UNIVERSITE D’

FACULTE DEGS

DEPARTEMENT DROIT

DROIT PUBLIC ET SCIENCE POLITIQUE

THEME : LA DEPOLITISATION DES FORCES ARMEES MALGACHES

AUTEUR : NIRINAHARIMANANJARA MIANGOLANIAINA NY MIORA

PRESENTE LE :

Mardi 24 Mars 2015 à 8 h au 412- B

Mémoire de MASTER II en DROIT PUBLIC INTERNE ET INTERNATIONAL

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS AVANT-PROPOS INTRODUCTION ...... 01

TITRE PRELIMINAIRE : MISE EN CONTEXTE DES FORCES ARMEES A ………………………………………………………………03

LE PROCESSUS DE POLITISATION DES FORCES ARMEES TITRE I : MALGACHES………………………………………………………...……….11

LES OUTILS POLITIQUES ET JURIDIQUES POUR UNE EFFECTIVE TITRE II : DEPOLITISATION…………………………………………………………....20

CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE ANNEXES

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REMERCIEMENTS.

Je tiens à exprimer par ces lignes toute ma reconnaissance envers tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de ce mémoire.

En premier lieu j’adresse mes remerciements à Dieu, m’ayant accordé santé et capacité me permettant de mener à bien l’établissement de cet ouvrage.

Ensuite ma gratitude s’adresse à ma famille qui m’a soutenue tout au long de mes études.

Et enfin j’adresse toute ma reconnaissance aux membres du jury qui ont fait preuve de mansuétude en acceptant de porter un regard bienveillant sur mes humbles travaux.

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AVANT PROPOS.

L’idée de ce sujet m’est venue à l’esprit lors de mon stage au sein du service juridique du ministère des Forces Armées.

Depuis 2009, les Forces Armées sont au cœur des débats citoyens, surtout dans leurs implications politiques. Il existe une certaine incompréhension de la part des citoyens malgaches sur la manière dont les Forces Armées agissent à Madagascar. En effet durant les quarante dernières années, les Forces Armées malgaches ont été au cœur de toutes les crises politiques que le pays a traversé. Il en ressort que les Forces Armées malgaches sont fortement politisées. Pourtant cette politisation n’a apporté ni stabilité ; ni développement au sein du pays. Nous avons apporté notre contribution en recherchant les solutions pour la dépolitisation des Forces Armées malgaches dans la mesure où personne à notre connaissance n’a pas encore traité le sujet au sein de notre université.

Plusieurs obstacles ce sont présentés durant l’élaboration de ce travail, notamment : les difficultés dans l’approche de certains membres des Forces Armées pour nos investigations ; les problèmes d’accès aux documents nécessaires à nos recherches ; ainsi que les interrogations du corps militaire sur nos motivations en choisissant ce thème.

iii

INTRODUCTION.

Les Forces Armées ont toujours été considérées comme le dernier rempart de la souveraineté nationale. Les crises de ces dernières décennies ont cependant permis de constater leur implication dans les différentes crises qui ont secouées le pays depuis 1972. Cette situation est bien souvent source de confusion dans l’esprit des gens sur leur rôle et leurs attributions au sein de l’Etat. Par ailleurs, cette confusion est à l’origine d’une certaine incompréhension de la part des citoyens, laquelle se transforme parfois en défiance vis-à-vis de l’institution militaire 1. Symbole de l’Etat et de la République, mais de surcroît ciment de l’unité nationale, les Forces Armées ne peuvent aucunement prendre le risque de rompre leur lien avec la Nation, quelles que soient les raisons que l’on pourrait évoquer comme explication d’une telle fracture.

Au niveau interne, des tentatives de réorganisation et de restructuration ont été menées à travers de nombreuses réflexions déjà largement entamées et dont en sont issus de nombreux dossiers, documents et littératures grises, lesquels malheureusement n’ont jamais eu la suite voulue et attendue2. En effet, aucune mise en œuvre n’a suivi la plupart de ces études dans le but de résoudre les nombreux problèmes auxquels les forces armées font face depuis plusieurs décennies, alors que les problèmes eux-mêmes s’amplifient et prennent de l’ampleur au fil des années.

Face à de telle problématique ayant l’air d’un malaise existentiel hypothéquant lourdement son avenir, les forces armées malgaches doivent repenser sa raison d’être, ses missions et ses attributions ainsi que les voies et moyens pour bien les assumer et les remplir. Il y a lieu dans ce sens de mener des réflexions profondes notamment au niveau des structures et de l’organisation afin d’aboutir à des

1Voir : RABENIRAINY (J.), Les Forces Armées et les crises politiques (1972-2002 ), Politique Africaine N° 86, 2002, p.93-102. Voir aussi : RAMASY (J.), Les forces Armées garantes de la stabilité politique et démocratique ?, Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, 41p. Et aussi: Sefafi, «Forces Armées : crises politiques et démocraties » publication du 25 mai 2010. Et aussi: « Lettre ouverte aux militaires malgaches : Afin que personne n’ignore… ». Madagascar-Tribune.com. En ligne. 13 Mai 2009.Http//www.madagascar- tribune.com/Lettre-ouverte-aux-militaires,11921.html. Consulté le 3 juillet 2014. Et aussi: « Strasbourg : Le Parlement européen condamne le Coup d’Etat à Madagascar ». Madagascar-Tribune.com. En ligne. 8 mai 2009. Http// www.madagascar-tribune.com/Strasbourg-Le-Parlement-européen,11885.html. Consulté le 13 Août 2014. Et aussi: RAJAOFERA, Eugène.2013. « Quatre chefs d’églises du FFKM : Contre la politisation de l’Armée ». Midi Madagascar(Antananarivo).29 novembre. Et aussi : RANAIVOSON, Garry Fabrice.2014. « STABILITE-La dépolitisation de l’Armée recommandée ». L’Expresse de Madagascar (Antananarivo).18 juin. Et aussi : Interview : « GENERAL DOMINIQUE RAKOTOZAFY : Il faut ramener les militaires dans les casernes ». L’Expresse de Madagascar (Antananarivo). 10 Juillet 2014. 2 Ministère des Forces Armées., « Agenda 2030 : projet de restructuration de l’armée Malagasy »., Référence : NDO n°720/MFA/SG/DGPO/DEP du 08 Août 2013. Antananarivo 8 novembre 2013.

1 forces armées dotées d’une réelle opérationnalité, aptes à faire face aux besoins en défense et sécurité du pays et à laquelle ce dernier et la population remettent de nouveau entièrement leur confiance.

La mauvaise gestion des ressources 3 et les échecs dans l’accomplissement de ses devoirs, auxquels s’ajoute l’absence d’une certaine « redevabilité » vis-à-vis de la nation, amènent les contribuables à la considérer comme une institution uniquement budgétivore 4. Or, les capacités des acteurs au sein des forces armées malgaches sont limitées et les capacités de l’ensemble des unités opérationnelles en déclin, voire inexistantes, à cause justement de la restriction budgétaire et de la manière dont elle est gérée et affectée d’une manière générale.

.

Parallèlement, les Forces Armées sont devenues l’instrument privilégié des politiques dans leur lutte pour le pouvoir 5. Cette instrumentalisation est aggravée par la précarité de ses composantes eu égard au faible budget global alloué à aux Forces Armées 6. Précarité, désorganisation source de désordre et d’indiscipline deviennent ainsi des problèmes conjoncturels s’ajoutant aux problèmes de fond, engendrant également de nombreuses frustration minant dangereusement le moral et la cohésion des Forces Armées.

Au vue de toutes ces difficultés, ce présent mémoire trouve son intérêt dans la recherche de solutions pour amener les forces armées malgaches à ce qu’elles devraient être, notamment concernant leur implication profonde dans la politique. La question qui se pose alors est de savoir quelles sont les démarches à suivre pour atteindre une dépolitisation des Forces Armées malgaches ?

3 Voir : RABEARISOA Mampionona, Rôles et missions des forces armées dans une démocratie naissante. Le cas de Madagascar., Friedrich Ebert Stiftung Madagascar, octobre 2013, p6. Voir aussi : RAMASY (J.), Les forces Armées garantes de la stabilité politique et démocratique ?, Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p22. 4 Voir : Sefafi, « De la nécessaire réforme des Forces armées », publication du 17 septembre 2012. Voir aussi : « Budget national : Des priorités à considérer ». Madagascar Tibune.com.En ligne. Mercredi 21 novembre 2012.Http://www.madagascar-tribune.com/Des-priorités-a-considérer,18188.html. Consulté le 5 Août 2014. 5 Voir : Sefafi, « De la nécessaire réforme des Forces armées»., publication du 17 septembre 2012. Voir aussi : RABENIRAINY (J.), Les Forces Armées et les crises politiques (1972-2002 )., Politique Africaine N° 86, 2002, p.86.Et aussi : RAMASY (J.), Les forces Armées garantes de la stabilité politique et démocratique ?, Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p3. Et aussi : RAJERISON Olivia, La légitimation démocratique du pouvoir à Madagascar, Friedrich Ebert Stiftung Madagascar, octobre 2013, p20. Et aussi : RABEMANORO, E, crises cycliques malgaches : mêmes cause, mêmes effets , Centre d’études diplomatiques et stratégiques, Antananarivo, p59. Et aussi: « Appel aux politiciens de cesser d’utiliser les forces armées à des fins politiques ». Madagascar Tribune.com. En ligne. Jeudi 2 août 2012. Http://www.madagascar-tribune.com/Appel-aux- politiciens-de-cesser-d,17761.html. Consulté le 3 août 2014.Et aussi : James R.2012. « EDITORIAL : quand les casernes sont sollicitées ». La Gazette de la Grande Ile(Antananarivo).28 septembre

6 Voir Annexes N°6. 2

Dans cette perspective, il faut d’abord déterminer comment la politisation au sein des Forces Armées a été mise en place et pourquoi ? Ensuite il convient d’analyser les manières de procéder à la dépolitisation. Ce mémoire se divisera en trois parties, dans un premier temps, une mise en contexte des Forces Armées malgaches est nécessaire (I), ensuite il faut relater le processus de politisation des Forces Armées malgaches (II) et enfin définir les outils politiques et juridiques nécessaires à la dépolitisation (III).

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TITRE PRELIMINAIRE : Mise en Contexte des Forces Armées à Madagascar

Il est important de faire une mise en contexte des Forces Armées à Madagascar avant d’aborder le thème général qu’est la dépolitisation. Cette mise en contexte implique la détermination des missions et l’organisation des Forces Armées ainsi que le cadre juridique des Forces Armées vis-à-vis de la politique, et enfin la situation des Forces Armées dans la société malgache actuelle.

Section I : les missions et l’organisation des Forces Armées à Madagascar :

A Madagascar, les Forces Armées sont constituées par une armée de terre (35 500 hommes ); La Marine (3000 hommes) ; une armée de l’air (5000 hommes) et de la gendarmerie ( 10 000 hommes) 7.

1. Les Missions des Forces Armées Malagasy sont les suivantes :

• Défendre le pays contre toute attaque extérieur (Piraterie, menaces extérieures) ;

• Soutenir la population en cas de catastrophes (cyclones, inondations, catastrophes naturelles) ;

• Déployer ses forces pour les opérations internationales de maintien de la paix et les opérations de coopération avec les forces extérieures 8.

2. Les différentes catégories des membres des forces armées. a. L’armée de terre :

L’armée de terre est une des composantes des forces armées d’un Etat. Sa spécificité est de combattre principalement au sol. Les forces terrestres peuvent être transportées ou aéroportées dans les airs ou bien sur des bateaux selon que c’est un débarquement ou un transbordement. A Madagascar, l’armée de terre regroupe les Forces d’Interventions 9 et les Forces de développements 10 .

b. La Marine 11 :

7 Selon les données de l'International Institute for Strategic Studies en 2013. 8 Voir : « Forces armées de Madagascar ». En ligne. Http//fr.m.wikipedia.org/wiki/Forces_armees_de_Madagascar. Consulté le 29 décembre 2014. 9 Voir : DECRET N°2003-1117 du 02 décembre 2003 portant création des Commandements des Forces d’Intervention. 10 Voir : DECRET N°2003-1116 du 02 décembre 2003 portant création des Commandements des Forces de Développement . Voir aussi : « Histoires des Forces Armées ». Le Service Information et Communication du Ministère des Forces Armées. En ligne.4 novembre 2009.Http//www.defense.gov.mg/2009/11/histoire-des- forces-armees-malagasy/ consulté le 2 février 2015. 11 Voir : DECRET N°2003-1118 du 02 décembre 2003 portant création des Commandement des Forces Navales. 4

Elle permet d’exercer une action militaire en mer ; elle peut aussi être chargée en temps de paix d’effectuer des actions civiles en mer comme des missions de police et de surveillance, de secours et d’assistance, de lutte contre les trafics, de prévention et traitements des pollutions…Hélas à Madagascar la marine est dépourvue depuis le retrait de ses rares patrouilleurs côtiers en 1999 12 . Les unités navigantes restantes ne peuvent assurer la sécurité du vaste espace maritime (4828 km de côtes) 13 .

c. L’armée de l’air 14 :

Elle permet la mise en œuvre d'avions, d'hélicoptères ou de drones militaires ainsi que l'entretien et la protection des infrastructures associées 15 . Ses missions sont généralement :

-l'interception et la destruction des intrus dans l'espace aérien national ou la protection rapprochée des bombardiers en mission au-dessus du territoire ennemi ; - la pénétration de l'espace aérien ennemi et la reconnaissance ou l'attaque (bombardement, tir de missiles, etc.) d'objectifs stratégiques ou tactiques ; -le transport stratégique et tactique ainsi que le parachutage ou le largage sur zone ; -le soutien à d'autres éléments : ravitaillement en vol, surveillance aérienne du champ de bataille, attaque au sol des unités ennemies, etc. ;

Mais à Madagascar, compte tenu du fait que nous ne disposons pas des matériels adéquats, il est impossible pour notre force aérienne d’opérer de telles missions 16 .

d. La gendarmerie nationale :

La gendarmerie nationale malgache est une force de sécurité publique militaire. Ses missions et son organisation sont calquées sur celles de la Gendarmerie nationale française. Mise sur pied au moment de l'indépendance, elle comprenait, en 2012, environ 8 100 gendarmes, sous-officiers et officiers 17 .

La Gendarmerie Nationale est à la fois une Force Armée et une Force de Police. De la prévention à la répression, en passant par l’intervention en réaction aux événements, ses actions quotidiennes, sont très vastes. Sa position à l’intersection du monde civil et du monde militaire, sa

12 Voir : fr.m.wikipedia.org/wiki/Marine_de_Madagascar. Consulté le 26 janvier 2015. 13 Voir : RANAIVOSON, Garry Fabrice. 2014. « Forces armées-La marine en sous effectif ».L’Expresse de Madagascar.11 juillet. 14 Voir : DECRET N°2003-1115 du 02 décembre 2003 portant création des Commandements des Forces Aériennes. 15 Voir : « Histoires des Forces Armées ». Le Service Information et Communication du Ministère des Forces Armées. En ligne.4 novembre 2009.Http//www.defense.gov.mg/2009/11/histoire-des-forces-armees- malagasy/ consulté le 2 février 2015. 16 Voir : fr.m.wikipedia.org/wiki/Armee_de_l’air_Madagascar. Consulté 26 janvier 2015. 17 Voir : http//www.gendarmerie.gov.mg/ consulté le 21 décembre 2014.

5 pratique de relations interministérielles et interarmées et surtout les pouvoirs judiciaires dont elle dispose facilitent l’accomplissement de ses missions. Ses hommes sont disséminés sur l’ensemble du territoire et sa bonne intégration dans le tissu national, font qu’elle occupe une position privilégiée pour percevoir la globalité de la Sécurité 18 .

De ce fait, la Gendarmerie Nationale est une force instituée pour veiller à la sécurité publique et assurer le maintien de l’ordre et l’exécution des lois et règlements afin de protéger les institutions, les personnes et leurs biens.

