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Alexander von Humboldt fut le savant le plus connu de son temps grâce à ses livres de voyage, et d’autres qui vulgarisaient la science dans un style vivant. C’est un des fondateurs de la géographie moderne avec Carl Ritter (1779–1859) ; par exemple c’est Humboldt qui a introduit les lignes isothermes en 1817 dans les An- nales de Chimie et de Physique tome 5, et les isoclines en 1840 pour le géomagnétisme ; c’est le fondateur de la climatologie, de la géographie des plantes. C’était un scientifique et un bon écrivain, un des premiers écologistes. Il dessinait 1 bien aussi, mais son écriture était difficile à lire et encore plus avec le temps, car son bras droit est devenu presque paralysé (il avait trop dormi sur des feuilles mouillées des forêts équatoriales écrit -il le 31 aout 1822 à Boussingault). Jules Verne a lu ses récits de voyages, et dans 20 000 lieues sous les mers, il met dans la bibliothèque du capitaine Némo tous les livres de Humboldt, et aussi de Arago le savant français le plus connu de sont temps, qui vulgarisa l’astronomie, des cours que suivra Humboldt. Nous allons évoquer la vie d’ en s’intéressant en particulier à ses relations avec les mathématiciens. Il a en effet connu ou correspondu avec tous les grands scientifiques européens de son temps comme Lagrange, Laplace, Fourier, Dirichlet, Gauss, Jacobi, Bessel, Quetelet Delambre, Cuvier, Lamarck, Jussieu, Gay Lussac, Arago, Berthollet. Il n’était pas du tout mathématicien 2 mais naturaliste, botaniste, géologue, géographe, ex- plorateur, sachant décrire la nature, il s’intéressa à l’astronomie, au magnétisme, au géomagnétisme. Il fut l’ami de Goethe, et de Chateaubriand 3(1768-1848) qui en 1791 avait voyagé en Amérique du nord, et aussi ami avec le peintre François Gérard 4(1770-1837) et François Guizot(1787-1874). Alexander Humboldt parlait français, anglais, espagnol et bien sûr allemand ; il était prolixe et pouvait parler très vite. Il mesurait 1 m72. Jamais marié, sauf avec la science, sans enfants, il eut des amitiés fortes surtout avec des hommes, mais aussi avec des femmes dont Caroline l’épouse de son frère ou avec la duchesse écrivaine Clara de Duras(1777-1828) précurseur du féminisme qui était très amie avec Chateaubriand. Alexander von Humboldt est né à 5, en 1769, la même année que Napoléon, Wellington, ou George Cuvier. Son père est un officier prussien et sa mère est une descendante des protestants chassés par Louis XIV. Il a été baptisé le 9 octobre en présence de Frédéric Guillaume II (successeur de Frédéric II le grand) et du Duc Ferdinand de Brunswick Il a un frère ainé Wilhelm né en 1767, et qui sera ambassadeur( Rome, Vienne), fondateur de l’université 6 de Berlin en 1809, et en 1830 de l’Altes Museum, il fut aussi un linguiste (après 1819 il se retire de la vie politique) correspondant un peu avec Champollion 7 entre 1824 et 1827. Les deux frères n’ont pas été à l’ école mais avaient des précepteurs et l’ainé Wilhelm passait pour le plus doué des deux, il apprenait plus vite. Les deux apprennent le français, langue très importante au XVIII. En 1779 son père meurt. En 1787, avec son frère il va étudier à l’université de Francfort. Il y rencontre Wilhelm Gabriel Wegener(1767- 1837), ils deviennent ami. En 1788 il est à Berlin, et se passionne pour les plantes en faisant la connaissance d’un jeune botaniste Karl Ludwig Willdenow. En mars 1789 il écrit à Wegener pour le remercier de sa lettre, plus il le connait plus il est cher à son coeur ; il va aller étudier à Göttingen ; il s’inquiète de se faire des amis parmi les 800 étudiants 8, entre Wegener et lui il a fallu le quart d’une année avant qu’ils ne ressentent leur amitié et sans amis quelle existence !(Ohne Freund welch ein Leben). En avril 1789 il va étudier à Göttingen, re- trouvant son frère qui y est déjà depuis une année. Il passe par Helmstedt l’université du duché de Brunswick avec une lettre de recommandation 9 pour le mathématicien Johann Pfaff(1765-1825) qui fut élève à Göt- tingen en 1785, ayant Kästner(1719-1800) comme professeur de mathématiques ; Pfaff qualifié d’excellent( trefflicher) mathématicien par Humboldt, enseigne à Helmstedt depuis une année et donnera une lettre à Humboldt pour Abraham Gotthelf Kästner. A Göttingen, Humboldt a comme professeur Georg Lichtenberg en physique (électricité en particulier), Alexander s’initie à l’expérimentation et appréciera ses cours ; il a aussi Johann Blumenbach en sciences naturelles auquel il doit beaucoup écrit-il dans ses confessions 10 de 1805, le philologue Christian Gottlob Heyne(1729-1812) qu’il appréciera, écrivant que c’était sans doute le plus savant

1. Il peignait plutôt bien mais parle sans s’arrêter : lettre de son frère Wilhelm à sa femme 30/11/1815 :" Alexander malt, und nicht übel,.... und es ermüdet auch furchtbar die Ohren, da sein Redefluß unerbittlich dahinrauscht". 2. En 1853 il écrit à Dirichlet pour savoir ce qu’est une série harmonique. 3. Dans les mémoires d’ outre tombe : Le spectacle du ciel est semblablement magnifique, selon mon savant et célèbre ami M. de Humboldt on éprouve, dit-il, je ne sais quel sentiment inconnu lorsqu’en approchant de l’équateur, et surtout en passant d’un hémisphère à l’autre on voit s’abaisser progressivement et enfin disparaître les étoiles que l’on connut dès sa première enfance. 4. Il a peint la bataille d’Austerlitz vendu en 1811 pour 40 000 francs ! 5. 132000 habitants en ce temps, règne de Frédéric le grand. 6. Au début il y eut 256 étudiants pour 52 professeurs ; deux statues des frères Humboldt ont été installé en 1883 à l’entrée de l’université. 7. C’est le 14 septembre 1822 que Champollion pense avoir compris le système et le 27 septembre il écrit sa lettre à M. Dacier ; en mars 1823 Alexandre envoie à son frère l’essai curieux sur les hiéroglyphes phonétiques. 8. Il y avait environ 405 étudiants inscrits en droit, 104 en médecine, 210 en théologie et 93 en philosophie qui comprenait les sciences physique, mathématiques ; Göttingen avait 8000 habitants environ. 9. A voir dans le livre dirigé par Bruhns : si Alexander Humboldt avait pu plus se consacrer aux mathématiques son tuteur pense qu’il aurait pu devenir un mathématicien distingué. 10. Publiée dans les lettres américaines p.236 de Hamy. Il écrit à la fin :"inquiet, agité, ne jouissant jamais de ce que j’ai achevé, je ne suis heureux qu’en entreprenant du nouveau et en faisant trois choses à la fois". 