’y a pas moins coûteux. A travers le monde, c’est Ne faut-il donc encourager, sans modé- La publication de FNAUT Infos sous sa un marché considérable qui s’ouvre pour ration, que le transport par câble, à partir forme actuelle cesse avec ce numéro 251 toutes les villes qui ont des problèmes de du seul cas très spécifique de Brest, alors de janvier-février 2017. pollution ». La ministre souhaite fonder que ses coûts d’exploitation et les réactions Les numéros suivants seront essen- une « fédération des pays pouvant s’enga- du public (usagers et riverains) à cette tiellement consacrés à la présentation ger dans le transport par câble ». Un « cri nouvelle offre ne sont pas connus ? La des enquêtes et études réalisées par les d’amour », selon le magazine Mobilicités. FNAUT a toujours préconisé la prudence membres de la FNAUT, et des expertises La ministre a alors annoncé le lance- face aux nouvelles technologies présentées réalisées à sa demande par des consul- ment par l’Etat d’un appel à projets de comme des innovations révolutionnaires tants spécialistes des transports. téléphériques urbains. La FNAUT a dé- et des solutions miracle. Elle a ainsi dé- Des informations et commentaires trai- noncé une décision prématurée et limitée noncé la mode du tramway sur pneus, qui tant de l’actualité des transports seront à cette seule technique. se termine par des fiascos financiers (un dorénavant disponibles sur le site internet acharnement thérapeutique sur le TVR à de la FNAUT. Un appel à projets mal ciblé Nancy, un remplacement du TVR par un tramway à Caen) ou, à Clermont-Ferrand, FNAUT infos - Bulletin mensuel d’information Un appel à projets de transports urbains par une réalisation plus fiable mais d’un Directeur de publication : Jean Sivardière Crédits photo : Marc Debrincat et Fabrice Michel pour la FNAUT ne doit pas être limité au transport par confort médiocre et plus coûteuse qu’un CPPAP n° 0920 G 88319 - Dépôt légal n°251 câble (téléphérique, télécabines), mais tramway classique. ISSN 0983-172 X - Tirage : 1200 ex. étendu à tous les transports collectifs en C’est bien le 4ème appel à projets de Impression : Territoires Photographics, 86370 Vivonne Abonnement 10 numéros : Individuels : 19 b site propre (TCSP). L’Etat doit aider les TCSP « toutes techniques » prévu lors du Administrations, sociétés, organismes, Étranger : 50 b collectivités locales à développer les TCSP, Grenelle de l’environnement, réclamé par Prix au numéro : 2 b mais il n’a pas de légitimité pour orienter la FNAUT depuis deux ans mais refusé Pour adhérer à la FNAUT ou à une association FNAUT de votre région, contacter notre permanence : des choix qui relèvent de la responsabilité par le gouvernement, qui est urgent : il 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris des élus. C’est à ces derniers d’apprécier la doit susciter les initiatives de l’ensemble tél. : 01 43 35 02 83 fax : 01 43 35 14 06­ pertinence des différentes techniques, en des élus et concentrer les moyens finan- e-mail : [email protected] concertation avec le public. ciers disponibles. Internet : http://www.fnaut.fr

8 x FNAUT infos n°251 - janvier-février 2017 252 FNAUT infos mars 2017 transport - consommation - environnement édition nationale

Bulletin de la Fédération­ Nationale des Associations d’Usagers des Transports La libéralisation du transport

Pics de pollution par autocar : succès et risques et gratuité des transports

Présentée par les pouvoirs publics, jusqu’à une date récente, comme une mesure nécessaire d’accompagnement de l’instauration de la circulation alter- née lors des pics de pollution de l’air, la gratuité des transports est aujourd’hui re- mise en cause (Ile-de-France, Strasbourg). La FNAUT a toujours été hostile à cette fausse bonne idée. 1. L’expérience montre que la mesure est peu efficace. L’automobiliste est d’abord sensible à la qualité de service des transports publics, que la gratuité soit une mesure provisoire ou pérenne. La hausse de la fréquentation des transports Gare de Lille-Europe publics est surtout due aux usagers occa- sionnels, qui profitent de l’aubaine pour se déplacer gratuitement. La libéralisation du transport par autocar a été introduite de manière 2. La mesure est coûteuse : 4 millions d’euros par jour en Ile-de-France, soit près improvisée et prématurée, sans étude d’impact sur l’environnement et de 25 millions lors du dernier épisode de l’aménagement du territoire, sans réflexion sur la nécessaire complé- pollution. C’est autant d’argent en moins mentarité entre train et autocar, et sans renforcement préalable du sys- pour les investissements ou le renforce- tème ferroviaire. L’offre routière s’est développée rapidement malgré ment des services. le nombre insuffisant des gares routières. Elle a corrigé l’absence du 3. La mesure est injuste et anti-pédago- transport collectif sur de nombreux itinéraires interurbains, et son suc- gique. Elle pénalise les abonnés qui n’en cès a confirmé les lacunes du transport ferroviaire et son coût excessif bénéficient pas. Elle « récompense » les pour les ménages modestes. Mais elle constitue une nouvelle menace automobilistes alors que c’est l’usage ex- pour le rail - surtout pour les trains Intercités et les TGV - déjà fortement cessif de l’automobile qui est le principal concurrencé par l’avion à bas prix, la voiture et le covoiturage. responsable du pic de pollution. Une alternative intelligente à la gratuité consiste à proposer l’achat d’un billet à Trains Intercités : une nouvelle convention Etat-SNCF l’unité valable toute la journée. Les mesures adoptées, toujours trop tar- La convention Etat-SNCF 2017-2020 impensable. Des relations, en particulier divement, lors des pics de pollution sont relative aux trains Intercités a été publiée transversales, auraient pu être rétablies illusoires. Il faut privilégier les mesures de le 12 janvier : les services de jour sont (Bordeaux-Lyon/Clermont,…) ou créées. prévention afin d’éviter le retour répétitif sauvegardés, l’offre de nuit s’effondre. La généralisation de la réservation obliga- des pics de pollution et réduire la pollu- La nouvelle convention permet de pour- toire, maintenue sur trois lignes, n’est pas tion chronique, et viser un report massif suivre et de fiabiliser l’exploitation des ser- exclue : une clause inadmissible. Comme du trafic routier sur le vélo et les trans- vices de jour, au moins jusqu’en 2020, grâce la commission Duron, la FNAUT récla- ports collectifs, et sur le rail pour le fret. à l’engagement financier des Régions et à mait au contraire sa suppression. Bruno Gazeau la revalorisation de l’aide de l’Etat. L’Etat Quant à la quasi-disparition des trains prend en charge le renouvellement inté- de nuit, elle n’est pas acceptable. Le train gral, très coûteux, du matériel roulant et de nuit reste nécessaire malgré la présence Sommaire confie 18 lignes aux Régions, ce qui devrait du TGV et de l’avion à bas coût. La maî- faciliter l’articulation TER-Intercités. Cer- trise des coûts passe par un nouvel appel à La libéralisation du transport par tains services (Paris-Mulhouse) vont être projets portant sur un périmètre élargi. autocar - Un état des lieux et l’analyse sensiblement améliorés et mieux desservir Quand le train de nuit disparaît, la de la FNAUT. Pages 2-6 régions et villes moyennes. clientèle se reporte non sur le train de jour Mais on attend les augmentations de mais sur la route ou l’avion, une aberration Les droits des voyageurs - Une étude du fréquences sur les grands axes, proposées quand les embouteillages, la pollution et le service juridique de la FNAUT sur la législation par la commission Duron. L’exclusion de réchauffement climatique s’aggravent. européenne. Pages 7-8 la Côte d’Azur du réseau Intercités est Jean Lenoir

FNAUT infos n°252 - mars 2017 x 1 Dossier

La libéralisation du transport par autocar : succès et risques

Autocars Flixbus et Isilines à Strasbourg (wikipedia)

La FNAUT s’est déjà interrogée sur la libéralisation du transport à longue Au 3ème trimestre 2016, le nombre des distance par autocar (FNAUT Infos 231, 234, 236, 241). liaisons est passé à 1 310 (+ 28 %) ; 193 villes, dont 127 de moins de 100 000 habitants, sont L’évolution de la législation L’essor du transport par car desservies et le nombre des voyageurs trans- portés a crû de 33 %. L’offre de Flixbus a aug- Le décret du 14 novembre 1949 a long- Plus de 1 000 liaisons ont été créées dès menté de 49 %, celle d’Ouibus de 32 %, celle temps régi la coordination des transports 2015, dont une centaine entre Paris et la pro- d’Isilines de 19 %. Le taux de remplissage des ferroviaires et routiers. Il a été abrogé en vince. L’offre libéralisée reste cependant mar- cars est maintenant proche de 50 %. 1985. Par la suite, les rares relations rou- ginale par rapport à l’offre routière conven- Près des deux tiers des voyageurs effectuent tières autorisées ont été des relations inter- tionnée TER, qui dessert 3 200 communes. des trajets Paris-province. Mais des lignes rou- régionales conventionnées, mises en place Elle en est très différente : 93 % des liai- tières transversales commencent à apparaître en coopération par des Départements et/ sons conventionnées, de longueur moyenne grâce au maillage autoroutier et en raison de ou des Régions. 28 km, sont intérieures aux nouvelles Régions la faiblesse ou de l’inexistence de l’offre ferro- En 2011, sur la base d’un règlement eu- contre 26 % des liaisons libéralisées. viaire. Flixbus et Isilines proposent maintenant ropéen de 2009, le cabotage a été autorisé La fréquentation s’est développée rapi- des trajets nationaux et internationaux de nuit. sur les lignes internationales régulières dès dement : + 37 % entre le premier et le lors qu’il apportait au transporteur moins second semestres 2016. La tarification de la moitié des voyageurs et des recettes. La longueur moyenne du trajet d’un voya- iDBus, filiale de la SNCF, et Starshipper, geur est de 340 km, le prix moyen est de Avec 5,3 millions de voyageurs transpor- filiale de REUNIR, un regroupement de 12 euros, la durée moyenne est de 4 heures tés depuis août 2015, l’autocar répond à des 32 PME indépendantes, ont alors été créés si le car emprunte des autoroutes sur une part besoins réels et a trouvé sa clientèle. Selon les pour concurrencer Eurolines, filiale de importante de l’itinéraire. Les lignes les plus opérateurs, 18 % de leurs clients « n’auraient Transdev (FNAUT Infos 200). fréquentées font moins de 400 km ; au-delà, pas voyagé » si le service n’avait pas existé. Le trafic de cabotage est resté mo- la durée du trajet devient dissuasive. Le facteur le plus attractif est évidemment la deste : 110 000 voyageurs en 2013, le tarification : en moyenne 4 centimes par km volume du trafic quotidien des trains In- Trois opérateurs dominants (contre environ 10 centimes pour le train), les tercités. Malgré les demandes insistantes petits prix étant souvent maintenus en dernière de la Fédération nationale des transports La compétition entre les transporteurs est minute. Les tarifs commencent cependant à de voyageurs (FNTV), les autocaristes féroce. Le marché est dominé par 3 opérateurs : augmenter : pour un trajet Paris-Orléans par n’étaient pas encore autorisés à exploiter Ouibus (ex-iDBus SNCF), Isilines (Transdev, Flixbus, on est passé récemment d’une four- librement des services interurbains sur le filiale de la Caisse des Dépôts et de Veolia) et chette 5-8 euros à une fourchette 8-17 euros territoire national. Flixbus (opérateur principal en Allemagne). (les tarifs Prem’s SNCF démarrent à 10 euros). Ouibus a absorbé Starshipper en juillet 2016. Une loi inattendue Megabus, filiale du britannique Stagecoach La qualité de service rachetée par Flixbus, a disparu fin 2016. C’est Emmanuel Macron, alors mi- Les activités des transporteurs ne sont pas Les voyageurs attirés par l’autocar s’adaptent nistre de l’Economie, qui a fait adopter rentables car ils pratiquent des prix d’appel à l’offre : fréquences, horaires, durée des tra- la libéralisation du transport par auto- très bas (Megabus vendait des billets à 1 euro). jets, confort des véhicules, services à bord (la car (loi du 7 août 2015). Son objectif : Flixbus, qui a déjà perdu quelques dizaines de fréquence sur un itinéraire donné peut aller « faciliter les déplacements des pauvres, millions d’euros, espère atteindre l’équilibre de 1 à 30 allers-retours quotidiens pour l’en- qui ne peuvent pas prendre le train » et financier en 2017 ; Ouibus en 2018 ; Isilines semble des exploitants). Si l’offre routière ne « créer 10 000 emplois ». Selon le mi- encore plus tardivement. leur convient pas, les voyageurs recherchent nistre, « le car est 8 à 10 fois moins cher Sur 300 liaisons, au moins deux opérateurs une offre concurrente (avion, train, covoitu- que le train », ce qui était ridiculement se concurrencent. Les 5 liaisons les plus em- rage) dès lors qu’elle est peu coûteuse. exagéré… (FNAUT Infos 231). pruntées sont Lille-Paris (236 km), Lyon- Mis à part le prix du billet, les exigences des Les transporteurs peuvent dorénavant ou- Paris (479 km), Paris-Rouen (130 km), voyageurs par autocar ne diffèrent donc pas vrir des lignes interrégionales à leurs risques Paris-Rennes (383 km), Paris-Toulouse (684 sensiblement de celles des autres voyageurs. et périls (en « open access »), ils ne sont sou- km). Clermont-Ferrand - Lyon est la seule Elles portent en priorité sur la ponctualité et mis à aucune servitude de service public. transversale figurant dans le « Top 10 », les son corollaire, l’information en temps réel, Une seule contrainte leur est imposée : afin durées des trajets en train et en car étant voi- essentielle en cas de perturbations toujours d’éviter une éventuelle concurrence avec des sines. Les 3 opérateurs principaux se concur- possibles pour un mode dépendant plus que services conventionnés TER ou TET, l’ou- rencent sur ces liaisons. d’autres des aléas de la circulation (les voies ré- verture d’une ligne dont deux arrêts successifs Leur chiffre d’affaires total est de 68 mil- servées aux autocars sur les autoroutes urbaines sont distants de moins de 100 km peut être lions d’euros depuis l’ouverture du marché. sont encore rares : il en existe en Ile-de-France, interdite ou limitée par un avis conforme de Environ 2000 emplois ont été créés : on est loin à Grenoble, à Marseille). Cette information en l’ARAFER, Autorité de régulation des acti- des 10 000 annoncés imprudemment par le temps réel, indispensable en gare routière, doit vités ferroviaires et routières, sur saisine d’une ministre et, plus encore, des 22 000 prévus par se poursuivre durant le voyage, particulière- autorité organisatrice, Etat ou Région. France Stratégie, ex-Commissariat au plan. ment en cas de situation perturbée.

2 x FNAUT infos n°252 - mars 2017 Dossier

L’autocar et ses concurrents La sécurité des véhicules - A Pershing on trouve un kiosque- snack, fermé à l’heure de la visite (10h30) Le car Macron est évidemment un Les autocars grandes lignes, aux alors que de nombreux voyageurs sont concurrent du covoiturage qui, lui aussi, normes Euro 6, sont équipés – outre de présents ; aucun élément d’assistance aux attire le voyageur recherchant un faible l’éthylotest obligatoire – de systèmes dé- voyageurs à Bercy. prix du voyage. Il concurrence aussi pistant l’hypovigilance des conducteurs - Alors que l’information sur le voyage Eurolines, qui a perdu 20 % de son chiffre et le franchissement de ligne blanche. est obligatoire, les quais ne sont même pas d’affaires. Mais le principal enjeu est la De même, les contrats avec les PME identifiés à Pershing, seuls les autocars concurrence train-autocar. locales, partenaires des marques opérant le sont ; à Bercy, un plan des quais est D’octobre 2015 à octobre 2016, selon sur le marché, répondent aux exigences disponible à plusieurs endroits, les quais l’ARAFER, le car Macron a pris 1,3 million de sécurité et de formation avec, entre sont numérotés. A Pershing comme à Ber- de voyageurs au covoiturage et 1,9 mil- autres, le contrôle des temps de conduite cy, aucune information n’est donnée aux lion au train (dont 1,3 million au TGV). assuré par une vérification systématique voyageurs sur leurs droits (alors que cette Sans lui, 19 % de la clientèle aurait utilisé des tachygraphes. information est obligatoire). une voiture personnelle, 25 % le covoi- - La visibilité des deux gares est défi- turage (35 % chez les jeunes) et 37 % le Les gares routières ciente. La gare Pershing n’est pas signa- train (24 % le TGV, 29 % pour des trajets lée depuis la Porte Maillot, que ce soit de plus de 250 km). Les gares routières, leur localisation dans depuis la voirie ou dans les transports Le covoiturage est jugé plus cher (63 % la ville et leur équipement constituent un publics parisiens ; la gare de Bercy est des voyageurs), moins pratique pour enjeu crucial, elles sont un élément-clé souterraine et perdue au milieu du parc les bagages (62 %), moins confortable dans la chaîne d’intermodalité, dont le car de Bercy. et moins sûr (47 %). Mais le critère des doit faire partie. horaires désavantage le car, du fait de la Sur les 171 communes desservies au flexibilité des offres de covoiturage. 30 juin 2016, 94 possèdent une gare rou- tière : 71 sont desservies à cette gare par tous les opérateurs ; dans les 23 autres, au L’autocar et le train moins un opérateur ne dessert pas la gare routière, mais un point d’arrêt situé en Les stratégies adoptées par les dif- périphérie ou près d’un échangeur auto- férents autocaristes relèvent de deux routier. Enfin, 77 communes desservies ne approches distinctes. Isilines assure disposent pas de gare routière. un certain nombre de liaisons trans- L’urgence réside dans la sécurité des versales sur lesquelles le rail est défail- voyageurs. En effet, les gares routières se lant ou absent. Ouibus, en revanche, développent pour la plupart dans l’impro- dessert majoritairement des axes déjà visation pour s’adapter aux évolutions du bien desservis par le train : son réseau trafic, et le cheminement des voyageurs à illustre l’absence d’incitation faite aux travers les véhicules risque d’entraîner des Gare Pershing, Paris porte Maillot opérateurs à s’implanter sur des itiné- accidents de personnes. raires non desservis par le rail. Parmi les gares routières déclarées, un tiers Les droits des voyageurs Les cars Macron concurrencent peu les seulement dispose de personnel, un tiers de cars TER : une quarantaine de relations toilettes et un tiers d’une salle d’attente. En- Les droits des voyageurs par autocar seulement, soit 3,7 % de l’offre Macron, et fin, les simples points d’arrêt disséminés sur sont consacrés par le règlement européen 0,2 % de l’offre TER sont en concurrence. Il le territoire méritent un traitement de qua- 181/2011 applicable en France depuis le 1er en est de même du train TER. C’est princi- lité privilégiant l’information, un gros travail mars 2013. Les dispositions essentielles de palement le train Grandes Lignes qui est sera nécessaire pour y arriver. ce règlement ne s’appliquent toutefois qu’à concurrencé : 86 % des voyageurs ayant Le 16 septembre 2016, le service juri- des lignes de plus de 250 km. utilisé un car Macron l’ont fait sur un itiné- dique de la FNAUT a visité deux gares Ces droits concernent principalement raire desservi par un Intercités ou un TGV. routières parisiennes : la gare Pershing l’annulation du service ou le retard au départ, Plus précisément, selon l’ARAFER : (porte Maillot) et la gare du parking de ainsi que la pratique de la surréservation. La - 442 liaisons par autocar, environ soit Bercy, située quai de Bercy et desservie par Fédération Européenne des Voyageurs, dont 50% d’entre elles, n’ont pas d’alterna- Flixbus, Ouibus et les navettes de l’aéro- la FNAUT est membre et participe à ses tive directe en train (celui-ci exigeant au port de Beauvais (à ne pas confondre avec travaux sur les droits des voyageurs, réclame moins une correspondance) ; celle située à la gare de Paris-Bercy). L’ob- l’abaissement du seuil des 250 km. - la concurrence avec le train TER (qui jectif était de vérifier leur conformité aux Les consultations et réunions de travail propose 45 000 liaisons par jour) existe exigences du règlement n°181/2011 relatif organisées par la FNAUT ces derniers sur 160 liaisons, soit moins de 0,5 % des aux droits des voyageurs par autocar. mois lui ont permis de constater que les liaisons TER et 15 % des liaisons par au- - Les équipements obligatoires (sauf si la compagnies d’autocars s’efforçaient de tocar ; un tiers des liaisons Ouibus, 20% conception de la gare les rend impossibles) prendre en compte les souhaits des voya- des liaisons Isilines/Eurolines et 20% pour les personnes à mobilité réduite sont geurs, notamment ceux relatifs à la bonne des liaisons Flixbus sont en concurrence absents des deux gares et de leurs accès. organisation des correspondances en cas avec un train TER ; - Les dispositifs visuels et dynamiques de retard. Les exploitants ont généralisé - la concurrence entre autocar et trains d’information en situation perturbée, la géolocalisation de leurs véhicules et une Intercités se rencontre sur 174 liaisons ; obligatoires, sont absents des deux gares. assistance aux passagers 24h/24 en cas de c’est le cas de 35% de l’offre Ouibus, 25% - Aucun élément de confort pour l’at- difficultés. Ces aspects comptent puisque de l’offre Isilines/Eurolines et 23% de tente n’est fourni à Pershing ; on trouve 15 % des voyageurs effectuent une corres- l’offre Flixbus ; des abris, des bancs et des toilettes à Bercy. pondance entre deux services de car. - enfin la concurrence entre autocar et - Un panneau indique la direction de A noter que la FNTV a adhéré à la Mé- TGV existe sur 223 liaisons : c’est le cas de la gare « Porte Maillot » à Pershing ; diation Tourisme et Voyages (MTV), des- 49% de l’offre Ouibus, 32% de l’offre Isi- mais aucune information sur les autres tinée à régler les litiges éventuels entre les lines/Eurolines et 25% de l’offre Flixbus. modes de transport n’est visible à Bercy. voyageurs et les opérateurs.

FNAUT infos n°252 - mars 2017 x 3 Dossier Les réflexions de la FNAUT

elle ne répond à aucune préoccupation de service public ou d’aménagement du ter- ritoire. Un transporteur adapte son offre en fonction de ses recettes. La pérennité d’une ligne n’est donc pas garantie, on l’a vérifié à Guéret et Montluçon : seule compagnie à s’arrêter dans ces deux villes de 13 000 et 38 000 habitants respective- ment, Flixbus suspend la desserte pendant l’hiver, faute de rentabilité. Et dans l’hypothèse où la création d’un service Macron inciterait une Région à supprimer un service TER ou TET, ou pro- voquerait sa disparition (auquel cas l’ARA- Autocar Ouibus à Strasbourg (wikipedia) FER, en l’ayant autorisée, aurait mal appré- cié la situation de concurrence entre car et La loi Macron libéralisant le transport par autocar a été élaborée dans la précipitation, train), rien n’obligerait l’opérateur privé à sans collaboration avec le ministère des Transports, sans consultation des associations pérenniser son offre. d’usagers. Son impact énergétique et environnemental n’a pas été étudié. L’utilisation de l’article 49-3 par le gouvernement n’a pas permis au Parlement d’en débattre. Les coûts économiques et externes de l’autocar Une loi improvisée opérateurs ferroviaires (et alors que les opé- rateurs routiers ont été mis en concurrence L’autocar paie-t-il l’intégralité de ses coûts De nombreux problèmes fondamentaux sans hésitation). économiques (usure des routes) ? On peut n’ont pas été réglés : la gouvernance, le finan- Ce regret est d’autant plus vif que, de en douter. Il consomme du gazole partiel- cement et l’équipement des gares routières ; surcroît, cette libéralisation intervient lement détaxé. Il paie des péages sur auto- la coordination entre services routiers et fer- avant la remise en état correct du réseau route, mais d’un montant très faible : il est roviaires ; les conditions d’une concurrence ferré classique et vient à l’évidence servir alors subventionné par les automobilistes, équitable entre l’autocar et le train. d’alibi pour accélérer réductions de ser- comme le sont les camions. Et une écotaxe Quel que soit le régime adopté pour fi- vices et suppressions de lignes ferroviaires serait sans doute justifiée quand il circule sur nancer et gérer les gares routières, par des régionales et nationales. En Allemagne, la le réseau routier ordinaire. collectivités territoriales, des opérateurs ou libéralisation ferroviaire a au contraire pré- Par ailleurs, à notre connaissance, aucune des structures dédiées (GIE), l’essentiel cédé la libéralisation routière, et le réseau étude sérieuse, que ce soit en Allemagne était d’en créer et d’y garantir la transpa- ferré fait l’objet de travaux très importants ou en France, n’a encore été réalisée sur les rence des conditions d’accès des autocars pour augmenter sa capacité : 800 chantiers coûts externes (consommation d’énergie, (tarification et allocation des quais) et l’ab- étaient en cours en 2016. pollution de l’air, bruit et émissions de gaz sence de discrimination entre opérateurs. à effet de serre) de l’autocar longue distance. Cela n’a pas été fait : comme on l’a vu, L’aménagement du territoire Une telle étude aurait dû précéder l’élabora- 77 villes desservies ne disposent toujours tion de la loi Macron. pas de gare routière et l’équipement des Il est trop tôt pour faire un bilan de la Selon la FNTV, « l’autocar est plus respec- gares existantes n’est pas satisfaisant. loi Macron en termes d’aménagement du tueux de l’environnement que la voiture, le La FNAUT a cependant estimé que la territoire. Le marché de l’autocar va-t-il train et l’avion, il répond aux exigences d’une libéralisation était utile car elle permettait de encore se développer ? La concurrence des mobilité responsable et durable ». Mais la créer des services sur des itinéraires précé- autocars fera-t-elle disparaître des services FNTV ne précise ni le mode de traction, demment non desservis par train ou autocar, ferroviaires fragiles (TER interrégionaux thermique ou électrique, du train, ni le taux et de développer, sur l’ensemble du territoire, et Intercités) ? de remplissage des véhicules considérés... une offre nécessaire aux voyageurs modestes On peut cependant noter dès maintenant L’ADEME estime au contraire que le train (jeunes, une partie des seniors) car moins un point positif - la création de dessertes est bien moins consommateur d’énergie et coûteuse que l’offre ferroviaire. collectives entre villes non reliées auparavant émetteur de gaz à effet de serre que l’autocar. par train ou par car, et de lignes transver- Selon les autocaristes, 50 % de leurs clients Une loi prématurée sales - et un point négatif - l’absence d’une auraient utilisé leur voiture particulière ou le desserte intermédiaire des villes moyennes et covoiturage sans les cars Macron. Quand La loi était prématurée, le schéma national petites, que permet le train, entre les grandes l’autocar concurrence l’autosolisme et le des services ferroviaires (prévu par la loi de villes reliées par autocar sur autoroute : tout covoiturage, et obtient ainsi un bon taux de réforme ferroviaire du 4 août 2014) n’ayant arrêt hors de l’autoroute augmente en effet le remplissage, son bilan environnemental est pas encore été élaboré, et le rail n’ayant pas temps de parcours de manière notable. évidemment positif. Mais l’effet est inverse été mis au préalable en situation de pouvoir En concurrence frontale avec le train In- quand il concurrence et fragilise le train : un résister à la concurrence de l’autocar. tercités Aubrac qui dessert 19 arrêts, dont bilan précis reste à faire. La FNAUT a regretté que la libéralisa- Millau où il offre des correspondances vers Selon Emmanuel Macron, « l’autocar, tion du transport par autocar n’ait pas été Rodez ou Mende, le car Flixbus Béziers - c’est du covoiturage industriel ; un autocar accompagnée par celle des services publics Clermont-Ferrand qui emprunte l’autoroute à moitié rempli a un meilleur bilan carbone ferroviaires, régionaux (TER) et nationaux A45 ne dessert même pas Millau (il ne s’ar- qu’un train vide » : la comparaison est sans (TET), qui aurait permis de muscler le train rête qu’à Saint-Chély d’Apcher, sur une aire intérêt, on pourrait aussi bien comparer le et de lui donner toutes ses chances face à un de l’A75, à 10 km du centre-ville…). bilan de l’autocar mal rempli avec celui du concurrent réactif et à l’écoute du client : on a Contrairement à une offre convention- train - Intercités ou TGV - mieux exploité mis en concurrence, sans précaution, le train née, ferroviaire ou routière, l’offre routière qu’il ne l’est aujourd’hui par la SNCF, donc et le car, avant de mettre en concurrence les lbéralisée est purement commerciale : mieux rempli.

4 x FNAUT infos n°252 - mars 2017 Dossier Une segmentation sociale ou géographique du marché ?

Selon une enquête de l’ARAFER, 30 % des voyageurs appartiennent à un ménage – riches et pauvres - en subiront les consé- dont le revenu net mensuel est inférieur à 1500 euros ; 50 % (dont les étudiants) sont quences à travers une réduction de l’offre et sans activité professionnelle, et parmi eux 17 % sont retraités. Il existe donc en France, une contraction du réseau ferré. Ainsi, en comme en Allemagne et en Grande-Bretagne, une clientèle spécifique de l’autocar, Allemagne, les quelques liaisons ferroviaires qui recherche en priorité un faible prix du voyage, quitte à accepter une durée du exploitées en open access par des concurrents trajet généralement allongée (sauf sur les relations transversales assez courtes) et un de la Deutsche Bahn ont dû fermer à cause de confort inférieur à celui du train. l’ouverture du marché des autocars. On peut dire que l’autocar a démocratisé aux courtes distances, est essentiellement Une tarification ferroviaire adaptée doit la mobilité à moyenne et longue distance, et un moyen de rabattement sur le train ou donc être proposée à la clientèle modeste, joue actuellement, plus encore que idTGV un moyen de desserte fine sur un itinéraire découragée par les tarifs actuels, pour la ou que le TGV Ouigo, le rôle d’une 3ème desservi par le train. ramener vers le train. Le prix des déplace- classe ferroviaire mais limitée aux itinéraires Cette complémentarité géographique a ments occasionnels en train TER est notoi- desservis à la fois par le train et l’autocar. toujours été et reste défendue par la FNAUT rement excessif. Il est possible de contrer la Il apparaît ainsi une complémentarité tari- (FNAUT Infos 145, 176, 191, 212, 224). Il concurrence entre car et TER, par exemple faire entre train et autocar. Faut-il accepter est de l’intérêt bien compris de tous les voya- en généralisant la tarification solidaire Illico cette complémentarité qui répond à l’objectif geurs, des territoires, de l’économie et de la introduite par la Région Rhône-Alpes, qui d’Emmanuel Macron (les pauvres dans le car, planète que le rail – ossature naturelle du permettait de voyager sur tout le réseau puisque le train est trop cher pour eux) mais système de transport interurbain et moyen régional avec une réduction de 90 % du segmente la clientèle et affaiblit le rail ? de transport à rendement croissant – ab- tarif normal (ramenée à 75 % par le nouvel Une complémentarité différente est sorbe un maximum de trafic, le car en étant exécutif LR). Une tarification solidaire doit observée typiquement en Suisse où le rail, le complément et non le concurrent. être imaginée aussi pour les liaisons Grandes bien adapté aux flux massifs, est présent Sinon, c’est tout le système ferroviaire lignes (FNAUT Infos 232), sinon l’offre sur tous les itinéraires importants et où qui sera affaibli par écrémage de sa clientèle routière se développera parallèlement à une l’autocar, bien adapté aux flux faibles et modeste par l’autocar, et tous les voyageurs offre ferroviaire jugée trop coûteuse.

Les incohérences de la SNCF

L’attitude de la SNCF, qui déplorait que la concurrence de à l’organisation du travail (ce qui diminuera de 13 % la pro- l’autocar allait lui faire perdre 200 millions d’euros par an, est ductivité de la SNCF). déconcertante. Des trois opérateurs routiers dominants, c’est Et la SNCF, avec la complicité de l’Etat, devait-elle se débar- la SNCF, avec Ouibus, qui concurrence le plus le train (voir rasser de quasiment tous ses trains de nuit au moment où ci-contre le plan de son réseau) ! A noter que l’offre Ouibus, Flixbus (Paris-Nice, Strasbourg-Marseille) et Isilines (Paris- après intégration de Starshipper, a même été élargie d’un Hendaye, Paris-Perpignan,…) commencent à proposer des facteur 4 fin juillet 2016 : 120 destinations sont dorénavant trajets nationaux et internationaux de nuit, avec succès bien desservies en France et en Europe, 1 500 trajets sont propo- que le car soit moins confortable que le train de nuit…, et sés chaque jour, le maillage du réseau est plus fin grâce à de démontrent ainsi la pertinence des offres de nuit ? nouvelles lignes transversales. Doit-elle continuer à vouloir impo- Bien que déjà soumise à la rude ser la réservation obligatoire dans les concurrence du covoiturage, la SNCF trains Intercités, alors que la voiture développe donc son offre routière en particulière est le principal concurrent concurrence frontale avec le train. Fin de ces trains et que l’automobiliste 2016, le site Voyages-SNCF a même dif- exige une grande souplesse d’utilisa- fusé des messages publicitaires pour le tion du train parce qu’il souhaite pou- moins étonnants : « Prenez le bus pour voir improviser son voyage ? les fêtes ! Voyagez en bus en France et La Suisse et le Japon, références en Europe. Le bus, c’est la bonne astuce. mondiales en matière de qualité fer- Avec le bus, découvrez une nouvelle ma- roviaire, ne pratiquent pas la réserva- nière de voyager ! Cet hiver, partez vous tion obligatoire. Il en est de même en ressourcer au pied des montagnes grâce Grande Bretagne – qui ne dispose pas à nos petits prix bus, + de 20 stations de de TGV – et en Allemagne où le trafic se ski à portée de bus... » développe, contrairement à la France. Ouibus accumule un déficit de plu- Pendant ce temps en Allemagne, où sieurs dizaines de millions d’euros. le transport par car s’est rapidement Transdev, qui vient de saisir l’Autorité développé (8 millions de voyageurs en de la concurrence à l’encontre de la Destinations Ouibus 2013, 20 millions en 2016), la Deutsche SNCF pour abus de position domi- Bahn s’est, contrairement à la SNCF, nante, reproche à la SNCF, société monopolistique, d’avoir engagée dans un programme très cohérent de reconquête recapitalisé Ouibus qui multiplie les créations de lignes tout de la clientèle ferroviaire, basé sur une relance progressive en multipliant les pertes. mais ambitieuse de ses services Intercités de jour, après avoir La SNCF est par ailleurs obligée de diversifier ses formules abandonné ses services d’autocar. de train à bas prix (TGV Ouigo, Intercités Eco, tarifs Prem’s)... L’opérateur autrichien ÖBB relance avec succès les trains pour résister à la concurrence routière (autocar et covoitu- de nuit internationaux délaissés par la Deutsche Bahn. rage), y compris celle qu’elle met en œuvre. Mais elle est han- Quant aux Britanniques, ils commandent pour les relations dicapée par sa faible productivité, un handicap que le gouver- Londres-Ecosse du matériel français CAF de grande qualité nement a aggravé en imposant à la direction la reconduction répondant à toutes les attentes de la clientèle (lits, cou- et même le renforcement du règlement SNCF RH0077 relatif chettes, sièges inclinables).

FNAUT infos n°252 - mars 2017 x 5 Dossier

Offres conventionnées Quelle régulation ? gions devraient demander l’interdiction des et offres libéralisées services Macron qui concurrencent ces trains La loi du 8 décembre 2009 a créé l’Auto- bien plus fortement que les TER existants et En transport urbain et en transport par car rité de régulation des activités ferroviaires menacent leur équilibre économique et, tout ex-départemental (aujourd’hui transféré aux (ARAF) pour veiller au bon fonctionnement aussi logiquement, l’ARAFER devrait l’ac- Régions), l’exploitation par une régie ou une du service public et des activités concurren- cepter sur la base des critères qu’elle a adoptés société publique locale est peu répandue, la for- tielles de transport ferroviaire. La loi du et appliqués pour le TER. mule dominante est le conventionnement : à la 4 août 2014 a renforcé ses pouvoirs. La loi suite d’un appel d’offres, l’opérateur le mieux- Macron a étendu ses compétences aux acti- Perspectives d’avenir disant est retenu par l’autorité organisatrice, vités routières. Finalement, la loi du 15 oc- qui conserve la définition de l’offre, maîtrise la tobre 2015 a transformé l’ARAF en ARA- Le secteur des transports est en pleine tarification et assume le déficit d’exploitation. FER et l’a chargée de réguler le marché des mutation. Après la libéralisation du trans- C’est cette formule que préconise depuis liaisons par autocar (le 1er février 2016, elle port par car, sa complexité va encore longtemps la FNAUT pour l’exploitation des a été chargée aussi du contrôle des sociétés s’accentuer : au plus tard en 2023, avec trains TER et TET, la concurrence entre opé- autoroutières). L’ARAFER est une autorité l’arrivée de la concurrence régulée dans rateurs pouvant favoriser une baisse des coûts administrative indépendante comme il en les transports ferroviaires conventionnés de production, des innovations commerciales existe pour l’énergie, la sûreté nucléaire ou TER et TET, certaines Régions souhai- et des gains de clientèle. les marchés financiers. tant même anticiper cette échéance ; et Depuis la libéralisation du transport par Le GART et l’ARF (Association des Ré- dès 2020 avec l’entrée en vigueur du 4ème car (cabotage sur les lignes internationales gions de France, devenue Régions de France) paquet ferroviaire européen et l’arrivée puis libéralisation totale par la loi Macron), étaient opposés au rôle donné à l’ARAFER possible de la concurrence non régulée des services conventionnés et libéralisés de dans la régulation des cars Macron, jugé en « open access » entre opérateurs sur les transport coexistent. contradictoire avec le rôle de coordination services commerciaux Grandes lignes. des offres ferroviaires et routières confié aux En Italie, les trains à grande vitesse Italo Régions par la loi NOTRe. Quant aux séna- de l’opérateur privé NTV et les trains Frec- teurs, ils avaient adopté un seuil de 200 km ciarossa de Trenitalia sont déjà en concur- entre arrêts afin de protéger l’équilibre éco- rence : du coup, la marge dégagée par Tre- nomique des services conventionnés TER et nitalia sur la relation Milan-Rome a fondu, TET, comme le souhaitaient aussi la FNTV et Trenitalia a dû réduire les fréquences et l’UTP, l’Union des transports publics et d’autres services. ferroviaires. Il est difficile de prévoir l’impact de la concurrence non régulée train-car et train- La position de la FNAUT train sur la nature et la qualité de l’offre pro- posée aux voyageurs, sur les tarifs et sur l’- La FNAUT a estimé initialement que nir du système ferroviaire. Le risque évident l’Etat et les Régions devaient intervenir direc- est celui d’un écrémage du trafic ferroviaire tement pour réguler la concurrence entre ser- existant par les services libéralisés ; à l’inverse, vices conventionnés et libéralisés, et imposer la capacité d’innovation des nouveaux opé- une complémentarité entre train et car. Elle rateurs peut améliorer l’offre proposée aux Autocar Flixbus (wikipedia) constate cependant que les décisions prises voyageurs et élargir la clientèle du transport à ce jour par l’ARAFER, légitimes puisque collectif : la FNAUT observera attentive- Les décisions de l’ARAFER conformes à la loi, sont pertinentes. ment, et réagira de manière pragmatique. En 2013, l’ARAFER a autorisé, malgré Depuis septembre 2015, les autocaristes ont l’opposition de la Région PACA, le service Notre-Dame-des-Landes déposé 250 projets de services ne satisfaisant ferroviaire privé Thello Marseille-Nice- pas la condition des 100 km entre deux arrêts Gênes-Milan, novateur et utile aux voya- Easyjet est, après Air France, la compa- successifs, et 90 d’entre eux ont fait l’objet de la geurs (la SNCF a toujours refusé de créer une gnie aérienne qui utilise le plus l’aéro- saisine d’une Région. telle relation) ; son avis a été confirmé par le port de Nantes-Atlantique. N’hésitant Parmi les avis déjà rendus par l’ARAFER, Conseil d’Etat auprès de qui la Région avait pas à contredire le gouvernement, 66 ont été défavorables à la Région qui les fait appel. Et les services routiers de moins de François Baccheta, directeur d’Easyjet contestait, 17 favorables à l’interdiction du 100 km qu’elle a autorisés ne concurrencent France, estime que cet aéroport, bien service et 5 favorables à sa limitation (sur ces que marginalement le TER. situé et bien géré, n’est pas saturé. Il 22 avis, 15 concernent la liaison entre Paris et L’ARAFER n’est pas intervenue quand les n’est pas demandeur de son transfert à l’aéroport de Beauvais). services routiers concurrencent fortement les Notre-Dame-des-Landes. A partir de ses observations, l’ARAFER trains TET ou même TGV : l’Etat, autorité L’aéroport de Rennes-Saint-Jacques a estime que le car Macron ne concurrence que organisatrice des TET, ne l’a pas saisie, et le dépassé en 2016 les 600 000 passagers marginalement les services TER financés par TGV est un service purement commercial annuels (+ 18,4 % par rapport à 2015). les Régions et qu’il n’en menace pas l’équilibre de la SNCF, qui doit accepter la concurrence Selon Gérard Lahellec, vice-président PC économique. Son argument est le suivant dans des autres modes de transport. de la Région Bretagne chargé des trans- les cas de Brive-Limoges, section d’une liaison La FNAUT sera cependant très attentive ports, « ce succès reflète bien l’identité Brive-Paris, et de Niort-Poitiers, section d’une aux avis futurs de l’ARAFER. bretonne, son ouverture sur le monde ; liaison La Rochelle-Paris : les services Flixbus Que va-t-il se passer, en effet, quand les c’est bien la preuve que les aéroports ont une fréquence hebdomadaire très inférieure trains Intercités (dont les usagers paient 70 % de taille moyenne ont un avenir ; nous à celle du TER, donc une très faible capacité ; la du coût d’exploitation contre 30 % pour les sommes complémentaires avec Nantes, clientèle captée au TER est marginale ; les usa- TER) auront été, pour la plupart (18 lignes nous ne craignons pas Notre-Dame-des- gers étant largement subventionnés, la perte fi- sur 24), transférés aux Régions (Normandie, Landes ». En clair, pas question de suppri- nancière des Régions est marginale elle aussi. Le Hauts-de-France, Grand Est, Centre-Val mer l’aéroport de Rennes, contrairement Conseil d’Etat, auprès de qui la Région Nou- de Loire, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie) au à la doctrine officielle, dans l’hypothèse velle Aquitaine a fait appel, a validé la métho- cours des deux prochaines années, et seront où « l’aéroport du Grand Ouest » serait dologie sur laquelle l’ARAFER a fondé ses avis. devenus des TER ? Logiquement, ces Ré- construit...

6 x FNAUT infos n°252 - mars 2017 Actualité

La protection des droits des voyageurs : panorama des règlements européens et analyse de la FNAUT

Association de consommateurs agréée par l’Etat, la FNAUT se préoccupe de longue L’harmonisation du rôle de la force majeure date des droits des voyageurs. Son service juridique (Marc Debrincat, Lisa Laik, Audrey dans les deux règlements aurait aussi pour ef- Peniguel et Anne-Sophie Trcera) a procédé récemment à une analyse comparative fet de clarifier les droits des voyageurs et d’en des règlements européens qui protègent les droits des voyageurs dans les différents faciliter la compréhension. modes de transport – une analyse indispensable car le sujet est très complexe et mal La notion de force majeure n’intervient connu des voyageurs. L’étude a été réalisée pour l’association Qualité Mobilité. pas en transport routier car elle n’a pas d’influence directe sur l’indemnisation du La FNAUT a examiné plus particu- Les cas de force majeure voyageur en cas d’annulation ou de retard. lièrement les différences entre les règle- En effet, l’indemnisation n’est due par le ments concernant le transport aérien, le Les modes de transports ne bénéficient transporteur que si le voyageur n’a pas eu le transport ferroviaire et le transport rou- pas d’un traitement égal face à la force ma- choix entre la poursuite du voyage, le réa- tier en cas d’annulation du service ou de jeure en ce qui concerne l’indemnisation des cheminement vers le point d’arrivée ou le retard (indemnisation du voyageur, choix voyageurs. Dans le domaine aérien, la force remboursement incluant le retour au point entre réacheminement ou rembourse- majeure (on parle alors de « circonstances de départ « dans les meilleurs délais ». ment, prise en charge du voyageur). extraordinaires ») permet d’exonérer le trans- porteur aérien de sa responsabilité. Une grève L’indemnisation des retards Les règlements européens des contrôleurs du ciel est un cas de force ma- jeure ; la CJUE ne s’est pas encore prononcée Le seuil de déclenchement de l’indemnisa- L’Union européenne s’est attachée à sur les grèves internes aux compagnies. tion obligatoire en cas de retard dépend for- renforcer les droits fondamentaux des La situation est très différente dans le do- tement du mode de transport : le seuil est de voyageurs, quel que soit le mode de trans- maine ferroviaire : la notion de force majeure trois heures en transport aérien, il est d’une port utilisé : aérien, ferroviaire, maritime n’est pas reconnue actuellement ; le voyageur heure en transport ferroviaire. Quant au ou routier. Elle s’est également appliquée doit être indemnisé quelle que soit la cause de voyageur par autocar, il n’a droit à une indem- à harmoniser les règlements des diffé- l’annulation du service : perturbation clima- nisation que lorsque le retard constaté est de rents pays de l’Union. La Commission a tique, incident technique, grève,… ou même deux heures… au départ, et non à l’arrivée. ainsi publié quatre règlements : acte de terrorisme. La FNAUT demande que le seuil de dé- - le règlement CE n°261/2004 qui éta- La CJUE a estimé que les voyageurs ferro- clenchement de l’indemnisation obligatoire blit des règles communes en matière d’in- viaires ont droit au remboursement partiel de en cas de retard d’un train soit de 30 minutes demnisation et d’assistance des passagers leur billet en cas de retard de plus d’une heure, de retard à l’arrivée. aériens en cas de refus d’embarquement même en cas de force majeure. et d’annulation ou de retard d’un vol ; La Communauté européenne du rail Le montant de l’indemnisation - le règlement CE n°1371/2007 sur (CER) et le Comité international de trans- les droits et obligations des voyageurs port ferroviaire (CIT) ont au contraire dé- En transport aérien, l’indemnisation en cas ferroviaires ; noncé une violation du principe de concur- de retard est forfaitaire et proportionnelle à la - le règlement CE n°181/2011 sur rence équitable entre modes de transport. distance parcourue, son montant peut aller de les droits des voyageurs par autobus ou La Commission européenne a lancé une 125 à 600 euros. Ce régime d’indemnisation autocar (libéralisé ou conventionné, peu réflexion sur le sujet afin d’intégrer, à une est satisfaisant, mais les compagnies aériennes importe ici le statut du service) ; échéance non précisée, la prise en compte cherchent à relever le seuil des 3 h de retard - le règlement CE n°1177/ 2010 sur de la force majeure en transport ferroviaire. qui les déclenchent. les droits des voyageurs par mer ou voie navigable terrestre. SNCF : où en est-on ? Les droits des voyageurs de tous les types de transports ont été nettement Avant le 1er décembre 2016, la SNCF n’indemnisait l’usager d’un TGV ou d’un Intercités que améliorés par la réglementation euro- si elle s’estimait responsable du retard subi (ce qui pouvait donner lieu à contestation), donc péenne : par exemple, aucun texte ou hors suicides, actes de malveillance, inondations... jurisprudence n’imposait auparavant une L’indemnité était de 25 % du prix du billet pour un retard compris entre 30 minutes et 2 h, indemnisation du voyageur par un auto- 50 % pour un retard compris entre 2h et 3h, 75 % pour un retard de plus de 3h. La SNCF n’appli- cariste en cas de retard. quait le règlement européen qu’aux TGV internationaux. Mais beaucoup reste à faire. La Com- La SNCF applique dorénavant le règlement européen : l’indemnisation est systématique. Elle mission met en place des dispositifs aurait dû le faire depuis la fin 2014. Mais sa « garantie ponctualité » était globalement plus avan- d’évaluation des règlements et de leur tageuse pour le voyageur que le règlement européen, notamment parce que l’indemnisation mise en œuvre, ainsi que des procédures intervenait dès 30 minutes de retard, et elle le reste. de révision. La Cour de justice de l’Union Il est possible d’obtenir l’indemnisation par internet. Mais rien n’est obligatoire pour la prise européenne (CJUE) contribue également en charge des frais d’hôtel ou de taxi causés par un retard qui fait arriver à destination en pleine aux objectifs de l’Union en matière de nuit ou manquer une correspondance. droits des voyageurs en précisant, voire L’indemnité pour les Intercités Eco, TGV Ouigo et idTGV n’est que de 25 % pour un retard de en complétant, les règlements européens. 1 à 2 h, et de 50 % pour un retard plus important. TER et restent exclus de la garantie.

FNAUT infos n°252 - mars 2017 x 7 Actualité

En transport ferroviaire, l’indemnisation La FNAUT demande donc que les Brèves est proportionnelle au prix du billet et à obligations des transporteurs ferro- la durée du retard (pour tout motif) : elle viaires soient renforcées en cas d’inter- Bêtisier varie de 25 % du prix du billet à partir d’une ruption de service afin de garantir au L’association 2ROC 45 regroupe des heure de retard à 50 % pour un retard de voyageur des solutions satisfaisantes de riverains opposés à la réouverture de la 3h et plus. réacheminement. ligne Orléans-Châteauneuf/Loire souhai- En transport routier, elle est égale à 50 % tée par la Région Centre-Val de Loire. Elle du prix du billet si le choix entre réache- L’information des voyageurs préconise une offre de bus gratuits afin de minement ou remboursement n’a pas été sur leurs droits tester la pertinence de la réouverture de proposé au voyageur. la voie ferrée. Le renforcement de l’information des Les modalités d’assistance voyageurs sur leurs droits s’ajoute à nos Avion en retard et de réacheminement demandes d’amélioration de l’ensemble En novembre 2016, Ségolène Royal des règlements. s’est rendue à Strasbourg, mais son Le transporteur aérien est tenu de Des informations sur la nature des avion a eu du retard. Un député euro- prendre en charge les passagers dont le vol droits des voyageurs et sur les coordon- péen lui a rappelé que le TGV Paris- a été annulé, même en cas de force majeure. nées des organismes nationaux chargés Strasbourg était plus rapide que l’avion, Il doit procurer gratuitement, suivant le de leur application doivent être délivrées et moins émetteur de CO2. délai d’attente, des rafraîchissements, des dans les véhicules de transport et dans les repas et, si nécessaire, un hébergement gares et aéroports. Trains vides et cars pleins ? hôtelier, un transport de l’aéroport à l’hôtel Selon Franck Lacroix, directeur des et des moyens de communication avec les Et les services de navigation ? TER à la SNCF, « mieux vaut un car plein tiers (deux appels téléphoniques ou mes- qu’un train vide ». Mais si certains trains sages électroniques). En cas d’annulation d’un service régu- sont vides, c’est parce que la SNCF ne sait L’obligation d’assistance lorsque lier, aucune indemnisation n’est prévue pas (ou ne veut pas) les exploiter correc- l’annulation ou le report du vol est dû à par le règlement européen. Le choix tement. Quant aux cars pleins qui rem- des « circonstances extraordinaires » est est proposé au passager entre rembour- placeraient les trains vides, l’expérience donc particulièrement protectrice des sement ou réacheminement dans les montre que tout transfert sur route est passagers aériens. meilleurs délais. Une prise en charge est suivi d’une perte de clientèle (FNAUT In- Les passagers ferroviaires bloqués par prévue : hébergement (limité à 80 euros fos 212), voir le cas récent de Clermont- une perturbation grave (grève massive, par nuit, trois nuits), sauf en cas de faute Ussel-Limoges. catastrophe naturelle, incident d’exploita- du passager ou de conditions météoro- tion,..) ne disposent d’une aide adéquate logiques compromettant la sécurité du Innovation dans aucun État membre de l’UE. navire. Une indemnisation de 25 à 50 % On connaissait les transferts du train sur En l’absence de plan d’urgence har- du prix du billet est accordée à partir le car, voici les transferts sur le taxi. Des TER monisé à l’échelle européenne, rien ne d’une heure de retard pour les traversées ont été supprimés sur la ligne Paris-Gran- garantit alors la continuité de la mobi- de moins de 4 heures. Le choix est pro- ville, entre Dreux et l’Aigle, afin de renforcer lité, car les approches des différents États posé entre remboursement ou réachemi- d’autres services. La SNCF se plaint : « c’est membres ou des opérateurs sont variables nement à partir de 90 minutes de retard. la faute aux lycéens et aux étudiants, ils ou incompatibles. Un hébergement (limité à 80 euros par sont beaucoup trop nombreux à prendre La rédaction de l’article 18 du règle- nuit, trois nuits) est également prévu. le train le lundi matin ». Mais le car ne des- ment CE n°1371/2007 étant particuliè- sert pas toutes les gares : il est alors rem- rement permissive, les obligations des Conclusion placé par des taxis. opérateurs ferroviaires en matière d’assis- tance sont faibles. Aucune jurisprudence La création d’une commission unique, Un élu mal informé n’a encore donné de précisions sur la por- compétente pour l’ensemble des règle- Selon Stéphane Beaudet, vice-président tée de cet article. Seuls des juges pour- ments européens relatifs aux droits des LR du Conseil régional d’Ile-de-France raient lui donner une force juridique dont voyageurs, chargée d’évaluer les manque- chargé des transports : « le réseau ferré est il est actuellement dépourvu. ments et de proposer des sanctions ad- complètement obsolète, voilà le résultat En transport routier, si la liaison de bout ministratives, pourrait s’avérer bénéfique quand on choisit de financer pendant des en bout fait plus de 250 km et si le trajet pour protéger les voyageurs. années des TGV vides ». Erreur grossière : dure plus de 3 heures, une assistance est due C’est en prenant mieux en compte les les TGV sont les trains de Grandes lignes les aux voyageurs subissant un retard supérieur attentes des voyageurs, notamment par mieux remplis. à 90 minutes : collations, hébergement (li- des mesures susceptibles d’améliorer mité à 2 nuits et 80 euros par nuit), sauf en leurs droits et l’information sur ces droits, Un choix citoyen cas de conditions météorologiques sévères que le transport collectif pourra renforcer La CGT et Sud-Rail ont lancé le 9 dé- ou catastrophes naturelles. son attractivité. cembre dernier une grève TER sur les lignes On l’a vu, ces droits dépendent beau- TER Villefranche-Vienne, Lyon - Bourg-en- FNAUT infos - Bulletin mensuel d’information coup des modes de transport. Mais Bresse et Lyon - Saint-André-le-Gaz. Une Directeur de publication : Jean Sivardière rechercher une harmonisation poussée date choisie de manière très citoyenne : le Crédits photo : Marc Debrincat et Fabrice Michel pour la FNAUT CPPAP n° 0920 G 88319 - Dépôt légal n°252 serait illusoire : les modes sont très dif- second jour de la Fête des Lumières de Lyon ISSN 0983-172 X - Tirage : 1200 ex. férents techniquement et économique- (la SNCF proposait des trajets TER à moitié Impression : R&M Studio - 51 Grand Rue - 86370 Vivonne ment ; les flux le sont aussi (130 millions prix) et un jour de circulation alternée pour Abonnement 10 numéros : Individuels : 19 b Administrations, sociétés, organismes, Étranger : 50 b de voyages par an en train Grandes lignes, cause de pic de pollution de l’air. Prix au numéro : 2 b 3 à 4 millions en autocar, 10 millions de Pour adhérer à la FNAUT ou à une association FNAUT passagers sur les vols intérieurs sans cor- A méditer de votre région, contacter notre permanence : respondances) ; en cas d’annulation ou de Nathalie Babouhot, conseillère dépar- 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris retard, un vol à 500 euros ne représente tementale LR des Vosges : « quand on tél. : 01 43 35 02 83 fax : 01 43 35 14 06­ e-mail : [email protected] pas le même enjeu pour le voyageur qu’un ferme une gare, on donne des voix aux Internet : http://www.fnaut.fr trajet en autocar à 15 euros. partis extrêmes ».

8 x FNAUT infos n°252 - mars 2017 253 FNAUT infos avril 2017 transport - consommation - environnement édition nationale

Bulletin de la Fédération­ Nationale des Associations d’Usagers des Transports Les propositions de la FNAUT Le transport public ignoré pour une Loi d’Orientation des candidats de la Mobilité Intérieure (LOMI) Lors des débats télévisés qui ont précédé les élections primaires, le thème des transports a été ignoré. Il le reste à quelques semaines de l’élection présidentielle elle-même. Or les besoins de mobilité continuent de croître, qu’il s’agisse des besoins de la vie quoti- dienne ou des besoins de desserte du territoire. Sans transport public, les grandes villes se privent d’un atout essentiel pour assurer leur développement économique et le bon fonc- tionnement de leur bassin d’emploi, pour renforcer le lien social en reliant les quartiers périphériques entre eux et avec le centre-ville, pour garantir la santé publique et préserver le cadre de vie. Sans transport public, les villes moyennes, Strasbourg, place de l’Homme de Fer (FM) mal desservies, dépérissent. Enfin le transport public répond mieux que d’autres modes de déplacement aux défis de la mutation énergétique et du changement Le Premier ministre a annoncé la mise en chantier d’une Loi d’Orienta- climatique. tion de la Mobilité Intérieure destinée à remplacer la Loi d’Orientation des Mais le financement des infrastructures Transports Intérieurs (LOTI ou loi Fiterman de 1982). Souhaitant contri- nécessaires n’est pas assuré. buer à l’élaboration de la future loi, la FNAUT a réaffirmé des principes La régénération du réseau ferré souffre, mal- directeurs et en a proposé des applications concrètes concernant tous les gré les efforts réalisés, d’un manque de finan- modes de déplacement. Il faut à la fois adapter la loi aux nouvelles réa- cement à hauteur d’un milliard d’euros par an lités de la mobilité, rationaliser l’organisation des déplacements, démo- au minimum. cratiser les décisions, anticiper les besoins futurs et renforcer le rôle des Il manque au Grand Paris Express 600 modes respectueux de l’environnement (pages 2 à 4). millions par an. Marseille, Toulouse et bien d’autres villes attendent le quatrième appel à projet de transports en site propre qui avait La FNAUT et l’élection présidentielle été annoncé lors du Grenelle de l’environne- Confrontée à une dégradation sans pré- de SNCF Mobilités ; Elisabeth Borne, ment et que le gouvernement Valls a refusé. cédent de la situation des transports pu- présidente de la RATP ; Thierry Mallet, Cette déficience fait peser sur les générations blics, et plus particulièrement du rail, et à président de Transdev. Les débats ont por- futures une charge inadmissible et compromet un retour en force des orientations favo- té sur les trains Intercités, le financement la productivité et la croissance de la France. rables à la route, la FNAUT a décidé de des infrastructures de transport, l’économie Il est temps que les candidats en prennent longue date de saisir l’occasion offerte par numérique et la mobilité, l’intermodalité et conscience et que le service public de trans- la présente élection présidentielle pour la concurrence entre les opérateurs. port, l’aménagement du territoire et la pro- tenter de sensibiliser les responsables po- La FNAUT a par ailleurs participé aux tection de l’environnement redeviennent des litiques aux enjeux sociaux, économiques Etats Généraux de la Mobilité Durable, objectifs majeurs de l’action politique. et environnementaux de la politique des organisés avec la FNTV, le GART, Régions Bruno Gazeau, président de la FNAUT transports. Elle a pris une série d’initia- de France, le laboratoire d’idées TDIE et tives en ce sens. l’Union des Transports Publics : six réunions Sommaire Après avoir publié son « Manifeste publiques ont eu lieu, à Lille, Lyon, Mar- pour un renouveau de la mobilité fer- seille, Nantes, Bordeaux et Strasbourg. Les 6 Dossier - Les propositions de la FNAUT roviaire », elle a organisé fin septembre propositions prioritaires qui ont été dégagées pour une LOMI pp. 2-4 2016, à Paris, avec Mobilettre, le colloque par les organisateurs avaient été défendues Présidentielle : les candidats et les grandes « Rail 2020 » sur l’avenir du secteur ferro- énergiquement par la FNAUT. infrastructures de transports p. 5 viaire (FNAUT Infos 249). Enfin un questionnaire détaillé a été Le point sur les projets ferroviaires Ce colloque a été suivi de cinq petits adressé par la FNAUT à tous les candidats (Lyon-Turin, gare d’Allan...) p. 6 déjeuners-débats auxquels ont été invi- afin de les amener à préciser leurs inten- Le cadencement des trains p. 7 tés : Alain Vidalies, secrétaire d’Etat aux tions, à prendre des engagements et à ne La gratuité des transports urbains, transports ; Patrick Jeantet, président de pas se contenter de banalités sur l’inévitable le cas de Tallinn p. 8 SNCF Réseau ; Guillaume Pepy, président « développement durable ».

FNAUT infos n°253 - avril 2017 x 1 Dossier

Les propositions de la FNAUT pour une Loi d’Orientation de la Mobilité Intérieure (LOMI)

Tramway et bus de Lyon (MD)

Lors de la conférence environnementale du 27 avril 2016, le Premier ministre Les objectifs de la FNAUT Manuel Valls a annoncé la mise en chantier d’une LOMI : une initiative sans résultat concret mais qui reste justifiée aux yeux de la FNAUT. La FNAUT n’a pas cherché à rédiger un projet de loi, c’est un travail de parlementaires De la LOTI à la LOMI 2. Depuis 1982, l’impact environnemen- qui exige des compétences juridiques spécia- tal de la mobilité s’est nettement aggravé. lisées, mais à réaffirmer des principes direc- La Loi d’orientation des transports Les coûts économiques et externes de teurs et à lister des thèmes nécessitant une intérieurs (LOTI), publiée le 30 dé- la mobilité se sont accentués. Les nui- adaptation législative. L’objectif était double. cembre 1982 puis intégrée au code des sances urbaines et le dérèglement cli- transports en 2010, est la loi fondamen- matique, dont le secteur des transports 1 – Une loi actualisée pour rationaliser tale d’organisation des services terrestres est largement responsable, ont suscité l’organisation des déplacements. de transport. Elle a affirmé un droit au de nouvelles préoccupations. Mais, mal- Il s’agit d’adapter la LOTI aux évolutions transport permettant aux usagers de se gré le renouveau des modes de transport de la mobilité ; de clarifier les relations entre déplacer « dans des conditions raison- vertueux (vélo, tramway, TER,…), le Etat, autorités organisatrices et opérateurs ; nables d’accès, de qualité et de prix ainsi volume des trafics les plus nocifs pour d’introduire des mesures organisationnelles que de coûts pour la collectivité ». Elle a l’environnement – automobile, camion, concernant l’intermodalité, le numérique, clarifié les relations entre autorités orga- avion – a continué à augmenter. les déplacements transfrontaliers, la com- nisatrices et opérateurs. Selon le Conseil général du dévelop- plémentarité des modes, la concurrence pement durable, entre 1990 et 2003, le intramodale… ; enfin de démocratiser les 1. Depuis 1982, la mobilité s’est profon- trafic routier a explosé : + 29 % pour mécanismes de décision. dément transformée. les voitures, + 38 % pour les véhicules La population française et ses besoins utilitaires légers et + 34 % pour les 2 – Une loi écologisée pour en faire un de mobilité ont évolué. De nouvelles poids lourds de toutes origines. Près de outil de la transition énergétique. pratiques, de nouvelles techniques, de 400 milliards d’euros ont été investis, La nouvelle loi LOMI doit anticiper les nouvelles méthodes de gestion sont ap- entre 1995 et 2005, dans les infrastruc- besoins et contraintes futurs, donc favoriser les parues. De nouveaux centres de décision tures de transport, dont 70 % dans le modes respectueux de l’environnement par le se sont imposés, de nouvelles lois impac- secteur routier. choix des infrastructures et la fiscalité, et viser tant les transports ont été adoptées. La La LOTI a constitué un progrès une réduction de la mobilité contrainte. Outil crise économique a créé des contraintes considérable, elle a permis de gérer plus de la transition énergétique, elle doit être glo- financières. Le secteur ferroviaire s’est rationnellement le secteur des trans- bale, donc intégrer les nouvelles pratiques de profondément dégradé. ports, mais elle n’a pas permis d’enrayer mobilité, les déplacements automobiles, le Voir ci-dessous. sa contribution à la crise écologique. transport aérien intérieur et le transport du fret.

