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Mouvements et réseaux

De l'improvisation à l'organisation Contre toute attente, en moins de 2 ans, les bases d'un Etat clandestin sont jetés. Celui-ci menace l'occupant et prépare la relève politique. On ne peut prendre la mesure de l'importance de cette situation que si l'on conçoit la réalité de la débâcle. La défaite militaire est ahurissante. Une guerre-éclair que l'armée n'a pas comprise, un régime politique qui s'effondre en criant le "sauve qui peut" et une élite qui se délite. L'armistice procure un net sentiment de soulagement et le pays se réfugie dans l'attentisme, la résignation et l'inquiétude. Le changement de régime passe inaperçu sous la conjonction de la défaite et de la popularité réelle du Maréchal Pétain. Dans l'immédiat, les conditions d'armistice et la honte l'emportent. Les Français ne découvrent que plus tard la réalité du régime de Vichy. Pourtant le parlement a remis les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain le 10 juillet. La République est remplacée par l'Etat français et le devise devient Travail, Famille, Patrie. Une propagande se met en place sur fond de Révolution Nationale. Progressivement les libertés sont restreintes. Les partis politiques sont suspendus et les Juifs et Francs-Maçons sont exclus des administrations. La police reçoit des pouvoirs supplémentaires tandis que les fonctionnaires d'autorité doivent prêter serment au Chef de l'Etat français. Une Collaboration avec l'occupant s'installe après l'entrevue de Montoire le 24 octobre 1940. Le PPF, la LVF et la Milice (SOL) doublent la présence de l'occupant. Pourtant l'autorité allemande n'allège pas la dureté de l'occupation. La est découpée en plusieurs zones d'occupation et l'-Lorraine est annexée au Reich. La Marine est consignée et près de 1 300 000 soldats sont prisonniers de guerre en Allemagne. Une indemnité de 400 millions de francs doit être versée aux troupes d'occupation. Après des erreurs et des hésitations, une France nouvelle va se mettre en place dans la clandestinité. Un geste fou, certes, mais une organisation progressive et rationnelle s'impose. Celle des mouvements et des réseaux. La Résistance n'est pas un organigramme bien huilé, il fallut, tout le temps, improviser. Cependant, il existe, bel et bien une organisation qui s'appuyait sur des chefs connus et responsable et sur lesquels les résistants devaient placer leur confiance. L'originalité de la Résistance française repose sur l'existence de grands mouvements diversifiés et quasi autonome. Les Mouvements s'engagent vers la lutte politique tandis que les réseaux se spécialisent vers la lutte militaire. Mais la plupart des mouvements organisaient des actions de type militaire. La distinction entre le civil et le militaire sera d'ailleurs au cœur des conflits entre la France Libre et la Résistance intérieure.

RESISTER, UN GESTE FOU EN APPARENCE

Les motivations La Résistance est largement minoritaire à l'origine. Le général de Gaulle : "j'espérais qu'allaient me rejoindre les têtes des grandes administrations, des Eglises et des Etats-majors. Ceux qui avaient un mandat et se trouvaient à Londres, je les ai vus reprendre le bateau un à un. Et puis, j'ai vu arriver les pauvres types, les sans grades, les marins de Dunkerque et les pêcheurs de l'île de Sein, les petites gens. Finalement, j'ai pu bâtir la France libre avec eux, et quelques autres il est vrai, mais d'abord avec le peuple¹". Puis le mot de Résistance prend sens car de Gaulle lui donne sa profondeur dans le discours du 18 juin. Pourtant de Gaulle n'est qu'un modeste sous secrétaire d'Etat, nommé et envoyé à Londres par Paul Reynaud pour préparer la poursuite de la guerre. A son retour, le gouvernement Paul Reynaud n'est plus et le maréchal Pétain, nouveau président du Conseil, prend des dispositions pour la demande d'armistice. Très rapidement, le général de Gaulle revient à Londres et obtient le soutien de Churchill qui met un micro de la BBC à sa disposition. De Gaulle invite les Français à refuser la défaite. Il souligne l'importance du conflit et son caractère mondial. Il affirme que la France dispose de son empire colonial et de l'appui britannique. Cet appel peu entendu, à l'époque, est l'acte fondateur de la Résistance et constitue la première étape du gouvernement de la France libre.

Discours du Général De Gaulle

Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formés un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le . Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui. Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! Croyez moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire. Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense industrie des Etats-Unis. Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécaniques, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieur. Le destin de monde est là. Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas. Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la Radio de Londres.