2 des professeurs ; de Kästner qui avait 70 ans, il dira 11 qu’il est le personnage le plus risible (lächerlichste Figur) de la Terre, que son cours n’est pas très audible car il n’ a pas de dents ; il a de l’humour plaisantant beaucoup, mais comme il rit avant d’avoir fini, on comprend rarement ; mais il est gentil et aimable ; il ne peut pas s’empécher d’être sarcastique mais après il s’excuse. Humboldt écrit aussi une lettre 12 au mathématicien Johann Pfaff(1765-1825) ; en 1799 Gauss passe sa thèse avec Pfaff (logeant même chez lui) et restera en contact épistolaire avec lui. Heyne fait rencontrer à Humboldt le naturaliste Georg Foster(1754-1794) qui a accom- pagné le capitaine Cook dans son second voyage autour du monde. En 1790 Foster et Alexander Humboldt partent en voyage allant à Londres et au retour passent par où ils se réjouissent de la révolution ; toute sa vie, Humboldt sera un républicain mais servira son roi. En 1791 son frère se marie à Caroline(1766-1829) qui aimait beaucoup son beau-frère Alexander et disait de lui qu’il était " un mélange... incroyable de charme, de vanité, de douceur, de froideur et de chaleur ". Wilhelm et Caroline auront 8 enfants dont 3 mourront jeunes. Alexnader Humboldt n’a passé aucun examen de fin d’étude. Il devient ensuite ingénieur des mines. En 1794, Les Humboldt rencontrent Goethe qui a 45 ans et correspondra avec lui ; Goethe s’intéressait beaucoup aux plantes et à la nature. Si Alexandre est apprécié de Goethe ce n’est pas le cas de Schiller qui en aout 1797 écrit dans une lettre à son ami Gottfried Körner qu’il préfère Wilhelm, que Alexandre est vaniteux, et il pense que malgré son activité incessante il ne fera pas grand chose en science, mais il sait s’imposer parce qu’il a une langue bien pendue (ein Maul hat). Fin 1796 sa mère meurt à près de 55 ans ; les relations avec sa mère ayant été froides, il ne sera pas affecté, et héritant d’une très grosse somme, pourra faire ce qu’il veut. Humboldt s’intéressait aussi à l’astronomie ; c’est le baron de Zach qui l’avait initié à l’astronomie en 1797. Franz von Zach(1754-1832) avait aussi formé Gauss à l’astronomie pratique, géodésie à l’été 1803 ; Gauss et Encke sont cités dans la lettre que Zack ecrit en français à Lalande le 23 aout 1803. Gauss se formera aussi à Seeberg avec Olbers, Harding. En 1811 Olbers rencontre Humboldt à Paris. Dans la lettre de Zach à Lalande du 17 novembre 1803, Zach écrit qu’il va aller à Brunswick où le Duc lui a demandé de faire le plan d’un observatoire pour Gauss ; il écrit aussi que Gauss a été avec lui et qu’il va le reconduire à Brunswick. Alexander Humboldt vécut à Paris en 1798 où il rencontra Laplace, Delambre, Cuvier, Jussieu, Lamarck. Son frère Wilhelm qui est aussi à Paris, écrit dans son journal le 7 juin 1798 :"conversation avec Alexander sur les français. Ils ont une remarquable inclinaison et un talent prononcé pour les mathématiques. Dans ce domaine, même les jeunes gens font preuve d’assiduité et il y a davantage de gens doués et d’écrits sur le sujet qu’en Allemagne. Mais ils s’y cantonnent trop ; ils abordent la chimie exclusivement par les mathématiques... ils ne sont pas disposé à expérimenter...". Alexander est aussi présent à la fin de la mesure de la base de la méridienne entre Melun et Lieusain, avec Delambre et Méchain ; 6000 toises soit 11.69 km, mesuré avec des règles Borda de 2 toises (1 toise = 1,949 m). Alexander rencontra aussi à Paris le botaniste Aimé Bonpland(1773-1858) avec qui il fit un voyage extraor- dinaire en Amérique centrale et du sud (Vénézuéla, Equateur,Pérou) descendant des fleuves, montant de très hautes montagnes, subissant 13 l’humidité, le chaud, le froid, observant la nature, mangeant même des fourmis grillés. Humboldt écrira : "je quittai l’ pour parcourir l’intérieur du nouveau continent. Livré, dès ma première jeunesse, à l’étude de la nature ; sensible à la beauté agreste d’un sol hérissé de montagnes et couvert d’antiques forêts, j’ai trouvé dans ce voyage des jouissances qui m’ont dédommagé des privations attachées à une vie laborieuse et souvent agitée". Bonpland sera le jardinier de l’impératrice Joséphine et finira sa vie en Amérique du Sud. Pour ce voyage Humboldt avait obtenu l’accord du roi d’Espagne qu’il ravit par ses bonnes manières et son espagnol. En 1803 il est au Mexique. En mai 1804 Humboldt rencontre le président américain Thomas Jefferson et ils resteront en contact par lettres. le 6 juin 1804 le secrétaire au trésor américain Albert Gallatin(1761-1849) écrit 14 à sa femme :"J’ai eu un plaisir intellectuel exquis par le Baron Humboldt, le voya- geur prussien qui revient du Pérou et du Mexique, où il a voyagé pendant cinq ans et d’où il a rapporté une masse d’informations sur la nature, philosophiques et politiques qui rendront la géographie, les productions et les statistiques de ce pays mieux connues que celles de la plupart des pays européens. Nous le considérons tous comme un homme très extraordinaire, et le récit de son voyage qu’il a l’intention de publier à son retour en Europe sera, je pense, supérieur à toute autre production de ce genre. Je n’ai pas l’habitude d’être facilement satisfait, et il n’était pas particulièrement avenant à mon goût, car il parle plus que Lucas, Finley et moi-même réunis, et deux fois plus vite que n’importe qui d’autre, allemand, français, espagnol et anglais tout ensemble.

11. Lettre à Wilhelm Gabriel Wegener en août 1789. 12. voir livre de Bruhns tome 1 et début du tome 3, sur Humboldt. 13. Pourtant jeune, Alexander Humboldt eut une santé délicate. 14. Voir Gespräche de Hanno Beck ou bien The Life of Albert Gallatin de Henry Brooks Adams(1838-1918) de 1879 : "I have received an exquisite intellectual treat from Baron Humboldt the prussian traveller who is on his return from Peru and Mexico, where he travelled five years and from which he has brought a mass of natural, philosophical and political information which will render the geography, pro- ductions, and statistics of that country better known than those of most European countries. We all consider him as a very extraordinary man, and his travel which he intends publishing on his return to Europ will I think , rank above any other production of the kind. I am not apt to be easely pleased, and he was not particulary prepossessing to my taste for he speaks more than Lucas, Finley and myself put together and twice as fast as anybody I know, German, French, Spanish and englisch all together. But I really delighted and swallowed more information of various kind in less than two hours than I had for two years past in all read or heard". 3

Mais j’ai vraiment été ravi et j’ai appris plus d’informations de toutes sortes en moins de deux heures que je n’en avais lu ou entendu depuis deux ans." En revenant à Paris à l’été 1804, Humboldt rencontre de nouveau Laplace, Lagrange ; il entendit parler dans le milieu scientifique parisien de Gauss à la suite de la traduction française des Disquisiones Arithmetica et de son calcul de l’orbite de Ceres. Il rencontre aussi Simon Bolivar. Humboldt fait partie du cercle scientifique d’ Arcueil 15 avec Laplace assisté par Jean Baptiste Biot(1774-1862), le chimiste Berthollet (1748-1822) assisté par Gay-Lussac(1778-1850), puis Etienne louis Malus(1775-1812), Poisson(1781-1840), François Arago(1786- 1853). Fin 1804, Berthollet qui fut en Italie et en Egypte avec Bonaparte, présente Humboldt à Napoléon qui se méfiera de ce prussien et le fit même surveiller, voulut l’expulser en 1810 mais grâce au chimiste Chaptal 16 il resta à Paris ville de la science en ce temps. La langue française domina au XVIII mais encore dans la première moitié du XIX. Bismarck qui a rencontré aussi Humboldt parlait français. Dans ses souvenirs le naturaliste Léon Dufour(1780-1865) écrit : "Je me trouvais à une séance de l’ Institut, en 