Un secteur qui a profondément évolué depuis 1982

Les besoins de mobilité se sont amplifiés avec l’augmenta- De nouveaux centres de décision se sont imposés : Union tion de la population et son vieillissement, la dispersion des fa- européenne, RFF devenu SNCF Réseau, régions (qui disposent milles (multiplication des divorces, élargissement géographique dorénavant de la liberté tarifaire), intercommunalités. du marché du travail). De nouvelles méthodes de gestion se sont développées : Caractérisés par l’individualisme et l’immédiateté, ampli- délégation de service public, yield management, libéralisation fiés par les nouvelles technologies de l’information, ces (cars Macron, taxis Uber), internet (Blablacar,…), médiation pour besoins influencent profondément les comportements des le règlement des litiges, organisation de débats publics. voyageurs et les modèles économiques des entreprises de De nouvelles contraintes financières pour les collectivités transport public. et les ménages sont nées avec la crise économique, l’endette- La population s’est concentrée dans les grandes agglomé- ment du pays, la montée des dépenses sociales. rations, et l’étalement urbain diffus s’est généralisé, ce qui a Le renforcement de la sensibilité environnementale, l’aggra- entrainé un allongement des distances à parcourir quotidien- vation de la pollution de l’air et de ses effets sur la santé publique, nement et une perte de part de marché du transport public le dérèglement climatique ont suscité de nouvelles préoccupa- en dehors des zones urbaines denses. tions politiques. De nouvelles réponses ont émergé : zones à trafic De nouvelles techniques (TGV, tramway, BHNS, télé- limité, péage urbain, gratuité des transports, taxe carbone… phérique urbain, vélo de ville, vélo à assistance électrique, De nouvelles lois impactant le système de transports ont été voiture hybride et électrique, autoroute ferroviaire) se sont adoptées : loi sur l’air (LAURE de 1994), libéralisation du fret ferro- développées et imposées. viaire en 2006, loi portant réforme ferroviaire, loi sur la transition De nouvelles pratiques (covoiturage, location de voitures énergétique (et engagements pris lors de la COP 21), lois terri- entre particuliers, autopartage commercial ou entre particu- toriales NOTRe (redistribution des compétences des régions et liers, vélo et voiture en libre service (Vélib, Autolib), taxi Uber, départements) et MAPTAM (création des métropoles), nouvelle autocar longue distance, avion à bas coût, intermodalité) sont carte régionale, loi Macron libéralisant le transport par autocar, apparues ou ont pris de l’importance. loi Lemaire sur l’économie numérique,…

2 x FNAUT infos n°253 - avril 2017 Dossier Exposé des motifs : les principes directeurs de la LOMI

1 - La LOMI doit affirmer le droit à la rieures, transport collectif/voiture, covoi- mobilité pour tous, c’est-à-dire le droit de turage, autopartage et vélo, train/camion/ se déplacer sans être obligé de posséder une voie d’eau) : c’est la concurrence entre voiture personnelle. opérateurs, non entre modes de transport, La possibilité de se déplacer en sécurité qui doit être favorisée. à pied, à vélo, en transport collectif, en voi- ture, en deux-roues motorisé,… doit être 4 - Le transport ferroviaire doit structurer garantie sur tout le territoire. la mobilité à moyenne et longue distance. Tous les transports publics (gares et sta- Un réseau ferré classique d’intérêt natio- tions, véhicules) doivent être adaptés aux nal, support de liaisons intervilles et régio- déplacements des personnes handicapées ou nales, et de trafic fret, doit relier entre elles à mobilité réduite et au transport des vélos. les grandes agglomérations, irriguer tout le La tarification du transport collectif territoire et être connecté avec les réseaux Gare SNCF de Laon (MD) doit être adaptée aux moyens des ménages frontaliers. Un réseau de LGV doit relier modestes. entre elles les métropoles. 5 - La LOMI doit être un outil de la La continuité temporelle de l’offre de Trois offres ferroviaires complémentaires transition énergétique et écologique. transport collectif doit voir sa fiabilité sont nécessaires aux voyageurs : des rela- Les externalités économiques, sociales et renforcée. tions TGV rapides sans ruptures de charge, environnementales de la mobilité doivent être sur LGV et lignes classiques, entre grands calculées de manière exhaustive, et réduites 2 - La loi doit affirmer le principe bassins de population ; des relations Interci- par une politique de reports modaux. d’intermodalité en matière d’itinéraires, tés sur lignes classiques, nocturnes pour les Le choix des investissements doit privilé- d’horaires, de pôles d’échanges, d’informa- longues distances et cadencées de jour, pour gier, sur tout le territoire, les modes de dé- tion, de tarification et de billettique. Elle desservir les grandes agglomérations et les placement respectueux de l’environnement : doit garantir une information multimodale villes moyennes (situées ou non sur des axes marche, vélo, transport urbain et rail. ainsi qu’un système billettique intermodal équipés de LGV) ; des relations régionales L’aménagement du territoire doit viser une et multi-opérateurs. et transfrontalières. réduction de la mobilité contrainte et, en par- Le rail doit satisfaire tous les besoins des ticulier, une limitation de la concentration de 3 - La loi doit affirmer leprincipe de chargeurs : transport traditionnel et com- la population et des activités dans les métro- complémentarité des modes (train/ biné, wagon isolé, autoroute ferroviaire, col- poles et une limitation de l’étalement urbain autocar, train/avion sur les relations inté- lecte par le réseau capillaire. diffus autour de ces métropoles.

1. Moderniser et rationaliser l’organisation des déplacements

1.1 - Le dispositif institutionnel : 1.3 - Marche, vélo, sécurité routière renforcer la cohérence du système de Toutes les gares doivent être équipées de transport vélostations ou de garages à vélos sécurisés. La loi doit organiser la coopération entre Le transport des vélos non démontés doit autorités organisatrices (Etat-Régions, être possible dans tous les trains. Régions entre elles, Régions-métropoles, La vitesse limite doit être abaissée à Régions-autorités frontalières), indispen- 30 km/h dans toutes les agglomérations afin sable à une cohérence optimale des offres de mieux y assurer la sécurité des piétons et de transport public. des cyclistes ; seuls les axes structurants ou La compétence des autorités organisa- utilisés par les transports publics de surface trices de la mobilité urbaine (AOM) doit doivent rester à 50 km/h. La vitesse limite être élargie aux zones périurbaines, donc doit être abaissée à 120 km/h, 100 km/h et aux aires urbaines. Les AOM doivent 80 km/h respectivement sur les autoroutes, Service Bicloo, Nantes (MD) être associées à l’élaboration des SCOT voies express et routes ordinaires. et des PLU, et donner un avis conforme qu’il persiste, il doit être limité à la section sur ces documents. 1.4 - Le transport collectif : faciliter de ligne sur laquelle le danger est apparu. Les AOM et les Régions doivent se l’accès, sécuriser le voyageur fixer des objectifs chiffrés de réduction de Les autorités organisatrices de transport 1.5 - La démocratisation des décisions l’accidentologie, de la pollution de l’air, collectif doivent introduire une tarification La gouvernance des transports ur- du bruit, des émissions de gaz à effet de solidaire (sur la base du quotient familial) bains doit être démocratisée : les usa- serre,… et un calendrier de réalisation de adaptée aux ménages disposant de revenus gers doivent être consultés régulièrement ces objectifs. Elles doivent disposer libre- modestes. par les autorités organisatrices (projets, ment des moyens de traiter les pics de La loi doit renforcer les droits des voya- cahiers des charges, rapports des déléga- pollution de l’air. geurs et imposer, en particulier, un dé- taires) et siéger aux conseils d’adminis- dommagement systématique et forfaitaire tration des entreprises exploitantes. 1.2 - L’aménagement du territoire des abonnés en cas de service gravement et Des représentants des voyageurs et Un grand équipement public ou com- durablement perturbé. des chargeurs doivent siéger aux conseils mercial ne peut être implanté à plus de La continuité temporelle de l’offre doit d’administration de l’Agence ferroviaire, 500 m d’un axe structurant de transport être mieux fiabilisée. Le niveau minimum de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités. collectif existant ou programmé. de service prévisible doit être renforcé. Des instances de concertation par bassins Toute nouvelle implantation industrielle L’exercice du droit de retrait ne doit être doivent être créées pour les Intercités et doit être reliée au réseau ferré. reconnu qu’en cas de danger grave et tant les TGV.

FNAUT infos n°253 - avril 2017 x 3 Dossier Déplacements urbains et interurbains

Quels qu’en soient le financeur et le ges- d’une part du produit de la fiscalité environ- tionnaire, une gare routière doit être acces- nementale des transports. sible à tous les autocaristes, sans discrimi- Les TGV doivent desservir les gares nation, moyennant une redevance d’accès centrales existantes ; en cas d’impossibilité et de stationnement. technique démontrée, les gares implantées sur les LGV doivent être connectées au Le transport ferroviaire réseau ferré classique. La tarification des sillons doit inci- Gouvernance ter les opérateurs ferroviaires à utiliser L’EPIC SNCF de tête doit être sup- davantage le réseau. primé. Une Agence ferroviaire proposera Le GI doit être autorisé à financer à l’Etat une politique ferroviaire de long des travaux sur les lignes à faible trafic, terme en concertation avec toutes les par- vitales pour les petites villes et les terri- SNCF Transilien (MD) ties prenantes. Elle veillera à la cohérence toires ruraux, même s’ils ne peuvent être Les déplacements urbains des politiques des exploitants et du gestion- financièrement rentabilisés. naire de l’infrastructure (GI). Au-delà de l’interopérabilité billettique, l’in- Un nouveau GI, indépendant des exploi- Exploitation tégration tarifaire de tous les modes de trans- tants, doit regrouper la gouvernance du ré- Les contrats de service public (TER et In- port public (y compris régionaux) doit consti- seau, sa maintenance et son développement. tercités) doivent faire l’objet d’appels d’offres. tuer une obligation sur le ressort territorial de Il doit garantir une égalité de traitement L’ouverture à la concurrence doit être autorisée chaque AOM. entre exploitants. dès 2019, sans attendre la date butoir (2023) Les PDU doivent être obligatoires dans les SNCF Mobilités doit devenir une société fixée par le e4 paquet ferroviaire européen. agglomérations d’au moins 20 000 habitants. anonyme à capital public. Des appels à manifestation d’intérêt Aucun seuil démographique ne doit Les gares ferroviaires ne doivent pas être gé- peuvent être lancés par l’Etat ou les Régions être imposé pour l’instauration du péage rées par les opérateurs mais être rattachées au pour l’exploitation des TER, Intercités, urbain. nouveau GI, sauf les gares à vocation purement trains de nuit et services TGV abandonnés régionale, qui peuvent être confiées à la Région par la SNCF. Le transport par autocar ou à l’exploitant. Elles doivent être accessibles à L’information horaire et la billettique tous les opérateurs, sans discrimination. doivent être interopérables. Il doit y avoir Un service routier libéralisé ne doit un seul fournisseur de billets, ou bien pas compromettre l’équilibre écono- Infrastructures chaque opérateur doit fournir les billets mique d’un service ferroviaire ou routier C’est l’Etat qui doit financer les grands sans discrimination. conventionné. Cette régulation doit être travaux ferroviaires voyageurs et fret (LGV, Les tarifs sociaux doivent être oppo- renforcée par l’Etat. Lyon-Turin, CFAL). Pour cela, il disposera sables à tous les opérateurs.

2. Un outil de la transition énergétique

Transport routier 2.2 - Encourager les comportements éco- Le barème fiscal kilométrique ne doit logiquement vertueux plus surestimer le coût d’usage de la voiture. L’écotaxe poids lourds doit être rétablie, L’indemnité kilométrique vélo doit être par l’Etat ou à l’initiative des Régions. revue pour devenir plus incitative à l’usage du vélo lors des déplacements domicile-travail : Transport aérien son versement par l’employeur doit devenir Le kérosène consommé en trafic inté- obligatoire, elle doit être étendue au secteur rieur doit être taxé au même niveau que le public, enfin le plafond de défiscalisation doit gazole. être réévalué. Les subventions aux compagnies aé- Le taux de TVA pour les transports collec- riennes et aéroports doivent être interdites. tifs conventionnés (transports urbains, TER et Intercités), services de première nécessité, Economie numérique doit être ramené de 10 % à 5,5 %. (MD) Toutes les entreprises de mobilité L’Etat doit contribuer au financement de la (y compris Google, Amazon, Blablacar...) mobilité urbaine sous forme d’appels d’offres 2.1 – Garantir l’équité concurrentielle en doivent être soumises aux mêmes obliga- réguliers incitant les collectivités locales à mettant tous les modes en position d’égalité tions en matière d’accès aux infrastruc- développer les transports collectifs et les amé- tures, d’open data, de partage de données, nagements cyclables. Il doit favoriser l’expéri- La tarification de chaque mode doit in- de règles relatives à l’accessibilité, d’accès mentation du péage urbain. tégrer ses coûts économiques et externes, à la profession, de couverture sociale, de L’Etat doit donner aux Régions les res- en application des principes utilisateur- publicité des émissions par trajet et de sources financières pérennes nécessaires au payeur et pollueur-payeur. règles fiscales. développement des infrastructures et services Les niches fiscales doivent être élimi- Les indemnités perçues dans le cadre de TER. nées. La fiscalité environnementale, de l’économie participative (covoiturage, loca- Un budget spécial doit permettre d’aider faible niveau en France, doit être déve- tion de voitures entre particuliers) doivent les Régions à réhabiliter les lignes et gares loppée dans le secteur du transport. être taxées. abandonnées (comme en Allemagne).

4 x FNAUT infos n°253 - avril 2017 Actualité Le point de vue de la FNTP Election présidentielle : les candidats Selon la FNTP (Fédération nationale des travaux publics), « au-delà des enjeux éco- et les infrastructures de transport nomiques, les besoins d’investissement en La FNTP (encadré) a obtenu les réponses de François Fillon, Marine Le Pen et infrastructures sont immenses au regard de Jean-Luc Mélenchon (www.reinvestissonslafrance.fr). la transition écologique et de la cohésion sociale et territoriale ». Se plaçant « dans le François Fillon La candidate est opposée au projet contexte d’une réduction nécessaire des NDDL, mais veut respecter la volonté du déficits et des dépenses publiques », la Un projet créateur de valeur collective ne peuple « qui a toujours raison ». FNTP constate que la France n’a pas fait le doit pas être sacrifié à la réduction du défi- choix de préserver l’investissement. cit. Je sanctuariserai les moyens affectés à la Jean-Luc Mélenchon Selon le Forum économique mondial, remise à niveau du réseau ferré, en priorité la France est passée du 4e rang mondial dans les zones denses. Je redonnerai son indé- La politique d’infrastructures doit être pour la qualité de ses infrastructures en pendance à SNCF Réseau. Je dégagerai les guidée par le long terme et la nécessité de 2008/2009 au 10ème en 2015/2016 : du 1er crédits nécessaires à la rénovation du réseau faire bifurquer nos modes de vie et de pro- au 7e pour la qualité des routes, du 2e au routier national et du réseau fluvial. duction vers un respect de l’écosystème. 6e pour les infrastructures ferroviaires, du Pour réussir la transition écologique, trois Il faut donc : 5e au 15e pour les aéroports, du 10e au 26e axes doivent être privilégiés : - adopter un plan de report modal du pour les ports. - lancer un nouvel appel à projets pour fret routier (ferroviaire, fluvial, cabotage Le MEDEF évalue à 10 milliards d’euros les TCSP urbains afin d’accompagner les maritime) ; par an le besoin de financement sur la initiatives locales (le financement des trans- - refuser la concurrence dans le rail ; période 2015-2020 : maintien et moder- ports collectifs par le versement transport - relancer les ports français et moderniser nisation du réseau routier, du réseau fer- sera maintenu) ; les infrastructures portuaires ; roviaire et des réseaux de distribution - accélérer la mise en place des infrastruc- - repenser la mobilité individuelle, sortir du (énergie, eau...). tures nécessaires au développement des véhi- diesel ; développer les véhicules électriques cules propres ; pour les flottes captives, l’autopartage, le co- - encourager le développement des modes voiturage courte et longue distances, le vélo ; alternatifs à la route pour le transport du fret, - arrêter le projet NDDL et relancer le et l’intermodalité. débat public sur le Lyon-Turin ; Il faut reconnaître le rôle joué par la route - renationaliser les autoroutes ; dans les territoires ruraux, donc : - inverser la logique des métropoles et des - enrayer̀ la dégradation rapide du réseau méga-régions, de la compétition entre ter- routier, régénérer les 12 000 km du réseau ritoires ; pénaliser les transports de longue national et accélérer la modernisation de ce distance pour relocaliser les productions ; réseau, notamment dans le cadre des contrats rapprocher bassins de vie et d’emploi pour de plan Etat-Région. stopper l’étalement urbain. Il faut poursuivre les grands projets A15 Gennevilliers (MD) d’infrastructures afin d’engager les travaux Emmanuel Macron le plus vite possible : routes, aéroport de La FNTP a donc présenté 12 propositions Notre-Dame-des-Landes (NDDL), canal Le candidat centriste veut aligner la ficali- visant à doter la France d’une politique Seine-Nord et ligne Lyon-Turin. té du diesel sur celle de l’essence et accélérer nationale d’infrastructures. Elle préconise le déploiement des véhicules électriques en en particulier : la création d’un conseil Marine Le Pen instaurant une prime à la casse. Il est favo- national des infrastructures ; des lois de rable au Lyon-Turin, au canal Seine-Nord et programmation des projets nationaux ; le La transition énergétique exige la réduction à la LGV Bordeaux-Toulouse. renforcement de la compétence des Ré- de la part des énergies fossiles. Il faudra donc : Il n’a pas une position très claire sur le projet gions ; l’autonomisation de l’AFITF (Agence - développer le fret ferroviaire, le ferroutage, NDDL : selon lui, ce projet est dépassé mais de financement des infrastructures de le TER, les Intercités et le TGV ; il ne faut ni écarter le résultat de la consul- transport de France) pour en faire un - nationaliser les autoroutes ; leur pri- tation de juin 2016, ni expulser les zadistes véritable outil de financement disposant vatisation a fait perdre une importante par la violence. Il veut se donner six mois de d’une capacité de pilotage pluriannuel et source de financement pour l’entretien et la réflexion, organiser un « débat responsable » doté d’une part pérenne de TICPE et d’une construction des routes ; et comparer le projet et la modernisation de capacité d’emprunt ; enfin, pour financer - améliorer nos infrastructures por- l’aéroport existant de Nantes Atlantique. les dépenses de voirie et développer les tuaires et aéroportuaires pour les adapter infrastructures routières, la création pos- aux enjeux de demain (taille des bateaux et Benoît Hamon sible de péages par les collectivités locales avions, accessibilité...). et l’instauration possible d’une taxe locale Nos infrastructures vieillissent. Les inéga- Le candidat PS veut sortir du diesel, ins- additionnelle à la TICPE. lités territoriales se creusent et les territoires taurer une fiscalité favorable aux transports La FNTP déplore que les comptes publics ruraux sont toujours plus abandonnés. Il faut propres et privilégier le ferroviaire sur les mélangent la dette issue des dépenses donc soutenir l’effort d’investissement en in- investissements routiers ou les lignes de courantes et la dette liée à des investis- frastructures en particulier dans la ruralité (très cars « Macron ». Avec son allié écologiste sements. Elle cite le rapport Pébereau sur haut débit, routes) et réorienter la politique de Yannick Jadot, il propose « une conférence la dette publique (2006) : « l’endettement la ville vers les zones désertées et rurales. de consensus pour̀ étudier, dans le res- n’est pas forcément une mauvaise chose. L’Etat stratège doit être une force d’impul- pect du légitime développement urbain S’il a été utilisé pour réaliser des dépenses sion pour les projets d’infrastructures afin de de Nantes, toutes les alternatives au projet qui permettront d’accroître le patrimoine garantir leur juste répartition sur l’ensemble NDDL », et « une ré-étude globale de la et la capacité de production de richesses du territoire. Les infrastructures publiques ligne Lyon-Turin en construction et des ré- de la collectivité dans le futur, alors les pou- doivent profiter à tous. Elles doivent donc être ponses à apporter aux dangers de pollution voirs publics ont fait le bon choix ». financées en priorité par le contribuable. des vallées alpines ».

FNAUT infos n°253 - avril 2017 x 5 Actualité Grands projets ferroviaires : Le point sur les projets ferroviaires où en est-on ?

Allan : un caprice de notables Hervé de Tréglodé, membre du CGEDD, a été chargé d’une mission de La FNAUT condamne vigoureuse- réflexion sur l’accès français au tunnel ment le projet de gare TGV implantée à transfrontalier du Lyon-Turin (ligne Allan, à 15 km au sud-est de Montélimar mixte Lyon - Saint-Jean-de-Maurienne/ (FNAUT Infos 196, 212). Chambéry, DUP publiée en 2013). Abandonné en 2013, ce vieux projet La LGV Bordeaux-Toulouse/Dax a renaît de ses cendres pour satisfaire l’ego été déclarée d’utilité publique en juin d’élus locaux qui se disent « développeurs » 2016 (les aménagements de la ligne et risquent en réalité de « désaménager » classique au sud de Bordeaux et au nord le territoire. de Toulouse l’avaient été en novembre Transalpine à Wassen, Suisse (MD) La nouvelle gare serait inadaptée aux 2015 et janvier 2016). Une mission de besoins des voyageurs. Peu de TGV la financement a été mise en place. ­­­Lyon-Turin : un progrès décisif, desserviraient (la SNCF vient déjà de La ligne nouvelle Montpellier-Perpi- une ambition à confirmer supprimer un des 4 allers-retours Vallée gnan est toujours en phase d’étude. du Rhône-Paris) et, inévitablement, la Le débat sur le tracé du projet POCL Le projet de tunnel transfrontalier Lyon- desserte TGV des gares de Valence-ville, (doublement de la LGV Paris-Lyon par Turin est dorénavant acté, les Parlements Montélimar, Orange et Avignon-centre le centre de la France) a été relancé à la français et italien ayant ratifié l’accord franco- serait encore dégradée. demande d’élus locaux mécontents du italien du 24 février 2015. Les appels d’offres Contrairement à la gare urbaine de Mon- choix effectué par RFF du tracé médian vont être lancés dès 2017 et les travaux télimar, la gare « exurbanisée » d’Allan se- (soutenu par la FNAUT). définitifs débuteront en 2018. rait très difficilement reliée aux transports Un débat public est en cours sur le Le Lyon-Turin permettra, à terme, de publics de proximité. Son accès se ferait projet de VFCEA, qui comprend deux réduire de 50 % au moins le nombre des donc essentiellement en voiture. Les voya- volets dont un seul est financé. Un choix camions transitant entre la France et l’Italie geurs ardéchois seraient les plus pénalisés est proposé entre l’électrification de (2 600 000 par an, moitié par les Alpes du par l’éloignement de l’accès au TGV. la ligne Chagny-Nevers au profit des nord, moitié par Vintimille). L’impact sur l’environnement serait relations voyageurs et des relations Il faut maintenant assurer le succès négatif. L’implantation de la gare et des fret entre la façade atlantique et le sil- de l’ouvrage. Son lancement doit donc parkings entraînerait une regrettable lon Saône-Rhône (c’est le choix priori- s’accompagner de mesures volontaristes consommation d’espace à forte valeur taire de la FNAUT), ou l’électrification favorisant le report du trafic routier sur agricole, l’imperméabilisation d’une sur- de la section Chagny-Le Creusot et la le rail, à commencer par un financement face considérable et un surcroît de pollu- connexion TGV-TER au Creusot-TGV. cohérent avec l’objectif poursuivi : une tion automobile. taxation du trafic routier franco-ita- Quant à l’impact économique... On le Un jugement intéressant lien, suivant l’exemple de la Suisse qui vérifie autour des autres gares TGV im- finance ainsi ses nouvelles traversées fer- plantées en rase campagne, il est illusoire roviaires alpines et incite les chargeurs à d’espérer que le terrain vague jouxtant la privilégier le rail. gare se transformerait comme par miracle La modernisation de l’ensemble du réseau en « vecteur de développement écono- ferré doit être poursuivie et accélérée, les char- mique ». Le centre-ville de Montélimar geurs ayant besoin d’infrastructures perfor- verrait ses activités commerciales davan- mantes sur les grands axes, de lignes capillaires tage fragilisées. en bon état et de temps de parcours fiables. Le coût de la gare pourrait atteindre SNCF Réseau doit réduire les délais, ac- 200 millions d’euros (construction, Aéroport de Vienne (Wikipedia) tuellement prohibitifs, de réservation des sil- accès routiers et parkings), sans parler lons par les chargeurs, et augmenter la vitesse des coûts de fonctionnement. L’argent Début 2017, le Tribunal administratif commerciale des trains de fret en leur accor- public, devenu rare, doit être dépensé à fédéral de Vienne (Autriche) a interdit la dant davantage de priorités de circulation. bon escient : alors que plusieurs lignes de construction d’une troisième piste à l’aéro- L’autoroute ferroviaire alpine doit être la Région Auvergne-Rhône-Alpes sont port de Vienne-Schwechat. Motif : « l’im- prolongée rapidement jusque dans la région menacées de fermeture et que la ligne pact en termes d’émissions de gaz à effet lyonnaise (Grenay) et connectée aux auto- de la rive droite du Rhône pourrait être de serre excède les aspects positifs du pro- routes ferroviaires Luxembourg-Perpignan rouverte aux services voyageurs, il y a des jet ». Selon des expertises demandées par et Calais-Perpignan. investissements plus urgents ! les juges, la construction et l’exploitation La construction de la ligne nouvelle mixte En Allemagne, en Belgique, en Italie, de la piste auraient abouti à une hausse Lyon - Saint-Jean-de-Maurienne (en prio- les TGV desservent les gares centrales : d’environ 2 % des émissions nationales de rité la section Grenay-Avressieux en nord- les voyageurs peuvent bénéficier de cor- gaz à effet de serre liés aux transports, alors Isère et le tunnel sous Chartreuse) et du respondances multiples. Avec bon sens, que l’Autriche s’est engagée à diminuer de contournement ferroviaire Est de l’agglo- les élus du Sud-Ouest ont adopté cette 2,25 % d’ici 2020 l’impact de ce secteur. mération lyonnaise (CFAL) doit être lancée disposition pour la LGV Tours-Bor- Prévu depuis dix ans, l’agrandissement sans attendre l’ouverture du tunnel de base. deaux, et l’erreur commise en Avignon a de Vienne-Schwechat vise à anticiper une Par ailleurs, l’électrification de la ligne été corrigée récemment. saturation des structures actuelles en Nevers-Chagny doit être réalisée en pre- Le projet de gare d’Allan est inutile, rin- 2025. L’aéroport a accueilli 23,4 millions mière phase du projet de Voie Ferrée Centre- gard et ruineux. La modernité ne consiste de voyageurs en 2016. Europe-Atlantique (VFCEA), afin que les pas à accentuer la dissociation entre réseau Il est difficile de mesurer la portée du trains de fret puissent accéder aisément de la ferré classique et réseau des LGV, mais au jugement dans les pays engagés à réduire façade atlantique à l’axe Lyon-Turin. contraire à la réduire. leurs émissions de gaz à effet de serre. C’est Jérôme Rebourg Jean-François Troin le cas de la France…

6 x FNAUT infos n°253 - avril 2017 Actualité Le cadencement des circulations ferroviaires : un outil indispensable au développement du rail

Gare SNCF Le Creusot (MD)

SNCF Mobilités (exploitant du réseau ferré) a demandé à SNCF Réseau (gestionnaire avec le soutien du gouvernement Fillon, du réseau) d’abandonner le principe du cadencement, avant de se rétracter. soit maintenu fermement. Ce principe constitue en effet un des leviers Selon SNCF Mobilités, le cadencement, l Il permet au gestionnaire du réseau d’opti- susceptibles de sortir le rail, outil à coûts fixes qui consiste à faire partir les trains à inter- miser la capacité disponible pour les différents élevés mais à rendement croissant, de son valles réguliers sur chaque ligne du réseau, types de trafic (TER, grandes lignes et fret), et malthusianisme chronique en France. avec les mêmes arrêts et les mêmes temps de de gérer correctement leur coexistence. parcours, est une formule trop rigide qui ne Comme chez nos voisins, l’introduction du Des dérogations ? permet pas de répondre de manière satisfai- cadencement en France a eu des effets béné- sante aux besoins de transport et d’utiliser au fiques pour les voyageurs. On peut cependant se demander si le ca- mieux la capacité du réseau ferré. En Picardie, les usagers des TER Amiens- dencement, efficace sur les axes très fréquen- La FNAUT estime au contraire que son Laon et Saint-Quentin - Compiègne béné- tés tels que Strasbourg-Bâle, n’est pas mis en abandon peut entraîner une désorganisation de ficient de trains plus fréquents et meilleures œuvre de manière trop dogmatique sur les l’offre, en particulier TER, et que cet outil est correspondances vers Paris. Lorsque la ligne « petites » lignes peu circulées. Sur la ligne à indispensable au progrès du système ferroviaire. Toulouse-Auch a été cadencée en 2003, après voie unique Grenoble-Veynes-Gap, il concilie sa modernisation, avec 9 allers-retours par jour imparfaitement la réponse aux besoins quo- Une méthode très répandue au lieu de 8, la fréquentation a bondi de 73 %. tidiens des habitants et l’exigence de bonnes En Aquitaine, 5 lignes ont été cadencées : correspondances à Grenoble avec le TGV et Dans la conception traditionnelle de l’offre l’offre a augmenté de 4,5 % et la fréquentation à Veynes ou Gap avec les trains Marseille- voyageurs, l’exploitant cherche à adapter très de 28 %. Briançon. Des horaires conçus sur mesure finement les missions et horaires des trains aux L’ex-Région Lorraine a cadencé ses des- pourraient y parvenir, toutes les gares autori- fluctuations supposées des besoins du public se- sertes TER en avril 2016, en prévision de l’ou- sant le croisement des trains. lon l’heure, le jour et la semaine. Cependant, en verture complète de la LGV Est. Le nombre Sur certaines lignes de Midi-Pyrénées décidant ainsi de ces besoins, il ignore une vérité de trains a augmenté de 23 % en semaine ; (Rodez-Milllau), du Limousin (Gué- première en matière de transport collectif : l’offre 7 millions d’euros de recettes supplémentaires ret-Limoges) et du Centre-Val de Loire doit précéder la demande. sont attendus en 3 ans, et le coût de produc- (Montluçon-Bourges/Vierzon), le caden- Introduit aux Pays-Bas dès 1939, le caden- tion du train x km a baissé de 15 %. Ces don- cement a eu des effets pervers : les horaires cement est aujourd’hui en vigueur, définitive- nées qui prouvent le succès du cadencement ne correspondent plus aux besoins (départs ment, dans la plupart des autres pays européens. ont été communiquées par... SNCF Mobi- trop matinaux ou arrivées trop tardives), En Suisse, il a été étendu à tout le réseau en lités. Baisse des coûts, hausse de recettes : le la durée des parcours a été allongée de 10 1982 (y compris les trains privés, bateaux, télé- cadencement a été mis en œuvre sans dépense minutes en raison des attentes aux points phériques, cars postaux) après une longue pé- supplémentaire de la Région. de croisement des trains, la desserte des riode de préparation portant sur l’infrastructure zones rurales a été allégée au profit des (capacité des nœuds ferroviaires, vitesse entre Un outil indispensable trains semi-directs (il faut une voiture pour nœuds, points de croisement sur voies uniques), au progrès du rail rejoindre les arrêts maintenus). la signalisation, le matériel roulant, les moyens Une dérogation locale au principe du humains et l’exploitation (en particulier la ges- Dans certaines zone denses, les contraintes décadencement peut donc être envisagée sur tion des retards). Le nombre de trains x km a du cadencement obligent SNCF Mobilités à une ligne peu circulée si elle permet des des- pu être augmenté de 20 %, sans accroissement ralentir des TGV. Cependant l’optimum du sertes plus affinées et des délais réduits de des coûts de production ! système ferroviaire ne correspond pas au seul correspondances. Mais ce qu’il faut mettre Longtemps ignoré en France, le caden- optimum de SNCF Mobilités. en cause en priorité, c’est la médiocrité de cement a été expérimenté dans la Région l En donnant de la visibilité aux condi- l’offre de SNCF Mobilités et, souvent aussi, Rhône-Alpes dès 2008 puis généralisé pro- tions de circulations, le cadencement per- celle de l’infrastructure, qui ne permet pas gressivement à l’ensemble du réseau ferré à la met à SNCF Réseau de définir au mieux les d’optimiser les roulements de matériel. Avec demande des élus régionaux, soutenus par la besoins de modernisation des infrastructures 3, 4 ou 5 même allers-retours par jour, on ne FNAUT (FNAUT Infos 171). ferroviaires. peut aboutir qu’à des compromis peu attrac- l En rationalisant et en fiabilisant l’offre, tifs pour la clientèle et annonciateurs d’une Une méthode gagnant-gagnant il favorise le développement des trafics voya- fermeture de ligne. geurs et fret. Des sillons peuvent être réservés En Suisse, la fréquence minimale est de l Le cadencement permet au voyageur de toute la journée aux trains de fret et de travaux. 10 allers-retours par jour : les coûts fixes bénéficier d’une offre rendue très lisible par l Enfin il est indispensable à une ouver- sont élevés, mais on peut les amortir par une sa régularité et aisément mémorisable, donc ture à la concurrence, car il met vraiment sur hausse de la fréquentation et des recettes, en attractive, et de correspondances plus nom- un pied d’égalité les différents opérateurs, étalant l’offre sur toute la journée, sans trous breuses et optimisées. Il fidélise le voyageur. présents et futurs. horaires et sans pour autant faire de fausses l Il permet à l’opérateur de simplifier, de La FNAUT a donc interpellé donc économies en remplaçant les trains par des rationaliser, d’industrialiser son exploitation, l’Etat, autorité de tutelle, ainsi que cars en heure creuse (alors qu’au contraire, d’en renforcer la fiabilité, d’en réduire les l’ARAFER, autorité de régulation des les cars doivent servir à écrêter les pointes, coûts et de limiter l’impact des perturbations activités ferroviaires. Elle demande que le car ajouter un car est alors moins onéreux du trafic. principe du cadencement, lancé par RFF qu’utiliser une rame double).

FNAUT infos n°253 - avril 2017 x 7 Actualité La gratuité des transports urbains à Tallinn Brèves Zone piétonne géante La gratuité des transports a été ins- taurée à Tallinn, capitale de l’Estonie Depuis la fin juin 2015, la voiture est ban- (440 000 habitants), en janvier 2013, nie de tout le centre de Bruxelles autour de avec un double objectif : garantir à la Grand-Place. La zone piétonne a vu sa tous le droit au transport, et attirer les surface doubler pour atteindre 50 hectares, automobilistes au transport collectif c’est aujourd’hui la plus vaste d’Europe. (FNAUT Infos 230). Nous revenons sur le sujet à partir d’une enquête menée sur Le saviez-vous ? place par le magazine Urbis publié par l’Agence d’urbanisme de Dunkerque Le montant du versement transport que (http://www.urbislemag.fr). Tallinn, arrêt de bus (Wikipedia) les entreprises franciliennes (d’au moins 11 salariés) versent au Syndicat des trans- Soumise à référendum en mars 2012, la gra- - en Estonie, l’automobile ne s’est dé- ports d’Ile-de-France (STIF) est du même tuité a été plébiscitée par 75,5% des votants, le mocratisée que depuis l’indépendance du ordre de grandeur que les dépenses qu’elles taux de participation étant de 20 %. La mesure pays (1991). Cependant le taux de moto- engagent pour l’achat, l’entretien et le fonc- était très populaire chez les russophones, géné- risation a cessé de croître à Tallinn. Dans tionnement de leur parc automobile. ralement peu fortunés. le reste du pays, il continue à augmenter Seuls les habitants de la ville bénéficient de 10 % par an. Evolution démographique de la gratuité. Du coup, 24 000 personnes, La longueur des trajets a diminué. Un la plupart vivant déjà en ville, dont 22 000 étudiant l’explique : « si c’était payant, je Selon l’INSEE, la proportion de personnes imposables, se sont officiellement enregis- marcherais davantage ». d’au moins 65 ans va progresser jusqu’à trées. D’où un supplément annuel de 38 Rien ne démontre à Tallinn que la gra- atteindre 25 % de la population française millions d’euros de taxe locale sur le revenu, tuité a joué davantage que l’amélioration en 2040, contre 18 % en 2013. En 2070, la qui compense largement la perte de recettes du réseau ou la hausse dissuasive du prix France pourrait compter deux fois plus de commerciales, environ 12 millions (le rapport du stationnement, 6 euros de l’heure personnes d’au moins 75 ans qu’en 2013. recettes/dépenses était de 0,3). (ces mesures ont été prises simultané- Ce vieillissement de la population va sti- La régie locale des transports a donc ment). En France, dans les grandes villes muler la demande de transport collectif. pu acheter 240 bus neufs ou d’occasion, sans gratuité mais avec TCSP, la hausse l’amplitude horaire a été élargie, les salaires de l’usage du réseau a été bien plus forte Rêveries anciennes des chauffeurs ont été revalorisés de 30 % et la part modale de la voiture est devenue et 200 chauffeurs supplémentaires ont été inférieure à 50 %. A Nantes, il y a 50 ans, on rêvait d’un aéro- embauchés. La revente de ses droits à pol- port qui servirait de base au Concorde. Puis, luer sur le marché européen ayant rapporté Une expérience peu significative en mai 1970, le sénateur UDR, futur maire 56 millions, la régie a aussi rénové ses rames de Nantes adversaire du tramway, Michel de tramway et en acheté 20 neuves, et le Une interprétation enthousiaste de l’ex- Chauty, de retour d’un voyage d’étude sur réseau va passer de 32 à 50 km. périence de Tallinn par les partisans de la le transport aérien aux USA, imaginait dans La note attribuée par les usagers à la qua- gratuité serait donc trompeuse : la gratuité Presse Océan, le développement du « Rot- lité du service rendu est passée à 4,1 sur 5 n’est ni suffisante pour réduire massive- terdam aérien de l’Europe par la création contre 3,3 avant l’instauration de la gratuité ment le trafic automobile ni même néces- d’un aéroport international de fret au nord et l’amélioration de l’offre. saire pour assurer le droit au transport ou la de la Loire ». Et aujourd’hui, on continue à La gratuité a stimulé la mobilité des hausse de l’usage du réseau. rêver : « l’aéroport du Grand Ouest » offrira habitants modestes et augmenté leur pou- Economiquement, l’expérience est peu des vols quotidiens pour New-York... voir d’achat. Selon le maire, « alors que le significative car elle se déroule dans un salaire net moyen est de 900 euros, la gra- contexte très éloigné de la réalité française. Innovation tuité génère une économie substantielle, La gratuité n’est viable à Tallinn que parce 80 euros par mois environ pour un couple qu’une partie de la population, en se domi- SNCF Mobilités a annoncé la création de avec deux enfants ». ciliant dans la ville, a accepté une hausse sa filiale Ouiski qui, dès l’hiver 2018, assu- L’objectif social de la gratuité est donc sensible de ses impôts, de 1750 euros par rera des liaisons par hélicoptères grand atteint, mais il l’était déjà pour l’essentiel an en moyenne. Il est douteux que des ci- confort entre les terminus des relations avec la tarification solidaire : avant 2013, tadins français acceptent une hausse aussi Paris-Savoie/Dauphiné par TGV (Saint- 36 % des usagers bénéficiaient déjà de importante de leurs impôts pour financer Gervais, Bourg-Saint-Maurice, Modane, la gratuité et 24 % d’un tarif réduit. Et des transports gratuits... Grenoble,...) et les stations alpines les plus l’objectif écologique ? La gratuité a été financée au détriment huppées (Megève, L’Alpe d’Huez,...). Il est difficile d’apprécier de manière des communes où les nouveaux résidents fiable la hausse de fréquentation des trans- de Tallinn étaient domiciliés auparavant, ports publics, car les résidents de Tallinn ne ce qui accroît les disparités entre la capitale FNAUT infos - Bulletin mensuel d’information Directeur de publication : Jean Sivardière valident pas leur carte de gratuité à chaque et sa périphérie (l’Estonie est un petit pays, Crédits photo : Marc Debrincat et Fabrice Michel pour la FNAUT voyage. La municipalité l’évalue à 10-14 %. la capitale représente à elle seule 33% de la CPPAP n° 0920 G 88319 - Dépôt légal n°253 ISSN 0983-172 X - Tirage : 1200 ex. La congestion du centre a un peu régressé, population et 50% du PIB). Impression : R&M Studio - 51 Grand Rue - 86370 Vivonne mais pas spectaculairement : En conclusion, l’expérience de Tallinn Abonnement 10 numéros : Individuels : 19 b - les habitants des lotissements éloignés n’est pas transposable sans risque finan- Administrations, sociétés, organismes, Étranger : 50 b du centre-ville, issus de la classe moyenne, cier aux grandes villes françaises telles que Prix au numéro : 2 b Pour adhérer à la FNAUT ou à une association FNAUT utilisent davantage les trains de banlieue Dunkerque, dont le maire veut instaurer de votre région, contacter notre permanence : qu’auparavant ; la gratuité en 2018. Elle ne démontre 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris - les cadres boudent encore les bus, car en rien que la gratuité des transports est tél. : 01 43 35 02 83 fax : 01 43 35 14 06­ les entreprises mettent à leur disposition un outil social et écologique décisif, ou e-mail : [email protected] des parkings gratuits ; même utile. Internet : http://www.fnaut.fr

8 x FNAUT infos n°253 - avril 2017 254 FNAUT infos mai 2017 transport - consommation - environnement édition nationale

Bulletin de la Fédération­ Nationale des Associations d’Usagers des Transports

La fiscalité environnementale, L’intermodalité une urgence dans les gares ferroviaires Coup sur coup, deux rapports officiels viennent de juger très insuffisante l’action de la ministre de l’environnement et de l’éner- gie en matière de fiscalité dans le secteur des transports. Dans son rapport publié le 6 février 2017, la Commission européenne souligne les fai- blesses de la fiscalité environnementale fran- çaise. Elle classe notre pays au dernier rang des 28 pays de l’Union européenne suivant ce cri- tère (voir ci-contre). Et dans son rapport annuel 2017, la Cour des comptes épingle à juste titre l’abandon de l’écotaxe, une des rares mesures votée à l’una- nimité des députés et des sénateurs. Outre le coût faramineux du dédommagement de Salle d’échange de Paris-Gare-du-Nord (MD) l’entreprise Ecomouv, l’objectif de faire payer utilisateurs de la voirie et pollueurs est resté sans suite (voir page 2). Dans une étude réalisée pour le ministère des Transports (DGITM), la FNAUT a C’est donc à juste titre que la FNAUT réclame rassemblé un ensemble de bonnes pratiques facilitant l’intermodalité dans les avec force le développement de la fiscalité gares ferroviaires. Les correspondances entre trains d’une part, entre train et un environnementale qui rendrait l’action de l’Etat cohérente avec les objectifs de la COP21. autre mode de déplacement d’autre part (car, transport urbain, vélo, automo- Cette fiscalité résoudrait la question lanci- bile, avion) peuvent être fortement améliorées, qu’il s’agisse de la synchronisa- nante du financement de la régénération du tion des modes, de l’information ou des cheminements dans les gares. L’étude a réseau ferré existant et du financement des mis en évidence le retard considérable de la France sur les pays européens voi- nouvelles infrastructures urbaines (métros, sins, Suisse et Allemagne en particulier, en matière d’intermodalité. Pour com- tramways et BHNS) et interurbaines (lignes à bler ce retard, la FNAUT préconise la création de comités de pôles d’échanges grande vitesse et grands projets fret : Lyon- multimodaux associant les représentants des voyageurs. Suite page 3 > Turin, contournement de Lyon, autoroutes ferroviaires). Fiscalité environnementale : la France en retard Elle éviterait par ailleurs de faire porter aux générations futures la dette ferroviaire Dans un rapport publié le 6 février La Commission souhaite que la France et l’indispensable mise à niveau des réseaux 2017, la Commission européenne sou- pousse les consommateurs à abandonner le existants. ligne la faiblesse de la fiscalité environ- carburant diesel. Elle note que la France La fiscalité environnementale permet seule nementale française : en 2014, ce type est l’un des rares Etats membres de l’Union de relever les défis auxquels nous sommes de recettes fiscales se montait en France européenne à ne pas percevoir de taxe de confrontés dans le secteur des transports. à 2,05 % du PIB par an, alors que la circulation sur les véhicules particuliers, si Nos voisins l’ont utilisée, il est temps de suivre moyenne européenne était de 2,46 %. on excepte les péages autoroutiers. leur exemple. La Commission recommande à la Les observations de la Commission Bruno Gazeau, président de la FNAUT France, située ainsi au 24ème rang sur 28 européenne sont confirmées par l’abandon pays européens, de réorienter sa fiscalité définitif de l’écotaxe, qui aurait pu modérer Sommaire vers les taxes environnementales et, plus le trafic routier de fret comme c’est déjà le particulièrement, d’augmenter la taxation cas dans 7 pays européens, et par l’absence L’écotaxe, un fiasco financier des véhicules polluants, des carburants et totale de péage urbain en France, alors que et environnemental p. 2 de la circulation routière. cette formule se rencontre déjà en Angle- Dossier - L’intermodalité dans Elle estime que notre pays pourrait af- terre, Irlande, Norvège, Suède et Italie. les gares ferroviaires pp. 3-4 fecter 0,84 % de PIB supplémentaire à ces La fiscalité environnementale est pour- Pourquoi les opposants au taxes en 2018, et jusqu’à 1,43 %, soit au to- tant un outil indispensable d’une poli- Lyon-Turin ont échoué p. 5 tal plus de 40 milliards de recettes fiscales tique cohérente des transports, puisqu’elle Les errements de la SNCF p. 6 supplémentaires, en 2030 : 27 milliards de permet à la fois de modérer l’usage des TGV, prix réduits et cartes commerciales p. 7 taxes sur les véhicules routiers, 7 milliards modes de déplacements les plus agressifs Les services ferroviaires en Allemagne et en sur les carburants et 2,6 milliards sur le pour l’environnement et de financer les Suisse ; les Etats généraux de la Mobilité. p. 8 transport aérien. modes vertueux.

FNAUT infos n°254 - mai 2017 x 1 Actualité

L’écotaxe : fiasco financier et environnemental

Portique écotaxe sur la D917 (Wikipedia)

Selon le Premier ministre Bernard Cazeneuve en visite à Grenoble, « depuis 2012, le tretien de leurs routes et 7,6 à l’AFITF. L’aban- gouvernement a été guidé par le pragmatisme, le réalisme et le sens du long terme ». don de l’écotaxe a donc coûté au total environ Une déclaration qui laisse pantois après la lecture du rapport 2017 de la Cour des 12 milliards d’euros aux pouvoirs publics !!! comptes, qui analyse, avec une rare sévérité, l’échec de l’écotaxe. Certes, ce dispositif a été compensé par une hausse de la taxe sur les carburants routiers Le rapport 2017 de la Cour des comptes ana- (« comment calmer les Bonnets rouges sans trop (TICPE) (2 centimes sur le gazole auto- lyse, avec une rare sévérité, l’échec de l’écotaxe : fâcher les Verts ») et d’improvisation de la part de mobile et 4 sur le gazole fret), facilitée par la « un gâchis patrimonial, économique, financier, la ministre Ségolène Royal (une exonération du baisse du prix du pétrole. Cette hausse rap- industriel et social ; un échec stratégique, un commerce et du transport de proximité, puis un portera 1,5 millliard de plus que l’écotaxe d’ici abandon coûteux ; un pilotage centré sur des « péage de transit » au périmètre restreint à 4 000 2024, elle contribuera au financement des objectifs de court terme ». « Son abandon, dom- km de routes, ont été étudiés puis abandonnés). infrastructures de transport au même niveau mageable pour la cohérence de la politique des La FNAUT avait suggéré en vain que, que l’écotaxe et sera bénéficiaire pour l’Etat transports et son financement, est un échec de comme en Allemagne, l’écotaxe ne soit appli- (+ 3,3 milliards). Selon Ségolène Royal, « le politique publique dont les conséquences sont quée dans une première phase qu’aux camions gouvernement a fait au mieux, c’est-à-dire probablement très durables ». de plus de 12 tonnes. qu’il a supprimé un système très coûteux pour Et la Cour enfonce le clou : « avec ce renonce- L’abrogation définitive de l’écotaxe n’est le remplacer par un prélèvement tout simple ment à l’écotaxe, la France prend du retard dans intervenue que fin 2016. sur la consommation de carburant ». la mise en œuvre de la politique européenne de Mais, alors que 31 % des recettes de l’écotaxe tarification routière. Sept pays voisins – Suisse Une catastrophe financière devaient provenir des camions étrangers à hau- (2001), Autriche (2004), Allemagne (2005), teur de leur usage des routes françaises, l’objectif République tchèque (2007), Slovaquie (2010), Le coût d’indemnisation d’Ecomouv, étalé initial de l’écotaxe a été effacé : « le relèvement Pologne (2011) et Belgique (2016) – ont mis jusqu’en 2024, s’est finalement monté à 958 de la TICPE vise indifféremment les poids en place, avec un grand succès, des systèmes millions d’euros (181 pour une exploitation lourds (43 % des recettes dont 2 % seulement de tarification similaires » (FNAUT Infos 190, à vide du dispositif de perception de la taxe venant des étrangers) et les voitures particulières 220, 224, 225, 227). et 777 pour son abandon définitif). D’autre (57 % des recettes) ; les poids lourds étrangers en part, les administrations ont dépensé en pure transit sont épargnés, moins d’un quart d’entre Une ambition forte perte 70 millions d’euros pour le pilotage puis eux se ravitaillant en gazole en France ». Le réé- l’abandon du projet. quilibrage de la compétitivité relative des trans- L’écotaxe kilométrique, redevance d’usage de A cette somme, il faut ajouter la perte porteurs français et étrangers est mis en échec. la voirie par les camions (en moyenne 0,13 euro/ de 53 millions par an sur dix ans (durée du Et les départements ne reçoivent rien. kilomètre, un taux plus faible que la moyenne contrat Etat-Ecomouv) due à la baisse de la européenne), avait été adoptée par le Parlement taxe à l’essieu accordée par avance aux trans- Une occasion manquée en 2009, à la quasi-unanimité, suite au Grenelle porteurs routiers par le ministre des transports de l’environnement, en application des principes UMP Thierry Mariani pour leur faire « ava- L’abandon de l’écotaxe a largement bénéficié utilisateur-payeur et pollueur-payeur analogues ler » l’écotaxe (agrémentée de l’autorisation financièrement aux transporteurs routiers et aux à ceux de la RPLP suisse et de la LKW Maut généralisée de circulation des poids lourds de chargeurs. Il faut déplorer aussi la faible incita- allemande (qui rapporte 4 milliards d’euros par 44 tonnes et de l’exonération de la taxe carbone tion au report modal du fret routier sur le rail an). Elle concernait 800 000 camions (550 000 sur le gazole professionel). et la voie d’eau, d’où un coût direct (usure des français et 250 000 étrangers) de plus de 3,5 Sans parler des 270 millions provisionnés routes, accidents) et un coût externe (pollution tonnes et devait être perçue sur 10 000 km de par l’Etat pour risques contentieux, et des de l’air, bruit). routes nationales et 5 000 km de roues départe- équipements inutilisés et conservés par l’Etat Citons encore la Cour des comptes : « outre mentales selon un dispositif technique voisin de (160 portiques et 720 000 boîtiers GPS, d’un l’effet de report attendu vers des modes de celui mis en œuvre en Allemagne. coût total d’environ 650 millions). transport alternatifs, l’écotaxe poids-lourds Soit un coût direct total pour l’Etat supérieur pouvait constituer, à terme, un outil efficace de Une gestion calamiteuse à 2 milliards d’euros, auquel il faut ajouter la fiscalité environnementale, en incluant progres- perte de recettes. sivement dans son barème le coût des externa- Selon la Cour, sa suspension sine die, en lités négatives produites par le transport routier octobre 2013, sous la pression du secteur agro- Une compensation trompeuse des marchandises ». Et, selon Christian Garnier alimentaire breton représenté par les Bonnets (FNE), « le résultat est à l’opposé de la recherche rouges, a été annoncée par Jean-Marc Ayrault Déduction faite de la redevance anuelle versée d’une économie plus territorialisée, vitale pour la « dans la précipitation ; en dépit d’enjeux bud- à Ecomouv (230 millions en coût de collecte et résilience des territoires et l’emploi local ». gétaires financiers, juridiques et technologiques de maintenance des portiques), l’écotaxe allait En résumé : majeurs, aucune analyse préalable de la portée rapporter 890 millions d’euros par an à l’Etat, - l’abandon de l’écotaxe a été l’occasion man- de la décision n’a été conduite ». qui devait en reverser 684 à l’AFITF, agence de quée d’introduire un outil fondamental d’assai- Le contrat passé entre l’Etat et la société financement des infrastructures de transport de nissement et de maîtrise du fret routier et de Ecomouv, chargée d’installer les portiques et France (présidée par le député PS Philippe Du- financement des infrastructures de transport ; de collecter l’écotaxe, a finalement été résilié fin ron). La perte des recettes attendues de l’écotaxe - une politique cohérente aurait dû com- octobre 2014, de manière tout aussi mal pré- jusqu’en 2024 a donc été de 9,8 milliards dont biner écotaxe et hausse de la TICPE sur le parée, après une longue période de confusion 1,8 devait revenir aux départements pour l’en- carburant automobile.

2 x FNAUT infos n°254 - mai 2017 Dossier L’intermodalité dans les gares ferroviaires Gouvernance de l’intermodalité Les documents de planification doivent prendre en considération les exigences de Gare SNCF de Rouen (MD) l’intermodalité. La loi NOTRe oblige chaque Région à élaborer un SRADDET (Schéma ré- gional d’aménagement, de développement Une étude, commandée par le ministère des Transports (DGITM), sur les bonnes pra- durable et d’égalité des territoires), outil tiques de l’intermodalité dans les gares, a été réalisée par Jean Lenoir, Marc Debrincat d’intégration à l’échelle régionale des objec- et les FNAUT régionales. Elle ne portait pas sur les aspects tarifaires, billettiques et tifs nationaux, incluant l’intermodalité. Les numériques (information en temps réel ou aide aux déplacements à l’intérieur de la PDU de chaque agglomération doivent être gare notamment) de l’intermodalité (voir aussi FNAUT Infos 178, 209). compatibles avec la planification régionale de l’intermodalité. Selon la SNCF, « Les flux en gare rue par des TER de la Région Bre- Il est nécessaire que Gares et Connexions, représentent 10 millions de visiteurs ou tagne. Mais des butoirs les séparent entité en charge des gares au sein de SNCF passagers par jour dans les 3 000 gares et, au sein d’une gare unique, le système Mobilités, collabore avec les différentes au- de France. A l’horizon 2020, ce sont 13 d’information, basé sur deux gares dis- torités organisatrices pour garantir le bon millions de visiteurs qui sont attendus tinctes, écarte toute possibilité de trajet fonctionnement de l’intermodalité. en gare. Les 30 principales gares du continu de Nantes à Rennes ! La FNAUT préconise la mise en place dans réseau accueillent 43 % du trafic national. les gares de comités de pôles d’échanges En 2014, 7 Français sur 10 se sont rendus multimodaux associant systématiquement dans une gare SNCF, 2 visiteurs sur 3 y des représentants des voyageurs (la sénatrice ont réalisé un achat ». Fabienne Keller le proposait déjà en 2009 dans L’amélioration de l’intermodalité - en- son rapport sur « la gare contemporaine »). semble des aménagements qui permettent Des représentants des patients siègent d’associer avec fluidité plusieurs modes de dans chaque conseil d’administration des transport au cours d’un même trajet - dans hôpitaux, et des représentants des étudiants les gares est donc un enjeu essentiel. dans chaque conseil d’administration des C’est une attente importante du voya- CROUS : la démocratie participative peut geur, elle porte souvent sur des détails. progresser dans le secteur des transports... La rupture de charge est, en effet, géné- ralement mal vécue par le voyageur, sur- tout lorsqu’il est chargé de bagages. Et sa Les principes d’une bonne rudesse le conduit souvent à abandonner Gare SNCF Valence TGV (J.-P. Bouchet) intermodalité le train et à reprendre sa voiture. Un point essentiel ne doit pas être L’accessibilité piétons-PMR De nombreux discours célèbrent au- occulté : la capacité des gares prin- jourd’hui l’intermodalité autour des gares cipales doit permettre de faire face à Malgré les exigences juridiques, no- comme une solution aux problèmes de mo- l’augmentation constatée ou prévisible tamment en ce qui concerne le calen- bilité. Mais, comme souvent dans le domaine du nombre des voyageurs. Comme le drier de mise en accessibilité des aména- des transports, les décideurs misent sur de Commissariat Général au Développe- gements et équipements, le concept de nouveaux services plutôt que de chercher à ment Durable l’a rappelé récemment, chaîne d’accessibilité est encore lointain mieux exploiter l’existant. le nombre des voyageurs ferroviaires dans les transports. L’information sur l’intermodalité doit être pourrait doubler d’ici 2050. Tout ce qui renforce l’accessibilité des accessible à trois niveaux. Personnes à Mobilité Réduite (PMR) 1. L’espace public lui-même (gare, stations, Les bonnes pratiques améliore la fluidité et le confort des dépla- points d’arrêts et leurs environs immédiats) cements des personnes valides. L’aména- doit informer le voyageur, par son organisa- Le pire exemple d’intermodalité est gement du franchissement des différences tion spatiale et sa lisibilité, sur la présence et fourni par l’implantation des gares nou- de niveaux est impératif. la disponibilité des différents modes en cor- velles TGV le long des LGV loin des Citons quelques exemples de bonnes respondance avec celui qu’il vient d’utiliser. centres-villes, une erreur persistante qui pratiques d’accessibilité : 2. L’information statique : plans, signa- rend impossible une bonne connexion - la réduction de la longueur des chemi- létique, tableaux horaires, bureaux d’ac- du TGV et des transports de proximi- nements et des dénivelés pour les corres- cueil des exploitants. Ces sources d’infor- té. Ces gares sont entourées de vastes pondances entre modes (correspondances mation doivent être bien visibles dans parkings (voir la photo de la gare de quai à quai, plans inclinés, rampes à double l’espace public. Valence TGV). Le geste architectural de lisse) ; des cheminements libérés des obs- 3. L’information dynamique, instantanée, la gare nouvelle peut avoir une image de tacles qui pourraient s’y trouver ; l’amélio- fournie par chaque mode. modernité, mais il n’apporte strictement ration de la disponibilité des équipements Une étude de la FNAUT réalisée en 2011 rien au voyageur. mécaniques (escaliers, ascenseurs) ; pour la DGITM a montré le retard de la France Un autre exemple affligeant est offert - des abris de quai avec emplacements en matière d’intermodalité sur les pays euro- par la gare de Châteaubriant. La ligne pour les PMR ; péens voisins (Suisse et Allemagne en par- Nantes-Châteaubriant est parcourue - des guichets surbaissés, des bornes ticulier), où une « mobilité sans couture » par les tram-trains de la Région Pays d’appels d’urgence accessibles ; encourage le voyageur à ne pas redouter le de la Loire, tandis que la ligne Châ- - des bandes podotactiles en amont de la passage d’un mode à l’autre. teaubriant-Rennes est toujours parcou- première marche d’un escalier.

FNAUT infos n°254 - mai 2017 x 3 Dossier

L’intramodalité ferroviaire Les gares parisiennes

Le transport ferroviaire est la vocation Le cas particulier des grandes gares première de la gare. La gare doit assurer les parisiennes est traité dans une étude correspondances entre les services de courte, de l’AUT Ile-de-France « les gares pari- moyenne et longue distance. Une bonne in- siennes, un laboratoire de l’intermoda- formation sur les possibilités d’effectuer des lité », publiée en novembre 2016. Cette correspondances et d’en réduire la pénibilité étude émet un certain nombre de pré- est une attente forte du voyageur. Il souhaite conisations concernant les abords des pouvoir s’orienter aisément et bien se posi- gares, visant à faciliter, que le voyageur tionner à l’avance sur le quai et dans la rame quitte la gare ou s’y rende, l’échange utilisée pour limiter la longueur et la durée de avec tous les modes possibles de dé- ses cheminements à l’intérieur de la gare. placements urbains : marche, vélo, vélo Les bonnes pratiques suivantes pourraient en libre service, transport collectif, taxi, être systématisées : Las Navas del Marquès, Espagne (J. Sivardière) automobile, autopartage... - meilleure synchronisation des services L’AUT critique les gares du Grand Paris aux nœuds de correspondance ; L’intermodalité train-automobile Express : « La Société du Grand Paris - diamétralisation des services TER ; n’a pas débattu des correspondances - correspondances quai à quai. Il faut prendre en compte la demande des avec le réseau existant. L’option d’ac- automobilistes dans la conception des pôles cès multiples aux quais, depuis leurs L’intermodalité train-autocar d’échanges…tout en la canalisant, intégrer extrémités, qui accroîtrait notablement tous les usages de la voiture (covoiturage, les populations desservies à 500 ou 800 Il faut implanter la gare routière à proxi- autopartage, taxi, VTC), prévoir des espaces m de marche, a été éliminée sans dis- mité de la gare ferroviaire et améliorer la de dépose/prise en charge, développer les cussion : la gare SGP est une boîte desserte des gares routières excentrées par parking-silos, articuler l’offre de parcs relais de 120 m de long, s’enfonçant jusqu’à les transports urbains. avec l’offre ferroviaire et sa tarification, enfin 50 m dans le sol, qui fonctionne La photo ci-contre, prise du train, illustre protéger les piétons et cyclistes par la répres- comme un entonnoir déversant les usa- une correspondance bien conçue avec une sion du stationnement illicite. gers au milieu des quais ». navette routière à la gare à Las Navas del Alors que l’aéroport de Paris-CDG Marquès (Espagne, ligne Madrid-Avila) : le L’intermodalité train-vélo bénéficie d’une desserte TGV intense, ce minicar qui attend les voyageurs stationne à n’est pas le cas d’Orly : la gare de Massy dix mètres du train, prêt à partir. Il faut faciliter la circulation et le station- TGV est éloignée de l’aéroport et nement des vélos autour des gares et dans nécessite un trajet en bus estimé à L’intermodalité entre le train les gares, y développer des services liés à 30 minutes ou en taxi, peu pratiques et les transports urbains la pratique du vélo (vélostation offrant la pour le voyageur chargé de bagages. possibilité de petites réparations, bureau de L’articulation entre la politique d’aména- location de vélos), et mieux informer les L’étude de la FNAUT montre donc gement urbain et l’organisation des trans- cyclistes (plan des itinéraires cyclables de la que des efforts importants restent à ports doit être améliorée. Les possibilités ville). Voir ci-dessous la photo de l’esplanade entreprendre en France pour faciliter de rabattement vers les gares urbaines et pé- de la gare de Strasbourg. l’intermodalité et rattraper le retard riurbaines doivent être mieux étudiées. Les pris sur les pays voisins, qu’il s’agisse gares ferroviaires doivent être desservies par L’intermodalité train-avion de la gouvernance de son organisa- les transports urbains (amplitude horaire, tion, qui implique en particulier une correspondances avec les trains). Il faut améliorer l’intégration des aé- meilleure participation des usagers, L’information croisée sur les différents roports dans les dessertes ferroviaires ou de sa mise en œuvre. Les bonnes modes de transport doit aussi être déve- longue distance (la - Saint- pratiques sont aujourd’hui bien iden- loppée : on doit trouver en gare des infor- Exupéry est peu desservie par TGV) et tifiées en France comme à l’étranger, mations sur les transports urbains (plan du développer les offres tarifaires combinées elles doivent s’appliquer aux projets réseau, horaires, tarifs, arrêt le plus proche). train + avion faisant de la gare une pré- d’infrastructures dans un souci de En ville, la signalétique et le jalonnement aérogare. Les liaisons avec les centres- cohérence et d’intégration avec les des accès aux gares doivent être renforcés. villes sont à renforcer. aménagements existants.