Cependant le mot Résister devient lourd de sens. Il supposait désobéir, contester, contrecarrer, protester, refuser, réagir, se rebeller, se rebiffer, s'opposer. Lucie Aubrac donne la mesure du geste : "Nous sommes décidément de drôles d'individus. Ingénieurs, dessinateurs, professeurs, bourgeois ou ouvriers, nous sommes tous entrés dans de la tricherie et des mensonges, avec la plus parfaite sérénité. Nous sommes nombreux à considérer que notre action nous conduit très naturellement à inverser notre morale. Combien serons nous, une fois le guerre finie, à retrouver le respect de la légalité". Pour entrer en révolte, il fallait des motivations. Celles-ci pouvaient être multiples et différentes en fonction de chaque individu. Il n'y a pas toujours des explications rationnelles. Le fait d'entrer en résistance était lui-même ambigu comme le dit Anise Postel-Vinay : "Cette question de savoir comment on est entré en Résistance, pour nous, c'est une drôle de question parce qu'en fait, on n'entrait pas dans la Résistance. D'ailleurs le mot "résistance", tout au moins jusqu'à mon arrestation le 15 août 1942, n'existait pas. Quand on cherchait à faire quelque chose, pour nous gaullistes, on disait qu'on travaillait pour les Anglais et pour les communistes qui n'avaient pas exactement le même genre d'activités que nous, ils disait simplement qu'ils entraient en clandestinité". Certains l'ont fait par défi ou goût de l'aventure. D'autres au contraire mêlaient patriotisme, antigermanisme et antifascisme. Le patriotisme et la conviction profonde que la guerre n'est pas terminée, alimentent les motivations des premiers résistants. Ils expriment ce qu'Edmond Michelet définissait quelques jours avant le 18 juin en citant Charles Péguy : "Celui qui ne se rend pas à raison contre celui qui se rend. En temps de guerre, celui qui ne se rend pas est mon homme, quel qu'il soit, d'où qu'il vienne, et quel que soit son parti. Et celui qui se rend est mon ennemi.". Le refus de la défaite constituera le ciment de la première Résistance. "Le ciment de l'Unité française, c'est le sang des Français qui n'ont pas eux, accepté l'armistice, qui malgré Rethondes continuent à mourir pour la France, de ceux qui n'ont pas voulu connaître, suivant le vers de Corneille, la honte de mourir sans avoir combattu²". Au delà de ce refus, c'est aussi le civisme et le rejet contre les valeurs nazis. A l'origine, il a fallu beaucoup de lucidité pour lever l'hypothèse Pétain. Certains croient trouver dans le Maréchal Pétain un refuge salutaire. Progressivement, le culte du sauveur de la Patrie et l'alignement sur les thèses de l'occupant modifient les comportements. Henri Fresnay s'explique : "Au fur et à mesure que le gouvernement du Maréchal cédait aux exigences allemandes et que, dans l'ordre intérieur, il prenait des mesures d'inspiration nazie, le fossé, lentement mais régulièrement, s'est creusé entre lui et nous…³".

Un phénomène marginal La Résistance reste un phénomène marginal dans ses débuts. Il ne s'agit pas d'une organisation constituée et uniforme. Tous les premiers résistants n'ont pas entendu l'appel du 18 juin dans ses débuts. Il y a un nombre importants d'actes isolés et spontanés. Jusqu'en 1942, c'est une vaste nébuleuse coupée de la population. Il n'y pas non plus une grande unité vis à vis de l'ennemi. Contre qui se bat-on ? Vichy, les Allemands ou le nazisme. Les idéaux politiques ne sont pas tellement clairs non plus. Certains résistants tiennent le régime républicain pour responsable de la défaite. Dans l'immédiat, c'est plutôt la répression qui favorise la fuite ou le rejet, car des catégories entières de citoyens sont mis "hors la loi" par le régime de Vichy. Pour eux, la Résistance devenait une question de survie. Les communistes avaient été interdit par le gouvernement Daladier en conséquence du pacte germano-soviétique. Le gouvernement Laval ne reviendra pas sur cette décision, mais le parti communiste n'entrera officiellement en Résistance qu'après l'invasion Barbarossa. Le parti communiste deviendra une cible privilégiée du régime vichyssois après le 21 juin 1941. Avant cette date, une profonde ambiguïté règne dans les rangs du parti communiste et dans l'esprit des dirigeants de Vichy pour qui l'URSS reste l'allié de Hitler (pacte germano-soviétique). Les communistes sont paralysés. A cette époque, la clandestinité tenait lieu de résistance. Par contre les Francs-Maçons subissent les foudres du régime de Vichy. Les loges sont interdites et des mesures disciplinaires sont prises à l'encontre des membres. Il en sera de même pour les hommes politiques du Front Populaire. Les Juifs ne cesseront d'être traqués, arrêtés, déportés systématiquement par un régime férocement antisémite. Dès octobre 1940, un statut des juifs est promulgué et les persécutions vont se succéder. Le port de l'Etoile jaune, les rafles permettent des livraisons aux Allemands de familles entières par l'administration du gouvernement Pétain.

