Die Môwe / La mouette

DU 22 AU 26 FÉVRIER 2 0 0 2

ODeON THEATRE DE L'EUROPE

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La mouette

d'Anton Tchékhov Irina Nicolaevna Arkadina, actrice mise en scène Constantin Gavrilovitch Tréplev, son fils August Diehl texte allemand lima Rakusa Piotr Nicolaévitch Sorine, son frère Martin Schwab Boris Alexéevitch Trigorine, écrivain scénographie Gilles Aillaud Nina Mikhaïlovna Zaretchnaïa, une jeune fille Johanna Wokalek costumes Marianne Glittenberg Evguéni Serguéevitch Dorn, médecin musique Gerd Bessler Sémion Sémionovitch Medvédenko, instituteur Philipp Brammer lumières Alexander Koppelmann Ilia Afanassiévitch Chamraev, gérant chez Sorine Urs Hefti création des maquillages Cornelia Wentzel Paulina Andréevna, sa femme Gertraud Jesserer mouettes Kuno Schlegelmilch Mâcha, leur fille Maria Hengge adaptation et dramaturgie Stephan M Ci lier Jacob, homme de peine Benjamin Çabuk conseillère chorégraphique Blanka Modra Une femme de chambre Alena Baich collaboration à la mise en scène Geoffrey Layton Un cuisinier Hans Kloser collaboration à la scénographie Claudia Jenatsch

