Mountain Wilderness

5, Place Bir Hakeim 38000 Grenoble tél. : 04 76 84 54 42 fax : 04 76 84 54 44 mel : [email protected] Auteurs : C. Grasmick, B. Rivoal, J.P. Courtin et M. Fourcade

Le massif du Mont-Blanc Etude documentaire Mai 1999

Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environement Direction de la Nature et des Paysages Sous-Direction de l'Évaluation Environnementale et de l'Aménagement Durable 20, avenue de Ségur 75302 Paris 07 S.P. Commande n°104/98

Mountain Wilderness France Sommaire

Introduction

1ere partie Le Contexte pour un espace convoité

Introduction p. 4

Définition de l'espace

1. L'espace socio-économique et culturel p. 6

1. Description et évolution des populations p. 7 2. L'économie locale p. 9

2. Milieu physique, patrimoine géologique et écologique p. 13

1. Intérêts géologiques et morphologiques p. 14 2. Remarques sur le climat p. 15 3. La biodiversité dans le massif du Mont-Blanc p. 16 4. Remarques sur la biogéographie végétale de la région du Mont-Blanc p. 16 5. Remarques sur les intérêts faunistiques de la région du Mont-Blanc p. 17 6. L'homme, partie intégrante des milieux naturels p. 18

3. L'espace géographique p. 20

1. Le site classé du Mont-Blanc p. 22 2. Les sites protégés du massif du Mont-Blanc p. 23 3. Les difficultés d'un zonage international p. 26

Historique des projets de protection et d'aménagements de la région du Mont-Blanc

1. Historique du projet de protection p. 34

2. Projets d'aménagements p. 38

Mountain Wilderness France I 2eme partie Enjeux et acteurs en présence

Introduction p. 42

Espace d'enjeux actuels

1. L'agriculture et la sylviculture p. 44

2. Les transports p. 49

1. Situation d'ensemble p. 51 2. Le versant suisse p. 51 3. Le versant italien p. 53 4. Le versant français p. 54 5. Conclusions - Recommandations p. 56

3. Le tourisme, les aménagements touristiques p. 60 et leurs impacts sur l'environnement

1. Les relations réciproques entre tourisme et environnement p. 61 2. L' améliorationde la qualité touristique : le "Tourisme doux" p. 66 3. En guise de conclusion p. 68

Les acteurs en présence

1. La population p. 70

2. Les acteurs associatifs p. 73

1. Associations de protection de l'environnement au caractère international p. 74 2. Associations locales de protection et de gestion de l'environnement p. 76 3. Associations des amis des réserves naturelles françaises p. 77 4. Clubs de pratiquants p. 77 5. Associations de chasseurs et de pêcheurs p. 78

3. Les élus locaux p. 79

4. Autres organismes concernés par la région du Mont-Blanc p. 82

1. Quelques acteurs socio-économiques p. 83 2. Quelques acteurs au caractère scientifique p. 83

5. Les acteurs administratifs p. 85

Mountain Wilderness France II 3eme partie Scenario de développement et de protection

Introduction p. 88

1. Le retour à une implication forte des Etats p. 89

2. Les objectifs pour la protection du massif du Mont-Blanc p. 91

3. La prise en compte des préoccupations associatives p. 94

Bibliographie p. 96

Revue de Presse - Voir document annexé

Mountain Wilderness France III Introduction

Le massif du Mont-Blanc représente sans De 25 000 touristes par an en 1890, on est passé conteste un espace naturel au caractère à 10 millions aujourd'hui pour la seule vallée de exceptionnel. Emblématique de l'histoire des . L'impact considérable de cette foule rapports de l'homme à la montagne, il a de touristes, randonneurs ou alpinistes sur le toujours suscité passions et controverses. milieu montagnard, par eux-mêmes ou les Et oui !… Le Mont-Blanc n'est pas simplement infrastructures qui les engendrent, même s'il est un paysage aux lignes sublimes, aux ambiances en certains lieux encore mesuré, en fait un des si particulières… Il est aussi un milieu vivant massifs alpins les plus fréquentés mais aussi les qui évolue au gré des habitants, de ses vsiteurs. plus perturbés. A cela s'ajoute l'insertion d'un Femmes et hommes des trois nations axe routier au caractère international qui a différentes, valaisans, valdôtains, savoyards, y considérablement bouleversé les paysages et les vivent, entretiennent et respectent un territoire équilibres écologiques. qui au fil du temps témoigne d'une grande richesse culturelle et patrimoniale. Face à cette dérive et à l'incontestable valeur patrimoniale de ce massif, nombre d'acteurs Le massif du Mont-Blanc est aussi le témoin associatifs, accompagnés parfois d'élus locaux exemplaire de l'histoire du tourisme ou nationaux, se sont mobilisés pour montagnard. Les récits d'explorations des promouvoir l'idée d'une protection active du années 1740 de W. Windham, R. P o c c o c k e , massif. naturalistes et aristocrates anglais, de certains genevois… sont très appréciés. Ils ouvrent la L'objet de ce travail est de rendre compte de voie de la haute vallée de l' et, peu à peu, cette démarche qui a conduit un certain nombre aux côtés des scientifiques, les premières d'acteurs à établir des propositions pour un escalades sont effectuées. développement durable de cette région. Après la montagne monstrueuse, crainte, c'est Ce document s'établit en trois parties : l'emportement du romantisme, la révélation du - Une première partie intitulée "Le contexte charme sauvage des hautes altitudes. pour un espace convoité". Il s'agit d'une

Mountain Wilderness France 1 synthèse concernant tout d'abord la description Nous présentons ensuite les différents acteurs- du milieu naturel, de ses richesses et de ses utilisateurs, leurs rôles, concernant la gestion et particularités. La multiplicité des systèmes de la protection de ce milieu. protection y est évoquée et permet d'aborder la difficulté du zonage international pour définir - Le troisième volet de cette étude "Scénarios un espace à protéger. alternatifs de développement et de protection" Dans un second temps nous y présentons recense les principaux objectifs qui doivent être l'historique du projet de protection ainsi que les débattus, notamment selon les acteurs principaux projets d'aménagements qu'a subit associatifs fortement impliqués, afin de cette région. déboucher rapidement vers un scénario de développement durable et transfrontalier de la - Une seconde partie "Enjeux et acteurs en région du Mont-Blanc. présence" tentera de mettre en évidence les Cette troisième et dernière partie tiend différents espaces d'enjeux au travers de trois d'ailleurs lieu de conclusion. thèmes à forte signification sociale et économique : l'agriculture, les transports et le tourisme.

Mountain Wilderness France 2 1ere partie

Le contexte pour un espace convoité

Mountain Wilderness France 3 Introduction

Le massif du Mont-Blanc possède un certain ensemble à l'avenir de ce site prestigieux. Ils ont nombre de caractéristiques qui en font un alors donné naissance à la "Conférence massif exceptionnel. Emblématique puisqu’il est transfrontalière Mont-Blanc" chargée de mener le plus haut sommet d’Europe, si l'on excepte le à bien une étude de faisabilité commune pour Caucase, il développe une très grande richesse définir le concept de valorisation active de la environnementale liée à des contrastes montagne et en vérifier l'efficacité pour la altitudinaux, géologiques, topographiques… réalisation d'expériences concrètes. Parallèlement, c’est un espace qui offre une grande diversité des aménagements qui oppose Afin de limiter ici l’objet de notre étude, et de se des vallées hyper équipées sur le plan concentrer pleinement sur l’objectif premier de touristique (vallée de Chamonix) et des vallées celle-ci (Etude documentaire sur une zone de peu transformées. C’est le cas du relief à fort intérêt environnementale, culturel et (Italie) ou de nombreuses zones du économique), nous avons choisi de retenir (Suisse) restées intactes et protégées du bruit comme zone de travail l’espace comprenant les notamment. En terme de protection c’est un communes intégrées à la "Conférence massif également très contrasté entre des transfrontalière Mont-Blanc" ainsi que celles qui secteurs protégés et des territoires menacés le jouxtent ou s’en rapprochent territorialement. d’altération. L'objet de cette partie est de présenter de La démarche de protection internationale de ce manière succinte les caractéristiques massif a débuté à la fin des années 1980. Après géographiques de cet espace qui en font un une première étude, initiée par les Etats en massif au caractère remarquable. Nous France, en Italie et en Suisse, en vue de proposer retracerons également ici, l'historique récent des un zonage pour un futur "Parc international", projets d'aménagements et de protection sur le les élus locaux se sont regroupés au sein de massif. l'«Espace Mont-Blanc» afin de réfléchir

Situation

VALAIS

HAUTE-SAVOIE

Mont Blanc

VAL D'AOSTE

FRANCE SUISSE SAVOIE

ITALIE

Mountain Wilderness France 4 Définition de l'espace

Mountain Wilderness France 5 1. L’espace socio-économique et culturel

La Région du Mont-Blanc connaît un véritable montagne, l'industrie, elle, n'a plus un avenir dynamisme en terme de population notamment très florissant dans la région du Mont-Blanc. et ceci principalement à cause du tourisme. Mais c'est bel et bien les activités liées au Cela ne va pas sans quelques déséquilibres, tourisme qui occupent le plus d'actifs. L'histoire parfois graves, en particulier dans le domaine récente des vallées qui ceinturent le Mont-Blanc de l'habitat, et se ressent dans toute l'économie est étroitement liée à celle du développement locale. touristique et s'ancre dans l'évolution des Si l'agriculture ne semble pas subir ici plus de comportements, des regards que l'homme porte difficultés que dans les autres zones de sur la montagne.

Mountain Wilderness France 6 1. Description et évolution des populations

La région du Mont-Blanc a bénéficié d’une Certaines communes voisines des pôles évolution exceptionnelle de sa population de d’activités économiques, jouent le rôle de zones près de 50 % en 40 ans (de 1950 à 1990)1 . résidentielles (voire de zones “dortoirs”). Cette dynamique s’explique par l’effet de Notamment, à cause de l’accroissement des l’accroissement naturel et un solde migratoire résidents secondaires qui a fait un bond de 1975 positif durant cette période. à 1990.

L’accroissement et la concentration de la L’accroissement des résidences secondaires population, relativement jeune, sont liés aux activités économiques et plus particulièrement à Le nombre de logements, notamment dans les celle du tourisme (développement des stations pôles touristiques, s’est considérablement et facilité d’accès étroitement combinés à la développé. Le parc de logements dans la Haute présence de zones naturelles exceptionnelles et Vallée de l’Arve est passé de 25 466 logements du succès grandissant de l’activité alpine). en 1975 à 48 437 en 1990 avec une forte Certaines communes comme Sallanches, évolution des maisons secondaires 1. Leur , Martigny, Orsières, Bourg-Saint- nombre a plus que triplé entre 1975 et 1990 et Maurice, Pré-Saint-Didier, Chamonix, Les représente désormais 55 % des logements. Houches et Passy font partie des plus En Suisse, les communes de Bovernier, favorisées. Elles accueillent une population Sembrancher et Vollèges bénéficient de la jeune et active grâce, notamment, à l’activité proximité de stations anciennes (, touristique. Verbier) qui attirent également une demande en Sallanches est la commune la plus peuplée de la résidences secondaires. vallée de l’Arve, sa population a doublé en moins de trente ans. A cela s’ajoute le développement du travail D’autres communes (Beaufort, Hauteluce, frontalier. Le canton du Valais est sujet à ce Trient et La Thuile) souffraient, par contre, de déplacement de population. Les prix du l’exode rural, elles semblent aujourd’hui se patrimoine foncier étant relativement moins développer et se dynamiser. onéreux côté français, la pression s’instaure. C’est le cas notamment pour la vallée du Giffre. Situation (voir tableau 1) Le logement collectif Les populations se sont concentrées dans les fonds de vallée, les pôles touristiques et à Ce type de logement s’est accru proximité des voies de communication. considérablement dans les années 80, mais a En 1950, la moitié de la population de la région subi un arrêt total depuis le début des années du Mont-Blanc était répartie sur dix communes 1990. alors qu’actuellement seules six communes (Martigny, Bourg Saint Maurice, Morzine, Les conséquences Passy, Sallanches et Vernayaz) regroupent 50 % des habitants. Les communes de plaine en La conséquence de ce développement dans des Suisse ont tendance à croître, les autres sont vallées aux fortes contraintes naturelles doublée pour la plupart globalement stables. Une de l’attrait de la clientèle pour le toit de exception, toutefois, la Commune de Finhaut l’Europe, consiste en la forte augmentation des qui se dépeuple d’année en année depuis trente prix fonciers et des loyers. Cette surenchère ans et qui doit faire l’objet d’une attention rend difficile l’acquisition d’un logement par les particulière. populations locales et les travailleurs saisonniers.

1 Source INSEE - bulletin BDCOM82 - RP90 Siclone, 1990

Mountain Wilderness France 7 Une autre conséquence de ce développement de Chamonix, le taux de croissance aurait encore l’habitat est la dispersion des terrains progressé au cours de la période 1990 - 1997. constructibles. Les infrastructures et les habitations se développent parfois sans Cet accroissement de la population conjugué à cohérence nuisant aux valeurs paysagères et la fréquentation touristique, pose un problème patrimoniales. évident de capacité d’accueil. En effet, la construction d’une maison nécessite une voie d’accès, des arrivées d’énergie D’après Christophe Devouassoux de (électricité, gaz), d’eau et de téléphone, et l’Observatoire Mont-Blanc Léman2 : « S’il est vrai génère des déchets ménagers et organiques... que l’on puisse encore construire aujourd’hui, on Les nuisances sur le milieu sont étroitement arrivera tout de même - mettons dans cinq ou dix dépendantes du type de logement construit. ans - à ne plus pouvoir continuer à construire le Son caractère individuel ou collectif, son même nombre de bâtiments par an qu’aujourd’hui. Il emplacement, son architecture... sont liés à son ne s’agit pas seulement d’un discours de protection intégration dans le paysage urbain et naturel. de l’environnement ; c’est un discours très réaliste, qu’ont d’ailleurs - semble-t-il - les élus de la vallée. Avenir Comment va-t-on faire si le rythme de développement baisse alors que le site accueille Globalement, l’importance de la population toujours quelque 168 entreprises du bâtiment ? pèse sur les choix d’aménagements et soulève la Quand bien même on rénoverait un peu les question du maintien de l’emploi. bâtiments, en termes urbains mais aussi en termes de structure de l’emploi, on ne pourra pas continuer à Un débat national sur l’aménagement du développer les capacités d’accueil ; on ne pourra pas territoire de la Haute Vallée de l’Arve1 précisait continuer à faire venir les habitants dans la vallée ». que « les problèmes posés par l’aménagement de ce et Servoz, par exemple, ont territoire sont comparables à ceux d’une tendance à devenir des “zones dortoirs”, la agglomération de 230 000 habitants », et que « s i première a d’ailleurs choisi de réduire les zones l’on prend l’hypothèse d’un taux de croissance constructibles. équivalent à celui de la période de 1968 à 1990 pour les vingt prochaines années, c’est une agglomération L’évolution des populations outre son lien aux de 400 000 habitants qui se développera au pied du capacités naturelles du milieu est donc Mont-Blanc » d’ici 2010. Ces prévisions ne sont étroitement liée à l’économie locale. pas abérrantes puisque dans la vallée de

Tableau 1 : Types de logement Nombre en 1986 Nombre en 1989 Variation 86-89 Nombre de lits (en %) en 1986 et 89, Résidences principales 113 831 141 524 + 24.3 Partie française de Résidences secondaires 103 787 135 330 + 30.3 l'EMB Logements locatifs 41 486 36 967 - 10.8 (Espace Mont-Blanc) Hôtels - 19 838 - Hébergements collectif - 24 454 - Logements vacants 16 531 22 953 + 38.8 Total (1989) 381 065 (dont 239 545 lits touristiques)

Source : INSEE

1 Octobre 1993 - Direction Départementale de l’Equipement de la Haute-Savoie. 2 in Dimensions socio-économiques de la vallée de Chamonix : évolution récente et interrogations sur le développement durable, page 5 des Actes du Colloque : ”Le développement durable de la vallée de Chamonix”.

Mountain Wilderness France 8 2. L’économie locale

L’agriculture, déclin au centre et dynamisme inquiétant, se pose le problème de succession relatif en périphérie. des exploitations. La moyenne d’âge des agriculteurs est ici très élevée. L’avenir de La situation et l’évolution de l’agriculture l’agriculture dans cette région passe varient suivant les zones géographiques du évidemment par l’incitation des jeunes à secteur étudié, qui ne disposent pas toutes des reprendre les exploitations de leurs parents ou mêmes ressources naturelles et de la même par l’installation, toujours difficile, de nouveaux facilité d’exploitation (voir tableau 4). agriculteurs. Seule la région du Beaufortin profite d’un Le Beaufortin, le Haut-Giffre, les communes certain rajeunissement grâce aux conditions suisses de Champéry et Martigny et italiennes favorables et à une mise en valeur des produits de La Salle et Morgex possèdent des conditions agricoles de qualité (fromage de Beaufort, d’exploitations favorables. Reblochon...). Les surfaces agricoles utilisées dépassent alors La mise en valeur de produits agricoles à haute 25% du territoire. Dans l’Entremont (Suisse), le valeur ajoutée comme le fromage dans un secteur primaire est relativement dynamique marché local, national et international est un avec un effort de redéploiement. facteur dynamisant pour les agriculteurs et peut Martigny, Salvan, Pré-Saint-Didier et Morgex leur permettre de maintenir et développer leurs ont même un nombre d’exploitations en exploitations. expansion depuis 1980. En outre, les agriculteurs jouent un grand rôle Par contre, dans certaines communes, l’activité dans la vie locale, leur activité est à l’origine agricole est en réel déclin et même parfois d’une identité forte et d’une tradition transmise presque abandonnée notamment dans la vallée de génération en génération. La conservation du de l’Arve où le relief et le climat sont plus patrimoine montagnard, la composition des rigoureux (Sallanches, Passy, Chamonix...). Ces paysages, la transmission de savoir-faire communes ont subi une baisse de près de la dépendent en grande partie de ces travailleurs moitié de leur population agricole familiale de de la terre. 1970 à 1988. Cette évolution s’explique en partie par les conditions d’exploitation sévères, et une La pluriactivité constitue alors un facteur activité touristique omniprésente induisant une important pour la pérennité des exploitations forte pression foncière, comme nous l’avons dans les régions de montagne. La conjugaison évoqué. des activités agricoles et touristiques a l’avantage d’assurer une stabilité de revenus au Mais il convient de relativiser ces données car le cours des différentes saisons qui rythment déclin de cette activité en zone de montagne est fortement la vie montagnarde. désormais, malheureusement, une banalité. Plus

Tableau 2 : Mode d'occupation Superficie en ha France Suisse Italie Occupation du sol part forêt et SAU en % en % en % dans l'EMB, part des SAU 41 860 53 20.25 27 communes françaises, Surface forestière 49 200 54 30.5 15.5 suisses et italiennes Autre 117 900 56.4 17.5 26 Total 208 950 55.1 21.1 23.8 Taux boisement (%) 23.5 23.1 33.8 15.5 SAU/Surf. totale (%) 20 19.1 - 19.2 22.7

Source : Inventaire communal

1 Direction départementale de l'équipement de Haute-Savoie, 1993.

Mountain Wilderness France 9 L’industrie communes doivent notamment faire face, à la concurrence des “technopoles” qui se L’industrie, relativement bien diversifiée, est développent à la périphérie (en Savoie et basse principalement située dans la vallée de l’Arve. vallée de l'Arve, par exemple).

Ce secteur est avant tout basé sur les métiers du L’aide de l’Etat est alors essentielle pour bâtiment et des travaux publics (comprenant favoriser l’accueil d’entreprises sur ces types de l’extraction de matériaux) dont près de la moitié territoire où l’atout principal est la qualité de en entreprise artisanale. Ceci soulevant le vie et de l’environnement. La valeur du milieu problème de l’avenir de cette filière quand on naturel joue ici un rôle important, et même sait que les terres constructibles ne sont pas capital dans le secteur tertiaire où elle est la extensibles à volonté. condition de base au développement économique de la région. Principal pôle économique du département de la Haute-Savoie, la vallée de l’Arve accueille « la Le tourisme plus grande concentration mondiale d’entreprises de décolletage »1 (mécanique de précision). L’activité maîtresse de la région du Mont-Blanc, rappels historiques La fabrication du matériel d’alpinisme occupe également une bonne place dans la région. Autrefois, les montagnards utilisaient les L’industrie agro-alimentaire à Sallanches, ressources naturelles montagnardes pour vivre. Chamonix et Megève, le bois et l’ameublement Leurs actions se concentraient dans les vallées dans le Beaufortin, à Passy une usine de et, plus haut dans les alpages. Les hauts magnésie électrofondue complètent ce paysage. sommets étaient représentés comme des milieux Centrales électriques, retenues d’eau et grands hostiles jusqu'à ce que le regard des alpinistes, barrages se sont développés grâce aux des scientifiques puis du tourisme se tourne conditions hydro-géomorphologiques vers ces lieux vierges et sauvages. particulières du massif. Dès 1860, la montagne découvre une nouvelle forme d’activité : le tourisme. A cette époque il Dans le Valais, environ 35% des actifs est estival, aristocratique et donc assez travaillent dans l’industrie. Orientée vers la marginal. A Chamonix, la saison traditionnelle chimie à Evionnaz, elle se développe autour de estivale (vieille de deux siècles) a été complétée pôles variés à Martigny (activités vinicole, par la saison hivernale. La véritable impulsion distilleries, aluminium). L’activité liée à dans de nombreuses stations de montagne l’aluminium est d’ailleurs bien implantée viendra du développement des sports d’hiver, depuis le début du siècle sur l’ensemble du d’abord progressif puis explosif. Valais. Mais, à l'inverse des comunes ayant axé leur développement touristique sur la seule saison Le contrôle des pollutions engendrées par hivernale, dans la région du Mont-Blanc, les l’industrie chimique doit être strict dans ce stations se démarquent en accueillant autant de milieu fragile et dont la qualité de monde l’été que l’hiver. A Chamonix, on l'environnement est l’atout le plus précieux. dénombre même une fréquentation estivale Ainsi en Valais une révision des normes de supérieure à la saison hivernale. rejets a permis de limiter les dégâts : émissions de composés de fluor, rejets de phosphore, Bien que la beauté des montagnes crée une versement de mercure dans les eaux... (image attirance depuis longtemps, le tourisme ne s’est de la qualité des produits fabriqués en imposé qu’en dernier lieu parmi les activités montagne). économiques des espaces montagnards. Il y prospère et se généralise au milieu du XXème Mais l’activité industrielle n’a pas un avenir très siècle, tandis que l’activité agro-pastorale florissant dans la région du Mont-Blanc. Les décline et que l’industrie se concentre dans les

1 "Du massif du Mont-Blanc à l'Espace international Mont-Blanc », page 28 in Dossier de la Revue de Géographie Alpine n°14, 1994.

Mountain Wilderness France 10 vallées. Le tourisme devient l’activité maîtresse Privilégier la qualité plutôt que la quantité de la région du Mont-Blanc. devrait être le mot d’ordre face à l’évolution de ce marché (les hôtels luxueux ont le plus fort Le tourisme, principal source d’emploi taux de remplissage). En effet, le Mont-Blanc a une réputation internationale (le troisième site Les emplois liés directement ou indirectement le plus visité au monde après les chutes du au tourisme, permettent aujourd'hui aux Niagara et le Fuji-Yama). Il est nécessaire de se départements de Savoie et de Haute-Savoie de servir de cette image et de la conserver. posséder le taux de chômage le plus bas de Mettre en place une politique de qualité des France. prestations et bien entendu, de qualité Le nombre d’emplois dans ce secteur dépasse environnementale est, sans aucun doute la largement celui des salariés de l’industrie. réponse à apporter à la nouvelle demande des Le développement des autres activités mérite le clients et à la concurrence d’autres stations soutien des administrations. De même, dans le réputées. secteur florissant du tourisme il est nécessaire Or, l’évolution de ce secteur primordial n’est de bien identifier la demande et de la suivre, pas très bonne. Suite à une stagnation du voire de la devancer. Ceci est envisageable par nombre des visiteurs, on constate aujourd’hui, le développement des synergies entre secteurs. assez nettement, une baisse de la clientèle Le risque d’une non-adaptation au marché hôtelière et une baisse de la fréquentation des pourrait être une crise sans précédent dans cette étrangers. région où le sentiment est fort que l’image du Le toit de l’Europe n’est pourtant pas passé de toit de l’Europe restera inaltérable quelque soit mode, les raisons de cette évolution sont donc l’étendue des agissements anthropiques. peut-être à rechercher, au vu de la situation des différentes politiques de stations, dans la Un développement inégal démarche de protection de l’environnement. « Même s’ils ne constituent pas des facteurs La répartition des équipements est inégale sur suffisants, un paysage culturel intact et un la région du Mont-Blanc. « Certaines stations sont environnement sain sont des atouts non négligeables des géantes »1 comme Morzine (Avoriaz), Saint- pour attirer les touristes »1 surtout lorsque l’on Gervais, Bourg Saint-Maurice (les Arcs) etc. sait que ces touristes sont demandeurs de Concernant toujours l’équipement touristique et qualité dans tous les domaines. les capacités d’accueil, Chamonix et Une politique orientée vers un tourisme plus Courmayeur, bénéficiant de leur situation au doux, familial, bénéficie également à l’activité pied du , sont également favorisées. agricole : développement de la pluriactivité, D’autres, plus modestes montrent un réel écoulement des produits... participant à un dynamisme : Morillon, Passy, les Houches ou développement global du territoire. Arêches-Beaufort. Dans ce type de stations De même, les dernières saisons où la neige a fait “modestes” (le Fayet, les Saisies et les défaut ont montré le risque économique de la Contamines) la capacité d’accueil poursuit sa poursuite du développement des équipements croissance en s’appuyant sur un tourisme lourds. De plus, comme dans le reste des familial. Pour Martigny, le tourisme est certes montagnes françaises, ceci ne répond plus à la important mais il est également basé sur le nouvelle demande. tourisme culturel (Fondation Gianadda). Le massif du Mont-Blanc : un haut lieu symbolique Le danger du “tout tourisme” Depuis le milieu du XVIIIème siècle, époque à Certaines communes, comme Finhaut, Trient et laquelle on a su qu'il est le principal sommet Salvan, côté valaisan, ne peuvent, à l’heure d'Europe, le Mont-Blanc occupe une place tout à actuelle, essentiellement jouer que la carte du fait particulière dans l'imaginaire occidental. tourisme.