UNE RENAISSANCE POLITIQUE : LES MOUVEMENTS

Une origine dispersée A l'origine, il y a quelques initiatives individuelles. On peut citer Edmond Michelet à Brive, le général Cochet à Saint-Etienne ou encore qui avait déjà l'idée d'Armée secrète. Mais l'essentiel de l'action se résume en la diffusion de tracts et de petits journaux clandestins tel Pantagruel de Robert Deiss, l'Arc de Pierre Corréard et Valmy de Raymond Burgard. Les premiers mouvements font leur apparition. Le Mouvement de Libération Nationale de Henri Frenay, Henri Guédon, Bertie Albrecht et qui publient le Bulletin d'information et de Propagande au printemps 1941 et en Août Vérités. A , François de Menthon, René Capitant, René Courtant et Pierre -Henri Teitgen fondent Liberté de sensibilité Démocrate Chrétienne. Ils sont liés à Stanislas Fumet et le Révérend-Père Chaillouet. Un ancien membre du comité de Vigilance des intellectuels antifascistes, Paul Rivet, fonde à Paris le réseau du Musée de l'Homme. Des hommes comme Boris Vildé, Anatole Lewizky et une femme Yvette Oddon organisent des évasions vers la zone sud et publient le périodique Résistance. Ce groupe composé de Jean Paulhan, Jean Cassou et Claude Aveline, lié à un groupe d'avocats comme André Weil-Curiel et Léon-Marie Nordmann, sera décapité en février 1941. Les principaux dirigeants seront fusillés au Mont-Valérien en novembre 1942. Le groupe Ceux De La Libération est fondé par l'ingénieur Ripoche tandis que l'Organisation Civile et Militaire (OCM) se met en place avec le Colonel Heurteaux, Jacques Arthuys et Maxime Blocq-Macquart. A Vichy, l'ancien Cagoulard Georges Lousaunau-Lacan et dirigeant pétainiste de la Légion des Combattants, met en place le réseau de renseignement Croisade qui deviendra Alliance. En Dordogne, encore, c'est la création de la Confrérie Notre Dame par Louis de la Bardonnie. Un réseau qui prendra une croissance spectaculaire qui entrera en contact avec la France Libre ( Rémy) et le libraire socialiste . Ces mouvements vivent en vase clos et, mis à a part les communistes, ne subissent qu'une répression très faible. Au début, la population n'est pas du tout acquise. Elle est même hostile. Aussi, les organisations tâtonnent entre l'action militaire, la réflexion politique et la clandestinité. Progressivement mouvements et réseaux s'installent avec de grandes divergences.