assistants à la mise en scène Philip Jenkins, Rosy Fels assistante à la scénographie Sascha Regina Reichstein assistante aux costumes Do ri s Maria Aigner souffleuse Isabella Priewalder surtitrage Dietrich Sagert (d'après la traduction française de La mouette d'André Markowicz) La Mouette dans la traduction d'André Markowicz (Editions Actes sud - Babel) est en vente à la librairie du Théâtre. et les équipes techniques du Akademietheater de Vienne et de l'Odéon-Théâtre de l'Europe. représentations : Odéon-Théâtre de l'Europe, production : Burgtheater (Vienne), I Grande Salle, du 22 au 26 février 2002. Wiener Festwochen. réalisation : Odéon-Théâtre de l'Europe, avec le concours du Département des Affaires Internationales Durée du spectacle : 3h20, avec un entracte. (Ministère de la Culture et de la Communication), avec le soutien de Pierre Bergé et l'aide de ERSTE Bank. Le bar de l'Odéon et la librairie vous accueillent avant le spectacle et pendant l'entracte. Spectacle créé le 14 mai 2000 à l'Akademietheater (Burgtheater) de Vienne. Les hôtesses sont habillées par Jean-Michel Angays. Entre mélancolie et ironie : et j'ai toujours parlé atrocement... Je Le dernier acte le montre dans le piège voulais me marier — et je ne me suis pas d'une double solitude : doutant maladi- le charme sage de Tchékhov marié. Je voulais habiter en ville — et je vement de sa mission artistique et défi- termine ma vie à la campagne, voilà." Au nitivement repoussé par Nina. Il joue La Mouette de Tchékhov commence par d'une comédie humaine, comme labora- jugement résigné s'opposent une soif de mélancoliquement du piano, déchire ses la question de l'instituteur Medvédenko à toire des erreurs et des égarements vivre et l'insistance entêtée sur le manuscrits et finit par se tuer. Un Macha : " Pourquoi portez-vous toujours humains. vocable chéri " voilà ", comme s'il s'agis- "homme superflu" ? le noir ? " et par la réponse de Macha : Personne n'est bien dans sa peau. sait de conférer à sa propre incapacité Si tel est le cas, il ne serait pas le seul. "Je suis en deuil de ma vie. Je suis mal- Sorine s'ennuie de la ville, le médecin une allure martiale. Cela produit un effet Mais il est assurément le seul à souffrir heureuse." La pièce se termine par cette Dorn vit sur le souvenir de ses aventures forcément comique, voire ridicule — de façon si aiguë de son inefficacité et de phrase : "Constantin Gavrilovitch s'est et de ses voyages passés, l'ex-étudiant comme d'ailleurs d'autres manies sté- sa foi défaillante. Ayant grandi sans père tué". Kostia éprouve dans le vide de la cam- réotypées : Macha et ses prises de tabac, et sans lien social, il ne résiste pas à la La sombre parenthèse englobe du tra- pagne son médiocre talent d'écrivain, le fredonnement de Dorn, les éternels pression de son isolement et de ce qu'il gique et de la farce, des choses dépri- comme s'il se prescrivait un exil inté- discours de Medvédenko sur l'argent. exige de lui-même, et finit par "imploser". mantes et de l'absurde : une relation rieur, Macha se meurt d'ennui, Arkadina Dans le brouillard des contradictions, C'est tragique, sans que la pièce tourne fatale mère-fils, des opportunités a toujours un pied ailleurs, Trigorine, chacun se cherche une contenance — et pourtant à la tragédie. Tréplev n'est pas ratées, des illusions artistiques, des possédé par l'écriture, se prive de goûter il n'est pas rare qu'on se raccroche à des Hamlet (même s'il cite Shakespeare) : il déceptions amoureuses, des malenten- le présent — sauf quand il pêche à la broutilles : les jolies toilettes ou la bou- lui manque pour cela de se frotter au dus en quantité et l'air vicié d'une exis- ligne — et Nina, qui est la seule à idolâ- teille de vodka, la pêche à la ligne ou les monde extérieur, à un adversaire réel. tence provinciale qui dépérit dans trer ce coin de terre, n'y trouve aucun anecdotes. Seul Tréplev n'est pas très Le déplacement des conflits sur la scène l'inertie. repos : le destin l'en chasse. heureux dans son choix : en idéaliste, il des rapports entre les êtres et du psy- Dans le décor idyllique d'un domaine au Ainsi les héros de Tchékhov sont-ils des mise sur l'art et sur l'amour et passe ce chisme profond (si joliment qualifiée par bord d'un lac, l'enfer règne — sans faire êtres sentimentaux " transitoires " : leur faisant à côté de lui-même. de "micro-monde vivant de bruit, il est vrai. L'administrateur résidence hésite entre ville et campagne, tyrannise le propriétaire vieillissant et entre désir et réalité. Dans l'entre-deux, malade ; sa sœur — l'actrice Arkadina — la nostalgie s'agite ou la mélancolie opprime son propre fils ; Macha, la fille brandit son aiguillon ironique. de l'administrateur, harcèle l'instituteur Bien des choses aboutissent à des para- mal aimé ; Nina — réprouvée par son doxes : l'écrivain renommé se révèle père et sa belle-mère — se réfugie dans humainement débile ; l'actrice qui sait sa les bras de l'écrivain Trigorine, qui valeur traverse une crise, figure l'abandonnera. Les personnages agis- pitoyable oblige ; la jeunesse propage de sent sous l'effet d'une combinaison nouvelles formes artistiques, sans viser d'amour-propre et de frustration : a bad un objectif ; ou elle poursuit, comme mix. Et l'inertie de la vie campagnarde y Nina, un objectif qu'elle habille d'une met du sien. Sous la cloche de verre mystique de la souffrance. Des ambiva- d'une uniformité mélancolique, les rêves lences où qu'on regarde, commentées les plus insensés pullulent