1 Prof. Peter Keller “Le développement des activités économiques dans une perspective de développement durable dans le secteur clé du tourisme “ page 29 in Acte du Colloque des Houches, 1997.

Mountain Wilderness France 11 Le Mont-Blanc est à la fois symbole et emblème contradictoires de gestion de l'espace local. de la haute montagne. Ce constat entraîne « L'incompatibilité de ces stratégies, la diversité des quantité d'implications dans le domaine de valeurs portées par les acteurs de cette gestion, ont l'aménagement et de la gestion environ- régulièrement conduit à des conflits d'usage de la nementale. montagne chamoniarde : conflits entre défenseurs des « Haut lieu de l’alpinisme mondial, il est une étape usages traditionnels (éleveurs, cristalliers par obligée dans la formation d’un grimpeur ; haut lieu exemple) et partisans d'une gestion prudente des du tourisme montagnard, il présente des paysages ressources environnementales, conflits entre qui représentent, depuis deux siècles déjà, une norme partisans d'un équipement mécanique densifié [...] et dans l’évaluation esthétique de la montagne ; pour partisans d'une protection accrue sous la forme d'un cette double raison, il est un des massifs de montagne site classé, de réserves naturelles, voire d'un Parc les plus fréquentés au monde »1. international »1.

La symbolisation du Mont-Blanc a servi des stratégies territoriales diverses et des logiques

1 "Du massif du Mont-Blanc à l'Espace international Mont-Blanc », page 26 in Dossier de la Revue de Géographie Alpine n°14, 1994.

Mountain Wilderness France 12 2. Milieu physique, patrimoine géologique et écologique

Le massif du Mont-Blanc se situe dans une Cette zone, relativement restreinte en superficie, position charnière entre l’ensemble Pelvoux- constitue un véritable condensé de tout l’Arc Ecrins-Vanoise, d’orientation Nord-Sud, et les alpin en matière de géologie et de montagnes helvétiques et italiennes, géomorphologie. d’orientation Est-Ouest. Cette situation lui confère une richesse naturelle exceptionnelle L’objet de cette partie n’est pas de présenter un tant sur le plan morphologique et géologique tableau exhaustif des richesses naturelles de que sur le plan écologique. l’espace qui nous intéresse, mais seulement d’évoquer les grandes lignes qui en font une En France, trois régions naturelles contiguës zone au caractère patrimonial naturel font partie de cette zone : le massif du Mont- exceptionnel. Blanc et des Aiguilles Rouges, mais aussi une partie du Faucigny et du Beaufortin.

Mountain Wilderness France 13 1. Intérêts géologiques et géomorphologiques

Le “bâti structural » et les roches Les aménagements géomorphologiques dus aux agents d’érosion Au sein de l’espace considéré, trois ensembles peuvent être distingués : Outre l’architecture générale, le massif du - La chaîne du Mont-Blanc et ses annexes Mont-Blanc, comme tout massif alpin, tire ses (Aiguilles Rouges, vallée de Chamonix) ainsi caractéristiques des phénomènes d’érosion que leur prolongement vers le sud, jusqu’au particulièrement marqués en montagne. Beaufortin et vers le nord, jusqu’au Catogne, sur la commune de Bovernier (VS). Du point de vue Les lacs, héritages glaciaires pour la plupart, les géologique, cette zone s’inclut dans les massifs dépôts alluvionnaires, profondément perturbés cristallins externes, ancienne chaîne par les extractions des dernières décennies, les hercynienne rehaussée lors du soulèvement avalanches et mouvements de terrain, les alpin. Cet ensemble est principalement cascades, cirques et tourbières constituent constitué de granites et de gneiss, souvent autant d’éléments conférant au paysage de la sculptés en aiguilles. région du Mont-Blanc une grande richesse. - Les Préalpes calcaires qui bordent, à l’ouest, les massifs cristallins. Il s’agit du Haut-Giffre et Si les cascades constituent un atout touristique du Haut-Chablais, physionomiquement bien majeur de part leur caractère spectaculaire, caractérisés par la présence de puissantes notamment à Sixt-fer-à-cheval, les tourbières falaises de calcaires massifs et de surfaces sont à la merci d’un drainage intempestif alors tabulaires lapiazées (Désert de Platé, par qu’elles constituent un patrimoine scientifique exemple). Ces massifs préalpins atteignent ici considérable permettant, entre autres, de leur altitude maximale (3000 m). L’érosion comprendre l’histoire du climat et de la fluvio-glaciaire y a édifié des cirques végétation des 12000 dernières années. g r a n d i o s e s : cirque du Fer à Cheval et cirque des Fonds. Concernant les glaciers, le groupe du Mont- - Les massifs internes. Il s’agit d’un ensemble Blanc occupe une position particulière pour très complexe, tant au point de vue lithologique plusieurs raisons : que tectonique, qui s’allonge sur toute la face - l’altitude extrême de la chaîne, l’asymétrie de Sud-Est de la chaîne du Mont-Blanc, dans le ses versants (abrupt côté italien, plus incliné Haut Val d’Aoste et le Val Ferret suisse. Dans côté français) et la nature exclusivement cette zone, des schistes calcaires affleurent, cristalline de ses roches ; engendrant des reliefs mous. - la variété des types d’appareils glaciaires qui en résulte : glaciers de cirques, glaciers Lié à ces grands ensembles géologiques, un suspendus, glaciers de couloirs, de vallées, de réseau de vallées glaciaires enlace latéralement calottes, de versants cloisonnés par des parois le massif du Mont-Blanc : rocheuses ; - et Val Ferret italien drainés par la - la distribution orographique dans deux Doire Baltée, affluent du Pô ; bassins opposés, rhodanien et piémontais. - Val Ferret suisse, vallées du Trient et de Ce groupe, sur la partie française, représente à Vallorcine envoyant leurs eaux dans le Haut- lui seul la moitié des surfaces englacées des Rhône ; Alpes de notre pays. Le complexe de la mer de - Vallées de l’Arve, du Bon Nant et du Giffre glace occupe, en superficie, ainsi la quatrième tributaires du Rhône moyen. place de tout l’arc alpin. Ces vallées constituent une sorte d’étoile d’axes de pénétration facile. Il existe de grandes différences entre les formes

Mountain Wilderness France 14 glaciaires des versants Nord et Sud du Mont- nombre et leur étendue que par leur variété. Au Blanc. L’ensemble constitue un échantillonnage sein de cet ensemble, la zone qui nous intéresse pratiquement complet de toutes les formes offre, grâce à sa diversité géologique et à son glaciaires alpines. C’est un laboratoire altitude élevée, une remarquable illustration de glaciologique exceptionnel grâce auquel on peut paysages et de phénomènes karstiques en espérer mieux appréhender les mécanismes haute-montagne. En particulier les hautes fondamentaux reliant les fluctuations glaciaires chaînes calcaires que constituent les massifs du et les variations climatiques. Certains témoins Platé, du Haut-Giffre et des Aravis abritent l’un de ces fluctuations, parfois très éloignés des des plus spectaculaires karsts de haute- glaciers actuels (moraines, blocs erratiques…) montagne de toute la chaîne alpine. doivent absolument, dans ce but scientifique, D’énormes quantités d’eau circulent à être conservés intacts. l’intérieur de ces massifs et le pouvoir filtrant des karsts est pratiquement nul. Compte tenu Moins impressionnantes pour le grand public, de leur position en amont des captages d’eau et étudiées plus tardivement que les glaciers en potable dans les alluvions des vallées, une raison des difficultés d’accès au monde protection sérieuse de ces formations karstiques souterrain, les formations karstiques constituent serait amplement justifiée dans le cadre d’une également un intérêt capital, notamment pour la gestion rationnelle des ressources en eau de la gestion de l’eau. En outre, le milieu souterrain, région. échappant à l’érosion plus rapide en surface, constitue une mémoire paléoclimatique L’intérêt majeur de cette zone sur le plan de la exceptionnellement conservée dans les géomorphologie, est la coexistence réalisée nulle sédiments remplissant les cavités. part ailleurs dans l’Arc alpin sur une aussi Les massifs sédimentaires des Alpes courte distance, entre un ensemble glaciaire occidentales constituent un ensemble karstique unique par sa variété et le système karstique le de premier ordre dans le monde, tant par leur plus complet d’Europe.

2. Remarques sur le climat

Les particularités du relief de la région du précipitations sur les versants valaisans et Mont-Blanc, dues aux variations valdôtains du Mont-Blanc entraîne une faible géomorphologiques évoquées précédemment, nébulosité, donc une réduction de la quantité de confère à cette zone une grande originalité chaleur absorbée par l’évaporation des pluies climatique. Nulle part ailleurs dans les Alpes on ou la fonte des neiges et par conséquent une ne retrouve sur une superficie aussi restreinte augmentation de la température. une pluviométrie aussi contrastée : deux pôles de sécheresse en Valais suisse et dans le Val La complémentarité entre les versants français, d’Aoste jouxtent des précipitations records du suisses et italiens du Mont-Blanc est évidente. côté français. On peut, en effet, observer sur cet espace relativement restreint pratiquement tous les La distribution des températures, tributaires types de climats des Alpes occidentales, à comme ailleurs de l’altitude et de l’exposition, l’exception peut-être des influences est évidemment étroitement liée aux méditerranéennes qui n’atteignent que dénivellations importantes et brutales, faiblement le Val d’Aoste. On y retrouve, en l’encaissement des vallées provoquant, de plus, condensé, une zonation biogéographique des inversions de température hivernales très pratiquement complète, de la zone alpine marquées. La diminution rapide des externe à la zone interne.

Mountain Wilderness France 15 3. La biodiversité dans le massif du Mont-Blanc

La biodiversité atteint ici une intensité Mont-Blanc qui se trouve ainsi, comme nous remarquable en raison de la variété des facteurs, l’avons vu, entourée de régions aux climats très des milieux physiques ou biotiques. contrastés . Les unités géologiques ou structurales des En outre, les activités humaines ont Alpes du nord se retrouvent dans ce périmètre relativement peu altéré l’environnement au avec leurs morphologies très typées : hautes cours des siècles derniers, en raison de divers falaises de calcaires, massifs et lapiaz des systèmes d’autorégulation (contraintes Préalpes, aiguilles acérées des massifs naturelles, activités agro-sylvopastorales …). cristallins, reliefs adoucis des zones internes. Les amplitudes altitudinales les plus élevées Cet ensemble de caractéristiques confère à la d’Europe créent de remarquables oppositions région du Mont-Blanc des particularités micro climatiques et biotiques. écologiques basées sur l’importante diversité Les principales zones biogéographiques alpines plutôt que sur les richesses spécifiques locales, s’allongent de part et d’autre de la chaîne du néanmoins non négligeables.

4. Remarques sur la biogéographie végétale de la région du Mont-Blanc

Globalement, la région du Mont-Blanc contient allant de l’étage montagnard à l’étage subalpin, à peu près les deux tiers des associations et peu représentées dans les parcs nationaux végétales subalpines et alpines des Alpes. Le existants, constitue l’une des originalités les fait de pouvoir rencontrer, sur un parcours de plus marquantes de la région du Mont-Blanc, quelques heures de marche, des groupements du moins en ce qui concerne son versant végétaux les plus xérothermophiles comme les français. “garrides” valaisannes, qu’on ne trouve Cette zone pourrait d’ailleurs être un territoire habituellement que dans les Alpes centrales et privilégié pour des études, qui actuellement orientales, et des pessières à hautes herbes font défaut, sur l’évolution des formations occupant les stations froides et humides de la boisées de montagne où l’exploitation Haute-vallée de l’Arve, présente évidemment, économique tend à disparaître et où il faut sur les plans scientifique et didactique, un imaginer de nouvelles méthodes de gestion les intérêt hors du commun. moins onéreuses possible.

L’exemple le plus significatif d’associations D’autres groupements végétaux sont en constituant un groupement végétal d’intérêt évolution. C’est le cas pour ceux qui subissent climacique remarquable est celui des forêts. Ces l’abandon d’activités humaines comme le groupements occupent en général de grandes pâturage ou la fauche, ou qui sont liés aux superficies et atteignent dans cette région un variations cycliques du climat ayant par développement remarquable en vigueur et exemple entraîné le retrait de certains glaciers. croissance et peuvent ainsi servir de Il y a encore 30 ou 40 ans, les pâturages étaient peuplements de référence. Citons pour exemple plus étendus qu’aujourd’hui. Depuis le moyen- la hêtraie-sapinière du Haut-Giffre ou le âge, une déforestation importante s'est mélézin-cembraie du Montenvers ou de organisée pour procurer au bétail des prairies, Vallorcine. pour se chauffer et construire des abris. Actuellement, comme dans beaucoup d’autres La superficie importante de groupements régions, la forêt reprend progressivement ses d’associations végétales forestières très diverses, droits.

Mountain Wilderness France 16 Certains groupements forestiers ou sites riches, températures en automne et en hiver. Le dont l’intérêt réside dans une grande diversité manteau neigeux occupe le fond de la vallée 4 à floristique et phytosociologique, sont donc 5 mois en moyenne. A 2000 m, il persiste 6 à 7 présents sur le versant français du Mont-Blanc. mois et 7 à 11 mois entre 2000 et 2500 m. Ainsi, Mais force est de constater que la vallée étroite par exemple, la végétation forestière dépasse à de Chamonix, encaissée, froide et pluvieuse est peine 2000 m et les phanérogames 3000 m, alors nettement moins riche sur le plan floristisque que dans les Alpes italiennes et suisses, elles se que les vallées adjacentes d’Aoste, du Valais et trouvent à des altitudes plus élevées (4450 m plus loin celle de la Maurienne. L’étroitesse de pour la renoncule des glaciers en Valais, record la vallée provoque des inversions de absolu pour l’Europe !).

5. Remarques sur les intérêts faunistiques de la région du Mont-Blanc

Il n’existe pas d’inventaire faunistique erratiques d’ici la fin du siècle. concernant l’ensemble de la région du Mont- Quelques oiseaux symboles peuplent également Blanc. Bien sûr, comme dans toutes les Alpes la région du Mont-Blanc : aigle royal, faucon françaises, les effectifs des ongulés (chamois, pèlerin, hibou grand duc et gypaète barbu (dont bouquetin, cerf, chevreuil) sont assez bien la première naissance naturelle après connus et en expansion continue depuis les réintroduction a eu lieu en 1997 au Bargy). S’ils années 60-70. Les mesures prises par ne sont pas tous directement menacés, une l’Administration et les chasseurs concernant les attention particulière doit être portée sur leurs réserves ou les plans de chasse, semblent aires de nidification, souvent situées à basse suffisantes pour assurer une gestion convenable altitude et donc non incluse dans les périmètres de cette faune. de protection actuels, elles subissent des dérangements de plus en plus fréquents On peut signaler que le département de la notamment à cause du développement du vol Haute-Savoie est le seul à héberger de véritables libre ou de l’escalade. populations naturelles des quatre espèces de la famille des tétraonidés : grand tétras, tétras Il faut évoquer enfin les couloirs de migration et lyre, lagopède et gélinotte. notamment celui passant par les cols de Bretolet Or, certaines espèces d’oiseaux peuvent être et de la Golèse, emprunté par des millions considérées comme des indicateurs biologiques d’oiseaux lors de leurs déplacements pré- particulièrement sensibles de la qualité des nuptiaux et surtout post-nuptiaux (fin milieux naturels. septembre début octobre). L’espace aérien de ce Etant donné l’importance et la richesse des couloir ne doit pas être encombré d’obstacles biotopes forestiers, les espèces inféodées à ce meurtriers (câble, pylône) et les formations milieu sont nombreuses et parfois rares. C’est le végétales locales ou les zones de repos doivent cas du pic tridactyle, de la chouette chevechette être préservées. C’est également le cas du col de ou du grand tétras, espèces pour lesquelles la Balme, où l’étude de la biologie de nombreux poursuite d’une protection en l’état actuel ne oiseaux alpins peut se faire avec une facilité que peut garantir le maintien de populations, mais peu de régions sont capables d'offrir. seulement la sauvegarde de quelques individus

Mountain Wilderness France 17 6. L’homme, partie intégrante des milieux naturels

Comme dans toutes les Alpes occidentales, il exploits au caractère sportif prépondérant. n’existe pas de zones sur la région du Mont- S’ajoutent à cela le développement de pratiques Blanc qui ne gardent la trace de la présence nouvelles, la banalisation du ski et de l’escalade, humaine passée ou actuelle. en grande partie grâce au progrès du matériel, Jusqu’au milieu du siècle dernier, cette présence mais aussi du temps libre consacré à a fortement influencé l’évolution de la l’entraînement. Actuellement, la voie normale végétation dans les étages montagnard, d'ascension du Mont-Blanc reste probablement subalpin et alpin. Elle a non seulement modelé la plus fréquentée du massif. Mais on constate le paysage mais également contribué à la qualité que les voies d’escalades difficiles, voire très de certains milieux. Il ne fait ainsi aucun doute difficiles, mais ne nécessitant pas de longues que la relative abondance de la bartavelle en marches d’approche et offrant des possibilités Haute-Savoie jusqu’à la fin des années de repli rapide en cas de mauvais temps, sont cinquante, dans des conditions climatiques désormais les plus parcourues, alors que de pourtant peu favorables, était liée aux pratiques grandes classiques plus éloignées sont quelque agricoles (prés de fauche, culture céréalière en peu délaissées. altitude). L’abandon de ces pratiques a entraîné une disparition progressive de cet oiseau, En résumé, les objectifs de protection des malgré l’interdiction de chasse et le faible milieux naturels de cette zone ne peuvent être impact des aménagements de sports d’hiver sur fixés sans tenir compte des facteurs humains. cette espèce. La liaison de la région du Mont-Blanc au réseau On peut ainsi multiplier les exemples : routier européen, l’existence de nombreux l’envahissement de certains secteurs par l’aulne domaines de remontées mécaniques, rendent vert, la fermeture complète du couvert de illusoire d’imaginer une protection où l’homme certaines pessières inexploitées depuis plusieurs n'est qu’un simple spectateur tout juste toléré. décennies… Indépendamment de ces réalités, cette éventualité n'est de toute façon pas souhaitable. Si l'abandon de certaines pratiques a entraîné une perte locale de la biodiversité, le Il est ainsi nécessaire de tenter, par des actions développement de nouvelles activités humaines spécifiques, de compenser la disparition de dans la région du Mont-Blanc a eu des pratiques agricoles et sylvicoles bénéfiques pour conséquences néfastes beaucoup plus certains milieux, en s’appuyant le plus possible spectaculaires et étendues. Elle est cependant sur les structures socio-professionnelles loin d’avoir touché la totalité du territoire. existantes.

En haute-montagne, comme dans toutes les Pour garantir l’intégrité des milieux, qu’un Alpes, la fréquentation humaine est assez excès de fréquentation pourrait localement récente et a subi une évolution extrêmement menacer, il faut développer une pédagogie de la rapide. nature, déjà engagée dans les réserves Depuis les années 70, on assiste à un naturelles, et mettre en valeur tous les aspects bouleversement total des rapports entre culturels de la zone concernée, notamment dans l’homme et la haute-montagne, et le massif du ses aspects transfrontaliers. Mont-Blanc en a été le théâtre privilégié en Une protection logique doit intégrer le mieux Europe. Dans l’esprit du grand public, les possible les populations permanentes vivant à exploits médiatisés ont sensiblement modifié la proximité du Mont-Blanc. Il ne faut pas exclure perception de ce milieu, jusqu’alors considéré a priori les exploitations humaines, dans la comme hostile et accessible seulement à une mesure où elles ne sont pas incompatibles avec “élite” dont les valeurs morales étaient toujours le maintien de la valeur des milieux naturels et mises en avant. parfois même y contribuent. Depuis les années 80, le mythe de la haute- montagne a été quelque peu écorné par des Il existe autour du Mont-Blanc, entre le Valais

Mountain Wilderness France 18 suisse, le Val d’Aoste italien et la Savoie prise en compte des facteurs humains dans la française des liens historiques, économiques et protection de milieux naturels, doit être culturels, qui permettent d’affirmer que cette identique dans les trois pays.

Mountain Wilderness France 19 3. L’espace géographique

Globalement, deux types d’intérêts En terme d’aménagement du territoire, il fondamentaux motivent et justifient le apparaît que les surfaces protégées se trouvent découpage de l’espace en milieux naturels essentiellement en France où l’appareil législatif exceptionnels : de protection comporte deux volets essentiels. - intérêt géomorphologique et géologique dans Le site classé du Mont-Blanc d’une part, les la mesure où la zone d’étude est, en la matière, réserves naturelles d’autre part (voir carte 1). un remarquable condensé de tout l’arc alpin ; - une grande richesse biologique au niveau de la La grande diversité des moyens de protection végétation et de la faune avicole notamment. existant au niveau des trois pays concernés Cette richesse exceptionnelle pose le problème alliée aux différences de perception des enjeux de la difficile gestion de ces espaces vis-à-vis explique la difficulté à proposer un zonage des projets touristiques, de la déprise agricole, international pour la protection du Mont-Blanc de la fréquentation croissante des axes routiers ou de la moyenne et de la haute montagne.

Mountain Wilderness France 20 Carte 1 : Les espaces protégés de la région du Mont-Blanc

Sixt-Fer-à-Cheval SUISSE

Passy Vallon de Bérard

Aiguilles Rouges

Carlaveyron

Mont-blanc

Contamines-Montjoie

ITALIE

Frontière Limite départementale

Limite communale Sites classés

Réserves naturelles

Zone légalisé de protection des paysages d'importance cantonale

Source : Direction Régionale de l'Environnement Rhône-Alpes, 1996

Mountain Wilderness France 21 1. Le site classé du Mont-Blanc

“Il est établi dans chaque département une liste des délais, quelques refus ou demandes de monuments naturels et des sites dont la conservation modifications ; mais dans l’ensemble les ou la préservation présente, au point de vue équipements ont pu se développer sans artistique, historique, scientifique, légendaire ou entraves selon les logiques des promoteurs pittoresque, un intérêt général.” (technique, sécurité, confort). Le qualification en sites classés (classification UICN : III) ne prévoit pas une gestion active du site. Les réalisations engageant des modifications importantes et bafouant l’objectif des sites Avant 1952, le massif du Mont-Blanc n’avait fait classés ont été nombreuses : l’objet d’aucune mesure de protection particulière. A cette date, les terrains - A Balme-Charamillon : communaux situés à plus de 2000 m d’altitude Les deux téléskis du col des Posettes en 1990- ont été classés. La haute montagne est ainsi 1991 puis le télésiège de la Tête de Balme ont “protégée” sur une superficie de 22 000 ouvert le massif de Balme-Posettes en rive hectares. Ce classement, permet au ministère de droite des sources de l’Arve au ski mécanisé, et l’équipement de mieux contrôler les aux équipements. Rappelons que les deux aménagements de la haute vallée de l’Arve. téléskis ont été approuvés par deux inspecteurs Cette possibilité constitue cependant une source généraux dans le brouillard. La restauration du de friction entre l’Etat et les collectivités locales. télésiège des Autannes, le restaurant d’altitude En outre, le classement d’un site ne constitue de Charamillon, et d’autres réalisations ont qu’une mesure de protection minimale qui également contribué à la dégradation du site. n’interdit pas, a priori, la réalisation Il est alors très surprenant de voir présenté le d’aménagements à l’intérieur du périmètre. Il secteur de Balme comme zone pilote pour la contraint simplement tout porteur de projet à le gestion de l’Espace Mont-Blanc. soumettre à l’approbation du ministère intéressé, après consultation des Commissions - A Lognan-Grands Montets : départementales des sites. Le système de télésièges entre Lognan et Pendant, autorisé en 1981, a ouvert aux L’expérience du Mont-Blanc illustre ainsi aménagements un nouveau secteur jusque là parfaitement le fait que le classement d'un site réservé au ski hors piste. ne permet pas d'interdire ou de limiter le La relative qualité des aménagements et la développement des domaines skiables ou des végétalisation soignée de certains terrassements moyens d’accès à la haute montagne. (grâce au suivi du CEMAGREF) ne change rien au fait qu’en continuité avec les aménagements Lors de son classement en 1952, le site existants un secteur important et jusque là intact comprenait déjà quelques équipements lourds, de lande alpine et de forêt de mélèze a été anciens ou récents (Montenvers, téléphérique de dégradé par des travaux et des implantations l’, par exemple) qu’il n’est pas durables. On pense notamment aux câbles question de remettre en cause. Mais l’extension permettant le transport d’explosifs qui servent à du classement du site de 1976 apparaît, elle, sécuriser le versant. aujourd’hui comme plutôt perverse. Il s’agissait de faire face à des projets immobiliers Au-delà de ce secteur de Balme-Charamillon, notamment à Lognan. On a donc étendu le site d’autres problèmes surviennent dans le classé (Prarion , Lognan, Balme-Charamillon) en périmètre classé. Notamment en ce qui concerne proclamant qu’on ne s’opposerait pas à la les grands refuges. construction de remontées mécaniques. L’augmentation de la capacité du refuge du En 20 ans ces trois sites sont devenus des Goûter, la réalisation du refuge des Cosmiques - contre-exemples de sites protégés. hôtel de luxe à 3800 m d’altitude - ont induit ou Certes, il n’a pas été épargné aux collectivités de accéléré une fréquentation sur les trois monts subir la pesanteur de lourds dossiers, de longs Blanc (Tacul, Maudit et mont-Blanc) en créant

Mountain Wilderness France 22 de véritables situations d’embouteillages. Cela Signalons, par exemple, que la télécabine de la entraîne trop souvent une frustration ou une vallée Blanche a été modernisée (changement prise de risque inconsidérée pour “passer complet des cabines) en 1997 sans aucune quand même” en dépit de conditions autorisation au titre du site classé. Cela peut se temporairement dangereuses, comme ce fût le concevoir au titre de la modernisation et de la cas durant l'été 1998 (chutes de pierres ou de sécurité, mais ainsi s’éloigne toute perspective sérac, verglas...). de démontage à terme de cet équipement qui Sur le val Montjoie, le nouveau refuge des est contesté et que l’on n’oserait pas autoriser Conscrits est une autre manifestation du aujourd’hui. “syndrome Cosmiques”, hôtel en altitude, même si la marche d’accès depuis le Cugnon, Cette procédure de classement de site, qui ne avec un bref passage en glace, reste vise qu’à assurer une protection des paysages, opportunément sélective. est souvent mal ressentie par les élus, comme Bien entendu, l’approvisionnement des refuges nous l’avons évoqué. Les carences du système induit des rotations d’hélicoptères de plus en de protection des sites classés, mais aussi les plus nombreuses, contribuant à la pollution réserves de chasse mises en place en application sonore de tout le massif. de la loi de 1964, inadaptées à la lutte contre le mitage de l’espace naturel, ainsi que le constat Ainsi progressent l’équipement et la de l’intérêt paysager et écologique que présente fréquentation du site classé qui, insidieusement la moyenne montagne, induisent la nécessité de et logiquement, sont la négation même de la créer d’autres systèmes de protection prenant protection du massif et de sa “gestion durable” mieux en compte la faune, la flore, mais aussi que ce système est donc impuissant à assurer. les activités agro-sylvopastorales.