L’exécution du service de la Gendarmerie Nationale se fait par la surveillance continue, préventive et répressive en permanence sur toute l’étendue du territoire basée sur la recherche des renseignements; la compétence générale uniquement limitée par agents assermentés, exclusivement habilités par lois particulières.

Section II : le cadre juridique des Forces Armées vis-à-vis de la politique :

Il est nécessaire de déterminer les principaux textes régissant les Forces Armées. Ces dispositions Constitutionnelles ; législatives décrétales et autres ont été élaborées depuis la création des Forces Armées. Elles furent l’objet de maints changements et révisions suite aux péripéties d’ordre politique traversées par le pays. Nous nous pencherons une à une sur ces dispositions, en particulier sur les parties traitant des Forces Armées, notamment de ses droits et obligations envers la nation.

1. Les dispositions constitutionnelles :

a. La loi conditionnelle du 29 Avril 1959

Le président de la république est chef de toutes les armées et responsable de la défense nationale. Les prérogatives de la défense et de la sécurité appartenaient au seul président de la République 19 . Il disposait d’un Etat-major particulier 20 pour l’aider dans les tâches y relatives.

Le président de la république est le responsable de la politique de l’armée.

18 Voir : http//fr.m.wikwipedia.org/wiki/Gendarmerie_nationale_malgache. Consulté le 26 janvier 2015. 19 : premier président de Madagascar. 20 Voir : RAISON-JOURDE Françoise et ROY Gérard., in « Paysans, intellectuels et populisme à Madagascar. De Monja Jaona à Ratsimandrava (1960-1975) », 2010, karthala, p.226

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b. La loi constitutionnelle du 8 novembre 1972

Le général Ramanantsoa a pris les pleins pouvoirs le 18 Mai 1972. C’est une situation qui n’a pas été conjecturée dans la loi constitutionnelle de 1959, qui n’a pas prévue le cas où le président remet le pouvoir à une autre personne. Tacitement, en tant que chef d’Etat, Chef de gouvernement et Chef de l’Etat Major de la Défense Nationale et des Forces Armées (CEMDNFA), il est le premier responsable politique des Forces Armées. Mais pour assigner une légalité constitutionnelle à sa position, il a fait voter par référendum la loi constitutionnelle du 7 novembre 1972 dont l’article 8 dispose que « toutes dispositions prévues dans la Constitution du 29 Avril 1959, non contraires à celle de la constitution du 7 novembre 1972 restent valables ». Même si le général Ramanantsoa n’était pas président de la république, en tant que chef de l’Etat, il était le chef de toutes les armées.

c. La loi constitutionnelle du 21 décembre 1975

En 1975, la charte de la Révolution Socialiste était un texte qui a une ascendance sur la constitution du 21 décembre 1975, elle a affirmé que le militaire est un militant en uniforme, il a le devoir de défendre les acquis de la Révolution. Désormais la politisation a été légalisée et constitutionnalisée. Par ailleurs, l’article 43 de cette constitution la ratifie : « les Forces Armées font partis intégrante de l’une des institutions de la république par l’intermédiaire du Comité Militaire de Développement ». Dans les articles 53 et 56, il est entériné que le président de la république est le chef suprême des Forces Armées.

L’entrée des Forces Armées sur la scène politique fut donc légale. Néanmoins, cette participation à la vie politique nationale était uniquement dans le cadre de la révolution socialiste.

d. Convention du 31 Octobre 1991

Cette convention a été ratifiée par l’assemblée nationale populaire, par conséquent, elle a valeur de loi constitutionnelle. Didier Ratsiraka, président de la république restait chef suprême des forces armées, mais le premier ministre Guy Willy Razanamasy pouvait légiférer par voie d’ordonnance, il avait simultanément le pouvoir législatif et exécutif. Il était le seul à posséder la compétence et le pouvoir de disposer des forces armées à l’instar du président de la république. Même n’étant pas chef suprême des Forces Armées, le premier ministre avait un pouvoir prépondérant de disposer totalement de l’armée. Il avait un rôle très important sur la scène politique nationale car il incarnait la neutralité par rapport aux deux tendances.

e. La loi constitutionnelle du 18 septembre 1992 :

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Le président de la république est à nouveau le chef suprême des Forces Armées et en même temps président du Conseil Supérieur de la Défense Nationale, qui n’a jamais été crée. C’est également cette constitution qui, dans son article 40, dispose que c’est l’Etat qui garantit la neutralité politique des Forces Armées et que c’est la loi qui détermine les principes fondamentaux de l’organisation de la défense nationale et de l’utilisation des forces armées ou des forces de l’ordre par les autorités civiles, le statut des militaires et de leur neutralité.

f. La loi constitutionnelle de 1998 :

Les particularités de cette loi sont les dispositions des Forces Armées par le gouvernement ainsi que sa présidence du comité interministérielle de Défense qui est chargé de la mise en œuvre de la politique générale de défense. Or la politique générale de défense n’a jamais été adoptée.

On peut conclure que quiconque arrivé au pouvoir a les forces armées a sa disposition. Quelque soient les textes régissant ces dernières, le président est et demeure le garant de la neutralité politique des Forces Armées. Il est par ailleurs réaffirmé dans la constitution révisée de 2007 et la nouvelle Constitution de 2010 que le président de la république est garant de l’unité des Forces Armées.

2. Les dispositions législatives :

a. Les Forces Armées dans le contexte des dispositions de la loi N° 94-018 portant organisation générale de la Défense à Madagascar :

Selon l’article premier de cette loi : «La défense a pour objet d’assurer, en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire, la sauvegarde du patrimoine national ainsi que la protection de la population dont elle tend à développer la capacité matérielle, intellectuelle et morale de résistance ». Selon l’article 15 de cette même loi : « sont membres de droit du conseil Supérieur de la Défense Nationale : -le Premier Ministre ; - le Ministre des Affaires Etrangères ;- - Le Ministre des Forces Armées ; -Le Ministre de l’Intérieur ; -Le Ministre de la Police Nationale ;

-Le Ministre de l’Economie et du Plan ; -Le Secrétaire Général de la Défense ; -Le Chef de l’Etat-Major Général de l’Armée - Le Commandant de la Zandarimariam-pirenena ;

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-Le Directeur Général de la Police Nationale ; - Le Directeur Général des Investigations et de la Documentation Intérieure et Extérieure. »

Au regard de ces articles et y analysant les principes suscités, il en ressort que la politique d’emploi des armes soutenue par l’Etat devra avoir pour seul objectif de préserver l’intérêt national et non une politique obscure et partisane.

b. Les Forces Armées dans les législations pénales :

Le code de justice du service national 21 et le code pénal 22 sont des textes qui encadrent les actions à entreprendre ou entreprises par éléments de forces de l’ordre aux fins d’éviter à ces derniers de commettre des infractions dans l’exercice de leur métier et de droit commun. Ces infractions vont de la désertion ; l’insoumission ; mutinerie ; révolte ; rébellion, etc. (consignés dans le code de Justice du service national) à l’atteinte à la sureté interne ou externe de l’Etat (dans le code pénal).

A titre d’exemple, sont considérés comme état de révolte :

-les militaires sous les armes qui, réunies au nombre de quatre au moins et agissant de concert, refusent à la première sommation d’obéir aux ordres de l’autorité qualifié ;

-les militaires, les individus embarqués à bord d’un navire ou aéronef militaire qui, au nombre de quatre au moins et dans les mêmes conditions agissent, prennent les armes sont autorisation et agissent contre les ordres de l’autorité qualifiée ;

- les militaires, les individus embarqués à bord d’un navire ou aéronef militaire qui, au nombre de huit au moins et dans les mêmes conditions agissent, se livrent à des violences, faisant usage d’armes et refusent, à la voix de l’autorité qualifiée, de se dispenser et de rentrée dans l’ordre.

Tout élément des Forces Armées devrait se référer à ces législations avant d’agir dans les cas de crise politique.

c. L’armée et la loi sur le service national 23 :

Selon l’ordonnance n°78-002 tout militaire devra se soumettre aux obligations du service national, le cas échéant, il est en position de réserve. Les réservistes peuvent être et sont mobilisés pour l’intérêt national.

21 Voir : Ordonnance N° 62-102 du 1 er Octobre 1962 portant promulgation du Code de justice du Service National. Voir aussi : Ordonnance N° : 78-002 du 16 février 1978 sur les principes généraux du Service National. 22 Voir: Code pénal Malgache publié au Journal Officiel N° : 240 du 7 septembre 1962. 23 Service National : service obligatoire que tout citoyen doit fournir à l’Etat sur www.larousse.fr/ 9

d. L’opinion politique au sein des Forces Armées par rapport à la loi de 19 juillet 1991 sur les situations d’exceptions et au statut général des militaires :

Les articles 15 et 18 de la loin°98-029 disposent que : « les militaires ne peuvent pas exprimer leurs opinions politiques en public en raison de la neutralité politique exigée par l’état de militaire » et « qu’il est interdit aux militaires non en disponibilité d’adhérer à des groupements ou associations à caractère politique ».

L’alinéa premier de l’article 15 du statut général dispose que : « les militaires ne peuvent pas exprimer leurs opinions politiques en public en raison de la neutralité politique exigée par l’état de militaire ».

Ce qui signifie que sauf au moment du scrutin dans l’isoloir d’un bureau de vote, le militaire doit faire taire ses penchants politiques et il lui sera interdit de les manifester publiquement.

3. Les Forces Armées et les textes réglementaires :

a. Le décret 97-1133portant règlement de discipline générale :

D’une manière générale, l’objet de ce décret est de recommander aux éléments des forces armées de se conformer à la légalité républicaine, d’être neutre, de ne pas s’immiscer aux questions politiques, mais seulement obéir aux ordres des chefs hiérarchiques.

b. Le décret N°84-056 du 20 février 1984 portant création de l’Organe Mixte Opérationnelle :

Ce texte est dénoncé au sein même des Forces Armées, surtout celle militaire. Étant donné qu’elle fut mise à la disposition d’un Etat Major Mixte Opérationnel et intégrée en éléments mixte avec la police et la gendarmerie pour exécuter des missions de service d’ordre, de maintien de l’ordre ou de rétablissement de l’ordre public. Elle est d’emblée totalement engagée et n’est plus une force de réserve.

En considérant toutes ces dispositions, les forces armées n’auraient jamais dû être autant politisées. Les balises fondées dans les textes devaient assurer la régularité des Forces Armées vis-à-vis du politique.

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Section III: La situation des Forces Armées dans la société malgache actuelle :

Les problèmes auxquels les Forces Armées font face sont les conséquences de l’instrumentalisation des régimes successifs. A l’état actuel, les Forces Armées malgaches ont cessé d’être une institution, de sorte que la Nation ne peut pas se reposer su elles en cas de crise majeur.

1. La désinstitutionalisation :

Il y a désinstitutionalisation quand on enlève le caractère institutionnel d’une institution, c’est la première conséquence de la politisation. Etant donné qu’une institution est une organisation sociale, crée par un pouvoir dont l’autorité et la durée sont fondées sur l’acceptation par la majorité des membres du groupe de l’idée fondamentale qu’elle réalise 24 . Les Forces Armées n’ont plus le caractère d’institution puisque le peuple n’est plus en accord avec elles.

2. Dénaturalisation des Forces Armées républicaines :

Par sa nature, les Forces Armées sont là pour servir l’intérêt de la nation donc de la population à la base de cette nation, d’où son caractère républicain. Or au lieu d’être au service de la nation, les Forces Armées sont au service des politiciens et de ses propres ambitions personnelles 25 . Elles se sont détournées de ses missions originelles pour servir des causes politiques personnelles.

3. Des Forces Armées divisées :

Les Forces Armées ne peuvent servir de sauvegarde à la solidarité de la société puisqu’elles ne sont pas unies comme le témoigne les évènements du 20 mai 2010 au Camp « Fort Duchene » où il y a eu affrontement sanglant entre les éléments du FIGN ; EMMOREG et FIS 26 . Cette division symbolise leur décadence et provoque leur incapacité à résoudre les problèmes.

4. Les Forces Armées fortement critiquées par l’opinion publique :

La société civile ne cesse de dénoncer les pratiques des Forces Armées malgaches et ces dernières alimentent quotidiennement la société malgache en des termes très peu flatteurs 27 . On s’interroge sur sa véritable utilité compte tenu de son incapacité à assurer la sécurité interne du pays, ajouter à cela les

24 Voir : « Concept fondamental de la théorie juridique » du Doyen Hauriou in Lexique des termes juridiques. Dalloz éd., 2010 25 Voir : RAKOTOMANGA (M.), Les Forces Armées Malgaches. Entre devoir et pouvoir , Paris, l’Harmattan, 2000.p117. Voir aussi : RAMASY (J.), Les forces Armées garantes de la stabilité politique et démocratique ?, Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p7-18. Et aussi: RABENIRAINY (J.), Les Forces Armées et les crises politiques (1972-2002 ), Politique Africaine N° 86, 2002, p94. 26 FIGN : Force d’Intervention de la Gendarmerie Nationale ; EMMOREG : Etat Major Mixte Opérationnel- Régional ; FIS : Force d’Intervention Spéciale. Voir: « Raharaha FIGN sy hetsiky ny mpitondra fivavahana». Madagascar Tribune.com. En ligne.22 mai 2010.Http//www.madagascar-tribune.com/Raharaha-FIGN-sy- hetsiky-ny, 14098.html.Consulté le 3 janvier 2015. 27 Voir : Sefafi «Forces Armées : crises politiques et démocraties » publication du 25 mai 2010. 11 répressions démesurées lors des manifestations citoyennes. Le peuple a peur des Forces Armées alors qu’elles constituent le rempart entre les droits des citoyens et la démocratie.

5. Des Forces Armées dépourvues de professionnalisme :

Force est de constater que les forces armées malgaches témoignent d’un grand manque de professionnalisme. Ce problème provient de plusieurs facteurs : le manque de matériel ; le manque de formation ; le manque des moyens financiers ; le manque de coordination…Cela explique leurs incapacités dans la réalisation des missions opérationnelles. Les Forces Armées ne peuvent assurer la sécurité du territoire et protéger la population sans de véritables moyens pour les réalisés 28 . Nous avons pu constater par exemple que sous la présidence de l’Etat a toujours eu tendance a accordé plus de budget dans les domaines économiques et sociales et négligent les matériels destinés à assurer la sécurité 29 . L’exemple le plus manifeste de ce qui a été dit est le cas du Sud de Madagascar, avec le nombre impressionnant de matériel et d’équipement dont disposent les « dahalo », les forces armées sont dépassées 30 .

28 Voir : Emmanuel, Lova. « Les techniques d’attaque et l’atrocité des dahalo se développent. Face à eux, les moyens et l’effectif des éléments des forces de l’ordre sont insuffisants ».L’Expresse de Madagascar(Antananarivo). 14 Avril 2014.Voire aussi : Fanjanarivo. « Insécurité dans le tourisme : Le manque de moyens fait défaut ».La Gazette de la Grande Ile(Antananarivo). 29 Novembre 2013. 29 Voir : « L’erreur que j’ai constatée actuellement c’est les moyens que nous n’avons pas donnés aux forces de l’ordre. Le 26 janvier, nous avions le moyen de riposter avec des gaz lacrymogènes. C’est ça l’erreur, nous avons dépensé beaucoup d’argent pour la santé et l’éducation, mais pas dans l’armée. C’est ça l’erreur ». Voir interview de Marc Ravalomanana par RFI le 14 mai 2009, www.rfi.fr. 30 Voir : RAHAGA, jean Luc. « Insécurité dans le Sud-Seules, les forces de l’Ordre n’y arriveront jamais ! »Madagascar Matin (Antananarivo).31 Octobre 2012.Voir aussi: Iloniaina,Alain. « Insécurité : Terreur sur Betroka ».L’Hebdo de Madagascar (Antananarivo).Edition N°0538. Et aussi : Sefafi, De la nécessaire reforme des Forces Armées, publication du 17 septembre 2012. 12

TITRE I : LE PROCESSUS DE POLITISATION DES FORCES ARMEES MALGACHES.

