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Le jour avant 'avais 13 ans lors de la fameuse de nous dissocier des grandes catas- de paix si admirable de novembre, est crise des missiles cubains, crise trophes, comme si nous n'y étions pour impardonnable aussi. Comme l'est l'in- Jque je traversai en toute insou- rien, comme si ce n'était jamais de notre sensibilité ignorante de Ronald Reagan ciance et parfaite ignorance. Je n'étais faute, comme si la distance impliquait la sur la question nucléaire. «Le plus gros pas au courant. Je ne savais pas que le «déresponsabilisation». Du moment de son information est inexact», de dire monde risquait de sauter à tout moment qu'il s'agit d'eux -ennemis ou victimes- Helen Caldicott à qui le président amé- et que nous fûmes sauvé-e-s, comme et de là-bas. Pourtant, «nous ferions ricain accordait récemment une entre- par miracle, lorsque les navires sovié- erreur de croire, écrivait récemment un vue, «il a même dû demander à son aide tiques s'immobilisèrent à quelques journaliste américain, que ceux dont de camp de lui situer certains pays en kilomètres de leur but. l'idéologie diffère de la nôtre ou dont les Amérique centrale.»2 Depuis la crise de Cuba, 20 ans ont actes nous déplaisent ne s'affligent pas Pourtant, nous pardonnons à Ronald, passé. Aujourd'hui, qu'ils aient vu ou devant la mort, n'aspirent pas à la paix Youri, Pierre Elliott, Margaret, Menahem non The Day After, des enfants de 13 ou n'essaient pas de bien faire autant et les autres. Plus tard, nous retiendrons ans et moins parlent de la menace extra- que nous».' d'eux ce qui nous aura le moins dérangé- ordinaire de la bombe atomique, et de Cette déshumanisation des autres, en- e-s : le beau sourire, les beaux enfants, leur avenir- qui n'est plus ce qu'il était. tretenue par le système, ne fait que les belles paroles de John F. Kennedy Il y a quelque chose de stupéfiant, et en servir la guerre. Dans Shikasta. Doris plutôt que sa partie de roulette russe même temps de réconfortant, à les Lessing identifie aussi la destruction du avec Nikita Khrouchtchev. Notre irres- entendre évoquer si lucidement le sort monde à un manque d'empathie, à une ponsabilité va plus loin encore. Malgré qui nous attend. objectivation des autres : en se croyant le fait que Reagan soit certainement un «à part», il devient possible de faire aux personnage au pouvoir terrifiant, sa omment se fait-il que la grande autres ce qu'on ne ferait jamais à soi- façon de «négocier» reçoit l'aval de majorité des quatre milliards même. beaucoup de gens - et c'est tout aussi C d'habitant-e-s de cette planète Les femmes connaissent bien cette inquiétant. À Miami en novembre, des soient contre la guerre et que nous mentalité qui consiste à faire de ceux et étudiants manifestaient leur appui à poursuivions de plus belle ce parcours celles qui ne nous ressemblent pas, des l'invasion de la Grenade. Dans un son- suicidaire? Pourquoi acceptons-nous «Autres». C'est la base du racisme, de dage du New York Times, le 11 décem- de nous faire répondre absurdement: l'exploitation, du sexisme. Et c'est l'ins- bre, plus de 60% des Américains disaient «Si tu veux la paix, prépare la guerre.» piration de toutes les guerres, en même préférer le risque d'anéantissement L'argument est aussi fallacieux que si temps qu'une raison du recours auto- nucléaire à la domination soviétique, nous disions aux femmes: "Si vous vou- matique à la violence. Suffirait-il alors, approuvant ainsi plus ou moins les stra- lez l'égalité, achevez vos oppresseurs.» comme le suggère un auteur américain tégies de Reagan, les femmes et les Pourquoi cette fatalité de la guerre de science-fiction, que «toute personne Noir-e-s venant cependant loin derrière existe-t-elle et, surtout, comment pour- portant atteinte à une autre sente le les mâles blancs. C'est dire que, collec- rons-nous jamais en sortir? coup, l'injure, le meurtre dans son propre tivement, l'envie de «se réaliser» par la Le caractère inévitable de la guerre corps» ? En commençant par les chefs force est toujours très forte, même chez tient sans doute à une certaine schizo- d'État eux-mêmes. ceux et celles qu'on pourrait croire plus phrénie. D'abord à celle, déjà identifiée évolué-s ou sensibles. Même chez une par Machiavel, des «princes» gouver- ar la responsabilité de la guerre petite fille de ma connaissance, à qui on nants, capables d'envisager sereine- revient d'abord, bien sûr, aux expliquait que la guerre était une possi- ment l'anéantissement de millions C hommes - et aux quelques bilité à envisager, et qui rétorqua : «S'ils d'enfants et, par ailleurs, excellents femmes - qui ont le pouvoir. Les déci- viennent faire la guerre ici, j'vais les pères de famille. Et