1805, lorsque le célèbre Humboldt, au retour de son grand voyage scientifique en Amérique lut son premier mémoire académique sur la domestication des animaux. On l’écoutait avec un silence religieux : homme de quarante ans, blond, taille moyenne, embonpoint modéré, figure pleine, physionomie distinguée et expressive, parlant parfaitement le français quoique Prussien". Humboldt retourne quelque temps à Berlin puis revient à Paris. Humboldt devint ami de Gay-Lussac 17 en 1806, qui avec Biot monta en ballon jusqu’à 4000 m d’altitude. Humboldt et Gay Lussac publient un article dans le journal de physique- chimie tome LX p.129 montrant que 2 volumes d’hydrogène et 1 volume d’oxy- gène forme de l’eau ; dans le mémoire Humboldt admet que les expériences qu’il avait faites sur l’analyse de l’air en 1798 n’étaient pas satisfaisantes et combattues avec raison par Berthollet. Gay Lussac écrit à son père en janvier 1805 : "Que je suis heureux, d’avoir fait la connaissance de Mr Humboldt. C’est un homme qui a le meilleur coeur que je connoisse, la plus grande sensibilité, le plus grand attachement pour ses amis". En mars 1805 ils partent ensuite ensemble en Italie et Allemagne ; ils reviennent à Paris en 1806 où ils logent ensemble. Fin 1806 Gay -Lussac entre à l’Académie des sciences, il a 28 ans. En 1809, Gay-Lussac se marie (5 enfants). En 1806 la Prusse est écrasée par Napoléon ; Humboldt écrit en février 1807 à Gérard depuis Berlin :"Les événements qui viennent d’écraser notre indépendance politique, comme ceux qui ont préparé cette chute dé- sastreuse et qui la faisaient prévoir, tout m’a fait regretter mes bois de l’ Orénoque et la solitude d’une nature aussi majestueuse que bienfaisante. Après avoir joui d’un bonheur constant depuis dix à douze ans, après avoir erré dans des régions lointaines, je suis rentré pour partager les malheurs de ma patrie !". En 1807, Humboldt publie le premier tome de son "voyage aux régions équinoxiales du nouveau continent" dédié à Laplace illustre auteur de la mécanique céleste. En 1809 Humboldt rencontre François Arago(1786-1853) qui fut polytechnicien en 1803, sixième sur 140 : l’épreuve n’avait alors qu’un oral avec que des mathématiques ; Arago dans "Histoire de ma jeunesse", raconte cet oral avec Louis Monge le frère cadet de Gaspard Monge et il raconte aussi son examen oral entre la première et deuxième année à Polytechnique où l’examinateur était Legendre qui lui demanda le centre de gravité d’un secteur sphérique. Les élèves de Polytechnique, qui était à Paris, n’étaient pas logé dans l’ Ecole mais chez des particuliers ; la deuxième année, Arago loge chez jean Nicolas Pierre Hachette(1769-1834) qui est l’adjoint de Monge, et enseigne la géométrie projective à Polytechnique ; Poisson loge aussi chez Hachette ; Arago devient ami de Denis Siméon Poisson 18(1781-1840) autre polytechnicien entrée en 1798 ; tous deux sont républicains et ne voudront pas prêter serment à Napoléon. Arago étudie l’optique après avoir étudié l’article de Thomas Young de 1801. En 1806, Arago est envoyé en Espagne, avec Jean-Baptiste Biot pour poursuivre le relevé du méridien de Paris. Prisonnier durant la guerre d’Espagne, alors qu’il pratique seul une opération de triangula- tion, il s’évade, se retrouve à Alger et finit par rejoindre Paris en 1809 ; sa voix forte, sa verve, sa grande taille 1m82, son sang froid, vont l’ aider dans ses aventures ; à son retour il fait la connaissance de Humboldt et de Gay- Lussac et deviendront amis pour la vie, et habitant ensemble jusqu’à 1811 ; Arago enseigne la géométrie analytique à Polytechnique, mais est surtout astronome et physicien ; Arago est élu à l’Académie des sciences dès 1809 dans la section astronomie 19 ; marié en aout 1811 à Lucie, 23 ans, il a 3 fils ; sa femme meurt le 10 aout 1829, ayant 41 ans. Humboldt l’apprend à son retour de voyage jusqu’en Mongolie et Sibérie, et lui écrit une longue lettre le 15 janvier 1830 : chaque ligne de la lettre écrite par Arago annonçant la mort de son épouse a déchiré son coeur et il arrose la lettre de ses larmes, mais c’est mieux qu’il ne l’ai pas su durant son expédition russe. En 1830 Arago devient secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences 20 par 39 voix sur

15. Laplace et Berthollet avaient une maison mitoyenne à Arcueil, le dimanche ils invitent a partir de 1801 de jeunes savants puis en 1807 il y aura même un journal qui n’aura que 3 numéros. 16. Chaptal le raconte dans ses souvenirs sur Napoléon p.382 17. Arago a écrit une biographie de Gay-Lussac racontant la rencontre avec Humboldt. 18. Poisson sera aussi ami de Laplace et Lagrange, Poisson devint professeur suppléant à polytechnique dès 1802 puis en 1806 profes- seur succédant à Fourier ; en 1809 il sera professeur de mécanique à l’université de Paris ; il mesurait moins de 1m60. 19. Liouville fera aussi parti de cette section ; Cauchy fera parti de la section mécanique, Poisson et Fourier de la section physique ; tandis que Biot, Laplace, Lagrange, Delambre, Legendre font partie de la section géomètre ; chaque section a 6 membres. 20. l’ écrivain quasi centenaire Fontenelle(1657-1757) fut longtemps secrétaire perpétuel, Condorcet en 1776, et en 1801 c’est De- lambre, puis en 1822 Fourier puis Arago ; il y eut aussi Joseph Bertrand en 1874, Gaston Darboux en 1900, Emile Picard de 1917 à 1941. 4

44, gagnant 6000 francs annuel 21 ; après 1830 il fut député et même ministre. Humboldt était très admiratif devant Arago. Le 24 janvier 1829 il est à Berlin et termine sa lettre au zoologue St Hilaire par "Veuillez bien me rappeler au souvenir de MM. Valenciennes, Deleuze, Cuvier, et surtout à la personne qui m’est la plus chère dans cette vie, de M. Arago". Ils formèrent avec Gay Lussac un trio scientifique ; Gay Lussac et Arago font reparaitre les annales de Chimie et Physique. La correspondance entre Alexander Humboldt et Arago a été publiée en 1907 par Ernest-Théodore Hamy (1842-1908). En 1810 Humboldt est membre associé à L’ Académie des sciences qui s’appelle Institut depuis la révolution, et reprendra son nom en 1816. Gauss sera membre associé à partir de 1820, puis en 1840 Bessel, et aussi Carl Gustave Jacobi(1804-1851) en 1846. En 1811 Alexandre va voir son frère à Vienne. Entre 1812 et 1814 Humboldt est très ami avec un jeune peintre, élève de Gérard, Karl Steuben(1788-1856), Humboldt lui fait faire son portrait pas très ressemblant d’après son frère Wilhelm ; Alexander Humboldt peint aussi dans l’atelier de Gérard, il a fait son autoportrait en 1814 ; dans la correspondance scientifique pu- bliée par Jean-Bernard-Marie-Alexandre de La Roquette(1784-1868) en 1865, on voit cet autoportait et aussi dans la biographie dirigée par Bruhns. Alexander a fait peindre le roi de Prusse, grandeur nature, par Gérard pour 10 000 francs et Alexander essaie de convaincre son frère de faire peindre son fils par Steuben, mais Wilhelm refuse, c’est ce que Wilhelm écrit fin avril 1814 à son épouse. Le 1er avril 1814 le roi de Prusse et de Russie sont à Paris, ainsi que Wilhelm son frère. Alexandre sert de guide au roi de Prusse ; en juin 1814 le roi de Prusse et de Russie vont à Londres