autant que le avec auto-ironie par certains des per- cauchemar réel. La retraite provinciale sonnages. Sorine résume sa vie ratée se transforme en piège. sous le titre " L'homme qui a voulu " : Ici, les conflits s'accumulent, ils se "Quand j'étais jeune, je voulais devenir vident — malgré les tentatives de fuite. écrivain - et je n'en suis pas devenu un. La maison de campagne comme théâtre Je voulais parler avec des mots choisis - du cœur"), non moins que l'art et la plein de finesse psychologique et de poé- absurdes, à une sorte de "gracieuse" ce moment-là, se met à ronfler, avant manière avec lesquels les personnages sie du langage. Mais sans moralisme apesanteur. Ce monde ne pèse jamais de nier aussitôt la dégradante évidence sortent habilement de leur rôle, produi- didactique. sur le spectateur (ou le lecteur), il ne d'un "Mais pas du tout !", la scène est sent ce mélange de sérieux et de comique Cars'ilya quelque chose qui n'existe pas provoque jamais cette défaillance de la comique — et triste tout à la fois. La qui est si caractéristique du théâtre de chez Tchékhov, c'est la peinture én noir volonté qui caractérise maintes figures collision d'affects et d'incidents dis- Tchékhov. Old movies, aimerait-on dire, et et blanc. Tout ce qui s'apparente à la gra- tchékhoviennes. Il émane de lui, même tincts et même opposés dévoile la pré- beaucoup de médiocrité. La plupart des vure sur bois et donc à la simplification là où s'inscrivent la perte et l'adieu, une carité de la communication entre les héros tchékhoviens se révèlent simple- lui est suspect. Plutôt que de livrer des sérénité mélancolique. Ce n'est que êtres. Et relativise la possibilité des ment inaptes à la tragédie. réponses, il s'en tient aux questions et à rarement qu'il s'élève jusqu'à ce que relations. Nous approuvons de la tête Ce n'est pas que Tchékhov ait de la sym- ces nuances fines qui viennent fortuite- Novalis a nommé " l'humour retentis- en souriant. Rarement les choses nous pathie pour la médiocrité, mais les ment s'additionner à la couleur indéter- sant du désespoir ". Le comique ont été données à entendre avec autant extrêmes dans le genre de Dostoïevski lui minée de la mélancolie, mais qui brillent comme envers de l'ennui, l'ironie de clarté que dans le laboratoire litté- sont inconnus — aussi bien pour ce qui la plupart du temps d'une lueur ambiguë. comme compensation du désespoir. raire de Tchékhov. Et quand bien même touche à ses personnages qu'à sa propre Un jeu, un équilibre où rien ne se produit D'ailleurs, les oppositions sont rela- cette connaissance fait mal, elle a vision du monde et à son esthétique. sans distance. Sans le sourire entendu de tives : une question de nuances. Au quelque chose qui libère : elle trans- Tchékhov est un maître des atmosphères l'ami discret du genre humain. deuxième acte de La Mouette, quand cende la résignation. tempérées, des rapports flottants, des La po-éthique tchékhovienne de l'objecti- Macha, qui s'est éprise d'un amour Pourtant, rien n'est dit des solutions, et sous-entendus laconiques. Au pathos, il vité combine comme naturellement malheureux pour Tréplev, propose à encore moins d'une rédemption. Au préfère toujours une impassibilité ironi- observation, empathie et ironie : " Dans Nina de lire un passage de sa pièce, lieu de rédemption, il y a chez Tchékhov quement brisée. Dans La Mouette, on nos œuvres, il manque l'alcool qui enivre que malgré le refus de Nina ("C'est le rêve qui flamboie et les silences élo- peut supposer qu'il se dissimule de pré- et subjugue... Nous décrivons la vie sans intérêt"), elle s'enthousiasme quents. Chacun les remplit à sa façon. férence derrière le personnage du méde- comme elle est, et à part ça rien du tout... pour la voix de Tréplev, "belle, triste" — lima Rakusa cin Dorn — un stoïque et un flâneur, qui, Ce qui a l'air naturaliste consiste à "un vrai poète" —, et que Sorine, juste à (traduit de l'allemand par Jean Torrent) malgré quelques glissements cyniques, exposer des situations — des scènes sait faire preuve de sentiment quand il le quotidiennes simples et complexes et faut. des relations entre les êtres —, et cela Tchékhov tient en suspicion l'hystérie, le sans commentaire ni pose. De la même bavardage sur les soi-disant questions façon, Tchékhov conseille à l'acteur : " La éternelles, la vantardise, l'idéologie. Les souffrance, il faut la représenter comme choses importantes ne se produisent elle s'exprime dans la vie, c'est-à-dire qu'incidemment et ne se disent souvent pas avec les mains et les pieds, mais par qu'en passant : la tentative de suicide de l'intonation, le regard ; pas en gesticulant Tréplev et — à la fin de la pièce — son férocement, mais avec grâce. " suicide réussi (comme une sorte d'anti- Grâce signifie ici vraisemblance. Et la climax], ou la relation amoureuse entre réunion de ces deux concepts dans l'es- Nina et Trigorine. Ainsi évite-t-on, dans le prit de Tchékhov constitue une part du déroulement fragmenté, imprécis de charme sage de l'auteur. l'action, le drame pur, les paroxysmes et Que le monde de Tchékhov n'ait pas du même une catharsis ; ce sont les notes tout cette " uniformité grise " que lui légères qui dominent, les répliques reprochait la poétesse Anna Akhmatova, obliques, les idiosyncrasies et les impon- est la conséquence d'une manière de dérables. Cela produit — considéré glo- représenter qui atteint, par allusion et balement — un subtil réseau de sens, suspens, par musicalité et éléments Notes sur La Mouette