Strasbourg, place de la gare (MD)

4 x FNAUT infos n°254 - mai 2017 Actualité

Tunnel du Lyon-Turin : pourquoi les opposants ont échoué

Ligne ferroviaire transalpine (MD)

Selon toute vraisemblance, le projet de tunnel transfrontalier Lyon-Turin est un Des contre-propositions « coup parti » (FNAUT Infos 253). Il est intéressant de s’interroger sur l’échec des op- irréalistes et contradictoires posants, qui ont accumulé les erreurs. Ils n’ont pas réussi à rassembler au-delà des environnementalistes (FNE), des écologistes (EELV) et des partis anti-européens (PG, 10. Les suggestions des opposants ont man- DLF, FN), et à empêcher la ratification de ce grand projet par le Parlement. qué de réalisme : transférer « immédiatement » le trafic routier sur la ligne Ambérieu-Modane Une approche irrationnelle l’ouvrage, sur le coût du projet global et celui (comme si nous vivions dans une économie du tunnel de base, sur les possibilités de finan- administrée de type soviétique), au risque de 1. Les opposants ont manqué des connais- cement (il ne s’agit pas d’un PPP, partenariat- menacer en cas d’accident le lac du Bourget que sances ferroviaires de base pour appréhender public-privé, le financement du tunnel étant en- les environnementalistes veulent protéger ; utili- correctement le fonctionnement du rail entre la tièrement public) : pourquoi deux grands pays, ser un matériel roulant fantaisiste et qui n’existe France et l’Italie. Ils ont sous-estimé, et même aidés par Bruxelles, ne pourraient-ils financer pas (R-shift-R) ; supprimer tous les passages à ignoré, les difficultés techniques et les coûts un seul tunnel alors qu’un petit pays, la Suisse niveau « pour faciliter la circulation des trains excessifs de l’exploitation de la ligne existante de a réussi à en financer deux sans aide extérieure ? de fret » ; et même développer la traction hip- Maurienne liés à son profil. pomobile pour lutter contre la pollution de l’air 2. Ils ont ignoré les exemples des Suisses Des erreurs tactiques dans les vallées alpines… et des Autrichiens qui percent de nombreux Proposer de prolonger l’autoroute ferroviaire tunnels de base et ne sont pas stupides pour 7. Malgré le préjugé favorable que leur ont alpine (AFA) depuis la Savoie est plus pertinent. autant. L’ouverture du Lötschberg est un suc- très souvent accordé les médias, les opposants Mais il faut prolonger l’AFA non à Ambérieu cès évident qui démontre la pertinence des n’ont pas réussi à se rendre crédibles aux yeux mais à proximité immédiate des plateformes tunnels de base. Le percement du Gothard de l’opinion. Leur alliance avec les anarchistes logistiques et industrielles de la région lyon- s’est effectué sans difficultés majeures, pour- italiens No TAV, dont ils ont cautionné les vio- naise et en correspondance avec les autoroutes quoi celui du Lyon-Turin devrait-il mener à lences, y est pour beaucoup. ferroviaires nord-sud. Mais aucune ligne clas- une catastrophe écologique ? 8. Ils n’ont pas hésité à s’appuyer sur des sique n’est vraiment adaptée à cette opération : 3. Refusant de voir ces réalités contraignantes, personnalités connues pour être favorables à la pour éviter un conflit avec le renforcement du ils ont condamné sans nuances le Lyon-Turin route, et sur les affirmations très contestables TER, souhaité par les opposants et la FNAUT, et les grands projets analogues (LGV, auto- de la Cour des Comptes concernant le coût du la construction de la ligne nouvelle mixte Lyon routes, aéroport de NDDL), tous mis dans le Lyon-Turin, afin de démontrer le bien-fondé de - Saint-Jean-de-Maurienne est indispensable et même sac alors qu’il fallait les examiner au cas leur position hostile au projet. doit être engagée dès maintenant. par cas comme la FNAUT a su le faire. Bizarre- 9. Les opposants se sont déconsidérés aux yeux ment, ils sont restés par contre quasi-silencieux des décideurs et des grands élus. Ils ont en effet En définitive, le combat acharné des op- sur le projet (apparemment comparable, voir multiplié les attaques personnelles, en particulier posants aura été contre-productif : en dia- FNAUT Infos 217) de canal Seine-Nord. contre Hubert du Mesnil, ancien président de bolisant le Lyon-Turin, ils ont seulement fait RFF et actuel président de TELT. Celui-ci s’est le jeu de la route. Prisonniers d’une logique Une pédagogie défaillante quasiment vu reprocher d’être corrompu, alors incompréhensible, ils ont donné de l’éco- qu’il est l’archétype du haut fonctionnaire com- logie une image dogmatique, passéiste et 4. Les opposants ont manqué de pédagogie. pétent et intègre. Les positions de la FNAUT frileuse. Le nouveau lien ferroviaire entre Ils n’ont pas réussi à échapper à une contradic- ont été déformées de manière perfide, et les la France et l’Italie sera au contraire béné- tion embarrassante : comment se dire favorable experts reconnus sur lesquels elle s’appuyait ont fique pour l’environnement, et il consti- à une meilleure qualié de l’air dans les vallées été attaqués stérilement sur la base d’insinua- tuera un outil structurant d’aménagement alpines et à un report massif de trafic sur le rail et tions ridicules et de procès de copinage avec les du territoire européen, indispensable pour combattre en même temps un projet et une éco- décideurs. Selon le maire EELV de Grenoble, les provoquer un rééquilibrage économique taxe régionale susceptibles de faciliter ce report ? promoteurs du Lyon-Turin « portent une lourde entre l’Europe du nord et l’Europe latine. Initialement défenseurs du projet, ils ont cher- responsabilité dans la mise en danger de la vie des ché ensuite à priver le rail d’un outil performant habitants des vallées alpines ». Jean Sivardière tout en se lamentant sur son déclin, et n’ont pas su expliquer leur revirement brutal et tardif. 5. Ils en sont restés à une argumentation basée sur des prévisions de trafic peu réalistes datant des années 1990 au lieu de regarder la réalité présente et, par exemple, de comparer le nombre des camions traversant la Suisse et les Alpes franco-italiennes. La Suisse a percé deux tunnels pour faire face à un trafic de 1 200 000 camions par an : on voit mal pourquoi deux pays, la France et l’Italie, s’interdiraient de percer un tunnel unique pour faire face à un trafic de 2 600 000 camions par an. 6. Ils ont propagé des informations inexactes sur les gains de temps qui seront apportés par www.transalpine.com : Source

FNAUT infos n°254 - mai 2017 x 5 Actualité Non au PNR, une contrainte Les errements de la SNCF : dissuasive et discriminatoire

quelques exemples Face à la menace terrroriste, le ministre belge de l’Intérieur Jan Jambon veut pas à remplacer des trains par des autocars. rendre obligatoire l’identification des Du 17 janvier au 5 février, la section Arvant- voyageurs se déplaçant dans les trains, Langogne du parcours du TER Clermont cars et bateaux sur le territoire européen, (16h48) – Nîmes (21h58) et la section en imposant le fichier « Passenger Name Langogne-Clermont du parcours du TER Record » (PNR). Un accord a déjà été trouvé Nîmes (16h58) – Clermont (22h46) ont été entre la Belgique, les Pays-Bas, la Grande- effectuées en car. Ces transferts sur route, Bretagne et la France pour expérimenter motivés par des « difficultés de production », avant la fin 2017 le contrôle préalable des ont été dénoncés par l’Association des Usa- passagers des trains et Eurostar. Gare SNCF de Surdon, Orne (MD) gers des Transports d’Auvergne : après des chutes de neige poudreuse, le vent soufflant La mesure engendrerait des contraintes en rafales peut reconstituer, peu après le pas- insupportables. Normandie sage du chasse-neige, des congères infran- Le voyageur devrait fournir nom, sexe, chissables. Ces difficultés étaient annoncées date de naissance, numéro de téléphone, L’Association pour la défense et la pro- par Météo France. Mais la SNCF n’a pas adresse de courriel, données complètes motion de la ligne Caen-Rennes (ADPCR) renoncé à faire circuler des cars, de nuit, sur du trajet, données du document de déplore que le nouveau TER sans arrêt Rouen des routes susceptibles d’être coupées inopi- voyage (type, numéro, nationalité, pays (16h08) - Caen (17h31) du lundi au jeudi ar- nément. A l’évidence, la SNCF se montre d’émission, date de validité), quantité, rive à son terminus deux minutes après le dé- peu soucieuse de la sécurité des voyageurs. poids et identification des bagages. Des part du TER Caen (17h29) – Rennes (20h25). Pourtant, selon ses dirigeants, cette sécurité informations supplémentaires seraient La SNCF pouvait pourtant créer une relation est, pour elle, une obsession permanente qui exigées pour les voyageurs mineurs non directe Rouen-Rennes via Caen ! Elle s’obstine ne saurait subir aucune entorse. accompagnés. à ne pas mettre les trains en correspondance Cette volonté de sécurité est régulièrement Les données à fournir sont si nom- pour obliger les voyageurs à passer par Paris mise en avant pour justifier toute une série de breuses que la vente d’un billet pren- en empruntant le TGV alors que le trajet via mesures qui vont dans le sens d’une diminu- drait un temps dissuasif. Et l’enregistre- Caen serait plus rapide ! Voilà ce que propose la tion des services ferroviaires. Ainsi, la sécurité ment des données personnelles et des SNCF : Rouen (16h12) - Paris - Saint-Lazare des voyageurs apparaît comme un prétexte de détails du voyage au moins 24 heures (17h40), changement de gare par le métro ou la SNCF pour justifier son désengagement à l’avance rendrait impossible tout par un taxi, puis Paris-Montparnasse (18h41) progressif dans le Massif Central. voyage international programmé en - Rennes (20h54), pour le prix de 103,40 euros dernière minute et toute modification en 2e classe contre 56,30 euros via Caen. Hauts de France du voyage en cours de route. Les trains De même, le car Rouen (11h04) - Caen et les cars ne sont pas des avions, leur (12h44) n’arrive que deux minutes avant le dé- La FNAUT Hauts-de-France a constaté, accès doit rester facile et fluide. part de l’Intercités pour Le Mans et Tours (ar- comme en 2015, la suppression de nombreux Une baisse de 12 % de la fréquenta- rivée 15h47). Le site Voyages SNCF propose trains Intercités et TER sur l’ensemble du ré- tion des trains Copenhague-Malmö a été un départ de Rouen à 10h59 via Paris, chan- seau régional entre les 26 et 31 décembre 2016, observée suite aux contrôles d’identité gement de gares à Paris, puis le TGV et une avec ou sans remplacement par autocar ou taxi. imposés par la Suède. navette à Saint-Pierre-des-Corps vers Tours, Outre le fait que de nombreux usagers travail- arrivée à 15h25, pour le prix de 88,40 euros laient alors, en particulier dans les services, cette La mesure serait discriminatoire envers contre 58 euros pour un trajet via Caen avec période de fêtes est propice aux déplacements les voyageurs utilisant les trains et cars une seule correspondance ! familiaux ou de loisirs. La réduction de l’offre a alors que les automobilistes peuvent donc entravé de manière inadmissible la mobi- circuler librement à travers l’Europe, elle Auvergne lité des salariés et des voyageurs occasionnels. inciterait à se déplacer en voiture. On En 2015, la SNCF avait évoqué un problème peut dès lors douter de l’efficacité de Alors qu’un hiver sévère rend la circulation de gestion du personnel qui aurait dû être résolu cette mesure, par ailleurs inapplicable routière très dangereuse, la SNCF n’hésite ou amélioré en 2016, cela n’a pas été fait. aux navetteurs transfrontaliers. Les ter- roristes disposent de bien d’autres pos- Avion, car, voiture et Blablacar : le train n’avait sans doute pas assez de concurrents. sibilités de voyager à travers l’Europe La filiale de la SNCF spécialisée dans le covoiturage du quotidien, IDVroom, et le de manière anonyme. Et l’Union euro- concessionnaire d’autoroute APRR testent en effet une ligne de covoiturage sur l’au- péenne n’impose pas le PNR pour les toroute A43 entre Bourgoin-Jallieu et Lyon, en concurrence directe avec le TER. Les vols intérieurs. points d’arrêt étant définis, le service se présente comme un transport collectif qui La Fédération Européenne des Voya- met en relation conducteurs et passagers via l’application Pop & Vroom. geurs (FEV) et ses associations estiment, Depuis janvier 2017, la SNCF propose l’abonnement TGVMax (79 euros/mois) per- comme l’Union Internationale des Trans- mettant aux 16-27 ans de voyager de manière illimitée, en 2ème classe, dans la plupart ports Publics et la Communauté Euro- (94 %) des TGV et Intercités ; accessible uniquement sur Internet, il exige un engage- péenne du Rail, que le PNR imposerait ment de trois mois minimum. La carte Jeune, destinée aux 12-27 ans, est maintenue : de sévères restrictions sur les voyages elle permet, pour 50 euros par an, d’avoir au moins 30 % de réduction sur tous les internationaux en train ou en car au sein trains. Par contre l’abonnement illimité iDTGVMax, proposé depuis deux ans et sous- de l’Union européenne. Elles appellent crit par environ 10 000 voyageurs (60 euros/mois), est supprimé. Les abonnés de plus les gouvernements européens à privilé- de 27 ans sont furieux : prévenus en dernière minute, alors qu’ils avaient organisé leur gier des mesures réalistes et proportion- vie professionnelle ou personnelle en fonction de l’offre iDTGVMax, ils veulent pouvoir nées à la menace terroriste : « dans une bénéficier de la nouvelle offre TGVMax. Menacée d’une action en justice, la SNCF leur Europe unifiée, on doit pouvoir circuler de a proposé, pour 2 ans, une offre iDTGVMax2. manière aussi flexible qu’à l’intérieur de chaque pays ».

6 x FNAUT infos n°254 - mai 2017 Actualité Conclusions TGV : prix réduits et cartes commerciales

Confrontée à la concurrence croissante et agressive de l’avion à bas coût, de l’auto- car, du covoiturage et surtout de la voiture particulière avec un prix du carburant actuellement très bas, la SNCF a multiplié les offres à petits prix. Les offres à coûts réduits

La gamme iDTGV, qui sera supprimée d’ici la fin 2017, visait à réduire les coûts de production avec une commercialisa- Paris-Gare-de-Lyon (MD) tion uniquement par Internet et en faisant circuler à coût marginal une rame TGV l La comparaison entre les offres « low accouplée à une rame « classique ». Le cost » (OUIGO), « low price » (les « petits nombre d’itinéraires desservis n’a cessé de prix ») et la tarification « classique » assortie baisser et les relations transversales ont été de cartes de réductions commerciales met systématiquement oubliées. en évidence deux catégories de proposi- OUIGO constitue une vraie offre à bas tions de la SNCF : coût (« low cost ») : rames de très grandes - des prix réduits aléatoires ; capacité (Duplex doubles), haute densité de - des cartes commerciales garantissant sièges et absence de 1ère classe, service réduit TGV OUIGO (MD) des réductions sur tous les trains à toutes à bord (peu de prises de courant, bagages les catégories de voyageurs. payants, pas de bar), gares excentrées à péage mination entre quelques grands axes radiaux La « sauvegarde » de ces cartes, qui réduit. La tarification ne dépend pas du statut et le reste du réseau - à l’opposé des attentes sont de la seule initiative de la SNCF, et du voyageur (jeune, senior…), elle est sou- des voyageurs. leur amélioration pour les familles sont mise aux seules règles du yield management Quant aux offres de la SNCF à « petits donc impératives si l’on veut que l’acti- pur comme dans l’aviation commerciale : plus prix », elles présentent un caractère aléatoire, vité commerciale du rail relève bien du le train est occupé, plus il est cher. Une diffé- étant limitées à certains trains, à certains ho- service public. rence notable : la concurrence aérienne oblige raires et à certaines catégories de voyageurs. l La communication et l’information sur les compagnies à modérer leurs tarifs. Or, en majorité, les voyageurs se déplacent les cartes de réductions commerciales doit d’abord par nécessité, ce qui exige une tarifi- être fortement améliorée sur Internet et Les offres à « petits prix » cation à faibles prix beaucoup plus large, mais rétablie sur papier. Ces cartes sont présen- aussi des offres à faibles coûts très étendues. tées comme offrant « 25 % (30 % pour la A défaut de coûts réduits, la SNCF déve- D’où la nécessité absolue de garder à la carte Jeune) de réduction garantis » alors loppe des offres à prix réduits. tarification commerciale de la SNCF un que la réduction joue par rapport au prix En 2015, elle a lancé TGVpop, offre entiè- caractère de service public, conformément Loisir variable lié au yield management. rement digitalisée et essentiellement destinée à l’article L. 2141-1 du code des transports : Plus généralement, c’est toute la aux jeunes. Les candidats au voyage « votent » la SNCF a pour mission d’exploiter « selon documentation de la SNCF qui est à pour la mise en circulation d’un train. Si les les principes du service public » pour obtenir reprendre sous forme d’un guide qui intentions de voyages sont suffisamment éle- « l’utilisation la meilleure au plan économique explique, notamment, les principes de vées, des prix réduits sont proposés sur un et social du système de transport ». la tarification, puisque la seule règle du nombre limité de relations radiales. yield management compréhensible par le Début 2017, la SNCF a lancé TGVMax Les réductions commerciales voyageur : « plus on achète tôt, moins c’est pour les 12-27 ans, offre exclusivement com- cher » n’est plus en vigueur. mercialisée sur Internet mobile. Moyennant Grâce au yield management, les voyageurs l Si elle veut réduire le prix du train de un abonnement mensuel, on peut réserver sans carte commerciale (on ne considère pas façon durable, la SNCF doit traiter les sous conditions un nombre « illimité » de ici les tarifs sociaux) peuvent, pour des achats causes des surcoûts. Elle doit mettre voyages dans les 94 % de trains offrant régu- anticipés sur les trains les moins chargés, ob- en œuvre les principes d’exploitation du lièrement des places disponibles. tenir jusqu’à 35 % de réduction par rapport au low cost de l’aérien en saturant l’utilisa- Par ailleurs, la SNCF propose, pour des bil- plein tarif Loisir. tion de son parc, dimensionné pour cou- lets non échangeables et non remboursables, Les cartes de réductions commerciales vrir les heures de pointe. Cela suppose des prix réduits soit pour des achats anticipés (Week-end, Enfant+ et Senior+) garantissent le maintien de circulations en heures pour toutes les catégories de voyageurs, soit une réduction supplémentaire de 25 % (30 % creuses, en début de matinée, en fin de dans certains cas pour du « déstockage » en pour la carte Jeune). Les réductions atteignent soirée, voire de nuit car le train en place dernière minute de places invendues. ainsi des taux très intéressants. Et ces cartes assise reste nettement plus confortable Ces ventes ressortent essentiellement d’un autorisent maintenant des réductions supplé- et plus rapide que le car. Le cadence- coût marginal et ne sont donc pas issues d’une mentaires sur les billets non échangeables et ment des horaires contribue à faciliter production à bas coût. non remboursables achetés soit à l’avance, soit ce modèle d’exploitation. en dernière minute. Le modèle économique du TGV est Et les attentes des voyageurs ? Ainsi, bien que présentées comme com- à rechercher en négociant avec SNCF merciales et décidées sous la seule autorité de Réseau les coûts des sillons en fonction Le low cost routier peut être pratiqué sur la SNCF, ces cartes présentent un intérêt d’un volume de commandes, compte tout itinéraire. Le low cost aérien est basé sur majeur pour le service public : elles couvrent tenu de la part importante des coûts une flotte unifiée d’avions de petite capacité toutes les catégories de clientèles et, contrai- fixes du système ferroviaire. mais exploités intensément sur une plage ho- rement au yield management dans l’aérien, Il est donc nécessaire de revenir d’une raire très large et sur un grand nombre d’iti- elles offrent une réduction garantie en heure politique de « petits prix » à une « politique néraires. de pointe et pour l’ensemble des trains du de volume » basée sur une production de L’offre ferroviaire à coûts réduits, au réseau. Leur point faible concerne les familles type « low cost ». contraire, est concentrée sur un nombre très pour lesquelles les prix restent trop élevés : la Jean Lenoir, vice-président de la FNAUT limité de relations, ce qui accentue la discri- carte Enfant+ doit être réétudiée.

FNAUT infos n°254 - mai 2017 x 7 Actualité

Les services ferroviaires en Allemagne et en Suisse Les 6 propositions des Etats généraux de la Mobilité durable

Trains CFF (MD) Parmi les 70 propositions issues des États généraux de la mobilité durable, Trains Intercités en France Le taux de couverture des dépenses par organisés par le GART, l’UTP, la FNTV, la et en Allemagne les recettes décline légèrement à 76,1% (!) FNAUT, Régions de France et TDIE, six contre 76,6% en 2015, les causes princi- ont finalement été considérées d’un Il est regrettable que l’État, autorité pales étant les extensions de l’offre, l’évo- commun accord comme prioritaires. organisatrice des services Intercités de- lution salariale et l’augmentation des coûts Elles avaient été défendues par la FNAUT puis 2010, se soit en grande partie des- d’entretien. et figuraient largement dans son projet saisi de sa compétence d’aménagement de Loi d’Orientation de la Mobilité Inté- du territoire en transférant aux Régions La législation ferroviaire en Suisse rieure (FNAUT Infos 253). la charge de services d’importance na- tionale, qui désormais sont devenus des Afin de garantir l’irrigation de la tota- l Créer un ministère des Transports TER (FNAUT Infos 252). Il s’agit là lité du territoire, une ordonnance fédérale et de la Mobilité de plein exercice (le d’une évolution inquiétante qui accentue de 2009 définit deux niveaux minimaux secteur des transports emploie environ l’abandon d’une prérogative régalienne d’offre de transport public (toute localité 500 000 personnes, il concerne la santé entamé de longue date. La FNAUT ne d’au moins 100 habitants permanents doit publique, l’énergie et l’aménagement du peut que regretter que l’État paraisse être desservie) : territoire), et lui confier le pilotage de la n’endosser qu’à regret la responsabilité - une desserte minimale de 4 allers-re- délégation interministérielle à la sécurité d’un outil d’aménagement essentiel en tours du lundi au dimanche si la demande routière. La FNAUT a toujours considéré s’en défaussant sur les Régions. moyenne sur la section la moins fréquentée que la sécurité routière devait être appré- Pendant ce temps, l’Allemagne a pris le d’une ligne atteint 32 voyageurs par jour ; hendée dans le cadre de la politique des 12 février dernier, une direction diamé- - une offre de 18 allers-retours à la ca- transports et pas seulement comme un tralement opposée à celle de la France en dence horaire si la demande moyenne sur problème spécifique (FNAUT Infos 183). matière de trains grandes lignes : le Bun- la section la plus fréquentée d’une ligne l Élaborer une véritable loi de pro- desrat, assemblée qui représente les 16 dépasse 500 personnes par jour. grammation financière pour sanctuari- Länder allemands, a approuvé un projet de L’application de ces standards au trans- ser le versement transport et augmenter loi exigeant du Bund (l’État fédéral) qu’il port régional (rail et route) est exécutée par les ressources de l’AFITF (Agence de finan- garantisse un niveau de desserte interur- une commande conjointe de l’Etat et des cement des infrastructures de France) à baine de base (« Grundangebot »). cantons. Cantons et communes gèrent le hauteur de 1 % du PIB. La réforme ferroviaire de 1994 avait transport local. l Revenir à une TVA à 5,5 % car les fait de l’État fédéral l’autorité organisa- Le cadencement et les correspondances transports publics du quotidien (trans- trice des transports ferroviaires de longue simultanées sont systématiques sur le ré- ports urbains, services de cars conven- distance. La nouvelle loi, élaborée par seau ferroviaire. Chaque ligne et chaque tionnés, trains TER et TET) sont un service le Bundesrat à la demande du Bund, a gare sont desservies par au moins un train de première nécessité utilisé par 20 mil- comme objectif de renverser la tendance par heure. Ce niveau de desserte est garanti lions de Français (le coût pour l’Etat serait à la réduction par la Deutsche Bahn du même dans les zones peu denses, comme de 300 millions par an). nombre des trains et des gares desser- dans le canton des Grisons (26 habitants l Soutenir financièrement l’acquisition vies, insidieuse depuis des années, et de au km²). Dans beaucoup de régions une de véhicules de transport public à faibles développer à nouveau ce type de desserte, mobilité sans voiture est devenue possible. émissions de gaz à effet de serre et l’adap- y compris avec les pays limitrophes de Dans le canton du Jura, les zones com- tation des réseaux, et lancer le 4ème appel l’Allemagne. merciales doivent être à moins de 300 m à projets de TCSP urbains qui avait été pré- Voilà donc un État national qui, actant d’un arrêt de transport collectif. vu par le Grenelle de l’environnement pour un développement constant de la mobilité D’après La Vie du rail, 26-01-2016 assurer la transition énergétique. sur de grandes distances, endosse pleine- l Permettre aux Régions d’expérimen- ment sa capacité d’autorité organisatrice Suisse : débat sur ter la concurrence dans le TER. ferroviaire, et demande au pouvoir légis- la concurrence ferroviaire l Travailler sur l’exercice du droit de latif de préparer un texte qui garantisse grève et du droit de retrait, et sur l’ins- une desserte grandes lignes aux villes du Olivier Français, élu vaudois libéral-radi- tauration d’un véritable service garanti pays pour résister à l’abandon progressif cal, est favorable à la concurrence, sous cer- dans les transports en y associant toutes de ses trains longue distance. taines conditions : « je suis circonspect pour les parties prenantes. Michel Quidort, président de la FEV les grandes lignes, dont le bénéfice permet de financer le reste du réseau. Il ne faudrait FNAUT infos - Bulletin mensuel d’information Nouvelles d’Allemagne pas assécher ce bénéfice. Ces lignes doivent Directeur de publication : Jean Sivardière rester dans les mains de compagnies suisses, Crédits photo : Marc Debrincat (MD) et Fabrice Michel (FM) pour la FNAUT Année 2016 record pour les transports qui garantissent aussi la qualité ». CPPAP n° 0920 G 88319 - Dépôt légal n°254 publics allemands (transports urbains Claude Hêche, élu socialiste jurassien, ISSN 0983-172 X - Tirage : 1200 ex. et trains régionaux) : 10,18 milliards de estime qu’une ouverture à la concurrence Impression : R&M Studio - 51 Grand Rue - 86370 Vivonne Abonnement 10 numéros : Individuels : 19 b voyageurs transportés, soit +1,8 % de sur les grandes lignes « peut améliorer Administrations, sociétés, organismes, Étranger : 50 b plus qu’en 2015. Cette augmentation l’offre ». Il met toutefois en garde contre de Prix au numéro : 2 b concerne d’abord les chemins de fer ré- grands bouleversements qui risqueraient de Pour adhérer à la FNAUT ou à une association FNAUT gionaux (+2,8 %) et les trams et métros reporter des charges sur les cantons. « Et de votre région, contacter notre permanence : (+2,5 %). Les recettes commerciales si une petite ligne n’est pas rentable, elle 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris tél. : 01 43 35 02 83 fax : 01 43 35 14 06­ ont progressé de 4 % pour atteindre apporte des passagers sur des tronçons plus e-mail : [email protected] 12,24 milliards d’euros. importants, cela valorise son rôle ». Internet : http://www.fnaut.fr

8 x FNAUT infos n°254 - mai 2017 255 FNAUT infos juin 2017 transport - consommation - environnement édition nationale

Bulletin de la Fédération­ Nationale des Associations d’Usagers des Transports

Monsieur le Président, Le rapport Savary-Pancher : Le secteur des transports s’est profondément dégradé au cours du précédent quinquen- un bilan de la réforme ferroviaire de 2014 nat, en particulier le secteur ferroviaire qui est aujourd’hui dans une situation catastrophique, qu’il s’agisse de l’état du réseau ferré ou de son exploitation. Mais vous pouvez redresser cette situation alarmante en réorientant rapidement la gouvernance du système ferroviaire, les in- vestissements et la fiscalité environnementale. L’exemple à suivre est celui de la Suisse, où la notion de service public est ancrée au sein de la population, et soutenue vigoureusement et de manière pérenne par les pouvoirs publics, Etat fédéral et cantons. La politique des transports que nous pré- conisons doit intégrer les préoccupations de sécurité routière, de santé publique et de maî- LGV Rhin-Rhône (MD) trise du climat. Elle doit viser à enrayer l’étale- ment urbain, et à établir une équité entre les différents modes de déplacements. Nous rappelons l’évolution récente de la législation ferroviaire française et Les besoins de transport collectif à satis- européenne. Puis nous étudions le rapport Savary-Pancher qui présente un faire sont énormes. Aussi nous vous deman- premier bilan de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire. La FNAUT dons de prendre rapidement les mesures partage l’analyse des deux députés et une partie de leurs propositions, décisives suivantes : mais s’en distingue, en particulier, en estimant que la loi ne garantit pas - le lancement du 4ème appel à projets assez l’indépendance de SNCF Réseau, que les orientations stratégiques de de TCSP urbains prévu par le Grenelle de SNCF Mobilités sont dangereuses, et que les contraintes financières peuvent l’environnement ; être fortement atténuées par la fiscalité environnementale. Nous présentons - une augmentation d’au moins 1,5 milliard en complément l’analyse, très sévère, du contrat de performance Etat-SNCF d’euros par an des crédits disponibles pour la Réseau effectuée par l’ARAFER. régénération et la modernisation du réseau ferré ; - la baisse de 10 % à 5,5 % du taux de la TVA appliquée aux transports publics de proximi- Suisse : le réseau modèle té (urbains et régionaux), qui constituent, de La qualité du système ferroviaire suisse est sont par des entreprises d’économie mixte plus en plus, un service de première néces- bien connue. Le transport de voyageurs est dominées par les autorités cantonales, proches sité car ils permettent d’accéder à l’emploi ; fiable et ponctuel, le réseau dense, la fréquence du terrain. - le financement de ces mesures d’ur- des dessertes élevée. Le transport du fret est L’Etat fédéral, les cantons et les exploitants gence par une hausse de la TICPE, de tout aussi performant et, comme l’illustrent les savent coordonner parfaitement leurs offres et quelques centimes par litre de carburant. ouvertures des tunnels de base du Lötschberg proposent un billet unique pour tout voyage, y Cette hausse est d’autant plus justifiée que en 2007 puis du Gothard en 2016, le report du compris transports urbains et cars postaux. les automobilistes, pénalisés par la conges- trafic routier sur le rail est une priorité natio- Le cadencement national des circulations tion dans les zones denses, seraient les pre- nale : la part modale du rail est de 38 % (69 % a été introduit dès 1982, accompagné d’une miers bénéficiaires d’un développement même en transit international) contre 20 % en modernisation du réseau et de mesures des transports collectifs. moyenne européenne et 10 % en France. d’exploitation très efficaces. Bruno Gazeau, président de la FNAUT Comment expliquer ce succès du rail en Enfin, et c’est fondamental, le rail relève Suisse, alors que le taux de motorisation y est d’une stratégie de long terme (Rail 2040) et un peu plus élevé qu’en France (en 2011, 526 dispose d’un fonds de développement dédié Sommaire voitures pour 1000 habitants contre 482) et le et diversifié (TVA, taxe sur les huiles miné- lobby routier tout aussi actif ? rales, écoredevance RPLP) non soumis aux La législation ferroviaire française Les décisions sont prises de manière très fluctuations budgétaires annuelles. et européenne pp. 2-3 démocratique (c’est à la suite de l’Initiative Bien entendu, la France est beaucoup Le rapport Savary-Pancher pp. 4-5 des Alpes qu’a été décidé en 1994 le pro- plus vaste que la Suisse et ses traditions ne Le contrat de performance gramme des NTFA, nouvelles traversées sont pas les mêmes. Mais la clairvoyance Etat - SNCF Réseau p. 6 ferroviaires alpines). de nos voisins et leur souci de l’avenir sont Des portillons pour le TGV p. 7 Le réseau ferré principal est exploité avec transposables en France. Les autoroutes ferroviaires p. 8 talent par les CFF, les lignes secondaires le Jean Sivardière

FNAUT infos n°255 - juin 2017 x 1 Dossier La légistation européenne

La législation française est fortement Historique de la législation encadrée par les directives et régle- ments de la Commission européenne, ferroviaire en France regroupés en 4 paquets ferroviaires. La Chemin de fer du Harz, Allemagne (MD) Commission vise une libéralisation ré- gulée du marché afin d’enrayer le déclin Avant d’analyser le rapport Savary-Pancher, il est utile d’avoir une vue d’ensemble du secteur ferroviaire. de la législation ferroviaire depuis les origines du chemin de fer. 1991 : la directiveTramway 91/440, et bus transposéede Lyon (MD) Avant 1938 1er janvier 2002 : la loi Gayssot (SRU) trans- en droit français en 1995, impose une fère la gestion de tous les services ferroviaires ré- séparation comptable de la gestion de 11 juin 1842 : la loi Legrand, première loi gionaux aux Régions, qui en deviennent autorités l’infrastructure et de l’exploitation. Elle sur les chemins de fer, définit un programme organisatrices hors Ile-de-France. ouvre les réseaux nationaux aux exploi- d’extension du réseau ferré et le principe des 5 janvier 2006 : la loi Perben crée l’Établis- tants des autres Etats pour le transport concessions : les communes cèdent les emprises ; sement public de sécurité ferroviaire (EPSF) international du fret. l’Etat construit les gares et les ouvrages d’art ; les et ouvre le réseau ferré national (RFN) à la 2001 : la Commission publie son pre- compagnies posent les voies, financent le matériel concurrence pour le transport intérieur du fret. mier paquet ferroviaire. La directive roulant et exploitent à leurs risques et périls. Les opérateurs privés assurent aujourd’hui près 2001/12 libéralise le transport interna- 25 mai 1878 : création du Réseau de l’Etat, qui de 40 % du trafic (voir le graphique ci-dessous). tional de fret et précise les conditions reprend les lignes de la Compagnie de l’Ouest d’accès au réseau transeuropéen de fret Part en % tombée en faillite. 40 ferroviaire (RTEFF). La directive 2001/13 17 juillet 1879 : loi concrétisant le plan Freyci- définit les conditions d’attribution des net relatif aux lignes principales à voie normale. 30 licences d’entreprise ferroviaire permet- 11 juin 1880 : deuxième loi Freycinet (lignes tant l’exploitation de services de fret sur d’intérêt local, à voie métrique). 20 le RTEFF. La directive 2001/14 organise la 19 avril 1934 : premier décret de coordination répartition des capacités ferroviaires, la ta- rail-route. 10 rification des sillons fret et la certification en matière de sécurité. 0 De 1938 à 1982 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2004 : le deuxième paquet ferroviaire libéralise le transport national de fret 1er janvier 1938 : création de la SNCF, so- 8 décembre 2009 : la loi ORTF (loi Busse- et énonce les premières spécifications ciété anonyme d’économie mixte dont l’État reau) sur l’organisation et à la régulation des techniques d’interopérabilité. Il prévoit possède 51 % du capital. La SNCF reprend transports ferroviaires sépare la DCF (direction la création d’une autorité nationale de l’actif et le personnel des grands réseaux pri- des circulations ferroviaires) de SNCF Infra. La sécurité dans chaque Etat membre, indé- vés (Nord, PLM, PO-Midi, Est) ou publics DCF assure pour RFF l’attribution des sillons pendante des exploitants et des gestion- (Réseau de l’Etat et lignes d’Alsace-Lorraine), et la gestion du trafic. naires d’infrastructure, chargée de veiller à l’exception des lignes secondaires (VFIL). La La loi ouvre le RFN à la concurrence pour le à l’application des réglementations en totalité du capital doit revenir à l’État fin 1982. transport international de voyageurs et le cabo- matière de sécurité et d’interopérabilité. 14 novembre 1949 : nouveau décret de coordi- tage entre deux villes françaises sur les trains Il étend le droit d’accès des exploitants nation rail-route. internationaux, elle crée aussi l’ARAF (Autorité licenciés à l’ensemble des réseaux. Il crée 27 janvier 1971 : l’Etat donne à la SNCF une de régulation des activités ferroviaires). une Agence ferroviaire européenne autonomie de gestion. L’État doit compenser Elle autorise RFF à confier à des opérateurs (ERA), chargée de normaliser la sécurité et financièrement les obligations de service public ferroviaires de proximité (OFP) la gestion de l’interopérabilité entre réseaux et dont le qu’il lui impose. En contrepartie, la SNCF doit l’infrastructure et l’exploitation des lignes fret à siège est fixé à Valenciennes. rétablir son équilibre financier. faible trafic (lignes capillaires). 2007 : le troisième paquet ferroviaire Février 1978 : publication du rapport 13 décembre 2010 : convention Etat-SNCF ouvre à la concurrence le transport Guillaumat sur les transports terrestres. sur les trains TET. international de passagers, les Etats membres pouvant restreindre le cabo- De 1982 à 2014 Depuis 2014 tage, qui ne doit être qu’accessoire au ser- vice international, s’il menace l’équilibre 30 décembre 1982 : la LOTI (loi Fiterman) est 4 août 2014 : la loi portant réforme ferroviaire économique d’un service défini par un promulguée, elle transforme la SNCF en EPIC est votée par les députés PS, PRG, EELV et contrat de service public. (établissement public industrel et commercial). UDI. Les députés PC et UMP la rejettent. Elle Publié la même année, le règlement Les agents conservent leur statut spécifique. réunifie SNCF et RFF et entre en vigueur le OSP 2007/1370 (« obligations de service 1er mars 1983 : la SNCF crée le service 1er janvier 2015. RFF, la DCF et SNCF Infra public ») introduit l’appel d’offres com- d’action régionale (SAR). sont fusionnés au sein de SNCF Réseau. pétitif dans le domaine des transports 1er janvier 1997 : suite à l’adoption de la loi 7 août 2015 : la loi NOTRe renforce les publics – en excluant le rail. Pons-Idrac, la propriété du réseau ferré national compétences des Régions en matière de mobi- Le règlement 1371/2007 formalise (RFN) est transférée à un nouvel EPIC, RFF. lité : elles deviennent responsables des trans- les premiers droits des passagers ferro- La SNCF conserve essentiellement la mis- ports collectifs non urbains et de l’intermoda- viaires internationaux, avec toutefois de sion d’exploiter les services de transport de mar- lité, elles peuvent se voir transférer la propriété nombreuses exemptions. chandises et de voyageurs. Elle reste toutefois le d’infrastructures ferroviaires. 2012 : la directive 2012/34 a refondu les gestionnaire délégué de l’infrastructure pour le 15 octobre 2015 : l’ARAF devient l’ARAFER trois premiers paquets et établi un espace compte de RFF. L’Etat s’engage à désendetter le (Autorité de régulation des activités ferroviaires et ferroviaire européen unique. système ferroviaire. routières) chargée de réguler également le nou- En février 2013, la Cour de justice de 1997 : début à titre expérimental du transfert veau marché des transports réguliers interurbains l’Union européenne a légitimé le modèle de la compétence du TER aux régions adminis- en autocar et suivre l’économie des concessions d’organisation des entreprises ferroviaires tratives (suite de la loi Pasqua de 1995). autoroutières. historiques en holding.

2 x FNAUT infos n°255 - juin 2017 Dossier Le quatrième paquet ferroviaire : une occasion manquée

Lancé par le Parlement Européen en 2009 et voté fin 2016, le quatrième paquet ferroviaire est le point final d’un processus qui a débuté en 1991 avec un triple objectif : une meilleure qualité des services ferroviaires, de meilleurs résultats pour l’argent investi dans le réseau, une meilleure efficacité du rail en Europe.

Deux outils devaient aider à atteindre ces leure compétitivité du rail face aux autres objectifs : une ouverture du marché par la modes de transport. mise en place d’une concurrence régulée, et une harmonisation technique pour l’intero- Un pilier politique décevant pérabilité des réseaux. Cette note actualise une première analyse (FNAUT Infos 240). Le document essentiel est le règlement Le quatrième paquet ferroviaire entrera OSP 1370/2007 (modifié) par lequel en vigueur en décembre 2017. Il comprend l’attribution compétitive des contrats de RegioDB, Allemagne (MD) deux « piliers » : l’un, technique, traite de la service public ferroviaire devait devenir la sécurité et de l’interopérabilité ; le second, règle, achevant ainsi l’ouverture du marché date à partir de laquelle les Etats membres politique, traite de la gouvernance (sépa- par la concurrence régulée. Malheureuse- devront progressivement se conformer au ration des tâches de gestionnaire d’infras- ment, la version définitive adoptée en est texte afin de se préparer à la date limite de tructure de celles d’exploitant des services) loin. L’attribution directe demeure possible 2023. Les premiers appels d’offres devront et de l’ouverture des services publics ferro- avec de nombreuses dérogations (articles 3, donc être lancés au plus tard en 2019, date viaires à la concurrence régulée (« OSP »). 4 & 5), certaines faisant appel à des critères qu’il est bien sûr possible d’anticiper ! Ce quatrième paquet devait parachever larges, et pour certains, imprécis : l’ouverture du marché ferroviaire et créer - attribution directe à « l’opérateur in- La directive gouvernance un système européen ouvert et transparent, terne » (opérateur sur lequel l’autorité de pierre d’angle du Grand marché unique transport exerce un contrôle semblable à Cette directive traite des relations entre européen. celui qu’elle exerce sur ses propres services) ; gestionnaire d’infrastructure et exploitant - dérogation « De minimis » pour les ferroviaire au sein des entreprises intégrées Un pilier technique satisfaisant petits pays ; (du type DB ou SNCF). Il faut signaler - dérogation pour « circonstances excep- deux points : Afin d’accélérer la mise en service des tionnelles » ; - les contrats de service public ferro- nouveaux matériels roulants et l’améliora- - attribution directe « sur performances » s’il viaire sont protégés des services commer- tion de la qualité de service, l’ERA est do- existe des « caractéristiques spécifiques » du ciaux (en « open access »), si ces derniers rénavant habilitée à délivrer les certificats contrat ou du marché ferroviaire (complexité, compromettent leur équilibre économique de sécurité ; l’homologation technique des isolement technique ou géographique,…) et (article 11) ; matériels sera coordonnée entre l’ERA et si l’attribution directe garantit l’amélioration - mais la mise en place, par les exploi- les autorités nationales de sécurité (EPSF des performances (qualité de service ou rap- tants ou les Etats membres, de systèmes de en France). port coût/efficacité). billetterie et d’information intégrés reste Ces nouvelles procédures vont réduire Des effets défavorables aux voyageurs facultative, et non obligatoire comme ini- les longues et coûteuses opérations d’ho- sont à craindre : tialement prévu (article 13a). mologation et de certification nationales - l’attribution directe quasi-discrétion- et éviteront les difficultés et les retards de naire pourrait conduire à de nombreuses Des objectifs illusoires mise en service rencontrés jusque-là par les actions en justice entraînant une incer- exploitants et les autorités de transport. titude légale, le retard ou l’interruption Le chemin de fer est un levier essentiel du C’est une bonne nouvelle pour les voya- de contrats, et surtout une défiance de la développement économique, de l’aménage- geurs qui verront s’affirmer ainsi une meil- part des autorités organisatrices à l’égard ment du territoire et de la transition écolo- de l’ouverture, avec la crainte de procé- gique. Mais il est à craindre que la version dures à l’issue incertaine ; finale du 4ème paquet ferroviaire ne soit - le maintien de l’attribution directe pas d’un grand secours pour atteindre les comporte un risque sérieux de perpétuation objectifs fixés par le Livre Blanc européen de la qualité médiocre et de la dérive des de 2011 et confirmés en 2016, qui visent un coûts de production. transfert modal de 50 % de la route vers le Ces effets négatifs vont être amplifiés rail à l’horizon de 2030 ! par la longueur de la période de transition L’attribution directe profitera aux Etats (2019-2023) pendant laquelle les Etats membres où subsistent des monopoles membres devront se mettre progressive- protégés qui pourront continuer à se déve- ment en conformité avec le nouveau règle- lopper hors de leurs frontières, sans être in- ment OSP modifié. quiétés chez eux. La dégradation de la qua- Les contrats attribués directement avant lité de service du rail s’y poursuivra, ainsi la fin 2023 pourront se faire sans justifica- que la fermeture ou le transfert sur route de tion et durer 10 ans (15 si l’exploitant doit lignes régionales et nationales. acheter le matériel roulant), ce qui pourrait Le quatrième paquet ferroviaire est retarder l’ouverture effective à 2033 (ou donc une vraie occasion manquée de même 2038) dans les pays réticents, ce qui relancer le transport ferroviaire de voya- n’est pas sérieux. geurs par la concurrence régulée et par En résumé, l’appel d’offres compétitif une séparation effective entre infrastruc- sera obligatoire après le 24 décembre 2023, ture et exploitation dans les entreprises sauf dans les cas où l’attribution directe reste ferroviaires intégrées. LGV Rhin-Rhône (MD) possible, mais tout commence en 2019, Michel Quidort

FNAUT infos n°255 - juin 2017 x 3 Dossier Le rapport Savary-Pancher

Gare SNCF de Paris-Est (MD)

Dans leur rapport publié en octobre 2016, les députés Gilles Savary (PS) et Bertrand Les faiblesses de la loi Pancher (UDI) ont examiné successivement les objectifs de la loi du 4 août 2014 et ses principales dispositions avant d’en présenter une évaluation critique. Les faiblesses concernent la dette ferroviaire et l’arrivée de la concurrence. Les objectifs de la réforme transversales (il rassemble 10 000 salariés, La dérive de la dette, qui atteint 50 milliards son chiffre d’affaires 2015 est de 1 milliard (42 pour SNCF Réseau et 7 pour SNCF Mo- l Abolir la séparation juridique « artifi- d’euros) ; bilités, d’où au total 1,5 milliard de frais finan- cielle » entre SNCF et RFF, source d’une - d’un EPIC d’exploitation, « SNCF ciers annuels), n’est pas maîtrisée. A terme, l’as- grande confusion et de nombreux conflits Mobilités » (il rassemble 196 000 salariés, son phyxie financière guette le système ferroviaire, entre les deux EPIC, en partie corrigée par la CA 2015 est de 29,3 milliards d’euros. SNCF surtout si les taux d’intérêt, très bas aujourd’hui, loi ORTF de 2009. Mobilités comprend SNCF Voyages, Gares remontent. Une reprise de la dette par l’Etat a l Enrayer la dérive de l’endettement selon et Connexions, SNCF Logistics (fret et logis- été envisagée mais, pour ne pas creuser le défi- une « dynamique non soutenable » (30,4 mil- tique) et SNCF Keolis (transport urbain) ; cit de l’Etat, le gouvernement a privilégié les liards en 1996, dont 20 ont été affectés à RFF ; - enfin d’un EPIC gestionnaire du réseau, conséquences de la loi de 2014 pour redresser près de 50 aujourd’hui pour l’ensemble du sys- « SNCF Réseau », auquel sont transférés les la situation, c’est-à-dire les effets de la « règle tème ferroviaire avec une augmentation ten- personnels de SNCF Infra et de la DCF, théo- d’or » et la mise en place du contrat de perfor- dancielle de 3 milliards d’euros par an). riquement indépendant de SNCF Mobilités mance entre le groupe SNCF et l’Etat. Les deux députés mettent clairement en (il rassemble 54 000 salariés, son CA 2015 est Dette (M€) cause les défaillances passées de l’Etat, déjà de 6,3 milliards d’euros). 60 soulignées à l’automne 2011 lors des Assises l La loi impose l’établissement de contrats du ferroviaire : de performances entre l’État et chacun 50 - une « gouvernance ambiguë et obsolète », des trois EPIC, et une « règle d’or » selon 40 l’enchevêtrement des compétences de la laquelle les dépenses de développement du SNCF et de RFF n’ayant pas garanti « l’im- réseau (donc hors maintenance) doivent être 30 partialité et la transparence d’accès au réseau » ; évaluées au regard du ratio entre la dette et 20 - « l’absence de reprise de la dette histo- la marge opérationnelle de SNCF Réseau. 0 rique par l’État et de financement pérenne Si un ratio de 18 est dépassé, les projets 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 ... 2027 du réseau, qui n’a pas permis au système fer- doivent être financés par l’État ou les col- roviaire de fonctionner sans augmenter son lectivités territoriales. La règle d’or vise donc On observe cependant que : endettement ». à dissuader les pouvoirs publics de charger - deux ans et demi après le vote de la loi fer- Selon les deux députés, la croissance de la SNCF Réseau de dettes liées à des projets roviaire, le contrat de performance entre l’Etat dette de RFF est due : « économiquement déraisonnables ». et les 3 EPIC n’a toujours pas été mis en place - pour moitié aux charges financières liées à l La loi impose d’atteindre la couverture malgré le rôle de stratège que l’Etat revendique la dette et au déficit d’exploitation, les péages du coût complet du réseau par les ressources (il n’a été publié qu’en avril 2017, voir page 6) ; ne compensant pas les coûts de la maintenance de SNCF Réseau dans un délai de dix ans - la règle d’or n’est pas appliquée ; le finan- et de la régénération du réseau ; à compter du premier contrat entre SNCF cement du CDG Express, dont la rentabilité - pour moitié aux investissements de déve- Réseau et l’État. est surestimée, reposera en partie sur SNCF loppement du réseau (les Contrats de Plan l La loi renforce la compétence des Régions Réseau malgré son manque de rentabilité ; Etat-régions 2007-2013 et les 4 LGV du en les intégrant dans la gouvernance du sys- - les gains de productivité annoncés, issus Grenelle de l’environnement). tème ferroviaire, en leur accordant la possibilité de la réorganisation du groupe, seraient de d’assurer la maîtrise d’ouvrage de travaux sur les 653 millions d’euros en 2015. Mais le rapport Les dispositions de la loi lignes d’intérêt régional et de choisir l’exploitant pointe « l’extrême difficulté à vérifier de telles de ces lignes TER, ainsi qu’en leur attribuant la informations au sein d’un groupe à la compta- l La loi définit le rôle de « l’État stratège » liberté tarifaire. bilité difficilement pénétrable ». et crée le Haut comité du transport ferroviaire, l Enfin la loi renforce considérablement les Par ailleurs la loi ne prépare pas la SNCF qui réunit toutes les parties prenantes (dont la pouvoirs du régulateur. à l’arrivée prochaine de la concurrence en FNAUT) et donne son avis sur la politique transport des voyageurs. Le nouveau règle- ferroviaire nationale. Le premier rapport stra- Les réussites de la loi ment RH077, qui précise les conditions et ho- tégique du gouvernement a été examiné par le raires de travail des cheminots, a été imposé par Haut comité le 15 septembre 2016, il énonce les Selon les deux députés, la réforme est globale- le gouvernement à la direction de la SNCF : 5 priorités que l’Etat fixe au système ferroviaire : ment satisfaisante, mais n’est que partiellement il limite la productivité de SNCF Mobilités et - donner la priorité absolue au maintien de appliquée et n’est pas allée assez loin : elle était affaiblit sa capacité à résister à la concurrence la sécurité ferroviaire ; indispensable, mais elle doit être complétée. actuelle (autocars, covoiturage et avion à bas - mettre le rail au service d’un aménagement Une réussite évidente est la mise en place coût) et future (opérateurs ferroviaires privés). équilibré du territoire ; très rapide de la nouvelle organisation du Le rapport note que : « Dès 1994, l’Alle- - améliorer la qualité de service ; système ferroviaire, en particulier l’intégra- magne a ouvert ses trains régionaux à la - reconquérir la compétitivité avec un cadre tion de RFF, de la DCF et de SNCF Infra concurrence. Mais la France a adopté une stra- social rénové de haut niveau ; au sein de SNCF Réseau : « une performance tégie ambivalente de compétition active sur les - enfin maîtriser la dette ferroviaire. managériale, un chantier colossal mené dans marchés ouverts (Allemagne, Royaume-Uni, l La loi instaure un groupe public ferro- des délais remarquables ». Autres points po- Italie, …) et de défense passive au plan natio- viaire unifié composé : sitifs : le renforcement du rôle des Régions nal. Le groupe SNCF réalise désormais 33 % - d’un EPIC de tête, « SNCF », chargé du et surtout des prérogatives de l’ARAFER, le de son CA à l’étranger (dans 120 pays) contre pilotage stratégique du groupe et de missions régulateur indépendant. 15 % en 2007 ».

4 x FNAUT infos n°255 - juin 2017 Dossier Les propositions du rapport Le point de vue de la FNAUT

La politique ferroviaire passée l elle estime que l’EPIC de tête est inutile et demande son remplacement par une Agence La FNAUT ne peut qu’approuver globa- ferroviaire chargée de proposer à l’Etat une lement l’analyse des deux députés concer- politique de long terme avec les toutes parties nant les défaillances passées de l’Etat en prenantes, et de veiller à la cohérence entre les matière de gouvernance et de financement politiques des exploitants et du gestionnaire de du système ferroviaire. l’infrastructure (GI) ; Elle considère cependant que la dégrada- l elle constate que la loi actuelle ne garan- tion du réseau classique et la croissance de la tit pas vraiment l’indépendance du GI, SNCF dette ferroviaire ne s’expliquent pas seulement Réseau. Un nouveau GI, totalement indépen- Travaux en gare de Mouchard (MD) par une politique dite de « tout TGV », mais dant des exploitants et garantissant une éga- résultent pour une large part de la politique lité de traitement entre eux, doit regrouper la 1 - Transposer en droit français le quatrième incohérente de l’Etat qui a favorisé les modes gouvernance du réseau, sa maintenance et son paquet ferroviaire et définir les conditions de concurrents du rail. développement, la gestion et la tarification des l’ouverture à la concurrence entre opéra- Par ailleurs elle ne partage pas la critique sillons (celle-ci doit inciter les opérateurs à utiliser teurs ferroviaires. faite de l’ouverture à la concurrence dans le davantage le réseau) ; Transformer SNCF Mobilités en société secteur du fret ferroviaire en 2006, qui aurait l elle regrette que le rapport ne remette pas en anonyme à capitaux 100 % publics, comme eu « des conséquences catastrophiques » : la cause les orientations de SNCF Mobilités, straté- la Deutsche Bahn depuis 1994, « afin de lui chute du fret ferroviaire est antérieure à 2006 giques (diversification des activités par crois- donner toutes ses chances » face à la concur- et à la crise économique de 2008 (57,7 mil- sance externe : création de Ouibus qui concur- rence (et aussi pour protéger les intérêts de liards de tonnes x km (TK) en 2000 ; 40,7 rence frontalement le train et dont le déficit l’entreprise face à des initiatives éventuelle- en 2005 ; 30 en 2010 ; 32 en 2014). La mon- 2016 atteint 30 millions d’euros, rachat de 45 % ment dangereuses de l’Etat). tée en puissance rapide des nouvelles entre- du capital de l’opérateur suisse BLS) et com- 2 - Faire adopter par le Parlement une prises ferroviaires, dont la part de marché est merciales (limitation des fréquences du TGV et programmation prévisionnelle des inves- aujourd’hui proche de 30 % en TK, a permis concentration des services sur les LGV...) ; tissements ferroviaires suite à un grand de freiner l’évolution passée, due aussi à l’ac- débat national, comme en Allemagne, en centuation des avantages accordés au trans- Autriche et en Suisse. port routier (autorisation de circulation des Orienter les investissements prioritaire- 44 tonnes, baisse de la taxe à l’essieu, abandon ment vers la régénération des étoiles ferro- de l’écotaxe…). viaires et des contournements d’aggloméra- tions, et la modernisation des grandes lignes La réforme de 2014 structurantes. 3 - Maintenir des concours publics sou- La FNAUT approuve le jugement global tenus et croissants au réseau ferré et sécu- des deux députés sur la loi du 4 août 2014 : riser les ressources financières de l’AFITF. Pal- ses réussites (création rapide de SNCF Ré- lier les effets pervers du principe du péage seau, renforcement du rôle des Régions et de au coût complet. l’ARAFER) et ses faiblesses (poursuite de Gare SNCF de Paris-Nord (FM) 4 - Transférer Gares et Connexions de l’endettement, impréparation de la SNCF à SNCF Mobilités à SNCF Réseau comme l’arrivée prochaine de la concurrence). l elle regrette que le rapport ne définisse le demande l’ARAFER, « seule option apte Comme les deux députés, elle considère que aucune politique globale de la mobilité et ne à garantir une unification patrimoniale » le rapport stratégique présenté par le gouver- remette pas en cause la politique de l’Etat qui source de transparence et d’équité entre nement au Haut comité du transport ferro- favorise les concurrents du rail (autocar, covoitu- opérateurs. viaire expose des objectifs satisfaisants (régé- rage, avion à bas coût, camion) par ses choix 5 - Donner aux Régions les moyens nération du réseau classique, règle d’or) mais d’investissements, sociaux (renoncement à la d’assumer pleinement leur mission d’au- reste muet sur les financements nécessaires polyvalence des cheminots du fret) et fiscaux torités organisatrices de la mobilité grâce à aujourd’hui pour redresser le système ferro- (abandon de l’écotaxe); une recette dédiée (Eurovignette régionali- viaire (le traitement de la dette est abandonné l enfinelle ne partage pas la vision malthu- sée à taux faible mais étendue à tous les vé- explicitement) : or c’est l’Etat qui doit financer sienne de l’avenir du rail exprimée dans le rap- hicules motorisés) pour financer leurs routes les grands travaux ferroviaires voyageurs et fret port ; celui-ci dénonce « une nouvelle fuite et voies ferrées ; leur permettre d’acheter (LGV, Lyon-Turin, CFAL). en avant dans les grands projets de nature elles-mêmes du matériel roulant et de le gé- très politique, à l’évaluation économique et rer ; leur déléguer une partie du réseau, voire L’avenir du système ferroviaire sociale approximative » (il s’agit bien sûr de les autoriser à créer un réseau régional. la LGV Bordeaux-Toulouse et du Lyon-Tu- Expérimenter de manière anticipée la La FNAUT approuve globalement les sept rin, mais pendant ce temps, Bertrand Pancher concurrence sur les TER. propositions des deux députés, et en particu- défend avec acharnement le canal Seine-Nord, 6 - Privilégier les besoins des usagers lier la séparation entre Gares et Connexions que défendait déjà le rapport Savary de 2013). sur ceux de l’industrie ferroviaire. et SNCF Mobilités (pour faciliter la mise en Il ne faut pas opposer le TGV aux TER et 7 - Poursuivre la relance du fret ferro- place du guichet unique pour la distribution Intercités : toutes les composantes de l’offre viaire en améliorant la qualité des sillons, des titres ferroviaires et la gestion des situations ferroviaire sont nécessaires aux voyageurs et en s’appuyant sur la politique européenne perturbées), et la transformation de SNCF aux territoires. La FNAUT réaffirme qu’il est des corridors fret, en développant l’intermo- Mobilités en société anonyme (afin de la pro- possible de concilier la construction de nou- dalité rail-route, en revoyant les normes de téger des pressions extérieures l’amenant à faire velles LGV et une modernisation ambitieuse rénovation du réseau capillaire pour en limi- des investissements non rentables). du réseau classique : on peut en effet emprun- ter les coûts, enfin en maintenant le niveau Cependant la FNAUT est en désaccord ter en profitant des taux actuels d’intérêt, très de subventionnement des péages fret et du avec le rapport Savary-Pancher sur de nom- bas, et utiliser le produit de la fiscalité environ- transport combiné (aide à la pince). breux points : nementale, quasi-inexistante en France.