Il est impossible d’aborder ce présent mémoire sans avoir déterminé au préalable les motifs qui ont poussé à la politisation des Forces Armées malgaches. Ce présent titre va aider à éclairer certains faits qui ce sont avérés inexactes ou incomplets, comme le fait de croire que le processus de politisation des Forces Armées à Madagascar s’est fait lentement 31 . Dès l’origine, au moment même de leur création, les Forces Armées malgaches ont déjà été politisées. Au fur et à mesure des changements politiques, cette politisation s’est accrue pour donner le résultat actuel. Nous allons aborder successivement : les clivages au sein des Forces Armées durant la première république, la politisation formelle des Forces Armées par Didier Ratsiraka et enfin la participation des Forces Armées malgaches durant les crises de 2002 et 2009.

CHAPITRE I : LES CLIVAGES AU SEIN DES FORCES ARMEES MALGACHES DURANT LA PREMIERE REPUBLIQUE :

Section I : Les forces armées malgaches en 1960

La plupart des armées nationales africaines résultent de la dissolution de l’armée coloniale qui a conduit à une redistribution des différents éléments de cette armée au sein de l’armée de leur pays d’origine 32 . En 1960, c’est à des officiers qui travaillaient pour le compte de la France coloniale à qui les nouveaux dirigeants du pays ont demandé d’intégrer les Forces Armées malgaches nouvellement crées 33 . Il a été question pour ces officiers d’origine malgache officiant pour les forces armées françaises de faire un choix entre rester au sein des forces armées françaises ou contribuer à la création des forces armées malgaches. En guise d’exemple nous pouvons citer : le général qui était le premier officier sortant d’un pays colonisé originaire d’Afrique Sub- saharienne ou l’amiral Didier Ratsiraka qui était lui aussi premier officier originaire d’un pays

31 Voir : RABEARISOA Mampionona, Rôles et missions des forces armées dans une démocratie naissante. Le cas de Madagascar., Friedrich Ebert Stiftung Madagascar, octobre 2013, p2. 32 Voir : : Ramasy J. F., , « Madagascar : les forces armées garantes de la stabilité politique et démocratique ? », in Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p.3 33 Voir : Ramasy J. F., , « Madagascar : les forces armées garantes de la stabilité politique et démocratique ? », in Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p.5-7 13 colonisé d’Afrique Sub-saharienne, sortant de l’école navale de Brest. 34 Il en est aussi ainsi des composants de la gendarmerie nationale de l’époque, ce sont les anciens gardes indigènes 35 des colonisateurs français qui ont été transformés en gendarmes pour les Forces Armées malgaches. Ce n’est qu’avec les hommes de troupes et certains sous officiers qu’il y a eu un véritable recrutement. Il faut noter que même au niveau des sous-officiers, l’enrôlement s’est fait parmi les sous-officiers malgaches travaillant sous l’armée française.

Section II : Le début de la politisation par la France :

Durant la première république, officieusement, il y a eu politisation des Forces Armées malgaches par les français 36 . L’histoire a tort de réprouver seulement Philibert Tsiranana en évoquant l’apparition des premiers clivages au sein des Forces Armées sous sa présidence 37 . La responsabilité incombe aussi à la France 38 . En effet, même si Philibert Tsiranana était le président et le Général Ramanantsoa Chef d’Etat Major Général des Armées, ce dernier ne l’était que sur papier. En réalité, celui qui décidait de la défense était le colonel Bocchino 39 chef d’Etat Major particulier de Philibert Tsiranana pour la question des Forces Armées et chargé de maintenir les intérêts de la France à Madagascar, compte tenu des accords de coopérations passés entre la France et Madagascar 40 . Il y avait des profondes divergences entre le général Ramanantsoa et le colonel Bocchino dans la mesure où ce dernier décidait à la place de Ramanantsoa.

La politique utilisée par le colonel Bocchino consistait en la division des membres des Forces Armées pour que ces dernières ne soient pas un obstacle aux intérêts de la France à Madagascar. De ce fait, elle n’avait pas besoin de Forces Armées malgaches unies. Les français ont considéré qu’il était plus facile d’acquérir les côtier par rapport aux élites merina, puisque réussir à obtenir les côtiers

34 Etablissement d’études supérieures qui assure la formation initiale des officiers de la marina française (www.ecole-navale.fr/) 35 Gardes d’Indigènes : des malgaches travaillant pour les français comme police des malgaches. 36 Voir : Ramasy J. F., , « Madagascar : les forces armées garantes de la stabilité politique et démocratique ? », in Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar.p6-7.Voir aussi : ANDRIANTSOA, Robert. « Le socialisme à ma malgache ». La grande terre de Madagascar.En ligne.Http//gasikar-histo.e- monsite.com/pages/independance/république/république-1/didier-ratisraka-1.html. 37 Voir Rabenirainy J., 2002, « Les forces armées et les crises politiques (1972-2002) », Politique Africaine , n° 86, Madagascar, les urnes et la rue , Karthala, Paris, p 87. Voir aussi SeFaFi (Sehatra Fanaraha-Maso ny Fianampirenena), 2003, « Militarisation de démocratisation », Observatoire de la Vie Publique, SeFaFi, 11 avril 2003, 3 p. Et aussi SeFaFi, 2009, « Les Pratiques politiques et les moyens d’accéder au pouvoir depuis 1972, une relecture proposée par le SeFaFi », Observatoire de la Vie Publique, SeFaFi, 17 février 2009, 6 p. Et aussi SeFaFi, 2010, « Forces armées, crises politiques et démocratie », Observatoire de la Vie Publique, SeFaFi, 25 mai 2010, 5 p. 38 Voir : Ramasy J. F., , « Madagascar : les forces armées garantes de la stabilité politique et démocratique ? », in Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p 5 39 Colonel Boccino : Chef d’Etat Major Particulier du président Tsiranana. 40 Voir : Guy Feuer , Gérard Conac, in « Annuaire français de droit international » Année 1960, Volume 6, Numéro 6 , pp. 859-880 14 verrouillaient systématiquement le centre 41 . D’où sa politique de division des merina et côtiers. Pourtant c’est une élite majoritairement « merina » qui se trouve à la tête des Forces Armées, puisqu’elle a pu bénéficier de formation au sein de meilleures écoles françaises, tandis que la majorité des officiers côtiers ne disposant pas des mêmes formations n’ont pu qu’accéder à des postes de direction ou des postes à responsabilité auxiliaires 42 . Cela va aboutir à des revendications en terme ethnique au sein des Forces Armées malgaches.

Pour empêcher cette main mise des officiers merina, le président Tsiranana, conseillé par le colonel Bocchino a accentué la lutte des clans en favorisant la montée des officiers côtiers et d’officiers lui étant loyaux 43 . Pourtant, ces officiers merina ont pu bénéficier de ces formations au sein des grandes écoles françaises grâce au fait qu’ils ont réussi les concours d’entrée. 44

La France a alors créé une école de formation spéciale pour les officiers des territoires d’Outre Mer qui ne nécessitait pas un concours d’entrée mais des critères subjectifs. Cette école a contribué à la multiplication du nombre d’officiers côtiers 45 au sein des Forces Armées malgaches en ayant pour conséquence de prononcer encore ces dissensions ethniques.

Section III : L’éclosion du gouvernement Ramanantsoa.

La transmission du pouvoir de Tsiranana à Ramanantsoa a été dictée par le sentiment de confiance du peuple aux Forces Armées malgaches étant donné que cette dernière a refusé de tirer sur les manifestants en 1972. Pourtant le gouvernement militaro-civil 46 du général Ramanantsoa va mettre au grand jour les différends ethniques ; idéologiques et politiques au sein des Forces Armées voire même

41 Voir : Rabearimanana Lucile ., « Politique coloniale et nationalisme à au lendemain de l'insurrection de 1947 », Revue française d'histoire d'outre-mer , Année 1986, Volume 73, Numéro 271, pp. 167-186. Voir aussi : Randriamaro (Jean-Roland)., « PADESM et luttes politiques à Madagascar. De la fin de la Deuxième Guerre mondiale à la naissance du PSD ». Paillard Yvan-Georges, Revue française d'histoire d'outre-mer ,Année 1998,Volume 85,Numéro 321 ,pp. 105-108. Et aussi : RAKOTO Ignace, URFER Sylvain., Esclavage et libération à Madagascar,karthala,2014.368p. Et aussi : Ndimby A. « Merina et côtiers… ». Madagascar Tribune.com.Mardi 23 juin 2009. 42 Voir : Ramasy J. F., , « Madagascar : les forces armées garantes de la stabilité politique et démocratique ? », in Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p.7 43 Voir : Ramasy J. F., , « Madagascar : les forces armées garantes de la stabilité politique et démocratique ? », in Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p8 44 Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr et école de guerre. 45 Voir: Ramasy J. F., , « Madagascar : les forces armées garantes de la stabilité politique et démocratique ? », in Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p.8. Voir aussi : Mayoulou Etienne., « Les Forces armées indigènes dans la colonie française du Moyen Congo »., Publibook,160p, pp145-147. 46 Gouvernement composé de cinq militaires et six civiles. 15 au sein de la nation malgache toute entière 47 . Trois forces centrifuges ont dominé le gouvernement de Ramanantsoa . La première représentée par Ratsimandrava (ministre de l’intérieur et commandant de la gendarmerie) qui a tenté la mise en œuvre de « la reforme des fokonolona » et la maîtrise du développement populaire que l’élite malgache désapprouvait en considérant ces idées comme étant une menace pour elle 48 . La seconde force est représentée par le capitaine de corvette Didier Ratsiraka (ministre des affaires étrangères) qui a repris à son compte les revendications des manifestants de 1972, à savoir la rupture totale avec la France et a apporté un nouveau changement à la diplomatie malgache en l’orientant vers les pays progressistes. 49 Il a reçu le soutien des élites nationalistes. La troisième force centrifuge, symbolisée par le colonel Rabetafika (directeur général du gouvernement), allié du général Ramanantsoa a eu pour idéologie une malgachisation de l’économie et la préservation de l’élite merina. En analysant cette situation, nous pouvons affirmer que les forces armées malgaches se trouvaient au cœur d’une véritable lutte pour le pouvoir politique, et cette lutte ne les prédisposait à aucune unité et a condamner à l’avance sa capacité à s’institutionnaliser. D’ailleurs, cela va se manifester par un coup d’Etat, orchestré par le colonel Bréchard Rajaonarison ayant toujours pour cause la revendication des officiers côtiers, se sentant défavorisés dans le gouvernement Ramanantsoa, étant donné que Tsiranana n’étant plus au pouvoir pour faire sa politique favoritiste aux officiers côtiers. Ce coup d’état s’est soldé par un échec 50 , néanmoins le gouvernement de Ramanantsoa a du démissionner puisqu’il était incapable de gérer les différents courants contradictoires, ni de former un autre gouvernement sans le soutien de Ratsiraka et Ratsimandrava qui avaient des difficultés à cohabiter au sein d’un même gouvernement à cause de leur différences idéologiques.

47 Voir : Ramasy J. F., , « Madagascar : les forces armées garantes de la stabilité politique et démocratique ? », in Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p.10. Voir aussi RABENIRAINY (J.), Les Forces Armées et les crises politiques (1972-2002 ), Politique Africaine N° 86, 2002, pp.88. Et aussi : Pr Charles Cadoux., « MADAGASCAR (1960-1990)-CONSTITUTIONS ET IDEOLOGIES ».En ligne.Http// http://nah296.free.fr/interven.htm. Consulté le 28 février 2015.

48 Voir aussi RABENIRAINY (J.), Les Forces Armées et les crises politiques (1972-2002 ), Politique Africaine N° 86, 2002, pp.87-88. Voir aussi Voir : Ramasy J. F., , « Madagascar : les forces armées garantes de la stabilité politique et démocratique ? », in Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p.11-12 49 Rakotomanga M., 1998, op.cit, p 54. 50 Tentative de coup d’Etat du 31 décembre 1974.Voir : Patrick A. « Le Coup d’État permanent ». Madagascar Tribune.com.Mardi 24 Mars 2009. 16

Section IV: Le directoire militaire de 1975 :

L’assassinat du colonel Ratsimandrava 51 , une semaine après son accession au pouvoir est le signe imminent que les revendications au sein des Forces Armées malgaches ont atteint une apogée. Le directoire militaire mis en place en 1975 52 , présidé par le général Andriamahazo, ancien ministre sous le gouvernement Ramanantsoa a joué un rôle décisif dans la politisation des Forces Armées et pour asseoir le pouvoir de Didier Ratsiraka. Suivant cette période, la loi martiale est proclamée et les partis politiques sont suspendus 53 , ce qui emmène donc les forces armées à détenir le monopole de pouvoir et de décision. Le directoire militaire devait répondre à deux équilibres : la première étant l’équilibre entre les différentes armes et la seconde l’équilibre régional entre les six provinces. 54 Comme sous Ramanantsoa, trois tendances vont se dessiner dans le directoire : les intérêts de l’élite merina sont représentés et défendus par le général Gilles Andriamahazo 55 , le commandant André Soja réincarne la continuité de l’idéologie de Ratsimandrava et Didier Ratsiraka symbolise les élites de provinces ayant la faveur des partis politiques de gauches 56 favorable au nationalisme.

CHAPITRE II : LA POLITISATION FORMELLE DES FORCES ARMEES PAR DIDIER RATSIRAKA.

Avec l’arrivée de Didier Ratsiraka au pouvoir, la politisation au sein des Forces Armées malgaches est devenue formelle.

Section I : Le détournement des missions des Forces Armées.

Avec l’avènement de la République Démocratique de Madagascar, les Forces Armées n’ont plus pour mission principale la défense du territoire mais deviennent les exécutants des projets de développements économiques et sociaux. Selon l’article 98 de la Constitution de 1975 : « le comité militaire de développement (CMD), a pour mission de donner son avis sur tout programme de défense et de développement économique », notant que les membres de ce comité sont des militaires en activités. Toutefois, le Comité Militaire de développement n’avait qu’un rôle consultatif dont l’ordre du jour était fixé par le président Ratsiraka lui-même. Le CMD présentait des problèmes au sein de la hiérarchie des Forces Armées puisque ce n’était plus une question de grade mais de prééminence

51 Assassiné le 11 février 1975 au rond point d’Ambohijatovo Ambony Antananarivo. 52 Directoire militaire mis en place le 12 février 1975. 53 Arrestation de Philibert Tsiranana et André Resampa tous deux membres de l’ex Parti Socialistes Malgaches accusés d’avoir été impliqué dans l’assassinat du Colonel Richard Ratsimandrava. 54 La mise en place des gouverneurs militaires à la tête des provinces. 55 Voir : Ramasy J. F., , « Madagascar : les forces armées garantes de la stabilité politique et démocratique ? », in Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p.12. Voir aussi : RABENIRAINY (J.), Les Forces Armées et les crises politiques (1972-2002 ), Politique Africaine N° 86, 2002, p89. 56 A.K.F.M parti nationaliste prosoviétique 17 politique 57 . Le président Ratsiraka leur a aussi offert des places de choix au sein des institutions de l’Etat en nommant certains d’entre eux Conseillers Suprême de la Révolution et en mettant des officiers à la tête du gouvernement 58 . On peut faire une double interprétation des ces faits, d’abord c’est une manière de remercier les Forces Armées d’avoir choisi Didier Ratsiraka comme chef de l’Etat mais c’est surtout une tentative de contrôler les Forces Armées afin qu’elles réduisent son influence pour la sécurité de son régime.