... Y travailler, y réfléchir jusque dans les demande aussitôt : "Où est Boris ?" La rêves, sinon ça n'a pas de valeur... Mouette connaît la réponse : "Au bord du lac, il pêche." Arkadina la regarde alors ... Une pièce dont les connexions n'appa- avec étonnement, piquée... et continue à raissent pas au premier plan : mais tout lire Maupassant, auquel elle ne trouve est structurellement si précis... donc plus entre-temps aucun intérêt, elle est trouver la trace, le long des nerfs. inquiète... "Oui, qu'est-ce qui arrive à Kostia ?" Ça aussi, elle peut le demander Au premier acte, Nina (la Mouette) a déjà à Nina, pour lui signifier : " Il serait fait la connaissance de Trigorine, l'amant mieux que vous ne vous occupiez pas de d'Arkadina, et elle a échangé deux mon fils... ni de mon amant... il pêche phrases avec lui, il s'est montré très inti- très bien sans vous..."... Ensuite, elle me en lui disant : " J'aime beaucoup la jette son livre, ça devient orageux... pêche à la ligne... " Arkadina, la grande actrice, interrompt alors l'échange de Macha a une jambe tout engourdie... propos et met Nina en garde : " Vous ne "L'heure du déjeuner." Et Arkadina de devez pas lui parler ainsi... ça l'embar- frapper fort encore une fois : rasse. "... Maintenant elle est assise sur "Ennuyeuse, cette vie à la campagne... la terrasse, elle prend le soleil... non, elle rien contre vous, mais être dans sa doit s'agiter, danser, faire du sport pour chambre d'hôtel à étudier un rôle, ce combattre une inquiétude croissante... serait tout de même mieux !" A quoi Elle réclame de Dorn, le médecin, qu'il Nina, comme Eve, l'admiratrice de Bette lui confirme qu'elle (Arkadina) a l'air Davis dans AU about Eve, répond : "Oui, beaucoup plus jeune que Macha, la tris- merveilleux...", et tandis que tout le te jeune fille de quarante-deux ans monde se dirige nonchalamment vers la déçue par la vie et par l'amour... salle à manger, voici que le gérant vient Pourquoi Arkadina est-elle si préoccu- interdire aux propriétaires d'utiliser les pée par sa juvénilité et par la mort ?... chevaux pour leur sortie en ville... Arkadina : " Je ne pense pas à la mort. " Gigantesque "barouf à Chioggia" au Ensuite apparaît son frère malade, domaine... le gérant veut démissionner, accompagné du menaçant fauteuil rou- Arkadina veut s'en aller... (les raisons, lant que l'importun instituteur pousse elles flottent dans l'air érotique de devant lui, et de Nina, vêtue de clair... Le l'après-midi... qui vibre entre Trigorine et frère dit : "N'est-elle pas jolie ?" et sa Nina...) sœur répond : "Oui, et intelligente aussi", ce qui signifie également :"et pas Au début, Macha a un cœur, un cœur tombée de la dernière pluie" pour se blessé, mais petit à petit, il se pétrifie... faire aussi jolie... Car la vive dame au troisième acte, elle lui prépare son tombeau. Au quatrième acte, cette Tchékhov ne voulait pas spécialement d'autre... Si ça marche... il en résulte toujours et encore expérimentales... pierre saigne encore. mettre Trigorine en boîte... Trigorine un ensemble. Je dis aux acteurs : des On ne met pas en scène Tchékhov... Important, le dialogue de Macha et est "bien tempéré"... et il incline, pour êtres qui se connaissent depuis des d'une façon ou d'une autre, on fait se Trigorine au troisième acte : elle le met parler comme Schnitzler, au "laxisme années, comme dans les grandes rencontrer (et se côtoyer) des êtres, on en garde. "J'épouse... Medvédenko !" de cœur". familles, et chacun croit savoir plus ou n'arrête pas de raconter que les Trigorine, surpris : "L'instituteur !"... moins ce qui va venir de l'autre, dans choses psychiques sont insaisissables. Elle : "Oui... " Trigorine : "Comment L'enthousiasme déçu de Nina ; elle a un cercle de ce genre le courant est Ne rien décrire... circonscrire, quand cela est-il possible ?..." (on n'épouse toujours été en balance — depuis tou- encore très actif... les explosions sur- quelque chose s'est passé, dans l'es- tout de même pas quelqu'un qu'on jours, elle a ressenti la fébrilité de son viennent ici entre des êtres qui ont poir qu'une petite chose puisse se n'aime pas !) Au quatrième acte, quand existence. Quant à savoir si elle a ou longtemps vécu ensemble, qui ne ces- retrouver lors de la prochaine répéti- il revient au domaine et salue Macha, il non le talent d'une actrice — puisque sent d'attendre les uns des autres tion... etc. Pour