FNAUT infos n°255 - juin 2017 x 5 Actualité Contrat de performance Etat - SNCF Réseau : Blocages du transport public De nombreuses perturbations, d’ori- l’ARAFER critique sévèrement le projet gines très diverses, affectent les trans- LGV SEA en construction (MD) ports ferroviaires – métro, RER, train - et provoquent souvent des interruptions L’ARAFER a rendu fin mars un avis négatif, consultatif, dont le gouvernement n’a prolongées du trafic dont l’accumula- tenu aucun compte. Son président Bernard Roman s’est interrogé : « y a-t-il une vraie tion exaspère les voyageurs. volonté ferroviaire dans ce pays ? Ce contrat, pièce maîtresse de la loi de réforme ferro- Leur nombre risque d’augmenter à viaire, n’en respecte pas du tout l’esprit ». Le sénateur centriste Hervé Maurey, membre l’avenir, compte-tenu de la vétusté et de du conseil de surveillance de la SNCF, est encore plus cinglant : « le gouvernement l’utilisation intensive des réseaux d’une continue à mettre sérieusement en péril l’avenir du système ferroviaire ». part, de l’évolution sociétale d’autre part. Bien des initiatives ont déjà été Un contrat irréaliste Une explosion de la dette prises mais il semble cependant que les interventions des services de secours, Ce projet de contrat, qui devra être soumis Le « gendarme du rail » s’alarme des forces de l’ordre ou des parquets en au Parlement, prévoit que 32 milliards d’eu- donc de l’évolution attendue de la dette. cas de colis suspects, intrusions sur les ros seront consacrés à la rénovation du réseau Celle de SNCF Réseau devrait atteindre voies ferrées, malaises de voyageurs et existant en dix ans : l’ARAFER juge cepen- 63 milliards en fin de contrat (elle atteint suicides pourraient être accélérées. dant que le contrat est irréaliste et « décon- déjà aujourd’hui 42 milliards et le rapport Un suicide a lieu tous les deux ou trois necté du contexte économique ». En effet : transmis par le gouvernement au Parle- jours sur le réseau SNCF francilien et, - aucune vision à long terme de la consis- ment en début d’année 2016 annonçait sa chaque jour, on observe des dizaines de tance du réseau n’est présentée ; stabilisation au niveau de 50 milliards). malaises voyageurs ou abandons de co- - la règle d’or introduite pour encadrer les SNCF Réseau dispose en effet de re- lis suspects, certes moins dramatiques investissements de développement, notam- cettes largement inférieures à ses dépenses mais très gênants. C’est en Ile-de-France ment les lignes nouvelles, est déjà enterrée ; pour entretenir le réseau, et son endette- que les conséquences de ces perturba- - 32 milliards ne suffiront pas pour assu- ment augmente de 1,5 milliard par an en tions sont les plus criantes. Ainsi, suite à rer le maintien du seul réseau dit structu- moyenne (il devrait augmenter encore de des suicides, 300 000 voyageurs sont ré- rant (environ 18 000 km de lignes classées 400 millions par an après 2026). Et la ca- cemment restés bloqués pendant 5 h en UIC 2 à 6) ; pacité d’autofinancement de SNCF Mobi- à Paris, 200 000 pendant - l’avenir des lignes secondaires (UIC 7 lités ne couvre plus que 73 % des 716 mil- 2 h en gare de Lyon, et 200 000 pendant à 9) est renvoyé sur les Régions, alors que lions investis en 2016, principalement pour 3 h sur le RER A. ces lignes font partie du réseau national acheter des rames TGV neuves. En 2016, en moyenne 7 colis sus- dont SNCF Réseau est propriétaire mais pects par jour ont été découverts sur en préconise la fermeture ; L’ingérence de l’Etat le réseau RATP, avec en moyenne 40 - l’ARAFER déplore qu’aucune explica- minutes d’interruption de trafic. Pour tion n’ait été donnée sur les raisons d’une Selon l’ARAFER, qui suggère une sta- un bagage abandonné sur la ligne hausse des péages au-delà de l’inflation bilisation des péages au niveau de l’infla- Paris-Amiens le 9-01-2017, le trafic n’a (en moyenne + 2 % par an entre 2018 et tion, si la SNCF est aujourd’hui en dif- été bloqué que de 17h à 18h, mais les 2026 et jusqu’à + 3,6 % les trois dernières ficulté, c’est en raison de l’ingérence de trains supprimés n’ont pas pu assurer années du contrat) et sur sa soutenabilité l’État dans ses affaires : les politiques leur trajet retour. par les opérateurs ; cette hausse, contestée décident de lancer de nouvelles lignes La FNAUT ne conteste pas les procé- par SNCF Mobilités, pénalise gravement forcément déficitaires, Paris-Bordeaux dures en vigueur mais souhaite l’accé- tous les trafics - TGV (le péage représente ou Lyon-Turin (une opinion contestable lération de leur déroulement. Dans le 40 % du prix du billet), Intercités, TER et car elle suppose le maintien des pratiques cas des colis suspects découverts par fret - ; elle incite SNCF Mobilités à réduire commerciales malthusiennes de la SNCF) la RATP ou la SNCF, la durée d’inter- le nombre des sillons commandés et consti- et lui imposent des achats de matériel rou- vention des forces de l’ordre a pu être tue un frein à l’arrivée de nouveaux opéra- lant dont elle n’a pas besoin. L’État inter- réduite récemment de moitié grâce à teurs « en open access » ; fère aussi dans les discussions sociales et l’utilisation de chiens renifleurs. - le contrat affirme que SNCF Mobiliés va bloque les réformes : début 2016, le gou- Aussi la FNAUT demande au gouver- faire des gains de compétitivité, notamment vernement a exigé de la direction qu’elle nement de se saisir de ce problème pour faire face à l’arrivée de la concurrence, suspende ses projets par crainte de grèves en nommant une mission interminis- mais il ne précise pas comment la dérive de en pleine discussion de la loi Travail. térielle chargée de rechercher des ses coûts de production sera maîtrisée ; L’ARAFER s’inquiète spécialement de solutions, en particulier une meilleure - de même, SNCF Mobilités devrait l’avenir du fret ferroviaire. La législation coordination des interventions des bénéficier de recettes commerciales supplé- européenne prévoit que les opérateurs organismes concernés (transporteurs, mentaires, mais l’ARAFER ne voit pas com- acquittent un péage couvrant au moins le pompiers, médecins, gendarmes et po- ment elle pourra y parvenir : le TGV subit coût marginal de la circulation d’un train liciers, magistrats, pompes funèbres) et la concurrence agressive du covoiturage, de (ce n’est pas le cas aujourd’hui en France). un renforcement des moyens d’inter- l’autocar et de l’avion à bas coût ; il est déjà Comme l’Etat confirme son désengage- vention en hommes et en matériels, considéré comme trop cher ; et sa marge ment financier en supprimant peu à peu sans oublier une information plus ra- commerciale ne cesse de diminuer (elle est la « compensation fret » accordée provi- pide et plus précise des voyageurs et passée en quelques années de 20 % à 8,5 % soirement aux opérateurs, ces derniers se- une planification de l’organisation et en 2016). Pour le remplir, SNCF Mobilités ront poussés à un rattrapage des tarifs de des moyens à mettre en œuvre pour les doit baisser ses coûts, notamment en déve- 6,7 % par an en moyenne, et même plus évacuer dans les plus courts délais. loppant Ouigo (pour la FNAUT, ce sont de 9 % en 2024, 2025 et 2026. L’ARA- Il serait également important d’éva- les coûts, et donc les prix, de tous les ser- FER déplore ce désengagement de l’Etat luer le coût économique des retards vices ferroviaires qui doivent être abaissés - et craint qu’une nouvelle chute des trafics induits et de leurs conséquences, et de FNAUT Infos 254). fret n’en résulte. le comparer à celui d’un renforcement des mesures préventives.

6 x FNAUT infos n°255 - juin 2017 Actualité

Des portillons pour accéder au TGV !

La FNAUT souhaite évidemment que portillons ne doivent pas être confondus la fraude soit jugulée et que la sûreté des avec les portiques d’accès au TGV Thalys, voyageurs face aux diverses formes de dé- qui sont équipés de scanners. linquance ou aux risques terroristes soit La SNCF va investir au total un peu renforcée. Elle a globalement approuvé la plus de 15 millions d’euros dans l’instal- loi Savary qui légalise de nouveaux moyens lation des portillons appelés « dispositifs offerts aux exploitants. Mais elle pose une accueil-embarquement », auxquels il fau- condition impérative : les mesures prises dra ajouter 3 millions sur dix ans pour par les exploitants - SNCF, RATP et ré- leur maintenance. seaux urbains - ou imposées par l’Etat, une Le filtrage par des portillons ralentira Région ou une collectivité locale ne doivent inévitablement la durée d’embarquement en aucun cas pénaliser les voyageurs et les des voyageurs, usagers du TGV ou du Portiques en gare de Paris-Montparnasse (SNCF) dissuader d’utiliser les transports collectifs TER, les jours de grande influence, et les (c’est déjà le cas de la montée dans les bus obligera à arriver en avance pour éviter raire donné, les gares intermédiaires ne sont obligatoire par la porte avant) : le train doit des bousculades. pas équipées elles aussi. rester un mode de transport ouvert. Il compliquera l’accompagnement des En fait, la SNCF met en place ces Or cette condition n’est pas respectée par personnes âgées, handicapées, chargées contraintes parce que, depuis dix ans, les l‘installation récente, après expérimenta- de bagages encombrants ou accompa- contrôleurs contrôlent de moins en moins tion à Paris et Marseille sur 1700 circula- gnées d’enfants en bas âge. La régulari- souvent : c’est le client qui doit pallier la dé- tions TGV soit environ 325 000 voyageurs, sation de certains billets à bord devien- faillance de l’entreprise. de portillons fixes à l’entrée des 9 quais dra quasi-impossible. La SNCF refuse La FNAUT a donc exprimé ses ré- TGV à Paris, et bientôt d’informer les voyageurs sur le maintien serves : « le train est de plus en plus en dans 13 autres grandes gares parisiennes et de ces possibilités. compétition avec l’avion, le car, le covoi- de province, dans le but de limiter la fraude Il permettra le contrôle automatique turage et l’autosolisme, et on veut que les (d’après la SNCF, le taux de fraude dans le des billets mais non celui de la validité des gens le prennent de plus en plus, mais on TGV est de 3,5 % et la fraude lui coûte 100 cartes d’abonnement ou de réduction : un installe des barrières...». millions par an). Il en est de même de celle deuxième contrôle à bord des trains restera Lutter contre la fraude est nécessaire, des portillons, fixes ou démontables, que la donc nécessaire. mais la priorité doit être de remplir les Région PACA a décidé d’installer dans 47 Il ne permet pas de contrôler les bagages, trains et donc de faciliter l’accès au train, gares TER (une sur trois) de son territoire donc de lutter contre les risques terroristes. et non de transformer le voyage en train en afin de mieux contrôler la délinquance. Ces Enfin il sera peu efficace si, sur un itiné- voyage aérien !

Sujets de bac 2017 Malthusianisme ferroviaire Section Philosophie les investissements sur les seules routes nationales et départementales ? Le succès Commentez et appliquez au secteur des du mode routier est dû à la construction transports ce propos d’Henri Bergson : « d’un puissant réseau autoroutier offrant l’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que une forte capacité et une vitesse élevée, nous allons faire ». associée au maintien et au développement des routes secondaires desservant finement Section Lettres le territoire. Si on avait appliqué à la route la logique Quel sens, selon vous, faut-il donner à Gare SNCF de Strasbourg (FM) des écologistes et du rapport Savary- la notion d’égalité des territoires ? Cette Pancher, il n’y aurait pas d’autoroutes en notion est-elle compatible avec les réalités Louis Gallois, alors président de la France, et le rail aurait pu rester compéti- géographiques ? SNCF, ne voulait pas de la LGV Est. Plus tif. A contrario si on lui avait appliqué la récemment, la SNCF s’est opposée à la logique du tout-TGV qui a sévi de 1980 à Section Economie LGV Tours-Bordeaux, redoutant un défi- 2005 environ, le réseau routier secondaire cit d’exploitation. Ces deux LGV auront serait dégradé, et le mode routier peu per- Parcourant la France de 1787 à 1790, pourtant apporté au rail une importante formant malgré l’existence des autoroutes. Arthur Young remarquait que « les routes fran- clientèle nouvelle. Il faut donc continuer à marteler que çaises sont les plus belles d’Europe, les mieux La SNCF n’est pas seule à refuser de tant qu’on opposera LGV et lignes clas- construites, les plus larges mais elles sont vides voir grand en matière d’infrastructures siques, le rail continuera à régresser, et de trafic alors que les chemins boueux d’An- ferrées. Sans parler des écologistes, le rap- qu’il faut dégager les moyens nécessaires gleterre sont encombrés de charrois ». Quelles port Savary-Pancher (FNAUT Infos 255) pour développer toutes les composantes du conclusions peut-on en tirer sur l’effet structu- dénonce « l’obsession du tout-TGV, une réseau ferré. Contrairement à ce qu’affirme rant des infrastructures de transport ? erreur stratégique issue du Grenelle de le rapport Savary-Pancher, « la plus grave l’environnement et jamais rectifiée ». Les menace pour l’avenir du ferroviaire » n’est Section Sciences LGV électoralistes (Poitiers-Limoges...) pas l’achèvement du réseau des LGV mais ont pourtant été éliminées. l’absence d’un mécanisme de financement Selon Guillaume Sainteny, on accorde Imagine-t-on un constructeur auto- pérenne de l’ensemble des investissements trop d’attention au climat par rapport aux mobile refusant la création de nouvelles ferroviaires basé sur la fiscalité écologique. autres questions environnementales. Qu’en autoroutes et réclamant qu’on concentre Patrick Marconi et Jean Sivardière pensez-vous ?

FNAUT infos n°255 - juin 2017 x 7 Actualité

Autoroutes ferroviaires : où en est-on ?

Terminal fret du Boulou (MD)

Trois autoroutes en service... avril 2015, sous la pression des riverains de retards des investissements nécessaires Tarnos, par le secrétaire d’État aux Trans- (pourtant modestes) pour développer les Deux autoroutes ferroviaires fonctionnent ports Alain Vidalies. services des autoroutes ferroviaires, la en France, en utilisant des wagons Modalohr Mais ce dernier a finalement relancé le priorité donnée aux trains de voyageurs, à coque pivotante (FNAUT Infos 238) : projet dès octobre 2015, l’Espagne envisa- les grèves, l’abandon de l’écotaxe, la baisse - l’autoroute alpine (AFA) en service sur geant la création d’un terminal multimodal à du prix du pétrole et des carburants. 175 km entre Aiton (Savoie) et Orbassano Vitoria, ville du Pays basque espagnol située (Piémont), ouverte en 2003, subventionnée 30 km au sud de Tarnos : la mise en service Manque d’ambition à 54 % et dont le prolongement vers Grenay, est évoquée à l’horizon 2020 au plus tôt... près de Lyon, est prévu de longue date afin Les suites financières de l’abandon du La Cour en reste cependant à une vision d’élargir la clientèle, essentiellement régio- projet ont été critiquées par la Cour des essentiellement financière des autoroutes nale, mais est bloqué de manière incompré- Comptes dans son rapport annuel 2017. ferroviaires. Ses propositions n’en visent pas hensible depuis plus de 4 ans ; Plus de 40 millions d’euros ont été gaspil- le développement : - et l’autoroute de plaine AFPL Perpignan lés par l’Etat : 17 millions d’indemnité à - mettre en œuvre d’ici 2018 la mise en (Le Boulou) - Luxembourg (Bettembourg) VIIA et la moitié des 50 millions dépensés concession de l’AFA et poursuivre la réduc- gérée par l’entreprise Lorry-Rail et mise en en investissements préparatoires à Tarnos, tion de son subventionnement (mais com- service en 2007. non réutilisables si le projet au départ de ment y parvenir sans l’augmentation des L’AFPL (1050 km) est juste à l’équilibre Vitoria aboutit. péages autoroutiers préconisée par le rapport financier. Elle dispose d’un itinéraire de se- Destot-Bouvard pour financer le tunnel de cours, très utile en cas de perturbations, sur AF existante base du Lyon-Turin ?) ; Calais Lille AF en projet 60 % de son tracé. A noter que l’utilisation Terminal - évaluer le bénéfice socio-économique Longueau Luxembourg des nouveaux wagons Modalohr ne néces- (Bettembourg) et environnemental apporté à la collectivité site plus d’aménagement du gabarit des St Quentin par l’AFPL. voies en partie basse en plus du dégagement Paris Son principal souci est de savoir si les

du gabarit GB 1. Orléans 150 millions d’euros qui ont été investis pour

Un embranchement Avignon-Marseille Tours Dijon élargir le gabarit de deux lignes ferroviaires de l’AFPL a été étudié pour capter le trafic qui datent du 19° siècle l’ont été de manière Poitiers France-Maghreb transitant par le port de Niort pertinente ou non. Elle ne demande pas le Aiton Marseille ; le projet est gelé, la SNCF s’étant Saintes Lyon rétablissement de l’écotaxe ou la réalisation retirée en estimant que le marché était insuf- rapide de l’autoroute ferroviaire atlantique. fisant. Le chargeur EKOL et VIIA, filiale de Bordeaux Orbassano Et, surtout, elle ne dit rien du futur élar-

la SNCF, exploitent pourtant un service de Avignon gissement de l’autoroute A10 sur 93 km transport combiné Sète - Noisy-le-Sec ali- entre le sud de Tours et le sud de Poitiers, menté par le trafic en provenance du port Bayonne (Tarnos) qui sera effectué entre 2018 et 2023 par turc d’Izmir. Perpignan (Le Boulou) le concessionnaire Cofiroute. L’investisse- Une 3e autoroute, Perpignan-Calais ou ment, décidé dans le cadre du programme VIIA Britannica (1400 km), a été ouverte L’analyse nuancée autoroutier de François Hollande, sera de en mars 2016, avec un objectif de 2 allers- de la Cour des Comptes 244 millions d’euros en échange d’une pro- retours par jour et 40 semi-remorques trans- longation de la concession de 2031 à 2034. portées par trajet puis embarquées sur un La Cour a publié, pour une fois Il est « justifié » par l’encombrement de ce ferry à destination de Douvres (mais bizar- (FNAUT Infos 208, 237), un rapport bien tronçon de l’A10, très fréquenté par... les rement pas par Eurotunnel). Elle n’a néces- informé et objectif sur le rail. poids lourds, qui représentent 20 % du tra- sité que des investissements modestes (un Elle déplore que les autoroutes ferro- fic total alors que ce taux n’est que de 12 % terminal à Calais). Elle est gérée par VIIA. viaires existantes (qui assurent 5 % du fret en moyenne nationale. Elle a bénéficié des investissements déjà réa- ferroviaire français) n’aient provoqué qu’un La même contradiction se rencontre en lisés pour l’AFPL. Arrêtée en juillet 2016 faible report de trafic routier sur le rail : Savoie où la société autoroutière AREA en raison de la présence des migrants, elle en 2015, l’AFA a capté à peine 30 000 va investir une centaine de millions d’eu- refonctionne depuis février 2017. Son exten- camions par an, soit 2 % du trafic routier ros pour doubler un échangeur autoroutier sion en l’Italie est prévue en 2017. (1 300 000 camions par an passent par les à Chambéry. tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus), et ...et un abandon l’AFPL 40 000 soit 6 % du trafic (630 000 camions par an), un résultat bien éloigné FNAUT infos - Bulletin mensuel d’information Directeur de publication : Jean Sivardière L’autoroute ferroviaire atlantique était des objectifs du plan Borloo (l’engagement Crédits photo : Marc Debrincat et Fabrice Michel pour la FNAUT l’un des projets du plan Borloo de 2009 national pour le fret ferroviaire visait à CPPAP n° 0920 G 88319 - Dépôt légal n°255 ISSN 0983-172 X - Tirage : 1200 ex. relatif au fret ferroviaire, lancé lors du Gre- faire passer de 14 % à 25 % en 2022 la part Impression : R&M Studio - 51 Grand Rue - 86370 Vivonne nelle de l’environnement avec le projet de modale du fret non routier, et à transférer Abonnement 10 numéros : Individuels : 19 b TGV fret dont on n’a plus entendu parler... 500 000 camions par an sur les autoroutes Administrations, sociétés, organismes, Étranger : 50 b (FNAUT Infos 225). ferroviaires dès 2020). Prix au numéro : 2 b Pour adhérer à la FNAUT ou à une association FNAUT Elle devait relier Tarnos (près de Bayonne) La Cour énumère les handicaps des au- de votre région, contacter notre permanence : à Dourges (près de Lille) sur 1 050 km en toroutes ferroviaires : la structure principa- 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris transitant par Saintes, Niort et la grande lement radiale du réseau ferré, la conges- tél. : 01 43 35 02 83 fax : 01 43 35 14 06­ ceinture parisienne. Sa concession avait été tion des nœuds ferroviaires, les multiples e-mail : [email protected] attribuée à VIIA avant d’être enterrée en travaux en cours sur le réseau ferré, les Internet : http://www.fnaut.fr

8 x FNAUT infos n°255 - juin 2017 256 FNAUT infos juillet-août 2017 transport - consommation - environnement édition nationale

Bulletin de la Fédération­ Nationale des Associations d’Usagers des Transports

La France et ses villes Déplacements urbains : Il faut lire l’ouvrage d’Olivier Razemon : « Comment la France a tué ses villes ». L’au- retards persistants et nouveaux outils teur montre que, si les métropoles se portent relativement bien, toutes les autres - des villes moyennes aux bourgades - sont en crise : population stagnante, logements vides, dis- parition du petit commerce de proximité, niveau de vie en baisse. Les responsables de ce déclin sont clairement dénoncés : l’offen- sive de la grande distribution et, plus fonda- mentalement, politique de transport basée sur la pénurie de transport collectif et l’usage obligatoire de l’automobile. L’étalement urbain diffus est lié à l’im- plantation désordonnée des grandes sur- faces, des centres de loisir et même de cer- tains services publics (hôpitaux, universités, Pôle emploi...) en périphérie des villes, et Navette automatique Transdev, Issy-les-Moulineaux (MD) au laxisme des élus qui encouragent l’ex- tension des lotissements. Il est générateur On est bien loin, en France, de mettre en œuvre une politique cohérente d’un trafic routier qui finit par occuper tout des déplacements urbains. A Paris, le transport collectif est insuffisamment l’espace urbain disponible, et par asphyxier, favorisé et, en Ile-de-France, le Grand Paris Express comprend des projets assourdir et dévitaliser la ville. inutiles et particulièrement coûteux : les lignes 17 et 18. De nouveaux outils Si elle est difficile à enrayer, cette évolu- vertueux sont aujourd’hui disponibles (vélo à assistance électrique, dépéna- tion n’est pas fatale. Elle passe par l’arrêt des lisation du stationnement), mais d’autres innovations telles que le véhicule implantations périphériques et des parkings autonome pourront, suivant l’usage qui en sera fait, encourager ou dissua- centraux, et par le développement volonta- der la circulation automobile urbaine. riste d’aménagements cyclables et de trans- ports collectifs adaptés aux situations locales et disposant de priorités de circulation. Le rail et la ville Dans les métropoles, et même les agglo- Le Japon détient le record d’offre ferroviaire s’effectuent très majoritairement par le train, mérations de taille moyenne, disposant et d’utilisation du train : un déplacement sur 5 et la voiture n’est pas indispensable car les d’étoiles ferroviaires sous-utilisées voire est effectué en train dans les trois métropoles grands centres commerciaux périphériques si désaffectées (FNAUT Infos 183), le rail peut principales (Tokyo, Osaka, Nagoya). L’expli- répandus aux USA et en France aujourd’hui jouer un rôle décisif, à la fois pour absorber cation est simple (nous citons une étude réa- sont quasiment absents : sans voitures, les du trafic automobile et pour structurer l’es- lisée en 2005 par Patricia Varnaison-Revolle, banlieues sont bien plus vivables et vivantes pace périurbain autour des gares. Et, comme CETE de Lyon) : contrairement aux villes que les nôtres. l’explique Jean-Pierre Dupuy, professeur à la françaises, les villes japonaises se sont déve- L’exemple du Japon montre clairement Sorbonne : « on tend à regrouper les activités loppées autour du rail et non des routes (les que les politiques d’urbanisme et de trans- autour de quelques capitales régionales ; il réseaux routiers périurbains n’ont été créés port doivent être élaborées simultanément, faut aujourd’hui mailler les territoires par les qu’à partir des années 1970, quand l’industrie et que le rail est un outil efficace d’aménage- transports collectifs pour les dynamiser ». automobile japonaise a pris son essor). ment du territoire. Bruno Gazeau, président de la FNAUT L’Etat s’est désengagé du périurbain mais Ajoutons que les trains sont d’une remar- il a autorisé les compagnies ferroviaires pri- quable ponctualité et que l’intermodalité est Sommaire vées à implanter et exploiter des voies ferrées organisée de manière exemplaire dans les pour dessservir les banlieues, à développer gares, que le stationnement sur voirie est Paris et le transport collectif p. 2 l’urbanisation autour d’elles et à créer des impossible dans les grandes villes, qu’il faut Grand Paris Express : la ligne 18, centres de commerces, de services et d’activi- posséder un parking pour pouvoir acheter un projet inutile p. 3 tés diverses dans les gares urbaines et périur- une voiture, qu’en général les salariés ne dis- La réforme du stationnement urbain, baines ou dans leur voisinage. posent pas de parking sur leur lieu de travail, CDG express et ligne 17 p. 4 L’étalement urbain japonais est aussi im- que les autoroutes urbaines sont payantes... Le véhicule autonome p. 5 portant que celui qui a été engendré par la La politique de transport et d’urbanisme Le péage urbain en Europe p. 6 voiture aux USA ou au Canada, mais l’em- du Japon est difficilement transposable en Le VAE, véhicule d’avenir p. 7 ploi est resté très concentré dans les centres- France, mais elle peut inspirer utilement nos L’intermodalité train + vélo p. 8 villes, les déplacements domicile-travail décideurs politiques.

FNAUT infos n°256 - juillet-août 2017 x 1 Dossier Paris : le transport collectif est-il une priorité ?

Paris 14e, rue d’Alesia (MD) Réduire la place de la voiture dans Paris ne doit pas seulement se traduire par sont les Halles et le Centre Pompidou. D’autres une Zone à Circulation Restreinte, un plan Piéton, un plan Vélo, des reconquêtes de lignes, dont les allers et retours pourraient être berges et de places. Cette politique au coup par coup pour satisfaire les uns puis réassociés sur la rue de Rivoli, pourraient utiliser les autres procède d’intentions louables mais manque de cohérence. La principale le site protégé du BHNS. alternative à la voiture est et restera le transport collectif : la Ville de Paris a-t-elle la Mais un raisonnement simpliste a préva- volonté de lui donner toute la priorité qu’il mérite ? lu : des bus sur les quais pour remplacer les voitures sur les quais. Celles-ci sont en effet Le Grand Paris des bus rues de taille moyenne. Or, Paris est en retard chassées des quais bas par la piétonisation sur les grandes villes européennes et françaises de l’ex-voie express rive droite dans sa partie Le projet de restructuration du réseau concerne en matière de rues réservées aux transports col- centrale, opération de reconquête urbaine que les deux tiers des lignes parisiennes. L’AUT critique lectifs, taxis, vélos, piétons et véhicules utilitaires, nous approuvons sans réserve. l’absence d’un programme précis d’aménagement ce qui oblige à inventer des parcours compliqués Le Réseau Express Vélo (REV), prévu à la ou d’affectation de la voirie garantissant la fluidité et des allers-retours très dissociés. fois rue de Rivoli et sur les quais hauts (« tout de la circulation des bus sur tout leur parcours (cas Le secteur surencombré Saint-Lazare - Opéra pour le vélo » !), a surtout sa place sur ces quais, des 8 « grandes traversantes »), ainsi que l’absence mériterait une réorganisation complète. Il en bien plus agréables qu’une voie bruyante et peu d’annonce d’une police chargée de « sacraliser » les va de même de l’emblématique place de la fluide (voir la carte ci-dessous). couloirs réservés aux bus et de surveiller bandes Concorde, qui n’est aujourd’hui qu’un immense cyclables, trottoirs et arrêts de bus. carrefour encombré, bruyant et inhospitalier. La densification autour Pour décharger le métro et offrir une solution du boulevard périphérique aux personnes à mobilité réduite, il faut amé- Les abribus liorer la lisibilité du réseau de bus. Or bien des La Ville a lancé un programme ambitieux de lignes ont des trajets aller et retour fortement Le réseau de bus doit être accueillant et constructions aux abords du périphérique. Dans dissociés - certaines lignes desservent des gares disposer d’abris voyageurs bien visibles, dont le 12e arrondissement, la ZAC Bercy-Charen- dans un seul sens... - et le projet aggrave même l’implantation soit optimisée en fonction des ton, ses six tours et autres immeubles abriteront ce constat. Le bus 91 devrait au contraire des- correspondances, qui ne soient pas disséminés 1 500 logements et 132 000 m2 de bureaux d’ici servir la gare de Bercy (outre Montparnasse, aux abords des gares et pôles d’échanges, et qui 2020. Des projets gigantesques concernent aussi Austerlitz et Lyon) et la liaison entre Saint-La- offrent un confort et une information bien meil- les 13e et 15e arrondissements. zare et Austerlitz devrait être maintenue. leurs qu’aujourd’hui (protection contre le vent et Le tramway T3a étant saturé aux heures Alors que les bus n’engendrent qu’une très la pluie, places assises, carte du réseau, tableau de pointe, rien n’est prévu pour satisfaire les faible part de la pollution de l’air, la Ville veut des tarifs...). Sur ce dernier point, il y a régres- nouveaux besoins de déplacement générés par remplacer d’ici 2025 tout le parc parisien par sion par rapport aux précédents abribus. la densification et l’arrivée prochaine de nou- des bus « propres » (traction électrique, GNV) : veaux affluents : tram T9 Orly-Paris, TZen5 c’est souhaitable à terme, mais ce remplace- Le projet de Tram-Bus Choisy-Paris et ligne 14 du métro prolongée ment à marche forcée coûterait, aux prix actuels, à Orly. Dans ce contexte chaotique, la préser- plusieurs centaines de millions d’euros, ce qui La Ville de Paris envisage un bus à haut ni- vation de l’emprise de la Petite ceinture ferro- contraindrait le STIF à rogner sur d’autres veau de service (BHNS baptisé « tram-bus ») viaire est essentielle. investissements et le renforcement de l’offre. longeant la Seine de la gare de Lyon à Parc de Pendant ce temps, la climatisation des bus est Saint-Cloud. La fusion des métros 3 bis et 7 bis considérée comme inutile par la RATP ! Pour la traversée du centre, le choix du tracé par les quais hauts est incompréhensible. Un Sans cesse évoquée dans les Schémas direc- Le partage de la voirie tracé par la rue de Rivoli serait bien plus logique. teurs successifs de la Région Ile-de-France, Celle-ci est en effet bordée par de nombreux la fusion de ces deux navettes permettrait L’approche de la Ville est beaucoup trop commerces et services, elle offre un accès à 7 sta- de mailler le réseau du métro à l’est de Paris timide. Les bus doivent fonctionner non seu- tions de métro et au moins autant de lignes de et de mieux desservir un secteur défavorisé, lement sur les grands axes mais aussi dans les bus, et est proche des grands pôles attractifs que entre autres l’hôpital Robert Debré. Les voies nécessaires existent. Le projet serait d’un coût modéré (50 millions d’euros avec un accès à la station Haxo existante, un peu plus avec une liaison piétonne mécanisée vers le pôle inter- modal Magenta). Mais le projet semble oublié de la Ville et du STIF.

S’ajoutant à la maîtrise complète par la Ville de la politique du stationnement (tarification et amendes) qui entrera en vigueur en janvier 2018, une réforme qui intervient simultanément accorde à la maire de Paris des pouvoirs fortement accrus en matière d’aménagement et d’utilisation de la voirie, ainsi que de gestion des Agents de Sur- veillance de Paris : Madame la maire n’aura plus d’excuses si les bus roulent mal ! Détails sur le site de l’AUT : www.aut-idf.org Jean Macheras, FNAUT Ile-de-France

2 x FNAUT infos n°256 - juillet-août 2017 Dossier Grand Paris Express : la ligne 18, un projet inutile

Evry et l’extension de celui-ci à Versailles, d’autre part la branche qui dessert la zone d’emplois d’Orly/Rungis dont la desserte toutes les 15 minutes (au lieu de 30) né- cessite la réalisation complète du projet Massy - Valenton. Ces deux axes structurants peuvent être complétés par des moyens de transport plus légers que le métro : - compte tenu des dénivelés importants, des transports par câble depuis les gares des vallées se justifient, notamment depuis Orsay « Le Guichet » ; - le BHNS Massy-Polytechnique, en cours d’extension à Saclay, est compatible avec un passage en mode tramway qui aug- menterait fortement sa capacité, tout en offrant une desserte plus fine que celle de la ligne 18 dont le faible nombre de gares (wikipedia) couvre mal la vaste étendue du plateau ; Compte tenu du retard pris dans l’amélioration des transports collectifs d’Ile-de- - entre Versailles et Satory, la mise en France, l’AUT-FNAUT Ile-de-France considère que la modernisation du réseau exis- place d’un bus en site propre, déjà envisagée, tant doit être prioritaire mais aussi que certaines infrastructures nouvelles sont serait suffisante ; nécessaires. Tout en demandant quelques correctifs, elle a soutenu la création de la - entre Massy et Orly-Rungis, outre le ligne 15 du Grand Paris Express, rocade de zone dense. Mais la ligne 18 Versailles- RER C renforcé, on peut créer des liaisons Orly (35 km) est d’une tout autre nature. par bus plus directes que la ligne 91-10 actuelle, avec si besoin des portions en site La ligne 18 serait en correspondance à Un coût très élevé, un trafic faible propre (déjà étudiées). Massy-Palaiseau avec les RER B et C, à La ligne 18 apparait donc clairement Versailles-Chantiers avec le RER C et les trains Le coût de la 18 est évaluée à 3 milliards comme un projet de prestige déconnecté des Transilien, à Orly avec la ligne 14 prolongée d’euros, hors matériel roulant, pour un trafic besoins réels de mobilité. L’AUT / FNAUT jusqu’à l’aéroport. Un train de 350 places circu- de 100 000 voyageurs par jour. S’y ajouteraient Ile-de-France a donné un avis défavorable lerait toutes les 3 minutes aux heures de pointe, les coûts d’exploitation, au moins 45 millions lors de l’enquête publique. à la vitesse moyenne de 65 km/h. par an. Dans ces conditions, comme le sou- ligne le STIF et le Commissariat général à Massy-Valenton : un enjeu Une zone de desserte peu habitée l’investissement, la rentabilité socio-écono- pour le TGV et le RER C mique du projet est très faible. Hormis les sites de Massy-Palaiseau Le tronçon Massy-Valenton de la Grande et Versailles-Chantiers, déjà bien desser- Un financement non garanti ceinture parisienne sud est utilisé à la fois vis par les transports publics et reliés par le par des TGV « diamétraux » (une vingtaine RER C, les 10 gares de la ligne 18 desser- La SGP reçoit environ 500 millions par par jour dans chaque sens), par des trains du viraient des zones d’emplois et des campus an de taxes affectées, mais sa capacité de RER C (65 par jour), enfin par quelques trains très peu habitées. Or les salariés du plateau financement n’est pas illimitée car elle ne de fret (FNAUT Infos 152, 162, 235). de Saclay habitent à 70 % dans l’Essonne, pourra pas s’endetter au-delà du raisonnable Les TGV diamétraux circulent difficilement souvent dans des villes peu denses éloignées (FNAUT Infos 248). (manque de capacité, contraintes sur les de la ligne 18, et les déplacements profes- Elle s’est récemment engagée à finan- heures de passage, ralentissements, retards) : sionnels n’engendrent que 3 % de l’usage des cer 500 millions de surcoûts sur la ligne - à ses extrémités, la ligne comprend transports publics, et. D’où un trafic potentiel 15 sud, 500 millions supplémentaires pour deux raccordements à voie unique aux LGV faible, surtout aux heures creuses, en soirée et le projet EOLE, et ce n’est pas fini. Pen- encadrantes ; le week-end. La population à desservir est si dant ce temps, des projets plus modestes - les circulations TGV et RER C présentent faible que l’interstation entre CEA - Saint- sont difficilement financés : ainsi il a fallu des cisaillements. Aubin et Saint-Quentin Est serait de 9 km... deux ans pour que le tram-train Massy- Quant au RER C, il est impossible d’aug- Evry soit péniblement financé (455 mil- menter sa fréquence actuelle de 30 mi- Un effet de décharge quasi-nul lions) et son prolongement à Versailles ne nutes entre Massy et Pont de Rungis mal- l’est toujours pas. gré une forte demande des usagers, et Un objectif majeur du Grand Paris Express d’assurer sa régularité. (GPE) est de décharger le réseau existant. Or Des alternatives moins coûteuses Une modernisation de la ligne, d’un coût la décharge du RER B par la 18 annoncée par très raisonnable, est envisagée depuis la Société du Grand Paris (SGP) est de 5% Aucun point du plateau de Saclay n’étant 15 ans. L’aménagement du secteur Est et, selon le STIF lui-même, « cette estimation éloigné de plus de 3 km d’une gare existante, d’Orly a finalement été acté, mais les travaux semble très élevée » et d’un intérêt très faible la priorité consiste à améliorer les lignes ont été interrompus par RFF en 2014 faute puisque le RER B n’est saturé qu’en proche existantes : de moyens techniques et humains dispo- couronne et dans Paris. - le RER B, dont l’offre pourrait être ren- nibles, ils ne reprendront qu’en 2019. Quant Quant au report du trafic automobile sur forcée au sud de Massy moyennant certains à l’aménagement du secteur Ouest, il a été la 18, il serait très modeste : la part modale de investissements ; déclaré d’utilité publique en juin 2016 mais la voiture dans la zone d’étude ne diminuerait - le RER C, avec d’une part sa trans- les travaux n’ont pas été engagés faute de que de 0,3% selon l’étude d’impact de la SGP. formation en tram-train entre Massy et bouclage du financement.

FNAUT infos n°256 - juillet-août 2017 x 3 Dossier La réforme du stationnement urbain CDG Express et ligne 17

Le stationnement payant sur voirie est un des leviers essentiels permettant de maîtriser l’automobile en ville (FNAUT Infos 190, 219, 240). Selon Jean-Marie Guidez, alors expert en mobilité au CERTU : « il ne faut pas dissocier les politiques de trans- port collectif et de stationnement automobile. Ne jouer que sur le transport, c’est jeter son argent par les fenêtres ».

forfaitaire dont le montant - 17 euros - est aujourd’hui fixé par l’Etat sans lien avec le prix local du stationnement. Les amendes (200 millions en 2014) sont recouvrées par l’Etat, la moitié environ est reversée aux collectivités locales. L’AUT Ile-de-France se préoccupe La troisième ressource de stationnement principalement des déplacements du provient des parkings publics (en surface, quotidien mais considère que le projet en élévation ou en souterrain). Ces par- CDG Express peut se justifier pour les kings sont souvent sous-utilisés car leurs trois raisons suivantes. tarifs sont plus élevés que ceux du station- l Une liaison de qualité entre la capi- (wikipedia) nement sur voirie, sans parler des tarifs tale et son principal aéroport est un préférentiels consentis aux résidents et des enjeu pour le tourisme et l’attractivité La Cour des comptes avait déjà attiré mesures de gratuité partielle, par exemple la économique régionale. l’attention sur l’enjeu du stationnement première heure. l Le RER B, même amélioré, ne sera payant dans son rapport de 2015. Elle est La Cour estime qu’au total, les recettes jamais bien adapté aux besoins spéci- revenue sur le sujet dans son rapport de des collectivités territoriales liées au station- fiques des voyageurs aériens. Le CDG 2017 en publiant les résultats d’une enquête nement payant sont d’environ un milliard Express, service dédié à la plate-forme menée auprès de 45 collectivités (sur 781) d’euros par an. aéroportuaire, permettra non seule- ayant mis en place le stationnement payant Le taux de paiement spontané du station- ment de créer une liaison rapide ville- et regroupant 8,8 millions d’habitants. nement sur voirie est faible, environ 35 % aéroport, mais aussi de délester le RER en moyenne, 10 % à Paris, contre 80 % en B des voyageurs aériens et de leurs ba- Les données de base Belgique, 85 % en Grande-Bretagne et plus gages qui encombrent cette ligne satu- de 90 % en Espagne. Les contrôles sont rée aux heures de pointe. D’après l’INSEE, le taux de motorisation rares (le taux de verbalisation a diminué de l Le projet doit permettre de limiter les des ménages est de 37 % à Paris, 57 % à 15 % depuis 2013 en raison de la période déplacements en taxi et en voiture par- Lille, 63 % à Lyon et 71 % à Toulouse. Une électorale) et les sanctions peu dissuasives. ticulière entre Roissy et Paris, ce qui aura partie seulement des ménages motorisés un effet bénéfique sur la saturation de dispose d’au moins une place de stationne- Une réforme très attendue l’A1 et sur la pollution et sur la disponibi- ment à domicile, cette proportion varie de lité des taxis dans la capitale. 60 % (Lille) à 85 % (Toulouse). Reportée à deux reprises, la réforme du L’AUT avait proposé un projet moins Une voiture est immobile 95 % du temps, stationnement payant, introduite par la loi coûteux qui n’a pas été étudié. Si elle n’a dont 75 % près du domicile et 20 % hors de du 27 janvier 2014, doit enfin entrer en pas d’opposition de principe au projet sa proximité ; son emprise sur la voirie est vigueur début 2018. CDG Express, elle a cependant émis de 10 à 15 m2. Le non-paiement du stationnement d’importantes réserves lors de l’enquête Les demandeurs de stationnement en sur voirie est dépénalisé (seul le station- publique en 2016. ville sont variés : résidents, pendulaires, nement gênant ou dangereux reste dans Le financement ne pèsera pas sur les visiteurs, professionnels mobiles. Entre le domaine pénal). L’automobiliste fautif capacités de la Région à investir dans les 5 et 10 % du trafic dans les centres-villes devra payer un « forfait de post-station- transports du quotidien. Mais on peut sont dus à des conducteurs recherchant nement » (FPS) dont le montant sera fixé craindre qu’une part des ressources fi- une place de parking (cette part peut aller localement mais ne pourra excéder le coût nancières et humaines de SNCF Réseau jusqu’à 40 % aux Etats-Unis). d’une journée de stationnement (entre 35 en Ile-de-France soit consacrée à la La Cour note que le développement du et 50 euros à Paris). construction du CDG Express au détri- covoiturage, de l’autopartage, du costation- Les contrôles pourront être effectués par ment de la modernisation indispensable nement et l’apparition de la voiture auto- des entreprises délégataires de service pu- du réseau francilien. nome pourront à l’avenir réduire le besoin blic, et non plus seulement par des agents Le déficit prévu de l’exploitation du de stationnement automobile sur voirie. municipaux. CDG Express est dû à l’existence du Les élus locaux vont donc disposer d’un projet concurrent de la ligne 17 du Les recettes de stationnement outil performant de gestion du stationne- Grand Paris Express financé en totalité ment sur voirie, qui leur permettra d’orien- sur fonds publics. Ce doublon ruineux Dans les villes de plus de 100 000 habi- ter la mobilité urbaine. Reste à savoir s’ils est en fait un triplon car le RER B, qui tants, le tarif horaire moyen est passé de s’en serviront : dessert déjà Roissy, nécessite aussi des 1,60 à 1,75 euro en 2015 ; il a diminué de - de manière électoraliste en facili- ressources importantes - financières et 0,90 à 0,80 euro entre 2012 et 2015 dans les tant la pénétration de la voiture dans les humaines - pour sa modernisation. villes moyennes. A Paris, une réforme tari- centres-villes (FNAUT Infos 226) ; Il faut par ailleurs réaliser la liaison pié- faire est intervenue en 2015, le tarif horaire - ou de manière responsable et cohérente, tonne souterraine directe entre gare de atteint 4 euros dans la zone la plus chère et en augmentant les tarifs et les amendes, et l’Est, Magenta et gare du Nord, et pré- la recette annuelle de la Ville est passée de en renforçant les contrôles, afin d’alimen- server la possibilité d’ajouter un arrêt de 64 à 121 milllions d’euros. ter le budget disponible pour développer CDG Express dans la gare de La Plaine Le non-paiement constitue une infrac- les aménagements cyclables, les transports Stade de France de la ligne 15 Est du tion pénale, sanctionnée par une amende collectifs et l’autopartage. Grand Paris Express.

4 x FNAUT infos n°256 - juillet-août 2017 Dossier Le véhicule autonome : quel créneau ?

Navette automatique Transdev, Issy-les-Moulineaux (MD)

La FNAUT s’est toujours intéressée à l’innovation dans les transports. Elle a ainsi sur pneus), « ces navettes de rabattement approuvé les nouvelles techniques - du TGV au VAE - qui offraient de nouvelles fonc- pourraient générer un transfert modal tionnalités et, à l’inverse, elle a dénoncé celles qui présentaient des effets pervers ou très significatif tout en améliorant la n’étaient que des effets de mode inutiles (selon certains économistes, le tramway sur rentabilité de l’ensemble de la chaîne du pneus allait irriguer à moindre coût les zones périurbaines...). Qu’en sera-t-il du vé- transport public ». hicule autonome : complément intelligent du transport public ou encouragement à Claude Faucher, délégué général de l’usage de la voiture personnelle ? l’UTP, partage cette opinion : « les navettes autonomes sont une solution extrêmement Les nouvelles technologies bouleversent La RATP expérimente deux navettes efficace et complémentaire aux transports le secteur routier. La « route intelligente » Easymile à Paris, sur le pont Charles-de- publics pour desservir les territoires moins couvre quatre thèmes : l’infrastructure rou- Gaulle, afin de tester les réactions des usagers denses et renforcer le droit à la mobilité tière (enrobés à très haute performance (un agent reste présent à bord pour assurer pour tous ». acoustique ; éclairage modulable ; alimen- la sécurité). Transdev mène une expérience Selon Easymile, « notre technologie no- tation de véhicules hybrides par caténaires avec EasyMile à Rouen, sur le site nucléaire vatrice répond aux enjeux de la mobilité du ou par le sol) ; l’exploitation (gestion dyna- de Civaux (Vienne) et à Issy-les-Moulineaux. dernier kilomètre en complétant l’offre des mique du trafic, détection en temps réel Zoltan Laszlo, expert suisse de la mobilité réseaux publics, et également au sein d’es- d’incidents) ; les véhicules (communication autonome aux CFF, pilote une expérimenta- paces clos tels que campus, parcs d’affaires, entre véhicules ; véhicules connectés et tion diversifiée à Zoug : navettes autonomes parcs d’attractions ou encore centres-villes véhicules partiellement ou totalement au- intégrées au réseau urbain ; offre flexible à la piétonniers. Nos véhicules peuvent opérer tonomes ; véhicules utilisant de nouvelles demande ; rabattement sur la gare ; compo- selon un trajet prédéfini et s’arrêter à chaque motorisations ou énergies) ; les usages sante d’une offre d’autopartage. station ou être sollicités à la demande ». (dans les territoires mal desservis par les L’arrêt d’urgence, crucial pour garantir transports publics). la sécurité, est aujourd’hui bien maîtrisé en Le véhicule connecté, premier pas vers le dessous de 20 km/h (un seul incident est véhicule autonome, offre de nouveaux ser- intervenu, à Sion). Les véhicules Easymile vices aux automobilistes : maintenance en bénéficient de trois types de guidage (GPS, temps réel, géolocalisation, informations laser, et caméras). Navya s’est associé à Valeo, trafic, optimisation de la sécurité et de la dont les systèmes de détection par laser et consommation... de traitement des données des capteurs, éléments essentiels de la « mobilité intelli- Expérimentations gente », permettent de gagner en précision et de porter la vitesse maximale des navettes Volkswagen a présenté au Mondial de de 20 à 45 km/h. Genève 2017 le concept car Sedric (self dri- ving car), un véhicule entièrement automa- Un atout du transport public... tique et contrôlé par une application smart- phone et un assistant vocal. Il pourra être On sait depuis longtemps fabriquer des Navette automatique Navia, Suisse (MD) utilisé dans le cadre de flottes de véhicules en prototypes ou « démonstrateurs » de véhi- libre-service ou dans le cadre familial. Volk- cules à délégation de conduite (GM, Ford, ... ou une incitation à l’usage urbain swagen imagine « un scénario où le véhicule BMW, Tesla, Honda, Nissan, Google...), de la voiture ? pourrait emmener les enfants à l’école, trou- mais pas encore produire à la chaîne des ver une place de parking et manœuvrer pour véhicules fiables à des prix abordables. La La voiture individuelle autonome - s’y garer (parking intelligent), aller récupérer commercialisation de voitures personnelles aussi encombrante que la voiture tradi- des courses, récupérer un invité à la gare ou n’est donc pas d’actualité, d’autant que tionnelle - risque de faciliter l’usage de un adolescent au stade… » diverses questions juridiques se posent, no- la voiture (en particulier dans les bou- Les industriels, français en particulier, tamment celle de la désignation du respon- chons), sa prolifération en milieu urbain s’activent dans une direction différente. De- sable soumis à l’obligation d’assurance. A dense (avec le risque d’une multiplication puis 2015, Easymile teste en Californie une noter que la Prévention Routière s’inquiète des circulations à vide) et un renforce- flotte de minibus de 10 places. Depuis juin des risques de cette innovation et regrette ment de l’étalement urbain. 2016, Navya et CarPostal expérimentent à que le débat sur la voiture autonome soit Elle doit donc rester, sous forme de flottes Sion, en Suisse, deux navettes automatiques monopolisé par les constructeurs, se focalise partagées intégrées aux réseaux urbains, un qui se déplacent dans l’hypercentre au milieu sur ses aspects techniques et n’anticipe pas complément du transport public, et peut des vélos, piétons et voitures. ses conséquences comportementales. alors induire une baisse du trafic individuel Une trentaine de navettes électriques C’est donc dans le domaine des transports en ville. Elle peut aussi desservir, à un coût Navya circulent aujourd’hui sur diffé- publics que l’on verra rouler les premiers collectif acceptable, les zones périurbaines et rents sites fermés ou en ville aux USA, au véhicules pour rabattre les usagers sur des rurales et rabattre sur les gares. Japon et en France, par exemple à Lyon- lignes structurantes. Une piste voisine de On lira avec intérêt le rapport de Ca- Confluence, en partenariat avec Keolis, développement des navettes automatiques roline Cerfontaine, experte à l’Union pour répondre aux demandes de gestion est le transport à la demande assurant une Internationale des Transports Publics : de flottes sans conducteur des collectivi- desserte très fine d’une zone résidentielle. « comment faire pour que la voiture de tés territoriales (en six mois, 11 500 per- Selon Guy Bourgeois, ancien directeur demain ne tue pas le transport public » sonnes ont été transportées). de l’INRETS (et promoteur du tramway (https://tinyurl.com/kug4r4q).

FNAUT infos n°256 - juillet-août 2017 x 5 Actualité Nottingham : une forme Le péage urbain et ses variantes en Europe originale de péage urbain

Périphérique parisien (MD)

Le péage urbain de Londres a été instauré en 2003 (FNAUT Infos 129, 131, 137, 185). Un péage analogue avait été introduit à plus petite échelle à Durham, en 2002. D’autres péages ont été instaurés : Stockholm (2006), La Valette (2007), Dublin (2008). En Norvège, des dispositifs de taxation routière s’en rapprochent. Un péage a été refusé par référendum à Edinburgh en 2005 et à Manchester en 2008. Il a été introduit à Göteborg, en Suède, en 2013, puis rejeté en 2014 par référendum. En France, le péage urbain, légalisé par la loi Grenelle 2 dans les agglomérations de plus de 300 000 habitants, est au point mort. Ses promoteurs, les maires PS de Grenoble et de Strasbourg, n’ont pris aucune initiative en ce sens. Nottingham est une ville britannique de 300 000 habitants (700 000 dans l’aire Rotterdam : un péage inversé 2 - Ce type de péage n’a qu’un objectif urbaine) dont 60 000 étudiants, située socio-économique et environnemental dans les Midlands. Elle a réussi à dévelop- Depuis 2008, le lissage des pics de limité. S’il permet de fluidifier le trafic per son réseau de transport public (opéré trafic routier est adopté dans plusieurs de pointe et de limiter un peu la pollu- par une régie municipale) en mettant en villes des Pays-Bas. Une récompense tion par les bouchons, il ne vise pas un place un péage urbain original en Europe, pécuniaire temporaire est versée aux report de trafic automobile sur le transport très différent du péage de zone londo- automobilistes qui effectuent un trajet collectif ou le vélo, mais seulement un nien et plus facile à mettre en œuvre tech- quotidien en heure de pointe sur un axe décalage horaire des déplacement domi- niquement et surtout politiquement car il engorgé et acceptent de le reporter en cile-travail afin d’éviter la formation de ne concerne que les employeurs et leurs heure creuse ou d’y renoncer. Pour évi- bouchons et de reporter des travaux rou- salariés (ce péage a déjà été introduit en ter un effet d’aubaine, un repérage pré- tiers très coûteux. Australie : à Melbourne, Sydney et Perth). alable prolongé est réalisé pour déceler Tout automobiliste, dont les déplace- Autorisée par une loi nationale votée les véhicules empruntant tous les jours ments en milieu urbain sont déjà large- en 2000, la taxe sur les parkings des em- aux heures de pointe le trajet ciblé : seuls ment subventionnés (FNAUT Infos 188), ployeurs (Workplace Parking Levy, WPL) a leurs conducteurs sont invités à partici- doit payer le coût des nuisances qu’il pro- été introduite à Nottingham en 2011. Tout per à l’opération. voque (bruit, pollution de l’air, émissions employeur mettant plus de 11 places de A Rotterdam, le « péage inversé », qui de gaz à effet de serre) et qui subsistent parking à la disposition de ses salariés doit concerne surtout les déplacements do- quel que soit l’heure de son trajet. payer une taxe annuelle de 375 livres (en- micile-travail, est en place depuis 5 ans. 3 - Enfince type de péage est anti-péda- viron 440 euros) par place. Le produit de La récompense est de 3 euros par trajet gogique. Il n’incite pas l’automobiliste à la taxe, environ 11 millions d’euros par an, reporté ou évité. Le trafic a été réduit de prendre conscience de la rareté de l’espace contribue au financement des transports 5 %, ce qui suffit à désaturer une voirie. public urbain. Non seulement il ne remet publics. 42 000 places de parking ont été 20 000 automobilistes ont participé à pas en cause l’usage généralisé de l’auto- recensées dans 2 900 entreprises, 25 000 l’opération, sur des programmes d’un ou mobile et ses nuisances dans les zones sont taxées. Les autres sont exemptées si deux ans ; 40 à 80 % d’entre eux conti- urbaines, mais il laisse croire qu’on peut elles sont utilisées par des véhicules d’en- nuent à décaler leurs horaires de travail le pérenniser. treprise, de police, de sécurité,... ou réser- après la fin des programmes. Le « péage vées aux clients de commerces ou à des inversé » est facile à faire accepter par Le péage urbain de Milan personnes handicapées. les automobilistes (les élus parlent de La Chambre de commerce s’est vigou- « péage urbain positif » ou d’« écobonus En Allemagne (Berlin, Cologne, Ha- reusement opposée au projet de WPL, mobilité ») et d’un coût modéré. Il inté- novre...), souvent suite à des actions en affirmant que les activités économiques resse les élus lillois et franciliens. Mais justice engagées par des associations envi- étaient menacées, que les entreprises son principe est très contestable. ronnementalistes, en Autriche, aux Pays- quitteraient la ville qui deviendrait une 1 - Au lieu d’inciter l’automobiliste Bas, en Belgique, en République tchèque, ville fantôme et même que l’herbe pous- à se déplacer en heure creuse, il serait au Danemark, en Hongrie, en Italie, des serait dans les rues ! plus logique, selon le principe général zones urbaines, en particulier des quartiers Mais ces funestes prédictions ne se de tarification des biens rares, de lui historiques, sont protégées des nuisances sont pas concrétisées. Les employeurs faire payer ses déplacements en heure de l’automobile par des restrictions phy- sont incités à supprimer des places de de pointe. Si l’automobiliste circule en siques d’accès ou l’instauration de taxes parking et à inciter leurs salariés à utili- heure creuse, il peut échapper aux em- ciblant les véhicules les plus polluants. ser les transports publics ou le vélo. Cer- bouteillages et donc gagner du temps Ce sont les zones dites à faibles émissions taines grandes entreprrises répercutent et consommer moins de carburant : (Low Emission Zones ou LEZ). la taxe sur leurs salariés. faut-il vraiment le payer pour qu’il La création d’une LEZ peut être com- Les embouteillages des heures de adopte un comportement rationnel ? binée avec celle d’un péage urbain, comme pointe ont diminué car le réseau de bus Une campagne d’information ne suf- cela a été fait à Milan : le péage Ecopass a été amélioré et une deuxième ligne de firait-elle pas ? ciblant les véhicules polluants, créé en tramway a été construite, si bien que 40 % A Rotterdam, le péage coûte au contri- 2008, a évolué en 2012 vers un véritable des déplacements sont aujourd’hui effec- buable, c’est une mesure court-termiste qui péage urbain dans la zone C. tués en transport collectif. Et de nouvelles traduit un manque de volonté politique, En 2020 la zone couverte par le péage entreprises se sont implantées dans la une subvention déguisée à l’automobi- urbain de Londres sera transformée en ville (2 000 emplois ont été créés), car les liste ; à Londres, il rapporte de l’argent à une zone à très faibles émissions , où une salariés peuvent y accéder facilement et la la collectivité, qui peut le réinvestir dans taxe supplémentaire s’additionnera à celle pollution y a diminué. le transport collectif et le vélo. déjà perçue à travers le péage. Aymeric Gillaizeau

6 x FNAUT infos n°256 - juillet-août 2017 Actualité Le financement du vélo en Europe Le VAE, véhicule d’avenir Hans Kremers, consultant en mobi- lité active à Bordeaux (DEVELOPPEMENT, [email protected], @kremersbx) a enquêté (Pixabay) sur les crédits consacrés au vélo en Europe (détails sur le blog www.isabelleetlevelo.fr, Jusqu’ici exclu de tout dispositif national d’aide à l’achat, le vélo à assistance élec- 11-02-2017). trique (VAE) va bénéficier lui aussi d’un bonus à l’achat : 20 % du prix d’achat dans la limite de 200 euros. Cette aide n’est pas cumulable avec les aides (de 100 à 500 eu- En Allemagne, le très solide plan vélo ros) déjà accordées par certaines collectivités locales. national (2012) se donne comme objec- tif de faire passer la part modale du vélo Attendue à l’échelle nationale, l’aide de périurbaines et rurales où le développe- de 10 % en 2008 à 15 % en 2020. La dé- l’Etat constitue une étape importante dans ment du transport collectif est souvent pense recommandée, par an et par ha- la reconnaissance du vélo comme mode de difficile ; il constitue donc une alternative bitant, en faveur de la pratique du vélo déplacement à part entière et composante à la voiture comme moyen de rabattement est de 9 euros (villes « bien lancées ») à de la mobilité durable. sur les gares ; 24 euros (villes « débutantes »). La décision de la Ministre de l’environ- - il favorise même la démotorisation ; Aux Pays-Bas, en 2012, la dépense nement Ségolène Royal a été saluée dans 49 % des cyclistes qui ont déjà bénéficié totale des collectivités locales a été de un communiqué publié par 6 associations : d’une aide locale à l’achat d’un VAE ont 24 euros par habitant, dont 4 financés la Fédération des usagers de la bicyclette fait ce choix en remplacement d’une voi- par l’Etat. Fin 2016, le gouvernement (FUB), membre de la FNAUT, la FNAUT ture pour leurs déplacements pendulaires, a augmenté de 40 millions d’euros le elle-même, le Réseau Action Climat, FNE, selon une étude du cabinet Inddigo sur budget destiné au stationnement des la Fondation pour la Nature et l’Homme, les bénéfices des services vélo publiée vélos dans les gares, pour le porter à et le WWF. en 2016 (et 71 % en cas de location de 261 millions. Les collectivités concer- Comme le vélo ordinaire, musculaire, et longue durée d’un VAE contre 25 % pour nées en paieront au moins la moitié. contrairement aux deux-roues motorisés et un vélo ordinaire). Le gouvernement continue à financer aux voitures, le VAE (le pedelec pour les Le bonus à l’achat d’un VAE ne ruinera jusqu’à 50 % du réseau express vélo. snobs) permet de se déplacer sans faire de pas l’Etat : il est 5 fois plus faible que la Au Danemark, la dépense vélo est de bruit, sans polluer l’air urbain, sans encom- prime à la casse d’une vieille voiture, et 12 euros par habitant et par an, la par- brer l’espace public déjà saturé, sans provo- 50 fois plus faible que celui offert pour ticipation de l’Etat a été de 5 euros en quer d’accidents graves. l’achat d’une voiture élecrique. 2013. Le gouvernement a dépensé 24 Il contribue à réduire le fléau moderne Il serait souhaitable qu’il soit rapide- millions par an entre 2009 et 2014, ce de la sédentarisation car il ne supprime pas ment élargi à d’autres vélos utilitaires : qui a permis de financer entre 30 % et l’effort physique mais le ramène au niveau vélos cargos et pliants. 50 % de projets très divers. Une dimi- de celui de la marche : ce n’est pas un vélo- nution de la pratique du vélo ayant été moteur. L’assistance électrique cesse au- Une politique globale observée, le budget voté par le gouver- delà de 25 km/h. nement en 2014 s’élève à 57 millions. L’usage du vélo progresse en France, mais Au Royaume Uni, le club vélo des Un gadget ? la moitié des trajets automobiles se font parlementaires préconise un budget encore sur moins de 3 km - une distance de 12 euros par an et par habitant, La FNAUT s’est toujours méfiée des qu’un cycliste peut parcourir en moins de 15 augmenté peu à peu à 24 euros afin « innovations » qui n’en ont parfois que minutes - et, selon une enquête de l’INSEE d’atteindre une part modale du vélo le nom, sont présentées comme des so- réalisée en 2016, seuls 2 % des déplacements de 10 % en 2025 (2 % en 2011). Le gou- lutions miracles et peuvent présenter domicile-travail sont effectués à vélo. vernement estime que la dépense vélo des effets pervers. Certes le VAE est un Le subventionnement du VAE doit est passée de 2,3 euros par habitant en peu moins propre que le vélo ordinaire donc s’inscrire dans une politique cyclable 2010 à 7 euros en 2015. Il ne vise qu’une puisqu’il exige une batterie et consomme globale et volontariste. Citons parmi les part modale du vélo de 4 % en 2025. Le de l’énergie électrique (mais bien moins mesures nécessaires : budget prévu est de 348 millions. que la voiture électrique). - le déploiement complet de l’indemnité En Autriche, le plan vélo 2015-2025 Mais c’est un véhicule performant (son kilométrique vélo pour les déplacements fixe comme objectif 13 % de part modale poids n’est que le quart du poids du cy- domicile-travail selon les propositions de la en 2025 contre 7 % en 2010. La dépense cliste, alors que le poids d’une voiture est FUB (FNAUT Infos 246) ; est de 4 euros par an et par habitant. d’au moins 12 fois celui du conducteur). Et, - le soutien des investissements cyclables En France, le plan national vélo 2012 comme le vélo pliant qui facilite l’utilisa- des collectivités territoriales par des appels à proposait une part modale du vélo tion du train par les cyclistes, ce n’est pas projets, notamment à destination des villes de 10 % en 2020 (elle était de 3 % en un gadget, car il renforce opportunément moyennes dans lesquelles le vélo peut jouer 2014 selon le ministère de l’Écologie). le créneau de pertinence du vélo ordinaire : un rôle essentiel car les distances y sont La dépense annuelle par habitant était - il allège les efforts des cyclistes, en par- courtes, sur le modèle des appels à projets estimée à 1,8 euro en 2009 par Atout ticulier âgés, handicapés physiquement ou de TCSP urbains (FNAUT Infos 245) ; France, qui recommandait de la monter en mauvaise santé (cardiaques ou ayant des - la suppresion des coupures urbaines qui à 10 euros. La dépense actuelle n’est problèmes articulaires) ; découragent les cyclistes ; pas connue, la part de l’Etat reste mar- - il peut donner le goût du vélo à des néo- - le financement de campagnes natio- ginale. Transposées en France, les dé- phytes, et le redonner aux cyclistes lassés ou nales en faveur de la marche et du vélo ; penses des Etats britannique et danois fatigués qui seraient prêts à se remettre au - la généralisation de l’apprentissage seraient de 425 et 660 millions d’euros. volant ; de la mobilité à vélo, avant la sortie de Et les 261 millions consacrés par l’Etat - il est adapté aux villes présentant un l’école primaire ; néerlandais au stationnement des vé- relief accentué ; - l’achèvement du maillage des véloroutes los dans les gares correspondraient à - il facilite les déplacements à longue nationales d’ici 2030 et des itinéraires prin- 1 milliard d’euros... distance, en ville mais aussi dans les zones cipaux (Eurovélo) d’ici 2022.

