Die Môwe / La Mouette DU 22 AU 26
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Die Môwe / La mouette DU 22 AU 26 FÉVRIER 2 0 0 2 ODeON THEATRE DE L'EUROPE "M * ! * % [en allemand, surtitréI [ Die Mowe / La mouette d'Anton Tchékhov Irina Nicolaevna Arkadina, actrice Jutta Lampe mise en scène Luc Bondy Constantin Gavrilovitch Tréplev, son fils August Diehl texte allemand lima Rakusa Piotr Nicolaévitch Sorine, son frère Martin Schwab Boris Alexéevitch Trigorine, écrivain Gert Voss scénographie Gilles Aillaud Nina Mikhaïlovna Zaretchnaïa, une jeune fille Johanna Wokalek costumes Marianne Glittenberg Evguéni Serguéevitch Dorn, médecin Ignaz Kirchner musique Gerd Bessler Sémion Sémionovitch Medvédenko, instituteur Philipp Brammer lumières Alexander Koppelmann Ilia Afanassiévitch Chamraev, gérant chez Sorine Urs Hefti création des maquillages Cornelia Wentzel Paulina Andréevna, sa femme Gertraud Jesserer mouettes Kuno Schlegelmilch Mâcha, leur fille Maria Hengge adaptation et dramaturgie Stephan M Ci lier Jacob, homme de peine Benjamin Çabuk conseillère chorégraphique Blanka Modra Une femme de chambre Alena Baich collaboration à la mise en scène Geoffrey Layton Un cuisinier Hans Kloser collaboration à la scénographie Claudia Jenatsch assistants à la mise en scène Philip Jenkins, Rosy Fels assistante à la scénographie Sascha Regina Reichstein assistante aux costumes Do ri s Maria Aigner souffleuse Isabella Priewalder surtitrage Dietrich Sagert (d'après la traduction française de La mouette d'André Markowicz) La Mouette dans la traduction d'André Markowicz (Editions Actes sud - Babel) est en vente à la librairie du Théâtre. et les équipes techniques du Burgtheater Akademietheater de Vienne et de l'Odéon-Théâtre de l'Europe. représentations : Odéon-Théâtre de l'Europe, production : Burgtheater (Vienne), I Grande Salle, du 22 au 26 février 2002. Wiener Festwochen. réalisation : Odéon-Théâtre de l'Europe, avec le concours du Département des Affaires Internationales Durée du spectacle : 3h20, avec un entracte. (Ministère de la Culture et de la Communication), avec le soutien de Pierre Bergé et l'aide de ERSTE Bank. Le bar de l'Odéon et la librairie vous accueillent avant le spectacle et pendant l'entracte. Spectacle créé le 14 mai 2000 à l'Akademietheater (Burgtheater) de Vienne. Les hôtesses sont habillées par Jean-Michel Angays. Entre mélancolie et ironie : et j'ai toujours parlé atrocement... Je Le dernier acte le montre dans le piège voulais me marier — et je ne me suis pas d'une double solitude : doutant maladi- le charme sage de Tchékhov marié. Je voulais habiter en ville — et je vement de sa mission artistique et défi- termine ma vie à la campagne, voilà." Au nitivement repoussé par Nina. Il joue La Mouette de Tchékhov commence par d'une comédie humaine, comme labora- jugement résigné s'opposent une soif de mélancoliquement du piano, déchire ses la question de l'instituteur Medvédenko à toire des erreurs et des égarements vivre et l'insistance entêtée sur le manuscrits et finit par se tuer. Un Macha : " Pourquoi portez-vous toujours humains. vocable chéri " voilà ", comme s'il s'agis- "homme superflu" ? le noir ? " et par la réponse de Macha : Personne n'est bien dans sa peau. sait de conférer à sa propre incapacité Si tel est le cas, il ne serait pas le seul. "Je suis en deuil de ma vie. Je suis mal- Sorine s'ennuie de la ville, le médecin une allure martiale. Cela produit un effet Mais il est assurément le seul à souffrir heureuse." La pièce se termine par cette Dorn vit sur le souvenir de ses aventures forcément comique, voire ridicule — de façon si aiguë de son inefficacité et de phrase : "Constantin Gavrilovitch s'est et de ses voyages passés, l'ex-étudiant comme d'ailleurs d'autres manies sté- sa foi défaillante. Ayant grandi sans père tué". Kostia éprouve dans le vide de la cam- réotypées : Macha et ses prises de tabac, et sans lien social, il ne résiste pas à la La sombre parenthèse englobe du tra- pagne son médiocre talent d'écrivain, le fredonnement de Dorn, les éternels pression de son isolement et de ce qu'il gique et de la farce, des choses dépri- comme s'il se prescrivait un exil inté- discours de Medvédenko sur l'argent. exige de lui-même, et finit par "imploser". mantes et de l'absurde : une relation rieur, Macha se meurt d'ennui, Arkadina Dans le brouillard des contradictions, C'est tragique, sans que la pièce tourne fatale mère-fils, des opportunités a toujours un pied ailleurs, Trigorine, chacun se cherche une contenance — et pourtant à la tragédie. Tréplev n'est pas ratées, des illusions artistiques, des possédé par l'écriture, se prive de goûter il n'est pas rare qu'on se raccroche à des Hamlet (même s'il cite Shakespeare) : il déceptions amoureuses, des malenten- le présent — sauf quand il