Gérard De Nerval Et Charles Nodier: Le Rêve Et La Folie
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ABSTRACT GÉRARD DE NERVAL ET CHARLES NODIER: LE RÊVE ET LA FOLIE par Laetitia Gouhier Charles Nodier et Gérard de Nerval entreprennent dans La Fée aux miettes et Aurélia une exploration du moi et de la destinée de ce moi à la recherche d’une vérité transcendante qui est la quête du bonheur à travers une femme aimée irrémédiablement perdue. Pour cela ils développent un mode d’expression en marge des modes littéraires de l’époque en ayant recours au mode fantastique. En effet, l’exploration du moi est liée à la perception surnaturaliste intervenant dans les rêves des protagonistes de ces deux contes. Il s’agit dans cette étude de voir comment l’irruption de l’irréel chez Nodier et Nerval creuse un espace dans lequel instaurer le moi et pourquoi l’irréel et le fantastique provoquent l’interrogation du « moi » en littérature jetant un doute sur sa santé mentale. GÉRARD DE NERVAL ET CHARLES NODIER : LE RÊVE ET LA FOLIE A thesis Submitted to the Faculty of Miami University In partial fulfilment of The requirements of the degree of Masters of Arts Department of French and Italian By Laetitia Gouhier Miami University Oxford, Ohio 2003 Advisor: Jonathan Strauss Reader: Elisabeth Hodges Reader: Anna Roberts TABLE DES MATIÈRES Introduction: Gérard de Nerval le poète fou et Charles Nodier le conteur mélancolique................................................................................................................1 Petite histoire de la folie...........................................................................................2 Nerval ou la folie et la mort littéraire.......................................................................4 Le fantastique dans la littérature, vers une définition.................................................10 Aurélia, un récit fantastique ?................................................................................11 Fantastique, rêve, folie et subjectivité........................................................................14 Charles Nodier, le rêveur mélancolique.....................................................................18 Nodier et La Fée aux miettes.................................................................................19 Rêve, folie et société chez Nodier..........................................................................22 Nodier, le conteur désenchanté..............................................................................25 Gérard de Nerval et le récit fantastique......................................................................32 Aurélia ou le Rêve et la Vie...................................................................................33 Aurélia : Une Odyssée Spirituelle..........................................................................34 Nerval : le rêve ou la descente aux enfers..............................................................36 Je est un autre ?......................................................................................................47 Nerval, la folie et l’invention.................................................................................51 Conclusion.................................................................................................................53 Bibliographie :............................................................................................................55 ii Introduction: Gérard de Nerval le poète fou et Charles Nodier le conteur mélancolique. En 1830, les jeunes romantiques et leurs aînés sont déçus par l’échec de la Révolution de Juillet. Ils pensent alors avoir perdu leurs illusions, et c’est ce que leurs œuvres vont refléter pendant près d’un demi-siècle. Pour échapper à une inertie littéraire qui leur semblait indigne de l’aire du temps, les jeunes romantiques témoignent d’un désir certain de passer pour fou. Mais l’extravagance littéraire dont il fallait faire preuve pour passer pour fou était difficile à atteindre. Il est en effet difficile de se faire passer pour fou car tout le monde étant fou, comment distinguer la folie affectée de la vraie folie ou folie furieuse ? Nodier et Nerval sont peut-être les seuls qui ont autant laissés percer leur désespoir dans leur écrits, atteignant ainsi au statut d’écrivain excentriques. En 1830 Nerval publie des poèmes qui révèlent sa déception politique et l’éloignement du monde réel tandis que Nodier plonge dans la mélancolie la plus noire. Ces deux auteurs étaient plus portés au rêve qu’à l’action et ils se montrent douloureusement désespérés de la réalité, et cette douleur est toujours présente dans le rêve où ils se réfugient. Il est curieux de noter qu’en 1830 Nerval se montre fort hostile au romantisme chrétien alors que Nodier écrit déjà des