Section II : L’affaiblissement de l’institution militaire :

Pour concrétiser son contrôle absolu sur les Forces Armées, le président Ratsiraka va d’abord intégrer les Forces Armées dans la politique de la révolution socialiste. En effet, les Forces Armées ont été réorganisées en Forces Armées Populaires (FAP) 59 , elles deviennent les supports de la nouvelle idéologie socialiste en tant que « militaire en uniforme », elles participent à la révolution et la défendent. Cela va amener à la multiplication des effectifs au sein des forces, sans être accompagné de véritable amélioration des conditions de militaire ou de gendarme 60 . Nous pouvons citer à guise d’exemple que durant cette période le recrutement des élèves officiers au sein de l’Académie militaire était de 150 à 200 par promotion entre la 10ème et la 13ème promotion, dont la plupart était d’origine côtière puisque c’était de cette manière que « le livre rouge de la révolution » se démocratisait 61 . Les trois armées traditionnelles 62 vont être fusionnées pour être combinés dans les FAP sous le contrôle d’un état major général. En même temps, le président va instituer une force spéciale qui assurera sa protection et dont les membres sont issus de la même ethnie que lui 63 . On peut y voir à la fois l’accentuation du contrôle des Forces Armées et le manque de confiance qu’il leur accorde pour sa sécurité. Ensuite, le moyen utilisé par le président était la politisation du tableau d’avancement et des nominations aux postes de commandements et ministériels. La promotion se fait selon des critères ethniques ; l’idéologie politique et le degré d’allégeance. Les compétences professionnelles sont secondaires aux nominations et aux promotions. C’est l’instauration d’un véritable clientélisme

57 Témoignage auprès des anciens officiers : cette prééminence politique se manifestait par le refus des subordonnées membres du CMD d’exécuter les ordres des supérieurs n’étant pas membres du CMD. 58 Le colonel Joël Rakotomalala ; le lieutenant colonel Désiré Rakotoarijaona ; le colonel Victor Ramahatra ont été premiers ministres durant la République Démocratique de Madagascar. 59 Voir : www.defense.gov.mg/2009/11/histoire-des -forces-armees-malagasy/ Consulté le 3février 2015 60 Voir : P. Chaigneau, Rivalités politiques et socialisme à Madagascar , Paris, CHEAM, 1986, pp. 137-138. 61 Voir : RABENIRAINY (J.), Les Forces Armées et les crises politiques (1972-2002 ), Politique Africaine N° 86, 2002, p92 62 Les armées de terre ; de l’air et la marine. 63 Voir : RAMASY (J.), Les forces Armées garantes de la stabilité politique et démocratique ?, Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p12. Et aussi : 18 politique 64 . Il fallait mettre sur son C.V l’origine ethnique pour déterminer le recrutement ou la promotion. Dans les recrutements, la priorité était donnée aux officiers d’obédience AREMA 65 ; AKFM 66 ou MFM 67 , venait ensuite la contingence ethnique. Il faut noter que ce n’est pas seulement l’institution militaire qui a été touchée par ce genre de pratique mais l’administration malgache toute entière 68 .

CHAPITRE III : UNE AMORCE DE DEPOLITISATION SOUS LA PRESIDENCE DE ZAFY ALBERT.

Lors de la transition politique de 1992 à 1997, le cabinet de transition de Guy Willy Razanamasy et les membres du gouvernement de Zafy Albert ont mis en place des réformes destinées à remettre à leurs fonctions originelles les Forces Armées malgaches. On a pu observer une certaine démilitarisation du système politique 69 avec le retour aux casernes des militaires. Ces réformes seront marquées par l’adoption d’un statut général du militaire où il y a une reconceptualisation de la politique de défense nationale compte tenu du contexte de l’après guerre froide ; des exigences de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit 70 . On peut y voir une certaine volonté de séparer le militaire du politique surtout avec le système de mise en disponibilité que doit demander tout membre des Forces Armées souhaitant briguer un mandat public électif 71 . Ces réformes ont été amorcées par les généraux : Ranjeva Marcel et Désiré Ramakavelo 72 . Toutefois, ces réformes n’ont pas abouti compte tenu du fait qu’elles n’étaient pas faites en profondeur. En effet, ces reformes ont été trop formelles sans véritablement éradiquer les problèmes dans leurs fonds. Il en est ainsi par exemple de la suppression des déclarations des origines ethniques sur les C.V ou les fiches d’identité des membres des forces armées, or même si ce n’est pas écrit, la qualification par l’origine ethnique persiste 73 . C’est la même chose avec l’interdiction de faire des déclarations politiques, l’interdiction ne fut pas accompagnée de mesures véritablement

64 Voir : WIP., « Partis politiques d'Afrique - retours sur un objet délaissé », Politique africaine n-104,20017, pp20-45.Voir aussi : Louis Molet., « Madagascar sous Ratsiraka [Deléris (Ferdinand) : Ratsiraka : Socialisme et misère à Madagascar ; Ramanandraibe (Lucile Rasoamanalina) : Le livre vert de l'espérance malgache ». In: Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 77, n°287, 2e trimestre 1990. P208 65 Arema : Avant-garde pour la Rénovation de Madagascar fondé en 1976 par Didier Ratsiraka. 66 A.K.F.M : Parti du congrès de l’indépendance de Madagascar fondé en 1958 par Richard Andriamanjato. 67 MFM : Militant pour le progrès de Madagascar fondé par Manandafy Rakotonirina. 68 Voir : Ferdinand Deleris., «RATSIRAKA: SOCIALISME ET MISÈRE À MADAGASCAR »., Point de vue, L’harmattan.,pp50-100. 69 Les ministères de la défense et de l’Intérieur sont les seuls dévolus à des membres des Forces Armées. 70 70 Voir : RAMASY (J.), Les forces Armées garantes de la stabilité politique et démocratique ?, Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p19-21. Voir aussi : RABENIRAINY (J.), Les Forces Armées et les crises politiques (1972-2002 ), Politique Africaine N° 86, 2002, p92. 71 Voir : LOI N° 96-029 du 6 décembre 1996 Portant Statut général des Militaires article 79. 72 Les généraux Ranjeva Marcel et Ramakavelo Désiré ont été Ministres successifs des Forces Armées entre 1991 et 1997. 73 L’Etat Major Général de l’Armée Malgache (EMGAM) sis à Andohalo gardait une fiche de chaque militaire qui mentionnait une copie de l’origine ethnique (Témoignage d’un ancien militaire travaillant au sein de l’EMGAM). 19 contraignantes. On était en présence d’une simple instruction ministérielle 74 . Même si le concept de militaire en uniforme fut écarté, les bases de la politisation des forces armées étaient encore profondément enracinées, et elles ont repris avec le retour de Ratsiraka au pouvoir en 1997.

CHAPITRE IV : LA PARTICIPATION DES FORCES ARMEES DANS LES CRISES DE 2002 ET 2009.

Les crises de 2002 et de 2009 marquent une apogée dans cette manifestation de la politisation des forces armées malgaches. Il est intéressant d’analyser ces deux crises sur la prise de position au sein des Forces Armées.

Section I : La division politique des Forces Armées en 2002 :

La crise de 2002 a pour importance d’avoir révélé les profondes dissensions au sein des Forces Armées mettant ainsi au grand jour ses propres divisions. Selon le général Rakotomanga Mijoro « les différents courants de pensée apparues durant cette crise ne sont pas homogènes, car l’engagement des acteurs est dictée par des déterminants aussi divers que l’intérêt personnel ; l’opportunisme ; la conviction politique ; la conception de l’éthique militaire »75 . Les Forces Armées se sont divisées en trois courants : loyaliste- légaliste et légitimiste.

Les loyalistes fidèles à Didier Ratsiraka sont des acteurs majeurs dans la répression des partisans de Marc Ravalomanana. Ils estiment représenter la légalité dans le processus électoral inachevé.

Les légitimistes quant à eux sont partisans de Marc Ravalomanana, dont la majorité sont composés des officiers négligés par Didier Ratsiraka ou des autres membres des forces armées convaincus de la légitimité de Marc Ravalomanana.

Entre les deux se placent les légalistes qui ont adopté une position neutre jusqu’au moment où la Haute Cour Constitutionnelle a validé l’élection de Ravalomanana Marc. Ce courant a prôné la légalité et a imposé la neutralité face à la crise politique, convaincus que la solution ne pouvait être que politique. 76 Ce courant légaliste va être tiraillé entre les deux autres courants. On lui reproche l’immobilisme et l’inaction face à la situation.

74 Voir Rakotomanga M., 2004, op. cit., p. 83 et voir aussi Ramasy R., 2005, Madagascar : l’île-continent vers la deuxième indépendance ? Dépasser la fatalité des atouts contredits par un état utopique Mémoire de géopolitique des stagiaires de la division C de la 12ème promotion du Collège Interarmées de Défense, p. 24. 75 Rakotomanga M., 1998, op. cit., p. 117. 76 Voir : L’Express de Madagascar , 10 avril 2002. 20

Effectivement, les Forces Armées se sont divisées en deux et entre les deux les légalistes 77 . Les deux camps loyalistes et légitimistes sont véritablement entrés en guerre. Pour cristalliser ces dires, nous pouvons citer le « combat d’Ambolomagojo » dans la région de Diégo Suarez en juin 2002 78 . Le colonel Kotity 79 a formé des milices pour appuyer les forces de la 2 ème Régiment des Forces d’Intervention et la 7ème batterie anti aérienne du Régiment R3A 80 basés à Diego. Une bataille s’est formée à Ambolomagojo entre ces derniers et un convoi venu pour pacifier la région de Diégo, formé des membres des forces d’interventions, dont le 1 er Régiment des Forces d’Interventions 81 ; le Régiment d’Appui et de Soutien 82 et quelque réservistes. L’issu de ce combat a fait 250 morts 83 . Nous pouvons aussi citer des batailles dans la région de Fianarantsoa, notamment une embuscade dont les militaires de l’Ecole Nationale des Sous Officiers furent victime. Il en a été de même dans les régions de Toamasina ; Mahajanga ou Morondava 84 .

Pourtant à son arrivé au pouvoir, Marc Ravalomanana et ses partisans militaires ont défendu la thèse qu’il n’y avait pas eu d’affrontements. Selon leurs termes : « tsy nisy ady izany teto ». Leurs intentions étaient de ne pas procéder à la réconciliation nationale 85 puisque celle-ci impliquait le partage des postes clés. Pourtant cette division des Forces Armées en 2002 a provoqué les évènements de 2009.

Section II: Les raison de la prise de pouvoir par les Forces Armées en 2009

La particularité de la crise de 2009 concernant les Forces Armées est qu’il y a eu un véritable mouvement d’union en leur sein pour destituer Marc Ravalomanana. Il faut préciser que ce n’était pas le corps « Capsat 86 » en soit qui a effectué la prise de pouvoir. Ce qu’il y avait eu au Capsat à ce moment était un mouvement d’ensemble opéré par les forces armées. Ce mouvement s’est manifesté directement par la venue de certains militaires et gendarmes au capsat le 9 mars 2009 87 pour appuyer leurs frères d’armes et indirectement par l’acceptation de toutes les formations militaires présentes

77 Voir : RAMASY (J.), Les forces Armées garantes de la stabilité politique et démocratique ?, Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p16-18. Voir aussi : RABENIRAINY (J.), Les Forces Armées et les crises politiques (1972-2002 ), Politique Africaine N° 86, 2002, p94-96. 78 Voir : « Imbroglio politique à Madagascar » ». Africa.com. En ligne. Dimanche 5 Mai 2002. Voir aussi : « Ravalomanana passe à l’attaque ». Africa.com. En ligne. Mardi 4 juin 2002. Et aussi : http://www.sangonet.com/Fich4ActuaInterAfric/PoudriereMalgache4jn02.html.Consulté le 6 Mars 2015 79 Colonel Kotity : un fervent partisan de l’Amiral Didier Ratsiraka. 80 R3A : Régiment d’Artillerie Aérienne basé à Ampahibe Antananarivo 81 1er RFI : 1 er Régiment des Forces d’Interventions ou parachutiste basé à Ivato-Antananarivo 82 RAS : Régiment d’Appui et de Soutien basé à Ampahibe-Antananarivo 83 Source : Service de la Communication du Ministère des Forces Armées (Ampahibe-Antananarivo BP) 84 Enquête personnelle auprès d’un groupe de militaires du Régiment d’Appui et de Soutien acteurs durant ces batailles. 85 Voir : http://www.ifri.org/fr/publications/editoriaux/lafrique-questions/lafrique-questions-ndeg7-un-apres- debut-de-crise. En ligne. 09 février 2010. 86 CAPSAT : Corps des Personnels et des Services Administratives et Techniques basé à Soanierana-Antananarive 87 Voir : « Armée Malgache. Mutinerie à la CAPSAT ».Madagascar Tribune.com.En ligne. Mardi 10 Mars 2009 21 dans le pays, joint par téléphone 88 . Ce mouvement s’explique par un « ras le bol » des membres des forces armées du régime de Marc Ravalomanana. En effet, pour eux le summum fut l’ordre donné par le président Marc Ravalomanana au Chef d’Etat Major de l’Armée Malgache le soir du 9 Mars 2009, d’attaquer le Capsat 89 où les membres dissidents se sont regroupés. Or si ce schéma s’est concrétisé, les évènements qui ce seront passés à Antananarivo auraient été semblable à ce qui s’est passé en Somalie en 1991 après le départ du Général Siad Bare 90 dans la mesure où la population civile d’Antananarivo aurait été la victime des conflits armées entre membres des Forces Armées.

Il convient de déterminer les raisons qui ont poussé les Forces Armées vers de telles extrémités face au régime de Marc Ravalomanana. En effet, ce dernier a opéré une politisation informelle au sein des Forces Armées. Cette politisation informelle s’est manifestée par une « chasse aux sorcières » orchestréE par les hauts gradés de l’armée et de la gendarmerie contre les anciens officiers partisans de Didier Ratsiraka et par « l’exclusion » des membres des Forces Armées qui n’ont pas pris de position durant la crise de 2002 91 . Cette situation a créé un profond malaise au sein des forces armées. Plusieurs raisons peuvent aussi être invoqués comme :les abus menés par les hauts gradés de l’époque fidèles à Marc Ravalomanana depuis 2002 notamment dans des actes tels que : l’ ordre de dynamitage d’un pilonne d’une radiotélévision privé de la capitale non acquise au régime qui n’entre pas dans le cadre légal d’utilisation des forces armées ; le verrouillage par ces hauts gradés des postes de responsabilité ; les évènements du 07 février 92 réalisés par la garde présidentielle 93 ; les répressions sanglantes de l’EMMO 94 sous les ordres de mercenaires étrangers pour sécuriser le pays en 15 jours avant l’arrivé des évaluateurs de l’Union Africaine95 ; le non respect de la hiérarchie de grade et d’ancienneté dans l’octroi des postes de commandements ; la nomination d’une femme civile au titre de ministre des forces armées dans une société fortement patriarcale96 ;une tentative de réforme ayant pour but de supprimer la gendarmerie nationale en affectant une partie des membres à la police et l’autre partie à l’armée ; le projet de surpression de certains corps comme le Régiment d’Artillerie

88 Témoignage d’un grand dirigeant au sein des forces armées à cette époque 89 Témoignage d’un ancien chef de corps de l’époque. 90 Voir :tempsreel.nouvelobs.com/monde/2007070715.OBS6719/chronologie-de-la-guerre-civile.html. Consulté le 20 février 2015 91 Voir : RAMASY (J.), Les forces Armées garantes de la stabilité politique et démocratique ?, Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, p18 92 Mouvement et manifestation populaire conduit par Moinja Roindefo du 7 février 2009 qui a fait 27 morts et 212 blessés. Voir : http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/A-Madagascar-la-fusillade-de-samedi-7-fevrier- fait-28-morts-et-212-blesses-_NG_-2009-02-08-531065. Consulté le 2 mars 2015. 93 Garde présidentielle n’étant pas une force de maintien de l’ordre mais au service du président de la république. 94 Etat Major Mixte Opérationnel : institué par le décret n° 84-056 du 08 février 1984portant création de l’Organe mixte de Conception combine tous les forces de l’ordre à Madagascar. 95 Voir : www.lanation.mg/article.php?id=15565. Consulté le 26 janvier 2015 96 Le deuxième gouvernement de Charles Rabemananjara est le gouvernement malgache entré en fonction le 28 octobre 2007, les membres du gouvernement nommés par le décret n°2007-926 du 27 octobre 2007, dont Mme Manorohanta Cécile (Ministre de la Défense Nationale).