Les Mouvements de zone sud En zone sud, Henri Frenay fonde le Mouvement de Libération Nationale (MLN). Ce mouvement associe la lutte politique et la lutte militaire. Ils ont l'idée d'une Armée secrète et ainsi le mouvement se structure en trois branches : un service de Propagande, de renseignement et de l'armée secrète. A l'instigation de jacques Renouvin et de De Menthon se constitue le groupe Liberté. Celui-ci recrute parmi les réfugiés espagnols et les étudiants de Montpellier. Ils organisent des attentats contre les bureaux collaborationnistes. En novembre 1941, ce groupe fusionne avec le MLN de Henri Frenay. Cette fusion donnera naissance au Mouvement de Libération Française plus connu sous le nom de Combat qui est le nom du journal, lui-même héritier de Vérités et Liberté. Le mouvement Combat est le mieux structuré en 1941. Il s'organise autour d'actions de renseignement, de coup de main, de recrutement, de constitution d'armée secrète et d'un travail de diffusion d'un journal qui tire à 80 000 exemplaires. Durant l'année 1941, Emmanuel d'Astier de la Vigerie (ancien officier de marine) prend contact avec Jean Cavaillès, Lucie et Raymond Aubrac, Georges Zéphara, Léon Jouhaux, Yves Morandat, Daniel Mayer et Félix Gouin. Avec ces personnalités issus des milieux enseignants, syndicalistes et socialistes, il fonde le mouvement Libération. C'est une structure légère et surtout un journal nettement à gauche : Libération. A partir de 1942, Claude Bourdet crée le Noyautage des Administrations Publiques (NAP). Ce mouvement se constitue autour d'une Action Ouvrière de Marcel Degliane, d'un service Sabotage-fer et d'un service Maquis de Brault-jérôme. A la fin de 1942, il dispose d'une centaine de militants dans la clandestinité complète. L'année 1942 voie également naître Franc-Tireur. Ce mouvement est issu de l'alliance entre Jean-Pierre Lévy (Lyon) et un ancien mouvement France-Liberté. A Toulouse, il y a Libérer et Fédérer crée par le socialiste italien Silvio Trentin et des personnalités comme Jules Moch, Vincent Auriol, Pierre Berteaux, Clara Malraux, mais aussi Vladimir Jankélévitch, Jean Cassou, Georges Friedman. A Saint-Étienne, c'est la revue Espoir de Jean Nocher et à les groupes Brutus, Combat et Veni animés par des hommes comme Gaston Defferre, Félix Gouin et Pierre Fourcade. Mais l'essentiel se situe à Lyon où les milieux parisiens se sont installés. Naturellement les milieux démocrates-chrétiens présents dans la ville complètent le recrutement. Des enseignants participent activement aux premières actions. Ainsi notons des personnalités comme Jean Lacroix, Joseph Hours et Pierre Stibbe. Jusqu'en 1943 sera publié un journal antivychiste : "L'insurgé". Il y a aussi des anciens militants du PSOP comme Maurice Fugère, des dissidents de la SFIO comme Marceau Pivert (ancien ultra pacifiste). Lyon est surtout la capitale de la Résistance chrétienne qui reste attachée à la République laïque. Des revues comme Temps nouveaux et Esprit et des journaux comme les cahiers du témoignage chrétien bravent la censure. Ces périodiques réfutent le nazisme, l'antisémitisme, la Révolution nationale et Vichy. Plusieurs noms peuvent être cités. Il s'agit de Stanislas Fumet, d'Emmanuel Mounier et du RP Chaillouet. On ne peut exclure des hommes issus de l'action catholique (ACJF). Tels que Albert Gortais, André Mandouze et un groupe d'étudiants et d'enseignants qui diffusent Les cahiers de notre jeunesse en 1941 et sera interdit en 1943. Ce sera le début des jeunesses chrétiennes combattantes.