2. Les sites protégés du massif du Mont-Blanc

Dans l’optique d’une protection efficace, d’une remarquables. réglementation plus stricte, l’Etat français - La reconstitution de populations animales ou dispose de la possibilité de classement de végétales ou de leurs habitats. territoires en réserve naturelle ou en Parc - La conservation des jardins botaniques et national. La Haute-Savoie est ainsi l’un des arboretums constituant des réserves d’espèces départements français qui compte le plus grand végétales en voie de disparition, rares ou nombre de réserves naturelles (voir tableau 3). remarquables. - La préservation de biotopes et de formations - Les réserves naturelles : géologiques, géomorphologique ou spéléologiques “Des parties du territoire d’une ou plusieurs remarquables. communes peuvent être classées en réserve naturelle - La préservation ou la constitution d’étapes sur les lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, grandes voies de migration de la faune sauvage. des eaux, des gisements de minéraux et de fossiles et - Les études scientifiques ou techniques en général du milieu naturel présente une indispensables au développement des connaissances importance particulière ou qu’il convient de les humaines. soustraire à toute intervention artificielle susceptible - La préservation des sites présentant un intérêt de les dégrader. Le classement peut affecter le particulier pour l’étude de l’évolution de la vie et des domaine public maritime et les eaux territoriales premières activités humaines.” françaises. (Art.L.242-1.du Code Rural). Sont prises en considération à ce titre : - Les parcs nationaux - La préservation d’espèces animales ou végétales et “ Le territoire de tout ou partie d’une ou plusieurs d’habitat en voie de disparition sur tout ou partie du communes peut être classé par décret en Conseil territoire national ou présentant des qualités d’État en Parc National lorsque la conservation de la

Mountain Wilderness France 23 Tableau 3 : Les réserves naturelles de la région du Mont-Blanc

Noms des Réserves Date de Cat. Gestionnaires Milieux naturels Surface Altitudes naturelles création UICN

Les Aiguilles APEGE forêts, pelouse, lande Rouges Agence pour l'étude pâturage, éboulis, moraines 1200 à 23.08.74 3279 ha IV (Chamonix, et la gestion rochers, lacs, tourbières 2965 m Vallorcine) de l'environnement torrents, combe à neige

forêts, hêtraies d'altitude, pelouses, landes, éboulis, Sixt-Passy 770 à APEGE moraines, rochers, lacs, 2.11.77 9200 ha IV (Sixt-fer-à-cheval) 3100 m tourbières, torrents, combes à neige

siliceux et calcaires, forêts, pelouses, landes, prairies, mégaphorbiaies, Contamines- tourbières à sphaignes, 1160 à APEGE 29.08.79 5500 ha IV Montjoie marécages, éboulis, 3971 m moraines rochers, lacs, torrents combes à neige, glacier

siliceux et calcaires pelouse, lande, forêt 1347 à Passy APEGE 22.12.80 1717 ha IV éboulis, rochers, lacs 2733 m marais, tourbières, torrents

forêts, pelouse, lande Carlaveyron rochers, lacs, tourbières, 1090 à APEGE 2.03.91 598 ha IV (Les Houches) marais, torrents, 2305 m combe à neige

pelouse, lande, éboulis Vallon de Bérard moraines, rochers, 1700 à APEGE 17.09.92 540 ha IV (Vallorcine) tourbières 2965 m torrents, combe à neige

Non mentionées sur la carte 1 (Réserves naturelles de Savoie) : La Grande Sassière Parc National de la pelouses, landes, torrents, 1798 à 10.08.73 2230 ha IV (Tignes) Vanoise marécages, éboulis, rochers 3747 m

forêt de Pin cembro, lande, Plan de Tueda pelouse, torrent, marais, 1700 à P.N.Vanoise 12.07.90 1112 ha IV (Les Allues) rochers, éboulis, moraine, 3150 m glacier

pelouses, lacs, éboulis, 1700 à Tignes-Champagny P.N.Vanoise 12.07.90 1112 ha IV rochers, glaciers 3150 m

L'Iseran pelouses, pâturages, combes 2200 à (Bonneval sur Arc, P.N.Vanoise à neige, rochers, sources, 24.07.63 1491 ha IV 3428 m Val d'Isère) moraines, glacier

Les Hauts de Office National des forêt, mégaphorbiaie, 1350 à Villaroger Forêts lande, pelouse, éboulis, 28.01.91 1115 ha IV 3650m (Villaroger) moraines, glacier

Mountain Wilderness France 24 faune, de la flore, du sol, du sous-sol, de politique globale et cohérente de conservation l’atmosphère, des eaux et, en général, d’un milieu de la nature, de développement durable des naturel présente un intérêt spécial et qu’il importe de territoires. La contiguïté d’espaces protégés et préserver ce milieu contre tout effet de dégradation non protégés rend souvent les écosystèmes naturelle et de le soustraire à toute intervention fragiles. La forte pression des utilisateurs dans artificielle susceptible d’en altérer l’aspect, la un haut lieu touristique entraîne une composition et l’évolution. Le territoire délimité par fréquentation importante des espaces protégés décret peut s’étendre au domaine maritime” (par exemple le lac Blanc, accessible depuis les (art.L.241-1.du code rural). remontées mécaniques de la Flégère). Les sentiers traversent parfois alternativement des Les réserves naturelles zones classées et non classées, sans grand discernement. Localement la surfréquentation Au nombre de huit créées entre 1974 et 1992 atteint donc dangereusement des sites sensibles. dans la grande région du Mont-Blanc, six d’entre elles concernent la zone d’étude retenue De plus, les zones protégées ne sont pas par l’Espace Mont-Blanc : toujours à l’abri d’aménagements liés au - la réserve naturelle des Aiguilles rouges tourisme hivernal. On pense à l’impact très (3279 ha) ; lourd en terme de dégradation du milieu, - la réserve naturelle de Sixt-Passy (9200 ha) ; qu’aurait pu avoir la réalisation du télésiège du - la réserve naturelles des Contamines-Montjoie col Cornu en extension du domaine du Brévent. (5500 ha) ; Le Ministre de l’Environnement a, par deux - la réserve naturelle de Passy (2000 ha) ; fois, autorisé la réalisation d’un télésiège lourd - la réserve naturelle de Carlaveyron (899 ha) ; dans la réserve naturelle des Aiguilles Rouges - et la réserve naturelle du Vallon de Bérard (site exceptionnel du lac Cornu). Les embûches (540 ha). de la procédure, la gestion du risque d’avalanches dans la combe de la Glières et Un certain nombre d’autres réserves naturelles surtout les divergences de vues entre les (mentionnées dans le tableau 3) existent concessionnaires des deux domaines skiables également dans l’entourage immédiat du Parc concernés ont finalement eu raison du projet, au National de la Vanoise, contiguë à la zone profit d’une liaison basse. La réserve naturelle a d’étude mais ne faisant pas partie directement été préservée, ce qui est fondamental, mais du périmètre d’étude retenue par l’Espace l’avenir n’est pas assuré et l’impact de la saison Mont-Blanc. basse sur le tourisme d’été (sentiers balcon du secteur) est important. Parallèlement à la mise en place des réserves naturelles, des zones aux superficies plus petites Les systèmes de protection en Italie et en ont été protégées. Il s'agit en général de milieux Suisse humides, lacustres ou fluviaux d’intérêt scientifique plus spécialisé et répondant à des Contrairement au système français, les moyens besoins mieux circonscrits. Les arrêtés de de protection italiens et suisses sont biotope qui les concernent souvent, sont issus relativement faibles. de la loi de 1976 et se réfèrent à des espèces Il faut savoir qu’en Italie, c’est la Région qui protégées et désignées au plan national mais dispose des attributions concernant les Parcs et dont on protège le milieu par un règlement Réserves naturelles. Or, la Région du Val départemental. Cette forme juridique présente d’Aoste a difficilement accepté la présence sur l'avantage d'une procédure rapide et d'une son territoire du Parc national du Grand responsabilité plus proche du terrain (le préfet Paradis. Il semble que la notion de "Parc » ne du du département). Il semble cependant que convienne pas aux valdôtains qui, par ailleurs, cet outil n’ait pas encore prouvé toute son sont favorables à la protection du Mont-Blanc. efficacité et sa pérennité. Jouxtant le Parc National de la Vanoise, le Parc National du Grand Paradis ne fait pas partie, à Cette superposition d’une multitude d’espaces proprement parler, de la zone retenue pour protégés de taille diverse (réserves naturelles, l’Espace Mont-Blanc et à laquelle nous nous arrêtés de biotope, sites classés, réserve de référons pour ce travail. chasse…) ne peut assurer la définition d’une

Mountain Wilderness France 25 En Suisse, un certain partage des compétences la cohésion pour des travaux internationaux (du est établi entre la Confédération et les cantons. type de la Convention Alpine). Ces derniers ont la compétence en matière de La conséquence en est que la protection de protection de la nature et du paysage tandis que surfaces importantes est rare en Suisse. La la compétence pour l’édiction des normes en population a d’ailleurs conscience de vivre dans matière de protection de l’environnement un petit pays et ne cherche donc pas à revient à la Confédération. Les principes de promouvoir un système de protection cette collaboration ont été fixés comme suit : concernant de grandes parties du territoire. - le Conseil fédéral doit établir un inventaire Enfin, on remarque que la politique des sites fédéral des objets et biotopes d’importance conduite en Valais vise plus à encourager nationale dignes de protection, avec la l’entretien de l’espace et la participation des coopération des cantons ; personnes concernées que la protection stricte. - les Cantons, en collaboration avec les Mais ces préoccupations rejoignent souvent communes, les propriétaires, les associations de aujourd’hui celles de leurs voisins français ou protection de la nature, sont tenus de protéger italiens. et de désigner les biotopes d’importance régionale et locale. La diversité des systèmes de protection et des Ce système offre a priori, une meilleure cultures d'aménagement existant en France, en adéquation entre les besoins du canton et ceux Suisse et en Italie explique la grande variété de de la protection des espaces naturels, mais il statuts des différents territoires présents sur le multiplie les échelles de protection (un même massif du Mont-Blanc. Elle permet également espace peut être protégé au niveau fédéral et de comprendre, que la coopération et la cantonal). Finalement, cette politique ne facilite définition d’objectifs communs en terme de pas l'adhésion au sein du pays car elle manque protection entre les trois pays concernés par parfois de cohérence. En outre, elle complique l’Espace Mont-Blanc, est difficile.

3. Les difficultés d’un zonage international

La difficulté à déterminer une zone de de protection. On s’aperçoit que les suisses, de protection s’explique à trois niveaux : par leur histoire, conçoivent la protection de perception des enjeux, perception de la manière stricte, avec peu de marge de protection, difficulté de procédure et niveau manœuvre pour le développement économique, d’autorité. et ne considèrent pas les effets bénéfiques que la promotion d’une zone protégée apporte en - L’urgence d'une gestion spécifique sur un terme de tourisme (les termes “parc” et territoire ne touche pas nécessairement au “réserve“ soulèvent souvent l’opposition des même moment les différents acteurs de ce populations et de leurs représentants). territoire. La perception des enjeux n’atteint pas le même niveau d’urgence car les structures et - Les procédures, les moyens de gestion du les hommes n’ont pas la même histoire, la territoire, le financement, les aspects régaliens... même culture, la même perception. sont souvent différents, et les acteurs du territoire doivent s’imprégner de ces réalités - La conception de zones protégées. La pour œuvrer ensemble. classification opérée par l’UICN permet d’établir des comparaisons par catégories de - Les niveaux de prise de décision n’ont pas la protection. même échelle de représentation. Côté suisse, Mais cette classification n’efface pas les idées c'est le canton du Valais qui est concerné, coté reçues et les différences de perceptions des italien, il s’agit de la région autonome du Val autorités et populations par rapport aux types d’Aoste et côté français d’un Syndicat

Mountain Wilderness France 26 intercommunal. Ceci entraîne inévitablement projet (pas vraiment défini mais intentionnel). des dysfonctionnements lors des prises de décisions pour peu que ces différentes entités A ce sujet il est indiqué dans le dossier "Bilan et soient livrées à elles-mêmes dans le processus Perspective" présenté par l'Espace Mont-Blanc de décisions (pas de supervision par une pour les exercices 1995-96-97 et daté du 27 autorité supranationale ou d'encadrement par février 1998 : des autorités nationales motivées). «En 1992, les ministres de l'Environnement de France, d'Italie et de Suisse ont donné mandat à la Les critères de délimitation d'un espace à Conférence Transfrontalière de procéder à la protéger peuvent correspondre à différentes définition du périmètre de l'EMB. A cet effet, une logiques politico-administrative, de protection, étude a été menée […]». topographique et/ou identitaire. Pour la «En 1995, une analyse plus fine […] a débouché sur définition du zonage international, il une nouvelle proposition, fonctionnelle et cohérente conviendra de conjuguer ces critères (avec une avec la démarche de définition de la structure cohérence touristique) et de prendre en compte juridique de l'EMB […]. La définition d'un "noyau le sentiment d'appartenance des communes au central" comprenant 31 communes pour une surface massif du Mont-Blanc. d'environ 183 000 ha. Deux extensions du noyau Ce zonage du périmètre doit être complété par sont envisagées en fonction des objectifs et des une classification des zones en catégories (voir actions à réaliser ; la première s'appuie sur la propositions des associations au sein du cohérence du réseau routier, la seconde sur la CIAPM, tableau 4) définissant les différents continuité des espaces naturels». niveaux de protection. Pour ouvrir une discussion avec les communes Cette même année 1995, mission a été donnée quant à leur engagement à un périmètre de au groupe de travail "milieux sensibles" de protection, il semble nécessaire d'établir une recenser les données et faire des suggestions ; proposition de zonage. plusieurs méthodologies ont été testées sur des territoires cohérents et la méthode dite de la Plusieurs propositions ont ainsi été présentées Valdigne (Val d'Aoste) établie par les depuis quelques années. scientifiques italiens a été retenue. La première (carte 2) avait été proposée par J.P.Camel en 1990 dans l'« Etude d'un projet de Le 31 juillet 1997 les trois vice-présidents de la Parc national du Mont-Blanc ». CTMB ont signé une instruction au groupe de Une seconde (carte 3), présentée par le CIAPM travail scientifique et technique afin qu'il (Collectif international des associations pour la applique la méthode à l'ensemble du territoire protection du Mont-Blanc), s'étend jusqu'aux (une note méthodologique validée était jointe). Parcs nationaux de la Vanoise et du Grand Fin 1998 une première réunion de coordination Paradis. Elle a été formulée en même temps que a eu lieu entre les partenaires mais il semble que "11 principes pour la protection du Mont-Blanc" l'on n'ait pas encore quitté le terrain de la (voir dernière partie), en 1991. méthode. Enfin, la dernière (carte 4) ne constitue pas, à proprement parler, un périmètre pour la Cette relation appelle quelques réflexions. protection du Mont-Blanc, mais fait état des communes adhérant à l'"Espace Mont-Blanc", Sur un sujet aussi essentiel que la définition du qui se donne pour but de « fédérer l'ensemble des territoire, l'instruction des ministres en 1992 n'a communes [...] autour d'objectifs communs et de produit un début d'effet que 6 ans plus tard et programmes d'actions et de gestion cohérents à on n'en est qu'à la méthode. l'échelle du périmètre couvert par la démarche transfrontalière »1. Parmi les bonnes ou mauvaises raisons qui L'Espace Mont-Blanc peut être considéré à la expliquent ce déficit d'activité, on peut invoquer : fois comme un territoire (pas vraiment délimité - Les retards apportés à la mise en œuvre d'un à ce jour mais correspondant à une certaine SIG (système d'information géographique)sur la cohérence géographique et humaine) et un zone, outil considéré comme nécessaire.

1 in "Charte de l'Espace Mont-Blanc », juin 1997

Mountain Wilderness France 27 - La répugnance des scientifiques à se Pour l'avenir, c'est sur ce dossier que les Etats coordonner et à prendre parti sur des données doivent se positionner avec la plus grande forcément partielles et toujours à actualiser. fermeté, les obstacles objectifs étant à présent - Le retard apporté au conventionnement avec surmontés. Dans le délai d'un an, soit fin 1999 les scientifiques lié aux méandres de la gestion doivent ainsi être établies et discutées par les financière. partenaires (selon la méthodologie présentée le - La réticence des politiques à s'engager dans 31 juillet 1997) une démarche dont ils craignent les - la double cartographie des situations de implications et les conséquences. valeurs et des situations critiques ; - l'analyse et la mise en évidence des Des dynamiques fortes sont à l'œuvre qui problématiques à résoudre secteur par secteur. conduisent les partenaires à des solutions logiques tant sur le contenu du projet que sur On peut suggèrer qu'après 6 années de gloses et les formes institutionnelles ; mais l'habileté d'atermoiements locaux, les Etats conditionnent manœuvrière de certains peut encore faire la suite des financements à l'EMB à perdre beaucoup de temps. l'accomplissement de cette tâche fondatrice.

Mountain Wilderness France 28 Tableau 4 : Critères de zonage proposés par le CIAPM

Type de critères N° Dénomination Commentaires

Découpage en “carrés” (A1, A2, B1, B2…), 1 Situation facilement identifiables Paysagers 2 Panorama seul Chaîne du Mont-Blanc vue de la gare du Brévent : panorama exceptionnel méritant sans doute un 3

Chaîne du Mont-Blanc vue de la gare du Ensemble panorama et Brévent : panorama exceptionnel mais “ 3 lieu d'observation affaibli ” par la présence de la gare. Ne vaut plus 3 mais 2 ou 1.

Zones humides de Carlaveyron 3, mais 4 Flore/Végétation sommet du Mont-Blanc 0 !

Présence permanente ou saisonnière, ou 5 Faune Naturels passage d’animaux sauvages, sinon 0.

Caractère remarquable : 2 ou 3 pour la 6 Morphologie/Géologie chute de séracs du glacier du Tour mais 0 pour Chamonix Villes et villages, bâtiments isolés, routes et voies ferrées, aménagements 7 Bâti/Equipements hydroélectriques et retenues artificielles, remontées mécaniques, lignes electriques…

Bâtiments d’intérêt architectural (hôtels du début du siècle, églises…) ou paysages 8 Valeur culturelle façonnés par les activités agricoles, Anthropiques sylvicoles ou pastorales.

Forte pour les zones urbaines ou industrielles (3 pour l’usine de Chedde), 9 Utilisation faible pour les zones d’élevage extensif (1), nulle pour certains “déserts”.

Forte au sommet du Mont-Blanc ou dans 10 Fréquentation la vallée blanche, ou sur les grands axes routiers.

Fort lorsque une mesure de protection “ évidente ” permettrait de redonner son cachet au site : 3 pour la Vallée Blanche 11 Besoin de réhabilitation pour signaler l’importance du démontage de la télécabine…mais 0 pour Chamonix sud où il y aurait trop à faire. Mesures de protection Absence de protection réglementaire : 0 1, protection faible (type “site classé” ou arrêtés de biotope pour la France) ; 12 Protection de l'espace 2 ou 3, réserve naturelle ou Parc national (réserver le 2 aux protections fortes mais mal appliquées).

Mountain Wilderness France 29 Carte 2 : Proposition de zonage pour un Parc international du Mont-Blanc -partie française-

SUISSE

Mont-blanc

ITALIE

Frontière Limite départementale

Limite communale

Espace déjà protégé

Zone centrale proposée

Protection existante non incluse dans la zone centrale proposée

Source : J.P.Camel, Etude d'un projet de Parc national du Mont-Blanc, août 1990

Mountain Wilderness France 30 Carte 3 : Proposition de zonage du CIAPM pour la protection internationale du Mont-Blanc

SUISSE

FRANCE

Mont-blanc

ITALIE

Parco Nazionale Gran Paradiso

Parc National de la Vanoise Frontière Limite départementale

Limite communale Surface de protection proposée

Mountain Wilderness France 31 Carte 4 : Périmètre de l'espace Mont-Blanc, limites administratives des communes

Val D'illier

Mex Morzine Champéry Les Gêts Evionnaz Vernayaz Verchaix Salvan Martigny La Rivière Samoens Enverse Bovernier Martigny Finhaut St-Sigismond Morillon Combe Sembrancher Vollèges Sixt-fer-à-cheval

Nancy sur Trient Araches Vallorcine Cluses

Magland

Orsières Liddes

Sallanches Passy Servoz

Chamonix-Mont-blanc Domancy Cordon Combloux Les Houches Bourg-St-Pierre

La Giettaz Demi-quartier Saint-Gervais Mont-blanc Praz sur St-Rhémy-en-Bosses Arly Megève Courmayeur Les Contamines-Montjoie

Pré-St-Didier Hauteluce Villard Morgex sur Avise Doron La Salle La Thuile Beaufort Bourg-St-Maurice

Seez

Montvalezan

La Rosière

Villaroger

Frontière Limite départementale

Limite communale Périmètre de l'Espace Mont-Blanc

Mountain Wilderness France 32 Historique des projets de protection et d'aménagements de la région du Mont-Blanc

Mountain Wilderness France 33 1. Historique du projet de protection de la région du Mont-Blanc

Les actions, décisions et créations de structures 1988 qui ont fait évoluer le dossier de protection du massif 17 août : manifestation à la . 1951 Pour le démontage de la télécabine de la Vallée Blanche, qui porte gravement atteinte au caractère sauvage et grandiose de cette partie 14 juin : Première protection du massif : arrêté du massif du Mont-Blanc. ministériel classant le site à plus de 2000 m et les et Alessandro Gogna langues terminales glaciaires. occupent un pylône de la télécabine pendant deux heures et y accrochent une banderole en 1986 signe de protestation. Côté franco-suisse, , François Labande et Michel Piola participent à cette manifestation. Fête du bicentenaire de la première ascension du Mont-Blanc. Le Club alpin académique O c t o b r e : S’appuyant sur les propositions faites italien (CAAI) et des alpinistes célèbres comme au congrès inaugural de MW-France à Evian, Reinhold Messner et Patrick Gabarrou exigent les ministres de l’environnement français, une protection accrue du Mont-Blanc. italien et suisse apportent leur soutien à l’idée d’un « Parc international du Mont-Blanc » par la 1987 déclaration de Locarno.

1989 Création du mouvement MOUNTAIN WILDERNESS. Au cours du premier congrès international de 23 avril : manifestation à Val Thorens pour Mountain Wilderness, le projet d’un « Parc défendre le glacier de Chavrière et le Parc international du Mont-Blanc » est lancé à Biella national de la Vanoise. (Italie). 30 juin : visite à Chamonix de M. Letourneux, 23 septembre : classement au titre des sites du directeur de la DPN (Direction de la protection balcon de Carlaveyron. de la nature), venu annoncer la mise en place

Mountain Wilderness France 34 d’un Comité de pilotage chargé d’étudier internationale des associations sur l’avenir de la l’opportunité de la création d’un « Parc national région du Mont-Blanc ». Les associations ou international du Mont-Blanc », à la demande décident de créer le CIAPM (Comité du Conseil Général de Haute-Savoie. internationales des associations pour la protection du Mont-Blanc). Le Ministre français de l’environnement lance une étude dans la perspective d’un Parc Campagne de cartes postales et signatures en national du Mont-Blanc « à vocation faveur du projet de Parc international du Mont- internationale ». Blanc. 14 000 signatures. Cette étude est confiée à J.P. Camel, qui travaillera en étroite collaboration avec MW- Création de la « Conférence transfrontalière France, et rendra son rapport remarquable un pour l’Espace Mont-Blanc » (CTMB), composée an plus tard. des cinq représentants de l'Etat et des Les élus locaux, maire de Chamonix en tête, collectivités par pays et ne prévoyant l’accueil s’opposent au concept de Parc national qualifié d’aucune association. de « réserve d'indiens imposée par Rome, Berne et Paris »et proposent un projet d’« Espace 25-26 octobre : L’État souhaitant que rien ne soit Mont-Blanc », à élaborer avec les élus locaux imposé aux élus, leur laisse le dossier. Les trois des trois régions concernées (Val d’Aoste, ministres de l’environnement soulignent à Vallée de l’Arve et Valais). Champéry leur appui à la protection du Mont- Blanc. 16 août : manifestation de MW-Farnce dans la vallée blanche. Une cordée symbolique de 300 1992 personnes (menée par Fausto De Stefani, côté italien, et François Labande, côté français) avec R. Messner, P. Gabarrou, vient former sur la Manifestation de MW-Italie à l’aiguille de neige, au cœur du massif les lettres : POUR LE Trélatête pour demander le démontage d’un PARC. relais radio inutilisé.