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Lourde précedemment cité. L’ancien président Marc Ravalomanana l’a reconnu lui-même, il a mal géré les forces armées 97 . L’ancien président aurait dû procéder à la reconciliation nationale puisque la situation interne et la Communauté Internationale l’ont exigée. L’ancien chef de la transition Rajoelina Andry a su utilisé cette crise des Forces Armées pour servir ses causes puisque dès son arrivée au pouvoir, il a procédé à la réhabilitation de tous les militaires qui ont été dépourvus de leurs droits après 2002.

97 Voir interview de Marc Ravalomanana par Jeune Afrique le 7 avril 2010, www.jeuneafrique.com.Consulté le 20 février 2014.

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TITRE II : LES OUTILS POLITIQUES ET JURIDIQUES POUR UNE EFFECTIVE DEPOLITISATION.

L’un des enjeux majeurs pour la recherche de stabilité dans le pays dans les années à venir sera d’opérer une restructuration des Forces Armées malgaches. Cette restructuration mettra en avant la dépolitisation.

La dépolitisation des Forces Armées constitue un garant pour une armée forte et rétablira sa qualité d’institution. Les évènements de 2002 et de 2009 reflétaient dans toutes ses dimensions combien le noyautage de la politique dans les forces armées lui a été maléfique, de telle manière que des actions concrètes sont une nécessité d’extrême urgence.

Une armée politisée sera toujours faible et paralysée par les manœuvres et les pressions dont elle fera l’objet. C’est primordial pour la stabilité de l’Etat ainsi que pour le futur des forces armées malgaches afin que ces derniers puissent se rétablir de leurs maux et soient à la hauteur des attentes de la population.

Dans ce présent travail, nous avons délimité en deux sous parties les solutions à adopter pour réussir la dépolitisation des forces Armées malgaches. Cette dépolitisation sera concrétisée notamment par la volonté politique des dirigeants et les outils juridiques dont nécessite la dépolitisation.

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CHAPITRE I : LA VOLONTE POLITIQUE.

Comme la majorité de la population semble le croire, la politisation des Forces Armées malgaches ne peut être imputée à elles seules. L’objectif de ce présent devoir met aussi en relief qu’il y a une erreur dans l’imputabilité de cette responsabilité. Comme l’a dit Raparison Olivier lors d’un colloque sur la gestion de l’Etat en janvier dernier : « il est humain de se tromper, mais il est diabolique de persévérer dans cette erreur ». La responsabilité de la débâcle des forces armées est en grande partie celle des politiciens. Pour protéger leurs places, les autorités politiques ont usés de moyens et pratiques iniques comme : le clientélisme ; la corruption ; l’appartenance ethnique ; la conviction politique…Il y a toujours eu mauvaise utilisation des forces armées et cela ne cessera qu’avec une réelle volonté politique. La première solution proposée met alors en relief la nécessité de volonté politique de la part de nos dirigeants pour atteindre une dépolitisation réelle.

Cette volonté des politiciens passera d’abord par une dépolitisation de l’administration publique malgache en général. Au regard de la situation actuelle dans le pays, à l’instar des forces armées, c’est l’administration publique malgache en général qui est fortement politisée 98 . La dépolitisation des forces armées malgaches ne pourra alors se faire qu’avec la dépolitisation de l’administration publique. Ce devoir n’a pas la prétention de traiter des reformes à entreprendre pour dépolitiser l’administration publique malgache, mais, de souligner les lignes d’un reforme nécessaire à entreprendre pour l’effectivité de la dépolitisation de l’institution militaire.

Ensuite, cette volonté peut aussi se manifester par l’instauration d’institutions fortes au sein du pays pour promouvoir le contrôle des forces armées et enfin par la démilitarisation du système politique.

Section I : Les pistes à suivre pour la dépolitisation de l’administration publique :

Il serait impossible de réaliser une dépolitisation des forces armées sans une dépolitisation de l’administration publique étant donné que les forces armées font parties de l’administration publique. Or cette dernière est aussi fortement politisée.

98 Voir : www.primature.gov.mg/?page_id=2741.Consulté le 21 janvier 2015 25

La dépolitisation de l’administration publique est le premier grand chantier auquel doit s’attaquer le pays pour atteindre le développement. Nous devons d’abord reconnaître une vérité fondamentale, à savoir que le développement dépend de la bonne gouvernance 99 . Or il n’y aura jamais de bonne gouvernance sans l’application des principes qu’elle implique dans la méthode de travail de l’administration publique. Cela nécessite donc une profonde reforme de l’administration publique à Madagascar et elle commence par sa dépolitisation 100 . Comme nous l’avons vu plus haut, il ne convient pas ici de traiter de la reforme de l’administration publique malgache mais de donner quelque pistes qui faciliteront la dépolitisation : la séparation des fonctions politique et administrative ; la reforme de la gestion des ressources humaines et enfin le renforcement de la lutte contre la corruption.

A. La séparation des fonctions politique et administrative :

Cette séparation implique la séparation du niveau politique (stratégie) du niveau administratif (opération). Plus explicitement, ceux qui conçoivent la stratégie politique au sein d’une administration déterminée doivent laisser son exécution à des personnes qualifiées (techniciens opérationnels). Cette solution proposée répond au principe de neutralité de l’administration qui ne peut s’effectuer sans son adaptation dans le cadre juridique. Il faut faciliter et répondre aux garanties juridiques comme le recours pour excès de pouvoir.

B. La reforme de la gestion des ressources humaines :

Le recrutement au sein des administrations publiques à Madagascar est souvent conditionné par la corruption ; le copinage ou l’appartenance politique 101 , ce qui fait que beaucoup des employés du secteur public n’ont pas les compétences nécessaires pour assurer leurs rôles et handicape la bonne marche de l’administration. C’est une des conséquences de la politisation à réparer. Pour pallier à cela, nous devons améliorer la gestion des ressources humaines en mettant à la fonction la personne qui le mérite. Il faut confier les responsabilités aux personnes compétentes. Les postes dans l’administration doivent faire l’objet d’une libre compétition, voire même d’un contrôle parlementaire s’il s’agit de haut emploi de l’Etat. D’ailleurs il sera plus judicieux de réviser les dispositions sur les hauts emplois de l’Etat afin d’y appliquer le contrôle parlementaire mentionné précédemment 102 .

99 Voir : www.geopolitique-africaine.com/ bonne -gouvernance -et-developpement -... Consulté le 21 janvier 2015. 100 Voir : http://www.midi-madagasikara.mg/politique/2015/01/29/grands-corps-de-letat-pour-la- depolitisation-de-ladministration/ Consulté le 21 janvier 2015. 101 Voir : http://www.midi-madagasikara.mg/a-la-une/2014/03/04/gouvernance-administrative-mauvais- points-pour-ladministration-publique-malgache/. Consulté le 20 février 2014. Voir aussi : http://fr.slideshare.net/jraharindranto/la-corruption-et-les-impacts-sur-les-finances-publiques-madagascar. Consulté le 20 février 2014. 102 Voir : http://www.madagascar-tribune.com/Les-cinq-reformes-necessaires-dans,20701.html.Consulté le 22 janvier 2015. 26

C. Renforcer la lutte contre la corruption :

La corruption aura toujours une telle ampleur dans ce pays sans une véritable stratégie de lutte. A court terme, la corruption diminuera avec la suppression de l’impunité. En effet, la corruption est un phénomène vu et su, voire même vécu au sein de l’administration publique sans qu’aucun ne le dénonce véritablement à la justice. Il faut renforcer les législations pour favoriser la stratégie de lutte contre la corruption. Ce n’est pas un secret que le Bureau Indépendant Anti Corruption 103 ne peut assumer à lui seul la lutte contre ce fléau généralisé 104 . Il faut la participation aussi bien des politiques ; des fonctionnaires ; des justiciers mais plus important encore celle du citoyen. Il n’y aura pas de corruption si chacun résiste aux demandes de pots de vin et dénonce les cas dont ils sont victimes ou témoins. Pour parvenir à un tel état d’esprit l’éducation et l’engagement des citoyens sont des actions à préconiser 105 .

Section II : La nécessité d’avoir des institutions fortes.

Comme l’a affirmé le président Américain Barack Obama lors de son passage devant le parlement ghanéen le 12 juillet 2009 : « l’Afrique n’a pas besoin d’homme fort mais d’institutions fortes »106 Aucune dépolitisation ne sera possible sans la participation des institutions du pouvoir dans le pays. En l’état actuel, la plupart des institutions en Afrique font partie intégrante du pouvoir alors qu’elles sont censées le contrôler. A Madagascar le pouvoir législatif et judiciaire peinent à contrôler le pouvoir exécutif, c’est même ce dernier qui contrôle les deux autres 107 . La corruption des représentants du peuple et des membres de la justice rendent impossible toute tentative de dépolitisation que ce soit au sein de l’armée ou de l’administration.

A. Un pouvoir législatif conscient :

L’effectivité des contrôles démocratiques des Forces Armées ne peut se faire sans un véritable parlement démocratique se souciant des problèmes du peuple qu’il représente. Tant que nos représentants n’adopteront pas le principe de redevabilité envers ceux qui ont votés pour eux, tant que

103 Voir : DECRET N° 2004-937 du 5 octobre 2004 portant création du Bureau Indépendant Anti- Corruption. 104 Voir : Ratsiazo léa, « Madagascar sombre, le BIANCO reste impuissant »., Tribune Madagascar.com. En ligne. Vendredi 5 décembre 2014. http://www.madagascar-tribune.com/Madagascar-sombre-le-BIANCO- reste,20550.html. Consulté le 24 février 2015. 105 Voir : http://www.mg.undp.org/content/madagascar/fr/home/presscenter/pressreleases/2015/02/25/une- nouvelle-strat-gie-nationale-de-lutte-contre-la-corruption.html. Consulté le 22 janvier 2015. 106 Voir : www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2532p022-028-bis.xml0/. Consulté le 22 janvier 2015. 107 Voir : Sefafi, » Le dysfonctionnement de l’Etat », publié le 7 février 2015. Voir aussi :http://www.madagascar-tribune.com/La-separation-des-pouvoirs,4514.html 27 leurs décisions ne seront pas dictées par l’intérêt général 108 , il sera difficile pour eux de contrôler la légalité et la légitimité des actions menées par les forces armées. En fait il n’est pas question ici d’adopter ou de réviser telle ou telle législation, ce serai vain si les élus ne sont pas conscients qu’un parlement fort ne dépend que de leurs volontés. Au lieu des motivations de richesses personnelles dans leurs prises de décision, ils doivent prétendre à la recherche de la satisfaction de l’intérêt général, au nom du peuple qui les a élus. Peut être que cela relève de l’utopie, mais il sera impossible de rebâtir le pays sans un parlement devenu fort et conscient que l’épanouissement du peuple dépend de sa volonté.

B. Un pouvoir judiciaire effectif :

L’effectivité du pouvoir judiciaire est inhérente à la dépolitisation de l’administration publique à Madagascar. Etant donné que les hauts emplois aux fonctions judiciaires sont aussi des postes politisés et l’accession à la justice est rongé par la corruption. Aussi, même si l’on parvenait à rétablir l’ordre et la sécurité dans le pays, si l’administration judiciaire reste ainsi corrompue, le travail sera futile109 . Nous avons vu que dernièrement la justice populaire a pris de l’ampleur puisque les citoyens n’ont plus confiance en l’institution de la justice et des forces de l’ordre 110 . Le système de justice à Madagascar a tout aussi besoin d’une reforme profonde que les forces armées et ce d’autant plus que la recherche d’un parlement efficace nécessite un pouvoir judiciaire qui l’est tout autant. Et comme on l’a souvent répété, cela nécessite une volonté politique de la part de nos gouvernants et des représentants ainsi que l’application des principes de l’Etat de droit de la part des représentants de la justice.

Section III : Une éducation citoyenne et la presse comme véritable quatrième pouvoir.

Alfred de Sauvy a dit que : « Mal informé, le peuple est un objet et bien informé, c’est un sujet ». Le niveau d’éducation de la majorité des citoyens malgaches ne permet pas à ces derniers de prendre en compte toutes les dimensions de son pouvoir ; ni des choix qu’ils doivent faire. Le problème majeur réside aussi dans le fait que les médias malgaches sont pour la plupart politisés 111 . Or une information

108 Voir : Michel Lachkar, « Madagascar: l'énigme d'une crise politique chronique ». Francetvinfo. En ligne.http://geopolis.francetvinfo.fr/madagascar-lenigme-dune-crise-politique-chronique-63293. Consulté le 2 juin 2015. 109 Voir : http://barreau-de-madagascar.org/page/discours-du-b%C3%A2tonnier-lors-des-assises-nationales. Consulté le 22 février 2015. 110 Voir : Sefafi, « Société civile, société politique : quelle représentativité ? », publié le 27 mai 2011. Voir aussi : http://www.laverite.mg/index.php?option=com_content&view=article&id=5111:edito-une-justice- inquietante-et-dangereuse-&catid=6:editorial; Consulté le 22 février 2015. 111 Voir : library.fes.de/pdf-files/bueros/africa-media/09572.pdf/ Baromètre des medias africains. Consulté le 25 février 2015. 28 biaisée créé des conceptions tout aussi biaisées. La question se pose de savoir à qui incombe l’éducation politique du citoyen si l’Etat et les médias l’induiront toujours en erreur ? Nous pouvons envisager la solution de confier à des ONG ou société civile véritablement indépendant ce rôle d’éducation, en attendant la mise en place de mesure pour rendre aux médias sa place de quatrième pouvoir. Nous avons pu observer dernièrement l’apparition d’organisation indépendante 112 soucieuse de l’information et de l’éducation des citoyens, mais il faut véritablement démocratiser ces organisations.

CHAPITRE II : LES OUTILS JURIDIQUES

L’effectivité réelle d’une dépolitisation des Forces Armées doit faire l’objet de l’édiction de normes juridiques. En effet, en 1991, lorsque le gouvernement a tenté une dépolitisation des Forces Armées, celle –ci fut un échec puisqu’elle n’était pas accompagner de véritable mesure dans la législation nationale. Certains outils juridiques pour accompagner la dépolitisation se trouve déjà dans des dispositions de la Constitution ainsi que dans les lois relatives aux forces armées elles mêmes. Tandis que les autres dispositions sont à réviser. C’est ainsi qu’on a pu établir que les outils juridiques pour la dépolitisation des forces armées malgaches seront : la mise en place du Haut Conseil de Défense Nationale combiné à l’instauration du Conseil Supérieur de la Fonction Militaire et des Conseils de Fonction Militaire, la conséquence de l’établissement de ces deux organes va permettre l’adoption d’un concept de défense et de sécurité nationale qui préconisera une doctrine de l’emploi des armes et amorcera une reforme et restructuration des forces armées, l’élaboration d’une loi de programmation militaire prise par le parlement et la révision de certaines dispositions de la Loi 96-025 portant statut général des militaires.

Section I : La mise en place du Haut Conseil de la Défense Nationale

Il est prévu à l’article 56 de la Constitution de 2010 dans son premier alinéa que : « Le Président de la République est le Chef Suprême des Forces Armées dont il garantit l’unité. A ce titre, il est assisté par un Haut Conseil de la Défense Nationale. Le Haut Conseil de la Défense Nationale, sous l’autorité du Président de la République, a notamment pour mission de veiller à la coordination des actions confiées

112 Voir : www.madagascar-tribune.com/Le-mouvement-de-Wake-Up-Madagascar...Consulté le 25 février 2015. 29 aux Forces armées afin de préserver la paix sociale. Son organisation et ses attributions sont fixées par la loi ».