avec les deux Humboldt. En 1814 et 1815 après la chute de Napoléon Alexander Humboldt contribua à sauver le jardin botanique où on voulait faire camper les soldats prussiens. En 1816 c’est la restauration. Humboldt écrit au peintre Gérard : "je ne savais pas que ma microscopique écri- ture pourrait avoir donné lieu à quelque malentendu sur le jour. Me voilà bien rassuré, non par l’aimable et spirituel secrétaire, mais par vous-même. J’aurai le bonheur de vous embrasser demain chez vous, et puis jeudi encore chez vous... Cauchy a proposé hier, dans un comité secret, de purger la bibliothèque de l’Institut de tous les livres qui insultaient les majestés divines et royales il a nommé Voltaire, Rousseau, et il s’est déchaîné surtout contre la Guerre des Dieux. Amitiés". Cauchy était un catholique ultra, et royaliste quittant la après la chute de Charles X ; en 1816 Cauchy entre à l’Académie des sciences, en section mécanique. Alexandre retourne à Londres en octobre 1817 avec Arago ; son frère y est ambassadeur ; Wilhelm écrit le 1er novembre 1817 à son épouse Caroline que son frère ne loge pas chez lui mais dans une auberge avec Arago ; Alexandre a pris du poids et a bien vieilli ; Alexandre lui a appris que Mme de Stael va mal. Le 12 novembre Wilhelm écrit à Caroline qu’il se sent bien différent de son frère, et qu’il le laisse parler tout son soûl, le trouve bon et serviable, qu’Alexandre n’ a pas besoin de religion. En septembre 1818 Humboldt est de nouveau à Londres. Il essaie d’avoir les autorisations pour aller en Perse et dans l’Himalaya, Londres ne lui en donnera pas le droit. Le lundi 20 septembre 1819, Humboldt lit à l’Académie des sciences, un mémoire sur les nombres chez les différents peuples publié dans le tome 12, page 93, des annales de chimie et Physique 22 de Gay Lussac et Arago. Il a lu l’article de Young sur les nombres chez les Egyptiens, il compare avec les Grecs, Arabes, Chinois les anciens mexicains (les Aztèques mot qui n’existait pas encore, mais il y avait huasteca). En 1819 Charles Babbage(1791-1871) et l’astronome John Herschel(1792-1871) amis depuis leur étude à Cambridge, sont à Paris. Ils rencontrent les savants français et Humboldt. Dans ses mémoires de 1864 Babbage évoque Humboldt : "une des plus remarquables caractéristiques de l’esprit de Humboldt était que non seule- ment il aimait et étudiait la science mais qu’il prenait plaisir à aider avec ses informations et ses conseils tout autre chercheur, aussi humble soit-il, qui pourrait en avoir besoin". Babbage évoque aussi Laplace qui s’adressant aux deux amis veut parler d’ un livre de "vous deux", comme ils n’ont rien écrit ensemble ils ne comprennent pas puis Laplace redit "vous douce" ; après des explications, Babbage et Herschel comprennent qu’il s’agit d’un livre de Woodhouse. Babbage parle aussi de Fourier : sa profonde connaissance de l’ Analyse mathématique se voit dans ses oeuvres. Ses manières simples, la vaste étendue de ses connaissances et son goût admirable, visible même dans les appartements qu’il habitait, ont été ressentis par ceux qui ont été honorés de son amitié. En 1822 Humboldt rencontre le chimiste puis agronome Jean-Baptiste Boussingault(1801-1887) qui va faire un long voyage en Amérique du sud ; en 1834 il sera professeur de chimie à Lyon ; sa correspondance avec Humboldt a été publiée, et il a écrit ses mémoires fort vivantes où il raconte qu’il a vu Napoléon le 21 juin 1815, marchant les mains dans le dos et aussi à l’évasion de Lavalette déguisée en sa femme ; il parle de l’exécution de Ney voté par Laplace et Berthollet ; il écrit que Humboldt lui a offert des instruments (sextant, boussole) et lui a montré comment s’en servir, qu’Humboldt parlait beaucoup et bien et fait sa description : cheveux blancs, physionomie mobile, spirituelle, bras droit paralysé, son costume datait du directoire : habit

Actuellement c’est depuis 2019 Etienne Ghys 21. pour un franc on a 2 kilos de pain, un ouvrier gagne 2 à 5 francs par jour de travail. 22. Dans ce tome il y a un article de Laplace sur les probabilités avec la loi de Gauss-Laplace, pour approximer l’erreur sur la longueur de la méridienne. 5 bleu, boutons jaunes, bottes à revers, cravatte blanche, chapeau noir ; il rencontre aussi Arago et gay-Lussac, dit que tous les trois se tutoyaient ; il décrit Arago à la prestance magnifique malgré ses deux gros sourcils noirs et il trouva Madame Arago remarquablement belle ; il dit qu’une Humboldt fut infatigable, et lui donna une lettre de recommandation pour Bolivar et deux baromètres portatifs. Humboldt terminait certaines lettres à Boussingault par Milles tendres amitiés. Fin 1822 Humboldt est en Italie, Vérone, Rome, Naples où il monte sur le Vésuve (où il était déjà monté avec Gay-Lussac en 1805) puis va à Berlin où en janvier il lit un mémoire sur la formation et l’action des volcans. Il revient ensuite à Paris : le 15 février 1823 il écrit à son frère en français : "me voilà arrivé très heureusement le 6 jour à Strasbourg après avoir couche ä Schleiz, ä Hohlfeld pres Bamberg et à Bruchsal....Apres toutes les jouissances que j’ai eu chez vous à Berlin, je craignais quelques contrariétés dans le voyage. Je tiens beaucoup au Système des compensations, et après tant de bonheur dans le dernier mois, je devais croire que mon étoile m’abandonnerait.Heureusement il n’en a pas été ainsi...Que te dire mon cher cher frère de la reconnaissance que je dois de nouveau à toi et la chère Li des innombrables bontés dont, j’ai été l’objet pendant mon séjour ä Berlin. Le Souvenir de ce tems heureux ne s’effacera jamais". En 1822 le belge Adolphe Quetelet(1796-1874) rencontre 23 Humboldt. A l’été 1823 Quetelet vient à l’ob- servatoire de Paris et se forme à l’astronomie avec Arago, Bouvard et Humboldt. Quetelet fera construire un observatoire à Bruxelles, avant de plus s’intéresser aux statistiques. Le 8 mars 1823, Humboldt écrit à son frère :" Mr. Young qui n’est pas facile dans les questions de propriétés littéraires, admire le travail de Champollion, mais prétend qu’il n’a fait qu’étendre ses idées. Le 7 mai 1824, il écrit à son frère :"Champollion me Charge de te dire combien il est reconnaissant de tes cadeaux et surtout de l’accueil que tu as fait à ses travaux. Young a sans doute ouvert le parti, mais c’est un homme sans franchise, qui ne dit jamais clair comment et jusqu’où il a trouvé. Son dernier livre est encore dégoutant sous ce rapport." Le 5 avril à son frère : "Il ne me reste qu’à te dire que je vis plus encore dans le passé que dans le présent, que je me crois au milieu de Vous et que je m’accoutume difficilement a une existence dans laquelle me manquent tant de douces impressions d’amour et de bien veillance....J’embrasse toute la famille, ma sante est assez bonne au rhume près que donne le printems". A l’automne 1825, Humboldt commence à prendre des cours privés de physique mathématique avec Jean- Marie-Constant Duhamel(1797-1872) pendant environ 16 mois. C’est celui de la règle de Duhammel sur les séries, trouvée 24 en 1839. En 1825 Humboldt présente Dirichlet à Arago, écrit au ministre prussien de l’ Education. Le 21 mai 1826 Humboldt écrit à Gauss