FNAUT infos n°256 - juillet-août 2017 x 7 Actualité

L’intermodalité train + vélo Colloque

en milieu périurbain L’association CyclotransEurope, mem- bre de la FNAUT, est animée par Erick Marchandise. Elle milite en particulier Stationnement vélo en gare de Nancy (FM) pour la réalisation de la véloroute Euro- vélo3 Trondheim - Saint-Jacques-de- La desserte des zones périurbaines peut s’appuyer sur la combinaison vélo + Compostelle, qui traverse la France de transport collectif : performante, respectueuse de l’environnement et économique. Maubeuge à Irun en passant par Paris et Bordeaux. Elle a organisé fin 2016 La recherche VERT (Le vélo évalué en Les habitants effectuent environ 5,5 mil- un colloque sur le thème « Le vélo, une rabattement dans les territoires), réalisée en lions de déplacements par an, la plupart vers chance pour le train ». Une journée très 2015 par l’IFSTTAR et Beauvais Consultants, Tours, tous modes confondus. riche qui a montré que les opérateurs a évalué le gain socio-économique de cette Un comptage effectué en semaine a permis ferroviaires ont tout intérêt à voir les démarche (B + R, bike and ride) par rapport de connaître les pratiques de rabattement des cyclistes comme des partenaires plutôt au plus traditionnel rabattement en voiture habitants sur la gare : que comme des gêneurs... (P + R, park and ride). P + R 45 % Le train est un outil indispensable pour Plusieurs types de stationnement des vélos dépose voiture 22 % rejoindre ou quitter une randonnée, ou près des gares existent : simple arceau, consigne marche 23 % pour faire des sauts de puce entre deux individuelle ou collective, vélostation. Le sta- 2R à moteur 2 % étapes : c’est ainsi que plus de 50 % des tionnement peut être gratuit ou payant. La B + R 3 % randonneurs sur la véloroute « Loire à grande diversité de l’offre se traduit par des vélo embarqué 3 % Vélo » utilisent le train. coûts très variables pour l’usager et la collec- navette, taxi, car 2 % L’Europe est le seul continent où le tivité. Ces derniers dépendent : du coût du Selon la SNCF, environ 1300 résidents réseau de trains est encore dense, ce foncier ; du choix initial, de la maintenance et prennent le train par jour moyen à la gare qui facilite l’organisation des randon- du vieillissement des installations ; du type de d’Amboise et 380 non-résidents y arrivent en nées et attire des cyclistes venant de surveillance (gardiennage ou surveillance auto- train (les parts de marché du train sont respec- très loin : Australie, USA, Canada... avec matisée) et du degré de vandalisme... tivement de 10,4 % et 3,3 %). En moyenne, un pouvoir d’achat important. La comparaison entre P + R et B + R a été 7 % des résidents usagers du train arrivent à la Les réservations payantes pour le effectuée pour une gare périurbaine hors Ile- gare en vélo, dont un sur deux embarque son transport du vélo accompagné auprès de-France, entre un parc clos pour voitures vélo dans le train (pré-acheminement), et 13 % de la SNCF Grandes Lignes ont bondi de et un ensemble de boxes pour vélos. Elle a des non-résidents venant travailler à Amboise 6 700 en 2004 à 58 000 en 2014. porté sur les installations de stationnement en quittent la gare à vélo (post-acheminement). Plusieurs pays disposent de trains très gare, sur les trajets de rabattement (dépense et capacitaires pour les vélos : le Danemark, temps passé) et sur les coûts sociaux et envi- Deux scénarios l’Allemagne (75 places par train le long ronnementaux. Ces trois paramètres comptent du Danube), la Pologne. Mais la plupart respectivement pour 26 %, 56 % et 18 % dans Deux scénarios bien contrastés ont été com- des trains à grande vitesse refusent les le bilan socio-économique. parés dans la recherche : vélos (Thalys, ICE anciens, TGV Duplex), - un scénario tendanciel (la part de mar- d’où de gros problèmes pour franchir ché du train passe à 11 % en 2025, l’usage certaines frontières : pour faire Cologne- du VAE élargit la zone de rabattement sur Maubeuge avec son vélo (280 km), la la gare à vélo, et celui du vélo pliant facilite SNCF n’a pas de solution, la DB propose l’embarquement) ; un trajet en 17 h et 7 changements ! - un scénario volontariste dans lequel le rabattement sur la gare à vélo est favo- Précision utile... risé (itinéraires sécurisés et stationnement amélioré en gare). Bordeaux est aujourd’hui à 2h04 de Pa- Dans ce second scénario, la part de marché ris grâce à l’ouverture de la LGV Tours-Bor- du train chez les habitants passe de 10 % à deaux. Explication d’un journaliste local : Stationnement TER+vélo, Thonon (MD) 38 %, la distance moyenne du rabattement à « Ça va représenter un gain de plus d’une vélo standard passant de 2 km à 2,6 km par- heure. Sur cette ligne, il y aura 18 trains et La voiture est gagnante en durée du dépla- courus en 11 min 30 (et celle du VAE passant demi par jour. Les demi-trains, c’est quand cement et, un peu, en risque d’accident ; le vélo de 2,5 km à 3,5 km parcourus en 13 min 45) on met sur certains horaires des trains à est gagnant en coût kilométrique du rabatte- (en voiture, elle passe de 4,4 à 5,3 km car l’éta- deux étages plutôt qu’un ». ment, en santé, en environnement (moindre lement urbain se poursuit). Des résultats simi-

pollution de l’air, bruit et émission de CO2) laires ont été obtenus dans le cas des non-rési- et en coût d’aménagement du stationnement dents travaillant à Amboise. FNAUT infos - Bulletin mensuel d’information Directeur de publication : Jean Sivardière (faible emprise au sol). Au total, le gain socio-économique résultant du Crédits photo : Marc Debrincat et Fabrice Michel pour la FNAUT Le bilan dépend évidemment du nombre transfert de la voiture au vélo (standard ou VAE) CPPAP n° 0920 G 88319 - Dépôt légal n°256 ISSN 0983-172 X - Tirage : 1200 ex. total des déplacements dans l’aire considérée, lors d’un rabattement sur une gare périurbaine Impression : R&M Studio - 51 Grand Rue - 86370 Vivonne de la part modale du train, et de la part modale est, par an et par voyageur, d’environ 2 000 euros Abonnement 10 numéros : Individuels : 19 b du vélo dans les rabattements sur la gare. (1 000 euros seulement pour le transfert de la Administrations, sociétés, organismes, Étranger : 50 b dépose voiture au rabattement à vélo). Le gain Prix au numéro : 2 b Pour adhérer à la FNAUT ou à une association FNAUT L’exemple d’Amboise total annuel pourrait atteindre 750 000 euros : de votre région, contacter notre permanence : un bilan très favorable qui, selon les auteurs 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris Le cas d’Amboise, petite ville de 13 000 habi- de la recherche, justifierait pleinement une tél. : 01 43 35 02 83 fax : 01 43 35 14 06­ tants située à 25 km à l’est de Tours et bien des- intervention des pouvoirs publics en faveur du e-mail : [email protected] servie par le train, a été étudié de manière précise. rabattement à vélo sur la gare. Internet : http://www.fnaut.fr

8 x FNAUT infos n°256 - juillet-août 2017 257 FNAUT infos septembre 2017 transport - consommation - environnement édition nationale

Bulletin de la Fédération­ Nationale des Associations d’Usagers des Transports

La maintenance des petites lignes « Petites » lignes et « petites » gares De nombreuses lignes du réseau ferré français - environ 4 000 km au total - ne sont utilisées que par des trains de fret desservant des installations agricoles ou industrielles, elles sont la source de 20 % du fret transporté sur le réseau principal. Des performances de vitesse et de débit sont inutiles, il faut seule- ment assurer la pérennité des infrastructures. Un arrêté du 28 septembre 2016 définit un nouveau référentiel relatif à ces lignes capil- laires fret. Il a pour objectif d’en réduire les coûts de maintenance et d’exploitation, et d’assurer ainsi un modèle économique adap- té à ces lignes sans en dégrader la sécurité. La FNAUT souhaite que soit engagée une Gare de Pont-Remy, Somme (MD) démarche analogue concernant les petites lignes voyageurs et définissant : Il est de bon ton de considérer que la desserte des petites villes et zones rurales - les principes d’une maintenance adaptée ne relève plus du train : « les petites lignes, c’est ringard et ruineux ; et pourquoi à l’état réel des infrastructures et à l’exploita- pas ressusciter le réseau Freycinet du 19ème siècle ? ». Analysant trois lignes tion prévue ; des Régions Centre - Val-de-Loire, Bretagne et Limousin, un rapport récent du - les objectifs en matière de sécurité. CEREMA démontre qu’au contraire, une exploitation économique du train per- La FNAUT a rencontré récemment l’AFRA met d’abaisser fortement ses coûts et d’élargir sa clientèle. Ses conclusions, ac- (Association française du rail) qui regroupe cablantes pour la SNCF, confirment le point de vue que la FNAUT défend depuis les opérateurs ferroviaires privés, l’UNECTO qui regroupe les opérateurs ferroviaires de des années : le créneau de pertinence économique du rail est largement sous- lignes touristiques, et l’association Objectif estimé. Il en est de même en ville : qui aurait dit que le tramway reviendrait dans OFP qui assure la promotion des Opérateurs des agglomérations de moins de 200 000 habitants ? Ferroviaires de Proximité. Réduction des coûts d’exploitation et cadencement Ces rencontres ont mis en évidence une convergence des points de vue de tous ces En Suisse, les CFF ont compris que en 1982, le nombre des trains x km a été acteurs et leur souhait d’un transfert de ges- le cadencement des circulations exigeait augmenté de 20 % sans accroissement tion aux collectivités locales des petites lignes des travaux préalables d’infrastructure. des coûts, la fréquentation du réseau et voyageurs, avec une convention d’occupation L’introduction du cadencement a donc les recettes ont augmenté. temporaire étendant la notion d’installation été coordonnée avec la réalisation du plan En Allemagne, dans le Bade-Wurtem- terminale embranchée. Cette procédure Rail 2000. Un point crucial a concerné la berg, les contrats d’exploitation des trains permettrait de prolonger la durée de vie durée des trajets entre points nodaux, que les régionaux, qui concernent des petites des petites lignes et leur renouveau, suivant CFF ont cherché à ramener à moins d’une lignes mais aussi des axes plus impor- l’exemple allemand. La sécurité serait contrô- heure afin de faciliter une exploitation en tants, aboutissent à des coûts moyens du lée par le STRMTG (Service Technique des Re- navettes cadencées à l’heure entre ces gares km x train compris entre 7,5 et 9 euros. montées Mécaniques et des Transports Gui- avec un minimum de matériel roulant, et de En France, la rénovation de la ligne dés), dont les moyens devraient être renforcés. faciliter les correspondances. Les CFF ont Guingamp-Paimpol ramènera le temps Bruno Gazeau, président de la FNAUT ainsi amélioré les vitesses entre et de parcours de bout en bout de 1h01 à Berne, Bienne et Zurich, Zurich et Saint- 48 min, ce qui est compatible avec une Sommaire Gall, pour obtenir des temps de trajet mul- exploitation cadencée aux 2 heures avec tiples de 30 minutes. un seul autorail (à moyens humains L’étude du CEREMA pp. 2-3 Ce pilotage des investissements par et matériels constants). Sur Morlaix- Le rapport Gratadour p.4 l’horaire permet de réduire les coûts de Roscoff, menacée de fermeture, le Les guichets de petites gares p. 5 l’exploitation ultérieure malgré une fré- renouvellement de la voie (pour envi- La sauvegarde des emprises quence élevée de l’offre et, en particulier, ron 40 millions d’euros) permettrait de ferroviaires inutilisées p. 6 d’assurer la survie de petites lignes, dont ramener le temps de parcours de bout Nouvelles de quelques lignes les Régions redoutent à la fois les coûts de en bout de 47 à 22 min, ce qui rendrait régionales françaises p. 7 rénovation et d’exploitation. une cadence horaire possible avec un Réouverture de la ligne ferroviaire Les CFF ont réalisé de sensibles écono- seul autorail. italienne Merano-Malles p. 8 mies sur les coûts unitaires d’exploitation : Jean Sivardière

FNAUT infos n°257 - septembre 2017 x 1 Dossier

Les « petites » lignes ferroviaires : une étude du CEREMA

Gare de Paimpol, Côtes d’Armor (MD) Selon un rapport récent du CEREMA relatif aux « petites » lignes TER, « Dans (reconvertie à l’écartement standard), le monde rural, face à un mode routier très performant, la contribution pu- cette ligne à voie unique est exploitée par blique aux trains régionaux paraît élevée en raison de la faible densité de la la CFTA, filiale de Transdev. population desservie. Il subsiste cependant en France quelques lignes rurales Entreprise intégrée, sous-traitante de présentant des modèles économiques originaux, qui ont réussi à maintenir des la SNCF, la CFTA est chargée aussi de coûts bas et une fréquentation significative ». l’entretien et de la rénovation de l’infras- tructure. Ses méthodes économiques, L’étude Beauvais-KCW-Rail Concept de Les deux experts ont sélectionné trois héritées du réseau breton, sont adaptées 2012, présentée dans FNAUT Infos 208 et lignes de voyageurs qui appartiennent à au faible trafic de la ligne. 213, a concerné l’ensemble des lignes TER, SNCF Réseau, sont intégrées aux réseaux La réouverture complète de la ligne quel que soit leur potentiel de trafic. Elle TER de trois Régions différentes et sont après une longue période de rénovation a démontré, en se basant sur l’exemple du exploitées par trois opérateurs différents. est prévue en mai 2017. transport régional allemand, ouvert à la Elles desservent des territoires ruraux Ses deux sections nord (36 km) et sud concurrence régulée entre opérateurs (délé- aux caractéristiques comparables. (53 km) sont connectées à Guigamp à la gations de service public) depuis 1994, qu’il ligne principale Rennes-Brest. est possible d’exploiter les lignes TER à un Valençay-Salbris Ses 3 pôles urbains comptent environ coût inférieur de 30 % à celui de la SNCF. Située en Région Centre - Val-de- 7 000 habitants chacun et possèdent, au L’ouverture à la concurrence permet Loire, cette ligne dite du Blanc-Argent total, 14 collèges et lycées. d’engendrer un cercle vertueux spec- est à écartement métrique (FNAUT In- taculaire : hausse de la productivité de fos 189). Ligne à voie unique de 56 km Busseau-sur-Creuse - Felletin l’opérateur et innovations commerciales, qui traverse la Sologne, elle est exploi- Située en Limousin, cette antenne de baisse des coûts d’exploitation, augmen- tée en sous-traitance de la SNCF par 35 km de la ligne principale Limoges- tation des recettes, amélioration de l’offre, la Compagnie du Blanc-Argent (CBA), Guéret-Montluçon-Lyon n’a jamais fait diminution de la contribution publique. entreprise ferroviaire intégrée, filiale de partie des VFIL, elle est exploitée par Grâce à la concurrence, 500 km de lignes Keolis depuis 1999. la SNCF elle-même selon ses méthodes et 300 gares ont été rouvertes en Allemagne Pour des raisons historiques (elle est habituelles, donc sans prendre en compte depuis 2000, d’où un développement de issue des VFIL, Voies Ferrées d’Intérêt son faible trafic. l’emploi ferroviaire. Local), ses règles d’exploitation écono- Les deux générateurs de trafic sont miques, adaptées aux faibles trafics, sont Guéret, agglomération de 28 000 habi- L’étude du CEREMA différentes de celles usuellement appli- tants (préfecture de la Creuse), et Au- quées par la SNCF ; elle a été plusieurs busson, sous-préfecture (3 600 habitants Alexis Vernier et Bruno Meignien, fois amputée et sa fermeture a été évitée et 3 établissements scolaires). experts du CEREMA (Centre d’études de justesse en 1969. et d’expertise sur les risques, l’environ- Elle dessert 3 zones urbanisées : Romo- Les trafics nement, la mobilité et l’aménagement) rantin (agglomération de 27 000 habitants se sont intéressés plus spécialement qui possède 5 établissements scolaires), La ligne du Blanc-Argent est la plus aux lignes TER desservant des zones Salbris (sur la ligne Orléans-Vierzon) circulée des 3 lignes étudiées, avec rurales, donc à faible trafic potentiel et Gièvres (sur la transversale Tours- 8 allers-retours par jour ouvrable qui (www.infra-transports-materiaux. Vierzon-Bourges-Lyon). Les correspon- sont calés sur les rythmes scolaires des cerema.fr/IMG/pdf/1643w-_Rapport dances avec les grandes lignes sont assu- collèges et lycées de Romorantin, soit _petites_lignes.pdf). rées à Gièvres et Salbris. environ un train toutes les deux heures Le but de l’étude du CEREMA était dans chaque sens. de comparer les gestions, les coûts et Carhaix-Guigamp-Paimpol Sur Carhaix-Paimpol, on trouve en les niveaux de service de trois de ces Située en Bretagne (FNAUT Infos moyenne 5 allers-retours par jour. Sur « petites » lignes. 181) et seule survivante du réseau breton l’antenne Busseau-Felletin, il existe un seul aller-retour quotien, qui quitte Fel- letin à 6h46 et Guéret à 18h21. Logiquement, on trouve 25 voyageurs par train en moyenne sur le BA, 16 sur Carhaix-Paimpol et 13 seulement sur Busseau-Felletin (l’unique train quoti- dien circule pourtant en heure de pointe). La concurrence de l’autocar

La ligne du BA n’est concurrencée par aucun service d’autocar. Seule la ligne routière Saint-Brieuc - Paimpol concur- rence la ligne Guigamp-Paimpol, mais les territoires traversés sont différents. La ligne Busseau-Felletin est concurren- Présentation des trois lignes cée à la fois par des cars SNCF et dépar- ferroviaires étudiées (CEREMA 2014) tementaux Felletin-Guéret.

2 x FNAUT infos n°257 - septembre 2017 Dossier

Les méthodes d’exploitation pervers, cette intégration est au contraire souhaitable dans le cas de petites entre- Les lignes du BA et Carhaix-Paimpol prises ferroviaires, car elle diversifie les mis- sont assez bien séparées du réseau ferré sions à assurer et favorise la polyvalence du principal, la CBA et la CFTA en sont les personnel, comme on le vérifie en Suisse seuls exploitants, ce qui autorise des mé- où les lignes locales sont confiées à des en- thodes plus souples que celles de la SNCF, treprises cantonales intégrées. qui doivent s’appliquer à toutes les lignes du réseau. La sous-traitance leur laisse plus Le matériel roulant de liberté, du moment que les exigences de sécurité de l’EPSF (Etablissement public Des matériels légers (autocars sur rails) de sécurité ferroviaire) sont respectées. ont été utilisés autrefois avec succès sur cer- taines lignes VFIL, ainsi qu’en Allemagne Horaires et fréquences (Schienenbus). L’A2E ou « autorail économique à deux Les horaires des deux lignes sont établis essieux » (conçu pour la conduite à agent en fonction de la demande (correspondances seul) sur Carhaix-Paimpol entre 1990 Gare de Felletin, Creuse (MD) avec les trains de grandes lignes et desserte et 2006, et l’autorail X240 sur Valen- scolaire) et du temps nécessaire au train pour çay-Salbris entre 1983 et 2015, ont repris Enfin les coûts de maintenance de la voie faire un aller-retour sur chaque ligne. ce concept. y sont très inférieurs à ceux de SNCF In- Mais la SNCF a finalement renoncé à fra. L’excédent des péages par rapport aux L’utilisation de l’autocar l’A2E malgré les faibles coûts de mainte- coûts permettrait à RFF de financer leur nance du matériel et de la voie (en raison renouvellement. Sur les lignes TER expoitées par la SNCF, d’une faible masse à l’essieu), consomma- Le coût moyen du train x km (exploita- la pratique habituelle consiste à remplacer les tion d’énergie comparable à celle d’un car, tion + infrastructure) est de 20 euros pour trains par des cars aux heures creuses pour « moindre coût d’achat. le BA et Carhaix-Paimpol contre 100 pour faire des économies ». Mais cette pratique Busseau-Felletin. perturbe la clientèle, qui préfère toujours le Les arrêts facultatifs Le coût moyen par train x km, ou par train, et finit par la décourager. voyageur transporté, ne peut être abaissé Une fois le train acheté par l’exploitant, Seuls les principaux arrêts sont systé- qu’en augmentant le nombre de circula- celui-ci a donc intérêt à le faire tourner matiquement desservis. Si un passager tions, et non l’inverse. Bien entendu, le au maximum au lieu de ne l’utiliser que veut descendre à un arrêt facultatif, il le coût global augmente, mais pas linéaire- pour deux allers-retours par jour, comme signale au préalable au contrôleur. Cette ment, avec le nombre des circulations : le c’est le cas sur la ligne Morlaix-Roscoff technique, courante en Allemagne, est très rail est une activité à rendement croissant (FNAUT Infos 239). rarement utilisée par la SNCF (c’est le cas et à coûts fixes élevés, le premier train coûte Sur la ligne du Blanc-Argent, au sur la ligne Saint-Gervais - Vallorcine), cher (voie, gares, personnel), mais le coût contraire, des autocars sont affrétés en sus elle permet d’assurer une desserte fine du marginal des rotations suivantes est faible des trains aux heures de pointe pour satis- territoire et de gagner de la clientèle, sco- car, sur les petites lignes, elles n’induisent faire la très forte demande des scolaires, ce laire en particulier. pas d’investissements de capacité : les trains qui permet d’écrêter les pics de fréquenta- En général, la politique de la SNCF sont mieux remplis en heure de pointe, tion et d’optimiser l’utilisation du maté- consiste au contraire à réduire le nombre mais les utiliser aussi en heure creuse ne riel ferroviaire disponible, donc de faire de des arrêts en supprimant les arrêts ou haltes coûte pas très cher. « vraies » économies. les moins utilisés. Ainsi, contrairement aux idées reçues, les Deux conclusions du CEREMA semblent autocars sont plus utiles en heure de pointe La clientèle particulièrement utiles : qu’en heure creuse. - l’exploitation économique des « petites Sur le BA, 85 % des clients sont des lignes » ne permet pas de se passer de sub- Le personnel abonnés, principalement des scolaires et ventions publiques, mais elle ramène les des étudiants ; 33 % du trafic de la ligne déficits par voyageur dans des proportions La CBA et la CFTA comptent moins Carhaix-Paimpol est un trafic scolaire, le proches de la moyenne observée sur les ser- de 100 salariés. Cette structure légère est trafic touristique est notable (38 %) sur vices TER des lignes plus importantes ; adaptée aux attentes du marché local et des Guigamp-Paimpol. Sur l’antenne Bus- - la raison première du maintien des lignes collectivités, favorise la réactivité et limite seau-Felletin, concurrencée par les cars, les Carhaix-Paimpol et Valençay-Salbris est la les frais de structure. horaires ne conviennent ni aux scolaires, ni captation de clientèle, l’exploitation écono- Les agents de ces deux lignes exploitées aux navetteurs, ni aux touristes. mique n’étant que le moyen de la satisfaire en affermage sont polyvalents. A la CBA, à moindre coût. par exemple, un conducteur de train peut Le bilan financier vendre des billets, assurer un petit entretien Selon le CEREMA, l’exploitation écono- du matériel ou conduire un car sur d’autres Les chiffres avancés par le CEREMA mique s’est peu répandue en France pour lignes. Cette polyvalence facilite les roule- résultent parfois de calculs, qui ont pu être deux raisons : ments des personnels, ainsi que la gestion confrontés à des chiffres connus. - la SNCF ne souhaite pas étudier de nou- des congés et des périodes de crise. Les méthodes économiques utilisées sur velles modalités d’exploitation supposant le BA et Carhaix-Paimpol font que les coûts polyvalence du personnel et convention L’intégration infra-exploitation au train x km y sont nettement plus faibles collective plus souple (elle s’est fortement que sur Busseau-Felletin : 9 euros par train opposée à l’idée du matériel léger soutenue Un point important est à relever : si, x km contre 22 (6 euros sur Carhaix-Paim- par la FNAUT dans les années 1980) ; d’une manière générale, l’intégration de la pol si l’A2E était encore en service). Hors - les flux financiers actuels font que gestion de l’infrastructure et de l’exploita- péages, le taux de couverture des coûts par l’exploitation économique n’apporte tion du réseau entraîne chez les exploitants les recettes est de 8 % sur Busseau-Felletin, aucun gain visible, ni à l’exploitant, ni aux historiques nationaux de nombreux effets 22 % sur les deux autres lignes. financeurs publics.

FNAUT infos n°257 - septembre 2017 x 3 Dossier Le créneau du train Le rapport Gradatour est sous-estimé

En 2007, Philippe Gratadour, X-Ponts alors en poste à la mission Stratégie du Les « petites » lignes ferroviaires ministère des transports, a rédigé un rapport, malheureusement non rendu pu- sont volontiers pointées du doigt pour blic mais que la FNAUT a pu consulter récemment, intitulé : « l’avenir des lignes leur coût élevé et leur trafic faible. Les ferroviaires peu circulées ». exemples des lignes Valençay-Salbris et Carhaix-Paimpol, analysés par le Une exploitation économique sur l’en- CEREMA puis comparés à celui de la ligne semble du réseau UIC 7 à 9 apporterait au SNCF Busseau-Felletin, montrent cepen- contraire une réduction annuelle des coûts dant qu’il est possible de conjuguer supérieure à 330 millions permettant, en baisse des coûts de production et hausse moins de 30 ans, un renouvellement com- des trafics et des recettes, et d’assurer plet de l’infrastructure. ainsi la pérennité de ces petites lignes. Pour appuyer sa thèse, M. Gratadour Les subventions publiques restent citait, outre celui de Carhaix-Guigamp- indispensables quel que soit l’exploi- Paimpol, l’exemple de l’Allemagne et ce- tant, mais elles peuvent être dimi- lui, moins connu, de l’Ecosse (la situation nuées spectaculairement. Les prin- est analogue au Pays de Galles). cipaux leviers d’efficacité mis en Gare de Pont-Remy, Somme (MD) évidence par le CEREMA résident dans L’exemple de l’Allemagne une meilleure adaptation du référen- La tentation du transfert tiel de SNCF-Réseau aux petites lignes, sur route « En Allemagne, les services régionaux, une optimisation des moyens maté- de compétence des Länder depuis 1994, riels et humains et la captation de Les lignes peu circulées (UIC 7 à 9) tota- sont mis en concurrence. Alors que la trafics spécifiques selon le contexte lisaient environ 13 600 km à l’époque, soit Deutsche Bahn reste l’opérateur domi- local, notamment les scolaires et les 46 % du réseau, et supportaient 6 % du tra- nant, il en est résulté une baisse sensible touristes, grâce à une adaptation des fic. Comme le notait déjà le rapport Rivier des coûts et un développement des services horaires aux besoins. On peut envisa- de 2005, ce kilométrage est particulièrement (+20 %) et de la fréquentation (+30 %). ger aussi la sortie de la ligne du réseau important en France, en comparaison de pays Des mesures d’optimisation (cadence- ferré national et son transfert à la comme la Suisse, l’Italie ou l’Espagne : « il y a ment, conduite à agent seul,...) ayant déjà Région, et la mise en concurrence des donc lieu de s’interroger sur la pertinence du été engagées par la Deutsche Bahn aupa- opérateurs. maintien d’un trafic très faible sur un système ravant, les coûts sont très sensiblement La lourde structure de la SNCF et ses conçu pour le transport de masse ». plus faibles qu’en France. procédures trop uniformes de main- La fréquentation du TER est très variable Pour une offre sensiblement équivalente tenance de la voie sont inadaptées à selon les Régions, tant en volume global que de l’ordre de 23,5 millions de trains x km, le ces lignes dont le faible trafic ne peut ramenée à la population, à la superficie ou au budget 2007 du Schleswig-Holstein était de absorber des coûts fixes importants. train. L’équilibre financier est difficile à assu- 150 millions d’euros (6,4 euros/train x km) Ses pratiques commerciales sont ineffi- rer car, comme en transport urbain, le taux de contre 316 millions (13,5 euros/train x km) caces pour répondre de manière satis- remplissage des trains, structurellement faible en Rhône-Alpes ! faisante aux besoins locaux. L’absence en moyenne, varie beaucoup en cours de jour- Les services train et autocar sont géné- de polyvalence nécessite un personnel née et d’année, les flux sont dissymétriques et ralement coordonnés, les autocars venant important, régi par des règles natio- le matériel doit être dimensionné pour encais- en rabattement et en maillage de desserte, nales coûteuses. A l’opposé de la pra- ser les pointes de trafic. comme en Suisse et dans de nombreux tique actuelle de la SNCF, le matériel Ce sont les lignes TER à fort trafic qui gé- autres pays. doit tourner sans cesse en cours de nèrent les plus gros déficits. Mais, comme le Les opérateurs privés ont mis en place journée, des renforts en période de remplissage d’un train va de 26 voyageurs en des structures plus légères (autour de pointe pouvant être assurés en autocar Limousin à 91 pour la Picardie, c’est évidem- 100 employés), proches du terrain, avec sur tout ou partie du parcours. ment le Limousin, qui possède beaucoup de notamment du personnel polyvalent, Les conclusions de deux études indé- lignes peu circulées, qui a le budget par voya- du matériel adapté et un marketing de pendantes - l’étude Beauvais-KCW-Rail geur x km le plus élevé. La part de l’infrastruc- proximité. » Concept de 2012 relative à la gestion ture dans le coût d’une ligne est d’autant plus de l’ensemble des trains TER, et l’étude fort que la ligne est peu circulée. L’exemple du Royaume-Uni du CEREMA focalisée sur l’exploitation des « petites » lignes - confortent donc Une orientation illusoire « Le Royaume-Uni a des lignes peu les affirmations de la FNAUT concer- circulées dans des régions très faible- nant les lignes TER, et en particulier les Quand on lit les rapports de la Cour des ment peuplées comme les Highlands en « petites » lignes : comptes, on a effectivement l’impression que Écosse. Il considère que du fait de l’atta- - contrairement aux idées reçues, ces supprimer ces « petites » lignes résoudrait tous chement des populations à ces lignes, leur lignes sont très utiles ; les problèmes financiers du système ferroviaire. fermeture n’est pas envisageable, mais - elles peuvent être maintenues en acti- Or, comme le remarquait Philippe Grata- que par contre, il faut travailler à réduire vité à un coût acceptable par les Régions ; dour, ces lignes ne représentent qu’une faible les coûts et à développer les recettes, - avant d’envisager un transfert sur fraction du coût total du TER pour l’Etat et les notamment en impliquant les popula- route, qui constitue une solution de Régions, environ 13 % (872 millions d’euros tions locales à travers les Community facilité à courte vue, la gestion d’une en 2007 sur 6 693) : compte-tenu des coûts line partnerships. ligne TER doit d’abord être adaptée, et d’exploitation de l’autocar, il estimait que l’éco- Les services ferroviaires sont exploités encadrée par un Cahier des Charges nomie réalisée en fermant au trafic voyageurs par des opérateurs privés mis en concur- défini par la Région, après consultation les 3 000 km de lignes supportant moins de 10 rence. Des méthodes d’exploitation très des associations d’usagers. trains par jour ne serait que de 127 millions si simplifiées ont été développées, permettant Dominique Romann, FNAUT Pays de la Loire on devait y maintenir le trafic de fret. de baisser très sensiblement les coûts. » et Jean Sivardière, vice-pdt de la FNAUT

4 x FNAUT infos n°257 - septembre 2017 Dossier Guichet des « petites » gares : on ferme ?

Guichet de la gare de Bessèges, Gard, fermée depuis octobre 2012 (MD)

La vente des titres de transport SNCF par internet se développe vigoureusement : La gare, pôle multimodal Voyages SNCF est devenu un des plus importants sites commerciaux de France. L’achat peut en effet être réalisé par le voyageur depuis son domicile ou son lieu de En réalité, la meilleure formule consiste à travail, sans déplacement obligé à une gare et sans attente à un guichet. Les jeunes mieux valoriser les gares existantes, à élargir générations se sont rapidement approprié cette possibilité. leurs fonctions en y développant l’intermo- dalité et les atouts liés à leur fréquentation et Il en résulte une baisse des recettes des ou halte en distributeurs fixes. Leur coût à leurs espaces disponibles - ce qui passe par guichets, dans les grandes gares comme dans de fonctionnement est faible et leur main- de nouveaux partenariats entre la collectivité les plus modestes. Toujours à la recherche tenance est possible pendant les opérations locale, la Région et la SNCF. d’économies, la SNCF est donc amenée d’entretien du train. La question se pose en particulier pour les à réduire le nombre des guichets et/ou des Sinon, ils présentent les mêmes inconvé- petites villes, de quelques milliers à 30 000 ha- heures d’ouverture afin d’abaisser ses coûts nients techniques que les distributeurs fixes. bitants, où des programmes innovants sont à de fonctionnement. Elle restructure son Ils sont peu utiles si un contrôleur est pré- inventer ou à mettre en œuvre. réseau de vente sans concertation avec les sent à bord du train. La Région, gestionnaire des TER ferro- collectivités locales ou les usagers. viaires et routiers et, dorénavant, des services On observe alors une augmentation des l Les guichets de substitution d’autocars « ex-départementaux », doit déve- temps d’attente aux guichets maintenus, une Ils peuvent être implantés dans une mai- lopper cette fonction de pôle multimodal des inadéquation des heures d’ouverture et des rie, un office de tourisme, un pôle multi-ser- gares avec l’appui de la collectivité locale : en heures de passage des trains, et des difficul- vices, un commerce local. vendant tous les types de billets de train et tés d’achat pour les voyageurs qui ne maî- Ils permettent de maintenir un service d’autocar, en louant des vélos ordinaires ou à trisent pas les nouvelles technologies. public de proximité et sont accessibles assistance électrique, en assurant des services Par ailleurs, dans certaines gares, l’agent à la plupart des voyageurs : âgés, mal- de taxis, de covoiturage et d’autopartage, en SNCF affecté à la sécurité n’a pas le droit, ou voyants, illettrés ou allergiques aux renseignant les voyageurs sur la localité et son le temps, de vendre des titres de transport. nouvelles technologies. offre touristique, en proposant des bureaux en Enfin les agents des guichets maintenus Mais ils doivent être financés par les com- location à des associations ou entreprises débu- consacrent une proportion importante de munes, n’acceptent pas certains moyens de tantes, des commerces utiles aux voyageurs et leur temps à traiter les problèmes qu’ont paiement (bons de retard), ne fournissent des services adaptés (crèches, mise à disposi- rencontré les internautes lors de leurs achats. pas les billets de congés annuels. Leur com- tion de colis commandés par internet…). pétence en matière d’information est limitée Comment remplacer (itinéraires, tarification, service après-vente). les guichets de gares ? La solution de proximité Quatre possibilités sont offertes pour remplacer les guichets des petites gares. Le guichet de substitution est, parmi les quatre solutions décrites ci-dessus, celle qui l Les distributeurs automatiques est la plus conforme aux intérêts des voya- Ils sont disponibles à toute heure et leur geurs, il évite aussi le sentiment d’abandon coût de fonctionnement est faible. que ressentent les populations concernées. Mais leurs dysfonctionnements sont assez Mais, pour que cette formule soit un suc- fréquents et les services de maintenance in- cès, bien des conditions doivent être satis- terviennent tardivement. Seules les espèces faites : formation du personnel, participation et les cartes bancaires sont acceptées. Les financière de la SNCF et de la Région, flé- personnes mal-voyantes ont du mal à les uti- chage du local depuis la gare, abri en gare et Distributeur automatique (MD) liser. On ne trouve pas de distributeurs de liaison possible avec un agent SNCF entre billets Grandes lignes dans les petites gares. le premier et le dernier train de la journée... La SNCF, qui affiche son ambition de deve- Enfin le distributeur n’offre ni informations, Si la commune ne reprend pas le gui- nir un opérateur global de mobilité, a son rôle ni conseils, ni service après-vente. chet et si la Région choisit de maintenir un à jouer. De même que la Poste diversifie ses contrôleur à bord de chaque train, celui-ci activités, elle peut diversifier les tâches de son l L’achat auprès du contrôleur doit disposer d’un appareil permettant de personnel et les fonctions de son patrimoine Le contrôleur, s’il est prévu dans le train, délivrer un billet pour tous les voyages régio- pour renforcer l’attrait des déplacements en est accessible à tous les voyageurs et peut les naux, interrégionaux et nationaux, et dispo- train. Gares et Connexions a déjà pris des ini- informer et les conseiller. sant de tous les tarifs en vigueur et acceptant tiatives en ce sens en recherchant des proposi- Mais il est difficile de le trouver les tous les moyens de paiement. tions d’aménagement et d’animation d’espaces jours d’affluence et il n’accepte pas cer- Si la Région choisit de supprimer les vacants dans des gares de taille moyenne en tains moyens de paiement (par exemple les contrôleurs, un distributeur doit impérati- Aquitaine (http://alpc.opengare.com/). chèques vacances). Sa présence dans le train vement être installé dans chaque train ou à Certaines gares situées en milieu rural sont n’est pas garantie à long terme car les Ré- chaque point d’arrêt, équipé d’un système éloignées des villages et des bourgs. Dans ces gions recherchent des économies. d’alerte des dysfonctionnements pour per- cas, il vaut mieux, bien entendu, reporter les mettre un dépannage rapide (en 48 h maxi- services à la mairie ou à l’office de tourisme l Les distributeurs embarqués mum), accepter le paiement par le maximum afin d’être au plus près des habitants. Ils sont disponibles à toute heure, coûtent de possibilités et être sonorisé pour les per- J-F Martinet, Dominique Romann, moins cher que l’équipement de chaque gare sonnes mal voyantes. Christiane Dupart, Michel Lamy, J-F Hogu

FNAUT infos n°257 - septembre 2017 x 5 Dossier La sauvegarde des emprises Auray-Quiberon ferroviaires inutilisées

Fermeture La réaction de la FNAUT

La fermeture d’une ligne (au sens juri- A la suite des nombreuses actions dique) intervient, le plus souvent, de lon- contentieuses lancées par la FNAUT gues années après l’arrêt du trafic (fermeture (FNAUT Infos 148, 159, 164, 186, 191, de la ligne au sens commun). La fermeture 239), SNCF Réseau sollicite dorénavant consacre juridiquement la désaffectation de les associations de la FNAUT afin de la ligne à tout trafic ferroviaire, voyageurs et recueillir leurs avis quand la fermeture Gare de Plouharnel-Carnac, Morbihan (MD) fret, et autorise la dépose de la voie. d’une ligne est envisagée. Cette désaffectation juridique conduit Ces consultations, facultatives, ne La desserte estivale du train Auray-Qui- toujours à une nouvelle affectation de la sont pas prévues pas les textes actuels. beron dit « tire-bouchon » est embléma- voie ferrée (route, voie verte, construc- Le Bureau de la FNAUT a donc été tique du retard français et de l’incapacité tions…) sur laquelle il sera toujours très amené à fixer des critères d’acceptabi- à mettre en oeuvre des solutions efficaces difficile de revenir, non seulement tech- lité des fermetures. de desserte par transport collectif. niquement, mais également socialement Si la ligne menacée de fermeture ne Si la presqu’ile de Quiberon était située et politiquement (on n’a jamais fermé de présente aucun potentiel prévisible de en Suisse, son accès automobile serait in- voie verte). trafic voyageurs ou fret notable dans les terdit aux non-résidents comme celui de Il n’est jamais arrivé qu’une ligne fer- décennies à venir, ou si elle ne permet Zermatt. Si elle était en Italie, ce serait une mée (juridiquement) soit rouverte au trafic. pas de renforcer le maillage du réseau ZTL (zone à trafic limité). Si elle était en Toutes les réouvertures intervenues (ou en ferré, la FNAUT peut donner un avis Scandinavie, il y aurait un péage à l’isthme projet) concernent des lignes sur lesquelles favorable à sa fermeture. Dans le cas de Penthièvre. Si elle était en Allemagne, le trafic voyageur, ou tout trafic, avait ces- contraire, elle demande que trois condi- la ligne Auray-Quiberon serait exploitée sé pendant une période variable, mais ces tions soient respectées. par train-tramway. Malheureusement, la lignes n’étaient pas juridiquement fermées. SNCF Réseau doit s’engager à ce presqu’île est en France... que la fermeture ne soit pas suivie d’un Il faut renouveler la voie ferrée Auray- Déclassement transfert de propriété. Seule la gestion Quiberon et la prolonger, sur 1 km environ, de l’emprise doit être transférée à son jusqu’à l’embarcadère de Port Maria pour Le déclassement autorise la sortie du do- nouvel utilisateur ainsi que les charges offrir une liaison sans rupture de charge maine public de SNCF Réseau, l’emprise de son entretien. d’Auray jusqu’au quai d’embarquement n’est plus alors inaliénable, elle peut être Cet engagement doit concerner la pour les îles (Belle-Ile, Houat, Hoedic). Une librement vendue. totalité l’emprise concernée afin d’éviter desserte multimodale de la presqu’île Le déclassement n’est pas la vente, il toute interruption du linéaire. articulant parking, desserte ferroviaire et l’autorise seulement ; la vente intervient Enfin l’aménagement prévu sur l’em- desserte fine par autocar est nécessaire. ensuite. Mais un déclassement est tou- prise ferroviaire doit être réversible. Cette Pierre-Henri Emangard jours prononcé dans le but de permettre condition exclue l’implantation d’une une vente déjà très sérieusement envisagée voirie routière ou des aménagements in- La mise en service de la LGV Le Mans - avant même la fermeture. dustriels, commerciaux, agricoles ou im- Rennes, qui met Auray à 2h30 de Paris, est Le plus souvent, la fermeture est pro- mobiliers, mais elle est compatible avec la pour les élus bretons l’occasion de déve- noncée dans le but d’une dépose de la voie, création d’une véloroute. lopper le tourisme. Quiberon est actuelle- d’un déclassement, puis d’une vente, les La FNAUT a signé une convention ment relié (depuis 1985) à Auray, pendant trois s’enchaînent relativement rapidement, avec les collectivités territoriales concer- les mois de juillet et août ainsi que cer- même si ce n’est pas une obligation. Il arrive nées par la fermeture de la ligne Vitré- tains week-ends de juin et septembre, par parfois que ces quatre étapes (fermeture de Fougères, garantissant la réversibilité des 10 allers-retours quotidiens du tire-bou- la ligne, dépose de la voie, déclassement, aménagements de la voie verte souhaitée chon en 45 minutes avec 5 arrêts inter- vente) soient dissociées. par les élus : cet exemple de bonne pra- médiaires et, toute l’année, par la ligne 1 Xavier Braud tique pourrait être généralisé. du réseau des cars TIM (transports interur- bains du Morbihan) qui assure une des- serte plus fine en 1h15. Mais la voie ferrée (27 km) vieillit et sera inexploitable dans 5 à 10 ans, et la circulation automobile aug- mente. Seule la gare de Plouharnel-Car- nac permet le croisement des trains.

Deux scénarios sont à l’étude : - une rénovation de la ligne (à voie unique), un investissement de 22 millions d’euros (800 000 euros/km) et une exploi- tation toute l’année ; - la conversion de la voie ferrée en voie routière pour un coût de 54 millions d’eu- ros, et l’utilisation de bus électriques entre Auray et le port de Quiberon. Une solution plus « innovante », mais plus coûteuse, moins sûre, moins capacitaire, moins Fin de ligne en gare de Rolleville, Seine-Maritime (MD) confortable...

6 x FNAUT infos n°257 - septembre 2017 Dossier

Le succès du réseau corse : - le trafic est passé de 701 000 voya- rails SY seront remplacés par des rames un exemple à suivre geurs annuels à 1,2 million, soit une CAF acquises d’occasion à Majorque ; hausse de 71 % ; 26,5 millions seront attribués à l’amé- En 2011, lors du renouvellement de - le nombre des voyageurs x km a pro- lioration de la desserte de banlieue la délégation de service public (DSP) gressé de 35 %, du fait d’une offre prin- Nice-Colomars, dont le cadencement attribuée en 2001 à la SNCF, cette der- cipalement concentrée sur le périurbain sera porté à 15 minutes en 2020. nière proposait un devis à 51,2 millions de Bastia et Ajaccio et l’antenne de la Une 3ème ligne du tramway de Nice d’euros par an, plus de deux fois plus Balagne (le trafic a triplé à Ajaccio) ; (7 km dont 3,3 km en tronc commun élevé que les estimations initiales de la - les recettes ont progressé de 30 % ; avec la 2ème) sera ouverte en 2020, elle Collectivité territoriale corse (CTC), - la contribution annuelle de la Collec- desservira la gare CP de Lingostière. autorité organisatrice. tivité corse est restée globalement stable Sur le territoire de la métropole, une Les élus corses ont alors décidé de autour de 20 millions d’euros ; tarification unifiée CP + transports ne plus exploiter le réseau (qui compte - la contribution annuelle par voyageur urbains + cars du réseau Lignes d’Azur 232 km de voies) en DSP et d’en re- est passée de 29,1 à 17 euros, soit une sera instaurée. Cette mesure, réclamée prendre directement la gestion par baisse de 71 %, équivalente à la hausse du depuis 30 ans par le GECP (Groupe- l’intermédiaire d’une Société anonyme trafic ! ment pour l’étude des Chemins de Fer d’économie mixte locale détenue en Selon Jean-Baptiste Bartoli, directeur de Provence, membre de la FNAUT), commun avec les deux agglomérations général des CFC, « pour les pendulaires amorcera la fin d’une concurrence train- et les Chambres de Commerce de Bastia comme pour les touristes, le train est de- autocar stérile pour les usagers et coû- et Ajaccio. La SNCF ne détient plus que venu une véritable alternative à la voiture teuse pour le contribuable. 15 % du capital de la société mais assure individuelle sur l’intégralité du territoire En 2016, le trafic a été interrompu à une assistance technique. corse et à la portée de tous ». plusieurs reprises entre Annot et Digne Les gares principales (Ajaccio, Bas- en raison de travaux et d’incidents géo- tia, Corte, Calvi), les gares secondaires, La ligne Nice-Digne logiques. Cependant, et malgré l’atten- les haltes et leurs accès ont été réno- tat du 14 juillet à Nice, la fréquentation vés. Quatre nouvelles haltes ont été créées La ligne à voie métrique des Chemins a atteint 438 000 voyageurs (+ 6,6 %) : en périphérie des grandes villes. Le maté- de fer de Provence Nice-Digne (151 km) le trafic longue distance a diminué mais riel roulant a été renouvelé (12 autorails est encore propriété de l’Etat (FNAUT le trafic suburbain a augmenté. La ponc- AMG 800 ont été achetés au constructeur Infos 189). Longtemps exploitée par une tualité est satisfaisante (un point de croi- CAF). La tarification a été adaptée pour filiale de Veolia dans le cadre d’une DSP, sement a été rétabli à Saint-Martin-du- encourager les déplacements des salariés elle l’est, depuis 2014, par la Régie Régio- Var) : 91 % des trains longue distance et par des abonnements mensuels incitatifs. nale des Transports de la Région PACA. 93 % des trains suburbains ont moins de Après 5 ans de nouvelle exploitation des Le coût du km x train est de 18 euros. 5 min de retard, un taux très supérieur à Chemins de Fer Corses (le contrat passé Christian Estrosi, alors président celui (82 à 85 %) des TER desservant la avec la CTC couvre la période 2012- du Conseil régional, a confirmé que région niçoise. 2021), les résultats sont sans appel si on 59,5 millions d’euros seraient bien Mais la Région s’apprête à démanteler les compare aux résultats du TER sur le consacrés à la ligne, dans le cadre du la ligne Digne - Saint-Auban, débouché continent : Contrat de plan Etat-Région, par ferroviaire sur le Val de Durance dont - l’offre a été densifiée de 30 % (en par- l’Etat, la Région, les deux départe- la réouverture permettrait de rétablir les ticulier entre Ajaccio et Bastia), passant ments concernés et la métropole de liaisons TER vers Grenoble/Genève sup- de 771 000 km x trains à un million ; Nice - Côte d’Azur. Des protections primées en 1989 et d’en créer vers Avi- - le coût du km x train est passé de 30 hydrauliques, des parois rocheuses et gnon TGV. Tout espoir de voir un trafic à 27 euros (une valeur en baisse mais qui des tunnels seront consolidés, les quais de transit utiliser les CP disparaîtrait, ce reste en gros deux fois plus élevée que des gares seront mis aux normes et tous qui confinerait définitivement la ligne à celle qui est observée en Suisse) ; les aiguillages seront changés ; les auto- un rôle de desserte purement locale. La ligne du col de Tende (230 000 habitants) et la Principauté de breux entre Vintimille et Cuneo, cofi- Monaco. Historiquement, ces régions nancés avec la Région PACA ? ont toujours été très liées entre elles, ce Des cheminots, historiens, associa- qui entraîne des flux économiques et tions et usagers ont rassemblé leurs humains conséquents. connaissances dans un Livre Blanc qui La réouverture en 1979 de la voie peut être téléchargé à partir du lien : ferrée de la vallée de la Roya, coupée http://www.ecomusee-breil.fr/Livre- depuis la guerre, avait donc suscité de Blanc27-04-2017.pdf grands espoirs. D’autant que le rail dis- Il renferme une partie historique, pose de beaucoup d’atouts sur cet axe, puis une présentation de la situation où aucune liaison routière ou aérienne actuelle de la ligne (sous la responsa- performante ne vient le concurrencer. bilité des deux corédacteurs Michel Pourtant, même si des travaux vont Braun et Michel Bouchard) et enfin de Gare de Breil, Alpes-Maritimes (MD) être engagés, la coopération franco- nombreuses contributions, dont celle italienne n’avance qu’à petits pas, la de la FNAUT. La ligne internationale reliant Nice et réécriture de la convention de 1970 Les auteurs mettent en avant le Vintimille (Ventimiglia) à Coni (Cuneo) est en panne et le retour de trains di- nombre excessif d’intervenants (SNCF vit actuellement des moments difficiles rects entre Nice et Turin n’est pas pour Réseau, RFI, SNCF Mobilité, les Régions et contrastés. Elle relie pourtant des demain. Piémont, PACA et Ligurie, les deux bassins économiques et humains im- Peut-on espérer un minimum rai- Etats). Ils plaident pour une gestion portants : le Piémont (4,5 millions d’ha- sonnable pour mai 2018 : le retour de décentralisée et unifiée de l’infrastruc- bitants), la Provence-Alpes-Côte-d’Azur la vitesse de 80 km/h sur une partie de ture et de l’exploitation des trains sur (5 millions), la province ligure d’Imperia la ligne et des trains italiens plus nom- l’ensemble de l’étoile de Breil.

FNAUT infos n°257 - septembre 2017 x 7 Dossier

La réouverture de la ligne italienne Comment faire fuir la clientèle Merano-Malles des petites lignes Plusieurs techniques simples sont utili- sées de longue date par la SNCF. RegioExpress en transit à Mariengo (Trenomania.org) L’augmentation des temps de par- cours. Sur Clermont – Saint-Etienne, la Cette ligne de 60 km située dans le Sud Tyrol italien (Val Venosta ou Vinschgau) a durée du parcours de bout en bout est été fermée en 1991 par les Chemins de fer de l’Etat italien (FS) avec une argumenta- passée de 1 h 53 min (hiver 2004-2005), à tion que nous entendons souvent en France (manque de fréquentation, pas d’ave- 2 h 38 min juste avant la fermeture de la nir, coût d’entretien trop élevé…). Elle offrait alors une desserte squelettique de ligne, fin mai 2016. 4 ou 5 allers-retours quotidiens comme sur nombre de lignes régionales françaises. Les horaires dissuasifs. Lors des der- niers services, il n’y avait plus qu’un aller-re- La ligne a été rouverte en 2005 grâce à la pu- Belfort-Delle (certes avec une électrification tour (AR) entre Clermont et Le Mont-Dore. gnacité des collectivités locales qui ont su gar- mais sans le matériel roulant) coûtera 110 mil- Le train partait de Clermont à 13h08, arri- der le cap malgré les habituelles oppositions : lions. Cherchez l’erreur … vait au Mont-Dore à 14h37 pour en repartir « trop cher, personne n’utilisera le train, tout le Et le coût d’exploitation est de l’ordre de 7 guère plus d’une heure plus tard, à 15h41 ! monde a une voiture… ». Elle est exploitée par à 8 euros du km (contre 20 euros ou plus en L’occultation de l’itinéraire direct au l’opérateur privé STA Bolzano. France) et 12 à 13 euros avec l’amortissement profit d’un itinéraire détourné plus coû- du matériel. Il s’agit d’une réalisation moderne, teux impliquant l’utilisation d’un TGV. rationnelle et très automatisée, pour la com- Aussi bien aux guichets que sur le site mercialisation (distributeur dans les gares) internet de la SNCF, la relation Clermont – comme pour l’exploitation (commande cen- Nîmes est conseillée via Lyon et les TGV de tralisée de l’ensemble de la ligne, conduite à la vallée du Rhône plutôt que par le Céve- agent seul…). nol qui, lui, assure une relation directe. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est L’instauration d’une ou plusieurs qu’il ne s’agit pas d’un exemple suisse pour correspondance(s) venant dégrader lequel l’on pourrait objecter que les densités une relation antérieurement directe. de populations sont sans comparaison avec la C’est le cas des relations entre d’une (Trenoaltoadige.bz.it) démographie française et que l’approche cultu- part Paris et d’autre part Marseille, Bé- relle est différente. Ici nous sommes en Italie, ziers, Aurillac ou Le Mont-Dore. Dans le D’emblée, c’est une offre ambitieuse à la dans une région rurale, avec des localités d’une premier cas, une correspondance sup- suisse qui a été mise en place (un train par importance proche de celles rencontrées sur la plémentaire a été instaurée par limita- heure toute la journée de 5h à 23h), renforcée ligne francomtoise Besançon - Le Locle dite tion du Cévenol à Nîmes. par un deuxième train semi-direct dans l’heure ligne des Horlogers. A noter que la photo a été Les transferts sur route des relations à certains moments de la journée. prise en heure creuse... ferroviaires. Sur Clermont – Le Mont- Et c’est le succès : 1 million de voyageurs en Patrick Real, vice-président Dore, on est passé des 3 AR en train qui 2005, 2,7 millions en 2010 soit environ 7000 de la FNAUT Franche-Comté subsistaient au service d’hiver 2011- voyageurs par jour ! 2012 à un seul en décembre 2014, puis à Le succès de cette réouverture est tel que le zéro en novembre 2015 (fermeture de la financement de l’électrification de la ligne et de ligne) ; sur Clermont – Saint-Etienne, on l’achat de rames électriques plus capacitaires est passé de 5 AR en train, peu avant la viennent d’être décidés. Le matériel thermique récente fermeture, à un seul. actuellement utilisé, moderne et performant, Pierre Pommarel, Philippe Valériano, AUTA, de type GTW Stadler (10 rames), va donc être Ass. des usagers des transports d’Auvergne revendu dès 2018. Remarquable aussi a été le coût de la remise Sur Lille-Metz, la SNCF impose des en état de l’infrastructure : 120 millions d’euros correspondances à Aulnoye, Hirson et pour 60 km, matériel roulant compris. Pour (Ferpress.it) Charleville : la relation est introuvable mémoire la réouverture des 23 km de la ligne sur son site internet. Mais la SNCF pro- pose une relation par TGV via Paris, trois fois plus coûteuse.... Gilles Laurent, président, Union des Voyageurs du Nord

FNAUT infos - Bulletin mensuel d’information Directeur de publication : Jean Sivardière Crédits photo : Marc Debrincat et Fabrice Michel pour la FNAUT CPPAP n° 0920 G 88319 - Dépôt légal n°257 ISSN 0983-172 X - Tirage : 1200 ex. Impression : R&M Studio - 51 Grand Rue - 86370 Vivonne Abonnement 10 numéros : Individuels : 19 b Administrations, sociétés, organismes, Étranger : 50 b Prix au numéro : 2 b Pour adhérer à la FNAUT ou à une association FNAUT de votre région, contacter notre permanence : 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris tél. : 01 43 35 02 83 fax : 01 43 35 14 06­ e-mail : [email protected] Internet : http://www.fnaut.fr

8 x FNAUT infos n°257 - septembre 2017 258 FNAUT infos octobre 2017 transport - consommation - environnement édition nationale

Bulletin de la Fédération­ Nationale des Associations d’Usagers des Transports

Pollution de l’air Comment réduire les temps Début juillet, le Conseil d’Etat a sévèrement de parcours des trains ? rappelé à l’ordre le gouvernement et l’a som- mé d’agir de manière décisive contre la pollu- tion de l’air dans le délai le plus court possible. Comme en matière de sécurité routière, les gouvernements précédents, craignant l’impo- pularité, se sont contentés de mesures timides et partielles alors que, selon l’agence Santé publique France, la pollution de l’air est impli- quée dans le décès prématuré de 48 000 per- sonnes par an en France et, selon le Sénat, coûte 100 milliards d’euros par an à la collectivité. L’expérience montre que le traitement des pics de pollution, la limitation de l’accès automobile à certaines zones urbaines, la limitation de la vitesse dans les centres et Rame Coradia Liner en gare de Chaumont (MD) sur les voiries périphériques, le covoiturage, la promotion (très coûteuse pour l’Etat) des Les voyageurs sont de plus en plus sensibles au prix et à la fréquence des véhicules électriques… ne suffisent pas. dessertes ferroviaires. Mais le temps de parcours reste un élément important Les mesures efficaces sont connues : c’est d’attractivité du train, comme le démontre la forte augmentation de la clien- un report modal des trafics routiers qui est tèle à chaque ouverture d’une LGV. La FNAUT a donc recensé les nombreuses indispensable. Il faut donc : améliorations qui pourraient être apportées aux paramètres les plus déter- - développer massivement les aménage- minants (règles d’exploitation et politique commerciale, matériels roulants, ments cyclables, les infrastructures et l’offre infrastructures) : leur optimisation permettrait une réduction significative de transports collectifs, et lancer le quatrième appel à projets de TCSP attendu depuis le des temps de parcours hors situations perturbées. Cette étude complète Grenelle de l’environnement ; l’expertise de Gérard Mathieu relative aux relèvements possibles des vitesses - ramener de 10 % à 5,5 % le taux de la TVA maximales sur le réseau classique (FNAUT Infos 244). sur les transports quotidiens ; Les assises de la mobilité - investir massivement dans la rénovation et l’extension du réseau ferré ; Une révision de la politique des transports transversale sud et le Lyon-Turin sont indis- - légaliser le péage urbain et l’instaurer rapi- ne doit pas se traduire par l’arrêt des investisse- pensables pour répondre aux évolutions démo- dement dans toutes les agglomérations où la ments nécessaires pour répondre aux besoins graphiques et protéger l’environnement. pollution de l’air dépasse régulièrement les croissants des usagers, éviter la congestion des normes autorisées par l’Union européenne. réseaux routier et ferré, réduire la pollution de l Introduire une concurrence régulée Une telle politique, qui peut être finan- l’air et maîtriser le climat. entre opérateurs ferroviaires cée par la fiscalité écologique, permettrait La qualité des services ferroviaires et une aussi de réduire la congestion routière, l Répondre aux besoins actuels... baisse de leurs coûts doivent être une exigence l’accidentologie, le bruit, les importations La priorité affichée aux trains de la vie quo- quotidienne que peut faciliter une mise en de pétrole, les émissions de carbone et les tidienne (les Intercités en font partie) exige des concurrence régulée des TER et Intercités dépenses publiques. efforts financiers supplémentaires de régénération sous forme de délégations de service public. La FNAUT demande au gouvernement et du réseau, mais aussi de ponctualité. Les événe- aux collectivités locales de prendre enfin au ments de l’été à Paris-Montparnasse ont démontré l Maîtriser les nouvelles mobilités sérieux la pollution de l’air en mettant fin à l’urgente nécessité de renforcer la robustesse des Les nouvelles mobilités doivent se dévelop- l’attentisme irresponsable et au bricolage services et la fiabilité de l’information voyageurs. per dans l’équité entre les modes de transport, dénoncés par le Conseil d’Etat : la santé de Les dessertes et fréquences des TER, Intercités qu’il s’agisse des conditions d’accès aux profes- millions de Français en dépend. et TGV doivent être étoffées : une stratégie de dé- sions et des exigences de formation, de la fisca- Bruno Gazeau, président de la FNAUT veloppement - et non de régression - doit être mise lité, de la contribution financière au fonction- en œuvre par la SNCF, à l’exemple d’Air France. nement des équipements publics et de l’équité Sommaire environnementale par application des principes l ... et aux besoins futurs « utilisateur-payeur » et « pollueur-payeur ». Dossier - Comment réduire les temps Il faut aussi anticiper les besoins futurs, donc Le développement des nouvelles mobilités ne de parcours des trains ? pp. 2-6 décider dès aujourd’hui les investissements doit pas être piloté uniquement par la recherche Comment afficher un réseau nécessaires et les programmer. Le 4e appel et le marché, il doit aussi être régulé par une de liaisons Intercités ? pp. 7-8 à projets de TCSP, une ligne nouvelle sur la complémentarité organisée de tous les modes.

FNAUT infos n°258 - octobre 2017 x 1 Dossier Relever les vitesses des trains sur le réseau classique

Ligne des Cévennes (MD)

Nous rappelons tout d’abord les conclusions de l’expertise de Gérard Mathieu Et les investissements seraient limités (pas de (mai 2016) : « Généraliser le 200/220 km/h aux grandes lignes du réseau suppression nécessaire des passages à niveau). classique : réalisme ou utopie ? » (FNAUT Infos 244 et 245). L’urgence est évidemment la suppression des zones de ralentissements afin de rétablir La généralisation du 200 km/h sur les Par contre des relèvements de vitesse moins les performances passées, puis de moderni- grandes lignes classiques, préconisée par cer- ambitieux sont possibles sur certaines lignes, ser les itinéraires sur lesquels des gains de tains responsables politiques, est une utopie : ne serait-ce qu’en visant le retour aux vitesses temps supplémentaires significatifs peuvent les possibilités sont rares et, de plus, dispersées pratiquées naguère mais réduites depuis lors être obtenus à tracé constant (cf. carte sur tout le réseau, sur des sections souvent très en raison de la dégradation des infrastruc- ci-dessous : les gains de temps indiqués sont courtes (17,6 km en moyenne) d’où des gains tures (voies, caténaires, ouvrages d’art …) et calculés par rapport au meilleur temps de de temps de l’ordre d’une minute par section. d’un niveau d’entretien ramené au minimum. parcours observé actuellement, compte non On ne saurait donc trouver là une alternative D’où des augmentations dissuasives des temps tenu des ralentissements éventuellement à la construction de nouvelles LGV ni même de parcours (une heure, soit + 29 %, sur Bor- intervenus depuis la fin de l’expertise). une offre intermédiaire entre Intercités et deaux-Nantes) entraînant des baisses souvent TGV. De plus de tels relèvements de vitesse drastiques du trafic et une réduction de l’offre L’expertise de Gérard Mathieu a été complé- impliqueraient de coûteux aménagements des pouvant mener à des fermetures. tée par une étude de la FNAUT pilotée par Jean infrastructures existantes : voie, signalisation, Or sur 50 km, un relèvement de la vitesse de Sivardière et Gérard Mathieu : nous présentons caténaires, suppression des passages à niveau, 60 à 120 km/h fait gagner 25 minutes ! De 100 dans la suite de ce dossier les autres possibilités le tout en maintenant l’exploitation commer- à 160 km/h : 22 minutes. De 120 à 160 km/h : offertes pour réduire la durée des parcours en ciale des lignes et installations concernées. 12 minutes. De 60 à 80 km/h : 12 minutes. train, dont certaines sont très peu coûteuses.