moi, le plus important lui demande : "Vous êtes mariée ?..." cette question revient toujours sur le quelque chose de nouveau et qui dans cette pièce, c'est : rester dedans, Elle répond : "Oui... lui", et Trigorine, se tapis —, je me suis dit qu'elle ressent s'emportent parce que tout reste pendant trois mois... tout le temps détournant d'elle : "Heureuse ?" Pour trop pour être vraiment une bonne pareil... ou : que tout s'épuise... Je dis dedans, "parmi les musiciens" ! finir, elle est une méchante femme, qui artiste, oui, elle déborde constamment aux acteurs : ne jouez donc pas travaille durement à oublier son véri- d'émotion, et je crois que ça n'est pas comme si vous saviez tout les uns des Luc Bondy table amour... bon pour les artistes... c'est sans doute autres... les vieilles relations sont (traduit de l'allemand par Jean Torrent) pour cette raison que Tchékhov disait Sorine, le sablier de la pièce... on le voit vouloir rester "froid" en écrivant... s'étioler. Les nostalgiques s'effondrent. Les Tréplev : à la fin, plus d'enthousiasme, autres, ceux qui sont déjà à terre, ne il devient sénile (c'est aussi ce qu'un sont pas surpris. critique a récemment écrit à mon pro- Les optimistes : toujours déçus... pos). Mais n'était-il pas brisé depuis Les pessimistes : parfois agréablement toujours... au début avec plus de fana- surpris... tisme tout de même. Personnages de Tchékhov. Difficiles, Arkadina reste jeune, rajeunit de plus parce qu'ils sont authentiques, peu en plus : ça entraîne la méchanceté. artificiels. L'auteur, un médecin, tou- chait les âmes de ses mains. Anatomie Trigorine : il est membre du Pen-Club... de l'âme. Pourtant, quand il parle de son métier, longuement, pendant cet après-midi Arkadina : nous la rencontrons sou- d'été tardif... il est " lui-même ", et son vent... elle existe dans chaque théâtre, discours ne doit pas être un truc pour de Gottingen à Berlin, de Paris à séduire la jeune fille... Autrement dit : Marseille, de l'Utah à Manhattan. la jeune fille est ensorcelée par ce long Difficile pour une comédienne de jouer- discours (et la beauté de sa voix y est sa profession tout en ne se jouant pas peut-être aussi pour quelque chose)... uniquement elle-même... ils tombent amoureux l'un de l'autre... "sans du tout s'en apercevoir", comme Faire la bonne distribution. Et avec les écrit Horvéth... Je suis sûr que êtres qu'on a devant soi, raconter, rien Eh bien, j'ai terminé ma pièce. Je l'ai commencée forte et achevée pianissimo — contre toutes les Mouette règles de l'art dramatique. Ça s'est transformé en nouvelle. Je suis plutôt mécontent que content, et quand je lis ma nouvelle pièce, j'en arrive une fois Merci pour votre lettre, vos phrases chaleu- de plus à la conviction que je ne suis pas un auteur reuses et votre invitation. Je viendrai, mais pro- dramatique. Les actes sont très courts, il y en a bablement pas avant la fin novembre, parce que quatre. Bien qu'il s'agisse seulement du squelette j'ai bougrement à faire. En premier lieu, je vais d'une pièce, un plan qui sera encore modifié un construire au printemps une nouvelle école dans million de fois avant la prochaine saison, j'en ai le village dont je suis curateur ; il faut que j'éta- tout de même fait tirer deux exemplaires selon le blisse un plan dans les délais, que je dresse un procédé Remington lia machine imprime deux budget des dépenses, je dois faire toutes sortes exemplaires d'un coup] — je vous en enverrai un. de démarches, etc. Deuxièmement, figurez-vous Seulement, ne le donnez à lire à personne. que j'écris une pièce que je n'aurai sans doute Anton Tchékhov à A. S. Souvorine, 21 novembre 1895. pas terminée avant la fin novembre. Je l'écris non sans plaisir, bien que j'attente terriblement Tu demandes : qu'est-ce que la vie ? C'est comme aux conditions de la scène. Une comédie, trois si on demandait : qu'est-ce qu'une carotte ? Une rôles de femmes, six rôles d'hommes, quatre carotte est une carotte, et c'est tout. actes, un paysage [vue sur un lac) ; beaucoup de Anton Tchékhov à Olga Knipper, 20 avril 1904. discours sur la littérature, peu d'action, cinq tonnes d'amour. Je ne crois pas avoir jamais exprimé mon admira- Anton Tchékhov à A. S. Souvorine, tion pour Tchékhov. Il n'y a jamais eu un sourire 21 octobre 1895. comme le sien. Samuel Beckett, mai 1986. Prochains spectacles L'actualité DE L'ODÉON-THÉÂTRE DE L'EUROPE