17 août : débat public à Chamonix devant 200 17 septembre : Décret créant la réserve naturelle personnes et première confrontation sur le du Vallon de Berard (540 hectares sur la thème de la protection du Mont-Blanc entre le commune de Vallorcine). secrétaire général de MW-France et le maire de Chamonix. 31 octobre : Les ministres demandent à la CTMB d’engager l’étude de faisabilité et de lancer des 1990 projets pilotes dans le délai d’un an portant sur : une stratégie commune pour les transports internationaux privilégiant le ferroutage O c t o b r e : Jean Paul Camel rend son étude au compatible avec la protection de Ministère de l’Environnement. l’environnement ; la promotion du tourisme extensif doux ; la revitalisation des pâturages à Les trois ministres de l’environnement (français, l’appui de l’agriculture de montagne et enfin, la italien et suisse) décident d’accorder un an aux réalisation d’actions communes pour la communes concernées pour procéder à des sauvegarde des milieux sensibles. préétudes locales et régionales. L’« Espace Mont-Blanc » est présenté par les communes. 1993

1991 Des membres actifs de MW-France, Suisse et Italie gravissent par ses trois versants le Mont 9 mars : parution au journal officiel du décret de Dolent (3820 m) pour la protection du massif, classement en réserve naturelle du plateau de lieu symbolique de rencontre des trois Carlaveyron (603 hectares). frontières.

8 juin : déclaration d’Evian sur la « Réflexion 20-21 novembre : définition par les ministres de

Mountain Wilderness France 35 trois zones-test pour l’application du cadre de Rassemblement sur le glacier du Géant (I) référence : montagne de Balme (France-Suisse), contre le ski d’été dans le massif du Mont-Blanc (Suisse-Italie) et cols de la Seigne et par MW-Italie. du Bonhomme (Italie-France). 1996 1994

Les trois ministères de l’environnement La CTMB fonde quatre comités chargés des décident en février, à Paris, de faire en commun milieux sensibles (zones à protéger), du un nouveau pas pour la protection du Mont- tourisme doux, de l’agriculture de montagne et Blanc. des transports. Ces thèmes correspondent à ceux traités par la Convention alpine à l’échelle Sous le patronage du CIAPM (Comité de la chaîne entière. international des associations pour la Environ 30 membres de MW gravissent le protection du Mont-Blanc), MW-International Mont-Blanc par le versant italien, pour le Parc organise du 24 juillet au 3 août un tour pédestre international. du massif (EN MARCHE POUR LA PROTECTION DU MONT-BLANC), 30 décembre : arrêté UTN du préfet de région sur accompagné de campagnes d’information dans l’extension du domaine skiable du Brévent et de les lieux de passage. la Flégère. La solution du télésiege col Cornu- Un « Manifeste international pour la protection col de la Glière n’est pas autorisée en raison de du Mont-Blanc » est signé par une cinquantaine son impact trop fort sur les espaces protégés de de personnalités du monde culturel, la réserve naturelle des Aiguilles rouges. économique et politique. La ville de Genève le signe. 1995 Les ministres de l’environnement suisse et français demandent que les associations de 18 janvier : autorisation d’installation du protection soient intégrées dans les comités de télésiege dit « de la Tête de Balme », avec travail de la Conférence transfrontalière. Cette prescriptions strictes pour l’exécution des demande exprimée par Mesdames Dreifus et travaux et mesures compensatoires. La Lepage et adressée par courrier au CIAPM, construction du télésiege des Posettes n’est pas reste inappliquée aujourd’hui. autorisée. 1997 Ebauche d’un texte de base de la part de la CTMB sous le nom de : Projet de texte fondateur pour l’Espace Mont-Blanc. Ce projet Tour de la Vallée blanche et ascension du mont- consolide la maîtrise du processus par les Blanc avec des participants internationaux et de collectivités, évacue la participation des cinq membres du parlement italien : Francesco associations et marginalise même les Etats. Bortolotto, Fausto Giovanelli, Roberto Castelli, Jan Gawronski et Carlo Stelluti. Recours du WWF (World wildlife fund) valaisan contre le projet de remontée mécanique L’« International declaration for the Mont- du Châtelard (commune de Finhaut, VS) sur la Blanc» est remise aux ministères de tête de Balme. Une étude est commandé à ce l’environnement français, italien et suisse. sujet par le WWF, et sera achevée à la mi-juillet 1996. 15 juin : « Etats généraux de la pollution » organisé par la Fédération européenne Mont- A Chamonix, comme dans le Valais, un certain Blanc (FEMB) réunissant la majorité des nombre de personnalités politiques locales associations locales de défense de signalent que le massif est suffisamment l’environnement de la vallée de l’Arve, du val protégé et aurait avant tout besoin d’Aoste et du Valais. d’aménagements supplémentaires.

Mountain Wilderness France 36 Création d’un groupe de travail « montagne », à 3 décembre : Décret portant classement du site l’initiative de l’UICN (Union internationale formé par le désert de Platé, les aiguilles de pour la conservation de la nature), en Warens et la montagne de Veran sur le territoire représentation conjointe de l’Etat (Ministères de des communes de Magland, Passy et Sallanches. l’environnement, des Affaires étrangères, Parc nationaux) et des associations (dont Mountain 22 décembre : L'office fédéral Suisse de Wilderness) afin d’examiner la situation du l'environnement, des forêts et du paysage massif du Mont-Blanc. demande par courrier la participation d'un Le ministère de l’environnement veut réinvestir représentant d'une ONG de protection de la sa place, délaissée depuis 1991. nature et du paysage suisse, à la prochaine réunion de la Conférence transfrontalière Mont- 1998 Blanc de fin mars 1999 (avec copie du courrier au vice-président suisse de la CTMB). août : Lancement par Mountain Wilderness de la 1999 campagne MONT-BLANC 2000. Tour pédestre, organisation d’une table ronde à Orsières, de deux conférences de presse à Courmayeur et 26 janvier 1999 : Le syndicat Intercommunal Chamonix et ascension du Mont-Blanc par des "Espace Nature Mont-Blanc" invite également parlementaires des trois pays. un représentant français des milieux associatifs à cette prochaine réunion de la Conférence 26 septembre : création statutaire de la Fédération transfrontalière. d’associations pour la sauvegarde de l’environnement et de la qualité de la vie autour 30 mars 1999 : Le CIAPM (Comité international du Mont-Blanc. Elle regroupe 11 associations de pour la protection du Mont-Blanc) participe en la vallée de l’Arve, du val d’Aoste et du Valais. tant qu'observateur, pour la première fois, à une réunion de la CTMB à Leytron en Valais. 28 novembre : refondation du CIAPM. Création d'un bureau exécutif où sont représentés les Cet historique est complété par un dossier de presse. trois pays de la région du Mont-Blanc. Vote d'un plan d'action. Le CIAPM regroupe aujourd'hui 15 associations.

Mountain Wilderness France 37 2. Projets d'aménagements

Nous présentons ici les principaux projets et de la Pendant de Tabé et de Roujon, 1987. réalisations d’aménagements sur les sites Réhabilitation de la plate-forme de Lognan protégés du massif du Mont-Blanc depuis la fin (gare téléphérique, restaurant, locaux des années 1980. Nous avons essentiellement techniques). recensé les projets d'équipements lourds en Remplacement du télésiège de Bochard par une zone de montagne. Mais ce massif a inspiré de télécabine, travaux de piste (Combe de la nombreux autres projets parfois « délirants » Pendant), 1997. (un artiste souhaitait par exemple peindre le Il faut également signaler ici que la commune Mont-Blanc en rouge !) ou grandioses de Chamonix a obtenu du ministère de (aménagements lourds d'accès au sommet). l'équipement chargé des sites, la désignation d'un inspecteur général, interlocuteur direct, qui « court-circuite » ainsi les services départementaux.

En France Brévent-Flégère

Piste de ski de Charlanon 1990. Vallorcine 1997, Téléphérique de liaison Brévent-Flégère. La société qui exploite la Flégère est désormais En 1985, travaux dans le tunnel de Vallorcine sous le contrôle de la société du Montenvers. Un pour le rendre compatible au trafic programme de modernisation est prévu. routier et ferroviaire. Remplacement du téléphérique du Brévent en Route forestière et piste de ski 1993. 1998. Extension de la réserve naturelle dans le vallon Modifications à l’arrivée du col Cornu en 1998 de Bérard. également. Deux téléskis, Balme et Posette 1990-91. Remplacement de l’ancienne remontée par un Montenvers télésiège (télésiège des Autanes) Travaux effectués sur les chalets de Charamillon Travaux de réfection de la plate-forme (hôtel) en (fruitière, gîte, restaurant). 1988. Piste de ski et télésiège à la Tête de Balme 1998 Paravalanches en 1990 pour sécuriser le trajet (projet qui figurait dans l’U.T.N. de 1992). du train du Montenvers. Il sera probablement nécessaire à l’avenir de Grands Montets rénover le téléphérique d’accès à la (débit insuffisant). Réalisation de quatre télésièges de Plan Joran,

Mountain Wilderness France 38 Aiguille du Midi l’enneigement artificiel qui risque de proliférer sur la plupart des grandes stations du massif du Démontage de la remontée mécanique de la Fis Mont-Blanc : Grands Montets, Les Houches... en 1985. Réfection du téléphérique 1990-1991 pour augmentation d’un tiers de son débit. En Italie Construction de l’hôtel des Cosmiques propriété de la Compagnie des guides de Chamonix en 1991. La station de Courmayeur a des projets Changement des cabines de la liaison Aiguille d’extension en direction de Pré-Saint-Didier et du Midi - Helbronner en 1997. de La Thuile Se pose, l’été, le problème du téléski démontable de Torino. Paravalanche de Taconnaz en 1992-1993 (20ha). En Suisse Réfection du refuge du Goûter en 1992.

Prarion Quelques projets d’aménagements (Source : CEAT, étude “Vers un Espace Mont-Blanc ?” 1990). 1994-1995 : deux télésièges ont été construits avec dans les gares amont, d'où impact visuel Bovernier fort des bâtiments et une soufflerie qu’il conviendrait de réhabiliter. Grand projet de paravalanches sur (opposition du WWF en suspens). Contamines Projet d’exploitation des sources chaudes.

Après l'extension du domaine skiable au milieu Finhaut des années 1980 (télésiège de Bûche croisée), refuge des Conscrits en 1997 (procédure au titre Domaine skiable de la Tête de Balme (250 000 de site classé de la réserve naturelle, mais non- FS de participation communale sur un total de respect de la procédure U.T.N.). 10 000 000 FS) - contentieux en cours -. Liaison routière Salvan-Finhaut (58 millions de Saint Gervais FS).

La modernisation et l'extension du domaine Evionnaz skiable au milieu des années 1980 a fait l'objet d'un plan pluriannuel de développement Etanchéification du lac de Salanfe. touristique et de réalisations diverses (télésiège Projet d’extension du domaine skiable des des Chattrix) mais la prescription formelle en Marécottes par le col de la Golette, sur la 1985 de classement au titre des sites de cuvette de Salanfe, mais n’est pas une priorité. Bionnassay et de Miage n'a pas été exécutée par l'Etat. Martigny

Sallanches Existence d’un comité international pour le percement d’un tunnel ferroviaire Aoste- Burzier. Le domaine skiable mis en service en Martigny. 1986 a été fermé et les pylônes n’ont pas été démontés. Martigny-Combe

Projet d’accès mécanisé (téléphérique/télésiège) Dans le domaine de l’urbanisme, il n’y a pas eu à Bovine, avec réalisation d’un domaine skiable. de grandes réalisations. Les projets du Châtelet Projet de domaine skiable sur Arpille. à Saint Gervais et de Vallorcine, n’ont pas été Développement du tourisme familial à Ravoire réalisés. (relève de la Société de développement de Il faut toutefois se poser la question de Ravoire).

Mountain Wilderness France 39 Orsières Conclusion

Extension du télésiège d’Arpalle (- Barfay). Nombreuses sont les propositions : extension possible du domaine d'aménagements émanant d'acteurs « étrangers skiable. » au massif. La renommée internationale de Liaison avec les mayens de Brusson (télésièges). celui-ci attire en effet de nombreux Combe de l’A : l’extension des domaines entrepreneurs mais, sans gestion globale de ce skiables est peu probable (coût trop élevé). territoire, les perceptions globales et de long Un héliport fonctionne, “à titre d’essai”, du coté terme font défaut. En matière de protection, la de Som-la-Proz. gestion des territoires n'est pas toujours très compréhensible en raison de la diversité des Salvan échelles de compétences (Etat, commune, canton…). Le tunnel Salvan - Finhaut. Ainsi il n'est pas toujours facile de déterminer les autorités compétentes selon le lieu retenu Sembrancher pour un projet. Cela a déjà valu quelques déboires aux acteurs non compétents ayant Héliport. délivré des autorisations pour la réalisation de projets (voir dossier de presse « l'affaire des Val d’Illiez cristalliers » par exemple). En l'état actuel il est même difficile de faire un état des lieux complet Idée d’un métro à l’intérieur des Dents-du-Midi, sur un territoire où compétences et utilisations pour accéder au(x) sommet(s). s'enchevêtrent de cette manière.

Mountain Wilderness France 40 2eme partie

Enjeux et acteurs en présence

Mountain Wilderness France 41 Introduction

En région de montagne il n'est pas rare vers un développement durable. Les acteurs en d'observer une dichotomie des enjeux entre les présence témoignent de la réalité humaine de vallées et les territoires d'altitude. La région du ces liens potentiellement conflictuels qui Mont-Blanc a subi cette évolution de manière doivent néanmoins devenir enrichissant pour importante. Elle est, en effet, «située au carrefour une gestion commune d'un espace où les enjeux de grands axes transalpins qui lui donnent une sont importants. position charnière dans un contexte frontalier. Ces «Les relations complexes entre les experts des principaux axes sont le sillon alpin, le Valais Suisse associations (CIPRA, MW, Club alpin…) et les et surtout la vallée de l’Arve et, en continuité avec pouvoirs politiques montrent les nouvelles pratiques celle-ci, la vallée d’Aoste, énormes axes de transit de qui se développent dans l'Arc alpin et au niveau flux commerciaux et touristiques autour desquels européen. N'assiste-t-on pas à la naissance d'une tournent les enjeux fondamentaux de la scène politique nouvelle permettant la structuration du Mont-Blanc»1. confrontation des différentes perceptions de l'espace alpin ? Cette scène fonctionne comme un l i e u Le schéma d'échanges de culture et de d'apprentissage institutionnel entre de marchandises existant entre les communautés multiples acteurs, avec l'apparition d'un langage montagnardes en a été modifié. Les axes commun et des règles de coexistence».2 d'échanges internationaux se sont concentrés en vallée et ont engendré un nouveau Afin d'aborder le plus complètement possible développement économique. Les zones cette seconde partie nous présenterons dans un d'altitude ont été petit à petit cloisonnées et la premier temps les trois grands domaines à forts désertification les a parfois touché. A ce stade, il enjeux économiques et sociaux que sont devient nécessaire de trouver les synergies entre l'agriculture, les transports et le tourisme. ces territoires totalement interdépendants en Ensuite, nous tâcherons de dresser une liste matière de développement et de protection. aussi exhaustive que possible des acteurs en Ainsi le tourisme, les transports et l'agriculture présence, révelant la richesse des opinions et ont des rapports et des répercussions étroits des préoccupations mais aussi la compléxité entre eux. La gestion de cet espace doit prendre d'une entente cordiale. en compte toutes ces synergies pour s'engager

1 Benoît DUCOS CEMAGREF “Le Mont-Blanc dans l’Europe” page 155 in Dossier de la Revue de géographie alpine n°14 (1994). 2 page 19 in Revue de la Géographie alpine, supplément au numéro 4/1996 "Forum Alpin'96"

Mountain Wilderness France 42 Espace d'enjeux actuels

Mountain Wilderness France 43 1. L'agriculture et la sylviculture

L'agriculture de montagne est très fragile valeurs culturelles traditionnelles. Ces valeurs économiquement. Cependant, son maintien, sa jouent un rôle essentiel dans le développement pérennisation, est capitale pour l'avenir des rural. En effet d'après une enquête de Claude territoires concernés. Au delà de son role Duverney1, un certain nombre d'éléments de ces économique, l'agriculture de montagne remplit valeurs sont «à la base de la culture agricole de la en effet, de multiples fonctions Vallée d'Aoste, à savoir : amour du bétail et de la environnementales, sociales et culturelles. campagne, conservation du patrimoine (familial), Cette réalité oblige donc à imaginer de amour du travail, liberté et absence de stress dans le nouveaux systèmes pour qu'indépendamment travail, qualité du produit (satisfaction), sentiment d'une rentabilité entendue au sens économique d'identité, et le renforcement de l'unité familial(…) classique, l'agriculture de montagne puisse On peut conclure que, même si le soutien légal et survivre. financier de la Région a joué un rôle essentiel, le choix de l'agriculture dans les zones montagneuses et difficiles ne peut s'expliquer sans le désir de maintenir toutes ces valeurs culturelles profondément inscrites dans le monde agricole.». Agriculture, gestion du paysage rural et JP Camel ajoute à ce sujet dans l’Etude de projet pluriactivité de Parc national du Mont-Blanc que «Toutes les communes ressentent la nécessité d’une action Jusqu’au début du siècle, les populations locales vigoureuse en faveur de l’agriculture. L’image de montagnardes ont subsisté principalement l’agriculteur - jardinier de l’espace naturel est grâce à l’agriculture. Elles ont ainsi façonné et évidemment souvent utilisée, mais il y a encore géré des surfaces cultivées et paturées en parmi certains habitants, attachés à leur terroir, un limitant le développement naturel des espaces sentiment beaucoup plus profond vis à vis de forestiers. Elles ont été les garants de la l’agriculture et de l’élevage, considérés comme pérennisation de milieux ouverts, contribuant à faisant partie de leur héritage culturel» la présence d’espèces spécifiques de ce type Claude Duverney reprend alors : «Trop souvent d’habitat. Ce paysage humanisé et artificiel ces valeurs n'ont pas été prises en considération dans permettait de gérer durablement les ressources l'économie rurale et montagnarde. Par conséquent il naturelles et de maintenir la présence de est urgent de récupérer et soutenir ces valeurs, en multiples et divers écosystèmes. particulier au niveau de la formation, pour éviter L'agriculture est également à l'origine de une fuite et un abandon plus graves pour la

1 page 32 in Revue de la Géographie alpine, supplément au numéro 4/1996 "Forum Alpin'96"

Mountain Wilderness France 44 conservation du milieu montagnard ». de cet espace. Cette possibilité doit être Voilà une action précise qu'une structure de envisagée, bien entendu, avec des protection et de développement durable de la compensations financières (aide à l'emploi, par région pourrait prendre en main ou favoriser. exemple) aux communes concernées par ce On peut imaginer la mise en place de problème spécifique. Ceci lorsque l'entretien ne compléments aux formations classiques peut plus être assumé par des agriculteurs en existantes des jeunes désirant s'installer en voie de raréfaction, ou dans une solution montagne. d'attente d'installation sur les exploitations de la En outre, l’arrivée de nouvelle population post- commune. D'autres formules, plus urbaine plus dynamique peut modifier la opérationnelles sur le long terme sont à représentation productiviste du développement rechercher, comme l'aide à l'installation ou à la acquise par les anciens élus. Il s’agit de les poursuite de l'exploitation, une valorisation convaincre, tout comme la population et les marketing des produits agricoles (labels), et communes voisines. Il s’agirait ensuite, pour le comme nous l'avons mentionné plus haut, la gestionaire de protection de la région de trouver transmission des valeurs rurales. une nouvelle identité montagnarde fédératrice.

L'évolution économique a été défavorable aux Pluriactivité ou développement pluriel 1 systèmes agricoles de montagne. Ils ne permettent plus aujourd’hui aux agriculteurs de Innovations, pluriactivités, le milieu vivre correctement de leurs exploitations ni montagnard est riche d’exemples qui méritent d’assurer convenablement la gestion des d’être développés et d’inspirer un type de surfaces agricoles. Cette situation induit une développement pluriel. Aurait-on tourné la diminution et une intensification des page du schéma de développement montagnard exploitations provoquant parallèllement des basé sur le “tout ski” ? Les habitants prennent problèmes de surexploitation (dans les zones l’initiative : les pouvoirs publics et les politiques favorisées) et d’abandon des terres (dans les suivront-ils, donneront-ils les moyens suffisants zones défavorisées). La mosaïque de parcelles au développement de cette économie nouvelle utilisée habituellement en zone de montagne à génération ? Centralisation des informations sur des périodes échelonnées (pâtures estivales) ou les aides, sur les expériences viables, formations à des fins différentes (cultures, pâtures de aux exploitants pourraient être des tâches qui proximité pour vaches allaitantes, pâtures plus incomberaient à l’organisme gestionnaire de la éloignées de l'exploitation et plus accidentées région du Mont-Blanc. pour les génisses, par exemple) tend à En effet, même si le nombre des exploitations s'amoindrir. Seuls les terrains plats, bien agricoles est en baisse, le nombre exposés continuent à être exploités (mais ils d’exploitations en montagne est souvent plus sont très convoités pour d'autres usages). Les important qu’en plaine. Ce sont des conséquences sont le développement des friches exploitations nouvelles basées sur une culture qui rendent incultes les terres. Le milieu se marginale et résolument innovantes. Les referme ce qui nuit évidemment à la qualité des exploitations reposent sur la pluriactivité afin habitats, tant en terme écologique que paysager, de rendre leurs activités viables et pérennes. à la biodiversité et engendre des risques Finalement le métier se transforme. En plus de naturels. la simple exploitation des produits, les agriculteurs deviennent des commerciaux tout Dans certaines zones où l'agriculture est en améliorant l’accueil de la clientèle. menacée de disparition, les agents communaux Ainsi, même la formation doit se transformer. peuvent prendre la relève de la gestion 18 % à 60 % des agriculteurs, selon les régions, paysagère. Voici encore une fonction qui combinent les activités. (En Suisse, en altitude, pourrait être dévolue à un organe de protection les exploitants effectuent le travail agricole en

1 d’après une conférence de Françoise Gerbaux, enseignate - chercheur au Centre de Recherche sur la Politique, l’Administration, la ville et le Territoire (CERAT). Cette conférence a eu lieu le 22 mai 1997 dans le cadre d’un cycle organisé par Mountain Wilderness sur le thème “La Montagne à vivre” à Grenoble.

Mountain Wilderness France 45 plus d’une activité salariée dans une entreprise l’UE). En effet, du seul point de vue de la locale ou en plaine.) production agricole, nous n’avons pas besoin Cette grande diversité engendre des problèmes des agriculteurs de montagne. La nécessité de d’aide publique et notamment d’aide de l’Union défendre cette activité est pourtant évidente tant Européenne (UE). son impact est fort en terme paysager, La montagne est beaucoup plus innovante que écologique ou socio-culturel. Là encore, un le reste du pays, et de plus en plus de jeunes organisme gestionnaire pour la protection du urbains tentent de s’y installer. Ils ont par Mont-Blanc pourrait initier, du moins en conséquent tout à apprendre. France, des Contrats globaux de développement Malheureusement, de plus en plus en s’appuyant sur les exploitants et mettant en d’installations se créent sans aides alors que ces avant, par exemple, la qualité des produits. Il dernières existent. Les jeunes agriculteurs n’y pourrait également être le fédérateur des font pas appel. Pourtant la région Rhône - différents outils existants sur les trois pays, afin Alpes, par exemple, a une structure d’aides aux de les utiliser au mieux et dans un objectif de exploitations rurales innovante. L’objectif est de développement durable. trouver une activité tout au long de l’année. Cette pluriactivité entraîne un grand élan d’imagination et d’innovation qui dynamise le Remarque : la désertification en question, des monde rural. solutions Par ailleurs, les zones 5B, qui sont des zones prioritaires à préserver en terme de population Plus largement, d’autres activités économiques, selon l’UE, attisent les polémiques. le télétravail par exemple, peuvent être un Selectionnées sur des critères socio- moyen de maintenir les populations en économiques (zone fragile, en difficulté), l’UE montagne. La désertification devient, en effet, les a créées dans toute l’Europe afin de par endroit un problème crucial. C’est le cas sur promouvoir un développement territorial la commune de Finhaut (VS) notamment équilibré. Cependant, ces zones ne concernent (pourtant riche des redevances liées à l'hydro pas les sites des grandes stations , ce qui a électrique). généré le conflit actuel. Concernant ce problème de désertification, on Par ailleurs, les communes de montagne constate en France que dans les zones rurales françaises ont beaucoup de responsabilités mais (montagnardes ou non), 65 % des épiceries ne très peu de ressources contrairement à l’Italie et trouveront pas de relève. (note bas de page : surtout la Suisse. Ce fait ne contribue pas à d’après une conférence dans le cycle “La l’amélioration de la gestion socio-économique Montagne à vivre” (voir note ci-dessus) d’Eric de ces communes. Une gestion internationale Grasset, Géographe et élu municipal chargé de du massif pourait résoudre ces problèmes en l’environnement dans la commune de Seyssins, s’appuyant sur les systèmes des pays voisins le 3 juin 1997.) efficaces. Notons que l’absence de services limite l’augmentation de l’accroissement de la Cependant la pluriactivité se heurte à des population dans une commune mais la présence limites d’ordre règlementaire. En effet, côté de services ne stoppe pas automatiquement la français, du moins, ces multiples activités ne dévitalisation. sont pas adaptées au système de protection Les reprises d’épiceries, par exemple, par des social. En effet, le système voudrait que jeunes chômeurs avec l’aide de l’Etat sont l’exploitant paye ses cotisations sociales pour difficiles (actuellement certains commerces chaque métier qu’il exerce mais ne puisse vivent grâce à la création d’emplois jeunes, recevoir de prestation que sur le métier solution viable pour une durée de cinq ans). Des principal. Absurdité qui freine la création aides au financement de projets sont accordées d’activités innovantes (bien que des avancées si l’étude démontre la viabilité du projet, mais ont été faites, et les agriculteurs payent leurs uniquement en termes économiques. Ces études cotisations au prorata de ce qu’ils gagnent). ne tiennent pas toujours compte des spécificités des commerces de montagne et encore moins Aujourd’hui, en zone de montagne française, 80 du “sens du commerce” du repreneur. % du revenu de l’agriculteur est composé de Le maintien des services de base en montagne subventions (dont 50 % par l’Etat et 50 % par dépend de la mobilisation de tous, et

Mountain Wilderness France 46 notamment de l’utilisation de ces services tant activités d’enjeux primordiaux de la région : par les habitants que par les touristes. «... le transport est, à mon avis, un problème clé du développement durable. M. de Heer 2 a dit que, finalement, le mieux serait de ne rien avoir à La production de produits à haute valeur transporter. Mais voilà qui est contraire au dogme ajoutée et la consommation des produits de du marché et du libre-échange, c’est-à-dire de la l’exploitation par les touristes division internationale du travail, à savoir le droit donné à celui qui arrive à produire au moindre coût L’activité agricole, dans l’avenir, peut trouver de transporter sa marchandise là où le coût est plus un nouveau souffle grâce aux orientations cher. On atteint ainsi le fond du problème, par actuelles des politiques agricoles européennes et rapport auquel le secteur agricole a une position très nationales qui tendent à valoriser et à inciter intéressante. En effet, nous disons : “produisons les une agriculture plus douce permettant marchandises là où elles sont consommées, évitons de l’entretien des espaces et des paysages. De les transporter d’un lieu à l’autre”. Et vous savez nouvelles missions peuvent aujourd’hui être très bien que l’agriculture a ceci de particulier attribuées aux agriculteurs. qu’elle doit produire où elle travaille. Nous ne Une redynamisation du secteur agricole aura pouvons pas déplacer nos terres pour aller produire des retombées bénéfiques pour la gestion des ailleurs à moindre coût. Et malheureusement les espaces, l’économie locale, l’identité communale coûts de production agricoles varient du simple au et l’attrait touristique. quintuple à travers le monde. Une anecdote enfin : j’ai séjourné au Portugal il y a Le label A.O.C. (Appelation d’origine trois ans pour visiter une laiterie - fromagerie. Le lait contrôlée), la culture biologique et la venait de Hollande, par camion, et le fromage (de consommation de proximité sont des atouts l’Édam) repartait en Hollande, par camion. Est-ce indéniables pour l’agriculture de montagne. Ce bien intelligent ?» modèle ne fonctionne certes pas dans toutes les situations, mais le Beaufortin et le Valais De toute évidence cette pratique motivée par la développent le secteur agricole de cette recherche de coût de production le plus faible manière. n’intègre pas tous les coûts et certainement pas les valeurs environnementales qui souffrent de La production de biens par l'agriculture de ces pratiques encore trop répandues dans les montagne doit bénéficier d'incitations quelles circuits économiques complètement fermés aux soient financières ou d'aide à la valorisation des répercussions externes aussi bien produits. En effet, la production d'une environnementales que sociales (accidents dus marchandise entraînant la conservation du aux transports, par exemple). patrimoine, favorisant la biodiversité,... doit pouvoir être vendue à la hauteur du produit intrinsèque et des valeurs non marchandes qui Remarque sur la sylviculture s’y rattachent. La valeur environnementale du paysage qui donne l'aspect esthétique aux zones Dans les zones de montagne difficiles, la gestion anthropisées est appréciée par un large public. de la forêt ne joue pas un rôle économique Les coûts relatifs à cette valeur doivent être important. En effet la matière première est supportés aussi par la collectivité. utilisée par les locaux, mais n'est pas assez rentable pour être "exportée" de la région en Willy Streckeisen, ancien directeur de la raison des difficultés d'exploitation et de la Chambre Genevoise d’Agriculture met le doigt qualité moyenne pour le bois de menuiserie. Par sur une interface entre agriculture et transport contre, la forêt devient un lieu de loisirs où se qui montre une des possibilités de gérer dessinent de nombreux sentiers pour les globalement et de façon durable les différentes randonneurs.