puis à notre propre sions d'envahir la Pologne en 1939 ou tuer!» Même chez ce petit gars qui schizophrénie collective, à ce dédou- la Grenade en 1983 sont tout aussi l'autre jour me souriait derrière la vitre blement qui fait que nous pouvons impardonnables. La décision de Trudeau de l'autobus : quand je lui fis un salut de rester calmement assis-e-s devant toute de permettre les essais des missiles la main, il me mit en joue et fit le geste l'information qui annonce notre con- Cruise, après ses beaux discours pro- de tirer, toujours souriant. désarmement à l'ONU, avant sa mission damnation, à cette façon bien apprise (... suite à la page 69) l'actualité, fiction, bande dessi- joies intimes et politiques ! ! ! née, chroniques régulières, Voilà qui en dit long sur la pages culturelles, etc. À notre récupération... connaissance, LVR est la S'il vous plaît, La Vie en ro- seule publication du genre se, ne parlez plus des les- faite par des femmes au Qué- biennes et tenez-vous-en à bec. Contrairement aux re- votre «actualité féministe» vues - comme la vôtre - dont puisqu'elle est moins déran- les caractéristiques principa- geante. les demeurent l'analyse, le LVR seul compte-rendu, l'essai. magazine DANIÈLE TESSIER. féministe SYLVIE DESBIENS FRANCINE MAYER d'actualité? A la lecture de votre édito- rial du numéro 14, nous avons été indignées de voir que Michigan : vous continuez à vous pro- Réponse : clamer «le seul magazine féministes chez lesbiennes et d'information féministe et au- les lesbiennes féministes tonome produit au Québec.» La revue du R.A.I.F. (Ré- seau d'action et d'informa- AVIS : La Vie en rose ne s'a- Oui, bien sûr, cet article au- tion pour les femmes), revue dresse pas à toutes ; les les- rait pu être une démonstra- d'actualité féministe, existe biennes y sont exclues, car tion de l'importance politique pourtant depuis 1973, pu- leur réalité est déformée. Pire, et culturelle du Festival du bliant régulièrement des dos- on prend un événement réa- Michigan pour nous toutes, siers spécialisés augmentés lisé grâce à l'existence et à la lesbiennes. Il est moins sûr d'analyses politiques et d'au- participation des lesbiennes que j'aurais moi-même réussi tres documents pertinents. et on le transforme en un à l'écrire ainsi. Notre revue est disponible en événement féministe taxé Mon texte illustre bien ce kiosque et sur abonnement de capitaliste! (voir l'article qui arrive lorsqu'une non- (Casier postal 5, Sillery, Qué- sur le Festival de musique de journaliste tente de remplir bec, G1T 2P7). À la différence femmes du Michigan, «Quel- une «commande» sans la mo- de La Vie en rose, qui se dit ques arpents sans neige», tivation nécessaire. En l'écri- pourtant «autonome», nous LVR novembre.) vant, je me suis bien aperçue ne recevons aucune subven- Le silence de La Vie en que j'étais peu portée à user tion, préférant nous autofi- rose sur notre réalité lesbien- de mes talents «d'interprète» nancer afin de garder une ne est chose connue, mais en tant que lesbienne fémi- entière liberté d'expression. jamais nous nous résoudrons niste. J'étais plutôt préoccu- Comment pouvez-vous être au silence complice en voy- pée par certains détails - d'une telle mauvaise foi, puis- ant l'utilisation de notre réa- moi-même, le festival, «nous» que vous parlez de votre re- lité, bafouée encore une fois - trop provisoires selon moi vue à la page 59 du même dans un but récupérateur. pour mériter publication et, numéro ? Un peu de cohé- Par récupération nous en- de plus, non représentatifs rence serait donc de mise. tendons que l'article ne tient de l'atmosphère générale du Votre obstination à vous dé- pas compte que ce festival festival. Bref, en l'absence clarer «les seules» est d'au- annuel n'aurait tout simple- d'une approche enthousi- tant plus choquante que ment pas lieu sans les les- aste et «lesbian-identified», je vous réclamez, dans votre biennes ! ! ! Si La Vie en rose n'ai pu fournir que le texte pu- éditorial, un mouvement plu- *se donne comme objectif de blié - sans la moindre ingé- raliste, souple, ouvert. Auriez- définir et d'analyser la réalité rence de la part de LVR, soit vous oublié la solidarité? des femmes (syndiquées, dit en passant. LORI SAINT-MARTIN, mères, prisonnières, etc.) L'allusion au capitalisme pour le R.A.I.F. pourquoi alors évacuer celle était une façon de dire ma des lesbiennes? préoccupation quant à la N.D.L.R. Il est clair que cette revue constante ambiguïté qui rè- est visiblement soutenue par gne dans nos rapports entre l'idée utopique qu'il est pos- lesbiennes ainsi que dans la Nous sommes évidemment sible de plaire à tout le monde société nord-américaine en conscientes -et heureuses- en taisant, bien sûr, ce qui dé- général.