Fichiers ressources Dossiers Mouvements et réseaux De l'improvisation à l'organisation Contre toute attente, en moins de 2 ans, les bases d'un Etat clandestin sont jetés. Celui-ci menace l'occupant et prépare la relève politique. On ne peut prendre la mesure de l'importance de cette situation que si l'on conçoit la réalité de la débâcle. La défaite militaire est ahurissante. Une guerre-éclair que l'armée n'a pas comprise, un régime politique qui s'effondre en criant le "sauve qui peut" et une élite qui se délite. L'armistice procure un net sentiment de soulagement et le pays se réfugie dans l'attentisme, la résignation et l'inquiétude. Le changement de régime passe inaperçu sous la conjonction de la défaite et de la popularité réelle du Maréchal Pétain. Dans l'immédiat, les conditions d'armistice et la honte l'emportent. Les Français ne découvrent que plus tard la réalité du régime de Vichy. Pourtant le parlement a remis les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain le 10 juillet. La République est remplacée par l'Etat français et le devise devient Travail, Famille, Patrie. Une propagande se met en place sur fond de Révolution Nationale. Progressivement les libertés sont restreintes. Les partis politiques sont suspendus et les Juifs et Francs-Maçons sont exclus des administrations. La police reçoit des pouvoirs supplémentaires tandis que les fonctionnaires d'autorité doivent prêter serment au Chef de l'Etat français. Une Collaboration avec l'occupant s'installe après l'entrevue de Montoire le 24 octobre 1940. Le PPF, la LVF et la Milice (SOL) doublent la présence de l'occupant. Pourtant l'autorité allemande n'allège pas la dureté de l'occupation. La France est découpée en plusieurs zones d'occupation et l'Alsace-Lorraine est annexée au Reich. La Marine est consignée et près de 1 300 000 soldats sont prisonniers de guerre en Allemagne. Une indemnité de 400 millions de francs doit être versée aux troupes d'occupation. Après des erreurs et des hésitations, une France nouvelle va se mettre en place dans la clandestinité. Un geste fou, certes, mais une organisation progressive et rationnelle s'impose. Celle des mouvements et des réseaux. La Résistance n'est pas un organigramme bien huilé, il fallut, tout le temps, improviser. Cependant, il existe, bel et bien une organisation qui s'appuyait sur des chefs connus et responsable et sur lesquels les résistants devaient placer leur confiance. L'originalité de la Résistance française repose sur l'existence de grands mouvements diversifiés et quasi autonome. Les Mouvements s'engagent vers la lutte politique tandis que les réseaux se spécialisent vers la lutte militaire. Mais la plupart des mouvements organisaient des actions de type militaire. La distinction entre le civil et le militaire sera d'ailleurs au cœur des conflits entre la France Libre et la Résistance intérieure. RESISTER, UN GESTE FOU EN APPARENCE Les motivations La Résistance est largement minoritaire à l'origine. Le général de Gaulle : "j'espérais qu'allaient me rejoindre les têtes des grandes administrations, des Eglises et des Etats-majors. Ceux qui avaient un mandat et se trouvaient à Londres, je les ai vus reprendre le bateau un à un. Et puis, j'ai vu arriver les pauvres types, les sans grades, les marins de Dunkerque et les pêcheurs de l'île de Sein, les petites gens. Finalement, j'ai pu bâtir la France libre avec eux, et quelques autres il est vrai, mais d'abord avec le peuple¹". Puis le mot de Résistance prend sens car de Gaulle lui donne sa profondeur dans le discours du 18 juin. Pourtant de Gaulle n'est qu'un modeste sous secrétaire d'Etat, nommé et envoyé à Londres par Paul Reynaud pour préparer la poursuite de la guerre. A son retour, le gouvernement Paul Reynaud n'est plus et le maréchal Pétain, nouveau président du Conseil, prend des dispositions pour la demande d'armistice. Très rapidement, le général de Gaulle revient à Londres et obtient le soutien de Churchill qui met un micro de la BBC à sa disposition. De Gaulle invite les Français à refuser la défaite. Il souligne l'importance du conflit et son caractère mondial. Il affirme que la France dispose de son empire colonial et de l'appui britannique. Cet appel peu entendu, à l'époque, est l'acte fondateur de la Résistance et constitue la première étape du gouvernement de la France libre. Discours du Général De Gaulle Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formés un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat. Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui. Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! Croyez moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire. Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense industrie des Etats-Unis. Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécaniques, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieur. Le destin de monde est là. Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas. Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la Radio de Londres. Cependant le mot Résister devient lourd de sens. Il supposait désobéir, contester, contrecarrer, protester, refuser, réagir, se rebeller, se rebiffer, s'opposer. Lucie Aubrac donne la mesure du geste : "Nous sommes décidément de drôles d'individus. Ingénieurs, dessinateurs, professeurs, bourgeois ou ouvriers, nous sommes tous entrés dans le monde de la tricherie et des mensonges, avec la plus parfaite sérénité. Nous sommes nombreux à considérer que notre action nous conduit très naturellement à inverser notre morale. Combien serons nous, une fois le guerre finie, à retrouver le respect de la légalité". Pour entrer en révolte, il fallait des motivations. Celles-ci pouvaient être multiples et différentes en fonction de chaque individu. Il n'y a pas toujours des explications rationnelles. Le fait d'entrer en résistance était lui-même ambigu comme le dit Anise Postel-Vinay : "Cette question de savoir comment on est entré en Résistance, pour nous, c'est une drôle de question parce qu'en fait, on n'entrait pas dans la Résistance. D'ailleurs le mot "résistance", tout au moins jusqu'à mon arrestation le 15 août 1942, n'existait pas. Quand on cherchait à faire quelque chose, pour nous gaullistes, on disait qu'on travaillait pour les Anglais et pour les communistes qui n'avaient pas exactement le même genre d'activités que nous, ils disait simplement qu'ils entraient en clandestinité". Certains l'ont fait par défi ou goût de l'aventure. D'autres au contraire mêlaient patriotisme, antigermanisme et antifascisme. Le patriotisme et la conviction profonde que la guerre n'est pas terminée, alimentent les motivations des premiers résistants. Ils expriment ce qu'Edmond Michelet définissait quelques jours avant le 18 juin en citant Charles Péguy : "Celui qui ne se rend pas à raison contre celui qui se rend. En temps de guerre, celui qui ne se rend pas est mon homme, quel qu'il soit, d'où qu'il vienne, et quel que soit son parti. Et celui qui se rend est mon ennemi.". Le refus de la défaite constituera le ciment de la première Résistance. "Le ciment de l'Unité française, c'est le sang des Français qui n'ont pas eux, accepté l'armistice, qui malgré Rethondes continuent à mourir pour la France, de ceux qui n'ont pas voulu connaître, suivant le vers de Corneille, la honte de mourir sans avoir combattu²". Au delà de ce refus, c'est aussi le civisme et le rejet contre les valeurs nazis. A l'origine, il a fallu beaucoup de lucidité pour lever l'hypothèse Pétain. Certains croient trouver dans le Maréchal Pétain un refuge salutaire. Progressivement, le culte du sauveur de la Patrie et l'alignement sur les thèses de l'occupant modifient les comportements. Henri Fresnay s'explique : "Au fur et à mesure que le gouvernement du Maréchal cédait aux exigences allemandes et que, dans l'ordre intérieur, il prenait des mesures d'inspiration nazie, le fossé, lentement mais régulièrement, s'est creusé entre lui et nous…³".
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