1 page 65 dans le débat qui a suivi son intervention : “Le développement des activités économiques dans une perspective de développement durable dans le secteur clé de l’agriculture” in Acte du Colloque des Houches (1997). 2 Monsieur Jules de Heer est directeur ECOSCAN SA et Président de la Commission Développement durable et Environnement de Sion 2006.

Mountain Wilderness France 47 Les aspects écologiques et sociaux (prévention structure des sols) correspondant aux données des risques naturels, biodiversité des de la biogéographie. La forêt non productive de essences…) commencent à être mis en valeur. Il biens matériels devra donc être traitée de façon faut aujourd'hui valoriser ces fonctions par des extensive, mais en favorisant la diversité des mesures législatives mais avant tout par une essences, le maintien de la faune d'altitude prise de conscience sociale et politique. toutes choses favorables à l'accueil et à la Le massif du Mont-Blanc présente un taux de pédagogie de l'environnement montagnard. boisement moyen de 29 %1 (la partie suisse étant Il faut donc promouvoir une gestion écologique globalement plus boisée en raisons des dans ces zones aujourd’hui peu exploitées et conditions géographiques). Cependant, ce fort savoir accepter aussi, dans certains secteurs, taux se compose majoritairement de résineux délibérement choisis, le retour à la forêt (nuisant à la biodiversité à la résistance des primaire de montagne sans aucune peuplements face aux agressions et à la interventions.

1 Source : Olivier Dutel et Gilles Favier “Espace Mont-Blanc et forêts : une approche statistique” in Dossier de la Revue de Géographie Alpine n°14 - 1994, page 149

Mountain Wilderness France 48 2. Les transports

Identification des enjeux l'Arve (Chamonix) et de la Doire Baltée (Courmayeur), mais aussi à ceux des voitures Les impacts sur l'environnement qu'entraîne particulières de touristes. l'excès de trafic routier en terme de bruit, de Elles pourraient consister de manière générale : pollution de l'air, de consommation d'espace - pour les poids lourds en transit, à les orienter sont, comme cela a été démontré et est vers un passage routier moins saturé et/ou à les désormais reconnu, notamment par les acteurs inciter à utiliser la voie ferrée (transfert modal) ; locaux concernés, aggravés en zone de - pour les voitures particulières, à proposer à montagne. leurs passagers des solutions alternatives telles A cet égard, le massif du Mont-Blanc et la que les chemins de fer et les autocars (transports région qui l'entoure qui accueillent un collectifs). important tourisme estival et hivernal et qui sont traversés par les axes routiers de transit Il apparaît par ailleurs nécessaire, en international européen nord-sud empruntant complément de ces politiques prioritaires de les tunnels du Grand Saint-Bernard et du Mont- porter une attention particulière à Blanc connaissent un taux de trafic routier l'augmentation : particulièrement élevé dont les effets portent - de la "pénétration" routière sur les versants des atteinte à la qualité de la vie de leurs habitants vallées avec la transformation croissante en et aux équilibres naturels des espaces sensibles pistes accessibles en 4x4 des chemins forestiers qui leur assurent leur renommée. et des itinéraires tracés pour atteindre les Aussi pour maintenir, voire restaurer, un installations fonctionnant l'hiver, environnement compatible avec la vocation - du trafic aérien à basse altitude, touristique de la région dont les activités qui en principalement celui des hélicoptères, avec les découlent conditionnent son développement vols destinés au transport (exploitation socio-économique, il est urgent, sans attendre forestière, constructions d'hôtels ou de l'augmentation prévue du trafic routier d'ici restaurants d'altitude, de refuges, de remontées à2010, d'engager dès maintenant, de manière mécaniques, ravitaillement) et les vols de coordonnée, à tous les niveaux, dans chacun des "découverte" touristique en plein trois pays concernés, des politiques développement (dits vols panoramiques). volontaristes visant à diminuer la circulation Ces deux phénomènes s'ajoutent ainsi aux routière dans les vallées qui donnent accès au nuisances créées par l'intensification du trafic massif et celles qui le pénètrent. routier dans les vallées en entraînant de Ces politiques devraient s'appliquer, en priorité nouveaux impacts sur le paysage, l'emprise des aux flux de trafic de poids-lourds transitant par terrains et la qualité de la vie (agressions le tunnel du Mont-Blanc et les hautes vallées de sonores) des résidents et des pratiquants de la

Mountain Wilderness France 49 moyenne et de la haute-montagne trafic pour une durée non déterminée, (randonneurs, alpinistes). d'entraîner d'importants reports de trafic vers le Tels sont les enjeux à relever, dans le domaine tunnel routier du Fréjus et dans une moindre des transports dans la région du Mont-Blanc. mesure vers le tunnel routier du Grand Saint Bernard (8 à 10 % en plus). Il nous est apparu Dans ce chapitre, après avoir rappelé la cependant qu'en raison de la proximité de situation d'ensemble qui caractérise la région et l'évènement (enquête en cours, 1er rapport celles de chacun des trois versants du massif, d'étape rendu public le 13/04/99), il était trop suisse, italien et français, nous proposerons, en tôt, d'une part pour tirer des enseignements à conclusion, des recommandations générales partir de la nouvelle situation ainsi créée quant constituant le cadre dans lequel pourraient au trafic de transit France -Italie, d'autre part s'inscrire les politiques destinées à répondre aux pour introduire dans notre étude les différentes enjeux que nous avons identifiés. hypothèses qui sont actuellement avancées sur le futur régime du tunnel et ses éventuelles conséquences lors de sa ré-ouverture (catégories Remarque de véhicules autorisées, règles de circulation...). Ce tragique accident conforte néanmoins nos L'incendie survenu le 24 mars 1999 dans le recommandations visant à mieux contrôler et à tunnel du Mont-Blanc (41 victimes, 15 PL, 9 VL limiter le trafic international de transit dans le détruits) a eu pour effet, en fermant le tunnel au massif du Mont-Blanc.

Mountain Wilderness France 50 1. Situation d'ensemble

L'existence d'un réseau routier dense et de Valais et le Val d'Aoste, pratiqués "dès lignes de chemins de fer pénétrant le massif l'antiquité" ; cette possibilité de passages a fait (Saint-Gervais-Martigny, Martigny - Le Châble- de la région une zone de communication entre Orsières) créés de longue date et améliorés au fil le Nord et le Sud de l'Europe et de contact entre des ans caractérise la région du Mont-Blanc les populations montagnardes vivant de part et dans le domaine des transports. d'autre du massif. Ces infrastructures très développées qui A ce maillage local ancien, alimenté par les irriguent l'ensemble des vallées principales et grands axes routiers et ferroviaires situés dans secondaires de la région répondent à sa double les vallées d'accès au massif (vallée du Rhône, vocation séculaire qui trouve son origine dans vallée de la Doire Baltée, vallée de l'Arve) sont sa situation géographique, qui lui permet : venus s'ajouter deux axes de trafic international - d'une part, un accès facile aux vallées avec l'ouverture des tunnels routiers du Grand secondaires à partir des vallées principales, Saint-Bernard entre l'Italie et la Suisse et du elles-mêmes largement ouvertes sur leur Mont-Blanc entre l'Italie et la France au début arrière-pays (les "verrous" qui enclavaient les des années soixante. hautes-vallées ont été "réduits" dès le début du Cette situation qui caractérise l'ensemble du siècle dernier) ; massif ne se traduit pas cependant de manière - d'autre part, des passages possibles, en dehors identique dans les trois pays, chacun d'eux de la haute période hivernale, par de nombreux présentant des différences, comme nous le cols piétons et routiers, en particulier, ceux du verrons, par rapport aux deux autres, en raison Petit Saint-Bernard entre la Savoie et le Val de la situation géographique qui lui est propre, d'Aoste et du Grand Saint-Bernard entre le de son histoire et de son organisation politique.

2. Le versant suisse

Le versant suisse du massif du Mont-Blanc est nationale et internationale reliés à l'autoroute de situé dans sa totalité dans le canton du Valais ; il la Vallée du Rhône, en évitant la traversée de bénéficie, à l'égal des autres territoires Martigny par un contournement souterrain de montagnards de la Confédération, d'un système l'agglomération : de transport complet et diversifié, - vers l'Italie (Val d'Aoste), la route passant par régulièrement entretenu et modernisé, la Vallée d'Entremont et le Tunnel de Grand véritablement "intermodal" avant la lettre. Saint Bernard (longueur 5,8 km, 3 voies, gestion Ainsi, à partir du confluent de Martigny, dans par société privée, péage, Convention entre la vallée du Rhône, un réseau de routes et de cantons de Vaud et du Valais) qui a fait l'objet voies ferrées, ces dernières les plus souvent de nombreux aménagements de sécurité et de prolongées par un service d'autocars (cars contournement des bourgs situés sur son postaux), pénètre le "versant" en empruntant les itinéraire ; vallées ; desservant les villages les plus reculés, - vers la France (Vallée de Chamonix), la route il permet la liaison par la route avec l'Italie et passant par le col routier de La Forclaz jusqu'au par la route et le rail avec la France. Châtelard (frontière). • d'autre part, la route d'accès à la super-station On notera, en particulier : de Verbier depuis la vallée de Bagnes.

- Au plan routier : - Au plan des voies ferrées, les deux lignes en • d'une part, les deux axes d'importance correspondance à Martigny à la ligne

Mountain Wilderness France 51 internationale du Simplon et qui desservent : l'instant) abandonné, une partie du financement • d'une part, pour un trafic local, la Vallée ayant été affecté à la modernisation de la ligne d'Entremont jusqu'au Châble (liaison par ferroviaire Martigny-Saint Gervais ; de même autocar, taxi, téléphérique avec Verbier) ; l'expansion de l'emprise routière dans la super- • d'autre part, pour un trafic local et station de Verbier (utilisation des chemins "international" la vallée du Trient puis, après le d'altitude pour la circulation générale, création village frontière du Châtelard la haute vallée de de parcs de stationnement en surface et l'Arve (Chamonix) jusqu'à Saint-Gervais souterrain) qui avait accompagné l'essor de la (correspondance vers Genève et/ou Annecy- station est considérée comme ayant atteint un Paris); cette dernière ligne - à crémaillère, à voie seuil limite au-delà duquel son image étroite -, inaugurée en 1906 a été récemment promotionnelle serait mise en cause. Des rénovée (infrastructures - Matériels roulants) en facilités sont enfin offertes sous des formes vue d'accroître sa rapidité et son confort ; elle diverses aux usagers empruntant les transports circule désormais sous l'appellation de "Mont- collectifs (rabais, abonnements...) par les Blanc Express". différents gestionnaires et parties intéressées (offices de tourisme, remontées mécaniques - L'offre en infrastructures de transport ne fait téléphérique Le Châble-Verbier -, chemins de donc pas défaut à la partie suisse du massif du fer, cars postaux...). Mont-Blanc. Intermodale, elle permet de Le maintien de cette situation équilibrée qui répondre de manière équilibrée aux besoins de caractérise les transports, dans le versant suisse mobilité et de transport de la population locale, du Mont-Blanc devrait donc constituer l'objectif des touristes et les transporteurs transitant par prioritaire des responsables et des acteurs le Tunnel routier du Grand Saint Bernard (peu concernés. En raison de l'atout remarquable que nombreux en raison de la limite1 des pl. à 28 T.). constitue, à cet égard, l'existence Il reste cependant que cet équilibre est fragile, le d'infrastructures et de moyens diversifiés, la rapport offre/demande (besoins) étant arrivé à réalisation de cet objectif, dans l'immédiat et sa ses limites. poursuite à court et moyen terme, devrait être En effet, comme dans le reste du massif, un fort possible à la condition qu'une réelle volonté taux d'utilisation continue de s'exercer sur ces "politique" soit marquée dans cette direction. infrastructures, notamment sur les routes de tous types (chemins forestiers, routes de desserte locale, routes principales). Or, ce Remarque : développement du trafic routier se heurte désormais non seulement aux associations de L'hypothèse d'une augmentation notable des protection (en Valais, principalement le WWF) flux de transports routiers dans le versant suisse mais aussi, dans certains cas, aux acteurs locaux du Mont-Blanc n'a pas été prise en compte ; dont les intérêts s'opposent aux projets avancés, notamment l'augmentation du trafic, pour des raisons liées à l'emprise des terrains et principalement des poids-lourds en transit, sur à l'utilisation des sols... l'axe Aoste - Tunnel Grand Saint Bernard - Martigny (soit par transfert du trafic du tunnel Aussi, bien que l'attitude générale demeure Mont-Blanc suite à l'incendie de mars 99 - encore très favorable à l'usage de la route (au fermeture temporaire ou définitive pour les sens large), une certaine évolution se fait jour poids-lourds ? - ; soit à l'horizon 2005/2015, en pour favoriser une plus grande utilisation des raison d'un échec - non probable —de la transports collectifs (lignes ferroviaires et cars nouvelle politique suisse des transports— postaux) notamment par les touristes. réapparition des 40 tonnes en cas d'un effet non Ainsi, le projet de route entre Salvan et Finhaut positif de la redevance p.l.). sur le flanc de la vallée du Trient a-t'il été (pour

1 En 1996, 39 000 pl. - 0,4 millions de tonnes (Source : Rapport "Brossier" 1998).

Mountain Wilderness France 52 3. Le versant italien

Le versant italien du Mont-Blanc appartient à la Ainsi : Région autonome du Val d'Aoste. Reflet de sa - sur l'axe principal, une véritable autoroute situation géographique l'organisation de la "souterraine", réalisée par les "Autoroutes mobilité et des transports dans ce versant valdôtaines" a été construite d'Aoste à la haute- présente une physionomie générale plus simple vallée (tunnels alternant avec de courts que celle de ses deux voisins. passages en surface) ; elle atteint actuellement En effet, à partir du "resserrement" de Pré-Saint- Pré-Saint-Didier ; le tronçon restant est en cours Didier où bifurque, vers le sud-ouest, la route de réalisation - jusqu'à l'entrée du Tunnel. menant vers la France (Savoie - Vallée de l'Isère) Lorsque ces derniers travaux auront été réalisés, par le col du Petit Saint Bernard (2188 m - fermé les véhicules en transit (poids-lourds - voitures par très fort enneigement), la haute-vallée de la particulières - autocars), dont les passagers ne Doire Baltée (Val d'Aoste) n'est parcourue que désirent pas s'arrêter à Courmayeur, par un unique axe routier, orienté sud-nord, qui traverseront le Haut Val sans y causer de aboutit au Tunnel du Mont-Blanc en direction nuisances sonores et visuelles, l'analyse des de la France (Vallée de l'Arve - Chamonix) en nuisances atmosphériques - polluant l'air - se desservant, au passage, l'agglomération de fera dans le cadre des programmes mis en Courmayeur (station touristique été-hiver) et le œuvre actuellement par la Conférence village d'Entrèves. A cet axe principal se transfrontalière Mont-Blanc (CTMB) pour raccordent les deux routes secondaires contrôler la qualité de l'air, dans ce cas celle des parcourant les vallées latérales du Val Veny rejets de la ventilation. vers l'ouest et du Val Ferret vers l'est en bordant - sur les axes secondaires, la limitation de la le versant italien du massif proprement dit ; ces circulation des voitures particulières deux routes se terminent chacune en fond de (principalement pour les non-résidents) et vallée au pied des cols piétons (franchissables l'organisation en conséquence de la mobilité en été) de la Seigne (Val Veny 2516 m, frontière (parcs de stationnement - cars navettes) est avec la France) et du Ferret (Val Ferret 2537m, menée en application d'une loi spécifique frontière avec la Suisse). édictée le 7 août 1996 qui comme l'a présentée la Le type d'infrastructures routières réalisées sur "Commission internationale pour la protection ces axes de même que les conditions de des Alpes (CIPRA)" dans son premier rapport circulation qui y sont mises en œuvre résultent sur l'État des Alpes (1998) "donne pour la de la politique des transports menée par la première fois aux communes italiennes la Région Autonome du Val d'Aoste qui cherche à compétence d'installer des péages pour assurer la mobilité des "passagers" (transit, l'utilisation des routes en dehors des villages. tourisme) et des résidents tout en préservant Elles peuvent appliquer cette loi lorsque le seuil l'environnement de la haute-vallée d'Aoste de tolérance - qui est fixé en fonction du type de (préservation des équilibres écologiques et de la route, de la disponibilité des places de parcs, de qualité de la vie) dont les sites prestigieux lui la qualité des moyens de transport alternatifs et assurent sa renommée. de la sensibilité écologique de la région Pour ce faire, cette politique se traduit par la concernée - est dépassé. Au cas où la taxe poursuite de deux objectifs : d'utilisation ne ramène pas le trafic dans les - d'une part, "absorber", sur l'axe principal, les limites tolérées, les communes peuvent prendre flux de trafic routier importants transitant par le des mesures plus restrictives, comme la Tunnel du Mont-Blanc, sans porter d'atteintes fermeture des routes. Cette loi est un pas majeures à l'environnement ; important vers une nouvelle culture de la - d'autre part, "limiter sur les axes secondaires mobilité." les déplacements des voitures particulières des touristes visitant ou séjournant dans le haut val Pour mettre en œuvre cette loi progressiste d'Aoste afin de ne pas dépasser les seuils de "dans le haut Val d'Aoste, la commune de tolérance environnementaux, identifiés pour Courmayeur a réalisé un programme très chacun de ces axes. complet, cofinancé par l'Union Européenne,

Mountain Wilderness France 53 consistant à améliorer l'utilisation des protection d'un environnement qui leur est cher, transports collectifs dans les deux vallées (Val l'ensemble des actions entreprises se signalant, à Veny - Val Ferret) à y décourager celle des cet égard, par sa cohérence. véhicules privés (routes fermées selon jours et heures) et à y favoriser l'usage des sentiers pédestres (nombreux et très bien signalés). Remarque :

Comme on le voit, les acteurs responsables de L'impact de la fermeture temporaire du Tunnel l'organisation des transports et de la mobilité du Mont-Blanc suite à l'incendie de mars 1999 dans le versant italien du Mont-Blanc se sont n'a pas été pris en compte dans notre étude sur efforcés de faire face aux problèmes qui leur le versant italien en raison de l'impossibilité de étaient posés (trafic de transit et "flux" de "valider" à ce jour les hypothèses avancées (voir touristes en automobile) avec réalisme et remarque partie introductive). détermination pour œuvrer concrètement à la

4. Le versant français

Le versant français du massif du Mont-Blanc, provenance de Genève-Annemasse. situé dans le département de la Haute-Savoie, Parmi ces infrastructures, on soulignera présente, au plan des transports, une situation l'importance : caractérisée, plus encore que dans les deux versants voisins suisse et italien, par l'existence d'une demande de mobilité particulièrement Au plan routier : forte. Celle-ci se traduit essentiellement par la circulation d'importants flux de trafic routier, - de la R.N. 205 qui depuis Le Fayet rejoint le d'origines diverses, qui s'imbriquent les uns tunnel par la haute-vallée de l'Arve et de la R.N. dans les autres : déplacements des résidents 506 qui, la continuant, à l'entrée de Chamonix permanents (13000 dans la vallée de Chamonix), (carrefour de la Vigie), rejoint au village des résidents secondaires et des touristes frontière du Châtelard la N. 115 Suisse et séjournant dans les nombreuses localités et Martigny (Valais) en passant à l'extrémité de la stations du versant, des visiteurs de la journée haute vallée de l'Arve par le (voitures particulières et autocars), des poids- (Vallorcine). Ces deux R.N. constituent l'axe lourds en transit international par le tunnel du majeur de cette partie du versant, d'où sont Mont-Blanc (en 1996 1 : 722 000 p.l., 12,6 Millions issues les routes départementales et vicinales de tonnes, 2 000 p.l./ jour), ces flux connaissent irriguant les localités secondaires situées sur ses leurs pics pendant l'été et les vacances scolaires. abords : Pour répondre à cette demande croissante, des infrastructures diversifiées desservent les deux • La R.N. 205 vallées qui bordent le massif proprement dit, au La R.N. 205, qui dessert le tunnel (route nord celle de l'Arve supérieure (Chamonix), à blanche), a les caractéristiques d'une voie l'ouest celle du Bon Nant (Saint Gervais, Les express depuis le Fayet jusqu'à son entrée dans Contamines) à partir du confluent du Fayet, la vallée de Chamonix (à hauteur du village des point d'arrivée de l'autoroute A 40 et de la ligne Houches) : viaduc des Egratz - chaussées ferroviaire Paris-Annecy-Le Fayet à laquelle se séparées - carrefours protégés - entrées et sorties raccorde à la Roche sur Foron la ligne en aménagées. Puis, elle est à trois voies jusqu'à sa

1 Source : Rapport du Conseil Général des Ponts et Chassées dit Rapport "Brossier", Mai 1998.

Mountain Wilderness France 54 bifurcation vers le tunnel au carrefour de la départementales rejoignant Megève (D909), Le vigie, enfin à deux voies jusqu'à l'entrée du Bettex et Saint Nicolas de Veroce (D43) à partir tunnel1 (à noter un dénivelé total de 700 m sur de Saint Gervais; il est particulièrement les 25 km séparant Le Fayet de l'entrée du "sollicité" en période de vacances et en été où de tunnel). La R.N. 205, qui supporte le plus fort véritables "bouchons" bloquent la circulation à trafic cumulé du versant, avec notamment celui hauteur de Saint Gervais. A ce sujet on notera des poids-lourds en transit, ne présente donc l'existence de projets successifs du Conseil pas des caractéristiques homogènes sur général (le premier datant de 1981) visant à l'ensemble de son parcours. Le tronçon dévier ce trafic, soit par une déviation longue supérieur, à trois voies, bien que faisant située à l'ouest de l'agglomération Le Fayet- actuellement l'objet d'aménagements en vue Saint Gervais, soit par une plus courte à la d'améliorer la fluidité du trafic et la sécurité hauteur de St Gervais, à ce jour aucun (carrefour de la Vigie) n'est pas "cohérent" par consensus n'a pu être dégagé entre les parties rapport au tronçon inférieur en voie express. En intéressées (autorités régionales, fait, dans la vallée de Chamonix, un choix n'a départementales, locales et associations). pas été fait entre une formule de type "Valdôtain" (voie express et/ou autoroute souterraine ou semi-entérrée) et celle de type Au plan des voies ferrées : voie aménagée sécurisée (carrefours à feux et/ou ronds-points), les vues des acteurs locaux - de la ligne Le Fayet - Chamonix - Vallorcine - (autorités et associations) restant partagées sur Le Châtelard (frontière suisse) Martigny déjà la formule à retenir : la première, malgré ses citée (voir paragraphe sur le versant suisse), avantages en terme de réduction des nuisances cette ligne parcourt 35 km en territoire français : (visuelles, sonores, de l'air) est considérée quatre gares ouvertes - nombreux points d'arrêt. comme un "appel potentiel" à davantage de En 1997, modernisation des matériels et regain trafic pouvant, de plus, affaiblir leur opposition d'activités suite à baisse des tarifs - A noter : (unanime) à la construction d'un deuxième l'utilisation en commun, par véhicules tunnel parallèle à celui existant ; la seconde, qui automobiles et trains, du tunnel des Montets offre l'avantage d'améliorer la sécurité risque lorsque le col est fermé d'entraîner des effets pervers en périodes de (enneigement/avalanches) passages à heures p o i n t e2 (ralentissements, congestion circulation, fixées - trafics séparés). augmentation des nuisances). - de la ligne du Tramway du Mont-Blanc, entre Le Fayet et le Nid d'Aigle (2372 m - départ pour • La R.N. 506 ascension Mont-Blanc) cette ligne dessert Saint- La R.N. 506 qui continue, dans la vallée, la R.N. Gervais (gare) et le plateau supérieur des 205, est à deux voies, avec peu d'aménagements Houches (col de Voza 1653 m) avec de récents, à l'exception d'une galerie couverte nombreux arrêts intermédiaires. paravalanches à la hauteur du village du Ces infrastructures routières et ferroviaires ne Lavancher, elle ne fait l'objet que d'un entretien suffisent pas cependant à "traiter" dans des au coup par coup en fonction de besoins conditions satisfaisantes par rapport à la urgents, de ce fait, elle souffre de la protection de l'environnement et à la qualité de comparaison avec son prolongement suisse à la vie et aussi, en périodes de pointe, à partir du Châtelard. l'écoulement du trafic, les importants flux de circulation routière que nous avons, à plusieurs - de la R.D. 902 qui, depuis Le Fayet suit la reprises évoqués. Leur extension ne pouvant vallée du Bon Nant jusqu'à son extrémité à être envisagée, ne serait-ce qu'en raison de Notre Dame de la Gorge. Cet axe dessert Saint l'inexistence d'emprises disponibles, Gervais et Les Contamines mais aussi les l'amélioration de la situation repose sur une nombreux hameaux situés sur les modification des conditions de la circulation

1 Tunnel "concédé" à deux sociétés, française et italienne, accès avec péage, à 2 voies, 7m. 2 Même dans l'hypothèse d'une réduction voire d'une suppression du trafic poids lourds en raison des taux élevés de trafic de voitures légères pendant ces pics.