Les mouvements en zone occupée La vigilance allemande modifie le contexte. La répression est plus forte du fait de la présence de l'occupant. Mais la même fièvre génère la pluralité des initiatives. Le milieu étudiant est souvent initiateur. Le groupe défense de la France est mis en place par Philippe Viannay, Robert Salmon et Daniel Jurgunsen. A l'origine, c'est un périodique qui évolue vers la mise en place de filière d'évasion et la fabrication de faux papiers. A la fin de l'année 1940, un petit groupe fondé par Georges Guedon s'organise pour diffuser le périodique Combat. A partir de 1943, sous l'impulsion de Lecompte-Boinet, d'Arrighi et Vogüe, le groupe prend le nom de CDLR (Ceux De La Résistance). En Champagne, en Normandie et en Lorraine se constituent des formations paramilitaires et des réseaux d'évasion et de renseignement. Parallèlement au CDLR, Ripoche fonde le CDLL (Ceux De La Libération). Un groupe composé à partir d'anciens militants du PSF (Parti Social Français) et d'officiers de l'armée de l'air. Il professe un strict apolitisme. Ripoche, Coquoin-Lenormand, Vedy-Méderic tombent en 1943. Le reste du groupe fusionnera au Corps Francs Vengeance sur ordre du BCRA. Le mouvement OCM (Organisation Civile et Militaire) est fondé par le Colonel Heurteaux et Jean Arthuys. C'est une organisation originale par sa composition et son action. Plusieurs milieux sont représentés : les militaires (Colonel Tourny), des anciens des Faisceaux de Georges Valoy (Arthuys), des militants intellectuels (Maxime Blocq-Mascart), des syndicalistes enseignants (Claude Boulanger), le milieu industriel (Pierre Lefaucheux, Aimé Lepercq) et même un conseiller d'Etat comme Jean Rebeyrol. Ce mouvement associe l'action militaire (renseignement, évasion, groupe francs) et la réflexion intellectuelle (Les cahiers de l'OCM) et publie des Etudes pour une renaissance française qui ne seront pas sans influence à la Libération. Quant à lui, le Mouvement Libération Nord recrute dans les cercles syndicalistes et socialistes des années 1930. Un fonctionnaire du ministère du Ravitaillement, , publie les premiers numéros de Libération. Puis s'agrègent Albert Gazier et de la CGT, Gaston Tessier de la CFTC et des socialistes comme Jean Texcier, Louis Vallon et Henri Ribière. Enfin l'équipe de rejoint le journal clandestin. Malgré la personnalité de Jean Cavaillès, les liens avec Libération-Sud sont distendus. Le rôle du parti communiste est sujet à controverse. Dès l'été 1940, Jacques Duclos et Maurice Thorez antidatent un "Appel au peuple de France" au 10 juillet 1940 (en fait 15 août) qui rejettent Vichy. Cependant si Vichy est impitoyable vis à vis des communistes, les Allemands sont sur une certaine réserve. D'ailleurs, l'Humanité affirme que le soldat allemand est un travailleur dont les intérêts de classe convergent avec l'ouvrier français. D'ailleurs les Allemands libèrent des communistes emprisonnés par Vichy. Le PCF croit pouvoir compter sur la bienveillance des Allemands. Quelques personnalités communistes dont Charles Tillon, Albert Ouzalias condamnent la ligne officielle. Mais ce n'est pas sur la pression de la base que la direction évolue, mais sur ordre de Moscou. Les inquiétudes de Staline seront à l'origine de la grande grève de mai-juin 1941. L'opération Barbarossa du 21 juin basculera le PCF dans la Résistance. Le 21 août 1941, l'Aspirant Moser est tué par Pierre George. Par cet acte, les communistes inaugurent une nouvelle forme de Résistance en s'attaquant aux hommes. Cependant la réplique allemande est redoutable, car du 22 au 23 octobre, on compte 98 fusillés et 95 en décembre 1941. Notamment l'exécution des 48 otages de Chateaubriand. Le Parti communiste démontre une remarquable capacité d'organisation. Une organisation pyramidale juxtapose (en cloisonnant) les cellules, les sections, les régions et les inter régions. Une direction triangulaire coordonne l'ensemble de l'action. Une stratégie de harcèlement est mise en place. L'idée est de constituer un second front. Ainsi s'organisent les Organisation spéciale, les MOI, et en avril 1942 les Francs Tireurs Partisans (FTPF). Cet ordre de Staline était irréaliste et se solda par un bilan désastreux. Aucun n'était en mesure d'être une menace sérieuse pour l'occupant. Les militants communistes ont payé un lourd tribut et furent sauvés par le STO. Il faudra attendre l'automne 1942 pour qu'un ordre de Moscou impose le rapprochement de la France libre. Fernand Grenier fut envoyé près de Gaulle et Henri Pourtalet vers Giraud. Dans cette logique, le Front National deviendra un outil de fédération d'un front patriotique. Ainsi des hommes comme et Mgr Chevrot en firent partie. Cependant les communistes en gardèrent le contrôle. Le Front National était constitué de deux directions, Georges Marrane pour le sud et Pierre Grunsberger dans le nord. C'est une organisation qui intègre des fronts corporatistes dénommés front des paysans, des avocats, des mineurs, des médecins, des artistes, de la police et marge l'Union des Femmes Françaises et le Front Uni de la jeunesse patriotique (FUJP). Il existe également une coordination avec la CGT.

L'ARMEE DES OMBRES : LES RESEAUX

Normalement orientés vers l'action, les réseaux apparaissent progressivement. Les confusions et les oppositions sont nombreuses. A la fin de la guerre, il y a à peu près 266 réseaux.

Les alliés Les anglais ont été les initiateurs. Dès l'été 1940, le Commandant Buckmaster fonde, pour l'Intelligence Service, le Spéciale Operations Executive (SOE). Les premiers éléments sont constitués à partir des Polonais installés en Angleterre. Puis les Français du réseau Alliance de Loustauno-Lacau, Faye et Fourcade viennent les rejoindre. La mission Savannah de mars 1941 inaugure les premières actions SOE en France. Les actions sont limitées et prennent de l'importance. L'action de parachutage s'étend à tous les réseaux. Les Américains arrivent en 1943 avec Office of Strategic Services (OSS) et parachutent près de 275 agents et soutiendront le mouvement Combat au début de 1943. A partir de janvier 1944 est fondé le Special Force Head Quarter. Les soviétiques s'implantent avec l'Orchestre Rouge.