Plusieurs discussions ont déjà eu lieu sur la création du Haut Conseil de la Défense Nationale, pourtant il n’a jamais vu le jour. Durant les dernières assises nationales des forces armées en 2009, la question de la création du Haut Conseil de la Défense Nationale est apparut comme prioritaire. Comme le souligne l’article, le Haut Conseil de la Défense Nationale a pour mission de veiller à la coordination des actions confiées aux forces armées afin de préserver la paix sociale. Cet organe a pour finalité de baliser l’utilisation abusive des Forces Armées par le président de la République ; de baliser les Forces Armées pour qu’elles ne soient pas à l’origine des crises politiques. 113 Il est nécessaire alors d’élaborer un texte pour mettre en place ce Haut Conseil de la Défense Nationale. Ce texte va mettre en évidence l’organisation et les attributions de ce Haut Conseil de la Défense.

A. L’organisation du Haut Conseil de la Défense Nationale

Conformément aux dispositions de l’Art.56 de la Constitution, le Haut Conseil de la Défense Nationale est un organe permanent placé sous l’autorité du Président de la République, Chef suprême des Forces Armées. Le Haut Conseil de la Défense Nationale doit être constitué d’un collège de membres regroupant toutes les administrations liées à la défense et la sécurité. Et d’un secrétaire exécutif.

Les membres doivent comporter : le président de la république ; le premier ministre ; le ministre chargé des affaires étrangères ; le ministre chargé de la justice ; les ministres chargés de l’intérieur et de la sécurité publique ; les ministres chargés des économies, finances et budget ; les autres ministres ; le(s) président(s) de commission de la défense et de sécurité du parlement ; le directeur général du central intelligency service ; le chef de l’état major général de l’armée malgache ; le commandant de la gendarmerie nationale ; le directeur général de la police nationale ;

Pour plus d’efficacité, le Haut Conseil de la Défense Nationale doit pouvoir faire appel à titre consultatif aux autres Ministres en fonction des questions relevant leurs attributions ; aux officiers généraux ; aux inspecteurs généraux de l’Armées et de la gendarmerie nationale ; commandants des forces, aux commandants de régions militaires et de la circonscription régionale de la gendarmerie nationale et les directeurs régionaux de la Police nationale ; aux hauts fonctionnaires des départements ministériels ; aux dirigeants de grandes sociétés représentant un intérêt vital pour la défense nationale

113 Voir : http://www.lexpressmada.com/blog/actualites/defense-nationale-le-haut-conseil-a-mettre-en-place- 10969. Consulté le 3 mars 2015. Voir aussi : http://www.lagazette- dgi.com/index.php?option=com_content&view=article&id=125:jean-ravelonarivo-devant-l-assemblee-un- progra-mme-trop-ambitieux&catid=57:la-une&Itemid=115. Consulté le vendredi 13 février 2015. 30

B. Les attributions du Haut Conseil de la Défense Nationale

Le Haut Conseil de la Défense Nationale est chargé de définir les grandes options politiques dans le domaine de la défense et de sécurité nationale afin d’orienter la politique du Gouvernement en la matière. Il est chargé de veiller à la coordination au niveau politique et stratégique des actions confiées aux Forces armées et de polices relative à la défense et la sécurité. Il assiste également le Président de la République dans la définition des grandes options politiques dans le domaine de la Défense et de la sécurité nationale. Il doit veiller au bon fonctionnement du système de défense et de sécurité sous l’autorité du président de la république et faire une proposition de reforme en cas de défaillance du système sécuritaire nationale. Il doit aussi émettre des avis dans les cas de troubles politiques graves avant que le président ne proclame la situation d’exception ou l’engagement des forces et des moyens militaires pour les interventions extérieurs.

Section II : Un Conseil Supérieur de la Fonction militaire :

La Loi n° 96-029 du 06 décembre 1996 portant Statut Général des Militaires, prévoit dans son article 5 l'institution d’un Conseil Supérieur de la Fonction Militaire rattachée au Ministère chargé des Forces Armées. Ledit conseil figure déjà dans l’organigramme du Ministère de la Défense Nationale conformément aux dispositions du décret n°2014-288 du 13 mai 2014 fixant les attributions du Ministre de la Défense Nationale ainsi que l’organisation générale de son Ministère alors qu’aucun texte le régissant n’a été mis en place.

Cet organe devrait répondre au souci de dépolitisation notamment sur les questions de favoritisme et de népotisme, puisque les missions de cet organe sont de veiller aux règlements des problèmes et préoccupations socioprofessionnelles des militaires, ainsi qu’à la préservation de l’institution militaire 114 . C’est une instance de consultation et de concertation du personnel militaire.

Puisque l'état de militaire exige des servitudes exorbitantes le privant de la plupart des droits reconnus aux citoyens par la Constitution dont l'assujettissement aux obligations d'obéissance, de neutralité, de réserve et d'esprit de sacrifice, des restrictions sur la liberté de circulation, la liberté de résidence, la liberté d'expression, l’interdiction de l'exercice du droit de grève. La création du Conseil Supérieur de la Fonction Militaire répond ainsi, d'une part, à la nécessité d'instaurer un dialogue entre le Ministre et

114 Voir : http://www.lexpressmada.com/blog/actualites/general-dominique-rakotozafy-il-faut-ramener-les- militaires-dans-les-casernes-13760 . Consulté le 02 Mars 2015. 31 le personnel militaire en compensant les différentes restrictions en particulier par rapport aux autres agents de l'Etat, et d'autre part, à la préservation de l'intérêt de l'Institution Militaire dans le respect des lois et règlements face aux poursuites et attaques pouvant porter atteinte à l'Institution.

Le Conseil Supérieur de la Fonction Militaire répond également au souci de faire valoir les droits des militaires reconnus par leur Statut Général. Dans ce cadre, les Conseils sont appelés à se constituer en mécanisme de régulation, d'équilibre et d'alerte, tout en visant l'amélioration et l'adaptation du fonctionnement des Armées à l'évolution du contexte technico-économique présent et futur. Ce sont des organismes à caractère consultatif et délibératif, les Conseils ne disposent ni d’autorité administrative ou disciplinaire, ni de prérogative de commandement. Ce sont des organes d'écoute, d'étude, de réflexion, qui se proposent d'apporter des solutions aux problèmes et aux préoccupations socioprofessionnelles des militaires.

A. Le Conseil supérieur de la fonction militaire

Le Conseil Supérieur de la Fonction Militaire est le cadre institutionnel dans lequel seront examinés les problèmes relatifs à la fonction militaire. Il est consulté sur les projets de textes d’application de la loi portant Statut Général des Militaires sus mentionnée et qui ont une portée générale, notamment sur les différentes positions statutaires ainsi que sur les dispositions prévues par certains articles du statut. Le Conseil Supérieur de la Fonction Militaire constitue un organe permanent d’étude, d’écoute et d’alerte, de consultation et enfin de suivi de régularité et de rationalisation quant à l’emploi et à la gestion des militaires. Il peut en outre formuler des avis, des appréciations et/ou propositions touchant la vie professionnelle et sociale des militaires. Il en est ainsi par exemple des dispositions de l’article 9 du statut général des militaires qui dit que : « Tout militaire doit obéissance aux ordres de ses chefs hiérarchiques. Il ne peut être demandé au militaire d’accomplir des actes qui sont contraires aux lois, aux coutumes de la guerre et aux conventions internationales ou qui constituent des crimes, des délits ou des contraventions. » Cet article est ambigu puisqu’il n’énonce pas les catégories d’ordres légaux pouvant émaner des chefs hiérarchiques. Il appartient alors au Conseil de donner son avis sur ce problème.

1. Attributions

Le Conseil Supérieur de la Fonction Militaire aura pour mission de veiller au respect des dispositions du Statut Général des Militaires et de ses textes subséquents. Il doit défendre l'intérêt du militaire vis- à-vis de ses droits et avantages statutaires tout en préservant l’intérêt supérieur de l’ensemble des Forces Armées. Ces attributions seront les suivantes :

− est consulté et donne des avis sur tout projet de textes de portée générale, notamment ceux relatifs au Statut Général des Militaires et ses textes subséquents.

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− donne son avis sur les dérogations à apporter au Statut Général des Militaires en ce qui concerne les projets de statut particulier par Arme, par Catégorie et par Service. − donne des avis ou des recommandations ou des conseils juridiques pour répondre aux requêtes des militaires en ce qui concerne le respect et l'application des dispositions du Statut Général des Militaires en leurs droits et prérogatives, notamment sur les devoirs et responsabilités tant des chefs que des subordonnés dans l'application du Règlement de Discipline Générale dans les Forces Armées. − veille sur l'application des dispositions légales concernant les recours et les garanties fondamentales dont bénéficient les militaires. − propose les profils requis pour chaque poste. − propose, de concert avec les deux Commandements des Forces Armées, les critères d'avancement de grade, soit au choix et à l'ancienneté, soit sur titre. − donne son avis sur des études techniques, administratives ou juridiques entrant dans le cadre de l'évolution des Forces Armées, notamment sur la loi de programmation militaire.

2. Organisations et fonctionnements

Le Conseil supérieur de la fonction militaire doit comprendre, sous la présidence du Ministre des Forces Armées des membres siégeant avec voix délibératives dont : des officiers supérieurs et subalternes ; des sous-officiers ou officiers mariniers supérieurs ; subalternes et gradés de la gendarmerie nationale et des militaires du rang. Les membres du Conseil Supérieur de la Fonction Militaire sont nommés pour quatre ans non renouvelable par arrêté du Ministre chargé des Forces Armées après avoir été élus parmi et par les membres des Conseils de la Fonction Militaire. Le Conseil Supérieur de la Fonction Militaire doit disposer d’un secrétariat général permanent dirigé par un secrétaire exécutif chargé d’organiser, contrôler et planifier les activités du Conseil Supérieur de la Fonction Militaire et d’un Bureau de l’Ethique et de la Déontologie, dirigé par un Directeur de Ministère. Ce dernier a pour mission de vulgariser les textes relatifs à l’Ethique et la Déontologie Militaire et y sensibiliser les militaires ; en outre, il est leader dans l’actualisation, l’enseignement et l’entretien des valeurs militaires. Ce conseil devra être capable d’être mobilisé dans les régions autres que Tananarive en cas de force majeur. Il se réunira en session ordinaire sur convocation du ministre des forces armées et en session extraordinaire si besoin est.

33

Section III : L’adoption d’un concept de défense et de sécurité nationale.

Il est nécessaire d’adopter un concept de défense et de sécurité national puisque la Constitution elle- même l’exige dans son article 56. Le concept de défense et de sécurité national va déterminer les menaces à la défense et la sécurité du pays, c’est à partir de ces menaces que le cadre de l’emploi des forces sera fixé.

La loi 94-018 du 26 Septembre 1995 portant organisation générale de la défense à Madagascar est la seule loi en vigueur en matière de défense. Hors cette loi aurait dû être adoptée après l’adoption d’un concept de défense nationale. La logique veut qu’un pays détermine d’abord le cadre d’emploi des armes en l’exprimant dans le concept de défense avant d’adopter la loi mettant en œuvre l’organisation de la défense. Jusqu’à présent nous n’avons pas eu de politique de défense 115 . Après l’instauration du Haut Conseil de la Défense Nationale, il sera temps d’arrêter un concept de défense et de sécurité. Il faut signaler qu’une ébauche de ce concept de défense a été finalisée en 1991 lors des esquisses de dépolitisation des forces armées 116 et que cette ébauche établissait déjà une priorité de la sécurité intérieure sur la défense de l’intégrité du territoire, seulement les présidents successifs ne l’ont jamais adopté.

En l’absence de concept de défense, il n’y a pas d’objectifs définis, il n’y a pas non plus de programmation de moyens dans le cadre, par exemple, d’une loi de programmation militaire, il n’y a pas de doctrines d’emploi définies. C’est pour cela que les Forces Armées n’ont pas de repère pour jalonner son cheminement dans la réalisation de ses missions traditionnelles.

A. La délimitation entre défense et sécurité :

Selon l’article premier de la Loi N°94-018 du 26 Septembre 1995la défense à Madagascar : « la défense a pour objet d’assurer en toutes circonstances et contre toutes les formes d’agressions, la sécurité et l’intégrité du territoire nationale, la sauvegarde du patrimoine ainsi que la protection de la population dont elle tend à développer la capacité matérielle, intellectuelle et de survie ». La sécurité nationale quant à elle a pour objet : « d’identifier l’ensemble des menaces et des risques susceptibles d’affecter la vie de la nation concernant la protection de la population, l’intégrité du territoire et la permanence des Institutions et de déterminer les réponses que les pouvoirs publics doivent y apporter ».117

115 Voir : http://www.lexpressmada.com/blog/actualites/strategie-la-defense-nationale-desarmee-30085. Consulté le 15 mai 2015. 116 Cf « Rapport sur le concept de défense » Antananarivo, mai 1991 117 Voir : fr.wikipedia.org/wiki/Sécurité_nationale. Consulté le 21 décembre 2015. 34

Plus explicitement, la défense est l’action déclenchée pour parer à une menace alors que la sécurité est le sentiment de l’état dans lequel se trouve le sujet.

B. L’importance de l’adoption du concept de défense et de sécurité nationale :

La défense et sécurité nationale doit faire l’objet d’une conception qui définit le cadre d’emploi des Forces Armées. Nous avons vu qu’il fallait concevoir la cadre d’emploi des Forces Armées pour éviter le détournement par les politiciens dans leurs utilisations. L’adoption d’un concept de défense et de sécurité national est fondamentale dans la mesure où ce concept va déterminer la politique de l’Etat en la matière, dont la portée sera à la fois nationale et internationale. Nationale, puisqu’il concerne la sureté interne en assurant la protection de la population contre les menaces intérieures comme « les dahalo »…Internationale car il englobe aussi la sécurité régionale (lutte contre la piraterie maritime). Il est insuffisant alors d’adopter un concept de défense unique sans l’accompagner d’un concept de sécurité étant donné la situation interne du pays, d’où la délimitation entre défense et sécurité qu’on a vu plus haut. La politique de défense et de sécurité nationale avec l’ensemble des politiques publiques doit concourir à la sécurité nationale par l’identification de menaces et de risques susceptibles de porter atteinte à la vie de la Nation et en définissant les réponses pour y faire face et contribue au respect des engagements internationaux de Madagascar en matière de sécurité et de défense.

Dans l’immédiat, la priorité est de rétablir et de maintenir l’ordre public sur tout le territoire national. L’Etat doit mettre en place une véritable politique de défense et de sécurité en tenant compte des réalités à l’échelle nationale et locale. Dans le futur, notre politique de défense et de sécurité devrait s’axer sur la protection des côtes compte tenu des richesses dont nous disposons dans les zones économiques exclusives 118 . Donc nos Forces Armées doivent se restructurer afin d’assurer la défense et la sécurité maritime tout en étant capable de garantir la défense et la sécurité terrestre.

C. Le cadre d’emploi des Forces Armées devant apparaître dans le concept de défense et de sécurité nationale :

Les interventions des forces armées en matière de défense et sécurité doivent s’opérer dans les domaines suivants :

- Défense opérationnelle du territoire : actions de protection et défense des intérêts vitaux de la nation et de l’intégrité du territoire. - Sécurité intérieure : rétablissement de la sécurité intérieure à un niveau favorable au développement économique.

118 Voir : http://www.defense.gov.mg/2015/03/dialogue-de-defense-iiie-edition/. Consulté en Mars 2015. 35

- Développement de l'esprit de défense et d'unité nationale : rendre les forces armées proche des citoyens pour promouvoir l’unité nationale et rétablir la confiance. - Défense civile : impliquer les forces armées dans le système de défense civile en déployant les moyens non détenus par les civils. - Participation au développement économique et social : - Défense économique et environnementale : contribution à la sécurisation des domaines économiques (lutte contre contrebande ; protection des mines…) et prendre part à la protection de l’environnement (surveillance des airs protégés…) - Participation aux opérations de maintien de la paix : les organisations internationales nécessitent la participation des forces armées malgaches au niveau continental et régional compte tenu du contexte géopolitique mondial.

Ces domaines englobent les enjeux sécuritaires actuels de Madagascar ainsi que sa représentation en matière de défense sur le plan international.