et lui recommande Dirichlet ; il sait bien qu’il ne peut pas juger dans les hautes sphères mathématiques mais ses vieux amis Fourier et Poisson qu’il a un brillant talent et il demande à Gauss de donner la protection de son grand nom à son jeune ami de 21 ans. Le 26 mai 1826 Dirichlet écrit 25 lui même à Gauss. Il se recommande de Humboldt, va retourner à la fin de l’année en Prusse et peut compter sur le grand savant Humboldt mais il préfèrerait avoir l’appui de mathé- maticiens dont malheureusement peu s’occupent de haute arithmétique. Le 9 juillet Gauss écrit 26 à Encke, son ancien élève, astronome à Berlin ; à la fin de la lettre il lui parle de Dirichlet un jeune vivant à Paris, il a beaucoup de talent et il ne connait personne en Allemagne qui a ce talent en haute arithmétique et Gauss lui demande s’il peut faire quelque chose pour ce talent que la Prusse ferait bien de prendre. A son tour, Encke agit aussi. Après la réponse de Encke, le 6 septembre, Gauss répond 27 à Dirichlet le 13 septembre, lui disant qu’il a espoir d’un poste pour lui, qu’il pensait faire un tome 2 des Disquisiones mais il va se contenter d’écrire de temps en temps un article sur la haute arithmétique, et il demande à Dirichlet de saluer Humboldt s’il est encore à Paris. En effet à l’été 1826 Humboldt rentre en Allemagne, et quitte Paris où il appréciait la compagnie scientifique et la liberté plus grande qu’à Berlin. Il va recevoir 5000 thalers annuel. Le 25 septembre il fait des mesures magnétiques avec Jean -Victor Poncelet à Metz ; le 26 il rencontre Liebig. Le 27 septembre 1826 Alexander von Humboldt rencontre Gauss à Göttingen et ils sympathisent. Humboldt a 57 ans et Gauss 49 ans. Humboldt arrive à Berlin le 1er octobre. Depuis Berlin, Alexander Humboldt écrit à son ami François Arago(1786-1853) le 10 octobre 1826 : "Il y a près de dix jours que nous sommes ici, mon cher Arago, et dans un pays où il n’y a pas de petite poste, où les maisons ont à peine des numéros, je n’ai point encore trouvé un moment pour t’écrire, pour te donner ce petit signe de mon tendre dévouement. Ma famille est à Tegel à deux heures de Berlin...Ma position auprès du Roi est la même ; on me comble de distinction et de marques d’ intérêt. Je dîne, je soupe avec le Roi tous les jours...M. Gauss est très spirituel, il a de très bonnes manières, un petit air de M. Young avec économie de chaleur et de bonté. Il est très occupé de l’ Astronomie pratique. Il a de beaux instruments de Reichenbach

23. Quetelet le raconte dans sa notice biographique sur Humboldt p.596 de "Sciences mathématiques et physiques chez les Belges, au commencement du XIX". 24. Journal de mathématiques pures et appliquées, volume 4, p. 214 25. La lettre est dans le tome 2 p.373 des oeuvres de Dirichlet publié par Kronecker. 26. Lettre dans le tome 12 p.70 des Werke de Gauss. 27. Lettre dans le tome 2 p.514 des Werke de Gauss 6 et de Frauenhofer. Il rectifie son cercle méridien en observant la polaire de jour par la réflexion de l ’eau. Il voit de jour dans l’eau les étoiles de 4e grandeur. Son amitié pour M. Harding va si loin qu’il a fait séparer l’ Observatoire en deux parties au moyen d’une cloison vitrée. Il paroit qu’il ne veut pas perdre de vue son ennemi. M. Harding est réduit aux lunettes de Schroter, aux thermomètres et aux baromètres. Les expériences que M. Gauss m’a fait faire sur une montagne voisine de sa lumière héliotropique m ’ont beaucoup intéressé. L’image s’observe à 25 lieues d’Allemagne comme étoile de 2ième grandeur. On distingue les distances où elle est jaune et à la fin rouge. Si tu vois M. Dirichlet, fais moi le plaisir de lui dire, mon cher ami, que M. Gauss est très occupé de lui. J’embrasse ta vénérable jeunesse. Mille hommages à l ’ aimable et spirituelle Mme Arago, à Mathieu et à ta soeur". Les relations entre Gauss et son collègue astronome Harding semblent avoir connues quelques bas ; mais initialement ils s’entendaient bien ; Harding avait aidé Gauss dans son déménagement de Brunswick à Göttingen. Humboldt poussera Gauss à aller à Berlin sans succès, il restera à Göttingen. Humboldt parle de Thomas Young(1773-1822), orientaliste et docteur anglais qui s’était illustré par la décou- verte des interférences en optique et s’occupait depuis plusieurs années du déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens. Alexander Humboldt était très différent de Gauss ; il était noble, il avait la parole facile, même très bavard, même fatigant à écouter, parlant sans arrêt, sans trop se préoccuper de ses interlocuteurs ; mais il était chaleu- reux, très sociable, à la fois savant curieux, émerveillé et diplomate ; il était conseiller et ami du le roi de Prusse. Il fut explorateur découvrant les forêts tropicales, s’intéressait à la zoologie, botanique, la géographie, climat, la nature, l’astronomie, le magnétisme. Il était contre l’esclavage, pour la liberté. Il avait présenté un mémoire sur l’histoire des chiffres en 1819. Il était pour la république, la démocratie mais servit le roi de Prusse Fréde- rick Guillaume III(1770-1840) qui le rappela à Berlin en 1827, alors que lui serait bien resté à Paris. Fréderick Guillaumme III roi de Prusse en 1797, avait pour épouse la reine Louise(1776-1810), et Beethoven(1770-1827) dédia sa neuvième symphonie en 1824 à ce roi. Frédéric Guillaume III fit remarquer à Humboldt qu’ayant publié ses ouvrages sur l’Amérique du sud (d’ailleurs surtout à compte d’auteur) il n’avait plus de raison de rester dans la capitale d’un pays qu’un vrai prussien doit haïr (lettre de novembre 1826 du roi à A.Humboldt). D’autre part le roi lui promet une rente de 5000 thalers par an pour être son chambellan ; il avait déjà une rente de 2500 Thalers. Son gros héritage de sa mère avait été utilisé pour payer son voyage et ses publications. Le 16 février 1827 Alexander Humboldt écrit à Gauss : il lui dit qu’il va venir vivre à Berlin et qu’il se réjouit d’être plus proche de Gauss aux si grands talents ; il dit aussi que l’amitié que Bessel a pour lui (A.Humboldt) de l’ importante ; il signale que la santé de Laplace l’inquiète beaucoup, il ne parle plus de manière cohérente, avec lui va disparaitre une des gloires mathématiques de France, gloire que peut-être partagent avec lui Pois- son, Fourier et Cauchy, mais Laplace est un homme aux talents multiples et qui est beaucoup plus éminent que son caractère 28. Enfin il lui dit qu’on attend sa théorie des surfaces. Après 5 semaines de maladie, le 5 mars 1827 Pierre-Simon Laplace meurt ayant presque 78 ans (Gauss mourra au même âge), son ami et ancien élève Denis Poisson était présent. Alexander Humboldt écrit à son frère Wil- helm le 12 mars 1827 depuis Paris :"Nous avons enterré M. Laplace : c’est une des grandes gloires de moins. La haine politique qu’on lui portait parce qu’il n’avait aucune élévation de caractère et courait toujours au secours du plus fort a fait moins sentir sa perte ici. C’est une injustice cependant". Dans cette lettre il dit que jean-François Champollion(1790-1832) présente ses hommages à son frère. On retrouve plusieurs fois Champollion cité par Alexander Humboldt dans les lettres à son frère qui s’intéressait