pêche à la broutilles : les jolies toilettes ou la bou- lui manque pour cela de se frotter au dus en quantité et l'air vicié d'une exis- ligne — et Nina, qui est la seule à idolâ- teille de vodka, la pêche à la ligne ou les monde extérieur, à un adversaire réel. tence provinciale qui dépérit dans trer ce coin de terre, n'y trouve aucun anecdotes. Seul Tréplev n'est pas très Le déplacement des conflits sur la scène l'inertie. repos : le destin l'en chasse. heureux dans son choix : en idéaliste, il des rapports entre les êtres et du psy- Dans le décor idyllique d'un domaine au Ainsi les héros de Tchékhov sont-ils des mise sur l'art et sur l'amour et passe ce chisme profond (si joliment qualifiée par bord d'un lac, l'enfer règne — sans faire êtres sentimentaux " transitoires " : leur faisant à côté de lui-même. Botho Strauss de "micro-monde vivant de bruit, il est vrai. L'administrateur résidence hésite entre ville et campagne, tyrannise le propriétaire vieillissant et entre désir et réalité. Dans l'entre-deux, malade ; sa sœur — l'actrice Arkadina — la nostalgie s'agite ou la mélancolie opprime son propre fils ; Macha, la fille brandit son aiguillon ironique. de l'administrateur, harcèle l'instituteur Bien des choses aboutissent à des para- mal aimé ; Nina — réprouvée par son doxes : l'écrivain renommé se révèle père et sa belle-mère — se réfugie dans humainement débile ; l'actrice qui sait sa les bras de l'écrivain Trigorine, qui valeur traverse une crise, figure l'abandonnera. Les personnages agis- pitoyable oblige ; la jeunesse propage de sent sous l'effet d'une combinaison nouvelles formes artistiques, sans viser d'amour-propre et de frustration : a bad un objectif ; ou elle poursuit, comme mix. Et l'inertie de la vie campagnarde y Nina, un objectif qu'elle habille d'une met du sien. Sous la cloche de verre mystique de la souffrance. Des ambiva- d'une uniformité mélancolique, les rêves lences où qu'on regarde, commentées les plus insensés pullulent autant que le avec auto-ironie par certains des per- cauchemar réel. La retraite provinciale sonnages. Sorine résume sa vie ratée se transforme en piège. sous le titre " L'homme qui a voulu " : Ici, les conflits s'accumulent, ils se "Quand j'étais jeune, je voulais devenir vident — malgré les tentatives de fuite. écrivain - et je n'en suis pas devenu un. La maison de campagne comme théâtre Je voulais parler avec des mots choisis - du cœur"), non moins que l'art et la plein de finesse psychologique et de poé- absurdes, à une sorte de "gracieuse" ce moment-là, se met à ronfler, avant manière avec lesquels les personnages sie du langage. Mais sans moralisme apesanteur. Ce monde ne pèse jamais de nier aussitôt la dégradante évidence sortent habilement de leur rôle, produi- didactique. sur le spectateur (ou le lecteur), il ne d'un "Mais pas du tout !", la scène est sent ce mélange de sérieux et de comique Cars'ilya quelque chose qui n'existe pas provoque jamais cette défaillance de la comique — et triste tout à la fois. La qui est si caractéristique du théâtre de chez Tchékhov, c'est la peinture én noir volonté qui caractérise maintes figures collision d'affects et d'incidents dis- Tchékhov. Old movies, aimerait-on dire, et et blanc. Tout ce qui s'apparente à la gra- tchékhoviennes. Il émane de lui, même tincts et même opposés dévoile la pré- beaucoup de médiocrité. La plupart des vure sur bois et donc à la simplification là où s'inscrivent la perte et l'adieu, une carité de la communication entre les héros tchékhoviens se révèlent simple- lui est suspect. Plutôt que de livrer des sérénité mélancolique. Ce n'est que êtres. Et relativise la possibilité des ment inaptes à la tragédie. réponses, il s'en tient aux questions et à rarement qu'il s'élève jusqu'à ce que relations. Nous approuvons de la tête Ce n'est pas que Tchékhov ait de la sym- ces nuances fines qui viennent fortuite- Novalis a nommé " l'humour retentis- en souriant. Rarement les choses nous pathie pour la médiocrité, mais les ment s'additionner à la couleur indéter- sant du désespoir ". Le comique ont été données à entendre avec autant extrêmes dans le genre de Dostoïevski lui minée de la mélancolie, mais qui brillent comme envers de l'ennui, l'ironie de clarté que dans le laboratoire litté- sont inconnus — aussi bien pour ce qui la plupart du temps d'une lueur ambiguë. comme compensation du désespoir. raire de Tchékhov. Et quand bien même touche à ses personnages qu'à sa propre Un jeu, un équilibre où rien ne se produit D'ailleurs, les oppositions sont rela- cette connaissance fait mal, elle a vision du monde et à son esthétique. sans distance. Sans le sourire entendu de tives : une question de nuances. Au quelque chose qui libère : elle trans- Tchékhov est un maître des atmosphères l'ami discret du genre humain.