D. La révision de la loi N° 94-018 du 26 Septembre 1995 portant organisation générale de la défense à Madagascar :

Comme on l’a affirmé précédemment, la loi 94-018 n’est plus adaptée à notre situation actuelle, surtout avec la mise en place d’un concept à la fois de défense et de sécurité, cette loi ne porte que sur la défense nationale mais ne fait aucune mention quant à la sécurité nationale. Elle ne fait pas non plus mention de l’action de l’Etat en mer. Hors comme nous l’avons souligné précédemment, c’est l’une des principales missions des Forces Armées pour les années à venir.

Section IV : loi de programmation militaire

Après l’adoption d’un concept de défense et de sécurité nationale, sa mise en œuvre se fera par la loi de programmation militaire. La loi de programmation militaire est un texte politique et technique et à travers elle se traduit la volonté du gouvernement de mener à terme la défense et la sécurité des citoyens. Comme c’est à travers le budget général de l’Etat que le gouvernement exécute sa politique publique, c’est à travers la loi de programmation militaire que les objectifs du concept de défense et de sécurité doivent être assurés.

1. Définition :

On appelle loi de programmation militaire, une loi visant à établir une programmation pluriannuelle des dépenses de l’Etat en matière militaire. Les lois de programmations militaires ont des durées d’application de quatre, cinq, ou six ans selon les objectifs de chaque pays. En France, depuis 2003,

36 les lois de programmations militaires couvrent des périodes de six ans 119 . L’objet de la loi de programmation militaire est de déterminer, pour une durée de plusieurs années, le montant et l’affectation des crédits de l’Etat en matière de dépenses militaires.

2. Spécificité :

Les caractères pluriannuels des lois de programmations militaires semblent incompatibles avec le principe d’annualité budgétaire, mais c’est la seule solution compte tenu de la nécessité de programmer à long terme certaines dépenses militaires. Cependant, en vertu du principe de d’annualité budgétaire et de la primauté des lois de finances sur les engagements pluriannuelles de l’Etat, la mise en œuvre des lois de programmation militaire est subordonnée à la transposition de celle-ci dans les lois de finance annuelle.

3. Contenu :

Il devrait apparaître dans la loi de programmation militaire les dispositions suivantes :

− Dispositions relatives aux objectifs de la politique de défense et à la programmation financière. − Dispositions relatives au contrôle parlementaire de l’exécution de la loi de programmation − Dispositions relatives au rétablissement de la sécurité intérieure − Dispositions relatives à la protection des côtes de Madagascar − Dispositions relatives à la restructuration des Forces Armées

Section V : La restructuration des Forces Armées.

L’adoption d’une loi de programmation militaire entraînera une restructuration des forces armées. La reprofessionnalisation et la révision du décret 84-056 du 08 février 1984 portant création de l’Organe Mixte Opérationnelle sont prioritaires dans cette restructuration.

1. La reprofessionnalisation :

Les forces armées doivent avoir une bonne capacité sur tous les plans : opérationnelle ; logistique ; administrative ; renseignement et formation. Elles doivent être autonomes et doivent disposer de ressources et moyens. Elles doivent surtout adopter une bonne moralité dans l’exercice de leurs fonctions. Il est donc nécessaire de recadrer le professionnalisme des éléments des forces armées. Pour se faire, différents points doivent obligatoirement être étudiés dont : la suppression du favoritisme ; l’éthique et la déontologie ; le recrutement et la formation.

119 Voir : m.defense.gouv.fr/portail-defense/enjeux/politique-de-defense/la-loi-de-programmation-militaire- lpm-2014-2019. Consulté le 3 janvier 2015. 37

A. La suppression du favoritisme

Le principe est de faire en sorte que les responsables soient désignés compte tenu de leurs réelles compétences, de leurs vraies valeurs. Que l’adéquation formation/emploi soit vraiment respectée. En effet, il est de rigueur d’abolir cette mauvaise habitude des dirigeants politiques, qui tend à avantager ou désavantager quelqu’un pour une prise de position. Autrement dit la récompense pour faveur politique. Pour cela, il est possible d’instituer des normes unifiées pour les nominations aux postes à responsabilité dans cette institution de force par le contrôle des C.V et la légalité des avancements. Encore, comme on l’a mainte fois répété, il faut une volonté de la part des dirigeants politiques pour que cela puisse être possible, même si la mise en place d’un organe indépendant qui gère la carrière au sein des forces armées doit pouvoir alléger le phénomène de favoritisme au sein des Forces Armées.

B. L’éthique et la déontologie

Le statut de militaire professionnel dépend aussi en partie de l’image que la société a de lui. Le militaire professionnel doit posséder une bonne moralité et adopter un comportement digne d’intérêt. La reprofessionnalisation implique l’adoption au sein des forces armées des règles de comportement et de conduite qui régissent leur métier afin qu’ils ne puissent plus être influencé par les dirigeants politiques. Il est à informer que les forces armées ont déjà adopté un « code de conduite de l’armée malagasy » après les évènements de 2009. Ce code revêt un caractère obligatoire pour tous les membres des forces armées. La disposition de l’article 36 de ce code dit par exemple que : « le militaire ne doit en aucun cas solliciter ou accepter des cadeaux, faveurs, invitations, gratifications, rémunérations ou tout autre avantage qui peuvent influencer sur l’impartialité dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions ». La question se pose alors sur l’application de ce code et sur les sanctions qui en résultent. En effet, dans l’article 51 du même code, il est dit que : « tout manquement aux prescriptions du présent code expose son auteur à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant des peines prévues par les textes en vigueur ». Il est donc du devoir des différents chefs militaires d’appliquer et de veiller à l’application de ce code de conduite qui renferme surtout les valeurs morales et les comportements que doivent avoir les forces armées afin de donner l’image de véritable professionnelle.

C. Le recrutement

Le recrutement devra se faire de la manière la plus objective possible. Or actuellement, malgré les efforts déjà entreprissent depuis quelque temps par des responsables, notamment la coopération des bureaux de recrutement et de formation avec le BIANCO dans l’organisation et la réalisation des concours nationaux de recrutement. Un autre problème au sein des militaires et non de la gendarmerie vient du fait que dans la plupart des cas, ce sont les parents qui ont des difficultés avec l’éducation de

38 leurs enfants qui les envoient dans l’armée. Pour que le métier de militaire ne soit guerre une fonction de secours, il est recommandé de réviser les conditions de recrutements dans l’armée, augmenter à un niveau secondaire la condition de rengagement des militaires du rang (comme pour la gendarmerie nationale). Cela va permettre un remodelage quantitatif et qualitatif de l’armée. Cela n’empêchera pas le service légal de deux ans que doit passer tout citoyen majeur de sexe masculin puisque le rengagement s’effectue après ce service.

D. La formation

La politique de la formation au sein des forces armées doit aussi faire l’objet d’une refonte. Alors que toutes les catégories de militaire sont censées connaître les dispositions les concernant, il n’y a de plus insensée que de constater que seuls 20% des militaires du rang connaissent entièrement le règlement de la discipline, 32% des officiers connaissent le statut qui les régit ou encore 22% des officiers ont lu la Constitution 120 . Tout cela témoigne d’un manque de formation grave. Les solutions à proposer à court terme sont :

− l’amélioration de la formation existante en assurant l’uniformisation et la qualité du programme de la formation ; − l’amélioration de la qualité de recrutement ; − l’amélioration de la qualité de l’encadrement et du corps enseignant − La motivation de l’encadrement par le choix du poste et l’allocation d’une prime (étant donné que ceux qui font offices d’enseignants ne perçoivent pas de primes au sein des forces armées). − La valorisation des diplômes pour chaque école et centre ; − La priorisation du budget de formation : écoles et unités élémentaires ; − Adéquation formation/emploi à chaque affectation.

2. La révision du décret N° 84-056 portant création de l'Organe Mixte de Conception.

Le décret 84-056 du 03 mars 1984 portant création de l'Organisme Mixte de conception est un décret qui a été conçu durant la 2 nd République, en application de l’idéologie « militant en uniforme » de l’ancien président Didier Ratsiraka. Ce décret a pour particularité de préconiser la participation mixte et simultanée la Police Nationale, de la Gendarmerie Nationale et de l’Armée en matière de maintien de l’ordre, les missions s’exécutent alors sur la base de la mixité des forces.

120 Source au sein de la direction des études et de la planification du ministère des Forces Armées. 39

Cette disposition a été prévue pour éviter l’intervention isolée de la police nationale après les mouvements estudiantins de 1972. Hors les missions de maintiens de l’ordre public et de rétablissement de l’ordre public sont des missions qui devraient être principalement assignées à la police administrative. D’ailleurs dans le contexte mondial actuel, avec l’avancé de la démocratie et du libéralisme, le maintien de l’ordre public ou le rétablissement de l’ordre public sont tous dévolus à des forces ayant caractère de police. Dans les véritables pays démocratiques, l’administration chargée de l’intérieur et de la sécurité publique ne peut faire intervenir l’armée qu’en dernier recours, et, de plus en suivant certaines procédures.

Il est nécessaire de mettre à jour ce texte dépassé et ne convenant plus à la situation actuelle (exemple : il est très mal perçu par la population que ce soit des militaires en uniformes et armés qui gardent le siège de l’Assemblé Nationale). L’élaboration d’un nouveau texte devra avoir pour objet d’améliorer l’emploi des Forces Armées et de remettre aux forces de polices les missions de maintien et rétablissement de l’ordre public.

Contrairement au décret actuel, les dispositions à revoir dans l’adoption d’un nouveau texte sont les suivants :

− L’organisme mixte de conception et l’état-major mixte opérationnel peut être remplacé par une Commission de la Gestion de l’Ordre Public (CGOP) − A la tête de la CGOP, le président doit être remplacé par le premier ministre (premier responsable de l’emploi affecté à l’armée) 121 ; il sera assisté par des ministres ayant des implications sur les activités de maintien de l’ordre et de rétablissement de l’ordre, et, le premier responsable de chaque entité des Forces de l’Ordre. − L’animation de la CGOP sera assuré par la Police Nationale dans les villes pourvues de commissariats et à la Gendarmerie Nationale pour le reste. − L’utilisation des forces doit être définie selon trois catégories : Première catégorie pour la Police Nationale ; deuxième catégorie pour la Gendarmerie Nationale et ; troisième catégorie pour l’Armée. Le nouveau texte devra spécifier que le maintien de l’ordre est uniquement réservé à la Police Nationale, la Gendarmerie Nationale intervient pour appuyer la police dans le rétablissement de l’ordre public. L’intervention de l’armée doit être conditionnée dans les cas de trouble grave lorsque ces deux entités ne peuvent plus l’assurer.

Section VI : La révision de certaines dispositions du statut général des militaires.

121 Voir : Article 65 al 9 de la Constitution de la IVème République de Madagascar. 40

La démilitarisation du système politique consiste aussi à apporter certaines modifications dans les dispositions concernant les droits politiques des militaires. Selon l’article 18 de la loiN° 96-029 du 15 Novembre 1996 :

« Il est interdit aux militaires non en disponibilité, d'adhérer à des groupements ou associations à caractère politique. Sous réserve des inéligibilités prévues par la loi, et d'une autorisation préalable du commandement, les militaires peuvent être candidats à toute fonction publique élective ; dans ce cas, est suspendue l'interdiction d'expression en public de leurs opinions politiques sans que d'une manière ou d'une autre, ils engagent les Forces Armées ou divulguent des secrets de défense ; et ils restent liés aux obligations concernant le secret de défense. Les militaires de carrière et les militaires servant sous contrat qui sont élus et qui acceptent leur mandat sont placés dans la position de disponibilité prévue par le présent statut ».

D’après cet article, le statut général des militaires reste très simple à l’égard de ceux qui décident de se lancer dans la politique. Ils n’ont qu’à demander leur disponibilité. Pourtant avec la disponibilité, il n’y a qu’une rupture provisoire du lien qui unit les militaires et/ou gendarmes et les forces armées. Les considérations portées à leur égard sont toujours là. Ils sont toujours militaires et/ou gendarmes et le resteront, même en rejoignant le rang, on se souviendra toujours sous quelles couleurs politiques ils ont évolués auparavant. Personne ne peut garantir qu’ils cesseront définitivement leurs activités politiques une fois qu’ils reviennent dans les forces armées. Cette situation nécessite alors l’adoption de solution concrète pour limiter l’influence de ceux qui se sont officiellement livrés à des activités politiques à un moment donné. Il faudrait ainsi revoir cet article 18. Pour que cela se fasse, deux solutions sont à préconiser : soit on oblige le membre des forces armées qui veut faire de la politique qu’une fois élu pour un mandat public électif il doit demander sa retraite anticipée, soit on conditionne son entrée en politique au fait qu’ il renonce de fait dans le futur à obtenir des postes à responsabilités une fois revenu dans les rangs. La première solution paraît ardue, mais de cette manière les militaires ou gendarme tentés de faire de la politique doivent faire un choix entre leurs métiers et la politique. Ils seront obligés d’abandonner leur carrière et n’auront plus la possibilité de revenir dans les forces armées. Quant à la seconde solution, cela nécessite la publication d’un décret d’application énonçant toutes les postes à responsabilité ou fonctions influentes aux seins des forces armées que le militaire et/ou gendarme ayant fait de la politique ne doit pas exercer.

Section VII : la révision de certaines dispositions du décret 97-1133 portant règlement de discipline générale au sein des forces armées.

1. La détermination de l’ordre manifestement illégal :

En général, il convient d’appliquer ici la théorie de la baïonnette intelligente. En droit pénal c’est une théorie selon laquelle la personne est condamnée si elle a exécuté un ordre manifestement illégal.

41

D’ailleurs, cela évoque la situation du soldat (la baïonnette) qui doit refuser d’exécuter un ordre manifestement illégal, au nom du principe que même l’engagement militaire ne saurait faire disparaître la conscience et l’intelligente dans ses actes. Il faut réviser cette loi en énumérant la liste des ordres pouvant émaner ou ne pas émaner de la légalité. Ensuite ériger des sanctions sévères pour ceux qui obéissent à des ordres manifestement illégaux et établir une référence pour chaque catégorie de grades selon leur capacité à déterminer l’illégalité de l’ordre 122 . Il faut encore souligner que cela ne peut se faire que dans le cadre d’un organe tel que le Conseil supérieur de la fonction militaire.

2. La révision de l’article 11 alinéa 1 :

L’article 11 alinéa 1 dudit décret dispose que : « Le Militaire en activité de service défini dans le Statut ne doit s’affilier à des groupements ou associations à caractère politique ou syndicale. Il peut, par contre, en tenue civile, assister à des réunions publiques ou privées ayant un caractère politique sous réserve qu’il ne soit pas fait état de sa qualité de militaire ». Même en tenue civile, le militaire garde toujours sa fonction de militaire et le fait d’assister à des réunions politiques sans faire état de sa qualité de militaire reste équivoque dans la mesure où il est impossible de dissocier sa fonction à ses activités. D’ailleurs cette disposition est contradictoire avec le obligation de réserve du militaire.

Section VIII : Le contrôle démocratique des Forces Armées.