Le Bureau Central de Renseignement et d'Action (BCRA) Il est à l'origine des réseaux français sans être le fondateur exclusif. Un service Action est mis en place pour contrôler tous les réseaux dès 1940. Au nord, le colonel Rémy installe la Confrérie Notre Dame et au sud Fourcaud contacte Loustaunau-Lacau et les socialistes marseillais. Un système de surveillance de la flotte allemande de l'Atlantique est organisé par Robert Alaterne dans le cadre du réseau Allah. Puis on passe aux atterrissages et filières d'évasion par la Suisse et l'Espagne. Parfois le BCRA et le SOE firent des actions communes. Mais des organismes spécifiques virent le jour : la Section Atterrissage Parachutage (SAP) en zone sud et le Bureau des Opérations aériennes (BOA) pour la zone nord. De même certains réseaux se divisèrent comme la Confrérie Notre Dame qui fonda les réseaux Cohors (Jean Cavaillès) et Phalanx (Christian Pineau). De plus, la plupart des Mouvements avaient leurs réseaux comme Brutus pour les socialistes, Fana pour le Front National et Turma pour le CDLR.

Les réseaux d'évasion Le plus difficile pour les agents étaient de rentrer en Angleterre. Puis, il y avait les aviateurs abattus, les résistants grillés ou les personnalités à conduire à Londres. Très vite la nécessité de filières d'évasion se fit sentir. Il fallait rejoindre la Suisse ou l'Espagne. Dans les Pyrénées s'organise le réseau Comète d'Andrée de Jonghe dès 1940. Le BCRA organise les réseaux Pernod, Cointreau, Bénédictine, Bordeaux et Bourgogne. Les Anglais s'appuient sur les réseaux Françoise, Félix, Cornwallis, Chartres, Jean-Jacque et Nevers. Quelques formations se spécialisèrent dans les filières maritimes comme Shelburn (Manche) et Pat (Languedoc).

Le renseignement Pratiquement tous les réseaux pratiquent le renseignement. Les réseaux Famille, Alliance renseignent en parallèle. Cependant le BCRA dispose de réseaux spécialisés comme CND, Phratrie, Mithridate, Marco Polo, Nestlé, Andromède, Electre et Troène. Les mouvements ont également des réseaux de renseignements comme Turma et Manipule. Le travail effectué est souvent ingrat et modeste comme les mouvements de troupe sur le mur de l'Atlantique, parfois il y a des prouesses techniques comme des branches de dérivations sur les lignes de communication allemande ou encore des sondages. La masse d'information exige une vraie organisation et un vrai cloisonnement. En 1943, Rémy reçoit 1000 messages par mois. Une centrale (Coligny) et des réseaux de transmission seront mis en place, ainsi Bouleau (Lyon), Cactus (Clermont-Ferrand) et Erable (Toulouse). Evidemment la répression allemande est féroce. En 1943, les réseaux CND, Parsifal et Marco Polo seront liquidés, de même pour Electre et Vermillon en 1944. En tout, Henri Michel, estime à 8230 agents perdus et autant de déportés.

On peut dire qu'au milieu de 1942, la Résistance n'est plus dans l'improvisation de 1940. Toutefois l'action reste limitée et on peut estimer au chiffre de 30 000, le nombre de résistants en France en 1943. A partir de 1943, la création du STO (service du travail obligatoire) contraint une partie de la jeunesse à aller travailler en Allemagne. Nombreux sont les requis qui, se soustrayant à cette réquisition, rejoindront les maquis. En règle générale, la jeunesse est embrigadée dans des formations maréchalistes (Chantiers de Jeunesse, Jeunes du Maréchal, Equipes nationales, Ecoles de cadres). Mais la jeunesse aura une grande propension à se révolter. On a pu dire que la Résistance s'est nourrie de la jeunesse. Nombre de jeunes rejoignent les rangs de la France libre en passant par l'Espagne, ou incorporent les maquis et réseaux. A Franc-Tireur plus de 71% ont moins de 40 ans.

¹ , Mémoires. ² Général de Gaulle, le 11 novembre 1942, allocution du général de Gaulle à l'Albert Hall à Londres. ³ Henri Fresnay, La nuit finira, mémoires de résistance, t. 1, 1940-1943, Robert Laffont, 1973.

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