La « Culture Banlieue » En France
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
UNIVERSITE PAUL CEZANNE - AIX-MARSEILLE III INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES MEMOIRE Pour l’obtention du Diplôme LA « CULTURE BANLIEUE » EN FRANCE Par Mlle Julie FAVIER Mémoire réalisé sous la direction de Mr Jean-Paul GASSEND Aix-en-Provence Année universitaire 2010-2011 1 L’IEP n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. 2 REMERCIEMENTS Je tiens tout d’abord à remercier Mr Jean-Paul GASSEND, pour son aide et sa disponibilité, et pour avoir dirigé ce mémoire tout en faisant preuve d’un intérêt constant à l’égard de son sujet. Je tiens ensuite à remercier toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à l’élaboration de ce mémoire, et toutes celles qui, durant ces longues semaines de travail et d’absence, ont su faire preuve de patience, et m’apporter leur précieux soutien. 3 RESUME Depuis le milieu des années 1980, ont émergé dans les banlieues françaises de nouvelles formes de pratiques langagières et musicales, dont la cohérence permet d’envisager l’existence d’une culture propre. Si les banlieues sont avant tout des territoires multidimensionnels qu’il est impossible de circonscrire, les générations nouvelles ont en commun un ressenti et une manière de se positionner face au reste de la société, qui font des « cités » le lieu d’émergence de pratiques culturelles florissantes, dont l’expansion continuelle appelle à un intérêt sociologique particulier. Riche d’ascendances multiples, et bien loin de l’idée d’un effet de mode propre à un contexte d’émergence restreint, cette culture s’implante aujourd’hui durablement au sein de la société française, soulevant, par plusieurs aspects, la question de son acceptation. Dans une société qui continue de poser un regard ambigu sur les productions venues de ses marges, il convient de souligner la richesse des apports culturels d’une population qui appelle, par ses pratiques expressives, à une prise en considération. La « culture banlieue » s’offre donc comme une richesse potentielle qui gagne à être considérée différemment, sans angélisme, mais en prenant en compte à la fois les évidentes difficultés rencontrées par les populations concernées et leur traduction, c'est-à-dire la production d’un langage et d’un art dont l’impact dépasse désormais de très loin leur contexte de naissance. MOTS-CLEFS Culture Ŕ Banlieue Ŕ Langage Ŕ Verlan Ŕ Rap Ŕ Identité Ŕ Relégation Ŕ Médias Ŕ Ecole Ŕ Norme Ŕ Adaptation Ŕ Reconnaissance 4 SOMMAIRE INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : Mots et maux de la banlieue Chapitre I : La langue des banlieues, discours d’un monde Section I : Le verlan, « langue propre des cités » Section II : Violence verbale, jeux de langue et honneur Chapitre II : Le rap français, discours sur un monde Section I : Le rap pour se définir et prendre la parole Section II : Une « volonté d’être des acteurs conscients » : le rap, chronique urbaine et sociale SECONDE PARTIE : Genèse d’une culture, regards d’une société Chapitre I : Des origines au rayonnement Section I : Une culture multidimensionnelle : héritages, influences, conflits Section II : La place du verlan et du rap dans la culture française : une reconnaissance difficile Chapitre II : Représentations collectives et évolution des regards : la banlieue et sa culture dans la société française Section I : La banlieue et sa culture dans les médias français Section II : La « culture banlieue » à l’école CONCLUSION ANNEXES BIBLIOGRAPHIE DISCOGRAPHIE SUPPORTS AUDIOVISUELS TABLE DES MATIERES 5 INTRODUCTION Dans une interview donnée au Point.fr le 4 Juin 2009, la journaliste Arlette Chabot déclarait, pour donner une explication aux ardents débats qui s’étaient tenus dans l’émission « A vous de juger » sur la chaîne France 2 à la veille des précédentes élections européennes : « c’est la culture banlieue qui entre dans le débat politique. Tous les coups sont permis »1. Un tel emploi de cette expression avait suscité l’indignation parmi de nombreux observateurs, et de multiples réactions. La radio Générations, spécialisée dans le hip-hop, avait notamment réagi en demandant à la journaliste « de ne pas assimiler la violence des rapports politiques à une « culture banlieue » »2, le journal Libération avait quant à lui publié une tribune dans laquelle plusieurs signataires originaires de banlieue qualifiaient ces propos « d’injurieux, méprisants, inadmissibles à l’égard des habitants de quartiers populaires », soulignant que « ces stéréotypes sont malheureusement fréquents, dans les grands médias, la classe politique »3. Ce simple exemple médiatique éclaire certaines des problématiques mises en jeu ici : le terme est source de polémiques, et son utilisation courante se révèle souvent réductrice ou dénuée de fondement concret. Le terme de « culture banlieue » pose problème, dans sa définition comme dans sa compréhension, et finalement dans sa reconnaissance et dans son acceptation globale au sein de la société française. La « culture banlieue » est donc un objet d’étude complexe à de multiples égards, qu’il faut aborder en commençant par délimiter le terme même de « banlieue ». Car, à l’image de la multitude de termes existants pour désigner les grands ensembles de la périphérie des villes françaises, cette dénomination commune recouvre des réalités diverses, hétérogènes et complexes. Nous avons choisi ici de nous appuyer sur les ouvrages Les banlieues d’Hervé VIEILLARD-BARON4 et Les banlieues de Véronique 1 BERRETTA Emmanuel, « Échange d'insultes entre Daniel Cohn-Bendit et François Bayrou », Le Point.fr, 4 juin 2009 [En ligne] URL http://www.lepoint.fr/actualites-medias/2009-06-04/combat-de-coqs-echange-d-insultes-entre- cohn-bendit-et-bayrou/1253/0/349703 2 Anonyme, « Arlette Chabot et la culture banlieue », Generationsfm.com, 5 juin 2009 [En ligne] URL : http://generationsfm.com/news/culture-et-societe/u/arlette-chabot-et-la-culture-banlieue 3 KLEIN Gilles, « Chabot et la « culture banlieue » », Arretsurimages.net, 12 juin 2009 [En ligne] URL : http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=4624 4 VIEILLARD-BARON Hervé, Les banlieues, un exposé pour comprendre, un essai pour réfléchir, Collection Dominos, n°121, Paris, Flammarion, 1997, 127p. 6 LE GOAZIOU et Charles ROJZMAN5 pour tenter de dégager une définition préliminaire. Les deux ouvrages font remonter l’émergence du terme à la féodalité et à l’approche institutionnelle de la ville à cette époque, ce qui en éclaire l’étymologie : « composé de la racine « ban » et de « lieue », [le mot] appartient d’emblée à un double univers de sens : celui de l’espace (la lieue est l’unité de distance) et celui de la domination (le ban désigne la juridiction exercée par le suzerain) »6. L’histoire des banlieues est ainsi celle d’une distanciation spatiale, que le suffixe ban-, qui a par la suite donné bannir ou mettre au ban et qui connote donc d’emblée une exclusion physique, illustre parfaitement : « le sens actuel du mot banlieue est comme chargé de cette histoire : c’est un espace qui se situe hors centre, à la périphérie, plus loin, mais qui est néanmoins sous la dépendance du pouvoir central »7. Etablir ici un historique exhaustif des banlieues serait hors de propos, et nous renvoyons pour cela aux ouvrages cités, dont c’est l’un des objets. Ainsi, au delà de l’étymologie commune qui lie ces territoires, il faut souligner que les banlieues sont des espaces qui regroupent une infinie diversité de lieux, de peuples, et de conditions de vie : c’est une mosaïque, caractérisée par ses dissemblances et, sous un même terme, se confondent par exemple les banlieues « résidentielles » de l’Ouest parisien et les banlieues populaires et anciennement ouvrières, les grands ensembles. De la même manière faut-il préciser que les termes de « banlieue », « grands ensembles », « quartiers » ou « cités », bien que fréquemment employés comme des synonymes, se doivent d’être formellement distingués. Ils ne désignent pas, en effet, des objets géographiques strictement identiques, et il convient de préciser que le fait de les accepter en un sens similaire relève d’un positionnement, qui dépend du sens dans lequel on entend le mot banlieue. Ainsi, lorsque l’on choisit de parler de « la Banlieue », il faut prendre soin de caractériser spécifiquement le sens dans lequel est admis ce mot, en faisant une nécessaire abstraction des différences humaines, sociales et géographiques, pour en dégager une acceptation qui servira de base. Tout comme Véronique LE GOAZIOU et Charles ROJZMAN, nous avons choisi de la définir ici comme « un ensemble de territoires défavorisés, appelés quartiers, cités ou zones urbaines sensibles, dans lesquels vivent des personnes cumulant des difficultés, principalement sociales et économiques, et ou sévissent l’exclusion et la précarité », tout 5 LE GOAZIOU Véronique et ROJZMAN Charles, Les Banlieues, Paris, Le Cavalier Bleu (coll. Idées reçues), 2006, 128 p. 6 Le GOAZIOU Véronique et ROJZMAN Charles, Op.cit., P.5 7 Ibid., même page. 7 en notant que les enjeux de la banlieue concernent « certains quartiers des villes centrales […], des villes nouvelles, et des quartiers de petites villes»8. Il faut ainsi aborder la question en gardant à l’esprit que toute tentative de définition serait réductrice, tout comme peuvent l’être les images qui désignent habituellement ces territoires. La Banlieue est un espace aux frontières imprécises, à l’évidence un monde à part, périphérique tant géographiquement que symboliquement. Cependant, cette définition restant incomplète et insatisfaisante, nous prenons ici le parti de concevoir « la Banlieue » comme une communauté vécue et ressentie, un lieu dans lequel se partage une certaine vision du monde, plus que comme un territoire que l’on pourrait géographiquement circonscrire : « La banlieue vécue ne s’embarrasse pas de limites administratives. Elle se construit avec l’imaginaire de l’individu […] le ressenti résulte d’une combinaison subtile entre un espace physique objectif et un milieu perçu, nécessairement subjectif.