Il a été établit que le fait que le président de la république soit aussi le chef suprême des Forces Armées, a, joué un rôle primordial dans la politisation des ces derniers. Ils sont devenus les marionnettes des politiciens, qu’ils soient au pouvoir ou qu’ils ambitionnent d’y accéder. L’article 56 de la Constitution de la IVème république dispose dans son alinéa premier que : « Le Président de la République est le Chef Suprême des Forces Armées dont il garantit l'unité… » Cette disposition ouvre la voie aux présidents successifs d’utiliser les Forces Armées à des fins politiques. Il faut souligner qu’avant tout le président est un politicien, et son intérêt ainsi que celui de son parti est avant tout d’être maintenu au pouvoir, et il va utiliser les Forces Armées pour que cela se fasse. Il est nécessaire alors de mettre en place un système de contrôle démocratique pour maitriser l’utilisation des Forces Armées par les autorités civiles. Ce système de contrôle démocratique doit faire l’objet d’une adoption de loi. Il doit s’opérer en deux niveaux :

122 La référence de capacité des membres des Forces Armées à distinguer un ordre légal et illégal dépend de leurs formations : les officiers doivent avoir pleine capacité à déterminer un ordre manifestement illégal compte tenu de leurs formations, par contre cette capacité de détermination est intermédiaire chez les sous- officiers et insuffisante chez les hommes de troupes à cause du manque de formation (Voir page 36). 42

1. Le contrôle de la commission de défense et de sécurité au sein du parlement

Cette commission s’assurera du contrôle de toutes les décisions relatives à la défense et à la sécurité prise par les autorités civiles concernant l’emploi des Forces A rmées. Elle en examinera les opportunités qui ont déterminés la prise de ces décisions. Il est à noter qu’il sera difficile pour cette commission de contrôler les décisions et opérations émanant des autorités militaires eux-mêmes, c’est pourquoi cette solution est à écarter. Toutefois la commission, comme on l’a évoqué précédemment, doit être membre du Haut Conseil de la Défense Nationale, donc elle prendra part à toutes les décisions et avis rendu par le Haut Conseil.

2. La nomination des hauts responsables des forces armées conditionnée par la question orale au sein de l’Assemblée Nationale

C’est un système semblable au « merit system » comme aux états unis 123 . Cela consiste en ce que les personnes prétendants aux titres de ministre de la défense ; de secrétaire général de la Gendarmerie Nationale ; de chef d’Etat Major Général de l’armée et de Commandant de la Gendarmerie Nationale proposer par le président soient d’abord interrogés par les membres de l’Assemblée Nationale. C’est l’Assemblée Nationale qui jugera de leur capacité et leur accordera les postes. C’est en quelque sorte une question de confiance et de redevabilité envers les représentants du peuple et non seulement envers le président qui les ont nommés.

123 Voir : www.mss.ca.gov/ Consulté le 22 février 2015. 43

CONCLUSION.

Il faudrait une volonté pour les Forces Armées. Une volonté de la part de tout un chacun, quel que soit son niveau dans la hiérarchie du pouvoir et du commandement des Forces Armées. Une volonté des dirigeants politiques à posséder des Forces Armées professionnelles.et qui ont du prestige ; unies ; neutres ; dépolitisées. Bref des Forces Armées que ses dirigeants sont prêts à accepter qu’elles tiennent réellement la fonction de dernier rempart pour sauvegarder la république en cas de besoin. Bien entendu, cette volonté doit se matérialiser par des actions concrètes.

Madagascar est un pays d’apprentissage de la démocratie. Il y a un long chemin à faire et des écueils à surmonter. C’est pour dire que les risques existent. Le pays peut toujours s’attendre à la survenue des crises politiques graves perturbant la vie politique, institutionnelle, sociale et économique.

Les Forces Armées ne sont pas faites pour faire de la politique. Elles ne sont qu’un instrument aux mains de l’exécutif pour concrétiser la politique de celui-ci, notamment en matière de défense nationale, d’intégrité territoriale, de souveraineté et de sauvegarde des institutions. La neutralité, le respect de la légalité républicaine, le devoir de réserve ne devront pas être de vains mots.

Madagascar a plus que jamais besoin de ses forces armées puisque le peuple souffre du niveau d’insécurité qui sévit dans le pays. Et on ne sait pas de quoi est fait l’avenir, étant donné la richesse de notre île, et les nouveaux enjeux géopolitiques mondiaux, nos Forces Armées doivent être capable de nous défendre. Madagascar a besoin que ses Forces Armées soient guéries pour affronter l’avenir.

Mais plus que tout, à l’instar de cette dépolitisation des Forces Armées malgaches, d’une dépolitisation de l’administration publique malgache, n’est il pas temps d’instaurer l’Etat de droit sans quoi rien de toutes ces tentatives n’aboutiront ?

.

44

ANNEXES :

Annexes N°1 :

CONSTITUTION DE LA QUATRIEME REPUBLIQUE DE MADAGASCAR

TITREIII DE L’ORGANISATION DE L’ETAT

SOUS-TITRE PREMIER DE L’EXECUTIF

Article 56.- Le Président de la République est le Chef Suprême des Forces Armées dont il garantit l’unité. A ce titre, il est assisté par un Haut Conseil de la Défense Nationale. Le Haut Conseil de la Défense et de la Sécurité Nationale, sous l’autorité du Président de la République, a notamment pour mission de veiller à la coordination des actions confiées aux Forces armées relatives à la défense et à la sécurité. Son organisation et ses attributions sont fixées par la loi. Le Président décide en Conseil des Ministres de l’engagement des forces et des moyens militaires pour les interventions extérieures, après avis du Haut Conseil de la Défense Nationale et du Parlement. Il arrête en Conseil des Ministres le concept de la défense nationale sous tous ses aspects militaire, économique, social, culturel, territorial et environnemental. Le Président de la République nomme les militaires appelés à représenter l’Etat auprès des organismes internationaux.

Annexes N°2 :

CONVENTION DU 31 OCTOBRE 1991.

Compte tenu de la situation exceptionnelle que traverse le pays ;

Afin d'assurer la continuité de l'État ;

Afin d'instituer un cadre légal pour la prise en compte et la réalisation des aspirations populaires au changement ;

Les parties suivantes : - Guy Willy Razanamasy, premier ministre de la République démocratique de Madagascar ; - Albert Zafy, chef du Gouvernement des Forces vives ; - Les représentants du FFKM ;

iv

- Les représentants des Forces vives ; - Les représentants du MMSM ; réunis à Antananarivo les 29, 30 et 31 octobre 1991 ;

Au nom du peuple malgache,

Conviennent :

Article premier. Il est créé une Haute Autorité pour la transition vers la Troisième République. Elle est garante du fonctionnement régulier des institutions et de la démocratie durant la période transitoire qui ne peut excéder dix-huit mois.

En conséquence, les activités des institutions suivantes sont suspendues à la date de l'adoption de la présente Convention : - le Conseil suprême de la Révolution, - l'Assemblée nationale populaire.

Les attributions de ces institutions sont exercées par la Haute Autorité, le Comité pour le redressement économique et social ou le Gouvernement dans les conditions fixées par la présente convention.

Annexes N°3 :

LOI N° 96-029 du 6 décembre 1996 Portant Statut général des Militaires Article premier. _ La présente loi porte Statut général des Militaires. Art. 2. _ Les Forces Armées sont au service de la Nation. Elle sont tenues au besoin , par la force des armes : _ d’assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire ainsi que la protection de la population dont elles tendent à développer la capacité matérielle, intellectuelle et morale de résistance, _ de préserver la vie, l’intégralité et les potentialités de la Nation.

L’état de militaire exige en toutes circonstances plus qu’aux autres agents de l’Etat, des servitudes exorbitantes du droit commun, l’assujettissement aux obligations d’obéissance, de neutralité, de réserve et d’esprit de sacrifice. Les devoirs qu’il comporte et les sujétions qu’il implique, méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation toute entière.

v

Annexes n° 4 :

Loi n°94-018 portant organisation générale de la Défense à Madagascar

Article premier.- La défense a pour objet d’assurer, en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire, la sauvegarde du patrimoine national ainsi que la protection de la population dont elle tend à développer la capacité matérielle, intellectuelle et morale de résistance.

Annexes n° 5 :

DECRET N° 84-056

portant création de l'Organisme Mixte de conception paru

au JORDM du 03 mars 1984.

Article premier . Il est institué au niveau national et à l'échelon des collectivités décentralisées un organisme mixte de conception et un état-major mixte opérationnel à tous les niveaux chargés dans le care des lois et règlements en vigueur, d'assurer la défense de la sécurité publique ainsi que l'ordre public économique et social.

Les organismes mixtes de conception et les états-majors mixtes opérationnels fonctionnent à la demande en fonction de la situation.

Ils revêtent un caractère temporaire et ponctuel.

Article 2 . les organismes mixtes de conception et les états-majors mixtes opérationnels comprennent :

1. au niveau national

1.1 Un organisme mixte de conception composé par :

- Le Président de la République Démocratique de Madagascar; - Le Premier Ministre; - La Commission de la défense du CSR;

vi

- Le Ministre de la Défense; - Le Ministre de l'Intérieur; - Le Ministre de la Justice; - Le Procureur général; - Le Chef de l'état-major général de l'Armée populaire; - Le commandant de la Zandarimariam-Pirenena; - Le directeur général de la Police Nationale.

En cas de besoin, d'autres représentants ministériels peuvent être appelés pour faire partie de cet organisme.

1.2 Un état-major mixte opérationnel composé par :

Les hauts responsables de l'Armée Populaire, de la Zandarimariam-Pirenena et de la Police Nationale.

2. A l'échelon Faritany

2.1. Un organisme mixte de conception composé par :

- Le Président du comité exécutif du Faritany; - Le Procureur de la République;*le commandant de la région militaire; - Le Commandant de la circonscription régionale de la Zandarimariam-pirenena; - Le chef de Service provincial de la Police nationale;

Le Secrétaire général du Faritany participe à la réunion de l'organisme de conception.

2.2. Un état-major mixte opérationnel :

- Les unités de l'Armée populaire; de la Zandarimariam-pirenena - Les éléments de la Police nationale.

3. A l'échelon Fivondronampokontany :

3.1. Un organisme mixte de conception composé par :

vii

- Le Président du comité exécutif du fivondronampokontany; - Le Procureur de la République ou président du tribunal de section; - Le commandant d'unité de l'Armée Populaire; - Le commandant d'unité de la Zandarimariam-pirenena; - Le commissaire chef du commissariat de police;

Le délégué du comité administratif du Fivondronampokontany participe à la réunion de l'organisme mixte.

3.2. Un état-major mixte opérationnel :

- Les unités de l'Armée populaire, de la Zandarimariam-pirenena; - Les éléments de la Police nationale;

Le Fokonolona, les membres du comité de vigilance et les quartiers mobiles apportent leur concours à l'organe d'intervention selon les modalités définies par l'état-major de conception.

Annexes N°6 :

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Ouvrages et articles :

-RABEMANORO, E., crises cycliques malgaches : mêmes cause, mêmes effets , Centre d’études diplomatiques et stratégiques, Antananarivo, 59p -RABENIRAINY (J.), Les Forces Armées et les crises politiques (1972-2002 ), Politique Africaine N° 86, 2002, pp.86-102. - RAISON-JOURDE Françoise et ROY Gérard., in « Paysans, intellectuels et populisme à Madagascar. De Monja Jaona à Ratsimandrava (1960-1975) », 2010, karthala, 490p. -RAKOTOMANGA (M.), Les Forces Armées Malgaches. Entre devoir et pouvoir , Paris, l’Harmattan, 2000. -RAKOTOMANGA (M.), Les Forces Armées Malgaches face à la crise 2002 , Paris, l’Harmattan, 2004, 200p -RAMASY (J.), Les forces Armées garantes de la stabilité politique et démocratique ?, Identity Culture and Politics, 2010, Codesria, Dakar, 41p. Documents : -- MADAGASCAR : sortir du cycle des crises, in Rapport Afrique n° 156, mars 2010, 46p. Articles : --BANGOURA (D.), « Les Armées africaines face au défi démocratique », in Géopolitique africaine, N°5. -Crise de La République Centrafricaine – Article publié le : mercredi 23 janvier 2013 par RFI - SeFaFi, 2009, « Les Pratiques politiques et les moyens d’accéder au pouvoir depuis 1972, une relecture proposée par le SeFaFi », Observatoire de la Vie Publique, SeFaFi, 17 février 2009, 6 p. -Sefafi, « De la nécessaire réforme des Forces armées », Observatoire de la vie politique, 17 septembre 2012. -SeFaFi, « Forces armées, crise politique et démocratie », Observatoire de la vie politique, 21 mai 2010. -TOUCHARD (Laurent), « Pourquoi les armées africaines sont-elles si nulles ? », in Jeune Afrique N°2709, Décembre 2012.

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Textes juridiques :

-Constitution de la Quatrième République de Madagascar du 04 mars 2011. -Loi N° 91-011 du 18 juillet 1991 relative aux situations d'exception. -Loi N°94-018 du 26 septembre 1995 portant organisation générale de la défense à Madagascar. -Loi N° 96-029 du 06 Décembre 1996 portant Statut Général des Militaires. -LOI N° 2004-039 du 8 novembre 2004 modifiant et complétant les dispositions des articles 12, 15 et 24 de la loi n°94-018 du 26 septembre 1995 portant Organisation générale de la Défense à Madagascar. -Décret N° 63-253 du 09 mai 1963 portant règlement sur le service de la Gendarmerie. Décret N°84-056 du 08 février 1984 portant création de l’Organisme Mixte de Conception. -Décret N°97-1133 du 17 Septembre 1997 portant Règlement de discipline militaire. -Code de conduite de l’Armée Malagasy du 28 juin 2011. -Code de Justice Militaire.

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Table des matières

TITRE PRELIMINAIRE : Mise en Contexte des Forces Armées à Madagascar………………………1 Section I : les missions et l’organisation des Forces Armées à Madagascar …………………………...4

Section II : le cadre juridique des Forces Armées vis-à-vis de la politique …………………………….4

Section III: la situation des Forces Armées dans la société malgache actuelle ………………………..6

TITRE I : LE PROCESSUS DE POLITISATION DES FORCES ARMEES MALGACHES………11

CHAPITRE I : LES CLIVAGES AU SEIN DES FORCES ARMEES MALGACHES DURANT LA PREMIERE REPUBLIQUE………………………………………………………………………….11

Section I : Les Forces Armées malgaches en 1960……………………..…………………………….13

Section II : Le début de la politisation par la France …………………………………………………14

Section III : L’éclosion du gouvernement Ramanantsoa………………………………………………15

Section IV: Le directoire militaire de 1975 …………………………………………………………...16

CHAPITRE II : LA POLITISATION FORMELLE DES FORCES ARMEES PAR DIDIER RATSIRAKA…………………………………………………………………………………………..17

Section I : Le détournement des missions des Forces Armées……………………………………….18

Section II : L’affaiblissement de l’institution militaire………………………………………………..19

CHAPITRE III : UNE AMORCE DE DEPOLITISATION SOUS LA PRESIDENCE DE ZAFY ALBERT……………………………………………………………………………………………….20

CHAPITRE IV : LA PARTICIPATION DES FORCES ARMEES DANS LES CRISES DE 2002 ET 2009……………………………………………………………………………………………………20

Section I : La division politique des Forces Armées en 2002……………………………………….21

Section II : Les raison de la prise de pouvoir des Forces Armées en 2009…………………………..23

TITRE II : LES OUTILS POLITIQUES ET JURIDIQUES POUR UNE EFFECTIVE DEPOLITISATION……………………………………………………………………………………24

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CHAPITRE I : LA VOLONTE POLITIQUE…………………………………………………………25

Section I : Les pistes à suivre pour la dépolitisation de l’administration publique………………….27

Section II : La nécessité d’avoir des institutions fortes………………………………………………………………………………………………..28

Section III : Une éducation citoyenne et la presse comme véritable quatrième pouvoir……………….

CHAPITRE II : LES OUTILS JURIDIQUES…………………………………………………………29

Section I : La mise en place du Haut Conseil de la Défense Nationale……………………………….29

Section II : Un Conseil Supérieur de la Fonction militaire et des Conseils de la Fonction Militaires...31

Section III : L’adoption d’un concept de défense et de sécurité nationale…………………………….36

Section IV : loi de programmation militaire………………………………………………………...…37

Section V : La restructuration des Forces Armées………………………………………….…………40

Section VI : La révision de certaines dispositions du statut général des militaires……………………41

Section VII : la révision de certaines dispositions du décret 97-1133 portant règlement de discipline générale au sein des Forces Armées……………………………………………………………………42

Section VIII : Le contrôle démocratique des Forces Armées…………..………………………………43

CONCLUSION………………………………………………………………………………………44

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