aux langues anciennes 29, au début de l’al- phabet et qui correspondit un peu avec Champollion. C’est Fourier qui fera l’ éloge funèbre du savant français. Le 18 juin 1839 Humboldt écrira à Gauss ce que Lagrange lui avait dit sur Laplace : " Le grand Géomètre sait donner un seul coup et la porte est ouverte. Mr. Laplace donne successivement de petits coups : il en donne trois ou quatre. La porte ne cède qu’un peu et l’on voit mal ou rien par une porte à moitié ouverte". Sur Laplace on pourra consulter la biographie de Roger Hahn à qui on doit aussi la correspondance de Laplace. Le 8 mai 1827 Alexandre Humboldt rencontre à Altona (Hambourg), l’astronome, élève de Gauss, Schumacher et aussi le physicien Orsted. Le 12 mai il s’installe à Berlin ; jusqu’en mai 1841, il vit au 4 Hinter dem neuen Packhofe , au 1er étage (sur l’actuelle île des musées). Il est chambellan du roi de Prusse. Il va favoriser les sciences exactes et les savants allemand. Fin 1827 Humboldt donne 61 conférences grand public à l’université de Berlin, qui ont un énorme succès. Même Son frère est impressionné. Cela lui servira pour son livre Kosmos. A l’université 30 unter den linden, une plaque commémore les conférences d’ Humboldt dans l’université. Le 4 février 1828 Alexander Humbold écrit au mathématicien Jacobi, lui faisant part de ce que Laplace lui a dit peu avant de mourir : Bessel est le premier des astronomes par ses grandes connaissances comme géomètre, l’exactitude des ses observations, sa patience et son goût des calculs. Le 18 mars 1827 Johann Peter Gustav Le-

28. Avec lui une grande (je ne dois pas dire la dernière) gloire mathématique de France disparaît parce qu’il réunissait avec son talent mathématique (que peut-être Poisson, Fourier et Cauchy partageaient avec lui) une connaissance très étendue et une culture de la langue qui était bien plus noble que son caractère. 29. Page 191 des mémoire d’outre tombe de Chateaubriand : M. Guillaume de Humboldt, frère de mon illustre ami le baron Alexandre, était à Berlin : je l’ avais connu ministre à Rome ; suspect au gouvernement à cause de ses opinions, il menait une vie retirée ; pour tuer le temps, il apprenait toutes les langues et même tous les patois de la terre. Il retrouvait les peuples, habitants anciens d’un sol, par les dénominations géographiques du pays. 30. La bibliothèque mathématique est actuellement à Adlershof. 7 jeune Dirichlet(1805-1859) va à Göttingen pour rencontrer Gauss qui le reçoit très aimablement 31. Dirichlet étudia avec soin les Recherches Arithmétiques et est un des rares avec Jacobi à s’intéresser à l’arithmétique ; il ira à l’université de Breslau (actuellement en Pologne) gagnant 400 thalers par an ; mais il devra faire sa thèse en 1827 qu’on lui donnera bien qu’il ne pouvait pas parler en latin ce qui était indispensable à l’époque en Prusse, bien que les cours se fassent en allemand.Dirichlet enseignera ensuite à Berlin et viendra à l’université de Göttingen à la mort de Gauss. Humboldt l’a aidé à trouver un poste et il lui écrit en français. En avril 1828, Carl Ritter, Alexander von Humboldt et Heinrich Berghaus fondent la Société de Géographie de Berlin. Le 14 aout Humboldt écrit à Gauss pour qu’il vienne à Berlin pour un congrès de savants et Gauss pourra loger chez Humboldt :"puis je renouveler le voeu que non seulement vous soyez un éclat de ce congrès mais aussi de vous recevoir dans ma maison. Les hôtels d’ içi sont mauvais et facilement pleins. je n’ai qu’une chambre (mais spacieuse) à vous proposer avec une vue sur un beau jardin, mais vous pourrez recevoir des visites et vivres dans mes pièces voisines.Vous pourrez prendre le petit déjeuner, déjeuner et diner avec ou sans moi aux heures de votre choix...vous aurez une berline à votre de disposition. Tout est à ma charge....plus vous resterez plus j’en serais content et honorer." Dans la lettre du 8 septembre, il demande à Gauss de lui dire le jour où il aura le bonheur de serrer dans mes bras (umarmen), que Babbage se réjouit de sa venue ; Humboldt fait un petit dessin avec le plan pour montrer où il habite (emplacement actuel du Neues Museum). Entre le 18 et 24 septembre 1828 Humboldt organise une grande réunion de savants avec 600 invités dont Gauss, Dirichlet, Charles Babbage, Oersted, Berzelius, le jeune physicien Wilhelm Weber qui en janvier 1829 ira à Altona voir Schumacher avec une lettre de recommandation de Humboldt ; Weber deviendra professeur à Gottingen. Gauss arrive le 14 septembre à 20h à Berlin, il va rester trois semaines chez Humboldt à Berlin. Le 15 septembre 1828 Humboldt invite pour le petit déjeuner à 9h, Babbage, Magnus, Dirichlet. Dans ses mé- moires 32 Babbage se souvient de ce séjour à Berlin, citant même le nom du jeune Dirichlet, mais pas de Gauss. Le 18 octobre 1828 Humboldt écrit à Schumacher :" sur Gauss je suis charmé en contact rapproché, il semble aussi satisfait. Au début devant des inconnus il est glacial et pas intéressé à ce qui ne touche pas sa sphère. Vous mon cher vous rapprochez plus vite de l’esprit et du coeur." Humboldt écrit aussi que Gauss aurait sou- haité 4000 thalers pour venir à Berlin. Signalons que le grand mathématicien Poincaré était aussi réputé peu liant avec des inconnus 33. Le 12 avril 1829 Humboldt part pour un grand voyage de plus de 8 mois en Russie ; il passe par Königsberg où il voit Bessel : le 17 avril il écrit à son frère qu’il fait des observations magnétiques avec Bessel décrit comme vif (lebendig) et aimable(liebenswürdig). Dirichlet(1805-1859) rencontrera sa futur épouse Rebecka Mendelssohn(1811-1858) qui est la soeur de Felix Mendelssohn, grâce à Humboldt. Il l’épousera en mai 1832 et, il aura un fils et une fille. Le 19 mai 1829, Gauss écrit à son ancien élève, astronome de Altona (actuellement dans Hambourg)Heinrich Christian Schumacher(1780-1850) : "La mort d’Abel 34 que je n’ai vu indiquée dans aucun journal, est une grosse perte pour la science.... J’aurais volontiers son portrait si on pouvait l’avoir quelque part. Humboldt avec qui j’ai parlé de lui, avait, le vif désir de tout faire pour qu’il vienne à Berlin". Humboldt passe l’année 1831 à Paris, jusqu’en avril 1832, envoyé par la Prusse. Le 26 mai 1831 Alexander Humboldt assiste au cours de Champollion au collège de France ; Champollion meurt le 4 mars 1832, ayant 41 ans ; les obsèques sont le 6 mars ; Arago, Alexander Humboldt suivent le corbillard . En aout 1832 il écrit à Arago dont la santé l’inquiète ; il dit aussi la construction de l’observatoire de Berlin avance que Encke est la personne dont le commerce a le plus de charme pour lui : il est simple et spirituel. L’astronome Johann Encke(1791-1865) fut un élève de Gauss en 1811, directeur de l’observatoire de Berlin en 1825 ; le nouvel observatoire sera inauguré en 1835, en 1844 il sera professeur d’astronomie. Il fréquentait aussi le club d’ échecs de Berlin. En 1834 il commence la rédaction de son livre Cosmos voulant décrire l’univers allant de l’espace à la Terre et sous les mers décrivant les phénomènes célestes, géomagnétisme, volcans, plantes et animaux. Le livre est sorti en 1845 et eut un très grand succès. Il y aura un tome 2, puis en 1850 le début du tome 3, puis un tome 4 en 1859. Signalons que les livres d’Humboldt ne le rendirent pas riche. Début avril 1835 Alexander est à côté de son frère qui va mourir. Il fut atteint et pleura beaucoup son frère au sens réel et figuré. Il a écrit dans sa lettre du 18 avril à Antoine Jean Letronne (1787-1848), qu’il a perdu la moitié de lui même. Depuis Berlin, le 26 mai 1835 Humboldt écrit au peintre Gérard :"Je ne parle plus de ma douleur, mon digne et excellent ami ; vous avez connu d’assez près mon frère et Mme de Humboldt, tout ce qu’il y avait de profondeur et de richesse de sentiment et d’intelligence dans ces deux êtres, pour deviner