(...) Pluriindisciplinarité, tel est le néolo- -» GRANDE SALLE superstitieux, mais je suis superstitieux.) gisme par lequel j'ai toujours essayé de VENDREDI Ie" MARS - 2 0 H Oui, c'est par méchanceté que je ne me formuler ma rébellion contre le dressage soigne pas. Ça, messieurs, je parie que auquel on nous soumet depuis l'enfance - Patrice Chéreau lit c'est une chose que vous ne comprenez dressage qui consiste à canaliser nos pul- pas. Moi, si ! Evidemment, je ne saurais sions vitales, et principalement nos pul- Les carnets du vous expliquer à qui je fais une crasse sions créatrices dans ces étroites sous-sol quand j'obéis à ma méchanceté de cette matrices que sont ce que l'on nomme les façon-là ; je sais parfaitement que ce ne disciplines. Quand la seule question à de Fédor Dostoïevski sont pas les docteurs que j'emmerde en poser au créateur est le "Comment te vis- traduction André Markowicz refusant de me soigner ; je suis le mieux tu ?" des philosophes grecs ou orientaux. placé pour savoir que ça ne peut faire de Rezvani, janvier 2002 lextraitl Je suis un homme malade... Je suis un tort qu'à moi seul et à personne d'autre. homme méchant. Un homme repous- Et, malgré tout, si je ne me soigne pas, -> GRANDE SALLE soir, voilà ce que je suis. Je crois que j'ai c'est par méchanceté. J'ai mal au foie. Tant quelque chose au foie. De toute façon, mieux, qu'il me fasse encore plus mal ! PETIT ODÉON 9 - 13 MARS ma maladie, je n'y comprends rien, Extrait des Carnets du sous-sol Jean-Marc Ghanassia et Philippe Muller présentent j'ignore au juste ce qui me fait mal. Je ne de Fédor Dostoïevski 5 - S MARS - 1 S H me soigne pas, je ne me suis jamais soi- Arabesques gné, même si je respecte la médecine et Dans les ruines à ciel ouvert d'un vieux Autoportrait d'auteurs : U concerts exceptionnels de les docteurs. En plus, je suis supersti- couvent, un soir de l'été 2001, Patrice tieux comme ce n'est pas permis ; enfin, Rezvani Jane Birkin Chéreau voulut faire au public du Festival assez pour respecter la médecine. (Je suis d'été de Barcelone un cadeau qui avait pluriindisciplinaire accompagnée du groupe Djam'Fam. suffisamment instruit pour ne pas être tout d'une gageure : seul en scène, sans Mardi 5 mars: Les origines Samedi, mardi et mercredi à 20h30, autres accessoires qu'un livre ouvert sur Mercredi 6 mars : Peinture peinture dimanche à 15h30. rfoSî®^ un lutrin, lire d'une traite, dans la traduc- Jeudi 7 mars : Métamorphoses et tion française d'André Markowicz, "Sur la fiction neige mouillée", deuxième des frag- Vendredi 8 mars : Chansons d'amour ments qui composent Les carnets du sous-sol. Pendant plus d'une heure, tous En présence de Serge Rezvani et Jean les spectateurs, francophones ou non, Benguigui, Maurice Bénichou, Marcel restèrent captivés. Face au texte de Bozonnet, Diane Calma, Gloria Campana, Dostoïevski, Chéreau se livrait sous leurs Gérard Fromanger, Mona Heftre, Jacques yeux phrase après phrase, sans répit et Lassalle, Alain Meunier, Bertrand Py. comme à corps perdu. Ce soir-là, son Conception et mise en espace : engagement fut total : l'on avait annoncé Diane Calma. une lecture, et ce fut - comme on pouvait Entrée libre. s'y attendre - du théâtre. Réservation obligatoire au 01 44 41 36 68. i-rance Culture -> PETIT ODÉON -> GRANDE SALLE * GRANDE SALLE captives de situations qui se répètent, coincées dans une attente creuse et dont 14 - 3 O MARS 16 MARS - 1 5 H 2 S 3 1 MARS les mélodies hésitent entre burlesque et Fragments de E pericoloso sporgersi mélancolie. Marthaler s'attaque depuis Was ihr wollt / une bonne décennie à des oeuvres du théâtre I & Il Où va l'Italie ? La nuit des rois répertoire, qui constituent désormais un de Samuel Beckett ou Ce que vous voudrez versant essentiel de son travail théâtral. Débat