contes inspirés des romantiques anglais et allemands. Pourtant Nerval s’intéresse à la littérature étrangère et à la poésie allemande. Dès 1827 il traduit le Faust de Goethe et en février 1830, il publie le recueil de Poésies allemandes qu’il traduit en français. Il ne se désintéresse donc pas totalement du courant romantique et montre une ouverture littéraire plus large. En 1830 il fait la connaissance de Victor Hugo et participe même à la bataille d’Hernani. Enfin, autre signe de son attirance pour le romantisme, il abandonne le style néoclassique pour l’allure plus imagée du romantisme. De 1830 à 1835 il publie alors plusieurs « Odelettes » sous ce même titre. Les premiers écrits de Nerval et Nodier font apparaître leur principal souci : l’exploration de soi-même et de sa destiné, la recherche d’une vérité et d’un salut qui finiront par devenir leur plus grande obsession. L’esprit de déception est peut-être 1 tenu comme un des caractères du romantisme comme tentation de foi et d’espérance. Cette tentation triomphe dans la génération de Nerval, où le refus d’espérer s’affirme par une façon d’être permanente et résolue. Cette situation revêt divers degrés et varie de Nodier à Musset, à Nerval, à Gautier ou encore à Baudelaire et Flaubert. Mais leur position par rapport au romantisme reste la même. Cependant, Nodier et surtout Nerval s’enfoncent plus intimement et plus tragiquement en direction de la mort, du rêve et de la solitude. La première génération romantique était convaincue de la mission spirituelle et terrestre du poète. Mais Nerval et Nodier, malgré les générations qui les séparent, sont les seuls à avoir vraiment chanté la perception surnaturaliste du monde, la mort, la folie et le refus de se laisser emprisonner dans le temps. Ainsi Nerval et Nodier entreprenaient-ils, à travers leurs écrits et au-delà, de se faire passer pour fous. Mais ce qui distinguait Nerval des autres Jeunes-Frances excentriques, c’est qu’au lieu de faire semblant d’être fou, il le devenait vraiment. Au dix-neuvième siècle on distingue toutes sortes d’intentions vis-à vis de la folie. Chez Nodier, par exemple, elle est complètement affectée et liée au courant positiviste alors que Nerval aborde la folie sous un angle tout personnel puisqu’il la vit directement. Et s’il en parle volontiers il essaie d’en cacher l’aspect pathologique qui à l’époque est synonyme d’exclusion sociale et de mort littéraire. En effet, être véritablement fou au dix- neuvième siècle, c’est être insignifiant sur la scène littéraire à Paris. Il est de plus fort humiliant d’être considéré comme fou à cette époque. Petite histoire de la folie. Il est important de bien comprendre l’importance de la folie pour les romantiques et ce qu’elle représente, et la façon dont on considérait ceux que l’on jugeait fous au dix-neuvième siècle. Au dix-huitième siècle, l’esprit des Lumières tente de trouver un compromis entre l’horreur inspirée par le fou et l’horreur que l’enfermement inspire aux esprits éclairés. On crée ainsi des lieux réservés aux fous, non pour les punir mais pour leur donner une certaine liberté d’expression. Ils sont donc mis à l’écart car on juge leur présence gênante en société. Mais il est alors possible de les observer dans 2 ces espaces créés pour eux. On y étudie le comportement du fou qui aboutit à une véritable recherche scientifique. Le fou n’est plus considéré comme coupable, comme c’était le cas pendant les siècles précédents, mais comme malade. A ce titre on veut qu’il prenne conscience de sa maladie et il est invité à se soumettre à l’autorité du médecin qui représente la voie de la guérison. Les écrivains et philosophes du siècle accordent une attention toute particulière à ce phénomène. Voltaire consacre d’ailleurs un article à ce sujet dans son Dictionnaire philosophique : Nous appelons folie cette maladie des organes du cerveau qui empêche un homme nécessairement de penser et d’agir comme les autres. Ne pouvant gérer son bien, on l’interdit ; ne pouvant avoir des idées convenables à la société, on l’en exclut ; s’il est dangereux, on l’enferme, s’il est furieux on le lie. Ce qu’il est important d’observer, c’est que l’homme n’est point privé d’idées ; il en a comme tous les autres hommes pendant la veille, et souvent quand il dort. […] Cette réflexion peut faire soupçonner que la faculté de penser, donnée de Dieu à l’homme, est sujette au dérangement comme les autres sens. Un fou est un malade dont le cerveau pâtit, comme le goutteux est un malade qui souffre aux pieds et aux mains. […] On a la goutte au cerveau comme aux pieds.1 Voltaire problématise la folie d’un point de vue médical. Etre fou au dix-huitième siècle était synonyme d’exclusion sociale. Sa définition de la folie est très proche de l’idée qu’en auront les romantiques un siècle plus tard. Il mentionne les deux mouvements