Mountain Wilderness France 55 routière existante par une diminution du trafic 97-98, d'une carte d'hôte offrant leur libre accès international de transit (voire sa suppression)1 aux touristes et aux résidents secondaires. et une répartition modale, en faveur des Il faut néanmoins constater également transports collectifs, mieux équilibrée. l'engagement des acteurs locaux (office du Il s'avère, en effet, que la question centrale, du tourisme - Municipalité) dans des "opérations versant français, reste le trafic des poids lourds publicitaires" (les 24h sur glace par exemple à en transit international, celui-ci fait l'objet d'une Chamonix) et/ou d'aménagement (projet de la o p p o s i t i o n 2 déterminée des populations place du Mont-Blanc à Chamonix, extension du concernées —résidents permanents et parc de stationnement du téléphérique de la temporaires— et de leurs représentants — Flégère...) qui ont et auront pour effet d'attirer associations et élus locaux— en raison des davantage de "clientèle" de touristes en graves nuisances qu'ils provoquent en termes automobile. de pollution de l'air, de bruit et d'insécurité3 L'existence d'infrastructures de transport Pour autant l'impact "déstabilisant" du trafic de diversifiées dans le versant français du massif transit ne doit pas occulter les possibilités du Mont-Blanc, comme dans son versant suisse, d'amélioration que représente l'augmentation pourrait pourtant permettre aux responsables de l'utilisation des transports collectifs - locaux concernés d'engager une politique plus chemins de fer, cars-navette - par transfert d'une déterminée en faveur de l'utilisation des partie des déplacements effectués en voitures transports collectifs, ce choix qui serait, par particulières, notamment ceux des touristes ailleurs, plus cohérent avec le refus annoncé "visiteurs" (journée et/ou courts séjours). "d'accueillir" à l'avenir les poids lourds en A cet égard, l'on doit noter les progrès que transit, est le seul pouvant, non seulement, à constituent : court terme, améliorer la situation existante - d'une part, l'amélioration de la ligne mais aussi, à moyen et plus long terme, ferroviaire transfrontalière Le Fayet-Martigny répondre à leur souci de restaurer l'image de (déjà citée) en 1997 ; leurs vallées (calme et air pur de la montagne) - d'autre part, la promotion des cars navettes qui contribue à leur développement et dont ils (Chamonix bus) circulant dans la haute-vallée se veulent les promoteurs. de l'Arve, avec la création, à la saison d'hiver

5. Conclusions - Recommandations

Ainsi, les trois versants du massif du Mont- infrastructures diversifiées (intermodales). Mais Blanc présentent-ils entre eux des différences aussi, au fait, que la mobilité y est répartie de par rapport à la mobilité et aux transports, leur façon égale - une interrogation se pose situation respective à cet égard pouvant être cependant sur le maintien de cet équilibre en résumée comme suit : cas d'augmentation du trafic routier sur l'axe Aoste-Tunnel du Grand Saint-Bernard - - Le versant suisse répond de manière Martigny (voir remarque dans le paragraphe équilibrée à la demande de transport qui le sur le versant suisse). concerne grâce notamment à la qualité de ses

1 L'incendie du 24.3.99 dans le tunnel du Mont-Blanc a renforcé cette opposition. Plusieurs hypothèses sont avancées sur les conséquences de l'accident concernant le "régime" futur du Tunnel : interdiction partielle selon tonnage ou totale des pl en transit international modification des règles de circulation aux abords et dans le tunnel ? (voir remarque partie introductive). 2 idem que le précédent 3 Voir à ce sujet : - "Transports internationaux en Montagne : Sortir de l'impasse", 1997 (Livre blanc des associations). Partie I. Pages 68 - 71, où ces nuisances sont analysées et la sécurité mentionnée. - "La politique française des transports terrestres dans les Alpes" (rapport Brossier), 1998, paragraphe 2.1.10.1, page 55. La sécurité n'est pas mentionnée dans les facteurs à prendre en compte pour la capacité (saturation) du Tunnel du Mont-Blanc.

Mountain Wilderness France 56 - Le versant italien se signale par la cohérence mesure de cet enjeu et qu'ils aient la volonté de de ses choix, ayant opté, d'une part pour la le relever). solution d'autoroute, en grande partie enterrée, pour absorber le fort trafic de transit en direction et en provenance du Tunnel du Mont- Recommandations Blanc, d'autre part pour limiter (en application d'une loi exemplaire) voire interdire l'accès en I - Renforcer la coopération transfrontalière à automobile au Val Veny et au Val Ferret, tous l'intérieur du massif dans le domaine des transports. deux étant soumis à d'importants flux de touristes, notamment l'été. Les interactions entre les déplacements des On peut néanmoins se demander si ces personnes et les transports s'effectuant dans les dispositions suffiront à protéger efficacement trois versants du massif rendent nécessaire un l'agglomération Courmayeur-Entrèves en cas renforcement, dans le domaine des transports, d'augmentation de la circulation automobile, de la coopération transfrontalière existante. suite à l'achèvement de l'autoroute jusqu'au Celle-ci s'exerce principalement actuellement tunnel (effet pervers d'appel à davantage de dans le cadre de la Conférence Transfrontalière trafic, une sortie vers Courmayeur étant Mont-Blanc, la CTMB, qui réunit autour des prévue). Ministres de l'Environnement des trois pays, les élus locaux et les associations, ces dernières à - Le versant français, bien que bénéficiant titre d'observateurs, (depuis la dernière réunion d'infrastructures et de moyens diversifiés, n'a de la CTMB le 30.3.99 voir II). Dans le domaine pas encore arrêté de politique d'ensemble, des transports, la CTMB a déjà pris quelques cohérente, se fondant sur une plus grande initiatives que nous rappellerons ci-après : utilisation des transports collectifs (chemin de fer - cars/navettes) en vue de diminuer - En 1992, déclaration des trois ministres de l'excessive circulation automobile qu'il subit. l'environnement visant à définir "une stratégie L'opposition, justifiée, des acteurs locaux (élus, commune pour les transports internationaux associations) à l'encontre du trafic de poids- privilégiant le trafic combiné rail-route lourds transitant sur l'axe Tunnel du Mont- compatible avec la protection de Blanc - Saint Gervais- Le Fayet, en raison des l'environnement". nuisances qu'il produit, n'est pas "poursuivie" par la volonté de limiter également l'important - En 1993, approbation par les trois ministres de trafic de voitures légères des "touristes- l'Environnement du cadre de référence des visiteurs", celui-ci participant pourtant aussi projets pilotes dont deux points concernaient les aux nuisances dénoncées. transports : • "La charge du trafic existante était jugée Cependant, malgré les différences existant entre comme difficilement compatible avec l'intérêt les situations des versants, un trait leur est des populations locales et la sauvegarde de commun, celui de connaître un important trafic l'environnement". routier qui domine, bien qu'à des degrés divers, • "L'objectif à poursuivre était de réduire celui des autres modes de transport ; aussi, l'impact des transports et de leurs l'enjeu majeur, dans l'ensemble du massif, sera- infrastructures par la mise au point d'une t-il, en raison des nuisances provoquées par le stratégie commune privilégiant le trafic trafic routier, au minimum de le stabiliser à ses combiné rail-route au niveau international, le niveaux actuels, au mieux de le diminuer. transport collectif aux niveaux régional et local". Pour ce faire, et bien que les dispositions à prendre à cet égard soient à adapter à la - En 1997, a été commencé un programme de situation propre à chaque versant, il nous contrôle de la qualité de l'air dont les résultats apparaît utile, en conclusion de cette étude, de seront rassemblés dans un rapport présenter des recommandations, d'ordre transfrontalier, premier du genre, sur la qualité général, qui pourraient constituer le cadre dans de l'air dans la région du Mont-Blanc. Ce lequel devraient s'inscrire les actions à mener programme s'effectue en parallèle avec un par les responsables régionaux et locaux, programme des mesures de la qualité de l'air représentants de l'État central ou fédéral, élus (à (toujours en cours) dont l'objectif est de rendre condition qu'ils aient pris au préalable la pleine définitive la coordination des trois réseaux de

Mountain Wilderness France 57 mesures. participer à leurs travaux les associations en Il reste cependant que ces initiatives qui, à invitant ces dernières à assister, à titre l'exception du programme sur la pollution d'observateurs, aux réunions de la Conférence atmosphérique, se sont limitées à des Transfrontalière Mont-Blanc. déclarations d'intention, n'ont pas été suivies de Les conditions semblent donc réunies pour décisions susceptibles d'engager les trois pays, développer la collaboration entre les chacun d'eux ayant continué à mener sa propre associations et les acteurs responsables, celle-ci politique. étant rendue de plus en plus nécessaire pour Aussi, pour permettre à la CTMB de remédier à analyser les problèmes, identifier des solutions cette situation en vue de mieux coordonner les et proposer les mesures à prendre susceptibles dispositions à mettre en œuvre par les trois de répondre aux attentes des usagers et des États et d'être en mesure de prendre les populations du massif. décisions en commun qui s'imposent, il apparaît A cet égard, et comme exemple illustrant cette nécessaire d'en élargir les compétences, en y recommandation, ou évoquera la participation faisant participer les ministres des Transports du "Comité" International des associations pour des trois pays et en accélérant l'adoption du la protection du Mont-Blanc", le CIAPM, qui statut juridique de sa structure permanente, regroupe 15 associations de niveau national et l'Espace Mont-Blanc, toujours à l'état de projet à local (dont la Fédération Européenne Mont- ce jour. Blanc, la FEMB, qui réunit elle-même 13 L'objectif final de cette "coopération renforcée" associations locales des trois versants), à la devrait être d'aboutir à la ratification, par les dernière réunion de la CTMB le 30 mars 1999. trois Etats, d'accords bilatétraux s'appliquant Au cours de cette réunion, deux interventions, particulièrement aux "réalités" du massif et concernant les transports ont été faites par le s'inspirant de la politique mise en œuvre par la CIAPM : Suisse concernant le trafic lourd de transit - d'une part, sur la "qualité de l'air" (voir (financement des autoroutes ferroviaires — paragraphe I) par la FEMB qui a présenté une ferroutage—, taxe d'orientation modale, la analyse très approfondie sur cette question RPLP) et les transports collectifs, notamment les notant en particulier l'insuffisance des points de chemins de fer (rail 2000). mesure (critique partagée par le Maire de Chamonix) ; - d'autre part, sur le trafic lourd de transit, une II - Développer la collaboration entre les associations déclaration (à l'initiative des associations et les acteurs institutionnels (représentants de l'État italiennes), très explicite et "engagée", ayant été central ou Fédéral, élus régionaux, locaux). remise aux participants et à la presse.

La "rencontre" entre les associations, de niveau national et local et les élus régionaux et locaux III - Fonder les travaux et les actions sur un cadre de établie à l'occasion de leur commune opposition référence "européen" constitué par les accords et les au trafic lourd de transit dans le massif du documents suivants : Mont-Blanc a permis aux deux parties, souvent opposées sur d'autres dossiers, de mieux se a) - L'identification du massif du Mont-Blanc à connaître et de "s'écouter", le soutien des une "zone sensible" répondant à la définition associations, en tant qu'interprètes des acceptée par les États participant à la populations concernées étant même désormais "Conférence sur les Transports et recherché par les élus dans les démarches qu'ils l'Environnement" de Vienne en novembre 1997 entreprennent sur cette question. (approuvée par la France et la Suisse, réserve de Par ailleurs, les représentants des États ont pris l'Italie)1. conscience de l'intérêt de faire davantage

1 Conférence organisée par la Commission Économique pour l'Europe des Nations Unies (CEE/ONU) définition : "zone(s) dont les écosystèmes sont particulièrement sensibles et où les conditions géographiques et la topographie risquent d'accroître la pollution et le bruit ou dans lesquelles il existe des réserves naturelles ou un patrimoine culturel unique".

Mountain Wilderness France 58 b) - La Convention alpine (1991), ratifiée par la le Rapport "Schmidbauer" (A4.0111/99), sur la France et la Suisse, signée, mais non ratifiée (à tarification des infrastructures de Transports et ce jour), par l'Italie ; plus particulièrement son le Livre vert de l'Union Européenne sur cette protocole Transports, dont un nouveau projet question (COM/95/691) ; rapport approuvé par de texte est actuellement en cours la "Commission des Transports et du Tourisme" d'élaboration1. du Parlement européen le 16.3.19993. c) - La directive 93/89 de l'Union Européenne e) - L'accord entre la Suisse et l'Union relative à : "l'application par les États membres Européenne sur le transit alpin (signé le des taxes sur certains véhicules utilisés pour le 1.12.1998). transport de marchandises sur route, ainsi que des péages et droits d'usage perçus pour f) - Les études de la Commission l'utilisation de certaines infrastructures"2. Intergouvernementale franco-italienne sur le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin (voir d) - Le dernier rapport du Parlement européen, rapport "Brossier" 1998).

1 Convention ratifiée par la France par la loi du 6.12.95. Précise dans son article 2 : Paragraphe 1 : Les parties contractantes, dans le respect des principes de prévention, du pollueur-payeur et de coopération, assurent une politique globale de préservation et de protection des Alpes en prenant en considération de façon équitable les intérêts de tous les États alpins, de leurs régions alpines ainsi que de la Communauté Économique Européenne tout en utilisant avec discernement les ressources et en les exploitant de façon durable. La coopération transfrontalière en faveur de l'espace alpin est intensifiée et élargie sur le plan géographique et thématique. Paragraphe 1. J. Transports : En vue de réduire les nuisances et les risques dans le secteur du transport interalpin et transalpin, de telle sorte qu'ils soient supportables par les hommes, la faune et la flore ainsi que pour leur cadre de vie et leurs habitats, notamment par un transfert sur la voie ferrée d'une partie croissante du trafic, en particulier du trafic de marchandises, notamment par la création des infrastructures appropriées et des mesures incitatives conformes au marché, sans discrimination pour des raisons de nationalité.

2 Directive ouverte à révision suite à l'adhésion de l'Autriche à l'Union Européenne : Extrait du rapport "Brossier" 1998 : "Dans la discussion de la Directive 93/89, la France s'était montrée, jusqu'à mi-1997 opposée à la "Clause alpine" que l'Autriche réclamait parce qu'elle avait vu dans cette clause la création d'un surpéage... Tout en acceptant du bout des lèvres qu'un cas particulier fût admis au Brenner, elle avait refusé de voir étendre ce principe au Mont-Blanc, ainsi que le suggérait la Commission. Depuis mi-1997, la position française a notablement évolué et la notion de "zone sensible" avancée par les autrichiens a été acceptée par la France"...Directive révisée, adoptée fin 1998.

3 Dans son article 9, le rapport du député Scmidbauer précise que "... le calcul des coûts doit prendre en compte le trajet parcouru, les émissions polluantes du moyen de transport (par rapport aux prestations), le moment du déplacement et le moyen de transport utilisé et qu'il est possible de prélever des taxes plus élevées dans les régions "sensibles".

Mountain Wilderness France 59 3. Le tourisme, les rapports tourisme-environnement et l’amélioration de la qualité touristique

Le tourisme représente un pouvoir économique service vendu par cette industrie comporte une indispensable pour l'économie de la région. part de "nature". La notion de reproduction du Cette activité reflète de manière exemplaire les système touristique et donc de l'environnement rapports unissant les sciences économiques et ne peut pas être négligée. Les relations étroites l'environnement. Elle est donc un enjeu fort de qui lient nature et économie se font aussi bien la vallée en tant que "laboratoire" du dans les deux sens. L'impact du tourisme sur développement durable. En effet, dans tous les l'environnement ou l'impact de l'environnement milieux, on prend peu à peu conscience du fait sur le tourisme sont tout aussi importants. C'est que la croissance économique repose sur ce que nous nous proposons d'analyser l'écosystème mais on le ressent d'autant mieux succinctement afin d'entrevoir des solutions lorsqu'il s'agit de l'économie de loisirs car le pour un développement durable.

Mountain Wilderness France 60 1. Les relations réciproques entre tourisme et environnement

Les liens qui unissent tourisme et ressources en eau de la région»2. environnement sont nombreux, diversifiés et complexes. Voilà un domaine économique qui Le tourisme hivernal est directement confronté aux rapports actuels qu'entretiennent la société et la nature. Il n'est C'est de loin le tourisme hivernal qui a le plus pas possible d'envisager cette activité d'influence sur le milieu et qui l'a modifié de uniquement en terme de rentabilité financière et façon la plus importante. de profit à court terme, l'ouverture sur "le Le secteur du Mont-Blanc se distingue par la vivant" et donc sur les différents systèmes de présence de stations importantes comme valeurs est incontournable. Les constats de Chamonix, Morzine, Les Arcs au sud de la zone, dégradation de la faune, de la flore et du Courmayeur concentrant la majorité des paysage dus à la fréquentation touristique sont remontées mécaniques et qui sont des axes fréquents et connus au moins intuitivement par privilégiés de pénétration en masse en haute beaucoup de personnes sensibilisées un tant soit montagne. Notons la vitesse de croissance du peu à ces questions. Nous tenterons de détailler nombre de remontées mécaniques qui est et de clarifier ces impacts et d'analyser les étonnante, ainsi à Chamonix «les 4 remontées de répercussions entre environnement et tourisme. 1940 sont devenues 9 en 1954 et 36 en 1987»3.

Cette forme de loisir a provoqué un Les effets du tourisme sur l'environnement développement des surfaces urbanisées où l'impact a été d'une très grande intensité (les Comme l'action du tourisme sur le milieu est fonds de vallées sont artificialisés aux 9/10 très importante, l'intérêt de son étude est auxquels s'ajoutent les terrassements en capital. De plus, les zones montagneuses sont altitude). La "station" s'est installée et a sujettes à une extrême fragilité écologique. pratiquement étouffé les pratiques territoriales, Aujourd’hui, des aides techniques permettent à l'habitat traditionnel, etc. La "mécanisation" à un plus grand nombre d’accéder à des habitats outrance, avec l'installation de funiculaires, fragiles d’altitude sans avoir forcément crémaillères, téléphériques, télébennes et autres conscience de cette fragilité. télésièges a banalisé l'accès aux sommets ou aux Mentionnons simplement certains aspects de "points de vue" a eu et a encore des effets cette fragilité 1 : «les sols sont peu stables, les importants sur le milieu. situations d’inversion et la pollution locale sont plus dangereuses dans les vallées alpines qu’en plaine. Face aux problèmes généralisés de l’économie Cette extrême fragilité exige que l’on tienne montagnarde (exode rural, agriculture en davantage compte de la dimension écologique dans déclin), le gouvernement décide de créer, en les régions de montagne». 1965, le “Plan Neige” pour favoriser la création Par ailleurs, dans les massifs karstiques de ou l’amélioration des stations de sports d’hiver. Platé, du Haut-Giffre et des Avaris circulent Les années soixante-dix voient s’ériger des d’énormes quantités d’eau où le pouvoir filtrant stations-villages, stations bâties sur des alpages est pratiquement nul. «Compte tenu de leur et des stations créées de toutes pièces dans des position en amont des captages d’eau potable dans les lieux non habités. Le développement de la alluvions des vallées une protection sérieuse de ces région est facilité par ses accès routiers. Les formations karstiques serait amplement justifiée grandes stations face à une demande de masse seulement dans le cadre d’une gestion rationnelle des jouissent d’un nouveau développement

1 Prof. Peter Keller, “Le développement des activités économiques dans une perspective de développement durable dans le secteur clé du tourisme”, page 31 in Actes du Colloque des Houches. 2 Page 10 in Rapport Camel 3 B. Debarbieux, page 132, "Chamonix - Mont-Blanc", 1990.

Mountain Wilderness France 61 économique : l’or blanc. Pour certaines stations, améliorer la qualité Cette situation va accélérer l’urbanisation et signifie “faire fi” des conditions climatiques en tenter l’ensemble des communes montagnardes. assurant la neige à date fixe, cette réaction a De plus, les flux monétaires issus du tourisme deux conséquences, l’une pratique sur l’impact vont intéresser les spéculateurs. Ainsi, les à l’environnement, l’autre morale : populations montagnardes sont peu à peu écartées du pouvoir financier, économique, et - Les conséquences pratiques parfois même électoral. Les nouvelles techniques et un accroissement Cependant, les bénéfices tirés de ces des investissements sont mis en œuvre comme aménagements ne sont plus aussi sûrs l’agrandissement du domaine en altitude aujourd’hui. Des stations de ski, après plusieurs (utilisation des glaciers), liaison des stations, le hivers sans neige, sont en situation de faillite ou remplacement des télésièges par les télécabines au bord du dépôt de bilan. Le système montre (un moyen d'accéder à la neige, quand toutefois ses limites pour ces stations implantées dans les conditions météorologiques le permettent : il des sites dont les potentialités ne permettaient n'est pas rare de ne pouvoir employer ces pas une implantation durable et viable. télécabines lors de journées de grand vent) et l’enneigement artificiel. Ainsi, de nouvelles politiques locales tendent à De plus, la création et l’utilisation des se détourner de cette mono-activité. Une installations et des pistes provoquent une réflexion actuelle des communes s’intéresse à accentuation de l’érosion et une disparition du l’offre de nouveaux services de qualité tapis végétal qui perdure avec le passage répondant à un changement de la demande incessant des skieurs et des engins de damage. touristique. Celle-ci s’oriente vers la découverte «La multiplication du nombre des skieurs depuis une du patrimoine naturel et culturel des sites quinzaine d'années est un facteur de déséquilibre visités. Cette tendance se dessine surtout en écologique. Les photographies montrent que le période estivale avec un tourisme tassement de la neige hivernal par des milliers de majoritairement familial, mais commence à skieurs freine l'écoulement des eaux au printemps. émerger en hiver (recherche de stations à taille Les arêtes des skis détruisent la végétation et l'on a humaine). L’enjeu des communes, dans une constaté le long de certaines pistes que la population perspective de développement durable, doit d'insectes était littéralement décimée, et que le être d’innover et d’anticiper sur une nouvelle nombre de lombrics au mètre carré avait diminué par forme de tourisme plus en harmonie avec endroits dans une proportion de 130 à 10»1. l’environnement, mais aussi de soutenir les Ces équipements, ainsi que l'urbanisation et ses autres secteurs d’activités. servitudes perturbent l'écoulement souterrain de l'eau. L'action érosive des eaux est accentuée Pour répondre à ces nouvelles évolutions le par ces aménagements et les pistes de concept de "tourisme doux" apparaît et s’inscrit remontées mécaniques situées généralement sur dans la volonté de contribuer au de fortes pentes canalisent les eaux de développement durable de l’arc alpin, grâce à ruissellements qui peuvent provoquer des des activités touristiques respectueuses de dégâts importants, jusqu'à réveiller un torrent l’environnement. En saison hivernale, ce assagi. La forte concentration humaine pose des concept peut être mis en pratique en variant problèmes plus importants encore en hiver l'offre actuelle et future. qu'en été. En effet, les équipements protégeant la qualité des eaux et le traitement des déchets Face à l’évolution du marché du tourisme du doivent être opératoires malgré les grandes ski (stagnation, double incertitudes : évolution irrégularités des débits à traiter et malgré les de la demande et climatiques), les obstacles supplémentaires dus à l'altitude, au professionnels répondent par l’accroissement de froid qui rendent les mécanismes biologiques la qualité de l’offre. d'épuration difficile et qui éprouvent plus Mais que signifie la “qualité” ? rapidement les installations. Le tourisme de

1 Page 29, "La montagne en péril" in Courrier de l'UNESCO, octobre 1987.

Mountain Wilderness France 62 masse rompt le rythme lent et régulier des pleinement de cette tendance, même si la pratiques traditionnelles et doit faire l'objet de fréquentation en été tend à être supérieure à réflexions approfondies. A ces dégradations celle de l’hiver. On dénombre 20 000 s’ajoutent le bruit des installations (certaines randonneurs par an sur le Tour du Mont-Blanc, stations installent des hauts-parleurs sur les sans compter les autres itinéraires (Tour des pistes…) des canons à neige, des motos neiges, Dents du Midi, Tour des Combins, curiosités les navettes d'hélicoptères et d'avions locales (gorges du Trient, gorges du Durnand, touristiques, le déclenchement d’avalanches… traces de dinosaures à Finhaut...). Le nombre de refuges, environ 80 dans le Le type d'urbanisme choisi par la station secteur étudié, et le nombre de nuitées en haute intervient également sur l'impact à montagne reflètent une fréquentation l'environnement notamment par la dégradation grandissante. des paysages, le mitage par les chalets de vacances, mais on rejoint là un problème Les vacanciers fuient les plages sur-fréquentées commun aux deux saisons. pour la montagne en quête de paysages naturels et de tranquillité. - Les conséquences morales Mais les retombées de cette quête sont parfois Moins visibles, elles sont pourtant les plus douloureuses : sur-piétinement de sentiers, insidieuses. Promettre une montagne aseptisée nuisances sonores, déversement des déchets sans aléas climatiques, sans aléas naturels, donc (papiers gras, mégots...), eaux usagées, sans risques, fait perdre conscience aux touristes dégradation de milieux fragiles… que ce milieu n'est pas totalement dompté. Comme nous l'avons mentionné c'est le Cette image, nous le voyons au travers des tourisme hivernal qui a le plus d'influence sur le médias relatant les malheureux accidents de milieu et paradoxalement c'est le tourisme d'été montagne, ne peut pas être celle de la qui en souffrirait le plus. montagne. Quelles que soient les infrastructures En effet, les installations des stations de skis mises en place par l’homme, la montagne offrent en été un piètre paysage. En hiver, le restera un milieu risqué. manteau neigeux atténue l’impact visuel du Ainsi lorsque l’image de la montagne a le visage durcissement et de la banalisation du paysage. d'un simple terrain de jeu totalement gouverné Mais la fonte des neiges fait apparaître ces par l’homme, nous nous dirigeons vers une cassures. En saison hivernale, les équipements vision extrême et mensongère. lourds sont généralement nécessaires et un Tout autant était extrême l’image du mont Blanc premier hiatus apparaît entre tourisme d'été et en 1750, lorsqu’à la simple évocation de son d'hiver. nom, les personnes se signaient... De même qu'en période hivernale, la concentration de la population humaine dans le Le tourisme estival temps et dans l'espace n'est pas sans conséquences sur l'environnement. Déjà en On dénombre 100 000 visiteurs par jour et plus 1990, J. Kouchner, dans un article pour Vertical d'un million de visiteurs par an sur le seul "Le mont Blanc vert ?" indiquait ce danger en versant français. précisant ces chiffres : «à Chamonix la capacité Mais la France sur l'ensemble de son territoire a d'hébergement passe de 7000 personnes en 1942 à pris un certain retard dans le tourisme estival 10000 en 1954 et 45 000 en 1985». par rapport à ses voisins suisses ou italiens en termes tant qualitatifs que quantitatifs. C'est donc en été que l'entretien des terrains et L'amélioration de l'environnement serait du paysage est ressenti comme une nécessité. surtout bénéfique pour ce type de loisir qui L'Autriche constitue ainsi un des rares exemples constitue un nouveau pôle attractif. où le développement du tourisme n'a pas fait Effectivement, le tourisme estival en montagne décliner l'activité agropastorale. En France, se densifie depuis plusieurs années. La région comme nous l'avons vu plus haut, on se du Mont-Blanc ne semble pas avoir profité préoccupe des "paysages sans paysans"1.