animé par Emmanuel Pour son premier contact avec mise en scène Annie Perret Laurentin et Marc Voinchet, retrans- avec Gilles Arbona et Hervé Briaux William Shakespeare Shakespeare, il a choisi la comédie qui mis en direct sur France Culture. mise en scène Christoph Marthaler réunit sans doute le plus visiblement et Un abrégé lumineux. Ne manquez pas ces Que se passe-t-il dans le domaine cul- avec le plus de profondeur ces ingrédients deux petites pièces avec Gilles Arbona et turel en Italie ? Christoph Marthaler, «Suisse incorri- favoris du créateur suisse que sont le Hervé Briaux : ce sont deux bijoux. (...) Les France Culture, en partenariat avec le gible», s'est imposé au cours des années désœuvrement, la difficulté à communi- comédiens, purs emblèmes de la risée, jubi- Théâtre de l'Odéon, théâtre européen 90 parmi les principaux créateurs de nou- quer, la musique. La solitude douce- lent dans la noirceur. Des pitres sombres. qui, de Ronconi à Castellucci, a toujours velles formes sur les scènes euro- amère qui fait les délices du triste duc Des clowns tristes. (...) Tout Beckett est là. accueilli et fait aimer la création péennes. Dressant de l'homo helveticus Orsino, de la belle Olivia, et de tous les Frédéric Ferney - Le Figaro -21 juin 2001 contemporaine italienne, a souhaité d'après-guerre plusieurs portraits habitants d'une lllyrie de convention a inviter des artistes, des intellectuels, tendres et féroces d'une étonnante puis- inspiré à Marthaler un Shakespeare Gilles Arbona et Hervé Briaux, dans la mesure des créateurs, pour connaître leurs opi- sance d'évocation poétique, Marthaler a extrêmement original. Les quiproquos même où ils jouent comme des as (sous l'oeil nions et savoir comment, dans leur tête, inventé un univers qui peut faire songer à classiques entre les jumeaux Sébastien et attentif de la mise en scène d'Annie Perret), ne dans leur imaginaire et dans leur pra- une sorte de version germanique du Viola, la célèbre farce jouée aux dépens sont pas là sans être là, comme des acteurs, mais tique professionnelle, ils vivent aujour- monde de Deschamps et Makeïeff - éclai- de Malvolio, sont donnés dans une version sont là en étant là, comme des hommes «vrais». d'hui en Italie depuis la victoire rages au néon, sacs en plastique et cos- « bateau ivre » tout à fait dans la manière La même chose pour les mots. «Words, words, démocratique de Silvio Berlusconi au tumes en Tergal, hôtels meublés en style du Zurichois : saisie dans la lumière bla- words ; to be or not to be» : un moment printemps dernier. seventies d'origine, peuplés d'êtres farde d'un lendemain d'orgie, sa Nuit est magique de théâtre à l'envers. Il ne s'agit pas pour nous de juger mais étranges et plutôt taciturnes, qui se plient ironique, dérisoire, décapante, moderne - Michel Cournot - Le Monde - 30 juin 2001 d'informer et de comprendre. soudain à une aliénante discipline rituelle et comme toujours, poétique avant tout. Des invitations furent lancées. Nous ou donnent libre cours à une petite folie Représentations du mardi au samedi à avons été heureux de constater que privée, créatures prolétarisées et Représentations le jeudi 28, vendredi 29 18h. Relâche dimanche et lundi, et le beaucoup de personnes ont pensé qu'il déchues en quête du rythme juste, et samedi 30 à 20h - dimanche 31 à 15h. samedi 16 mars. était important de parler, d'en parler et plusieurs personnalités ont accepté de faire ce voyage d'Italie. Avec, notamment, Bernardo Bertolucci (cinéaste), Vincenzo Consolo (écrivain), Giorgio Barberio Corsetti (metteur en scène) - sous réserve, Carlo Ossola (pro- fesseur au Collège de France), Jacqueline Risset (écrivain, professeur à l'université de Rome), Ettore Scola (cinéaste), Antonio Tabucchi (écrivain), Gianni Vattimo (philosophe].