2 x FNAUT infos n°258 - octobre 2017 Dossier Optimiser les règles d’exploitation et la politique commerciale

Retendre les horaires Optimiser le nombre des arrêts perte de temps et un ensemble de contraintes génératrices de stress et de fatigue (crainte Les horaires des trains intègrent une marge L’arrêt d’un train dans une gare majore le de rater son train, guidage et surveillance des de régularité permettant de rattraper les aléas de temps de parcours de 3 à 8 minutes selon la enfants, cheminement dans une gare incon- l’exploitation : affluence exceptionnelle, incident vitesse autorisée en ligne et les caractéristiques nue, changements de niveau, transport de technique, attente de correspondance... Une de la gare. Il convient donc de s’interroger sur bagages…). Même facilitée au maximum, détente forfaitaire est donc incorporée dans la pertinence de certains arrêts et sur l’oppor- une correspondance est aussi mal ressentie l’horaire dit « à marche tendue », calculé sur la tunité de diversifier l’offre avec des trains qu’une majoration du temps de parcours de base des possibilités du matériel roulant et des omnibus et d’autres ne s’arrêtant que dans les l’ordre d’une heure ! caractéristiques de la ligne (tracé, profil...). villes les plus importantes. Les correspondances permettent de dif- La « marge de régularité » majore l’horaire à Dans le cas du TER Lyon-Grenoble, des fuser le trafic d’un train donné bien au-delà marche tendue de : services semi-directs (4 arrêts) alternent avec des seules gares desservies. Ce peut être un + 5 % pour les LGV soit + 9 min sur un trajet des omnibus (17 arrêts) d’où un gain de atout si la durée en est courte, les annonces Paris- Marseille (750 km) ; 39 min : 1h24 contre 2h03. et la signalétique claires et le cheminement + 4,5 min par 100 km pour les trains circulant Sur les lignes à voie unique, des TER limité, l’idéal étant la correspondance quai sur les lignes classiques. peuvent comporter plus ou moins d’arrêts à quai ; en cas de changement de quai, des Cette différence importante est justifiée par mais leur temps de parcours ne change pas en ascenseurs ou escalators doivent être pré- le caractère « protégé » de la circulation sur raison du cadencement. vus. L’allongement de la durée de vie conduit LGV, celles-ci étant beaucoup moins expo- progressivement à un vieillissement de la sées aux aléas que les lignes classiques qui Revoir la durée des arrêts population dont il faut absolument tenir acheminent indifféremment TGV, Intercités, compte si le train veut conserver la clientèle TER et trains de fret, et sont jalonnées de La durée de certains arrêts est excessive. La des seniors qui lui est assez naturellement gares et de bifurcations où peuvent survenir norme actuelle est de 3 min quelle que soit la attachée mais pourrait se retourner vers la des conflits de circulation. gare et l’importance du trafic, portée à 4 ou 5 voiture qui offre le porte-à-porte. Les pertes de temps engendrées par ces dé- min dans les plus grandes gares. Elle doit être tentes sont considérables : revue et adaptée à la réalité (heures creuses ou de Renforcer les fréquences - 19 min sur 420 km (Paris-Limoges ou pointe, volume des trafics échangés, caractéris- Paris-Clermont) ; tiques des matériels roulants, hauteur des quais). Si le voyageur est sensible au temps de par- - 32 min sur 713 km (Paris-Toulouse), Dans les années 1970, les TEE et IC, dont cours, il l’est tout autant à la densité de l’offre. Combien de km de LGV faut-il construire les accès (emmarchement haut) n’étaient L’idéal, sur les lignes interurbaines les plus pour gagner 30 minutes ? ! pourtant pas particulièrement aisés, ne s’arrê- fréquentées, est une fréquence horaire, voire Il serait opportun de s’interroger sur la rigi- taient que 1 min. à la demi-heure en pointe. dité de la marge sur les lignes classiques et de Une fréquence de desserte renforcée per- les adapter aux caractéristiques des lignes, à la Indiquer systématiquement met de réduire les temps d’attente en gare, et densité et à la nature de leurs trafics… le positionnement des voitures en particulier la durée des correspondances. D’ailleurs la SNCF applique ou a appliqué Encore faut-il que les cadencements respec- des détentes de seulement 3 min (soit une Le voyageur doit pouvoir se pré-position- tifs des trains Grandes Lignes et TER, ou différence de 11 min sur une relation Paris- ner sur le quai au droit des accès à la voiture des TER de régions différentes, ne soient pas Toulouse) dans le cas des trains dits « suivis », de son choix (1ère ou 2ème classe) ou dans décalés d’une heure (le cas est fréquent, voir faisant l’objet d’une attention particulière de laquelle il a réservé. C’est possible ( Japon) Paris-Genève et Bellegarde-Evian/Saint la part des postes de commandement gérant avec plusieurs types de matériels circulant sur Gervais) d’où des délais de correspondance les circulations. la même ligne et des trains automoteurs dont dissuasifs cumulant le décalage des caden- En outre, à ces marges de régularité viennent la composition peut néanmoins varier (une, cements (1h) et le temps de correspondance souvent s’ajouter des marges dites « commer- deux ou trois rames couplées). (10 ou 20 min). ciales » laissées à l’appréciation des horairistes dans l’objectif de permettre de rattraper encore Rendre la gare plus lisible Améliorer l’intermodalité plus facilement les retards. Or l’expérience montre qu’une augmenta- Par ailleurs, de par leur étendue et leur com- Le voyage en train ne constitue qu’une tion des détentes horaires se traduit rarement plexité, les grandes gares sont déroutantes pour partie du déplacement ; s’y ajoutent à par une amélioration de la régularité et a des les voyageurs. Leur plan doit être très lisible et chaque extrémité les parcours terminaux effets pervers, l’exploitant de terrain intégrant les cheminements libérés des obstacles qui les pour lesquels il est fait appel à d’autres plus ou moins consciemment l’idée que le encombrent trop souvent. La signalétique et les services : transports publics, taxi, voiture train dispose de marges suffisantes pour lui annonces doivent faciliter les cheminements, particulière, location... permettre d’absorber quelques minutes de tout particulièrement pour les personnes qui Il est donc important que le transporteur retard supplémentaires. les découvrent pour la première fois, et opti- principal prenne en compte les conditions et « Mes trains sont à l’heure parce que leur miser les flux de circulation. On peut ainsi la commodité d’accès aux différents modes marche est tendue » répondait le directeur gagner bien du temps en évitant déplacements utilisés pour les trajets terminaux (FNAUT d’une compagnie de chemin de fer à ses et bousculades de voyageurs recherchant « leur Infos 254). Il y a là un gisement très impor- collègues qui s’étonnaient de l’exactitude train » puis « leur » voiture. tant de gains de temps potentiels. Les logos de ses trains. A méditer. internationaux doivent être systématique- Pour certains TGV, une détente de moins Optimiser les correspondances ment utilisés dans les gares et les indications de 5 % par 100 km permettrait d’afficher des données au moins en français et en anglais temps de parcours vendeurs, par exemple 1h59 Une correspondance (FNAUT Infos 249) dans toutes les gares régulièrement fréquen- sur Bordeaux au lieu de 2h04. est ressentie par le voyageur comme une tées par des étrangers.

FNAUT infos n°258 - octobre 2017 x 3 Dossier Améliorer le matériel roulant Faciliter la conduite des trains Une aide à la conduite doit être apportée l Hauteur du plancher des véhicules et au conducteur afin de le dégager de la sur- largeur des accès veillance permanente de la vitesse, qui doit Les véhicules peuvent comporter un impérativement ne pas dépasser la limite plancher surbaissé dans leur partie cen- autorisée sur les différentes sections de trale. Inconvénient : la présence de déni- ligne empruntées. vellations intérieures franchissables par Or cette limite peut varier sur de très des marches ou, mieux, des rampes incli- courtes distances, ce qui nécessite une vigi- nées obtenues en plaçant les bogies sous lance particulière et incite souvent le conduc- l’intercirculation entre les voitures (rames teur à ne pas utiliser pleinement le potentiel « articulées »). de vitesse de la ligne. Un recours à des auto- Depuis juillet 2008, des normes PMR matismes lui permettrait de coller au plus visent à harmoniser l’accessibilité du près aux vitesses autorisées par le tracé. (MD) réseau ferroviaire européen. Différents Une automatisation totale est déjà effec- équipements permettent de remplir tout tive sur des réseaux urbains, mais la situa- Améliorer l’accessibilité du train ou partie de ces normes : rampe pliable tion est plus complexe sur des réseaux liée au véhicule (IC 2000 suisse), éléva- très maillés où les automatismes seront Une bonne accessibilité au train permet teur incorporé au véhicule (TGV Duplex), confrontés à des situations très différentes de réduire la durée nécessaire aux mon- comble-lacune (Regiolis). On notera que en ligne et dans les grandes gares. Les re- tées/descentes. Elle dépend de l’adéqua- Regiolis a été le premier train certifié cherches en cours permettent d’envisager tion du niveau du plancher du train et de 100 % accessible aux PMR. des automatisations partielles à moyen celui du quai, et de la largeur des portes terme et une automatisation totale à long d’accès du train. Des matériels plus performants terme. Il devrait en résulter des gains de temps, de capacité et de coûts, et une amé- l Hauteur des quais De fortes capacités d’accélération lioration sensible de la régularité. L’idéal est que le quai soit au même et de freinage font gagner du temps en niveau que le plancher des trains mais, ligne lors des variations de vitesse maxi- hérité d’un long passé, le réseau SNCF male exigées par le tracé ou les points Réduire la durée est équipé de quais de différentes hau- singuliers de la ligne et surtout lors des des manœuvres teurs (mesurées par rapport au plan de arrêts, ce qui est particulièrement intéres- roulement des rails). sant pour des TER assurant des dessertes Un rebroussement nécessite actuel- Quais bas : 38,5 cm (originellement à arrêts fréquents. lement 10 à 12 minutes (cas des TGV en même 30 cm, certains points d’arrêt ou Une motorisation suffisante est néces- gare de Marseille - Saint-Charles) ; c’est gares pouvant encore en être dotés). saire pour soutenir la vitesse maximale le temps alloué au conducteur pour se Quais mi-hauts : 55 cm. C’est la hau- autorisée par le tracé et le profil, en parti- rendre d’une extrémité à l’autre de son teur la plus répandue, les anciens quais bas culier dans les fortes rampes des lignes de train (400 m pour deux rames TGV cou- étant rehaussés à l’occasion des travaux de montagne (ce n’est pas le cas de tous les plées) et exécuter les procédures tech- rénovation des gares ou de renouvellement matériels actuels). niques et réglementaires. Un relais par de la voie. Des matériels aptes à des vitesses éle- un nouveau conducteur permettrait de Dans les deux cas, des emmarchements vées, 160 km/h voire 200/220 (Intercités), réduire ce temps à environ 3 minutes. sur les trains sont nécessaires pour per- sont nécessaires pour les lignes où ces vi- Les changements de locomotive (die- mettre de franchir la dénivellation entre le tesses peuvent être pratiquées. sel/électrique) sont de plus en plus rares plancher et le quai. Mais ils ralentissent les Le recours à des matériels automoteurs avec la multiplication des automoteurs montées/descentes et créent des difficul- présente de nombreux avantages : (dont les matériels bi-modes permet- tés pour les personnes âgées et à mobilité - des accélérations et décélérations plus tant de circuler sur des lignes électrifiées réduite (PMR). fortes (puissance massique plus élevée, ou non). Néanmoins, pour les change- L’accès aux personnes en fauteuil rou- motorisation répartie, adhérence accrue, ments de locomotive indispensables, lant nécessite, dans tous les cas (y compris distances de freinage plus courtes), per- un aménagement des installations de quais hauts), des dispositifs plus ou moins formances trop longtemps négligées en gare (voie de « tiroir » en bout de quai) complexes au sol ou incorporés dans les France au nom de la conduite « écono- doit permettre, comme ce fut le cas dans matériels roulants. mique », à la différence des pratiques le passé, des relais « traction » en 5 ou Quais hauts : de 76 à 110 cm (principa- d’autres pays ; 6 minutes au lieu des 10 ou 12 actuelle- lement sur les réseaux Transilien et RER - des performances constantes, la ment constatées. RATP). La norme retenue pour les nou- puissance massique ne variant pas avec La multiplication des rames automo- veaux trains « Francilien », 92 cm, devrait la composition du train (1 rame, 2 ou trices de faible ou moyenne capacité être généralisée à 254 gares du réseau 3 rames couplées) ; permet d’envisager de les coupler sur francilien : des travaux évalués entre 200 - des vitesses plus élevées dans les un tronc commun, les deux rames se et 300 Mc. courbes, les forces imposées à la voie séparant dans une gare pour poursuivre Outre une accessibilité fortement ac- étant moindres que celles d’un train trac- chacune dans une direction différente. crue, les quais hauts permettent de sup- té par une locomotive au poids par essieu On maximise ainsi l’utilisation de la capa- primer tout emmarchement, d’où un gain nettement plus élevé ; cité du tronc commun (1 seul sillon est d’espace intérieur de l’ordre de 10 % : stra- - des « coupes-accroches » très rapides nécessaire) tout en évitant une corres- pontins supplémentaires ou voyageurs de- grâce à l’attelage automatique (ce qui n’est pondance dans la gare d’éclatement, ce bout sur les plates-formes. Ils permettent pas le cas des matériels roulants remorqués qui constitue un progrès important en surtout une réduction drastique des temps par locomotive) ; matière d’offre. Le temps de séparation d’arrêt dans les gares : 20 secondes dans - des rebroussements plus rapides alors ou de jonction des rames, toutes équi- les gares de banlieue et 30 à 50 dans Paris que la locomotive d’un train tracté non pées d’attelage automatique, ne devrait intra-muros pour le RER A. réversible doit changer d’extrémité. pas dépasser 3 minutes.

4 x FNAUT infos n°258 - octobre 2017 Dossier Supprimer les ralentissements : des investissements modestes Adapter les infrastructures

Des gains de temps considérables - Renforcer l’alimentation électrique Les TGV Strasbourg/Metz-Lyon peuvent indispensables pour ne pas éloigner utiliser la LGV Mâcon-Lyon. Gain de temps : définitivement la clientèle ferroviaire Les installations d’alimentation électrique 10 minutes. On peut aussi augmenter la vitesse - n’exigent que des investissements (sous-stations, postes de sectionnement, fee- des TGV sur LGV quand le tracé le permet modestes : les crédits nécessaires se ders, caténaires …) doivent pouvoir délivrer les (LGV Atlantique, Lyon-Marseille : 320 km/h). chiffrent en dizaines de millions d’euros tensions et intensités que nécessite la puissance Mais le point essentiel est l’intermodalité. et non en milliards comme les grands appelée par les nouveaux matériels roulants, gé- Les voyageurs TGV doivent aussi recourir à projets (nécessaires eux aussi). néralement très puissants, et par la densité crois- des transports locaux (20 % utilisent le TER). Un exemple typique est celui de la liai- sante des circulations. Cela peut nécessiter la Les gares TGV exurbanisées doivent donc être son Niort-Saintes-Bordeaux (74 + 121 = construction de sous-stations supplémentaires connectées au réseau TER, comme en Avi- 195 km), dénoncé par Benoît Groussin, vice- mais, le plus souvent, le renforcement des sous- gnon… 15 ans après l’ouverture de la LGV président de l’AUT Poitou-Charentes. Si la stations existantes peut suffire. Méditerranée. D’autres gares TGV voient leur liaison Niort-Paris s’est améliorée, celle de Le changement de la tension de la caténaire fonctionnement obéré par l’absence de raccor- Niort vers Bordeaux s’est dégradée forte- (du courant 1 500 volts continu au courant dement au réseau classique : Aix-en-Provence ment suite à des ralentissements à 60 km/h alternatif 25.000 volts / 50 Hz) permet des per- TGV ; Lorraine TGV, placée dans les champs intervenus au sud de Niort (+ 8 min) et au formances accrues en terme d’accélération, de pour desservir... un aéroport régional très peu sud de Saintes (+ 9 min) : le meilleur temps vitesse et de charge, notamment sur les fortes fréquenté ; Le Creusot TGV à 300 m de la ligne n’est plus que de 2h42 dont 6 min de rampes des lignes de montagne. Dijon-Nevers ; Mâcon TGV à 1 km de la ligne correspondance à Saintes. PLM ; TGV Picardie ignorant la ligne Amiens Pour rejoindre Bordeaux, il est devenu Franchir plus rapidement - Saint-Quentin qu’elle franchit 7 km plus au plus rapide (le meilleur temps est de les points singuliers sud. Montpellier sera desservi par La Mogère, 2h20) - mais bien plus coûteux (56,60 à 2,5 km du centre-ville... suite à l’abandon du euros en tarif normal contre 31,40 euros Relever de 30 à 60 km/h, au moins sur les raccordement de Saint-Brès. via Saintes) - de « remonter » à Poitiers et itinéraires les plus circulés, la vitesse de fran- d’emprunter un TGV utilisant la nouvelle chissement des aiguillages en entrée et sortie Des traversées souterraines LGV Tours-Bordeaux. de gares (en cul-de-sac ou de traversée) per- Et d’autres ralentissements sont pré- mettrait de gagner en moyenne 2 min par tra- Des investissements bien plus onéreux vu par SNCF Réseau au service 2018, jet. L’impact serait direct sur la capacité et le doivent être prévus. Il faut créer des traversées sur 24 km entre Saint-Jean d’Angély et débit des gares et des lignes, mais aussi sur les souterraines directes utilisables par tous les Saintes (+ 10 min) et sur 19 km entre temps de parcours des trains empruntant les trains. Exemple : le projet de gare souterraine à Pons et Jonzac (+ 9 min). Le meilleur voies déviées. Exemple : les TGV Paris-Ge- Lyon - Part Dieu, envisagée pour les TER mais temps dépassera alors 3h. nève, ralentis à 30 km/h (!) sur près de 2 km à que les TGV intersecteurs devraient pouvoir Plus grave encore, certaines correspon- la traversée sans arrêt de la gare de Bourg-en- utiliser car ils doivent impérativement desser- dances en gare de Saintes ne pourront plus Bresse, perdent 3 min. vir la gare centrale (Part Dieu) pour d’une part être maintenues entre les deux sections Sur les lignes à voie unique, le dispositif de y trouver la chalandise nécessaire à une bonne de ligne, car l’heure d’arrivée et celle de « voie directe » doit être généralisé afin de ne pas occupation des trains, d’autre part assurer les départ à Bordeaux resteront identiques : ralentir les trains sans arrêt, seule la voie de croi- correspondances avec les TER et les Intercités autant dire que l’itinéraire classique Niort- sement imposerait un ralentissement au train qui, actuellement, ne desservent pas Lyon - Bordeaux est en grave danger. marquant l’arrêt. Là encore le type d’aiguillage Saint-Exupéry. Or le passage via Lyon-Part retenu déterminera la vitesse de son franchisse- Dieu pénalise actuellement leur temps de par- ment (30, 40, 60 km/h) par le train marquant cours d’environ environ une demi-heure par Les correspondances l’arrêt, et donc la réduction de la durée du croi- rapport à un passage par Lyon - Saint Exupéry. dissuasives sement et le meilleur débit de la ligne. D’autres traversées souterraines devraient Enfin la suppression des ralentissements s’imposer à long terme, prioritairement pour Pour se rendre de Grenoble à Aix-en- pénalisants imposés par certains points singu- les TER mais pouvant être empruntées par les Provence, le voyage est plus cher mais liers (courbe de faible rayon « cassant » la vitesse TGV et Intercités, permettant de dégager ainsi plus rapide par la vallée du Rhône (meil- d’une section au tracé favorable, ouvrages d’art de nouvelles capacités pour des gares conçues au leur temps 2h36). Par la ligne des Alpes vieillissants…) devra être examinée. 19ème siècle et aujourd’hui incapables de faire Grenoble-Veynes puis celle de la vallée de face à la croissance des trafics. A l’exemple des la Durance, les correspondances sont mi- Supprimer des rebroussements réalisations en service ou en construction chez nables. Le train quittant Grenoble à 8h10 nos voisins européens (Belgique, Allemagne, arrive à Veynes à 10h05, mais le train pour La construction de shunts courts peut éviter Italie, Espagne...) et de règle au Japon. Aix est parti à 9h54. Le suivant (départ à des rebroussements dans des gares peu fré- 10h08) arrive à Veynes à 12h00 mais il faut quentées comme cela a été fait à Culoz, Saint- aller jusqu’à Gap pour prendre un car pour Germain-des-Fossés ou encore Courbessac. Aix (trajet en 6h07). Seules « solutions » : Il faudrait ainsi supprimer les rebroussements quitter Grenoble à 12h10, attendre 1h18 de Gannat et de Saint-Sulpice-Laurière sur la à Veynes et arriver à Aix à 17h21 (trajet ligne Lyon-Bordeaux via Limoges. D’autres en 5h11), ou quitter Grenoble à 16h08, possibilités existent en Haute-Savoie pour accé- attendre 1h07 à Veynes et arriver à Aix à lérer les TGV Paris - Saint-Gervais et les TER 21h15 (trajet en 5h07). Genève-Annecy (FNAUT Infos 259). Et pour aller de Grenoble à Nice en passant par Veynes, il faut la journée : un Le cas des LGV et gares TGV car donnant correspondance à Veynes avec le train (55 min d’attente) arrive à Les propositions d’améliorations des temps Digne à 14h38, mais le train pour Nice de parcours déjà présentées valent évidemment est parti à 14h25. pour les TGV. Renouvellement avec suite rapide (MD)

FNAUT infos n°258 - octobre 2017 x 5 Dossier Les opposants au GPSO Réduction des temps de parcours : pénalisent 7 000 usagers du TER quelques exemples

Le TGV Paris-Barcelone L’Intercités Paris-Limoges-Toulouse

Le temps de parcours actuel est d’environ Le « Capitole » reliait Paris et Limoges en 6h30 avec 7 arrêts intermédiaires (Valence, 2h50 (sans arrêt), Paris et Toulouse en 5h56. Nîmes, Montpellier, Narbonne, Perpignan, Les arrêts duraient 2 min à Limoges et 1 min Figueras, Gérone) « coûtant » 47 min. à Brive, Cahors et Montauban. Il pourrait être ramené à 5h50 avec les seuls Le meilleur temps de parcours actuel est de arrêts de Montpellier et Perpignan, puis à 3h12 pour Limoges et 6h36 pour Toulouse 5h35 après la mise en service du contourne- (contre 4h17 par TGV passant par Bordeaux ment de Nîmes et Montpellier et la desserte depuis l’ouverture de la LGV SEA). Les (MD) de cette ville par sa gare TGV de La Mogère. trains s’arrêtent tous dans deux gares inter- Il pourrait même être ramené à 5h15 ou médiaires (en général Vierzon et Château- Cherchant à bloquer le projet de LGV Bor- 5h20 avec un gain de 2 ou 3 min sur les deux roux) à l’exception d’un seul qui ne dessert deaux-Toulouse/Dax (GPSO), des opposants arrêts et un relèvement de la vitesse à 350/360 que Châteauroux. Les arrêts sont de 2 min de Gironde ont obtenu du tribunal administra- km/h au sud de Lyon (ce que permet le tracé (par dérogation à la « norme » des 3 min) à tif de Bordeaux l’annulation de la déclaration de la LGV Méditerranée). Vierzon et Châteauroux, des ralentissements d’utilité publique des travaux de modernisa- La marge de régularité de 5 % sur LGV pour travaux sont inclus dans l’horaire. tion prévus sur la ligne classique Bordeaux-Tou- majore de près de 20 min la durée du par- Au nord de Limoges, les relèvements louse entre Bordeaux et le point de départ de la cours. Ramenée à 3 %, elle permettrait de possibles de vitesse apporteraient un gain LGV. La ministre des Transports a annoncé que gagner encore près de 8 min. de temps total d’environ 10 min. Au sud l’Etat fera appel de la décision du tribunal. de Limoges, le gain ne serait que d’environ Les travaux prévus ont pour but d’augmen- Le TGV Marseille-Barcelone une min. Si on joue sur tous les paramètres, ter la capacité de la ligne au sud-est de Bor- les meilleurs temps possibles sont d’environ deaux et de faciliter ainsi la coexistence entre Un aller et retour RENFE-SNCF par 2h40 pour Limoges, 5h45 pour Toulouse. les différents types de trains. Ils consistent à jour emprunte les LGV Marseille-Nîmes construire une 3e voie sur 12 km, de Bordeaux à et Perpignan-Barcelone, il relie Marseille et L’Intercités Paris - Clermont Saint-Médard-d’Eyrans, et une 4ème voie dans Barcelone sans changement à Montpellier. chaque gare, à supprimer les passages à niveau Sans les arrêts à Aix-en-Provence TGV et Un train sans arrêt a autrefois relié Paris à et à installer des protections phoniques. Avignon TGV qui prennent environ 15 min Clermont-Ferrand en 2h59 avant les relève- Il est affligeant de voir des associations « de (3 min par arrêt + 4 ou 5 min pour décéléra- ments de vitesse à 200 km/h entre Nevers et défense de l’environnement » se féliciter de la tion puis accélération), Marseille-Nîmes se Saint-Germain-des-Fossés. décision du tribunal qui, si elle était confirmée, ferait en 43 min, un temps qui devrait être Le Paris-Clermont actuel de 18h00 est ne serait pas « une bonne nouvelle » pour les réduit de 10 min avec la mise en service du sans arrêt, le parcours se fait en 3h09. Les usagers des TER, Intercités et TGV. Leur opéra- contournement de Nîmes et Montpellier autres trains desservent Nevers, Moulins, tion de guerilla est doublement incompréhen- (CNM) et la non desserte de Nîmes. Faut-il Vichy, Riom et Clermont en 3h33, les arrêts sible puisqu’elles réclament - comme le fait ensuite arrêter un train international à Bé- ne durent que 2 min. la FNAUT dans l’état actuel des crédits dispo- ziers et Figueras (« coût » de 13 à 15 min) ? Certains trains desservent également nibles pour le rail - que la priorité soit donnée L’arrêt à Narbonne permet par contre d’as- Saint-Germain-des-Fossés sans modification aux transports de la vie quotidienne et à la surer des correspondances de et vers Tou- de l’horaire, ce qui signifie que l’horaire des rénovation des lignes existantes. louse. Et pourquoi ces 11 min d’arrêt à Per- trains sans cet arrêt comporte une détente 1. La ligne TER Agen-Bordeaux est, par sa pignan ? En définitive, la durée du parcours d’environ 5 min. fréquentation la seconde de la Région Grande- Marseille-Barcelone en TGV pourrait être Des relèvements de vitesse sont possibles, Aquitaine (7 000 voyageurs/jour). L’initiative ramenée de 4h35 à 3h50. surtout au nord de Nevers, et feraient gagner irresponsable des associations aurait donc pour 11 min. Le meilleur temps sans arrêt pourrait effet immédiat de dégrader encore la ponc- Le TGV Strasbourg-Lyon être de 2h50. tualité du TER Agen-Bordeaux (84,7 % seule- Un itinéraire mieux tracé existe via Gannat. ment en 2016) et de l’Intercités Bordeaux-Nice Les temps de parcours sont de l’ordre de Le temps de parcours Paris-Clermont sans (moins de 70 % depuis trois ans), et d’empêcher 3h40 (4h15 si le TGV passe par la ligne du arrêt pourrait alors être ramené à 2h35-2h40, tout renforcement de ces liaisons. Bloquer les pied du Jura pour continuer à desservir Lons- mais sans desserte possible de Vichy. travaux est le meilleur moyen de pousser les le Saunier et Bourg-en-Bresse). voyageurs vers l’autocar ou le covoiturage. Le nombre d’arrêts varie de 3 à 5. Les arrêts L’Intercités Lyon-Nantes 2. Les travaux prévus au sud-est de Bordeaux les plus pénalisants sont ceux de Mulhouse (de constituent un préalable à la construction de la 10 à 12 min) et Dijon Ville (de 7 à 10 min) Dans les années 1970, des turbotrains LGV, mais resteraient indispensables si le pro- en raison de rebroussements importants. Des RTG ont relié Lyon à Nantes en 6h07 avec jet de LGV était abandonné. Or les environne- changements de conducteur feraient gagner les 9 arrêts indispensables : Roanne, Saint- mentalistes considèrent que l’utilisation, après 10 min au total. Germain-des-Fossés, Moulins, Saincaize modernisation, de la ligne existante Bordeaux- Un emprunt de la LGV de Mâcon à (Nevers), Bourges, Vierzon, Saint-Pierre- Toulouse constitue une alternative crédible à Lyon Part-Dieu permettrait de gagner des-Corps (Tours), Saumur, Angers. Tous les la construction de la LGV : si un tronçon saturé une dizaine de minutes (les raccordements arrêts étaient de 1 min, la marge de régularité subsiste, l’alternative n’est plus crédible. doivent être empruntés à vitesse limitée de 3 min aux 100 km. L’autoroute Bordeaux-Toulouse a été ou- mais ils existent). La SNCF n’a pas retenu Les relèvements de vitesse possibles sans verte en 1975. Une remise à niveau - sur 12 km cette possibilité car la LGV est déjà très modification du tracé mènent à un gain de - d’une voie ferrée construite à la fin du 19ème chargée. Mais il ne s’agit d’insérer que temps de 21 min, d’où le meilleur temps siècle n’aurait rien d’excessif, le train étant le 4 trains par sens, dont certains en heures possible : environ 5h45 (contre 4h19 en moyen de transport le plus écologique… creuses, la difficulté est surmontable. TGV via Massy). Jean Sivardière et Christian Broucaret

6 x FNAUT infos n°258 - octobre 2017 Actualité La FNAUT demande l’affichage d’un réseau Intercités Gare de Laqueuille, Puy-de-Dôme (MD)

La FNAUT se préoccupe depuis longtemps de l’avenir des trains Intercités. En 2005, - Paris-Maubeuge à Jeumont et vers elle s’était opposée à la volonté de la SNCF, présidée par Louis Gallois, de transférer Charleroi, Namur et Liège ; ces trains aux Régions : Dominique Perben, ministre UMP des Transports, avait alors - Dijon-Reims à Lille ; imposé à la SNCF de les conserver. - Bordeaux-Nantes à Rennes. Enfin des liaisons doivent être créées (par Plus récemment, la FNAUT a multiplié les Afficher un réseau national exemple par mise bout à bout de relations interventions auprès des secrétaires d’Etat PS TER existantes) : Frédéric Cuvillier et Alain Vidalies, et du préfet Les 24 liaisons Intercités de jour forment un - Nantes-Quimper-Brest ; François Philizot, pour que l’offre Intercités ne ensemble disparate, balkanisé, et non un réseau - Caen-Rouen-Lille ; soit pas réduite mais développée (le sort de la national lisible, complémentaire du réseau des - Lille-Metz-Nancy ; transversale sud n’est pas encore réglé). La nou- offres TGV, normales ou à bas coût, et couvrant - Nancy-Dijon-Lyon. velle convention TET Etat-SNCF permet de l’ensemble du territoire. Les liaisons transversales Ce réseau doit être complété par quelques poursuivre et de fiabiliser l’exploitation des ser- sont peu nombreuses, et les 3 liaisons de Nou- circulations « low cost » Intercités sur des vices de jour, au moins jusqu’en 2020, grâce à l’en- velle-Aquitaine sont centrées sur Bordeaux. lignes classiques parallèles à des LGV : Paris- gagement financier des Régions et l’aide de l’Etat Quatre liaisons assurant des déplacements Nancy-Strasbourg, Paris-Le Mans-Rennes/ (FNAUT Infos 252). A noter que ces services pendulaires sont des TER et doivent être Nantes, Paris-Angoulême-Bordeaux/Royan, font de plus en plus partie de la vie quotidienne. supprimées de l’affichage : Paris-Dijon-Lyon/Alpes. - Hirson-Metz ; La carte illustrant une offre Intercités diurne Les lignes diurnes qui subsistent - Paris-Serquigny ; correcte et affichable rapidement est donnée - Bordeaux-La Rochelle ; page 8 : ce n’est pas le réseau « idéal » proposé La carte ci-dessous montre les liaisons de jour - Paris-Nevers. par la FNAUT (pouvant comprendre quelques qui subsistent suite aux décisions d’Alain Vida- Des liaisons existantes (certains TER in- relations routières) dans son manifeste des trains lies. Sur les 24 lignes qui existaient, 6 (3 lignes terrégionaux à longue distance) doivent être Intercités de 2015, mais une étape réaliste. Les dites structurantes Paris-Clermont, Paris-Li- intégrées à l’affichage : réouvertures nécessaires sont peu nombreuses et moges-Toulouse et la transversale sud, ainsi que - Paris-Lyon ; peu coûteuses, des électrifications peuvent être Lyon-Nantes, Nantes-Bordeaux et Toulouse- - Lyon-Marseille ; évitées par l’utilisation de matériel bimode. Hendaye) restent sous l’autorité de l’Etat dans - Caen-Rennes ; Ajoutons que, outre leur manque de lisibilité, les le cadre de la nouvelle convention TET 2016- - Nantes-Orléans (Interloire) ; liaisons Intercités risquent d’être handicapées par 2020 ; les 18 autres sont confiées aux Régions - Clermont-Ferrand - Toulouse. un manque d’homogénéité de leur tarification, car ou le seront au plus tard en 2020 : D’autres liaisons doivent être maintenues, 18 d’entre elles vont être gérées par des Régions, l Normandie (5 liaisons) rétablies ou prolongées : et l’absence de dédommagement en cas de retard Paris-Rouen-Le Havre - Bordeaux-Marseille à Nice ; si elles ont un statut TER ; de plus la réservation Paris-Cherbourg/Deauville - Bordeaux-Limoges à Lyon ; obligatoire est encore maintenue sur les 3 lignes Paris-Serquigny - Bordeaux-Ussel à Clermont ; structurantes (ex-TEOZ) et son extension n’est Paris-Granville - Paris-Boulogne à Calais ; pas écartée dans la nouvelle convention TET... Caen-Le Mans-Tours l Hauts-de-France (2) Paris-Amiens-Boulogne Paris-Cambrai/Maubeuge l Grand Est (3) Hirson-Metz Reims-Dijon Paris-Belfort (la liaison va être prolongée à Mulhouse par la Région) l Centre - Val-de-Loire (3) Paris-Montargis-Nevers Paris-Orléans-Tours Paris-Bourges-Montluçon l Nouvelle-Aquitaine (3) Bordeaux-La Rochelle Bordeaux-Limoges Bordeaux-Ussel l Occitanie (2) Clermont-Nîmes Clermont-Béziers (cogestion expéri­- mentale avec l’Etat en 2017- 2018) Certaines liaisons sont prises en charge par plusieurs Régions, nous avons indiqué la Région pilote. Certains services tels que Paris- Mulhouse vont être sensiblement améliorés, mais les augmentations de fréquences sur d’autres axes, préconisées par la commission Duron (FNAUT Infos 235), n’ont pas encore été mises en œuvre ; la SNCF veut éliminer la Côte d’Azur ; les transversales Bordeaux-Lyon/ Clermont n’ont pas été rétablies.

FNAUT infos n°258 - octobre 2017 x 7 Actualité

Trains de nuit : où en est-on ? quand les embouteillages, la pollution et le trains une lisibilité face à la concurrence réchauffement climatique s’aggravent. routière : la SNCF affiche bien un réseau Paris-Tarbes-Hendaye : la relation a été de relations routières Ouibus. supprimée début juillet suite à l’ouverture La concurrence routière Rappelons que Ouibus est le réseau de de la LGV Tours-Bordeaux. lignes SLO qui concurrence le plus le train Paris - Port-Bou : la relation est main- L’ARAFER a réalisé fin 2016 une en- et qu’il est lourdement déficitaire, donc tenue provisoirement mais sous une forme quête auprès de 1 500 des 6,2 millions de financé par les usagers du train : il devrait dégradée. voyageurs ayant utilisé un Service régulier être supprimé par la SNCF, de même que Paris-Nice, qui était couplée à Paris- d’autocar Librement Organisé (SLO ou la Deutsche Bahn s’est débarrassée de son Briançon, est maintenue jusqu’au 10 dé- car « Macron ») entre le 1-10-2015 et le réseau d’autocars. cembre 2017. 30-09-2016. D’après cette enquête, 37 % A terme seules les relations Paris-Rodez/ de ces voyageurs auraient utilisé le train Latour-de-Carol et Paris-Briançon doivent en l’absence d’offre SLO : 24 % un TGV, FNAUT infos - Bulletin mensuel d’information Directeur de publication : Jean Sivardière subsister. 8 % un Intercités et 5 % un TER. Par ail- Crédits photo : Marc Debrincat et Fabrice Michel pour la FNAUT La quasi-disparition des trains de nuit leurs, 86 % des voyageurs parcourent des CPPAP n° 0920 G 88319 - Dépôt légal n°258 ISSN 0983-172 X - Tirage : 1200 ex. est inacceptable, en particulier sur les trans- itinéraires desservis par des trains Interci- Impression : R&M Studio - 51 Grand Rue - 86370 Vivonne versales. Le train de nuit reste nécessaire à tés (174 liaisons) ou TGV (223 liaisons) ; Abonnement 10 numéros : Individuels : 19 b beaucoup de voyageurs malgré la présence seules 442 liaisons sont sans alternative Administrations, sociétés, organismes, Étranger : 50 b du TGV et de l’avion à bas coût. La maî- directe en train (FNAUT Infos 252). Prix au numéro : 2 b Pour adhérer à la FNAUT ou à une association FNAUT trise des coûts passe par un nouvel appel à Le train subit aussi, et plus fortement de votre région, contacter notre permanence : projets portant sur un périmètre élargi. encore, la concurrence du covoiturage 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris Quand le train de nuit disparaît, la clien- (FNAUT Infos 258). tél. : 01 43 35 02 83 fax : 01 43 35 14 06­ tèle se reporte non sur le train de jour L’affichage d’un réseau de liaisons Inter- e-mail : [email protected] mais sur la route ou l’avion, une aberration cités est donc urgent pour donner à ces Internet : http://www.fnaut.fr

8 x FNAUT infos n°258 - octobre 2017 259 FNAUT infos novembre 2017 transport - consommation - environnement édition nationale

Bulletin de la Fédération­ Nationale des Associations d’Usagers des Transports

Inaugurations Les retards des trains : Les mises en service simultanées de deux comment améliorer la régularité ? LGV nouvelles début juillet conduisent à des progrès considérables pour les usagers et les territoires de la façade atlantique. Mais elles ne doivent pas dissimuler la dégradation de la qualité et de l’équilibre économique de l’ensemble des services ferroviaires. Les nouveaux services traduisent la vo- lonté d’améliorer les fréquences, la desserte des centres-villes et les relations TER com- plémentaires. Les voyageurs notent aussi les efforts sur les prix, l’offre low cost et le confort des rames pour rendre le TGV, écolo- giquement et énergétiquement sobre, plus attractif que ses concurrents. Mais la tarification pour les familles Usagers en gare de Besançon-Viotte (MD) reste dissuasive. L’installation de por- tiques anti-fraude abaisse la qualité de Nous présentons les analyses publiées par l’Agence pour la Qualité de service. L’information sur les horaires, la Service dans les Transports (AQST) lors d’un colloque sur la ponctualité tarification et la commercialisation du ferroviaire organisé le 2 mars 2017 : le retard cumulé de tous les types de train est très insuffisante, déstructurée trains de voyageurs se monte à 33 millions d’heures par an ; la perte socio- et trop basée sur les seules technologies économique subie par les voyageurs est estimée à environ 1,5 milliard numériques. Et l’avenir de l’ensemble des d’euros par an. Plus récemment, un comité d’experts mandatés par la SNCF, services ferroviaires est inquiétant. dont le président de la FNAUT faisait partie, a émis un ensemble de recom- Le modèle économique du TGV est aujourd’hui en faillite. Selon la SNCF, 70 % mandations permettant d’améliorer la régularité et la qualité des circula- des relations TGV sont déficitaires. Mais les tions voyageurs et fret dans un rapport intitulé « Pour la reconquête de la péages trop élevés, notamment sur la ligne robustesse des services ferroviaires». Atlantique, ne sont pas la seule explication « Que faire de la SNCF ? » de cette dégradation. La Cour des comptes relève, hors péages, une dérive des coûts de Il faut lire le livre de Pierre Messulam, Parfaite illustration de la pensée SNCF, production du TGV de + 6,2 % par an sur la directeur général adjoint de SNCF Tran- court-termiste et malthusienne, imper- période 2005 - 2014. silien, et François Regniault, ancien di- méable aux politiques territoriale et envi- La recherche d’économies conduit à de recteur de la communication de crise de ronnementale, l’ouvrage évite toute inter- nombreuses suppressions de relations, la SNCF, « Que faire de la SNCF ? » : ses rogation sur les pratiques commerciales et en particulier transversales ou assurant la thèses sont à l’exact opposé de celles que les coûts de production de l’entreprise : « les desserte des villes moyennes, et Intercités défend la FNAUT. lignes très peu fréquentées coûtent cher », de nuit, qui resteraient très utiles malgré Les auteurs ont une vision très restric- « la concurrence est une illusion, la SNCF l’offre TGV. Ils attendent au contraire de la tive du rôle du train : « le train est indis- n’est pas le problème du ferrroviaire », « le SNCF une politique de productivité me- pensable, moins qu’on ne le croit, pas marché est plus petit qu’on le croit », « il nant à une baisse des coûts de production, partout ni tout le temps, et sûrement pas est nécessaire d’abandonner certaines par- donc des tarifs. tous les trains qui circulent aujourd’hui ; ties historiques du réseau, le car garantit La FNAUT demande une reprise en main nous avons besoin de trains de ban- aujourd’hui une desserte de qualité ». immédiate de la politique ferroviaire natio- lieue en région parisienne, de trains de Les auteurs décrivent la fracture terri- nale par le gouvernement et le Parlement. fret pour certains transports massifs toriale engendrée par le développement Jean Lenoir, vice-président de la FNAUT sur longue distance, de TGV sur LGV du transport aérien intérieur puis celui du mais pas n’importe où, et d’une partie TGV (« dorénavant il y a ceux qui vont Sommaire des trains régionaux... Pour l’essentiel, vite et loin, et les autres »), mais ils n’en le réseau a été défini et construit il y a tirent pas la leçon. « Les autres », qu’ils Dossier 1 - Les travaux de l’AQST pp. 2-3 75 ans, il est aujourd’hui hypertrophié habitent à Toulouse ou dans le Massif Le comité « Robustesse » p. 4 et hors de prix ». Les auteurs vantent le Central, ne doivent pas être oubliés, ils Dossier 2 - Le tram-train pp. 5-9 « courage inconscient » de Jean Bergou- ont besoin du train - TER, Intercités , une illusion p. 10 gnoux, président de la SNCF de 1994 à ou TGV - qui reste un outil pertinent Vancouver, ville modèle p. 11 1995, qui programmait la fermeture de d’aménagement du territoire. Ouibus et IDVROOM p. 12 6 000 km de lignes. Jean Sivardière

FNAUT infos n°259 - novembre 2017 x 1 Dossier 1 La robustesse des services ferroviaires

Usagers en gare de Laon (MD) Les voyageurs sont exaspérés par le manque de fiabilité des services ferro- qui ferait perdre 15 à 20 minutes, est ressentie, viaires (FNAUT Infos 236). Les causes de ces dysfonctionnements sont mul- selon la SNCF, comme un allongement d’au tiples (FNAUT Infos 193) : défaillance de l’infrastructure (incidents, saturation, moins une heure de la durée du trajet. travaux) ou de l’exploitation (absence de personnel, pannes), cause extérieure (physique, sociale ou sociétale) (tableau ci-dessous, source SNCF 2016). Les retards imprévus

Les retards l’Espagne (92,1 %), la Suède (91,3 %), la L’évaluation du coefficient multiplicatif par Pologne (91,1 %) et la Grande-Bretagne l’AQST se veut prudente. Le Syndicat des Trans- L’Autorité de la qualité de service dans les (90,6 %). Viennent ensuite l’Italie (89,2 %) et la ports d’Ile-de-France retient un facteur de l’ordre transports (AQST) est une entité autonome Belgique (85,8 %). de 7 (http://www.stif.org/IMG/pdf/Irregularite du ministère des transports dont la compétence Les deux tiers des retards affectent l’Ile-de- _rapport_final_fr.pdf). s’étend à tous les « transports publics réguliers France et les métropoles de province. La ponc- Selon une enquête britannique réalisée de voyageurs », quel que soit le mode. Elle est tualité des trains suburbains en 2014 est évaluée auprès de 1070 voyageurs utilisant des ser- dirigée par Alain Sauvant. à 91,4 %, celle des TER à 90,3% (plus de 95 % en vices Intercity, interrégionaux et suburbains, Selon l’AQST, deux milliards de minutes, Alsace et Bretagne, moins de 85 % en PACA), une minute de retard équivaut à un allonge- soit environ 33 millions d’heures, sont perdues celle des TGV à 80,3 % et celle des Intercités ment du temps de trajet de 7 à 9 minutes, chaque année par l’ensemble des voyageurs fer- à 79,3 %. Si un Intercités ou TGV est en retard, et même davantage (les minutes de retard roviaires, en raison des retards des trains - RER, son retard est en moyenne de 30 minutes ; pour dépassant la marge de sécurité anticipée, ce Transilien, TER, TET et TGV confondus. les TER et Transilien, il est de 10 à 15 minutes. qu’on peut qualifier de « retard imprévu », Seuls les retards d’au moins 5 minutes sont La SNCF comptabilise habituellement les sont valorisées beaucoup plus fortement pris en compte quel que soit le type de train. retards des TGV et Intercités à partir de 5, 10 par les voyageurs, jusqu’à 5 fois la valeur du Cette norme est la plus utilisée en Europe. Si un et 15 min respectivement pour les voyages d’une temps de déplacement). train est supprimé, un retard proche du temps durée inférieure à 1h30, comprise entre 1h30 et d’attente du train suivant est retenu. 3 h, et supérieure à 3 h. En 2014, le taux moyen La perte socio-économique D’après l’AQST, la France arrive en 10ème de régularité des TGV a ainsi été de 90% selon position en Europe selon ce critère. Les pays l’estimation de la SNCF. Il résulte des retards des trains (33 millions mieux classés que la France (pontualité moyenne d’heures à 3 x 15 euros) une perte socio-écono- des trains 89,4 %) sont : la Suisse (96,8 %), La monétarisation des retards mique pour la collectivité de l’ordre de 1,5 mil- les Pays-Bas (96,4 %), l’Autriche (96,1 %), liard d’euros par an, soit 50 milliards en 35 ans. l’Allemagne (94,4 %), le Danemark (94 %), Une valeur tutélaire du temps pour un voya- A titre de comparaison, c’est aussi l’ordre de geur a été fixée dans le rapport « Boiteux 2 » grandeur du coût de construction des LGV exis- La ponctualité à l’étranger publié par le Commissariat général du plan en tantes (2 500 km à 20 millions d’euros le km). 2001. Elle est utilisée pour valoriser les gains La perte socio-économique occasionnée Trains suburbains (France 91,4 %) de temps dans les calculs de rentabilité socio- par les retards est en fait probablement Madrid 99 % économique des investissements de transport. sous-estimée : Copenhague 99 % Elle dépend du motif du voyage, du profil du - les retards de moins de 5 min, mal connus, Berlin 97 % voyageur et augmente avec la distance par- ne sont pas comptabilisés ; Oslo 96 % courue. Elle varie entre 10 et 18 euros envi- - faute de données disponibles en France (il en Bruxelles 91,5 % ron, elle est proche aujourd’hui de 15 euros/ existe en Suisse pour les correspondances entre Londres 90,6 % voyageur-heure en moyenne. trains), les pertes de temps subies à l’occasion Trains régionaux (France 90,3 %) Cependant elle ne suffit pas à traduire les des correspondances manquées entre trains ou Japon 98 % besoins des voyageurs, de plus en plus sensibles à entre train et un autre mode de transport ne sont Pays-Bas 97,5 % la fiabilité du temps de transport. C’est la raison pas comptabilisées ; le délai de correspondance Suisse 96,8 % pour laquelle elle est majorée par l’AQST, à par- permet parfois de rattraper le retard du premier Allemagne 96,3 % tir d’enquêtes de préférence déclarée (SP, « sta- train, mais il peut aussi l’amplifier ; Gr-Bretagne 92,9 % ted preferences ») et de préférence révélée (RP, - par manque de confiance dans la fiabilité Espagne 92,3 % « revealed preferences »), d’un coefficient multi- du transport ferroviaire, il arrive souvent que des Italie 89,8 % plicatif égal à 3 pour tenir compte du stress res- voyageurs prennent « le train d’avant » ou même Trains Intercités (France 79,3 %) senti par les voyageurs qui craignent les retards partent la veille, en particulier s’ils doivent ensuite Finlande 87,6 % et en subissent les désagréments (surcharge des prendre un avion ou se présenter à un examen ; Suède 77,1 % trains, fatigue...) et les suites financières. Le CE- - enfin les conséquences financières directes Gr-Bretagne 76 % REMA utilise un facteur compris entre 2 et 5. des retards sont ignorées (contrat manqué, im- Espagne 67 % Ce facteur est élevé si le fait d’être à l’heure est possibilité de se présenter à un examen, usage de TGV (France 80,3 %) particulièrement important pour le voyageur la voiture). Japon 98 % (rendez-vous d’affaires, Espagne 92,7 % examen, correspondance Les causes d'irréguralité en % Pays-Bas 88,6 % avec un avion). C’est Italie 74,5 % aussi le cas pour les per- TER Transilien Intercités TGV Allemagne 74,1 % sonnes ayant des enfants. Infrastructure 25 28,5 33 37 De manière ana- (En France, Allemagne et Italie, les logue, l’introduction Exploitant 42 30 30 30 trains à grande vitesse circulent sur LGV d’une correspondance mais aussi sur lignes classiques) sur un itinéraire donné, Externe 33 41,5 36 33

2 x FNAUT infos n°259 - novembre 2017 Dossier 1

Qualité de service ferroviaire : Les objectifs de l’AQST des salariés, fatigue des salariés et perte l’exemple de la Bavière de productivité liée à la surcharge des L’objectif de l’AQST n’est pas seule- trains, retards des trains de fret) et pour La qualité de tous les services ferro- ment de décrire l’importance et l’impact la SNCF (prise en charge et indemnisa- viaires régionaux de Bavière est mesurée financier des retards, mais de détermi- tion des voyageurs, salaires supplémen- par l’autorité des transports du Land, qui ner à terme un niveau raisonnable de taires des cheminots, immobilisation du dispose d’une batterie de critères uni- l’ordre de grandeur des investissements matériel roulant, vandalisme (coût direct fiée. Chaque année, les 28 contrats fer- (et des dépenses supplémentaires d’ex- et retards induits), agressions contre le roviaires sont classés par ordre d’excel- ploitation) susceptibles d’améliorer la personnel, pertes de clientèle en cas de lence. Ce classement est public et doit qualité de service et d’en réduire le coût retards répétés). inciter les opérateurs à améliorer leurs pour les voyageurs. La FNAUT se préoccupe par ailleurs performances (en 2015, 15,9 millions Dans un monde idéal, les coûts mar- de l’impact juridique des retards : saisine d’euros de pénalités ont été versés par ginaux d’évitement des dommages liés à du Médiateur SNCF, évaluation du règle- les exploitants au Land). la non qualité devraient être égaux aux ment européen sur les droits des voya- Les critères objectifs faisant l’objet d’une coûts marginaux des conséquences de geurs ferroviaires, demande d’abaisser le appréciation sont les suivants (les données cette non qualité, même si la gestion de seuil des indemnisations d’une heure à 30 sont recueillies auprès du gestionnaire la qualité ne se limite évidemment pas à minutes et d’intégrer les parcours TER d’infrastructure DB Netz) : cette optimisation économique et com- (FNAUT Infos 252). - le taux de ponctualité (la ponctua- prend de nombreux autres facteurs. lité est mesurée en 120 points du réseau Le fait que l’essentiel du temps perdu bavarois, seuls sont comptabilisés les dans les retards se situe en Ile-de-France retards de plus de 5 min 59 s) ; et dans les grandes villes de province in- - le nombre des services annulés ; dique où les investissements prioritaires - le respect des correspondances doivent être programmés. entre RER, trains régionaux et grandes Alain Bonnafous, professeur émérite lignes (100 000 informations sont collec- à l’université de Lyon, cite en exemple tées en 105 points du réseau ; le temps l’effort accompli par les chemins de fer disponible pour la correspondance doit britanniques pour améliorer la qualité de être inférieur à 30 mn en intégrant les service ressentie par leurs usagers. cheminements nécessaires). Pour plus de détails, on consultera les La qualité est mesurée par des en- actes du colloque AQST sur la ponctua- quêtes, des sondages sur place et auprès lité ferroviaire du 2 mars 2017 : http:// des voyageurs (1 000 sont interrogés www.qualitetransports.gouv.fr/c-etait- chaque année), et des tests effectués le-2-mars-2017-colloque-sur-les-meil- par des « clients mystère ». leures-a384.html (voir en particulier l’ex- La propreté des trains, extérieure posé introductif d’Alain Sauvant). (graffiti, rayures des vitres, portes) et in- térieure (fenêtres, sièges, toilettes, sol), Les demandes de la FNAUT est soigneusement examinée. Les gares sont évaluées tous les deux La FNAUT souhaite que l’AQST ap- ans, à raison de 500 tests par an : état profondisse son analyse des retards : des lieux, fonctionnalités, distribution, - comptabilisation des retards inférieurs impression d’ensemble. à 5 minutes ; impact des retards sur les L’information des voyageurs est correspondances ; étudiée en situations normale et per- - total des retards, durée moyenne et turbée : information à l’extérieur du perte socio-économique pour chaque type train ; annonces à bord et affichage de perturbation du trafic ; d’un plan du réseau ou de la ligne ; - coût des pertes de temps liées aux attitude et compétences des agents ralentissements exigés par la sécurité, aux d’accompagnement (initiative, clarté, transferts sur route pour travaux, aux dé- disponibilité). tentes excessives des horaires ; Les réclamations remontant à l’auto- - distinction des retards en heures de rité organisatrice sont mesurées et éva- pointe et en heures creuses ; luées, l’analyse du motif des plaintes est - coût des pertes de contrats, des vols informatisée. manqués, des pertes de temps et des frais Pour connaître la réaction des clients (hôtel) liées à l’anticipation des retards avant et après arrivée d’un nouvel opéra- (« je prends le train d’avant »), des disqua- teur, 500 personnes sont interrogées. lifications à l’embauche, des pénalités ou Des enquêtes téléphoniques sont pertes d’emploi liées aux retards répétitifs. menées auprès de la population bava- La FNAUT souhaite aussi : roise : un sondage téléphonique est pra- - qu’un comité d’experts arrête de façon tiqué tous les deux ans auprès de 2 800 contradictoire des valeurs actualisées du personnes de plus de 14 ans. temps et fixe des fourchettes par usage et La progression du taux d’utilisation par mode et que des usagers soient consul- des trains régionaux par la population, tés sur l’appréciation de la valeur ressentie par tranche d’âge et par motifs de dépla- du temps ; cement, est mesurée. - que l’AQST étudie aussi les retards Enfin l’autorité organisatrice recense dans les transports urbains. les améliorations souhaitées par les Il faudrait aussi chiffrer le coût des voyageurs et leurs suggestions. retards pour les entreprises (retards Source : AQST

FNAUT infos n°259 - novembre 2017 x 3 Actualité Le comité « robustesse » de la SNCF Les propositions de la FNAUT Mieux gérer les retards La robustesse est définie comme la capacité effective à réaliser les services promis aux clients, donc à encaisser les imprévus. Elle passe par une maîtrise des faiblesses Informer plus vite et plus précisément les internes du système ferroviaire et des aléas externes. voyageurs en cas de retard, planifier l’orga- nisation et les moyens à mettre en œuvre La régularité des trains s’étant dégra- cours) : « nous ne sommes pas en présence pour les assister, voire les évacuer dans les dée en 2016, Guillaume Pepy, président d’une situation de crise qui nécessiterait de plus courts délais. de SNCF Mobilités, et Patrick Jeantet, tout remettre en question ». A long terme, Généraliser le logiciel unifiant la pro- président de SNCF Réseau, ont confié la robustesse pourra bénéficiera d’évolu- duction et la diffusion de données en une mission de réflexion à un groupe de tions technologiques telles que les nou- situation perturbée qui va être développé 7 experts indépendants, venus d’hori- veaux systèmes de signalisation. en Ile-de-France. zons différents et ayant une connaissance Créer au sein de la SNCF une filière approfondie du système ferroviaire fran- Recommandations « information voyageurs » distincte de la çais et européen : Jacques Damas (Keolis), filière commerciale voyageurs. Noël de Saint-Pulgent (chef de la mission Les experts ont émis deux recommanda- de contrôle économique et financier des tions majeures : Réduire la durée des retards transports), Bruno Gazeau, président de - SNCF Réseau doit prendre la res- la FNAUT, le Britannique Vince Lucas, ponsabilité du pilotage global de l’exploi- En cas de découverte de colis suspects, le Suisse Yves Putallaz (EPFL), Yves Ra- tation du réseau, « afin de répondre aux d’intrusions sur les voies ferrées, de malaises mette (ancien directeur général adjoint de attentes des clients les plus exigeants et de voyageurs et de suicides, les interventions la RATP) et Alain Thauvette (spécialiste de garantir une efficacité économique des services concernés doivent être accélé- du transport ferroviaire international). maximale du réseau ». rées (FNAUT Infos 255). Le gouvernement Le rapport des experts a été remis le - les différentes composantes de la per- doit se saisir de ces difficultés en nommant 7 juillet dernier, et adopté sur le champ formance du réseau doivent être assem- une mission interministérielle de réflexion par la SNCF. Il sera exploité dès 2018, blées selon une logique d’axe de flux de chargée d’analyser les initiatives prises dans les mesures s’étaleront jusqu’en 2022. La trafic (une idée défendue depuis longtemps les pays européens voisins, puis de rechercher connaissance des coûts liés à la « non- par la FNAUT). des solutions : coordonner plus efficacement robustesse » des services sera intégrée Le Comité demande à SNCF Réseau les organismes concernés ; renforcer des dans les critères de décision relatifs aux et SNCF Mobilités de s’engager acti- moyens humains et matériels d’intervention. investissements. vement dans une démarche d’indus- En cas de difficultés graves (incidents trialisation des processus de production techniques, actes de malveillance, suicides, Dysfonctionnements (conception des horaires, roulements des glissements de terrain...) exigeant une agents et du matériel, organisation des longue immobilisation de certains trains Les experts n’avaient ni le mandat ni les travaux, information des voyageurs en ou leur détournement, ou en cas de travaux moyens de traiter la question urgente de la cas de perturbation...). importants nécessitant la fermeture provi- capacité des noeuds ferroviaires, déjà sou- Une continuité d’action sur un même soire de certaines lignes, la SNCF ne dispose levée par la Commission « Mobilité 21 » en poste, de 5 à 7 ans, des dirigeants de la plus des itinéraires alternatifs qui existaient 2013. Ils ont admis par ailleurs que l’offre production ferroviaire est indispensable. autrefois. Ce point sera discuté dans un pro- de sillons et les ressources matérielles ré- Il faut accélérer la mise en oeuvre des chain numéro de FNAUT Infos consacré au pondaient aux attentes des autorités orga- outils d’aide à l’exploitation et à la pla- maillage du réseau ferré. nisatrices (Etat et Régions) et des clients nification qui font actuellement défaut, (voyageurs et chargeurs). et structurer un métier à part entière de Prévenir les retards Le rapport du comité souligne de nom- l’information voyageurs. breux « dysfonctionnements » : processus Un nouveau dialogue doit être engagé Le cadencement doit être maintenu et industriels manquant de rigueur, responsa- avec les Autorités Organisatrices et les étendu car il simplifie et donc fiabilise l’ex- bilités fragmentées, formation insuffisante associations de clients sur la robustesse ploitation à travers ses procédures répétitives des agents, nombre de trains promis aux et le nombre des trains. (FNAUT Infos 253). Régions incompatible avec la capacité du Des réserves de personnel et de matériel, réseau, organisation trop cloisonnée (sur Les aléas externes suivant l’exemple de la Suisse, sont indispen- la ligne Paris-Toulouse, l’exploitation est sables pour pallier les défaillances humaines pilotée par différents organismes régio- Les propositions des experts sont cen- et techniques. naux au sein de la SNCF, sans vision sur trées sur la fiabilité technique de l’offre. Il faut retendre les horaires : les détentes l’ensemble de l’itinéraire). Les aléas extérieurs au système ferroviaire actuelles, excessives, ont des effets pervers Les experts constatent avec une grande (récurrents comme les fortes chaleurs, mal sur la vigilance du personnel et la régularité sévérité « une perte progressive des compé- anticipés comme les incendies de talus ou des trains (FNAUT Infos 258). tences Système et Ingénierie d’exploitation réellement imprévisibles comme les colis La mesure des retards et de leurs coûts des chefs de projets, des managers et de suspects) ont été traités de manière plus su- pour les voyageurs et l’exploitant doivent leurs équipes de production ». Ils déplorent perficielle, bien qu’ils représentent un tiers guider les investissements à effectuer sur que « la conscience parmi les dirigeants, du des causes de retards (tableau page 2). le réseau. coût de la minute perdue soit peu, voire pas Les experts demandent une attention Les Régions doivent renforcer leurs exi- présente ». particulière à l’entretien des emprises. Ils gences de qualité dans les contrats passés Ils considèrent cependant que les struc- notent que le travail engagé sur les faits de avec SNCF Mobilités, ce qui induira des tures fondamentales de SNCF Réseau et de société (suicides, intrusions sur les voies, changements culturels significatifs dans SNCF Mobilités font face à la complexité bagages abandonnés,…) doit être pour- la production ferroviaire et l’information de l’exploitation du réseau au quotidien, ce suivi par un groupe interministériel et une voyageurs. qui est un véritable défi compte tenu du convention nationale établie entre les acteurs Il faut renforcer la communication in- volume croissant du trafic (15 000 trains concernés : c’est précisément ce que deman- terne de la SNCF sur l’importance d’éviter par jour) et des travaux (1 500 chantiers en dait la FNAUT (FNAUT Infos 255). les retards, même mineurs.