1 Le Monde des débats, n°2, novembre 1992, pp 2-9.

Mountain Wilderness France 63 Outre la dégradation du paysage et le lien à Les effets de l'environnement sur le tourisme l'agriculture, le tourisme est étroitement lié au transport. L'encombrement du réseau routier est La montagne attire les vacanciers, c'est elle qui synonyme de perte de temps et de loisirs, les incite à se déplacer, à y venir se détendre. d'augmentation de la consommation d'énergie Lorsque les "offreurs" font de la promotion pour et de la pollution qui en découle. La multitude leur station auprès du public, ils vantent les des routes et cols touristiques estivaux reliant atouts de ce territoire particulier qu'est la diverses vallées est sur-fréquentée et les montagne, en exhibent des images choisies (de stationnements provoquent une érosion wilderness, calme, beauté). La montagne en tant importante. que telle est donc un des éléments essentiels qui composent le "produit touristique". Sans ce Le comportement des touristes est également cadre exceptionnel qu'offre gratuitement la mis en cause. Celui-ci va de la négligence nature, les ressources créées par l'homme telles jusqu'au vandalisme en infligeant des que les paysages ruraux, l'architecture, les préjudices au capital naturel. Les exemples sont activités proposées, le patrimoine culturel, etc., nombreux dans ce domaine : dépôts d'ordures, n'auraient pas autant de poids. Cette évidence lacs et sommets souillés, prélèvement excessif n'est pourtant pas toujours perçue par les de la végétation, des minéraux, etc. Les déchets acteurs : «on ne considère la montagne que comme et ordures, la dégradation des milieux un quelconque terrain vague qui n'aurait guère constituent les principaux impacts des sites, d'intérêt en soi, mais qu'il y aurait lieu de garnir suivis des parkings sauvages, de la pénétration d'animations artificielles»2. automobile et de la dégradation de Le désir de venir passer ses vacances en "l'ambiance". montagne naît des valeurs environnementales. Les activités bruyantes se développent (4x4, Construites socialement par le biais de moto-verte, ski héliporté et autre tourisme des l'imagination, de représentations elles airs…) dérangeant les nombreux randonneurs conditionnent fortement nos pratiques et la faune en rendant leur habitat instable. quotidienne en matière de loisir. « Le lieu La multiplication des refuges en haute touristique est sans doute la plus belle expression, montagne a un impact plus ponctuel mais non avec le lieu sacré, d'une forme spatiale construite négligeable avec de gros problèmes autour de l'imagination de ceux qui le pratiquent. Il d'évacuation des déchets et entraînant la sur- est le lieu bien réel d'une territorialité imaginante»3. fréquentation de certaines zones. L'imagination géographique a donc une fonction essentielle en matière de tourisme, elle Monsieur Le Berre souligne à propos de l’est d'autant plus lorsqu'il s'agit du lieu l'appropriation par la société entière de certains empreint fortement de valeurs, de symbolisme territoires, comme le massif du Mont-Blanc : comme le mont Blanc. Ce sommet est un "haut «prés du dixième de la population mondiale réside lieu" selon B. Debarbieux, c'est-à-dire un «l i e u dans des zones montagneuses, mais on estime à 40 % érigé délibérément et collectivement au statut de au moins le pourcentage des utilisateurs des symbole d'un système de valeurs territoriales», c'est ressources de la montagne, que ce soit pour donc un «lieu auquel sont associées des valeurs dont l'agriculture, l'approvisionnement en eau et en la nature est prédictible». Ainsi on peut envisager énergie ou les loisirs »1. Ces zones sont très «le haut lieu comme [une] manifestation territoriale sollicitées en terme de capacité écologique, on y d'un système de valeurs»4. Le mont Blanc a une puise constamment des ressources sans que valeur particulière de nature symbolique fondée l'échange soit réciproque. C'est, à nouveau, sur les rapports homme/nature, sa valeur l’orientation vers un "tourisme doux" qui doit environnementale est sans aucun doute très apporter des solutions concrètes à ces importante dans l'esprit de la société. différentes questions. Les valeurs environnementales évoluent dans le

1 Page 28, "la montagne en péril" in Courrier de l'UNESCO, octobre 1987. 2 Claude Eckhardt, "Bilan de santé", page 11 in Espaces pour demain, 1991. 3 Bernard Debarbieux, page 896, "Imagination et imaginaire géographiques" in Encyclopédie de géographie, 1992. 4 page 6, "Du haut lieu en général et du mont Blanc en particulier" in l'Espace géographique, 1993.

Mountain Wilderness France 64 temps, naissent et meurent ; il en est ainsi de la espace vert à proximité de chez eux sont plus valeur du mont Blanc qui n'a pas toujours limitées»3. Ce besoin est pourtant amplifié par le existé. B. Debarbieux nous apprend que ce n'est retour mythique à la nature qui est à la mode qu'à partir de la première ascension de 1786 que ces dernières années. On vient en montagne le mont Blanc a commencé à acquérir de la pour y trouver un espace vierge, préservé de valeur et à être érigé en haut lieu par la société. l'homme, on vient "communier" avec la nature. Le plus haut sommet d'Europe possède une Cette image de pureté a permis le valeur environnementale exceptionnelle, elle est développement des activités de thermalisme et de plus moderne : «le mont Blanc est un haut lieu de climatisme où les curistes viennent se de la modernité»1. Ce lieu n'est pas enclin à "ressourcer", se "régénérer". Dans ce milieu on perdre sa valeur environnementale, elle semble se réapproprie également le corps en faisant du durablement attachée à ce sommet. C'est pour sport. cette raison que la demande touristique pour ce sommet devrait avoir un avenir prometteur Un paradoxe se cache là encore dans la même à long terme. Il est de ce fait recherche d'un lien primordial à la nature car économiquement rentable de ne pas le c'est la rupture originelle avec cette nature qui dénaturer et de tout faire pour le préserver pour est fondatrice de l'homme. Ainsi le vacancier est les générations à venir qui l'exploiteront encore, également demandeur de confort, de sécurité, sans aucun doute, comme un produit d'équipements mécaniques. « L'objet vendu touristique. Son importance, aujourd'hui, se lit comme produit touristique est complexe» note Jean- par son rayonnement spatial, il structure Pierre Bozonnet, «il englobe certes la montagne l'espace environnant, il opère «la distribution elle-même, mais comprend également le paysage, spatiale des pratiques touristiques ; les communes l'air pur, le silence, la fraîcheur, le repos […] et le voisines du mont Blanc représentent la plus forte produit touristique consiste aussi en logement, concentration immobilière des Alpes ; on y dénombre équipement sportif et objets divers»4. plus de 100 000 lits touristiques»2. Il y a donc un écart qui se creuse entre l'idéal et La demande sociale quant à elle a évolué, les la réalité mais celui-ci peut être partiellement visiteurs viennent chercher de plus en plus un comblé par une protection de l'environnement environnement naturel avec des aménagements et l'éducation du public. J-P Bozonnet parle de mieux intégrés, plus diversifiés et plus souples la rationalisation des activités que sont «la perte qui valorisent un paysage sans l'abîmer et sans des liens avec le territoire, l'obsession sécuritaire et le détruire. l'intégration fonctionnelle». Ces aspects Selon un sondage B.V.A. réalisé en octobre 1992 «transforment profondément le produit touristique, pour l’association nationale des élus de au point de mettre en jeu l'essentiel : sa fonction montagne (ANEM), pour 54 % des touristes, la initiatique et régénératrice». Le développement du montagne représente la pureté de l’air et tourisme risque par ce biais de détruire le l’absence de pollution puis la neige, la nature, le tourisme car «cet effet de rationalisation contredit ski, la tranquillité. un aspect essentiel de l'imaginaire des pratiques, et Dans "le tourisme face à l'environnement", J.L. affaiblit la motivation touristique : les rapports à la Michaud relate à ce sujet «des études comparatives montagne deviennent homogènes, prévisibles ; elle menées en France et à l'étranger sur les attitudes perd sa qualité d'espace hors territoire, de terre de face aux éléments du cadre de vie urbain». Il semble liberté et d'aventure, loin du quotidien»5. Le besoin que l'attirance vers les espaces verts est plus un d'isolement, d'éloignement de la ville se heurte besoin qu'une mode «car il ressort de ces études à un autre besoin d'aménagements lourds qui que les citadins sont d'autant plus enclins à partir détruit le site naturel convoité. en vacances que leurs chances de rencontrer un

1 page 12, op. cit. 2 page 13, op. cit. 3 J.L.Michaud, page 29 in "Le tourisme face à l'environnement" 4 page 135-136, "Des monts et des mythes", 1992. 5 page 234, op. cit.

Mountain Wilderness France 65 La demande touristique évolue dans la région nouveaux produits dans le cadre d’une offre de du Mont-Blanc avec une stagnation du tourisme services proposée en partenariat. Cette approche de ski, notamment, une perte de la clientèle devrait permettre de créer les conditions idéales d’un étrangère, et une demande croissante de la repositionnement des destinations alpines sur les qualité des séjours. Il y a donc des limites au marchés internationaux. Mais pour réussir cette développement actuel de l'offre de services en revitalisation, il faut posséder une vertu encore trop montagne. Une enquête sur la fréquentation rare dans un milieu touristique alpin très éclaté : et touristique et la gestion des sites protégés en cette vertu, c’est la volonté de coopérer de la part de Rhône-Alpes1 nous apprend que 82 % des sites tous les prestataires dans le cadre d’un marketing de étudiés voient leur fréquentation augmenter (la destination cohérent. fréquentation stagne dans les sites classés du Ce marketing des stations alpines comprend Mont-Blanc), les sites intermédiaires (de 10 000 notamment la garantie d’un environnement et d’un à 25 000 visiteurs) sont sujets à une forte paysage intacts»2. augmentation du nombre de visiteurs. Les sites Le marché n'intègre toujours pas l'aspect naturels sont donc, de manière générale, de plus environnemental du tourisme, que ce soit la en plus prisés, les visiteurs accordant une nature ou l'environnement culturel du lieu. préférence aux sites moyennement fréquentés. Longtemps les offreurs de produits touristiques Le versant français n'appartient pas à cette ont pris cet environnement comme un bien dernière catégorie, mais côté italien et surtout gratuit, immuable, ils utilisent cet espace qu'ils côté suisse, si l'on suit la même logique, la transforment en service marchand mais ils n'en fréquentation des sites pourrait connaître un prennent pas la charge, ils n'assument pas le accroissement. coût de la reproduction. L'organisme gérant la Notons les remarques du professeur Peter protection de la région du Mont-Blanc aura la Keller, chef du Service du tourisme qui évoque haute tâche de mener une politique de la reconquête de la compétitivité internationale développement durable dans ce secteur du tourisme alpin : «... il faut maintenant rajeunir essentiel du tourisme. l’offre de ces destinations en développant de

2. L'amélioration de la qualité touristique : le "Tourisme doux"

Le tourisme doux paraît être la réponse aux manière personnalisée, en s'intéressant à sa nature et attentes actuelles du public. Il semble être à sa culture. Alors que le 'tourisme traditionnel' l'avenir du développement touristique de la souhaite avant tout consommer des distractions région du Mont-Blanc. Chaque versant ayant nécessitant d'importantes infrastructures (des ses spécificités et des moyens appropriés à remontées mécaniques aux complexes hôteliers mettre en œuvre. modernes, en passant par les installations sportives Le CEAT (Communauté d’études pour sophistiquées, les discothèques, etc.), le 'tourisme l’aménagement du territoire) donne la doux' préfère centrer son attention sur la qualité de définition suivante de ce concept : « Le tourisme la relation qu'il peut établir avec les autochtones et doux est une manière d'envisager les loisirs qui leur cadre de vie, dans le respect de l'identité de la relève de la volonté de découvrir une région de région hôte»3.

1 page 14, in "Enquête sur la fréquentation touristique et la gestion des sites naturels classés et réserves naturelles de la région Rhône-Alpes", DIREN, Novembre 1994 2 Page 31, "Le développement des activités économiques dans une perspective de développement durable dans le secteur clé du tourisme" in Actes du Colloque des Houches, 1997. 3 Rapport du CEAT, page 27, "Vers un Espace Mont-Blanc".

Mountain Wilderness France 66 D'après l'enquête menée par la DIREN Rhône- protection qui soit cohérente et enrichissante pour Alpes sur la fréquentation touristique et la l’ensemble des acteurs»3. gestion des espaces protégés, « une grosse fréquentation n'est pas automatiquement synonyme Le tourisme doux doit viser à diminuer toutes d'impacts négatifs pour le site pour peu qu'il soit les pollutions et les impacts négatifs recensés géré efficacement. Chaque site reste particulier mais également à la non-destruction des sites (capacité d'absorption du milieu, surface, nature, (renoncer aux aménagements lourds type de fréquentation, localisation territoriale…), des supplémentaires non essentiels au solutions existent ("canalisation" du public ou au développement) et à la restauration de zones contraire "dispersion", interdiction à la circulation (démontage de remontées mécaniques automobile…) selon les zones mais sont rarement obsolètes). généralisables même si, les expériences des uns En premier lieu, il faut mettre un terme à la peuvent enrichir les actions des autres»1. principale préoccupation des aménageurs : faire correspondre les équipements au nombre L'éducation à l'environnement est une condition de lits touristiques ou le contraire, ce cercle essentielle mais non suffisante à l'application vicieux conduit à augmenter sans cesse les uns d'un tourisme doux. et les autres. Il est aujourd'hui plus que temps Le développement du “tourisme doux” s’est de rattraper ce "bétonnage" et de réajuster l'offre opéré avec succès, côté valaisan, où, pourtant il aux valeurs environnementales du public, tout n’est pas rare d’entendre un discours réticent à en tenant compte des valeurs de la population ces alternatives au tourisme du ski, jugées montagnarde. Dans ce contexte, on tente inapplicables et sans intérêt économique. Le d'appliquer le slogan "Penser globalement, agir CEAT mentionne dans son étude : «la volonté de localement" mais les instigateurs du Parc développer le tourisme d’été (organisation de international se sont vite rendu compte que sans randonnées thématiques guidées, balisage de pistes la participation et l'adhésion des acteurs locaux, de vélo de montagne, etc.), et de mettre en valeur aucun projet ne pourrait voir le jour. C'est pour certaines richesses naturelles encore inexploitées cette raison que l'appellation "Parc" s'est muée (source d’eau chaude de Bovernier, par exemple). en "Espace Mont-Blanc" qui a une connotation Cette volonté s’est traduite, pour les Portes du Soleil moins "protectionniste". Les populations locales (Champéry), par des efforts de promotion accrus, ont toujours été sensibles à la gestion de leur incluant le développement d’activités d’animation environnement, néanmoins leurs valeurs d’été ; avec à la clef des résultats probants : bonne diffèrent de celles des "citadins" et l'ingérence participation aux animations, augmentation des extérieure sur le territoire peut être ressentie nuitées de l’ordre de 15 à 20 %, et quintuplement (en comme une attaque. un an !) du chiffre d’affaires estival du téléphérique (de 20 000 à 100 000 FS)»2. En France, «Les grandes stations touristiques de la Les mesures de protection sur ce territoire zone étudiée ne ressentent guère le besoin doivent être liées à des mesures de promotion. d’améliorer leur image de marque par un label “Parc «En effet, on pourrait parfaitement imaginer la National”. Objectivement, cette position n’est "zone Mont-Blanc" comme une structure de justifiée que pour Chamonix qui bénéficie d’une telle coordination et d’harmonisation des politiques “aura” que la clientèle actuelle, surtout l’été, est communales/régionales de développement jugée surabondante, par les Chamoniards eux- touristique, avec un volet ‘protection des sites’ ; mêmes. Par contre, les communes dont l’activité étant entendu que la promotion peut passer par une touristique est relativement modeste souhaiteraient valorisation des zones protégées, et inversement, que bien évidemment que le trop plein de clientèle diffuse les efforts conjoints de promotion peuvent donner les dans leur direction, ce qui est loin d’être le cas moyens de mener une politique régionale de actuellement»4.

1 page 23 in étude DIREN 2 Page 13 in CEAT 3 Page 21 in CEAT 4 Page 41 in Rapport Camel.

Mountain Wilderness France 67 En Suisse, comme nous l’avons déjà mentionné, faire partie d’une zone protégée du massif, les élus craignent que le projet débouche sur la manière de ne pas s’exclure d’un “monopole” création d’une “réserve d’Indiens” ou italien et français du symbole du Mont-Blanc. Si autrement dit d’une réserve naturelle dans la la Suisse n’intégrait pas l’espace protégé «L e conception suisse. Dans l’étude du CEAT, les ‘Parc International du Mont-Blanc’ deviendrait auteurs mentionnent qu’en l’absence de alors le symbole […] de l’exclusion de la Suisse du précisions sur les implications de création d’une ‘grand marché’ européen !»2. zone protégée, les élus ont une attitude Il faut noter que les relations entre les défensive «... il faut relever que plusieurs associations de protection et les autorités interlocuteurs ont fait preuve d’ouverture, à partir politiques locales, côté valaisan sont, du moment où ils ont compris qu’il ne s’agissait pas extrêmement conflictuelles. Ces tensions d’une “mise sous cloche” imposée de l’extérieur, s’expliquent, en partie, par le fait que des mais d’un concept dont le contenu restait à définir»1. projets d’aménagements de plusieurs Pour certains élus valaisans, protéger leurs communes sont en suspens suite aux recours espaces risque d’entraver l’avenir, en matière de déposés, notamment par le WWF Valais. Ces construction notamment. Trient, en particulier, relations se concrétisent par une atmosphère conçoit la mise sous protection de zones comme plus ou moins exécrable qui va du refus du un argument de négociation, de compensation dialogue avec les associations (de la part, aux équipements. notamment du vice-président de la Conférence Nous avons vu que dans la région du Mont- Transfrontalière) aux menaces de mort Blanc, possède des atouts certains en terme de anonymes adressées à la secrétaire du WWF. patrimoine naturel. Atout que certains présidents de commune voient comme un Le concept de "tourisme doux" se heurte à la inconvénient majeur (pas de possibilité d’avenir mentalité des montagnards et de leurs élus pour sans grandes stations de ski). Ils craignent ainsi qui la montagne est une ressource naturelle de devenir la zone “sous cloche” d’un espace qu’il faut exploiter. De plus, les financeurs et Mont-Blanc, et de compromettre l’avenir de même l’Etat hésitent à investir dans ce leurs enfants. Ce sentiment provient de la développement alternatif alliant économie et disparité des retombées touristiques entre protection de la nature. Mais comme le souligne Chamonix, Courmayeur et leurs homologues Jean Pierre Vézinet (directeur du Service suisses, au détriment de ces derniers. d’Études et d’Aménagement Touristique de la Les Valaisans ne prenant pas en compte la Montagne) «l’avenir du tourisme en montagne valorisation potentielle, en terme de retombées passe par la qualité et la mise en valeur de touristiques, perçoivent toutefois l’intérêt de l’environnement».