Entrée libre. ODeON THEATRE DE L'EUROPE

SAISON 2001 - 2002

GRANDE SALLE

27 SEPT / 28 OCT Léonœ et Léna Georg Buchner/André Engel 8/18 NOV Giulio Cesare len italien, surtitré] d'après William Shakespeare Romeo Castellucci / Societas Raffaello Sanzio 29 NOV / 9 DEC WOyZÔCK len danois et anglais, surtitrél Georg Buchner / / Tom Waits - Kathleen Brennan 22 DEC / 5 JANV U PI fil 3 1,3 p3ttB Georges Feydeau / Georges Lavaudant 8/13 JANV Identite CsrSlbG - théâtre, musique, littérature avec la Scène Nationale de Guadeloupe 22 janv/ 2 fév Auslôschung / Extinction bnpolonais.sumtréi d'après / Krystian Lupa 7 / 17 FEV L hiver dG forCG RéjeanDucharme/ Lorraine Pintal 22 / 26 FEV Die Mowe / La mouette len allemand. surtitrél Anton Tchékhov / Luc Bondy 28 / si mars Was ihr wollt / La nuit des rois William Shakespeare/ Christoph Marthaler len allemand, surtitré) 25AVRIL/si mai La mort de Danton Georg Buchner / Georges Lavaudant

PETIT ODEON 7 / 24 NOV C est 3 dire Christian Rullier / Christiane Cohendy u / 29 déc Monsieur Armand dit Garrincha Serge Valletti / Patrick Pineau / Eric Elmosnino

sojanv / le fév Jjmmy, créature de rêve Marie Brassard

14 / so mars Fragments de théâtre I & Il Samuel Beckett / Annie Perret / Gilles Arbona et Hervé Briaux

14 / 31 mai Lenz Georg BLichner/ Marie-Paule Trystram licence d'entrepreneur de spectacle 755720 (1ère catégorie)