4 x FNAUT infos n°259 - novembre 2017 Dossier 2 Le tram-train en France

Tram-train T11 (MD)

Les associations de la FNAUT ont beaucoup contribué au succès des dessertes TER à droite). Mais il s’agit bien d’un train léger car périurbaines : Tours-Chinon, Cannes-Grasse, Nantes-Pornic, Avignon-Carpentras. le matériel circule sur la ligne Aulnay-Bondy du Ce dossier, rassemblé par Jean Sivardière et les associations concernées, fait le point RFN, qui lui est désormais dédiée après réhabi- sur le tram-train, un concept prometteur mais mal mis en œuvre. litation. Le T4 n’utilise aucune section urbaine, cependant tous les passages à niveau ont été L’étalement urbain diffus est un phénomène réseau de tramway urbain n’est pas envisagée, ou remplacés par des carrefours à feux. Sa régularité dont la FNAUT s’est beaucoup préoccupée seulement en phase ultérieure. est faible, le taux de retard est de 75 %. Un pro- (FNAUT Infos 97, 117, 143, 196, 201, 203, longement sur voiries est en cours vers Clichy- 223, 233). Trois pistes se présentent pour tenter Le vrai tram-train Montfermeil mais, bien que promis par l’Etat de l’enrayer : en 2006, il n’ouvrira qu’en 2020 ! L’extension à - lutter, par la réglementation et la fisca- Un vrai tram-train Mulhouse-Thann (maté- Noisy-le-Sec, nœud de transport offrant plus de lité, contre l’éparpillement de l’habitat et des riel Avanto de Siemens) circule depuis 2010 sur correspondances que Bondy, reste en sommeil. équipements publics ; le réseau urbain puis sur une ligne du RFN où Un tram-train Alstom circule depuis 2012 - densifier la ville selon les principes de la il coexiste avec des trafics TER et fret. C’est la sur les lignes de l’Ouest lyonnais (55 km et 23 « ville des courtes distances » ; première et unique transposition en France du gares entre la gare de Saint-Paul et Sain-Bel/ - enfin structurer l’espace périurbain en modèle de Karlsruhe. Brignais) auparavant utilisées par un TER (un revitalisant les étoiles ferroviaires (FNAUT In- raccordement au réseau de tramway est préco- fos 86, 137, 183, 186). Le tramway rapide urbain nisé par l’association Lyon-Métro-Transport- Public). La fréquentation est décevante. Le modèle de Karlsruhe Le tramway RATP T2 Issy-Puteaux, mis en service en 1997, utilise une ancienne voie ferrée L’agglomération allemande de Karlsruhe, (ligne des Moulineaux) et un matériel tramway 300 000 habitants, a été la première à expéri- classique. La ligne a été prolongée à la Défense menter, dès 1992, le tram-train : un tramway et à Porte de Versailles. Le T2 est victime de son hybride, capable de circuler aussi bien sur un succès : malgré l’exploitation en rames doubles, réseau urbain que sur un réseau ferré régional, il est saturé, et la perte du gabarit ferroviaire ce qui suppose sa compatibilité avec le système empêche d’augmenter la capacité. ferroviaire - alimentation électrique, signalisa- A Lyon, le tramway rapide Rhône Express, tion, normes de sécurité (résistance aux chocs, qui relie la Part-Dieu à l’aéroport de Saint-Exu- capacité de freinage), hauteur des quais... péry depuis 2010, est exploité par Transdev. Il L’interconnexion entre les deux réseaux réutilise l’emprise de l’ancien Chemin de Fer évite une rupture de charge en gare centrale de l’Est Lyonnais (CFEL) où il cohabite avec Tram-train de l’Ouest lyonnais (MD) entre train régional et tramway. Une desserte la ligne urbaine T3 de tramway ouverte en 2006 directe d’un centre-ville depuis des zones pé- entre la Part-Dieu et Meyzieu. Ce tram-train ne circule que partiellement riurbaines distantes de plusieurs dizaines de sur voie dédiée : entre Saint-Paul et Tassin cir- km est donc possible. Les interstations sont Le TER léger cule toujours la rame TER desservant Lozanne. courtes en centre-ville (moins de 500 m) mais Un tram-train Alstom circule depuis 2014 elles peuvent être de plusieurs km en milieu Un matériel tram-train coexiste sur Nantes- sur la ligne Nantes-Châteaubriant, longue de périurbain. Clisson depuis 2011 avec les trains de la ligne 64 km, désaffectée en 1980 puis reconstruite A Karlsruhe, le tram-train circule en centre- Nantes-La Rochelle-Bordeaux (le Busway et électrifiée, dont la FNAUT Pays de la Loire ville et sur environ 500 km de lignes régionales, Nantes-Vertou qui double la ligne dans la zone préconisait la réouverture. Les aménagements où il coexiste avec tous les types de trains. Il est la plus dense est saturé), mais ce « TER léger » techniques ne permettent pas la circulation exploité par l’opérateur régional AVG, en lien part de la gare de Nantes, il n’est pas connecté au d’autres trains sur la ligne, qui est donc dédiée étroit avec l’opérateur urbain VBK. réseau de tramway nantais. au tram-train (et isolée de son prolongement Son impact a été spectaculaire : dans cer- La liaison Genève-Bellegarde, d’abord assu- vers Rennes par des butoirs !!! FNAUT Infos taines localités périphériques, la part de mar- rée par un matériel de type tram-train, est assu- 186). Il ne pénètre pas sur le réseau urbain de ché du transport public, parfois inférieure à rée depuis 2014, après modernisation de l’ali- tramway, de gabarit inférieur. 10 % auparavant, est aujourd’hui supérieure mentation électrique, par un matériel régional Le tramway T11 Epinay-Le Bourget, mis à 50 %. Le tram-train a été adopté à Kassel, Stadler allégé (Flirt) et disposant de bonnes ac- en service fin juin 2017 sur 11 km et exploité Chemnitz, Sarrebruck (depuis 1997, avec célérations, contrairement aux matériels acquis par la SNCF, circule sur une ligne dédiée pénétration en France, sur 1,5 km, jusqu’à la par la SNCF. Ce matériel coexiste sur la ligne qui longe la grande ceinture nord. Le trafic gare de Sarreguemines), Manchester. utilisée avec d’autres trains, y compris des TGV, attendu est de 60 000 voyageurs/jour ; des Le tram-train « à la Karlsruhe », empruntant à mais sans connexion possible avec le tramway prolongements sont prévus, vers l’ouest à Sar- la fois une voie ferrée classique et une voie urbaine genevois (à voie métrique). trouville et vers l’Est à Noisy-le-Sec, ils don- de tramway, n’est utilisé, en France, qu’à Mul- neront tout son sens au T11 mais ne sont pas house. Le plus souvent, le tram-train « à la fran- Le train léger sur voie dédiée programmés faute de crédits. çaise » est en fait un « train léger » ou un « tram- Le « tram-train » envisagé à La Réunion way rapide » qui circule sur une voie urbaine Premier exemple français d’exploitation d’un sur une voie nouvelle de 40 km, puis aban- ou périurbaine du RFN (réseau ferré national, train léger : la ligne francilienne T4, ouverte donné stupidement en 2010 par le gouverne- propriété de SNCF Réseau) qui lui est dédiée, en 2006, dispose d’un matériel de tram-train ment Fillon au bénéfice de la Nouvelle Route ou sur laquelle il coexiste avec d’autres trains de Avanto et elle est exploitée (par la SNCF) du Littoral, était en réalité un train léger voyageurs et/ou de fret ; une connexion avec un comme un tramway (conduite à vue, circulation (FNAUT Infos 228, 250).

FNAUT infos n°259 - novembre 2017 x 5 Dossier 2 Une série d’insuccès

La régularité du T4 francilien est médiocre en raison des défaillances de l’exploi- Nantes-Clisson tant SNCF, et l’objectif des 40 000 voyageurs/jour n’est pas encore atteint. L’intro- duction du train léger n’est pas remise en cause par les associations concernées de la FNAUT : ce sont ses conditions de réalisation qui le sont. Le principe du tram-train de Mulhouse est par contre très critiqué.

Mulhouse-Thann Financé à 70% par la Région, aidée par les collectivités locales, RFF, la SNCF et Le choix du tram-train (matériel Avanto) l’Etat, le projet a coûté 280 millions d’euros : est contesté par l’association Thur Ecologie 150 millions pour la modernisation des voies et Transports, qui avait préconisé le renfor- et l’électrification, 100 millions pour le maté- cement du TER pour la desserte Mulhouse- riel roulant (24 tram-trains Citadis Dualis Le tram-train Nantes-Clisson (matériel Cita- Thann-Kruth : le tram-train, surnommé le d’Alstom), 30 millions pour la modernisa- dis Dualis), dont la Région Pays de la Loire est « drame-train », ne permet ni une pénétra- tion des gares et la construction du centre de l’autorité organisatrice et qui a été mis en service tion rapide dans le centre de Mulhouse ni maintenance. Les travaux ont duré... 4 ans. en 2011, propose 23 allers-retours par jour (contre une interconnexion avec le RER de Bâle. Le tram-train a été mis en service dans des 6 TER auparavant) et dessert 6 gares intermé- « Il n’a apporté aucun progrès pour les conditions déplorables et déçoit fortement les diaires (dans lesquelles le TER ne s’arrête plus). usagers et n’a pas permis de fluidifier la usagers, qui subissent des retards fréquents, Le nombre de passagers a explosé entre 2014 et circulation sur la RN 66. Ce qui a été fait des suppressions de trains, et même des inter- 2015, il est passé de 309 500 à 458 000 (+ 48 %). pouvait être fait uniquement avec le TER, ruptions de l’alimentation électrique. C’est la seule réussite incontestable mais, comme et nettement mieux ». Le tronc commun Ecully - Gorge-de-Loup on l’a vu... il ne s’agit pas d’un vrai tram-train ! L’allongement des temps de parcours, (1 500 m) à simple voie devait être doublé pour y compris par les TER directs, la rupture 50 millions d’euros, mais le projet n’a pas été Nantes-Châteaubriant de charge à Thann pour les voyageurs en retenu, même au CPER voté en 2015. Il est provenance de la vallée et les déficiences source de perturbations et de limitation de fré- La FNAUT Pays de la Loire critique le de l’exploitation expliquent que, malgré le quence. Le réseau dispose pourtant d’un fort choix exclusif du tram-train sur une ligne pré- doublement de la fréquence, la fréquenta- potentiel de transfert modal (la part modale sentant à la fois un caractère périurbain et ré- tion reste inférieure aux prévisions. L’asso- du transport public dans l’Ouest lyonnais n’est gional au détriment d’une exploitation mixte. ciation ayant demandé le remplacement du que de 14 %, dont 3,5 % pour le rail). Fréquente jusqu’à Nort-sur-Erdre à 30 km tram-train par le TER à certaines heures, la La ligne de Brignais n’ayant pas été totale- de Nantes, la desserte a été conçue d’abord desserte TER a été renforcée. ment rénovée pendant la réalisation du shunt comme périurbaine, ce qui explique le choix du https://www.thur-ecologie-transports.fr/ de Tassin, des suspensions de trafic lors de tram-train. Si la fréquence est plus réduite mais ter-et-tram-train/ la réouverture du chantier ont entraîné des suffisante au-delà de Nort-sur-Erdre, le temps pertes de clientèle. de trajet, 1h07 de Nantes à Châteaubriant, est L’Ouest lyonnais Il est surprenant que le tram-train, extrapolé dissuasif, la vitesse du tram-train étant limitée de la grande série de trams urbains d’Alstom à 100 km/h et le confort du matériel médiocre. Depuis 2012, ce tram-train (55 km de et déjà en service sur Nantes-Clisson, ait pré- Il n’y a que 4 TER Rennes- Châteaubriant lignes, 23 gares) traverse un bassin de vie senté, après 6 mois d’essais et de formation des par jour, pour 8 tram-trains Châteaubriant- de 200 000 habitants. Il comprend un tronc conducteurs, une longue période de « déver- Nantes, et aucune correspondance systéma- commun (de la gare de Lyon-Saint-Paul à minage » et de dysfonctionnements. Dans les tique n’est organisée pour assurer des relations Tassin la Demi-Lune) et deux branches à gares en courbe, il faut employer du personnel Nantes-Rennes. voie unique à destinations de Sain-Bel et sur les quais pour refermer les portes. A Nantes, les deux tram-trains, exploités par de Brignais. Il donne un accès rapide au La présence systématique d’un contrôleur a la SNCF, ont leur terminus à la gare centrale cœur de Lyon car il est connecté au métro été abandonnée, mais des suppressions de ser- déjà très chargée, et ne s’intègrent dans aucune D à la station Gorge de Loup. Un trafic de vice interviennent par manque de conducteur. liaison diamétrale. Ils contribuent donc à sur- 20 000 voyageurs/jour était attendu vers Le comble : tous les services sont supprimés 2 charger le tramway qui dessert la gare. Leur fia- 2016-17 (carte page 7), mais la fréquenta- heures par jour pour dégager des « blancs tra- bilisation a été longue à assurer, et leur capacité tion est décevante. vaux » malgré la rénovation récente des lignes... est parfois insuffisante (circulation d’une unité simple au lieu de deux unités accouplées). Marseille-Aix en Provence

La modernisation récente de la ligne Marseille- Aix (sans électrification) a coûté 161 millions d’euros. La fréquence est passée de 36 à 97 TER par jour, trois gares ont été ouvertes mais mal po- sitionnées et la durée des trajets a été allongée. Le fiasco commercial est cinglant : 4 000 voyageurs par jour pour 25 000 places offertes. La FNAUT-PACA avait proposé le tram- train pour la partie urbaine de la ligne (17 km de Marseille à Septèmes), mais cette solution a été écartée par la SNCF. On pouvait même re- porter le terminus tram-train sur la zone com- merciale de Plan de Campagne (5 000 em- plois, 100 000 visiteurs par jour) grâce à une antenne d’un coût modéré.

6 x FNAUT infos n°259 - novembre 2017 Dossier 2 Le tram-train a-t-il un avenir en France ? Tram-train Nantes-Châteaubriand (MD)

Les projets Le tram-train est au contraire un maté- Les conditions du succès riel léger, de vitesse plus limitée (il peut Le projet de tram-train Strasbourg-Mol- rouler à 100 km/h contre 70 pour le tram- Coûteux et difficile à mettre en œuvre, le sheim a été abandonné au profit du TER. Le way) mais possédant une forte capacité tram-train possède un créneau assez étroit projet Forbach-Sarrebruck est au point mort. d’accélération et de freinage qui autorise mais il serait stupide de rejeter ce bon outil Des associations de la FNAUT s’efforcent de des arrêts plus brefs que ceux d’un train malgré ses insuccès et réalisations inabou- promouvoir le tram-train : Grenoble-Vif/Vi- classique, donc des interstations courtes, ties. Six conditions doivent être respectées zille pour desservir la zone sud de Grenoble, de 500 à 2000 m. Sa capacité est inférieure pour lui donner toutes ses chances : Lyon-Trévoux pour desservir la rive gauche à celle du TER, mais on peut augmenter 1 - Le maître d’ouvrage d’un tram- de la Saône, Albi - Saint-Juéry ; à Lille, Bor- les fréquences et accoupler deux ou trois train doit être unique (sinon trop d’inter- deaux, Marseille (pour desservir la partie sud rames. Il est donc adapté à deux cas : venants ont des points de vue divergents : de la ligne Marseille-Aix). - la desserte périurbaine sur des dis- agglomération, Région, Etat, SNCF Mo- L’association Florirail demande la réou- tances modestes (de l’ordre de 20 à 30 bilités et Réseau) ; c’est l’AOM, Autorité verture de la ligne Guebwiller-Bollwiller km dans le cas des grandes villes de pro- urbaine organisatrice de la mobilité, qui (antenne de Strasbourg-Mulhouse), et sa vince) pour que la densité de population doit logiquement piloter la réalisation desserte par un tram-train : on éviterait ainsi soit encore forte et qu’on puisse proposer d’un projet ; la suppression très coûteuse de 6 passages une fréquence élevée, ainsi que les liai- 2 - Si l’infrastructure utilisée doit à niveau suivant la « circulaire Bussereau » sons périphériques en banlieue parisienne être dédiée au tram-train, sa propriété de 2008 malheureusement appliquée par (T4 et T11) ; doit être transférée à l’AOM concer- SNCF Réseau en cas de réouverture de ligne - la desserte urbaine (T2 francilien) si née (le SYTRAL dans le cas de l’Ouest (FNAUT Infos 175, 186, 187) ; du matériel une réutilisation intégrale de voies ferrées lyonnais) ; les travaux nécessaires pour- de Mulhouse est aujourd’hui disponible ; en- existantes est possible, ce qui fait du tram- ront alors être réalisés sans les surcoûts fin le tram-train semble bien adapté à la tra- train un tramway très bon marché car on inhérents à SNCF Réseau ; c’est donc le versée de milieux denses tels que les centres évite alors les opérations coûteuses de re- Service Technique des Remontées Méca- de Soultz et de Guebwiller. La liaison avec qualification urbaine. niques et des Transports Guidés (STRM- Mulhouse et Colmar-Strasbourg se ferait Le tram-train peut coexister avec des TG) qui contrôlera la sécurité ; par rabattement à Bollwiller sur le TER (qui trains de fret. Il pourrait être ainsi adapté 3 - Si la ligne est à la fois suburbaine et est cadencé à la 1/2 h dans les 2 sens). à la réouverture de la ligne périurbaine régionale, des dessertes suburbaines par Le futur T13 (tangentielle ouest), dont les Nantes-Carquefou (8 km, desservant une tram-train et des dessertes TER et fret, travaux ont démarré entre Saint-Cyr RER et demi-douzaine de stations), qui traverse qui assurent d’autres besoins, doivent Saint-Germain RER, circulera majoritaire- une grande zone d’activités, où des indus- pouvoir coexister ; le maillage du RFN ment sur une ligne RFN. Mais pour la phase 2, triels pourraient être intéressés par un doit être maintenu ; un tracé urbain est décidé dans Poissy. accès de trains de fret. 4 - Le matériel roulant utilisé doit être Sur Versailles-Massy-Evry (futur T12), il fiable, confortable et d’une capacité suffi- s’agit d’un vrai tram-train avec deux maîtres Les obstacles sante pour encaisser les pointes ; d’ouvrage : le STIF, qui a lancé les travaux 5 - L’exploitation doit être assurée par l’ex- de la partie urbaine, et la SNCF, qui a pris Les exigences techniques de la SNCF ploitant urbain afin d’éviter les surcoûts de beaucoup de retard dans les travaux sur la rendent les coûts d’investissement dissua- SNCF Mobilités et de faciliter l’intégration partie RFN de l’itinéraire. sifs ; l’accumulation des contraintes, ferro- du tram-train dans le réseau urbain, ce qui viaires et urbaines, limite les performances implique un appel d’offres auprès des opé- Le créneau de pertinence du tram-train ; le coût des péages (tou- rateurs et une délégation de service public ; chers de gares) est trop élevé, alors que le 6 - La tarification doit être coordonnée On dispose aujourd’hui, pour valoriser tram-train doit assurer une desserte fine. avec celle de la zone urbaine. une étoile ferroviaire, d’une panoplie élargie Et les coûts de production de la SNCF Jean Sivardière de véhicules et de modes d’exploitation qui sont prohibitifs. permet de s’adapter à toutes les situations A Mulhouse, SNCF et locales. opérateur urbain se par- Le tram-train est une innovation très tagent l’exploitation. Le intéressante, mais ce n’est pas une solution T11 francilien est exploité miracle, universelle : tout dépend de la dis- par une structure privée, tance à parcourir, de l’importance et de la Transkeo, filiale de Keolis répartition de la population à desservir, des (51 %) et de SNCF Mo- possibilités concrètes de raccordement entre bilités (49 %) ; la SNCF les réseaux urbain et régional. compte, en associant Tram-train et TER peuvent d’ailleurs matériel léger, péages coexister et assurer des missions complé- moins élevés, polyvalence mentaires, comme à Karlsruhe. Sorti de des agents et autonomie son créneau, le tram-train peut n’apporter de l’opérateur, satisfaire qu’un service médiocre et ne pas rencontrer l’objectif du STIF : 98 % le succès attendu. de régularité et un ser- Le TER traditionnel donne un accès vice 40 % moins cher rapide au cœur des grandes villes depuis les qu’un Transilien classique. villes moyennes voisines, mais il n’est pas Les agents relèvent de la adapté à la desserte fine des zones périur- convention collective du baines comportant des gares rapprochées, ferroviaire et ne sont donc surtout si le trafic ferroviaire est intense. pas au statut SNCF. Réseau du tram-train Ouest lyonnais

FNAUT infos n°259 - novembre 2017 x 7 Dossier 2 Des informations et des idées sur le tram-train

Le « tram-train » du Médoc Les rames seront des Citadis Compact la ville sans cependant utiliser de maté- d’Alstom de longueur 22 m, inutilisées riel tram-train ou métro léger, ces lignes à Aubagne suite à l’abandon de l’exten- restant relativement courtes. L’utilisa- sion de la ligne T de tramway (longue de tion du tram-train est très rare en Alle- 2,2 km seulement) par la municipalité élue magne. A Zwickau, un train léger régio- en 2014 (FNAUT Infos 226). De fait, il va nal de faible longueur rentre en ville par s’agir d’un service ferroviaire en site propre les voies du tramway. sur 95% du tracé : l’option d’un tram-train A Karlsruhe, suite à la fréquentation donnant un accès direct Marseille a été croissante des lignes de tram-train, le trafic abandonnée. Mais ce tramway qui pourra est devenu ingérable (les véhicules sont au rouler à 100 km/h sera rapidement vic- gabarit de 2,65 m, d’une longueur de 30- time de son succès vu l’engorgement des 35 m et roulent le plus souvent en unités axes routiers parallèles : de bout en bout, multiples). La ville a donc décidé d’enterrer le trajet La Bouilladisse-Aubagne prendra en grande partie, dans le centre-ville, les 25 min en tramway alors qu’aujourd’hui, il tram-trains et tramways en piétonnisant prend 45 min en voiture. au passage les anciens axes en surface ; elle Frédéric Laugier, FNAUT PACA rejoint ainsi le modèle du métro léger alle- mand en souterrain en centre-ville. Tram-train ou TER ? Le tram-train est très intéressant dans une ville de taille moyenne sans trop de La structure spatiale et la densité des lignes périurbaines (pour éviter la satu- agglomérations françaises se prêtent pas ration du centre-ville due à un trafic trop mal à une utilisation du tram-train. On important), avec une ville-centre assez a trop raisonné sur les agglomérations réduite et une rupture de la continuité de allemandes où ces deux éléments sont l’habitat suivie d’un petit chapelet de villes L’appellation tram-train, abusive, a été plus favorables. bien espacées les unes des autres. Cette abandonnée. Il s’agit en fait d’un « tram- Dans le cas de Tours, agglomération de répartition de l’habitat, typique des fonds tram » qui circule, depuis la fin 2016, sur 300 000 habitants, la densité fléchit très de vallée d’Alsace, est favorable à ce type une nouvelle branche de la ligne C du vite au delà de la première couronne, et les de transport. tramway de Bordeaux. Cette branche de 7 petites villes satellites sont assez éloignées : Ludwig Dupas, Lille km à voie unique (avec des évitements en Amboise à 25 km, Chinon à 46 km. Cette stations) va de la station Cracovie, proche disposition n’a rien à voir avec la couronne Le matériel Dualis de la place Ravezie, jusqu’à Blanquefort en de satellites qui entoure Karlsruhe. longeant la ligne RFN à voie unique du L’Association pour le Développement Le Dualis, dérivé du Citadis urbain qui Médoc (qui dessert la pointe de Grave), des Transports en Touraine (ADTT) a ne circule que sur des voies neuves ou en dont elle utilise une partie abandonnée. longtemps préconisé le tram-train en très bon état et à faible vitesse (vitesse Au lieu de construire une seconde voie raison de l’existence à Tours d’une étoile maximale 70 km/h, rarement atteinte et d’ouvrir les deux voies au tram et au ferroviaire exceptionnelle et de la faible en pratique) n’a pas été conçu par Als- TER comme à Mulhouse, la nouvelle voie longueur des raccordements à construire tom pour rouler en toute sécurité et avec a été dédiée au tram, sous réglementation entre tram urbain et voies SNCF, et aus- un confort acceptable sur des voies mé- STRMTG : les deux lignes tram et TER si pour pousser au choix d’un tram sur diocres (les lignes secondaires du RFN) sont exploitées indépendamment l’une de rails pour la ligne urbaine, ce qui n’était jusqu’à 100 km/h. Il en est résulté des l’autre, en régime de voie unique. Les pas- pas acquis (FNAUT infos 183). incidents graves. sages à niveau restent sous règlementation Une difficulté se présentait cependant : Le constructeur a remédié à ces pro- SNCF. La gare Ravezie (ex-Bordeaux- l’absence de matériel tram-train disponible blèmes, mais le Dualis reste un matériel Saint-Louis) a été fermée et le trafic TER au gabarit urbain de 2,40 m (seulement fragile sur les voies du RFN, surtout si s’est reporté sur le tram, ce qui participe au 2,65 m) et de matériel bimode évitant des elles sont parcourues par des trains lourds succès de la nouvelle branche : le trafic est électrifications de lignes périurbaines. de fret, et son confort de roulement à supérieur aux prévisions. L’ADTT est aujourd’hui plus circons- vitesse élevée est médiocre par compa- Jacques Ottaviani, président de l’APNB pecte car Tours n’offre qu’un potentiel raison avec l’Avanto de Siemens à Mul- limité de clientèle. Mais dans certaines house et au Tango de Staedler en service Le tram-train d’Aubagne agglomérations françaises du Nord et de sur Rhônexpress. l’Est, la situation est plus favorable au Cette faiblesse du Dualis est due à l’obs- Le tram-train Aubagne - La Bouilladisse tram-train qu’au TER, dont on connaît la tination d’Alstom à proposer, suite au suc- est lancé : enquête publique en 2017, tra- lourdeur à tous points de vue. cès du Citadis, des rames à plancher plat vaux à partir de 2018, ouverture probable Jean-François Troin, ADTT intégral, une disposition alors considérée en 2020 jusqu’à Pont de Joux (aux 2/3 du comme un avantage concurrentiel vis-à- tracé) et en 2021/2022 jusqu’à La Bouilla- La fin du modèle de Karlsruhe ? vis de Siemens et Staedler. L’inexpérience disse. Le coût final devrait être de 120 Mc. de la SNCF et d’Alstom et la non-mise en Le tram-train circulera sur l’ancienne La plupart des villes allemandes (Ha- concurrence d’Alstom lors de la passation ligne SNCF de Valdonne (14 km), la novre, Stuttgart, Cologne...) sont dotées du marché en 2007 ont fait le reste. En sortie d’Aubagne se faisant sur 800 m de de métros (U-bahn) ou également de effet, le plancher bas intégral implique des voirie pour éviter l’emprunt d’emprises métros légers (Stadtbahn), pour la quasi- bogies moteurs et directeurs de très faible utilisées par la SNCF. La ligne sera entiè- totalité en souterrain dans la ville-centre hauteur ne permettant pas d’y insérer une rement reconstruite, elle est à voie unique et en site propre intégral. suspension à grand débattement indispen- mais des évitements seront aménagés D’autre villes (Nordhausen) ont éten- sable sur voie médiocre. dans les stations. du leur réseau de tram vers l’extérieur de Bernard Gobitz, AUT - Ile-de-France

8 x FNAUT infos n°259 - novembre 2017 Dossier 2 Les unions tarifaires en Allemagne

Contrairement à la France, où l’inté- gration tarifaire est limitée à l’Ile-de- France, le territoire allemand est quasi- ment couvert par des unions tarifaires à l’intérieur desquelles les habitants disposent d’un système de déplace- ment local intégré et unifié sur le plan tarifaire, quels que soient le mode utili- Tram-train T11 (MD) sé, l’entreprise exploitante ou l’autorité organisatrice de transport. T11 : pourquoi faire simple Pour Thann-Mulhouse, compte tenu du long Le territoire de chaque union tarifaire et économique ? tracé urbain pour rejoindre la gare centrale correspond grosse modo à une aire ur- et de l’importance des flux de frontaliers vers baine dans un pays densément urbanisé. Le T11 étant isolé du RFN, il était possible Bâle, il était concevable de maintenir une des- A l’intérieur de ce territoire : d’y faire circuler des trams conventionnels li- serte mixte tram-train + TER directs jusqu’à la - les réseaux urbains, le réseau ferro- mités à 70 km/h, la vitesse commerciale atten- gare centrale en correspondance avec les TER viaire régional et les réseaux d’autocars due (30/35 km/h) étant obtenue par l’absence Mulhouse-Bâle. locaux sont articulés, et l’offre géné- de franchissement de voirie et par la longueur Parmi les conditions de succès d’un tram- ralement cadencée est étroitement des interstations et non par une vitesse de train, plutôt qu’une extension de la tarification coordonnée selon un principe « hydro- pointe élevée. Cette solution aurait autorisé urbaine à la zone périurbaine, c’est l’instaura- graphique » de lignes principales et une signalisation tramway simplifiée source tion d’une union tarifaire grâce à un syndicat affluentes ; d’économies. mixte permettant de créer une tarification - la clientèle n’a besoin que d’un seul La conception des gares est proche de celle intégrée de type zonale ou en nid d’abeilles qui titre de transport pour se déplacer ; des gares de banlieue SNCF. Il est interdit semble souhaitable (voir encadré). qu’elle prenne un billet pour un dépla- de traverser les voies malgré les quais bas de D’autre part, une politique d’aménage- cement occasionnel ou un abonnement 350 mm, et une intrusion sur les voies dé- ment périurbain doit valoriser le site propre pour des déplacements répétés, elle peut clenche une alerte bloquant tout trafic. On du tram-train. J’ai été frappé par l’impor- emprunter sans problème n’importe a donc multiplié les passages souterrains, es- tance des friches industrielles riveraines de quel mode et passer d’un réseau urbain caliers mécaniques et ascenseurs pour PMR, la ligne Mulhouse-Thann, alors que leur à un réseau suburbain, ferroviaire ou rou- dispositifs onéreux et bien moins commodes urbanisation pourrait augmenter le potentiel tier, en toute liberté. pour les usagers que ceux en vigueur pour les de trafic. A Karlsruhe, la deuxième ligne de Le principe de tarification est le plus trams urbains. tram-train au nord de la ville a servi de sup- souvent zonal, selon deux modalités : Enfin la SNCF a inventé une signalisation port à l’urbanisation périurbaine. - « auréolaire », comme en Ile-de- spécifique à cette ligne qui n’est ni celle des En France les acteurs n’ont pas eu vraiment France jusqu’à une date récente, avec des trams ni celle du RFN. la volonté de développer le tram-train, d’où auréoles concentriques à partir du pôle Les économies possibles auraient pu contri- son échec relatif : urbain majeur ; buer à financer les surcoûts dus au respect du - la SNCF a été obnubilée par le souci de - ou « alvéolaire », lorsque l’aire urbaine gabarit SNCF et à la charge à l’essieu élevée préserver son monopole d’exploitation en est multipolarisée. nécessaires à une inclusion du T11 dans le interdisant la présence de conducteurs urbains Dans les deux cas, la tarification varie RFN. Mais le gabarit des ouvrages d’art est ré- sur le RFN (à Nantes, le choix d’un matériel selon le nombre de zones choisi par duit, seuls des trams-trains de 2,65 m peuvent au gabarit large interdisant sa circulation sur les le client. Dans les espaces périurbains les emprunter, et la charge à l’essieu de la voie voies du tram de Nantes a été volontaire dans intermédiaires, multipolarisés, les ha- et des ouvrages d’art est limitée à 12,5 T, ren- le même but, l’entraxe entre les voies du tram- bitants peuvent choisir la tarification dant cette ligne définitivement incompatible way de Nantes était insuffisant) ; d’une des unions tarifaires auxquelles avec le reste du réseau francilien SNCF. - l’Etat et ses services ont multiplié les ils sont rattachés. Le matériel roulant est le Dualis d’Alstom, obstacles technico-administratifs au déve- Depuis la réforme territoriale récente, dont la vitesse de pointe (100 km/h) est peu loppement de ce mode hybride en cumulant la Région devenant autorité organisa- utilisée sur cette ligne et dont le prix d’achat les normes techniques au lieu de les simpli- trice à la fois des dessertes TER (ferro- a explosé en raison des dispositifs de sécurité fier (circulaire Bussereau, superposition des viaires et routières) et des dessertes propres à l’Ile de France. Le surcoût par rap- contraintes des tutelles SNCF et STRMTG) ; par autocars ex-départementaux, une port à un Citadis standard au même gabarit est - les autorités organisatrices n’ont pas occasion unique se présente de créer de l’ordre de 1 à 2 Mc par rame, soit 15 à 30 réellement coopéré entre elles (l’observation en France ce type d’organisation perfor- Mc pour les 15 rames en service actuellement. vaut quel que soit le sujet en cause) et ont été mante et attractive. Ajoutons que la résistance élevée des caisses incapables de dégager une vision stratégique Une telle démarche a été esquissée des Dualis, autre cause de leur prix élevé, sera ambitieuse sur le long terme réalisable étape pour l’espace métropolitain multipola- inutile sur cette ligne où ne circulera jamais de par étape. risé dans les aires urbaines du triangle convoi SNCF. Seul le parcours haut-le-pied Le cas lyonnais est particulièrement typique : Caen-Rouen-Le Havre, qui englobe des du Bourget au dépôt de Noisy-le-Sec oblige la connexion entre les voies ferrées de l’est et de pôles urbains intermédiaires tels que les Dualis à emprunter la Grande Ceinture l’ouest lyonnais par une ligne tramway centrale Elbeuf, Evreux, Lisieux et Louviers. tant que le T11 n’est pas prolongé. urbaine reliant Saint-Paul à Part-Dieu à la Un groupe de 15 géographes Bernard Gobitz, AUT - Ile-de-France place de la ligne de trolleybus empruntant le des universités de Caen, Rouen et du Havre cours Lafayette était une belle occasion à saisir. Les conditions du succès Elle a été gâchée comme les virtualités poten- La carte Atoumod est valable en Seine- des dessertes périurbaines tielles existant à Nantes, qui auraient demandé Maritime et dans l’Eure, qu’on emprunte le une franche coopération entre Région, dépar- train, le bus, le car, le tramway ou un vélo La pertinence de tram-train dépend du tement et intercommunalités urbaines. en libre service (https://www.ter.sncf.com/ contexte local, géographique et économique. Pierre-Henri Emangard normandie/offres/tarifs/atoumodmulti).

FNAUT infos n°259 - novembre 2017 x 9 Actualité

Hyperloop : une illusion

(hyperloop.global)

Hyperloop est une vieille idée, émise en 1992 sous le nom de Swissmetro par pourra tracer une ligne Hyperloop en zone des ingénieurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, abandonnée en vallonnée autrement qu’en traversant les 2009 puis reprise en 2013 par le milliardaire américain Elon Musk, patron de bosses du relief en tunnel, sauf à réduire Tesla : des capsules à sustentation et propulsion magnétiques pourraient se dé- drastiquement la vitesse jusqu’à des valeurs placer à 1200 km/h dans des tuyaux de 3 m de diamètre maintenus à très basse de l’ordre de grandeur de celles des TGV. pression et posés sur des pylônes « renforcés pour résister aux terroristes et Il faut aussi considérer le tracé en plan aux tremblements de terre ». Selon France Inter (7-10-2017), « ce n’est pas de la et donc les accélérations transversales aux- science-fiction. Et si le TGV, c’était déjà du passé ? » quelles seraient soumis les voyageurs dans les courbes. Un optimisme technique béat Une insertion difficile Pour une vitesse de 1200 km/h (soit, par exemple, Paris-Limoges en 25 minutes) Après avoir fait beaucoup de bruit pour On imagine la difficulté d’insertion d’Hy- sans écrasement des voyageurs, il faudrait que le monde entier en parle, Elon Musk perloop : une rangée de deux gros tuyaux que le tuyau Hyperloop évite toute courbe a encouragé d’autres entreprises (HHT, rectilignes (il faut assurer deux sens de cir- de rayon inférieur à... 25 km (contre 7 km Hyperloop One) à se lancer dans l’aven- culation), perchés entre 3 à 10 m de hauteur pour les LGV à 350 km/h) ! ture. Des concours ont été lancés. Des poli- sur de gros pylônes rapprochés. Alors que Ce serait impossible en France compte tiques, des universités, des administrations l’acceptation de la moindre éolienne est de tenu de sa géographie : un parcours inté- se mobilisent. plus en plus difficile, les oppositions seront gralement en tunnel (comme dans le projet Christian Brodhag, ancien délégué in- tout aussi importantes que pour les LGV Swissmetro au coût faramineux) ou une ré- terministériel au développement durable malgré une emprise au sol moindre. duction drastique de la vitesse, compatible et enseignant-chercheur à l’école des Mais certains journalistes et politiques avec un tracé plus sinueux, s’imposeront. Mines de Saint-Etienne, défend une liai- fantasment déjà sur des réalisations dès Il faudrait enfin éviter des accélérations son Saint-Etienne - Lyon en 8 minutes. 2020 sur de longs parcours tel que Paris- longitudinales trop fortes, supérieures à La SNCF elle-même est partenaire de Marseille ou Paris-Toulouse. Il est temps 0,3 g, lors des phases de démarrage et de HTT, qui va expérimenter en Espagne un de retomber sur terre : fin 2020 SNCF freinage des capsules (l’accélération est de prototype à taille réelle et veut s’implanter Réseau aura peut-être réussi à renouveler 0,2 g au décollage d’un avion commercial). aussi en Slovaquie. la voie sur 100 km entre la Roche-sur-Yon Une capsule ne pourrait alors atteindre la Mais c’est aux Emirats que les choses et La Rochelle après une enquête publique vitesse de 1200 km/h que sur une distance sont les plus avancées. Le gouvernement qui s’annonce difficile pour simplement d’environ 20 km. Hyperloop ne peut donc d’Abu Dhabi « est très enthousiaste », et supprimer quelques passages à niveau... tenir ses promesses ni sur les courtes dis- espère relier Abu Dhabi et Al Ain, villes Ce n’est pas un hasard si les premiers pays tances ni, pour des raisons de coût, sur les distantes de 150 km, en 9 minutes seule- cités pour accueillir ce « supertrain » sont longues distances. ment ! Un projet concurrent Dubaï-Abu la Chine, l’Inde ou des pays du Moyen- Dhabi est porté par Hyperloop One, rival Orient, soit moins densément peuplés Confinement de HTT : la mise en service est prévue en que la France, soit au relief de plaine, soit 2021, une perspective optimiste car le pro- dirigés autoritairement, où les procédures Selon les promoteurs d’Hyperloop, tout totype n’a circulé jusqu’à présent qu’à 310 d’autorisation sont beaucoup plus simples. problème technique finit par être résolu km/h sur une distance de 450 m et sans (mais à quel coût ?). Reste une difficulté aucun voyageur à bord... Accélérations supportables ? psychologique : obtenir l’acceptabilité par Il a déjà fallu des années pour que le les voyageurs claustrophobes du confine- (600 km/h) passe d’un proto- Il faut s’interroger sur les très fortes ac- type à un véhicule opérationnel. Et bien célérations, dues aux inévitables rampes et d’autres problèmes devront être résolus : courbes du tracé, tolérables par les utilisa- étanchéité du mobile, des tuyaux et des teurs de l’Hyperloop. stations (des systèmes de cloisonnement La construction des LGV a nécessité seraient nécessaires, les passagers montant l’établissement de normes pour éviter le dans les capsules ou en descendant devant problème du « mal de mer » créé par la suc- rester à la pression atmosphérique) ; éva- cession d’accélérations verticales vers le bas cuation de la chaleur produite par les mo- et vers le haut. Pour des tracés à 350 km/h, teurs ; contacts éventuels entre capsules et le rayon minimum en profil est de 21 km, parois des tuyaux ; fléchissement des tuyaux cette norme permet de suivre des paysages entre les pylônes ; accès aux capsules en cas normalement vallonnés, mais au prix par- d’incident ou d’accident... fois de tranchées ou de remblais imposants ; Mais le responsable néerlandais du à 1200 km/h, cette norme imposerait des projet annonce une liaison Paris-Ams- rayons en profil de 220 km ! terdam en 30 minutes dès 2021 et alors Il n’y a pas de raison que le voyageur des même que personne, en Belgique, ne sou- Hyperloop soit plus « tolérant » que celui tient le projet... qui emprunte le TGV. En pratique, on ne (wikipedia)

10 x FNAUT infos n°259 - novembre 2017 Actualité ment dans une capsule, elle-même dans un tuyau, le tout sans visibilité extérieure. Vancouver, ville modèle Qu’a cela ne tienne, « les passagers pour- ront choisir le paysage virtuel qui défilera sur de fausses fenêtres... ». Un débit limité

La faible capacité des capsules (28 per- sonnes selon Musk, 40 si seule la seconde classe est proposée) serait compensé par une fréquence élevée. Mais une telle fréquence serait peu compatible avec des temps de sta- tionnement importants dans les stations, à moins d’y prévoir des voies multiples. Admettons qu’on puisse faire circuler des capsules de 28 à 40 places toutes les 40 secondes. Le débit serait alors com- pris de 2500 à 3600 voyageurs/heure, à comparer à celui de 3 TGV Ouigo de 1268 places. Or la capacité d’une LGV est de 12 TGV/heure. Piste cyclable à Vancouver (cyclevancouver.com) D’autres projets sont encore moins capa- citaires : l’université technologique de Delft La ville de Vancouver est la capitale de la Colombie britannique, sur la côte a conçu, pour le projet Amsterdam-Paris, Ouest du Canada. Elle compte 631 000 habitants dans la ville et 2,46 millions une navette de 4,5 m de long et d’à peine dans la région métropolitaine. 149 kg. Le projet d’HTT pour Abu Dhabi Vancouver a démontré qu’on pouvait concilier le développement démographique est encore plus élitiste, avec des modules- et économique avec le refus de la domination de l’automobile : la congestion rou- bureaux individuels ou 10 places maximum. tière ne cesse de diminuer depuis 20 ans alors que la prospérité augmente ; même aux heures de pointe, la circulation est étonnamment fluide. Quelle pertinence économique ? Vancouver a choisi dès les années 60 100 fois moins cher à entretenir que les Les promoteurs d’Hyperloop annoncent d’aller à contre-courant des tendances routes. un coût de construction inférieur à celui des urbanistiques en Amérique du Nord. Les Le maire est un cycliste et ne possède LGV, ce qui n’est pas impossible en terrain habitants se sont battus contre le passage pas de voiture. Sa conseillère responsable ouvert, exigeant une emprise moins impor- d’une autoroute à travers la ville, qui peut des transports, Andrea Reimer, non plus. tante, mais improbable si une partie impor- aujourd’hui se targuer d’être la seule ville Pour aller au travail et à leurs nombreux tante du tracé doit être en tunnel. L’Hy- nord-américaine exempte d’autoroute en rendez-vous un peu partout en ville, les perloop serait aussi gagnant en dépenses son centre. deux élus se déplacent à pied, à vélo, en d’exploitation avec une consommation Les erreurs de la ville voisine de Seattle transport collectif ou en covoiturage. d’énergie moindre que celle du TGV et (état de Washington, USA) qui a bâti des « Je peux vous dire quelles villes n’ont des capsules circulant sans pilote. Mais cela routes le long de ses cours d’eau et les dé- pas de cyclistes, de piétons ou d’usagers reste à prouver : maintenir une très basse molit maintenant parce qu’elles ont ame- du transport collectif au sein de leur pression dans les tuyaux et la sustentation né trop de congestion routière, ont été conseil municipal juste en regardant les de centaines de capsules consommerait une évitées : en 1997, la municipalité a décidé aménagements pour les vélos, les piétons certaine énergie. de ne plus construire de nouvelles routes, et le transport collectif », lance Mme Ses concepteurs prétendent aussi et Vancouver est aujourd’hui reconnue Reimer, qui estime que les élus doivent qu’Hyperloop serait auto-suffisant grâce comme l’une des métropoles mondiales donner l’exemple en la matière. « Si à une couverture complète de l’infrastruc- les plus agréables du monde. vous l’expérimentez vous-même, vous ture par des panneaux solaires ; l’idée est En 2016, 50 % des déplacements se aurez plus tendance à travailler fort pour d’ailleurs applicable au rail classique : une sont faits à vélo, à pied ou en transport rendre l’expérience meilleure pour les partie de la LGV qui traverse la Belgique collectif. la répartition des déplacements autres usagers ». est quasi-autonome en énergie grâce aux domicile-travail est la suivante : voiture Un nouveau pont en banlieue éloignée éoliennes disposées tout le long de la ligne. 41 %, transport collectif 24 %, marche de Vancouver, le Port Mann Bridge, com- Notons enfin que tout pousse à des dé- 24 %, vélo 10 % (à Québec, la part de la porte 10 voies, il a remplacé en 2012 un placements par Hyperloop du type avion, voiture est de 62 %, mais la zone urbaine ancien pont à 6 voies. La Ville de Van- d’un point A à un point B sans arrêt in- est bien moins dense). couver s’était opposée à son élargisse- termédiaire. Ce seraient donc avant tout Les pistes cyclables omniprésentes à ment, plaidant plutôt pour une améliora- de très grandes villes ou mégapoles, ce qui Vancouver (310 km) sont fréquentées tion de la desserte en transport collectif. accentuerait la logique de polarisation et par des gens de tous âges malgré la neige Censé aider à réduire la congestion, le de concentration au détriment des villes qui est présente pendant plusieurs mois pont a plutôt eu l’effet contraire, selon moyennes et des espaces ruraux. chaque année. La ville possède un réseau Clark Lim, professeur de génie civil à Hyperloop sera peut-être expérimenté très efficace de bus diesel et hybrides, et l’Université de Colombie-Britannique et dans certains pays, mais peu probablement le métro automatique (SkyTrain) est très consultant en planification du transport : en France ou en Europe. On a tant vu de populaire. « mais il est moins utilisé maintenant, un projets mirobolants ne pas aboutir après Chaque année, la Ville investit 15 mil- péage a été introduit ». que leurs promoteurs aient prétendu faire lions de dollars pour les transports actifs : mieux que le rail... un investissement avisé, selon le maire www.journaldequebec.com Résumé d’un article de Jacques Ottaviani Gregor Robertson, puisque les trottoirs /2017/06/03/vancouver-prospere-en- publié dans Ferrovia Midi et les aménagements cyclables coûtent disant-non-a-la-domination-de-lauto

FNAUT infos n°259 - novembre 2017 x 11 Actualité Ouibus, IDVROOM : Brèves Bêtisier quand la SNCF déraille... l Julien Polat, maire LR de Voiron, af- firme fièrement : « à Voiron, nous faisons le Les nouvelles mobilités doivent être une partie de la clientèle de Ouibus se re- contraire de Grenoble ; nous avons créé 150 mises en œuvre avec prudence, afin d’éviter porterait sur Flixbus et Isilines. Cependant places de parking pour faciliter l’accès du une concurrence entre modes nocive pour le vrai déficit cumulé de Ouibus depuis sa centre-ville alors qu’Éric Piolle, maire écolo- les transports publics et l’environnement. création sera sans doute, fin 2017, proche giste de Grenoble, continue à supprimer des On le vérifie dans le cas des offres routières de 200 millions. places comme l’ancien maire PS Michel Des- de la SNCF. En Allemagne, la Deutsche Bahn a aban- tot ». M. Polat n’a pas pris le temps de lire le donné en 2017 son réseau d’autocars natio- livre d’Olivier Razemon « Comment la France Les autocars Ouibus nal après deux ans d’exploitation, pour se a tué ses villes ». recentrer sur son métier de base, et en par- Très étoffé aujourd’hui, le réseau Oui- ticulier sur la desserte ferroviaire par trains Bien dit / Mal dit bus occupe 30% du marché des services Intercités. Pour la FNAUT, c’est à l’évidence l Selon l’ancien député PS Philippe Duron d’autocars librement organisés (SLO ou l’exemple à suivre. (les Echos, 10-06-2016), « Il nous faut prendre cars Macron), contre Flixbus 50% et Isilines la mesure de l’insuffisance de ressources 20%. Comme l’a montré l’Autorité de régu- Le covoiturage IDVROOM publiques ; une progression importante est lation des activités ferroviaires et routières à notre portée. Dans un contexte de prix bas (ARAFER), ce sont les liaisons développées La SNCF renforce aussi la concurrence des carburants, la TICPE est un levier impor- par Ouibus, filiale de la SNCF, qui concur- routière qu’elle se fait à elle-même en déve- tant pour faire face à nos besoins d’investis- rencent le plus le train, principalement les loppant le service iDVROOM depuis la fin sements. Nous avons aujourd’hui les outils trains intercités et les TGV, mais aussi cer- 2014. IDVROOM ne devait initialement pour une politique ambitieuse en matière tains TER financés par les Régions. concerner que des trajets courts de rabatte- d’infrastructures de transport. A nous de les Ouibus est déficitaire car la SNCF doit ment des voyageurs sur les gares. saisir ! » C’est exactement ce que la FNAUT dit pratiquer des tarifs très bas pour résister à Or la SNCF développe aujourd’hui cette depuis des années. ses deux concurrents mais aussi, dans un but offre en concurrence avec le TER, comme le Mais Philippe Duron en reste à son hos- stratégique, pour « occuper le terrain ». Son fait Blablalines, sur des trajets longs, Bour- tilité aux LGV. Selon lui, il faut « penser au déficit cumulé depuis sa création en 2012 goin-Lyon (47 km) ou Dunkerque-Lille plus grand nombre : le TGV, c’est 38% des était, fin 2016, de 130 millions d’euros. Le (80 km, un axe pourtant très bien desservi par dépenses d’investissements depuis 25 ans, déficit attendu en 2017 est de 30 à 35 mil- le train). Elle vient même de créer 16 nou- pour seulement 2% des usagers ». FAUX : près lions soit, fin 2017, un déficit cumulé d’au velles lignes dont Arras-Lille, Maubeuge- de 4 millions de voyageurs utilisent le train moins 160 millions. Lille, Nantes-Rennes, Saint-Malo - Rennes, chaque jour, dont 300 000 le TGV, soit 8 %... et A cette somme il faut ajouter les pertes Laval-Rennes, Grenoble-Lyon, Chambéry- 58 % en termes de voyageurs.km. de recettes ferroviaires subies par SNCF Lyon, Valence-Grenoble, Monestier-de- Mobilités face à cette « auto-concurrence », Clermont - Grenoble, Chambéry-Grenoble, Mal dit dont l’ordre de grandeur est environ Annecy-Chambéry. 15 millions en 2016. L’offre IDVROOM est accompagnée de l Selon Jean-Michel Bodin, ancien vice- Selon l’ARAFER, le car SLO a capté publicités révélatrices : « Profitez-en aussi au président PCF de la Région Centre chargé des 6,2 millions de voyageurs en 2016, dont quotidien, même sans prendre le train ! » ; Transports : « l’ouverture du rail à la concur- 1,9 million ont été pris au train. La clien- « je fais 40 km par jour pour aller au bureau : rence constitue un vrai recul et va mettre en tèle du car SLO étant constituée pour une c’est un gros budget ! J’ai rencontré Pierre péril des lignes moins rentables que d’autres. bonne part de jeunes, on peut estimer que sur iDVROOM. On partage nos frais en fai- C’est un enjeu critique. Il faut appeler à la mo- ces voyageurs bénéficient de tarifs SNCF sant du covoiturage trois fois par semaine » ; bilisation des consciences ! » réduits, - 20 % de moins que la moyenne, « vous allez adorer covoiturer, par exemple M. Bodin confond la concurrence régulée soit 8,5 centimes par voyageur.km (au lieu entre Lyon et Saint-Etienne, Lille et Paris, sous forme de délégation de service public, de 4,7 par car). Le trajet moyen effectué en Marseille et Nice ». défendue par la FNAUT, et la concurrence car étant de 340 km, le manque à gagner sauvage (open access). pour la SNCF est donc de : 1 900 000 x Une stratégie incompréhensible 0,085 x 340 = environ 55 millions/an. La Trafic ferroviaire en Allemagne part de marché de Ouibus étant de 30 %, La stratégie de la SNCF est donc inco- le manque à gagner dû à Ouibus a donc été hérente. Ses offres routières (Ouibus, ID- Les opérateurs privés assurent aujourd’hui d’environ 15 millions en 2016. VROOM, IDCAB ou réservation de taxi 30 % du trafic en trains.km et 22 % en voya- Un calcul indépendant basé sur le chiffre ou VTC en gare et location de voiture) geurs.km. De 1983 à 2015, le trafic ferroviaire d’affaires des cars SLO (83 millions) fournit doivent faciliter l’accès aux gares ou le tra- (exprimé en trains.km) a augmenté de 25 %. un résultat voisin. Mais cette estimation de la jet terminal, donc compléter le train et non perte annuelle de recettes est sous-estimée : le remplacer. En longue distance, elles n’ont - le trafic des cars SLO augmente forte- de sens que sur les itinéraires dépourvus FNAUT infos - Bulletin mensuel d’information Directeur de publication : Jean Sivardière ment (entre 7,5 et 8,5 millions de passagers d’infrastructure ferroviaire, ou à des horaires Crédits photo : Marc Debrincat et Fabrice Michel pour la FNAUT sont attendus en 2017) ; (très matinaux ou très tardifs) auxquels un CPPAP n° 0920 G 88319 - Dépôt légal n°259 ISSN 0983-172 X - Tirage : 1200 ex. - Ouibus concurrence davantage le train service ferroviaire n’est pas justifié par le Impression : R&M Studio - 51 Grand Rue - 86370 Vivonne que Flixbus et Isilines ; volume du trafic potentiel. Abonnement 10 numéros : Individuels : 19 b - pour résister à la concurrence des cars, Les voyageurs n’attendent pas de la SNCF Administrations, sociétés, organismes, Étranger : 50 b SNCF Mobilité développe son offre low- une diversification routière de son offre, mais Prix au numéro : 2 b Pour adhérer à la FNAUT ou à une association FNAUT cost et sa politique de « petits prix » qui un renforcement des services ferroviaires, de votre région, contacter notre permanence : abaissent ses recettes. qui doivent rester au cœur de ses activités, 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris Bien entendu, si Ouibus disparais- et une maîtrise de leurs coûts de production tél. : 01 43 35 02 83 fax : 01 43 35 14 06­ sait, SNCF Mobilité ne récupèrerait pas excessifs afin d’éviter leur contraction. e-mail : [email protected] 15 millions d’euros par an de recettes, car Jean Sivardière Internet : http://www.fnaut.fr

12 x FNAUT infos n°259 - novembre 2017 260 FNAUT infos décembre 2017 transport - consommation - environnement édition nationale

Bulletin de la Fédération­ Nationale des Associations d’Usagers des Transports

GRANDS PROJETS Inéquités entre d’infrastructures de transport : modes de transport Comme le demande le projet de Loi faut-il « faire la pause » ? d’Orientation sur la Mobilité Intérieure de la FNAUT (FNAUT Infos 253), l’Etat doit garantir l’équité concurrentielle entre tous les modes de déplacements en les mettant sur pied d’égalité, de telle sorte que chaque mode puisse occuper son créneau de per- tinence technique, économique et environ- nemental et uniquement ce créneau. Les exemples d’inéquités réglemen- taires, tarifaires et fiscales entre modes sont innombrables. Aucune contrainte de service public n’est LGV Rhin-Rhône en travaux (MD) imposée aux services de cars librement or- ganisés et de covoiturage. Aucune indem- Les grands projets d’infrastructures de transport sont aujourd’hui décriés : nisation des passagers n’est imposée au économistes et écologistes dénoncent leur inutilité, leur coût excessif, leur conducteur en cas d’annulation d’un covoi- manque de rentabilité et leur danger pour l’environnement. La FNAUT ne turage ; le véhicule n’a pas à être accessible partage pas cette vision dogmatique et malthusienne, elle estime qu’il faut aux personnes à mobilité réduite. examiner les projets au cas par cas. Si beaucoup d’entre eux (autoroutes, aé- L’usager du train paie le sillon ferroviaire roports, canal Seine-Nord) doivent être rejetés, d’autres au contraire (TCSP au prix fort, alors que l’autocar ne paie pas urbains et lignes ferroviaires nouvelles, voyageurs et fret) sont indispen- d’écotaxe et que l’automobiliste bénéficie de pénétrantes et rocades urbaines gratuites. sables pour répondre à la demande future et aux exigences environnemen- La sécurité routière est financée par l’Etat, la tales : ils doivent être menés à bien en même temps que l’amélioration tout sécurité ferroviaire par les usagers du train. aussi indispensable des transports du quotidien. Le kérosène consommé en trafic aérien Suisse, Grande-Bretagne : intérieur est détaxé alors que le gazole est investissements massifs sur le rail taxé : le train de nuit en est la première vic- time. Le barème fiscal kilométrique sures- En Suisse, le Conseil fédéral veut tion (injustifiée car les erreurs gros- time de 30 % le coût d’usage de la voiture. investir 11,5 milliards de francs sières de la période Thatcher-Major Toutes ces anomalies doivent disparaître. (environ 10 milliards d’euros) d’ici ont été corrigées par Tony Blair) : le Chaque mode doit être soumis aux mêmes 2035 pour adapter le réseau ferré à la secrétaire aux Transports britannique contraintes réglementaires que les autres ; demande prévue de transport (+ 51 % Chris Grayling a dévoilé le montant contribuer financièrement à la construc- en voyageurs et + 45 % en fret), aux de l’investissement record amorcé par tion des infrastructures et au fonctionne- besoins régionaux et aux besoins de le gouvernement dans le secteur fer- ment des équipements publics par appli- l’économie. Tous les goulets d’étran- roviaire sur la période 2019-2024 - 48 cation du principe « utilisateur-payeur » glement perceptibles aujourd’hui se- milliards de livres sterling soit envi- (gares, aéroports, aires de stationnement) ; ront supprimés. Le financement sera ron 54 milliards d’euros. C’est le plus et assumer ses coûts externes par applica- assuré par le fonds d’infrastructure important programme lancé depuis tion du principe pollueur-payeur. ferroviaire, qui est alimenté par la plus d’un siècle : « l’effort supplémen- Bruno Gazeau, président de la FNAUT TVA, la taxe sur les huiles minérales taire vise à améliorer la fiabilité du et l’écoredevance RPLP. Une variante service, il s’ajoutera à la construction Sommaire plus modeste, évaluée à 7 milliards de de nouvelles voies (la LGV HSL 2) et francs, a été étudiée et rejetée (rappe- à la livraison de trains plus rapides et Dossier - Quelques grands projets lons que la Suisse est grande comme plus confortables ». inutiles et nocifs à abandonner p. 2 l’ancienne Région Rhône-Alpes). En France, pendant ce temps, on Dossier - Les grands projets ferroviaires, Les cantons, les partis politiques, ferme des lignes faute de quelques dix idées fausses à la mode pp. 3-6 les syndicats et les associations sont millions d’euros, sans souci de la L’évolution du prix des carburants p. 7 maintenant consultés. clientèle ferroviaire, sans étude d’im- Comment démocratiser le ferroviaire pp. 8-9 En Grande-Bretagne, annonce plus pact sur l’aménagement du territoire... Lettre ouverte de la FNAUT surprenante car la politique ferroviaire et même sans recherche de nouvelles au Premier ministre p. 12 britannique a une mauvaise réputa- possibilités de financement.

FNAUT infos n°260 - décembre 2017 x 1 Dossier

Inutiles, ruineux, dangereux : trois exemples de projets à abandonner

Port fluvial de Paris (MD)

Le GCO Le canal Seine-Nord collectivités, et que celles-ci assument seules le remboursement de l’emprunt in- La FNAUT est hostile aux projets Ce canal est inutile, comme l’a démontré dispensable au bouclage du financement. d’autoroutes interurbaines et de contour- le rapport Massoni-Lidsky (Conseil géné- Il pousse les élus à s’engager dans une voie nements autoroutiers des grandes agglo- ral du développement durable et Inspection dangereuse alors que la Région Hauts-de- mérations. Le GCO (grand contour- générale des finances) après bien d’autres France est la plus endettée. nement ouest) de Strasbourg est, avec études de l’administration (FNAUT Infos Les élus des Hauts-de-France sont eux l’A45, l’A31 bis et bien d’autres... un 217, 230, 238, 241, 246, 251). aussi irresponsables, à commencer par les bon exemple de ces projets archaïques Le canal concurrencerait peu la route et Verts du Nord qui ont soutenu le pro- (FNAUT Infos 246 et 251). fragiliserait le rail, ce qui est sans intérêt jet au départ. Convaincus que le canal Selon les ministres Nicolas Hulot et économique ou environnemental car le rail donnerait un coup de fouet à l’économie Elisabeth Borne, « l’Etat entend à la n’est plus saturé sur l’axe considéré depuis régionale, ils sont incapables d’en appor- fois permettre la réalisation de ce projet la mise en service de la LGV Nord : 63 % ter la preuve (les chiffres cités d’emplois attendu localement et s’assurer qu’il ap- du trafic du canal proviendraient de la route permanents qui seraient créés - 25 000 porte les meilleures garanties en matière (soit 3,8 % seulement du fret routier actuel en 2025, 50 000 même en 2050 - sont environnementale ». Mais les ministres sur l’A1) et 37 % du rail (soit 13,3% du fret fantaisistes) mais prêts à verser la somme sont mal informés : ce projet, certes sou- ferroviaire actuel sur cet axe). colossale de 2,7 milliards et à assumer tenu par le maire PS de Strasbourg, est Vouloir dépenser 4,7 milliards d’euros tous les risques financiers : leurs succes- fortement contesté localement, et il est pour un transfert modal aussi décevant seurs se débrouilleront... Le plus ahuris- intrinsèquement inconciliable avec le res- est aberrant. Et cette somme ne couvre sant est que Xavier Bertrand, président pect de l’environnement. pas tous les investissements nécessaires de la Région, refuse une « écotaxe » dont Conçu dans les années 1970, le GCO est à un fonctionnement rentable du canal : l’instauration serait pourtant favorable à un projet d’autoroute à péage de 24 km des- ni les plateformes intermodales prévues un report modal du trafic routier, donc à tiné à doubler l’autoroute nord-sud A 35 et le long du canal, ni la mise au gabarit de une rentabilisation de l’ouvrage. à absorber une part du trafic qui l’encombre. 4 400 tonnes des voies navigables enca- Si ce projet inadapté et d’un coût exces- Il est révélateur de la stratégie de l’époque : drant le canal ne sont prises en compte. sif aboutit, ce sera donc nécessairement au si une voirie est saturée, on l’élargit ou on Un relèvement très coûteux des ponts détriment de la modernisation et au déve- la double. Une stratégie contre-productive serait nécessaire, faute de quoi les convois loppement de l’offre de transport urbain comme le montre l’expérience, car elle ne fluviaux ne pourraient transporter que et ferroviaire. fait qu’induire de nouveaux trafics routiers. 2 couches de conteneurs et non 3, l’exploi- Quant à l’Union Européenne, elle doit Très pénalisant pour l’environnement, le tation du canal serait alors déficitaire. favoriser les investissements utiles. Le GCO entraînerait la destruction de milieux Enfin ce n’est pas l’hinterland des canal n’est qu’un projet régional, sans naturels précieux : forêt, zones humides… ports du Havre et de Rouen qui serait prolongement au sud de l’Ile-de-France. et près de 350 hectares de terres agricoles. élargi à l’Europe du Nord, mais celui C’est l’autoroute ferroviaire Lille-Es- Le GCO est donc fondamentalement in- d’Anvers et de Rotterdam qui serait ren- pagne, dont la réalisation a été reportée compatible avec la politique, affichée par le forcé en Ile-de-France au détriment des par le gouvernement Valls de manière re- gouvernement, de protection de la biodi- deux ports français. grettable, qu’il faut mettre en place si on versité. Il le restera même si son insertion Cet effet pervers a été bien perçu, et dé- veut retirer des camions des autoroutes est modifiée ponctuellement. noncé vigoureusement, par Edouard Phi- sur de longues distances. Ce projet est par ailleurs techniquement lippe quand il était maire du Havre (« Une inadapté. La congestion de l’A 35 est due naïveté déconcertante... Un gâchis écono- Notre-Dame-des-Landes principalement aux déplacements pendu- mique et environnemental »). Il faut donc laires à courte distance effectués en voiture. en priorité élargir l’influence des ports du Les trois experts nommés par le Premier Ce constat doit inciter à renverser les prio- Havre et de Rouen en modernisant leur ministre pour réexaminer le projet ont consul- rités et à renforcer les transports collectifs desserte ferroviaire vers l’est et le sud, et té de nombreux acteurs, dont la FNAUT de proximité. Quant au trafic de camions, non offrir aux ports belges et néerlandais nationale et la FNAUT Pays de la Loire. Ils qui s’est intensifié depuis la mise en œuvre une infrastructure lourde en direction de estiment que la décision est politique et relève de l’écotaxe allemande (LKW-Maut), il l’Ile-de-France : la part de nos importations du gouvernement, qui hésite. peut être limité si une écotaxe régionale est transitant par nos ports est déjà faible... Selon Edouard Philippe, moins pers- créée aussi en Alsace et si l’axe ferroviaire Le financement prévu comportait une picace qu’au sujet du canal Seine-Nord, nord-sud est rendu plus performant dans la participation de l’Union Européenne « il n’y a que de mauvaises solutions ». On plaine d’Alsace. (1,8 milliard), de l’Etat (un milliard) et ignore encore s’il va confirmer ce projet Les travaux du GCO n’ont pas com- des collectivités territoriales concernées consommateur d’espace périurbain et lui mencé. Il est encore temps d’éviter un dur- (un milliard) ainsi qu’un emprunt de 700 aussi inutile - soutenu par la droite, le PS cissement du conflit, de tenir compte des millions. Mais la situation a évolué. Le et le PC - ou s’il adoptera la solution de besoins réels des habitants et de respecter gouvernement exige aujourd’hui que sa bon sens consistant à moderniser l’aéroport notre environnement. contribution lui soit remboursée par les existant de Nantes-Atlantique.

2 x FNAUT infos n°260 - décembre 2017 Dossier Grands projets ferroviaires : trop d’idées fausses à la mode

Les grands projets ferroviaires (LGV, Lyon-Turin) sont souvent critiqués par les économistes, les écologistes et même la SNCF.