31. Dirichlet l’écrit à sa mère ; la lettre est dans Dirichlet Nachlass à Kassel,Box 2 :VIc. 32. Passages of the life of a philosopher de 1864. 33. Paul Appell écrit :"Poincaré n’aimait pas se lier rapidement avec des inconnus, ce qui lui a valu le reproche de n’être ni liant ni confidentiel ; c’était peut-être vrai. Mais cette réserve est naturelle ; elle s’impose à l’homme qui a acquis le droit de ne pas diminuer sa liberté par de trop nombreuses liaisons"....."La vie de Poincaré a été une méditation intense et ininterrompue. Elle a été consacrée uniquement au travail scientifique et à sa famille". 34. Mort le 6 avril 1829 à l’âge de 26 ans. 8 combien je me trouve isolé dans ce pays après cette double perte, dont l’une a été, pour ainsi dire, la cause de l’autre". Il retourna à Paris qu’il appréciait plus que Berlin, sur le chemin il rencontre Schumacher à Altona. Le 20 mars 1836 Humboldt écrit à l’astronome Schumacher qu’il aurait aimé voir Gauss à Berlin, que cela aurait été un nouveau Lagrange pour l’Académie des sciences de Berlin. Le 3 mai 1837 Humboldt écrit à Quetelet s’excusant du retard de sa réponse :"des occupations qui ne sont pas toutes très-littéraires, une vie nomade (la cour passe trois jours de la semaine dans les châteaux de Potsdam et ailleurs), des courses en Allemagne et à Paris, un bras très-faible (pour avoir couché si longtemps sur des feuilles mortes dans les forêts humides de l’ Orénoque), des épreuves à corriger et que l’on m’envoie toutes les semaines de Paris à Berlin... Voilà plus qu’il ne faut pour avoir quelque droit à votre pardon. J’ai le bonheur de n’avoir besoin que de quatre heures de sommeil ; j’observe le plus souvent une aiguille de déclinaison horaire encore après deux heures du matin". En septembre 1837 Humboldt est à Göttingen pour le centenaire de l’université. Il rencontre Gauss plusieurs fois et son hôte est Wilhelm Weber. D’août 1838 à janvier 1839 il est à Paris en mission diplomatique. En 1841 Humboldt va aller à Paris, envoyé par la Prusse ; il doit faire un rapport sur la France à son souve- rain. Il écrit à son cher et excellent ami Arago, mais il veut qu’ Arago lui écrive de venir ; Arago lui répond en mars :"En dehors de ma famille, tu es, sans aucune comparaison, la personne du monde que j’aime le plus tendrement. Il faut aussi te résigner : tu es le seul de mes amis sur lequel je compterais dans des circonstances difficiles. Je suis vraiment heureux de la pensée que je passerai quelques soirées avec la personne à qui je dois mon goût pour la météorologie et la physique du globe.....Adieu mon meileur ami, mon attachement pour toi finira qu’avec ma vie.". Fin mai Humboldt est à l’observatoire de Paris dont le directeur est Arago avec 2000 francs annuel ; Humboldt repartira en novembre 1841. En janvier 1842 Humboldt, 72 ans, est à Londres ; il rencontre Charles Darwin 32 ans, qui écrira en 1845 à son ami le botaniste Hooker que Humboldt n’a fait que parler (he talked beyond all reason) mais il écrit aussi que si Hooker le voit qu’il le salue respectueusement car il sait que le cours de sa vie est dû à la lecture du récit du voyage de Humboldt et Bompland . De septembre 1842 à février 1843 il est à Paris, envoyé par la Prusse. En octobre 1843, revenant de st Pétersbourg Balzac rencontre Humboldt à Berlin ; Balzac l’avait déjà rencontré à Paris. Et en 1845 Victor Hugo envoie à Humboldt son roman Notre dame de Paris. De janvier à mai 1845 il est à Paris. Humboldt aida les jeunes scientifiques comme le mathématicien Dirichlet mais aussi le chimiste Justus Liebig (1803-1875) qu’ Humboldt aida à obtenir un poste de professeur à Giessenen 1824 ; Liebig avait étudié à Bonn puis à Paris ; en 1832 Liebig découvrit le chloroforme, il introduit la chimie en agriculture découvrant les en- grais azotés dans les années 1840. En 1842 Humboldt aida aussi l’égyptologue Richard Leipsius pour son expédition en Egypte. Il aida aussi l’égyptologue allemand Heinrich Karl Brugsch(1827-1894) pour ses études supérieures et son voyage en Egypte en 1853 ; Humboldt fut témoin au premier mariage de Brugsch en 1851. En 1843 Humboldt, chambellan du roi, aida aussi le mathématicien Carl Jacobi qui enseigne à Königsberg comme Bessel. Jacobi était considéré comme le Euler de son temps. Le 15 janvier 1830 Humboldt écrit à Arago qu’il a appris la nouvelle de la mort de sa femme à Königsberg où il vit "le très savant mais désagréable israélite-géomètre M. Jacobi , l’idole adoré par M. Le Gendre". Dirichlet, ami de Jacobi, avait signalé à Humboldt le mauvais état de santé de Jacobi, fin mai 1843 Humboldt écrit à Dirichlet : "aujourdhui à midi j’ai reçu la lettre de Jacobi adressée au roi et à moi. Dans la même heure j’ai écrit au roi sur l’importance d’un homme auquel l’Europe entière prend part à la malchance terrible de son actuelle incapacité financière.. j’ai proposé seulement entre 1300 à 1500 thalers. Le roi a trouvé ma lettre excellente et m’a de suite dit qu’il va donner un crédit non pas de 1500 mais de 2000 thalers". Le lendemain Humboldt écrit la même chose à Jacobi qu’il appelle noble ami et collègue, disant que le roi lui accorde 2000 thalers pour son voyage en Italie ; il écrit aussi : Dites à notre Bessel, à qui je suis profondément redevable, les mots les plus doux de ma part. Lui et moi voulons renforcer votre courage". Le roi lui même écrira à Jacobi. Bien sûr Jacobi remerciera beaucoup Humboldt qu’il appelle votre excellence, il écrit aussi que ses forces ont aug- mentées grâce à Dirichlet. Humboldt enverra cette lettre de remerciement à Dirichlet écrivant qu’elle lui ferait plaisir. En décembre 1846, Jacobi explique par lettre à Humboldt comment Leverrier a découvert Neptune en septembre 1846 : ce n’est pas par de profondes pensées mais par des milliers de calculs de logarithmes et il écrit que Gauss n’a publié aucun théorème de mathématique pure si petit qu’il n’ait pas nécessité le centuple de réflexions. Il fait aussi l’éloge des astronomes Bessel et Encke. Pour son livre Cosmos Humboldt demanda en 1846 à Jacobi des renseignements sur les mathématiques grecques, et sur l’astronomie il demandait parfois une relecture à Bessel ou Encke en 1844. En 1844 Humboldt, sur la route de Paris, passe à Bruxelles où il rencontre Quetelet qui est étonné de la vi- vacité de conversation et de mouvement de Humboldt ; Quetelet le reverra en septembre 1857 à Berlin. On trouvera quelques anecdotes dans " Sciences mathématiques et physiques chez les Belges, au commencement du