Les critiques s’appuient sur l’ensemble des urbains et ferroviaires (voir le tramway de arguments suivants : Tours et la LGV Tours-Bordeaux) que ceux - les moyens financiers de l’Etat et des Ré- du covoiturage et des cars Macron, révéla- gions sont limités ; teurs de besoins latents et d’un sous-déve- - il faut donc donner la priorité aux trans- loppement du rail. ports du quotidien, c’est-à-dire aux infrastruc- Mais, dans une vision financière de court tures existantes, en particulier au réseau ferré terme, on privilégie trop souvent le bus en classique ; site propre au tramway dans des cas où ce - on a construit trop de LGV alors que le dernier serait un choix plus rationnel, ou TGV n’est plus rentable et n’a plus d’avenir l’autocar au train pour la desserte des villes (montant élevé des péages, coûts de production moyennes, des axes transversaux et des ter- Ligne ferroviaire transalpine (MD) excessifs de SNCF Mobilités, concurrence des ritoires ruraux alors que le train pourrait autres modes : avion, car, covoiturage) ; être bien mieux exploité donc bien moins ...et les défis à relever - il faut enrayer la croissance de la dette fer- coûteux (FNAUT Infos 257). roviaire, mais c’est impossible si on lance de La congestion routière croissante : aug- nouveaux grands projets ; 2 - Les besoins futurs... menter la capacité routière est difficile par - les atteintes à l’environnement dues aux manque d’espace (grandes agglomérations, infrastructures sont excessives. Alors qu’ils sont sous-estimés eux aussi, les Côte d’Azur). besoins futurs ne sont jamais évoqués par les Les transports collectifs sont saturés Face à ces idées à la mode, la FNAUT main- décideurs politiques, qui délaissent toute vision (transports urbains, voies ferrées de banlieue, tient sa position : comme les projets de mobi- prospective. nœuds ferroviaires, grandes gares de Paris et lité urbaine durable (vélo et TCSP urbains), les La FNAUT a recensé les nombreux para- de province). grands projets ferroviaires ne doivent pas être mètres dont l’évolution vraisemblable va, Le risque latent d’un nouveau choc pétro- systématiquement abandonnés ou reportés, ils contrairement à une idée reçue, amplifier lier ne peut être exclu malgré l’émergence des doivent être examinés au cas par cas. les besoins de mobilité et l’usage du train énergies nouvelles. Ce point de vue a été exposé par la FNAUT (FNAUT Infos 249). Les nuisances routières et aériennes ont au Comité d’orientation des infrastructures le des coûts sociaux et financiers (accidents, santé 24 octobre dernier. La démographie publique) prohibitifs. Si la FNAUT défend divers grands projets En premier lieu, la population française Enfin le réchauffement climatique fragi- ferroviaires voyageurs et fret (l’extension du va augmenter de 15 % d’ici 2060 d’après lise l’économie comme la biodiversité (le tiers réseau des LGV, la ligne nouvelle Paris-Nor- l’INSEE. Elle va vieillir. de nos émissions de gaz à effet de serre est dû mandie, le Lyon-Turin et le CFAL, les auto- Sa répartition sera inégale : elle se aux déplacements). routes ferroviaires), elle ne doit donc pas être concentrera en Ile-de-France et dans les considérée pour autant comme une « fana- grandes agglomérations de province, dans Le Commissariat général du développement tique des grands projets ». les périphéries urbaines, sur les littoraux durable (CGDD) a publié, en juillet 2016, des La FNAUT a largement démontré dans atlantique et méditerranéen (métropolisa- projections de la demande de transport de le passé qu’elle n’hésitait pas à s’opposer aux tion, périurbanisation, littoralisation). voyageurs et de marchandises aux horizons grands projets inutiles, d’un coût excessif et 2030 et 2050, qui confirment la pertinence de pénalisants pour l’environnement. La liste est Le mode de vie l’analyse de la FNAUT et de ses propositions longue et tous les modes sont concernés : nou- La taille des ménages diminue. Les familles ambitieuses en matière de transport public velles autoroutes de liaison et rocades urbaines, s’éparpillent et se recomposent. Les lieux de la urbain et ferroviaire. aéroport de Notre-Dame-des-Landes, canal vie étudiante et professionnelle se dispersent. Selon le CGDD, le trafic voyageurs longue Seine-Nord et même certains projets mal distance va croître de 1,2% par an entre 2012 conçus de transport collectif (lignes 17 et 18 du L’évolution culturelle et 2030 puis 1,1% par an entre 2030 et 2050. Grand Paris Express, LGV Poitiers-Limoges, Les citadins se détachent peu à peu de la Le train verra sa part modale augmenter mal- branches ouest et sud de la LGV Rhin-Rhône, voiture. Le taux de motorisation diminue chez gré le développement du covoiturage et de gares TGV exurbanisées). les jeunes. Les voyages touristiques des seniors l’offre d’autocars. Sur la courte distance, le Plutôt que d’examiner au cas par cas les se multiplient. trafic des personnes augmentera de 29% entre grands projets auxquels la FNAUT est favo- 2012 et 2050, avec une hausse de 49% pour rable, nous allons ici justifier notre ambition L’aménagement du territoire les transports collectifs. pour les transports urbains en site propre et Les services (administrations, commerces, Selon le rapport de Marie-Line Meaux sur le rail en partant non pas - comme on le fait services de santé...) se concentrent dans les le nœud ferroviaire lyonnais (CGDD, octobre généralement, ce qui est une erreur fondamen- métropoles, dont par ailleurs la création des 2011) : « les études prospectives doivent inté- tale de méthode - des possibilités actuelles de grandes régions renforce le rôle. grer une demande accrue de report modal, il financement, mais d’une analyse des besoins faut répondre à la croissance des besoins par actuels et futurs des voyageurs, des territoires Le pouvoir d’achat une intervention forte sur la capacité du réseau et de la collectivité. Chômeurs et jeunes se paupérisent, le pou- portant ses fruits vers 2030 ». voir d’achat du reste de la population aug- L’Office fédéral suisse du développe- 1 - Les besoins actuels mente au contraire. ment territorial confirme les prévisions du CGDD. D’ici 2040, les trafics ferroviaires Ces besoins sont sous-estimés par les L’activité économique voyageurs et fret devraient fortement pro- décideurs politiques. Il suffit, pour s’en Son évolution future est incertaine mais gresser, et l’utilisation des transports publics convaincre, d’observer aussi bien les succès sa reprise est déjà sensible sur le volume du suisses (trains, trams et bus) augmenter de commerciaux des grands investissements transport de fret. 50 % au moins.

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ressantes très courtes, les gains de temps marginaux. De tels relèvements de vitesse, même à tracé constant, impliqueraient de coûteux aménagements (passages à niveau, voie...) ; ils poseraient de sérieux problèmes locaux d’environnement et susciteraient l’opposition des riverains. Si on veut augmenter la vitesse des trains, on ne saurait donc trouver là une alternative à la construction de nouvelles LGV ni même une offre intermédiaire entre Intercités et TGV. Plateforme du Boulou (MD) Si l’idée de porter un réseau structurant à 200/220 km/h est utopique, des gains 3 - Des besoins imbriqués existantes, donc un meilleur fonctionne- de temps intéressants sont cependant pos- ment des trains du quotidien : sibles sur quelques lignes structurantes : Les déclarations du gouvernement - le Grand Paris Express évitera le pas- Paris-Clermont, Paris-Limoges, Lyon- (prioriser les trains du quotidien, re- sage par Paris lors des trajets banlieue- Nantes. Des relèvements de vitesse moins porter les grands projets interurbains) banlieue, et désengorgera le RER ; ambitieux sont aussi possibles sur d’autres prêtent à confusion. Elles laissent croire - la réalisation du CFAL désaturerait lignes, en visant le retour aux vitesses pra- que les besoins quotidiens ne concernent la gare très encombrée de Lyon-Part- tiquées naguère mais réduites depuis lors que les déplacements de proximité et ne Dieu (une gare souterraine est inutile si le suite à la dégradation des infrastructures. relèvent que des trains classiques, TER CFAL est réalisé) ; La vitesse peut s’approcher des 160 km/h et Transilien. - la création d’une ligne nouvelle mixte sur une part significative du réseau. Or les déplacements réguliers, occa- entre Lyon et Saint-Jean-de-Maurienne sionnels mais fréquents, à moyenne ou permettrait de désaturer, entre Lyon et 6 - Les reports possibles de trafic longue distance se multiplient (études Saint-André-le-Gaz, la ligne classique sur le rail sont sous-estimés supérieures effectuées loin du domicile Lyon-Grenoble/Chambéry ; familial, couples dont les deux membres - les lignes nouvelles Montpellier- D’une manière générale, la technique travaillent dans des villes différentes et Perpignan et Marseille-Nice ont pour ferroviaire est nettement plus attractive se retrouvent chaque week-end, échanges objectif d’augmenter la capacité du rail, que la technique routière - un constat qui d’enfants suite à des divorces). Les trains de faciliter la circulation des TER, In- ne procède d’aucune idéologie. Intercités mais aussi les TGV font donc de tercités et trains de fret, et de fluidifier Le remplacement d’une ligne de bus plus en plus partie de la vie quotidienne, la circulation sur le réseau autoroutier, ordinaire par un vrai BHNS provoque il ne faut pas opposer artificiellement les complètement saturé ; une hausse de la clientèle de 30 à 50 % ; grands projets destinés à les faciliter à la - la construction du GPSO implique si le bus est remplacé par un tramway, la modernisation du TER et du Transilien. des travaux sur la ligne classique Bor- hausse est supérieure à 100% (à paraître De même qu’un automobiliste et un deaux-Toulouse, au sud de Bordeaux et dans FNAUT Infos). camionneur ont besoin de routes com- au nord de Toulouse, dont bénéficieraient De même les rares réouvertures de munales et départementales comme de les TER et Intercités ; lignes intervenues depuis 30 ans sont voies express et d’autoroutes, un usager - la Voie Ferrée Centre Europe Atlan- plébiscitées par le public, alors que les du train a besoin d’une offre diversifiée tique (VFCEA, FNAUT Infos 101, 153, transferts sur route s’accompagnent d’une de bonne qualité, c’est-à-dire de services 179) éviterait le passage de trains de fret chute notable de la clientèle. TER, Intercités et TGV, et un chargeur a par la grande ceinture parisienne. L’expérience montre que la réalisation besoin de lignes classiques modernisées, y de grands projets ferroviaires (métros, compris de lignes capillaires en bon état, 5 - La vitesse ferroviaire tramways, LGV) provoque des chocs psy- comme de nouvelles liaisons performantes reste attractive chologiques qui influencent massivement telles que le Lyon-Turin. Ne l’oublions et durablement les comportements (voya- pas : c’est la coexistence d’un réseau auto- Les voyageurs sont de plus en plus sen- geurs et entreprises). routier étoffé et très performant et d’un sibles au prix, à la fréquence et à la ré- La LGV SEA a induit une forte crois- réseau départemental et local bien maillé gularité des dessertes ferroviaires. Mais sance du trafic Paris-Bordeaux, et même qui a permis le succès de la route. le temps de parcours reste un élément Paris-Toulouse malgré un temps de par- Toutes les composantes du système important d’attractivité du train, comme cours qui reste très supérieur à 4h. ferroviaire doivent donc être dévelop- le démontre la forte augmentation de sa En Allemagne, encore peu équipée en pées : transports du quotidien et grands fréquentation à chaque ouverture d’une LGV, la part du train à grande vitesse projets répondent à des besoins complé- LGV, malgré la hausse du prix des billets, (TAGV) dans le marché TAGV + avion mentaires. C’est seulement si une ré- et inversement les fortes pertes de clien- est inférieure à 20 %, elle est supérieure à ponse globale est apportée à ces besoins, tèle en cas de ralentissement des trains 70 % en France. qui forment un tout, que les comporte- entraînant des augmentations dissuasives Bien entendu, les reports de trafic sur ments évolueront. Tant qu’on opposera des temps de parcours. le rail ne sont massifs que si l‘infrastruc- lignes classiques et grands projets, le rail Les matériels disponibles sont perfor- ture nouvelle est performante, si l’exploi- continuera à régresser. mants, on peut cependant jouer sur l’infras- tation est pertinente (tarifs accessibles, tructure pour réduire la durée des trajets. fréquences élevées, régularité, qualité de 4 - Opposer l’existant et les Rappelons les conclusions de l’exper- service...) et si le rail n’est pas pénalisé grands projets est erroné tise de Gérard Mathieu (FNAUT Infos par la politique des transports de l‘Etat 244 et 245). La généralisation du 200/220 (taxation du kérosène, écotaxe routière). Séparer amélioration du réseau clas- km/h sur les lignes classiques, préconisée On peut espérer ainsi de la réalisation sique et lancement de grands projets est par certains responsables politiques, est du Lyon-Turin le report sur le rail d’un artificiel. Les grands projets ont, parmi une utopie : les possibilités sont rares et camion sur deux en transit entre la France leurs fonctions, la désaturation de lignes dispersées sur le réseau, les sections inté- et l’Italie.

4 x FNAUT infos n°260 - décembre 2017 Dossier

7 - L’impact écologique des grands 9 - La dette ferroviaire n’est pas le Grand Paris Express, et apurer peu à peu la projets est mal apprécié un obstacle aux grands projets dette ferroviaire : - en éliminant les gaspillages ; les grands C’est la conséquence directe de la sous-esti- Comme l’a démontré Denis Huneau dans projets inutiles, nocifs et ruineux déjà cités sont mation des reports modaux possibles quand les une analyse remarquable (FNAUT Infos aujourd’hui en décalage complet avec les objec- grands projets sont réalisés sur des axes perti- 237), la dette ferroviaire n’est pas pérenne : tifs officiels (protection de la biodiversité, éco- nents et dans le cadre d’une politique cohérente toutes les LGV existantes sont rentables, nomies d’énergie, lutte contre le réchauffement de maîtrise des trafics routiers et aériens. la part de la dette due au financement des climatique, relance des ports français) ; A ce jour, le TGV capte environ 20 mil- LGV par RFF puis SNCF Réseau est donc - en accélérant l’arrivée de la concurrence fer- lions d’anciens passagers aériens par an. Si le remboursable peu à peu. roviaire afin de réduire les coûts de production réseau des LGV est complété, en particulier La dette est due essentiellement à la contri- (maintenance du réseau existant et exploitation) ; vers Toulouse et Nice comme le demande bution financière insuffisante de l’Etat et des - en empruntant (on l’envisage bien la FNAUT, le TGV sera l’équivalent, en collectivités à la construction des LGV et à la pour financer le canal Seine-Nord et le capacité, du troisième aéroport parisien (voir régénération du réseau classique (alors qu’ils CDG Express) ; les taux d’emprunt sont très l’étude de Gérard Mathieu et Jacques Pavaux, financent intégralement les routes) et aux sur- bas ; selon Jacques Gounon, président d’Euro- FNAUT Infos 120). Or le TGV émet en coûts du système ferroviaire. tunnel, « aujourd’hui l’argent est gratuit » ; moyenne 36 fois moins de gaz à effet de serre Mieux rentabiliser le TGV est possible par - en mobilisant les investisseurs publics et par voyageur x km que l’avion court-courrier une réduction des péages ferroviaires donc privés ; ils disposent aujourd’hui de réserves (FNAUT Infos 214). par une reprise au moins partielle de la dette financières considérables et inemployées, qui Certes la construction de 2 800 km de LGV par l’Etat ; par une stratégie cohérente de pourraient être investies dans le rail ; a eu un impact négatif sur les zones traversées SNCF Mobilités (les fréquences du TGV ne - en sollicitant l’Union Européenne qui (comme celle de 12 000 km d’autoroutes...) : répondent pas à la demande, les cars Ouibus doit contribuer au financement des projets consommation d’espace et surtout effet de cou- concurrencent le TGV) ; par une maîtrise de internationaux tels que les accès au tunnel de pure. Mais cet impact reste local. Le réchauffe- ses coûts de production ; par une correction de base du Lyon-Turin ; ment climatique est, lui, un phénomène global l’inéquité de la concurrence entre le rail et les - en imposant des taxes foncières aux bénéfi- qui menace toute la biodiversité. Lorsque le autres modes : si, d’après la SNCF et la mi- ciaires des grands projets, comme on l’envisage réseau des LGV est peu étoffé, le trafic aérien nistre, 70 % des dessertes TGV sont déficitaires en Occitanie ; se développe : c’est le cas en Allemagne. (même Paris-Nice...), c’est aussi parce que les - en mettant en œuvre une fiscalité envi- cars Macron ne sont soumis à aucune écotaxe ronnementale qui peut être très productive et 8 - Une pause serait dangereuse et le kérosène à aucune TICPE. dont le produit doit être dédié pour l’essentiel à Le « modèle économique du TGV » n’est la mobilité (taxes supplémentaires sur les véhi- On ne peut se contenter d’améliorer l’exis- donc pas intrinsèquement dépassé mais reste cules et les carburants routiers - voir encadré tant. Si de graves difficultés sont rencontrées pertinent, le TGV est la seule activité ferro- page 6, taxation du kérosène consommé par les aujourd’hui, c’est bien parce que les besoins viaire rentabilisable. La crainte d’une explosion avions court-courriers, taxation des sociétés au- actuels n’ont pas été correctement anticipés. de la dette est un argument trompeur, un faux toroutières, écotaxe routière et péage urbain…). Il faut donc anticiper à temps les diffi- prétexte pour justifier l’immobilisme. Il faut profiter du bas prix du pétrole pour ap- cultés futures, qui seraient aggravées par un pliquer rapidement cette fiscalité. report prolongé ou un abandon des grands 10 - On peut financer les grands Selon la Commission européenne, la France projets. La qualité de vie dans 5 ou 10 ans projets ferroviaires est située au 24ème rang sur 28 pays européens dépendra de la capacité des politiques à se en matière de fiscalité environnementale, d’où dégager de leur vision court terme et à anti- Il faut adapter les possibilités de financement un manque à gagner aujourd’hui pour l’Etat de ciper les besoins de mobilité et les exigences aux besoins, et non le contraire comme on essaie de plus de 20 milliards d’euros par an. Selon Phi- environnementales et climatiques. le faire aujourd’hui. lippe Duron, aujourd’hui président du Comité La « pause » préconisée par la ministre des Les contraintes financières ne sont pas une d’orientation des infrastructures : « la TICPE transports est donc mal venue : il faut lancer les donnée de la nature : ce n’est pas l’argent qui demeure un levier important pour faire face à grands projets soutenus par la FNAUT - en manque mais la volonté politique. On peut nos besoins. Nous avons les outils pour une po- priorité les LGV Bordeaux-Toulouse pour cap- relancer les investissements sur l’ensemble du litique ambitieuse en matière d’infrastructures. ter du trafic aérien et Montpellier-Perpignan territoire, comme on a su le faire pour lancer A nous de les saisir ! » pour décharger la ligne littorale : - il s’agit à la fois de combler les retards accu- mulés depuis des décennies et de répondre aux besoins futurs ; - les grands projets ne se concrétisent que très lentement : envisagé depuis la fin des années 1980, le tunnel du Lyon-Turin ne sera ouvert qu’en 2030.... - enfin plus on attend, plus on fait le jeu de la route et de l’avion. Malgré des nuisances routières de plus en plus inquiétantes et coûteuses, l’immobilisme ferroviaire favorise des travaux routiers (élar- gissement de l’A8 à Montpellier, GCO de Strasbourg...) qui pourraient être évités si tous les investissements ferroviaires étaient accélérés. Autre exemple typique : la reprise écono- mique induit une croissance du trafic franco- italien de fret (+ 10 % environ depuis 3 ans) mais, faute d’une infrastructure ferroviaire performante, cette croissance est assurée par la route uniquement. Gare Belfort-Montbeliard TGV (MD)

FNAUT infos n°260 - décembre 2017 x 5 Dossier Conclusion : A propos de la TICPE La TICPE (taxe intérieure de consom- non au malthusianisme ferroviaire mation sur les produits énergétiques, ex- TIPP ou taxe intérieure sur les produits Une priorité évidente pas servir d’alibi pour reporter sans cesse pétroliers) est appliquée en particulier les grands projets urbains et ferroviaires aux carburants routiers. La FNAUT plaide Les nouvelles mobilités voyageurs (avion ou même y renoncer. de longue date pour son augmentation. low cost, autocar, covoiturage) ne se déve- Une « pause » est donc injustifiée. Il Elle a demandé à l’économiste Jean-Ma- loppent pas seulement pour des raisons de ne s’agit pas de « mettre des tramways et rie Beauvais d’évaluer le produit d’une prix pour l’usager, mais aussi parce que le des LGV partout », mais il n’y a aucune hausse d’un centime de la TICPE. rail souffre de sous-investissement. raison de reporter aux calendes grecques Le réseau ferré s’est profondément dé- les grands projets vertueux, conformes Coût des carburants gradé depuis 30 ans et présente de nom- aux objectifs officiels de l’Etat - équi- breux nœuds de saturation ; les lignes dites libre territoriaux, protection de la biodi- En 2016, le coût d’un litre d’essence se secondaires (UIC 7 à 9), peu fréquentées versité, économies d’énergie, lutte contre décomposait ainsi (en centimes) : car mal exploitées, ne sont plus entrete- la dérive climatique. essence (25 % du prix total) 32,9 nues ; la dégradation des services entraîne Remarquons que certains grands projets marge de distribution (8 %) 11,0 une fuite des usagers et diminue l’intérêt concernent le réseau classique : la VFCEA, TICPE (50 %) 64,8 économique d’une réfection ; et les ferme- différée de manière incompréhensible par tures entraînent un démaillage progressif la commission Mobilité 21 ; la jonction TVA (17 %) 21,7 du réseau. Roissy-Picardie ; et différents projets de prix total (100 %) 130,4 Si on admet que les ressources de l’Etat RER (Lille en particulier). et des collectivités territoriales disponibles Par ailleurs il ne faut pas craindre que Le prix d’un litre de gazole se décomposait pour le rail sont inextensibles, il est donc le lancement de grands projets pénalise de manière analogue : pleinement justifié de les concentrer sur la modernisation du réseau classique : en gazole (28 %) 30,8 l’amélioration des transports de la vie quo- effet, les financements des infrastructures marge de distribution (9 %) 10,3 tidienne, donc sur la régénération et la mo- existantes et nouvelles sont en grande par- TICPE (46 %) 51,1 dernisation des infrastructures existantes, et tie indépendants ; chaque grand projet sus- en particulier du réseau ferré classique. cite un financement ad hoc si bien que, s’il TVA (17 %) 18,4 Des ressources nouvelles sont d’ailleurs est abandonné, il n’y a pas de report d’un prix total (100 %) 110,6 indispensables pour répondre aux besoins financement (virtuel) sur l’existant. immédiats. Il manque de 1,5 à 2 milliards Produit de la TICPE d’euros par an pour régénérer et moder- Le rail démodé ? niser le réseau ferré classique et éviter son En 2016, les ventes de carburant auto- vieillissement : le kilométrage sur lequel Il faut aussi s’interroger sur l’attitude mobile ont été de 7,70 millions de m3 d’es- les trains sont ralentis augmente et atteint souvent défaitiste et décliniste des déci- sence et de 19,44 millions de m3 de gazole. aujourd’hui 5 300 km... SNCF Réseau, deurs politiques et des dirigeants de la Le produit correspondant de la TICPE a été qui investit pourtant 3 milliards d’euros SNCF en matière ferroviaire, que dénonce de 4,99 milliards d’euros pour l’essence et par an, n’a pas de plan global à moyen la FNAUT (FNAUT Infos 255). Plusieurs de 9,94 milliards pour le gazole, soit un pro- terme, même des liaisons d’intérêt natio- explications sont plausibles : duit total de 14,89 milliards. nal sont menacées. - pour certains, le train n’a pas d’avenir Le produit de la TICPE sur les carburants Un seul exemple : la ligne Nantes Bor- pour des raisons techniques (l’émergence consommés par l’ensemble des véhicules deaux s’est ainsi dégradée sur son tronçon de nouveaux modes tels qu’Hyperloop, routiers (automobiles, véhicules utilitaires lé- central et la situation est telle que la vitesse y la voiture et le camion électriques, les gers et camions, bus et cars) a été de 6,19 mil- est fortement réduite (la durée du parcours nouvelles mobilités) ; liards pour l’essence et 20,86 milliards pour le a augmenté d’une heure, soit + 29 %) et que - pour d’autres, le rail est condamné pour gazole, soit un total de 27,05 milliards. la SNCF demande de fermer la ligne pen- des raisons économiques (la SNCF serait dant des mois pour des travaux qui néces- irréformable : des coûts trop élevés, trop de Produit d’une hausse de 1 centime siteront au mieux 10 ans pour être menés à grèves ; la concurrence des autres modes est bien, le tout pour obtenir des performances trop forte). Le produit d’une hausse de la TICPE de 1 inférieures à celles existant antérieurement Ces idées sont illusoires ou totalement centime par litre de carburant automobile est en vitesse et temps de parcours ! fausses, qu’il s’agisse du transport des donc de 77 millions d’euros (essence) + 194 Et on attend toujours le lancement du voyageurs ou de celui du fret. En Alle- millions d’euros (gazole), soit un total de 271 4ème appel à projets de mobilité urbaine magne, le fret ferroviaire s’est développé millions par an. Si on considère les carburants durable (aménagements vélo, TCSP ur- de manière vigoureuse depuis 10 ans. La consommés par tous les véhicules routiers, bains, RER et revitalisation des étoiles Suisse et l’Autriche construisent des tun- une hausse de 1 centime de la TICPE par litre ferroviaires de province) prévu par le nels ferroviaires de base. Contrairement à rapporte 504 millions d’euros. Grenelle de l’environnement en... 2009 une idée reçue, nos voisins européens (Al- La TICPE étant soumise à la TVA, le rapport (FNAUT Infos 245). lemagne, Angleterre, Italie) continuent à pour l’Etat est alors de 604 millions d’euros L’investissement nécessaire est colossal. étendre leurs LGV. Dans le monde entier, par an. La FNAUT avait avancé le chiffre de Dans ces conditions, la priorité à l’existant du Luxembourg à la Chine, on investit 600 millions d’euros (FNAUT Infos 208), soit devra être maintenue même si des res- massivement dans le secteur ferroviaire, 6 milliards en 10 ans. sources nouvelles sont dégagées. parfois de manière inattendue (voir la « Augmenter la TICPE de 1 centime par litre route de la soie » ferroviaire). de carburant routier pendant une seule an- Et les grands projets ? La FNAUT continuera donc de soute- née permettrait de financer le 4ème appel à nir les projets d’offre de transport public projets de mobilité urbaine durable que récla- Ceci étant, comme nous l’avons mon- adaptés aux perspectives futures : transports ment la FNAUT, le GART et l’UTP, ou environ 25 tré, la pénurie actuelle d’argent public urbains de forte capacité, modernisation du km de ligne à grande vitesse, ou l’intégralité n’est pas une fatalité pérenne ; elle ne doit réseau ferré classique et lignes nouvelles. du projet de VFCEA (FNAUT Infos 153, 179).

6 x FNAUT infos n°260 - décembre 2017 Actualité

L’évolution du prix des carburants automobiles

(Pixabay)

Dans une étude réalisée en 2007 à la demande de la FNAUT, l’économiste Jean-Marie Beauvais a mon- 1 tré que, contrairement à une idée très répandue au sein du grand public (et de la classe politique), le prix des carburants automobiles a pesé de moins en moins sur les budgets des ménages au cours de la période 1970-2005 : si on rapporte ce prix au pou- voir d’achat des ménages, il a diminué, en gros, de moitié (FNAUT Infos 156, 158 et 173).

Jean-Marie Beauvais a actualisé cette étude, les dia- grammes ci-contre concernent la période 1990-2016. Le diagramme 1 illustre l’évolution du prix du litre de ga- zole, du litre d’ essence et du prix moyen des carburants pon- déré par les volumes vendus, en euros courants : c’est celui que l’automobiliste acquitte à la pompe et garde en mémoire. La baisse récente, depuis 2012, est respectivement de 21, 17 et 20 %, elle s’explique essentiellement par la baisse du prix du baril de pétrole d’environ 100 à 50 dollars. Le diagramme 2 montre l’évolution du prix moyen en euros courants puis constants, après correction de l’in- flation : la baisse récente est d’environ 21 %. Le diagramme 3 donne le prix moyen du carburant nécessaire pour parcourir 100 km, il tient compte de la baisse régulière de la consommation des véhicule : la baisse est de 25 %. Enfin, le diagramme 4 ci-dessous corrige le précédent 2 en rapportant le prix moyen non plus à l’indice des prix mais au SMIC horaire : la baisse est de 26 %. On voit que le prix réel des carburants automobiles a nettement baissé depuis 2012 malgré la hausse des taxes (TICPE). Dans ces conditions, une forte hausse des taxes est supportable par l’automobiliste, même modeste. Fin 2017, les prix à la pompe sont respectivement de 1,20 (dont 0,70 de taxe) et 1,34 euro. En 2017, la hausse de la TICPE sur le gazole et l’essence a été respectivement de 3,26 centimes et 1 centime ; en 2018 et les 3 années suivantes, la TICPE sur le gazole augmentera de 2,6 cen- times. La différence de taxation entre les deux carburants disparaîtra en 2021, mais la baisse des prix depuis 2012 - 29 centimes pour le gazole et 26,3 centimes pour l’essence (en monnaie courante) - ne sera pas compensée. Une hausse plus significative des taxes aurait permis de freiner l’usage de la voiture et de dégager les moyens d’investir massivement dans le secteur des transports urbains et ferroviaires, d’étoffer l’offre et de faciliter une reprise de la dette ferroviaire.

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FNAUT infos n°260 - décembre 2017 x 7 Actualité

Démocratisation du transport ferroviaire : comment améliorer la prise en considération de la voix des usagers ?

Usagers en gare de Besançon-Viotte (MD)

Dans le cadre des Assises de la mobilité et dans la perspective d’une pro- 4. Etendre la consultation sur la création chaine loi d’orientation sur les mobilités, la FNAUT souhaite que le secteur du ou la suppression de services nationaux et transport ferroviaire se démocratise et prenne mieux en considération le point internationaux aux associations de voyageurs de vue des voyageurs. La création ou la suppression par SNCF Mobilités de la desserte d’un itinéraire par Plusieurs secteurs de services publics 2. Créer des comités de dessertes nationales un service de transport d’intérêt national ou offrent des dispositifs de consultation et internationales TGV de la desserte d’un point d’arrêt par un ser- réelle et de participation des usagers. Les Il n’existe pas de représentation des parties vice national ou international est soumise représentants des usagers des hôpitaux prenantes en ce qui concerne la consistance de pour avis aux départements et communes et des Centres Régionaux des Œuvres l’offre TGV (lignes, fréquences, horaires, gares concernés (article L. 2121-2 du code des Universitaires et Scolaires (CROUS) ont desservies, correspondances, qualité de service). transports). Cette consultation doit être un réel pouvoir décisionnaire. Quant au Ces comités seraient compétents pour les étendue à la principale fédération nationale processus de consultation sur la stratégie dessertes TGV concernant plusieurs régions, d’associations d’usagers des transports. nationale de santé, plus concret que les par bassins de dessertes cohérents géographi- Assises de la mobilité, il vise à « réaffirmer quement (par exemple les dessertes IDF-Pays 5. Créer des comités de Pôles d’Echanges le rôle des usagers comme acteurs de leur de la Loire/Bretagne). D’autres comités pour- Multimodaux et de gares parcours santé et associer les citoyens à la raient concerner les liaisons internationales. La gouvernance des gares repose sur gouvernance du système de santé ». Ces comités seraient compétents sur le choix les Instances Régionales de Concertation Par comparaison, le secteur ferroviaire des matériels roulants. (IRC) des gares, prévues par l’article 14 du souffre d’un retard démocratique évident, Les comités pourraient réunir des repré- décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 relatif qu’il s’agisse des instances permettant sentants de l’Etat, des collectivités régionales à l’utilisation du réseau ferré national. Les la représentation des utilisateurs ou des concernées, de SNCF Réseau, de SNCF Mobi- IRC ne concernent que les grandes gares processus de décisions. L’absence de lieux lités, des intérêts économiques et des voyageurs. « d’intérêt national » et ne prévoient la par- d’information et de débat induit une ab- Leur pertinence serait renforcée après l’ouverture ticipation des représentants des voyageurs sence de dialogue. à la concurrence des services nationaux par open que de manière optionnelle. access ou allotissement. Or il est véritablement nécessaire de La participation des voyageurs mettre en place une instance de gouver- aux décisions relatives aux 3. Créer des comités de suivi de l’activité nance des gares et des Pôles d’Echanges services ferroviaires des délégataires de services ferroviaires Multimodaux (PEM), d’autant que l’ou- (TET et TER) verture à la concurrence va faire émerger 1. Renforcer la représentation des voya- La convention d’exploitation des Trains d’autres opérateurs ferroviaires que l’opéra- geurs dans la gouvernance des trois Eta- d’Equilibre du Territoire (TET) 2016-2020 ne teur historique : il faut inventer l’instance blissements Publics Industriels et Com- prévoit aucun comité associant les représentants où tous seront présents autour de la table. merciaux (EPIC) SNCF des voyageurs ; par ailleurs les comités de lignes Cette instance doit concerner davan- La loi du 4 août 2014 portant réforme pour les TER sont facultatifs (article 22 de la tage de PEM que les IRC actuels et in- ferroviaire a fait évoluer la représentation LOTI, loi du 30 décembre 1982 d’orientation clure des gares de villes moyennes. Elle des consommateurs et usagers. des transports intérieurs). doit associer toutes les parties prenantes Dans le système antérieur, un repré- Un comité de suivi compétent par groupes impliquées et systématiser la représenta- sentant des voyageurs (consommateurs) de lignes cohérents géographiquement doit tion des voyageurs. et un représentant des chargeurs (usa- être créé pour tous les services concédés par une Son champ doit être plus large que celui gers) étaient membres de chacun des autorité organisatrice (AO) (l’Etat pour les TET, des IRC et porter sur la gouvernance des conseils d’administration (CA) de la les Régions pour les TER). infrastructures mais aussi sur la coordina- SNCF et de RFF. Ces comités pourraient réunir des représen- tion des services, l’articulation des modes et La loi limite dorénavant cette repré- tants de l’Etat, de l’AO, des collectivités locales l’intermodalité. sentation des utilisateurs du train à un concernées, de SNCF Réseau, des entreprises membre du CA de SNCF Mobilités et un ferroviaires délégataires, des intérêts écono- 6. Dynamiser le Haut Comité du système membre de celui de SNCF Réseau. miques et des voyageurs. Leur objet porterait sur de transport ferroviaire Or les problémes des voyageurs et des la politique de desserte, la qualité de service, les Ce comité a été mis en place par la loi chargeurs doivent pouvoir être portés dans correspondances, l’articulation entre les dessertes du 4 août 2014 et peut être consulté sur chacun des CA de SNCF Mobilités et TET transférées aux Régions et les dessertes les questions stratégiques du système de Réseau (la FNAUT est représentée effica- TER, le choix des matériels roulants, la défini- transport ferroviaire national (la FNAUT cement au premier par Marc Debrincat ; tion des appels d’offres et l’évaluation du rapport y est présente). Sa compétence porte à la Jean Lenoir, qui la représentait au second, d’exécution des délégataires. fois sur les services et sur le réseau, dans une a été évincé, malgré sa compétence, au pro- Plus largement, des comités de suivi doivent logique intermodale. fit de... France Nature Environnement). être mis en place pour l’ensemble des services Il doit être réuni plus régulièrement et D’autre part, il n’y a pas de représentants de mobilité organisés par une AO et exécutés son rôle de concertation et d’orientation des consommateurs ou des usagers au CA sous forme contractuelle ou sous forme de ré- doit être renforcé. Selon le code des trans- de la SNCF (EPIC dit « de tête ») : un gie (services de transport urbain quel que soit ports, le schéma national des infrastructures représentant des voyageurs et un représen- le mode, transport régional par autocar, ser- de transport et le schéma national des ser- tant des chargeurs doivent y siéger. vices de navigation, services aériens). vices de transport doivent lui être soumis.

8 x FNAUT infos n°260 - décembre 2017 Actualité

La participation des voyageurs il s’agit simplement de la pérenniser et de collectivement, les consommateurs. Leur aux décisions relatives au réseau la sécuriser réglementairement. présence est requise dans de nombreuses ferroviaire instances, où elles défendent les intérêts des 5. Avis conforme de la Région consommateurs face aux professionnels. l La consultation préalable à l’arrêt du Il s’agit de permettre aux Régions de Elles sont consultées sur des projets de trafic pour les services régionaux s’opposer à la fermeture et/ou au déclasse- politiques publiques. Elles peuvent désor- Qu’il s’agisse de fermeture par choix ment, en cas d’avis défavorable (qui devient mais engager des actions de groupe, une (transfert sur route) ou par contrainte (im- une forme de droit de veto, le cas échéant responsabilité nouvelle dont l’exercice est posée par SNCF Réseau pour raison tech- limité à une durée déterminée, par exemple potentiellement lourd et coûteux. Enfin, nique), une procédure préalable à l’arrêt du 10 ans). Une fois de plus, il ne s’agit que elles mènent, de leur propre initiative, des trafic doit s’imposer aux autorités organisa- d’intégrer dans le droit la pratique de actions politiques, juridiques et écono- trices concernées et à SNCF Réseau : ana- SNCF Réseau qui, à de très rares excep- miques visant à défendre les consomma- lyse du trafic, étude de repreneurs éventuels tions près, suit systématiquement l’avis des teurs. Leur expertise est reconnue par les de l’exploitation, conditions du report de la Régions, même quand il est défavorable. Le pouvoirs publics et les consommateurs. desserte sur autocar, calendrier d’informa- régime des avis conformes existe déjà dans tion en amont sur l’arrêt du trafic. le secteur ferroviaire (voir l’ARAFER sur les péages ferroviaires). l La refonte de la procédure de fermeture administrative et de déclassement 6. Soumission à enquête publique Le public doit pouvoir s’exprimer, ce qui 1. Motivation des décisions de fermeture limite ensuite la contestation. et de déclassement La plus modeste modification d’un plan Il convient d’imposer une justification des local d’urbanisme, et même la vente d’un décisions de fermeture et de déclassement simple chemin rural, est soumise à en- au regard de l’importance des enjeux (irré- quête publique : on voit mal pourquoi le versibilité). Cette proposition est modeste déclassement et la cession d’une ligne du puisque la motivation est déjà présente à réseau ferré national ne le seraient pas. Le travers le contenu du dossier qui expose les nombre d’enquêtes serait très faible (10 à raisons de la fermeture ou du déclassement. 20 par an sur un total de 5 500 enquêtes Imposer une motivation synthétique des publiques en 2016). Gare de Marvejols (MD) décisions favorisera l’acceptabilité sociale de ces décisions. 7. Interdiction d’un déclassement si le 2. La FNAUT propose deux mécanismes potentiel de la ligne est estimé supérieur de financement des associations 2. Précision réglementaire du contenu à 1000 voyageurs/jour Les associations sont soumises à une du dossier de fermeture d’une section du Il s’agit de créer un encadrement de la obligation d’indépendance : le code de la réseau ferré national (RFN) procédure au fond, et de réduire le pou- consommation leur interdit tout finance- SNCF Réseau présente déjà des dos- voir discrétionnaire de SNCF Réseau ment provenant d’entreprises. siers aux Régions, parfois très com- de déclasser des lignes du RFN à fort Or les subventions octroyées par le mi- plets mais de qualité variable. En cas de potentiel de trafic. Le seuil proposé peut nistère de l’économie diminuent d’année contestation contentieuse des fermetures évidemment être discuté. en année. De ce fait, elles peinent à main- ou déclassements, cela créée en outre une tenir leur capacité de conseil et d’inter- incertitude juridique. 8. Publication des contrats de transferts vention dans un contexte d’émergence Il convient donc de préciser les élé- de gestion de nouveaux services et de foisonnement ments que doivent contenir ces dossiers : Le plus souvent, les fermetures ne sont des offres alors même qu’on attend d’elles lien de la section avec le réseau, poten- plus suivies de déclassements et ventes, une expertise de plus en plus vaste et exi- tiel de trafic fret et voyageurs, pertinence mais d’autorisations d’occupation tempo- geante. Des ressources spécifiques leur sociale, économique et énergétique. raire ou de contrats de transferts de ges- sont donc indispensables. tion (aux départements) pour l’exploitation La FNAUT propose qu’elles bénéficient 3. Evaluation du potentiel de trafic par un d’une voie verte. Ces décisions doivent être tout d’abord du montant des sanctions cabinet indépendant publiées au Bulletin Officiel de SNCF Ré- financières prononcées par l’Autorité de Déjà réalisée pour les principaux dossiers seau, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. la concurrence, puisqu’elles s’attachent, de fermetures, elle devrait être étudiée avant notamment, à faire respecter les règles la décision de SNCF Réseau d’engager Le financement des associations de relatives à la loyauté des pratiques com- la procédure de fermeture-déclassement. consommateurs merciales des entreprises et à dénoncer les Mais on ne peut pas se contenter d’une pratiques anticoncurrentielles. évaluation faite par SNCF Réseau après 1. Les associations de consommateurs Sur le modèle des mécanismes de finan- avoir déjà décidé d’engager la fermeture sont les organismes en qui les Français cement du dialogue social en entreprise, la et le déclassement. Cette évaluation doit ont le plus confiance FNAUT propose aussi qu’une très faible être réalisée par un cabinet indépendant de Chaque année, un sondage atteste un part du montant de la masse salariale SNCF Réseau en amont de la décision. haut niveau de confiance dans les associa- affectée par l’opérateur à la réalisation tions de consommateurs agréées. Le der- du service, dans le cadre d’un contrat ou 4. Consultation des associations de nier Baromètre de la confiance (sondage d’une régie, soit affecté aux associations consommateurs et d’usagers TNS, octobre 2017) indique que « dans d’usagers compétentes dans le ressort des La FNAUT et, le cas échéant, les fé- une société de défiance, une majorité de services concernés. dérations agréées de consommateurs, Français font confiance aux associations Cette disposition couvrirait les services doivent être consultées afin que leur avis et fondations ». ferroviaires, régionaux et urbains. Ce fi- puisse être transmis aux conseils régio- Cette confiance est pleinement justifiée. nancement serait consacré à la participa- naux et au CA de SNCF Réseau avant dé- Les 15 associations agréées de consomma- tion aux comités d’usagers, à la transmis- cision sur la fermeture et le déclassement. teurs - la FNAUT est l’une d’elles - infor- sion des plaintes et à un rapport d’analyse Cette pratique est déjà mise en œuvre, et ment et défendent, individuellement ou de la qualité des services.

FNAUT infos n°260 - décembre 2017 x 9 Actualité SNCF Mobilités : Les arrêts du TGV une stratégie ferroviaire décliniste Selon Elisabeth Borne, ministre des Transports, « on ne dessert pas Brive avec Car TER en Lorraine (MD) un A 380 ». Certes la desserte de l’aéro- port de Brive ne nécessite pas le recours à Selon une déclaration du président de SNCF Mobilités lors du récent des avions de grande capacité, mais faut- congrès de la FNTV, « la SNCF a l’ambition que le car TER soit meilleur que ce il en déduire, comme le proposait déjà que le train peut faire ». Cette déclaration a suscité l’incompréhension de la la Cour des comptes (FNAUT Infos 237), FNAUT, qui demande un recentrage de l’exploitant sur son métier de base : qu’il faut réduire le nombre des gares faire circuler des trains. desservies par TGV ? Ne mélangeons pas les problèmes. Train ou autocar ? collectivité et, pour l’exploitation des TER Le nombre des gares desservies par le TGV Régression du service public et Intercités, sur sa mise en concurrence avec (230 environ) doit être maintenu dans l’inté- d’autres opérateurs réellement motivés par le rêt des voyageurs, de la SNCF et de la collecti- TER : train et car sont nécessaires et com- développement du rail. vité ; il est justifié et constitue un atout du TGV plémentaires qui doit être valorisé. Les vocations des deux techniques sont Auto/train : on ferme ! complémentaires : le train, avec un bon rap- Le nombre des gares desservies par le port qualité/prix, doit desservir les lignes fer- Après sa volonté affichée «… que le car TGV n’est pas extravagant roviaires intéressantes, qui ne se limitent pas TER soit meilleur que ce que le train peut Si on enlève les gares dont la desserte, à quelques lignes à grand trafic. Le car doit le faire », la SNCF a annoncé un nouvel aban- très appréciée des voyageurs, est saison- compléter dans les zones de faible densité de don du rail : la fermeture de 7 de ses termi- nière (stations balnéaires ou de sports d’hi- population ou dépourvues de voie ferrée, et naux auto/train sur 12 et son alliance avec ver) et celles qui sont situées dans les pays non le concurrencer ou le remplacer. des transporteurs routiers pour acheminer limitrophes (environ 40), on constate que les voitures. le nombre des gares desservies par le TGV Le train doit être mieux exploité avant tout La SNCF abandonne ainsi les termi- est très voisin de celui (150) des gares des- transfert sur route naux de Bordeaux, Biarritz, Brive, Tou- servies par l’ICE en Allemagne, pays dont la Le train régional est bien mieux exploité louse, Narbonne, Lyon et Briançon pour superficie n’est égale qu’aux deux-tiers de par les opérateurs étrangers qu’il ne l’est en ne conserver que ceux du sud-est : Avi- celle de la France. France, y compris sur des lignes à faible trafic. gnon, Marseille, Toulon, Fréjus-Saint-Ra- Pourquoi SNCF Mobilités ignore-t-elle leurs phaël et Nice. Les arrêts actuels sont indispensables aux méthodes ? Transférer le service ferroviaire Les voitures auparavant acheminées par voyageurs sur route est prématuré, c’est faire l’inverse train de nuit seront conduites par un chauf- Les arrêts sur les LGV sont très peu de ce que souhaitent les usagers du TER, qui feur ou transportées par camion. De nouvelles nombreux et la FNAUT est défavorable protestent dans toutes les régions françaises villes pourront certes être desservies, mais les à leur augmentation éventuelle : elle est contre cette politique défaitiste et décliniste. nouveaux acheminements seront plus lents ainsi fermement opposée à la création ou beaucoup plus chers que par le train. d’une gare nouvelle à Allan-Montélimar Le car est utilisé à contresens Confortable et sûr pour le voyageur, l’auto/ (FNAUT Infos 212). Pour réaliser des économies apparentes, au train doit être encouragé car il respecte l’envi- Les arrêts sur lignes classiques sont com- lieu de chercher à contenir la dérive de ses ronnement. Il contribue aussi à l’aménage- mercialement justifiés et doivent être main- coûts de production, la SNCF remplace sou- ment du territoire grâce aux parcours termi- tenus. C’est le cas, en particulier, des arrêts vent les trains TER par des cars aux heures naux permis par la voiture, et encourage les sur les parcours terminaux des relations creuses. Or, une fois le train acheté, son coût séjours de longue durée (qui rentabilisent le Paris-province. marginal d’utilisation est faible : le train doit transport de la voiture). donc être utilisé toute la journée, pour capter Or, dans la nouvelle organisation, le trans- Les arrêts sur lignes classiques sont un un maximum de clientèle. C’est en heure de port des motos, vélos, planches à voile… est atout économique pour la SNCF pointe que le car est utile : il permet de vraies exclu, ce qui pénalise les déplacements touris- La suppression d’arrêts sur les lignes clas- économies en évitant un sur-investissement tiques. A ce titre, l’abandon de la desserte du siques serait une erreur grave, l’allongement en matériel ferroviaire (voire l’étude récente Sud-Ouest Atlantique, des Pyrénées et des des temps de parcours qu’ils impliquent est du CEREMA dans FNAUT Infos 257). Alpes est particulièrement absurde. marginal. Il faut au contraire créer quelques Les dessertes auto/train supprimées le sont arrêts supplémentaires et améliorer les cor- Une stratégie incompréhensible pour cause de déficit d’exploitation mais cet respondances avec les TER afin de renforcer Le projet d’entreprise de SNCF Mobilités, argument n’est pas admissible : quand les au- la fréquentation du TGV. baptisé pompeusement « Excellence 2020 », tocars Ouibus qui concurrencent directement propose une diversification des activités de le train affichent un déficit de 45 millions Le TGV ne doit pas être un « avion sur rail » la SNCF, mais oublie le sujet principal : le d’euros (chiffre 2016), la SNCF les maintient ignorant les territoires ferroviaire national ! Pendant ce temps, les ou les développe ! Le TGV est un outil d’aménagement du ter- cars Ouibus (filiale de la SNCF) sont défi- La route et le rail : deux poids et deux ritoire, il ne doit pas desservir seulement les citaires et, de plus, concurrencent les TGV mesures ! Cette politique malthusienne de métropoles. Il permet une bonne diffusion et les trains Intercités. Quant aux services de désengagement du ferroviaire hors quelques de l’effet TGV et contribue à l’attractivité éco- covoiturage IDVROOM, ils concurrencent axes à grand trafic, assortie de la volonté de nomique de toutes les villes desservies, qui les trains TER (FNAUT Infos 259). transferts sur route sans amélioration de la doivent être appréciées au cas par cas. performance du système ferroviaire sur les pe- Le « modèle économique du TGV » est un La SNCF se trompe de métier et ferait tites lignes, doit être condamnée. La FNAUT faux problème : une meilleure rentabilité du mieux de s’exprimer sur le développement demande au gouvernement de fixer claire- TGV passe par une réduction du montant des du rail. La FNAUT demande que les Assises ment ses orientations de sa politique de trans- péages ferroviaires, une stratégie cohérente de la Mobilité débouchent sur un recentrage port et de recentrer la SNCF sur son métier de SNCF Mobilités (les cars Ouibus concur- de SNCF Mobilités sur ses activités ferro- de base. Route et rail performant doivent être rencent frontalement le TGV) et une maîtrise viaires, dans l’intérêt des voyageurs et de la complémentaires et non concurrents. de ses coûts de production.

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Brêves BIEN DIT « Vive la route, vive la République » Propos obscurs

Lors de sa visite en vallée de l’Arve le 29 septembre 2017, Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire, a dé- claré que la liaison transalpine Lyon-Turin se ferait bien, « dans une version économique et écologique excessivement sobre, et tout cela assorti d’alternatives aux routiers ». (FM) Autosolisme (MD) Pas de tunnels en Suisse ? Guillaume Sainteny, professeur Tel est le titre de l’ouvrage que Mathieu Selon Eric Piolle, maire EELV de Grenoble, « à d’économie à AgroParisTech Flonneau, universitaire parisien connu l’image de ce qui est mis en place en Suisse, il « On a longtemps cru que, pour fluidifier le pour ses positions pro-routières très affir- est possible et raisonnable d’opérer un report trafic, il fallait construire de nouvelles routes, mées (FNAUT Infos 226), et Jean-Pierre modal massif des marchandises sur le rail, en des rocades... Or diverses études conduites à Orfeuil, autre universitaire parisien au- mobilisant divers outils et en optimisant l’usage l’étranger (Corée, USA...), montrent que si trefois très critique de la place excessive des infrastructures historiques avant de se lan- l’on supprime des voies rapides urbaines, il y accordée à l’automobile en ville, viennent cer dans une politique de creusement de nou- a évaporation du trafic, une part se reporte de publier. veaux tunnels et de nouvelles galeries ». sur la marche, le vélo, le transport collectif et Mathieu Flonneau (La Vie du Rail du une autre part du trafic disparaît ! C’est pro- 29-09-2017) tient des propos très politi- Bêtisier bablement cette hypothèse que la maire de quement corrects : « je ne défends pas à tout Paris veut vérifier, voire cette politique qu’elle prix l’automobile en ville ou l’autosolisme... Jean-Louis Borloo, ancien ministre de l’en- cherche à mettre en œuvre ». chaque mode de déplacement a sa perti- vironnement, tombe dans le lyrisme irrespon- « Un pays qui adopte une écofiscalité de nence... il est légitime de soumettre la route sable : « le canal Seine-Nord, c’est la vie, c’est rendement, additionnant les écotaxes à taux à une écotaxe... il ne faut pas faire de la voi- l’emploi ». 25 000 emplois sur des plateformes modéré sur des assiettes larges, en tire des mon- ture électrique un fétiche ». multimodales qui ne sont pas financées ? tants importants mais peu incitatifs. A l’inverse, Mais son idéologie pro-routière, très éloi- de rares écotaxes à visée spécifiquement incita- gnée du pragmatisme dont il fait l’éloge, re- Censure tive, assises sur des bases étroites à des taux très prend vite le dessus : « L’automobilisme est un élevés, rapporteront moins mais seront plus humanisme. Georges Pompidou a été qualifié Soumis aux sites écologistes reporterre.fr efficaces. Malheureusement la France a une fis- bien légèrement de bétonneur alors que c’était puis carfree.fr, notre article dénonçant l’inco- calité de rendement, qui rapporte peu en raison un humaniste... L’environnementalisme et, plus hérence et l’irresponsabilité des opposants à des exonérations ou taux réduits. Nous perdons encore, une écologie politique sélective dans la LGV Bordeaux-Toulouse/Dax, qui ont obte- sur les deux tableaux… » ses accusations ont depuis plusieurs décennies nu l’annulation - qu’on espère provisoire - de « Quasiment tous les économistes considèrent invalidé le mode routier : une position extrême- la déclaration d’utilité publique des travaux que le péage urbain est le bon instrument de ment réductrice qui ne tient pas compte d’une de modernisation prévus sur la ligne clas- taxation ciblée des externalités intra-urbaines bonne part de la réalité... On a beaucoup pêché sique Bordeaux-Toulouse au sud de Bordeaux émises par le véhicule thermique. Il est vrai qu’il par idéologie, mais la diabolisation de la route (FNAUT Infos 258 page 6), a été censuré. tend à pénaliser les personnes qui vivent en péri- (« un archaïsme lourd et énergivore ») est allée urbain et travaillent en ville. D’où l’urgence de trop loin... Une nouvelle donne, voire une révo- Canal et sécheresse la limitation de l’étalement urbain et de l’amé- lution, se préparent. La culture routière avait été lioration des transports collectifs périurbains ». archaïsée. Or elle revient, portée par d’autres Comme le confirment les sécheresses récur- « Il est possible d’avoir une fiscalité écolo- logiques sociales et politiques et un souci indis- rentesde ces dernières années, la région Hauts gique dont les effets sociaux sont neutrali- pensable d’équilibre du territoire... Il y avait un de France pourrait, d’ici quelques décennies, sés. Partout en Europe, les combustibles, qui risque de fracture territoriale... L’automobile manquer régulièrement d’eau pour les besoins représentent une part plus importante des demeure une potentialité d’autonomie inéga- quotidiens de la population, l’agriculture et l’irri- dépenses des ménages modestes, sont moins lable, d’universalisme inclusif ». gation des zones humides indispensables au taxés que les carburants. En revanche, il existe Ce verbiage creux (« des cultures plurielles maintien de la biodiversité. Les mesures récentes des substituts, au moins partiels, à l’usage de peuvent se juxtaposer ») n’apporte pas grand de restriction d’eau imposées par la préfecture la voiture thermique, et les catégories popu- chose à la réflexion sur la politique des trans- constituent à ce titre un sérieux avertissement. laires sont beaucoup moins motorisées. La ports. Personne ne propose de « mettre des Pendant ce temps, les élus réclament un canal taxation du carburant touche donc davantage tramways ou des TGV partout » ou de sup- dont le remplissage nécessiterait 20 millions de les catégories moyennes que modestes ». primer les routes ! Et il est ridicule de dénon- m3 d’eau à prélever notamment dans l’Aisne et « Les inégalités écologiques sont plus cer « des effets d’aubaine illusoires (Vélib) », l’Oise, sans compter les grands réservoirs destinés importantes que les inégalités économiques. « l’hédonisme cycliste » ou « la désinvolture à y maintenir un niveau suffisant. Comment faire Les personnes défavorisées vivent dans des partisane » qui conduit à réserver les voies sur sans aggraver les déséquilibres hydrologiques ? zones plus polluées que les autres... La fis- berges de Paris « aux touristes en goguette ». Pourquoi ne pas favoriser l’alternative ferroviaire calité écologique, si elle permet d’agir sur ces Pas un mot sur le caractère contre-pro- qui s’affranchit de toutes ces contraintes ? problèmes, participera donc à l’amélioration ductif des investissements routiers, sur le Didier Grimault de leur qualité de vie ». sous-développement des transports urbains « On peut gommer les éventuels effets et ferroviaires, sur l’inéquité de la concurrence Train métrique sociaux d’une écotaxe en l’atténuant pour les entre la route et le transport public. Aucune catégories défavorisées. Ou en taxant un pro- proposition concrète sinon le retour en arrière Selon un journaliste de La Dépêche du duit au même taux pour tous mais en aidant préconisé par le lobby de la route : on atten- Midi, le train à voie métrique Castres-Murat les ménages situés en dessous d’un certain dait mieux d’universitaires censés penser et faisait 1 m de largeur. Sans doute a-t-il dis- seuil de revenus : l’effet social est identique, préparer l’avenir. paru faute de capacité. mais le signal prix est conservé ». Jean Sivardière

FNAUT infos n°260 - décembre 2017 x 11 Actualité Lettre ouverte de la FNAUT au Premier ministre (2-11-2017)

(MD)

Monsieur le Premier ministre, les constats quotidiens des usagers nous font exemple par le cadencement (+ 20 % de craindre une baisse accélérée des services rendus par la SNCF. trains.km supplémentaires ont été créés à surcoût nul en Suisse). La dégradation de l’offre La hausse des péages constitue un des En d’autres termes, il faudra passer d’une facteurs de dégradation des résultats. Mais politique qui traite des conséquences des Nous constatons des fermetures de lignes, la Cour des comptes a également men- surcoûts à une politique qui en traite les des ralentissements inopinés, des réductions tionné une forte dérive des charges de causes autrement qu’en se limitant à l’exploi- de services persistantes sur le TGV à péri- SNCF Mobilités. tation d’un petit nombre de relations à grand mètre de réseau constant, sur les Intercités et Ces « signaux » sont donc en totale op- trafic. En Allemagne, en Suisse, on observe certains TER, causées par une dérive catas- position avec les attentes des usagers, mais des réouvertures de lignes avec des subven- trophique des coûts, sur le fret, ainsi que la aussi du gouvernement comme le traduit le tions publiques réduites. fermeture brutale de 7 terminaux auto/train. lancement des Assises de la mobilité, mobi- Seule une stratégie de croissance est A ces réductions s’ajoutent une baisse de la lité dans laquelle un transport ferroviaire d’autre part susceptible - à l’image récente qualité de service concernant l’information performant doit avoir toute sa place. d’Air France - de mobiliser les cheminots, et la vente, la gestion des correspondances, La modernisation des infrastructures na- très attachés à leur métier, pour faire des ef- l’explication de la tarification, une politique tionales prend du retard. Il en est de même forts d’amélioration de la performance dans anti fraude qui pénalise les voyageurs hon- des infrastructures régionales compte tenu une démarche gagnant - gagnant à terme. nêtes, des détentes horaires excessives, des des difficultés de financement des contrats retards et des suppressions de trains… de plan Etat-Régions. La liste des lignes Le rôle régalien de l’Etat « vétustes » s’allonge. La stratégie de la SNCF Les Régions, avec leurs contraintes bud- En attendant les décisions qui seront gétaires propres, demandent à la SNCF de prises par l’Etat suite aux Assises de la Les évolutions annoncées par SNCF Mo- réaliser des économies, ce à quoi l’entreprise mobilité et aux propositions de la mission bilités sont encore plus inquiétantes. répond par des réductions de service… so- Spinetta pour la SNCF, nous demandons « Excellence 2020 » traite des activités à lution de facilité, mais à court terme seule- un moratoire immédiat sur les fermetures de l’étranger, du transport régional quotidien, ment, alors que le redressement passe néces- lignes et suppressions de services nationaux des transports routiers complémentaires, des sairement par une amélioration des recettes, et régionaux de voyageurs et d’auto/train, services porte à porte, de l’apport du numé- donc de la qualité de l’offre - essentiellement raison pour laquelle nous nous adressons rique, tous services importants, mais oublie basée sur la ponctualité et la fréquence - et aussi aux autorités organisatrices régionales. le sujet principal : le ferroviaire national ! sur la réduction des coûts. D’autre part, il est temps d’appliquer les Le récent projet « Grande vitesse 2020 » Ces incertitudes sclérosent toutes les articles L. 1212-3-1, L. 1212-3-2 et L. présente des aspects positifs. Mais l’aug- actions de modernisation pourtant indis- 1212-3-3 du code des transports résultant mentation prévue du trafic, essentiellement pensables. La SNCF va devoir engager une de la loi du 4 août 2014 portant réforme fer- liée à la mise en service récente de trois réforme profonde de sa gestion et améliorer roviaire : les schémas de services de transport LGV et à la part croissante de marché du sa performance. de voyageurs d’intérêt national doivent être low cost, est limitée à quelques grandes villes présentés au Parlement. Les Assises de la sur quelques axes radiaux ; le silence est de Un changement de cap urgent mobilité ne peuvent en aucun cas justifier un mise sur les autres relations qui se dégradent. retard de leur présentation. La valorisation du réseau classique voulue Il est nécessaire de procéder impérative- Le chantier est en cours pour les services par le gouvernement ne peut se limiter au ment à une rupture de la stratégie actuelle Intercités, sous le pilotage de la mission TER : elle doit inclure les TGV et les Inter- de la SNCF afin de pérenniser, comme Philizot qui consulte largement les parties cités qui sont de plus en plus utilisés dans la chez nos voisins européens, le ferroviaire prenantes, notamment les Régions et les vie quotidienne. Or certains projets de sup- autrement que sur un seul « noyau dur » très associations d’usagers. pression de ces derniers sont inadmissibles, limité de relations. Nous demandons donc une présentation et SNCF Mobilités s’attache à développer En parallèle aux gains de productivité as- rapide au Parlement du projet de service des les activités routières qui concurrencent le surés par l’industrialisation de la moderni- TGV car il est impératif de ne pas se retrou- train avec Ouibus, malgré son déficit, ou le sation des infrastructures, un état des lieux ver avec les TGV devant le fait accompli covoiturage avec IDVROOM. prévisionnel des lignes complétant le réseau comme cela a été le cas pour les Intercités structurant et des lignes du réseau capillaire avec un nombre de relations subsistantes très La spirale de régression doit être établi rapidement. Il doit être com- réduit et exploitées de façon catastrophique. plété pas un programme chiffré des travaux Bruno Gazeau, président de la FNAUT Lors de la signature, fin 2010, de la pre- pour que les financeurs puissent prendre les mière convention des trains d’équilibre du décisions qui s’imposent dans le cadre de FNAUT infos - Bulletin mensuel d’information Directeur de publication : Jean Sivardière territoire, 5 relations atteignaient l’équilibre « schémas d’infrastructures » et non dans Crédits photo : Marc Debrincat et Fabrice Michel pour la FNAUT d’exploitation. Aujourd’hui, il n’y en a plus l’improvisation comme aujourd’hui dans de CPPAP n° 0920 G 88319 - Dépôt légal n°260 aucune et le déficit augmente malgré la sup- nombreux cas. ISSN 0983-172 X - Tirage : 1200 ex. pression continuelle de circulations. La SNCF devra passer de la « mauvaise Impression : R&M Studio - 51 Grand Rue - 86370 Vivonne Abonnement 10 numéros : Individuels : 19 b SNCF Mobilités, depuis au moins 5 ans, productivité » actuelle qui consiste à sup- Administrations, sociétés, organismes, Étranger : 50 b supprime aussi des circulations TGV. Des primer les activités les moins rentables pour Prix au numéro : 2 b relations telles que Paris-Nice sont annon- cause de surcoûts de production notoires Pour adhérer à la FNAUT ou à une association FNAUT de votre région, contacter notre permanence : cées déficitaires. Ce n’est donc pas le mo- à une « bonne productivité » de crois- 32 rue Raymond Losserand 75014 Paris dèle économique du TGV - la seule activité sance qui, face aux coûts fixes importants tél. : 01 43 35 02 83 fax : 01 43 35 14 06­ rentable - qui est en cause, mais bien celui du rail, consiste, comme chez nos voisins e-mail : [email protected] de la SNCF ! européens, à augmenter la production, par Internet : http://www.fnaut.fr

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