XIX" publiée en 1866, sur Humboldt dont il retient l’aide qu’il apportait aux jeunes savants et donne la 9 lettre qu’Humbodt lui a envoyé en 1837. Dans ce livre, Quetelet donne aussi une notice biographique détaillée de Arago, dont il écrit qu’il était un des hommes les plus probes et désintéressés qui ait jamais passé par les emplois publics. Sur Gauss 35 il écrit qu’il avait su se placer grâce à ses magnifiques travaux à côté des hommes les plus illustres de son siècle ; il écrit que Gauss s’exprimait en bon français et qu’en 1829 il apprenait le russe ; Quetelet donne aussi la lettre de Gauss à Quetelet du 9 septembre 1841 et dit qu’il tenait à correspondre avec un homme aussi distingué et obligeant. Humboldt aida le jeune mathématicien juif G. Eisenstein(1823-1852). L’année 1844 fut une grande année pour Eisenstein qui publia plus de 20 articles, et qui a obtenu en mai 1844 grâce à Humboldt une pension de 250 thalers, puis 500 thalers en 1846. En juin 1844 Humboldt écrit à Gauss sur Eisenstein à qui il paye le voyage à Göttingen pour rencontrer Gauss le même mois ; Gauss écrira à Humboldt que ce jeune mathé- maticien a publié plusieurs articles qu’il aurait bien aimé signer et qu’il a un talent que la nature ne donne qu’à quelques uns par siècle. Malheureusement Eisenstein aura une santé fragile. En octobre 1852 Humboldt assista aux funérailles d’Eisenstein et écrivit au père du mathématicien le 4 décembre. D’octobre 1847 à janvier 1848 dernier voyage de Humboldt à Paris. En 1853, dans sa préface aux maximes de La Rochefoucauld, Ste Beuve (1804-1869) écrit :" ...cet illustre sa- vant que tout Paris connait et qui lorsqu’il vient passer quelques mois à Paris à tellement soif de parler (non de causer) qu’il s’arrange de manière à être difficilement interrompu. Cet illustre savant qui fait des phrases très longues, a imaginé de ne reprendre haleine qu’au milieu et jamais à la fin de sa période. Comme on le respecte beaucoup on attend qu’il ait fini pour glisser un mot, mais il a trouvé l’art de ne jamais finir." Le 11 février 1850 Humboldt qui a 80 ans écrit à Arago :"Je mène içi une vie triste et monotone,...ma santé et ma faculté de travail se sont conservés...les seules heures tranquilles sont celles de la nuit. Je travaille le plus souvent de 9h à 3h.je me couche rarement avant cette heure du matin, mais je dors plus longtemps qu’autre- fois, généralement jusqu’à 7h ou 8h.je ne trouve pas du tout que je me sens plus fort dans la journée si je dors 8 ou 9, ce qui me serait possible puis que je dors encore quand je veux, même le jour. Ce que je vois diminuer beaucoup est la sureté dans le mouvement musculaire. je puis être debout sans que cela me fatigue trois à quatre heure de suite, mais je n’ai pas assez d’assurance en prenant des livres sur une échelle, en descendant un escalier très raide". Humboldt signale qu’il a encore des dettes. En novembre 1853 Humboldt écrit l’introduction au tome 1 des oeuvres de son ami Arago mort en octobre ; l’introduction, fort intéressante est historique, il décrit les travaux de son ami et on sent son admiration et son affection pour Arago. Dans les tomes 1,2,3 on trouvera l’histoire de la jeunesse d’Arago et les intéressantes no- tices biographiques qu’Arago a fait sur Fresnel (ami d’Arago), Volta, Young, Fourier, Ampère, Monge, Poisson, Gay Lussac, Arago a aussi écrit sur Abel (défendant l’Académie des sciences), sur l’oeuvre de Laplace et fait des discours funéraires sur Delambre, Hachette, Puissant. Le 7 décembre 1853 Gauss écrit à Humboldt que les allemands aiment célébrer les anniversaires, les jubilés ; et que le 9 décembre Humboldt va dépasser le nombre de jours de vie de Newton soit 30766 jours ; et qu’ alors que Newton était devenu faible, Humboldt est encore vigoureux mentalement. Gauss mourra avant Humbolt le 23 février 1855. Le doctor Baum qui s’occupait de Gauss a écrit le 28 mai à Humboldt : "votre dernière lettre lui a plu, et il l’a lu à plusieurs reprises et me l’a fait lire...Ce n’est qu’au cours des 18 dernières heures qu’il a perdu connaissance pour la retrouver seulement de temps en temps... puis il s’est complètement endormi tranquillement". A Berlin Humboldt tenait compagnie au roi de Prusse, lui faisait la lecture le soir, et était un conseiller scienti- fique. A partir de 1842 Humboldt habitait dans un immeuble au 67 Oranienburger Strasse à Berlin, à l’ étage. On entrait dans une pièce qui était un petit musée d’histoire naturelle avec oiseaux empaillés, roches ; Hum- boldt avait aussi un perroquet Jakob ; il y avait ensuite une bibliothèque de plus de 11 000 livres puis son bureau 36. Humboldt avait un portrait de Arago chez lui. Il avait un serviteur Johann Seifert qui vivait, au rez de chaussée, avec ses enfants et son épouse qui était la cuisinière, c’est Seifert(1800-1877) son serviteur, qui héritera de la bibliothèque d’ Humboldt il était allé avec Humboldt en Russie ; il travailla 43 ans pour Hum- boldt. Humboldt se levait en général à 6 heure ; il étudiait 2 heures, buvait du café bien sucré, et retournait à son bureau pour répondre aux nombreux lettres. Il en recevait plus de 2500 par an. Entre 12h et 14h il recevait les visiteurs puis retravaillait. Il dinait à 4h avec le roi en été et chez lui en hiver. A 11h du soir il répondait encore à des lettres et se couchait assez tard. Il fait publier dans un journal en mars 1859 un appel pour recevoir moins de lettres demandant qu’on lui accorde un peu de repos et de loisirs pour faire son propre travail. Il mourut à 14h30 le 6 mai 1859 en disant que les rayons du soleil sont magnifiques, il avait 89 ans. Des dizaines de milliers de personnes suivirent le cortège funéraire ; les chevaux du roi tiraient le corbillard, la famille royale attendait à la cathédrale où eut lieu la cérémonie.

35. p.643 de " La Sciences mathématiques et physiques chez les Belges, au commencement du XIX" 36. Le peintre Eduard Hildebrandt(1818-1868) a représenté la bibliothèque et son bureau. 10

REFERENCES : – L’invention de la nature d’ Andrea Wulf. – Humboldt savant démocrate de Douglas Botting. – Humboldt savant citoyen du monde de Duviols et Minguet. – Alexandre de Humboldt, Dernier savant universel de Mireille Gayet. – Les frères Humboldt, livre coordonné par Jean-Pierre de Monza, exposition 2014 à l’Observatoire de Paris où est conservé un bureau, un nécessaire de bureau, des lunettes de Humboldt. – Hanno Beck(1923-2018) spécialiste de géographie et de Humboldt : Gespräche Alexander von Humboldts en 1959. – L’astronome Karl Bruhns(1830-1881) a écrit en 1869 une biographie de Encke qu’il a bien connu, et en 1872 il a supervisé une biographie de Humboldt Alexander von Humboldt. Eine wissenschaftliche Biographie qu’on trouve aussi en anglais dès 1873 (sans le tome 3 et la liste des publications de Humboldt) :Life of Alexander von Humboldt, et en 1877 les lettres Gauss -Humboldt. – Helmut Terra : life and times of Alexander von Humboldt. – Une très grande partie de l’énorme correspondance de Alexander Humboldt a été publiée. – Voir sur le net : wikipedia ; www.avhumboldt.de ; https ://edition-humboldt.de/chronologie/ ; Alexander- von-Humboldt-Forschungsstelle.