3. En guise de conclusion

L'histoire des rapports entre l'homme et la rapports entre environnement et tourisme ont nature dans les constructions économiques est suivi la même voie. passée d'une phase d'émerveillement pour la C'est cette réintroduction que doit opérer Nature à une phase de désintéressement l'organisme gestionnaire de la protection du complet et même de destruction pour revenir massif du Mont-Blanc en veillant à respecter les aujourd'hui à une respectueuse réintroduction particularités de chaque zone. de celle-ci dans le champ économique. Les

1 Page 15, de l'étude du CEAT. 2 Page 22, de l'étude CEAT.

Mountain Wilderness France 68 Les acteurs en présence

Mountain Wilderness France 69 1. La population

Les populations locales constituent à l’évidence une majorité d’opérateurs économiques le premier échelon des acteurs en présence. Leur (commerçants, agriculteurs, guides, moniteurs opinion sur l’avenir du territoire qu’elles de ski, directeurs de remontées mécaniques et habitent doit être pris en compte dans des offices de tourisme), ainsi que les l’élaboration d’un projet de développement représentants des associations écologistes. Nous durable. Pourtant les enquêtes sont rares et il en donnons ci-dessous un résumé. demeure encore difficile aujourd’hui d’avoir un avis précis et “international” sur la façon dont 1ère remarque : elles voient l’avenir de leur région. Nous relatons ici les conclusions d’une enquête Le terme de parc international hérisse tout le réalisée sur le versant italien du Mont-Blanc en monde et soulève une très forte émotion, car il juillet 1991, et constituant la seule véritable fait renaître une image fâcheuse en Val d’Aoste, “enquête d’opinion” menée sur la région du celle de Parc National du Grand Paradis. Or, on Mont-Blanc. ne veut rien de tel, d’autant plus qu’on est (les parties en italique sont des commentaires encore sous le coup des positions extrémistes de d’explication de Mountain Wilderness) Messner. lI s’agit de la manifestation organisée par Mountain Wilderness en 1986 pour attirer l’attention de la population. Cette manifestation avait pour but d’être spectaculaire - montée de Messner et quelques autres L’enquête1 a été effectuée par Bernard Janin et le alpinistes de renom sur la télécabine de la Vallée compte-rendu établi par ses soins a été traduit Blanche - la demande de destruction de cet en italien et inséré dans le rapport de la Région équipement a été formulée pour frapper l’attention, Autonome du Val d’Aoste présenté aux trois les positions de l’association ont paru ainsi extrême ministres de l’Environnement (Italie, France, bien que MW a comme principal but un Suisse) qui se sont réunis au mois d’octobre développement soutenable assurant une activité 1991 (Indagine preliminare per la salvaguardia économique adaptée à la région. MW organise pour ambientale del compresorio Monte Bianco, vol cela nombre de colloques et tables-rondes et demande 2°, pp. 43 -103). Au total, les principaux acteurs uniquement l’enlèvement d’équipements obsolètes et ont pu être interrogés de manière approfondie : l’arrêt du développement des équipements lourds, les parlementaires valdôtains, les responsables selon le cas, en prenant en compte les données socio- de la Communauté de montagne et des économiques et écologiques. communes (tous les syndics, et les assesseurs) et

1 "Une enquête d'opinion sur le versant valdôtain", pages 124-125 in Dossier de la revue de Géographie alpine n°14, 1994

Mountain Wilderness France 70 Compte-tenu de la situation locale, il faut donc 3ème remarque : se réjouir que le terme de “parc international” ait été remplacé par celui “d’Espace Mont- Protéger quoi, où, et comment ? Tout cela est Blanc” (même si ce dernier est bien vague pour beaucoup plus vague. On pense que les le moment et réclame de la vigilance). chasseurs ne devraient pas être trop réticents Mountain Wilderness avec le CIAPM (Comité (ils sont d’ailleurs en nombre décroissant), car international des associations de protection du ils peuvent trouver une compensation dans le Mont-Blanc) s’est vite rendu compte de l’effet néfaste fait qu’une zone protégée constitue pour les du terme “Parc International” sur la population et alentours une réserve de gibier pour l’avenir. les élus. Cette réticence par rapport à ce terme On a aucune idée précise de ce que pourrait être s’explique en partie par les différentes définitions que le périmètre (la seule proposition faite s’arrête comporte ce terme dans les pays concernés (voir au lit fluvial de la Doire de Ferret, c’est-à-dire définition de l’UICN). Un Parc National en Italie et qu’elle considère uniquement le versant du en Suisse a une connotation de protection très forte Mont-Blanc proprement dit). Il apparaît que la excluant quasiment les activités humaines. Ce qui difficulté majeure concernera l’épineux n’est pas le cas en France où, par le biais du zonage problème de l’urbanisation sous toutes ses du Parc il est tout à fait possible d’y intégrer la vie formes, puisqu’on voudrait que la protection ne humaine et son développement économique. Les fige pas le domaine skiable : il fallait s’y associations ont évité d’employer ce terme “Parc” attendre, et par conséquent, dans les deux non approprié puis l’on réutilisé lorsque l’Espace camps des protagonistes, il conviendra d’être Mont-Blanc a montré son incapacité à mener une prudent. Domaine skiable et construction ont action globale de protection sur le site afin de toujours été les points litigieux essentiels dans remettre en avant l’objectif de protection et de les parcs. conservation pour les générations futures. 4ème remarque : 2ème remarque : Qui doit gérer l’espace protégé ? La réponse est La population locale, à 90 % au moins, est sans équivoque : pour 80 à 90 % des personnes d’accord pour protéger le Mont-Blanc, car elle interrogées, le pouvoir de décision doit être estime ici que le développement a atteint un strictement local, fort peu régional, et pas du haut degré. La situation est donc complètement tout national. L’idée la mieux admise serait que différente de celle qui existe dans le Grand la Communauté de Montagne joue un rôle Paradis. Les élus deviennent sensibles aux important. problèmes d’environnement, et plusieurs Le rejet de la tutelle de Rome est sans d’entre eux l’ont dit. Ils sentent aussi que les équivoque (réflexe fréquent en Val d’Aoste). jeunes les poussent, car ils apparaissent beaucoup plus protectionnistes que les adultes, 5ème remarque : les anciens. “Le territoire vert est une richesse pour demain” selon l’un deux. Il semble donc Les représentants des associations écologistes que là, les écologistes pourront se réjouir. ne partagent pas, dans l’ensemble, les opinions Cependant plusieurs personnes ont fait exprimées ci-dessus, on s’en doute. Le terme de remarquer qu’en Val d’Aoste " on protège déjà “parc” plaît et l’on aimerait bien qu’il soit beaucoup " (il y a une réserve de chasse, réserve maintenu. Les équipements dans ce “parc” de pêche, oasis de protection). Et puis il existe devraient être limités, les refuges étant réservés un plan du paysage en projet et, évidemment, uniquement aux vrais alpinistes et non pas aux un plan régulateur général (équivalent du POS), randonneurs du dimanche (Mountain Wilderness qui, en principe, devrait servir à protéger demande uniquement d’éviter la sur-fréquentation et quelque chose s’il était bien appliqué (mais le de réfléchir attentivement à l’intérêt de toutes plan régulateur peut être modifié et n’est pas un nouvelles constructions de refuges), et l’usage du moyen suffisant de protection). Ainsi, d’une vélo tout terrain strictement réglementé, tandis façon générale, l’idée de protéger le Mont-Blanc que campings ou golfs seraient proscrits. paraît bien acceptée. Surtout, pour le ski alpin il existe un très net

Mountain Wilderness France 71 antagonisme avec le point de vue des locaux, seulement envisagent un zonage en trois parties résumé ci-dessus. Le ski alpin reste l’adversaire (réserve intégrale, zone protégée, zone numéro un aux yeux des protecteurs de la périphérique). nature et le problème est d’autant plus épineux que la station de Courmayeur a des projets Quant à inclure ou non l’habitat permanent d’extension en direction de Pré-Saint-Didier et dans la zone protégée, le débat reste ouvert : en de La Thuile. général on est contre, mais “il serait absurde de protéger le Mont-Blanc où il n’y a personne, et En revanche, sur deux points, l’opinion des de ne rien faire dans la zone habitée”. écologistes n’est pas en contradiction avec celle Conclusion : ... On sera contraint de naviguer des populations locales. Les écologistes ne entre deux écueils : la protection et le souhaitent pas supprimer les remontées développement ; la protection qu’il faudra bien mécaniques existantes (ce que réclamait assouplir et le développement qu’il faudra Messner), qui font partie du paysage comme le nécessairement limiter.... “L’Espace Mont- reste ; on ne veut pas exclure ces traces de Blanc” pourrait remplir, en faveur du l’occupation humaine. Enfin, et cela surprendra développement durable, le rôle qu’a eu, dans le peut-être, quatre associations sur les sept passé, la création du Parc National de consultées envisagent une participation des Yellowstone pour la protection de la nature. locaux à la gestion, et l’une d’elles, parmi les plus influentes, souhaite même une Dans l’ensemble, tous les acteurs s’accordent à dire “autogestion très forte”. Cependant les que la participation des populations locales à associations écologistes n’ont pas d’idée précise l’élaboration de leur avenir est capitale. de ce que pourrait être le périmètre, et deux

Mountain Wilderness France 72 2. Les acteurs associatifs

Les associations intervenant sur la région du l’environnement au caractère international. Mont-Blanc, à un niveau local ou international Ensuite, les associations locales de protection de sont nombreuses et témoignent des enjeux l'environnement puis celles des amis des importants qui pèsent sur ce territoire. Nous en réserves naturelles françaises. Enfin, les clubs de présentons ici une liste non exhaustive et classée pratiquants de la montagne et les associations en cinq catégories. de chasseurs. En premier lieu les associations de protection de

Mountain Wilderness France 73 1. Associations de protection de l'environnement au caractère international

Comité international des associations pour la ces deux dernières organisations, le comité vient protection du Mont-Blanc de recevoir un fort soutien local. CIAPM

Commission internationale pour la protection Pdte : Barbara Ehringhaus (Mountain des Alpes Wilderness, Suisse) CP 61 - CH 1299 Crans CP CIPRA INTERNATIONAL mel : [email protected] Vice-Pdts : Giulia Barbieri (CAI, Italie) et Jean- Pierre Courtin (Frapna Région, France) Im Bretsch 22, FL - 9494 Schaan tél. : (0041) 75 237 40 30 Les associations désireuses de promouvoir la fax : (0041) 75 237 40 31 création d'un parc international du Mont Blanc mel : [email protected] ont décidé, suite au congrès d'Evian organisé en 1991 à l'instigation de Mountain Wilderness, de Organisation non gouvernementale regroupant se fédérer afin d'unir leur force dans le domaine les associations et les organisations des sept spécifique de la protection de la région du Mont pays de l’arc alpin qui s’engagent en faveur de Blanc. Un groupe de travail inter associatif la conservation du patrimoine naturel et informel, le CIAPM, a été mis en place avec des culturel des Alpes. La CIPRA s’efforce de membres issus des organisations suivantes : soutenir toute mesure de protection de la nature et du paysage, et de concevoir des projets de CAS Section Monte-Rosa, CAI et CAF développement sur la base du principe de CICM (Centre international pour la précaution et dans le respect de l’homme et de conservation de la montagne) l’environnement. Elle encourage également le Ligue suisse et valaisanne pour la protection de développement d’une conscience alpine globale. la nature C’est ainsi, par exemple, qu’elle est le maître FRAPNA (Fédération Rhône-Alpes de d’œuvre de la Convention Alpine. protection de la nature) Membres ordinaires de CIPRA International : FFRP (Fédération française de la randonnée les représentations nationales de l’Allemagne, pédestre) l’Autriche, la France, l’Italie, le Liechtenstein, la Mountain Wilderness-France, Italie et Suisse Slovénie et la Suisse et la représentation WWF-Italie et Valais régionale du Tyrol du Sud, soit au total plus de Valle d'Aosta ambiente 70 organisations regroupant de l’ordre de 3,5 millions d’adhérents. Au cours des 7 dernières années, le CIAPM est devenu l'interlocuteur associatif privilégié sur la CIPRA France question de la protection de l'environnement dans cette région. Secrétariat assuré par Mountain Wilderness F De manière à accroître son efficacité, le CIAPM 38 rue du Dauphiné, F - 38180 Seyssins vient de se doter de structures plus formelles, mel : [email protected] avec l'élection d'un bureau représentatif des trois pays concernés, l'adoption d'un règlement Membres : intérieur directif et d'un plan d'action, déjà Amis de la nature, APEGE (Association pour ratifiés par les associations suivantes : Mountain l’étude et la gestion de l’environnement), CAF Wilderness Suisse, France et Italie, CICM, (Club alpin français), CICM (Centre CAAI, CAI, CAS, CAF, CIPRA Suisse, WWF international pour la conservation de la Valais, Greenpeace F, FFME, FRAPNA Région, montagne), COSINA (Comité des sites FEMB (Fédération Européenne Mont-Blanc) et naturels), FNAUT (Fédération nationale des ARSMB (Association pour le respect du site du usagers des transports), FRAPNA (Fédération Mont-Blanc). Notons qu'à travers l'adhésion de Rhône-Alpes de protection de la nature), GIR

Mountain Wilderness France 74 maralpin, Mountain Wilderness France, T.O.S. concernés. Le mouvement intervient ainsi pour (Association nationale pour la protection des la création d'un Parc international du Mont- eaux et rivières), Parc national des Ecrins et Parc Blanc, pour la sauvegarde du Mont Olympe, naturel régional de Chartreuse pour le respect des grands sites himalayens, etc. Les "garants internationaux" de MW, parmis CIPRA Italie lesquels on compte Reinhold Messner, , Patrick Gabarrou, ou encore Jean - Secrétariat assuré par Pro Natura Torino C h r i s t o p h e Lafaille, sont les ambassadeurs du Fondée le 14/03/92 à Turin mouvement et apportent leur caution aux via Pastrengo 20, I-10128 Torino actions de Mountain Wilderness International tél. : (0039) 11 534 86 26 ou des sections nationales. fax : (0039) 11 534 87 27 Les sections nationales de Mountain Wilderness mel : [email protected] existent en Suisse, Italie, Espagne (Catalogne et Castille), Grèce, Grande Bretagne et France. Membres : Club Alpino Italiano, Pro Natura Torino, Liga Mountain Wilderness Italie Italiana per la Protezione degli Ucelli, SOS Dolomites, Dachverband für Natur-und Via A. Volta,10, I - 20121 Milano Umweltschutz Südtirol, Mountain Wilderness tél. : (00 39) 02 659 03 83- fax : 02 655 22 17 Italie Pdt : Toïo De Savorgnani mel : [email protected] CIPRA Suisse Mountain Wilderness Suisse Secrétariat assuré par Pro Natura Post fach, CH - 4020 Bâle Case Postale 148, CH - 8037 Zürich tél. : (0041) 61 317 92 30 ou 61 317 92 42 tél. : (00 41) 1 461 39 00 fax : (0041) 612 317 92 66 fax : (00 41) 1 461 39 49 mel : [email protected] Pdte : Sirkit Bhagwanani Membres : mel : [email protected] LSPN (Ligue Suisse pour la Protection de la Nature), Club Alpin Suisse, ASPO (Association Mountain Wilderness France suisse pour la protection des oiseaux), Rheinaubund 5 Place Bir-Hakeim, F- 38000 GRENOBLE tél. : (0033) 4 76 84 54 42 fax : (0033) 4 76 84 54 44 Mountain Wilderness International mel : [email protected] Pdt : Bruno Péronne

Executive Office : Via Nepi, 13, I - 00191 ROMA tél. : (00 39) 06 33 32 732 Union mondiale pour la nature fax : (00 39) 06 33 36 640 UICN Pdt d'honneur : Sir Edmund Hillary Coordinateur : Carlo Alberto Pinelli Avenue du Mont-Blanc, CH-1196 Gland Créée en 1987 à Biella en italie, Mountain tél. : (4122) 3649 114/3649 328 Wilderness est une organisation non télex : 419 605 uicn ch gouvernementale, dont le but statutaire est "la fax : (4122) 3644 615/3642 926 sauvegarde de la montagne, sous tous ses aspects". Membres et organisation, l’UICN se compose Les actions ponctuelles, sur le terrain, de actuellement de : Mountain Wilderness ont pour objet de 56 États, 91 Organisations de droit public, 429 provoquer une prise de conscience des ONG nationales, 46 ONG internationales, 34 problèmes généraux à partir de cas exemplaires membres affiliés sans droit de vote, soit 655 au et d'ouvrir le dialogue entre les acteurs total. 107 pays sont représentés.

Mountain Wilderness France 75 2. Associations locales de protection et de gestion de l'environnement

Association pour le respect du site du Mont-Blanc Initiative des Alpes - Comité valaisan (CH) A.R.S.M.B Italia nostra (I)

Maison de la montagne, place de l’église Au 22 décembre 98, deux associations ont F-74400 Chamonix rejoint la FEMB : l’Association des résidents tél./fax : (0033) 4 50 54 32 64 secondaires de la vallée de Chamonix et Pdt : Georges Unia l’Association pour la sauvegarde de la vallée de Chamonix. Début 1999, la fédération compte Créée en réaction au projet de percement d'un encore une association supplémentaire : Alp second tunnel dans la vallée de l'Arve à Rail à Genève, portant ainsi à 13 le nombre l'instigation de membres du C.A. de Mountain d’associations membres Wilderness France originaires de la région, l'ARSMB n'a pas tardé à mobiliser la quasi La FEMB a pour objet de fédérer des totalité des habitants de la vallée contre les associations françaises, italiennes et suisses de nuisances apportées par le transit des poids la région du Mont-Blanc ayant des activités en lourds internationaux par l'autoroute blanche et faveur de la protection de l’environnement. Elle le tunnel. Le but de l'association est la prend en compte les préoccupations des preservation de la qualité de la vie dans la populations locales dont elle se veut le porte vallée. Dans cette logique, l'ARSMB a élargit parole concernant tous les problèmes son champ d'action et de réflexion aux autres environnementaux. Elle entend mener des domaines environnementaux de la région et actions en faveur d’une politique durable de vient de rejoindre le CIAPM (Comité protection du Mont-Blanc et de la qualité de vie international des associations pour la protection de ses populations. A ce jour, les associations du Mont-Blanc). membres représentent plus de 3100 adhérents.

La FEMB a rédigé une charte pour la protection Fédération européenne Mont-Blanc du Mont-Blanc, elle dirige ses actions et ses FEMB recommandations dans les sept domines suivants : BP 24, de Chamonix, - Transports. F-74400 Chamonix Mont-Blanc - Gestion des déchets, sources d'énergie, tél. : (0033) 4 50 53 70 95 chauffages, émissions polluantes. tél./fax : (0033) 4 50 53 20 03 - Protection des paysages, des forêts, des mel : [email protected] alpages, de l'eau, des glaciers. Co-Présidents : Éric Lasserre (France), Bruno - Urbanisma, équipement de la montagne, Gremo (Italie), Denys Roulin (Suisse). aménagement du territoire. - Préservation du patrimoine, biodiversité. Liste des 10 associations fondatrices de la FEMB - Gestion des flux touristiques. (26.09.98) : - Bruits et nuisancesdiverses. Amis de la terre de la Vallée d’Aoste - Eco- Valdigne (I) Association des amis des Houches (F) Agence pour l’étude et la gestion de Association de défense des villages l’environnement d’Argentière (F) APEGE Association de défense du village des Bossons (F) Association pour la préservation du bassin de Dir. : Emmanuel Michaud Servoz (F) 3 rue des Terrasses, BP 66 Association pour la qualité de vie de Passy (F) F-74963 Cran Gevrier Cedex Comité de préservation du village des Houches (F) tél. : (0033) 4 50 08 02 22 Conseil des chamoniards (F) fax : (0033) 4 50 08 02 23

Mountain Wilderness France 76 3. Associations des amis des réserves naturelles françaises

Association des amis de la réserve naturelle Association des amis de la réserve naturelle de des Contamines-Montjoie Sixt

BP 22, F-74170 Les Contamines-Montjoie Salvagny, F-74740 Sixt tél. : (0033) 4 50 47 00 75

Association des amis de la réserve naturelle des Association des amis de la réserve naturelle de Aiguilles Rouges Passy Col des Montets, F-74400 Chamonix 110 route de Maffrey, F-74190 Passy

4. Clubs de pratiquants

Les clubs alpins des trois pays interviennent Le Club alpin français bien évidemment comme acteurs de la région CAF du Mont-Blanc. Acteurs économiques d'abord, puisqu'ils sont 24 avenue Laumière, F-75016 Paris d'une part les gestionnaires de la majorité des Pdt : André Croibier refuges du massif, et que d'autre part ils Pdt de la CNPM : Jean-Pierre Buraud drainent tous les trois un grand nombre de Vice-Pdt de massif pour Rhône-Alpes : René pratiquants dans la région (organisation de Sournia stages, sorties sur le terrain, etc.). Le CAF, par exemple, dispose à Argentière - au Tour Le Club alpin suisse exactement - de l'un de ses trois centres alpins CAS accessibles par la route (les deux autres sont situés à Courchevel et La Bérarde). Outre Postach, CH-3000 Berne l'hébergement classique indispensable, ces Pdt de la commission de protection du monde centres alpins conseillent et assistent les alpin : Jürg Meyer pratiquants dans l'organisation de leurs projets et constituent ainsi les "camps de base" de Le Club alpin italien nombre de stages. CAI Acteurs ensuite au niveau de la protection de leur "terrain de jeu". Chacun des trois clubs 7 via Fonteca Pimentel, I-20127 Milano dispose de son organe chargé des questions tél. : (0039) 02 26 14 04 77 environnementale : la Commission nationale de fax : (0039) 02 26 14 13 95 protection de la montagne du CAF, la Pdt : Gabriel Bianchi Commission de protection du monde alpin du Pdt de la TAM : Francesco Carbonara CAS et "Tutte la Ambiente Montagna" (TAM) du CAI. Ces commissions comportent des membres élus pour chacun des départements ou massifs montagneux du pays, et donnent des avis consultatifs à leur comité directeur chargé de prendre les décisions.

Mountain Wilderness France 77 5. Associations de chasseurs et de pêcheurs

Association régionale des chasseurs du Val AAPPMA (associations agréeés de pêche et de d’Aoste protection du milieu aquatique) Quartier Saint-Vincent - F- 74300 Cluses Pdt : Jean-Claude Burnet Fédération départementale des chasseurs de tél : (0033) 4 50 53 42 54 Haute-Savoie Aux Glaises - F-74350 Villy Le Pelloux tél : (0033) 4 50 46 89 21 Responsable suisse pour la pêche fax : (0033) 4 50 46 88 89 Monsieur Valerio Zuodar Pdt : Philippe Arpin tél : (0041) 79 217 40 50

Société de chasse de Chamonix Chemin de la ¨Perrière - F-74400 Les Praz de Chamonix Pdt : Joël Leroux

Mountain Wilderness France 78 3. Les élus locaux

Alors qu’en 1989, les ministres de Blanc”, le syndicat intercommunal fut créé le 25 l’environnement de France, d’Italie et de Suisse novembre 1991. Il s’intègre en permanence dans entendaient engager une réflexion dans le sens la démarche de “l’Espace Mont-Blanc” (France- de la création d’un Parc National à vocation Suisse-Italie) pour mener à bien différentes internationale, les représentants politiques de la missions : faire bénéficier de l’expérience région du Mont-Blanc ont estimé «qu’une telle acquise l’ensemble des communes du procédure tendait vers une protection passive, périmètre, soutenir les porteurs de projets, créer sans aucun projet social, et risquait de susciter une synergie, informer, sensibiliser… en outre des réactions hostiles conduisant à l’immobilisme». (Charte de l’Espace Mont- Communes membres : Blanc, juin 1997) L’opposition des élus locaux à ce projet fut à En Savoie : Beaufort-sur-Doron, Bourg-Saint- l’origine de son abandon et de la création de Maurice et Hauteluce. l’Espace Mont-Blanc puis de la Conférence transfrontalière Mont-Blanc. En Haute-Savoie : Morzine, Les Houches, Les Les élus locaux jouent donc un rôle Gêts, Chamonix, Sallanches, Vallorcine, Passy, fondamental dans le processus de protection du Saint-Gervais, Servoz et Megève. massif du Mont-Blanc. Les relations avec les associations sont parfois houleuses et la prise en compte réelle des opinions des populations Région Autonome de la vallée d'Aoste - Service locales pas toujours évidente. de l'Environnement

Regione Valle d'Aosta, Service de l'Environnement, Via Cerise, 1 I - 11100 Aosta Syndicat intercommunal “Espace Mont-Blanc”

République et Canton du Valais - Service de Siège social à la Mairie de Chamonix l'Aménagement du Territoire Secrétariat : 175 rue Paul Corbin, F-74190 Passy / Chedde tél. : (0033) 4 50 93 66 73 Service de l'Aménagement du territoire du fax : (0033) 4 50 78 25 79 Canton du Valais, Bâtiment Mutua, Rue des Cèdres, CH - 1950 Sion Initialement dénomé “Espace Nature Mont-

Mountain Wilderness France 79 Conférence transfrontalière Mont-Blanc Bovernier, Champéry, Evionnaz, Finhaut, CTMB Martigny, Martigny-Combe, Orsières, Salvan, Sembrancher, Trient, Val-D’Illiez, Vernayaz et Vollèges. La CTMB est une institution établie par la volonté et l'accord des trois Etats et des Pour la région autonome de la vallée d’Aoste : collectivités concernés. Courmayeur, La Salle, La Thuile, Morgex, Pré- La CTMB fut mise en place en 1991 à Champéry Saint-Didier. en Suisse. Elle est composée de cinq membres par pays, dont trois représentants au moins des Composition de la CTMB : institutions régionales et locales et a été présidée jusqu'ici par le ministre de Membres suisses l'Environnement français. Ainsi, en France, les Vice-Président : René Schwery (Chef du service instances régionales sont représentées par trois de l’aménagement du territoire du canton du maires de communes membres du syndicat Valais). intercommunal “Espace Mont-Blanc”. La CTMB n’a pas encore aujourd’hui de statut Membres : Raymond Lebeau (Office fédéral de juridique défini. Elle n'a pas d'existence en droit l’environnement, des forêts et du paysage), M. international et ne résulte pas d'un traité (ou Gay-Des-Combes (Président de la commune de d'un accord ou d'une convention ou d'un Finhaut), Jean-François Lattion (Président de la protocole) entre l'Italie, la France et la Suisse. commune d’Orsières), Georges Mariétan Pourtant, les trois pays associés lui (Président de la commune de Champéry). reconnaissent la compétence de s'exprimer, de proposer et d'orienter, dans le respect des droits Coordinateur : Willy Cretton (Aménagiste- n a t i o n a u x . On peut dire qu'elle est chargée de Service de l’aménagement du territoire du donner son contenu officiel à l'Espace Mont- Canton du Valais). Blanc. Membres français Dans chaque pays, il existe enfin une Vice-Président : Michel Charlet (Maire de organisation qui possède la personnalité morale Chamonix Mont-Blanc, Vice-Pdt du Conseil et la capacité financière, afin d'agir, d'appliquer Général de Haute-Savoie). les orientations ou décisions communes, selon le droit et les principes d'aménagement du pays Membres : Bernard Coquet (Préfet de Haute- (la région autonome de la Vallée d'Aoste - Savoie), Georges Hottegindre (Maire de Saint- Service de l'Environnement - le syndicat Gervais), Gilbert Viallet (Maire de Beaufort-sur- intercommunal Espace Nature Mont-Blanc - la Doron). République et Canton du Valis - Service de l'aménagement du Territoire). Coordinateurs : J.M.Bonino (Secrétaire du syndicat “Espace Mont-Blanc”) et Serge Tuaz “Espace Mont-Blanc” est ouvert à toutes les (Chargé de mission). communes comprises dans le périmètre. Les communes qui participent à l’élaboration de cette concertation et coopération trans- Membres italiens frontalière sont indiquées ci dessous. Vice Président : M. Cerise (représentant de la Région Vallée d’Aoste). Liste des communes participantes : Membres : Ettore Jaccob (Pdt de la communauté Savoie et Haute-Savoie : de montagne de Valdigne Mont-Blanc), Serafino Beaufort, Bourg-Saint-Maurice, Chamonix Cosson (Maire adjoint de Courmayeur), Carlo Mont-Blanc, Les Gêts, Les Houches, Megève, Alberto Pinelli (Chargé de mission, ministère de Morzine, Passy, Saint-Gervais-les-Bains, l’environnement). Sallanches, Servoz, Vallorcine et Hauteluce. Coordinateur : Stefania Muti (Service de Pour la république et canton du Valais : l’environnement Région Vallée d’Aoste).

Mountain Wilderness France 80 Communes de la région du Mont-Blanc, Conseil général de la Haute-Savoie non adhérentes à la CTMB

1 avenue d'Albigny France F-74041 Annecy cedex En Savoie : Villard sur Doron, Notre Dame de tél.: (0033) 4 50 33 50 00 Bellecombe, La Rosière, Montvalezan et Seez. fax : (0033) 4 50 45 23 30 En Haute Savoie : Demi - Quartier, Combloux, mel : [email protected] Samoëns, Cordon, Arâches, Verchaix, Les Pdt : Ernest Nycollin Contamines - Montjoie, Sixt Fer à Cheval, Praz sur Arly, Domancy et Morillon.

Suisse Liddes et Bourg-Saint-Pierre.

Italie Saint-Rhemy-en-Bosses et Avise.

Conseil général de la Savoie

Hôtel du département Le Chateau des Ducs de Savoie F-73000 Chambéry tél.: (0033) 4 79 96 73 73 fax : (0033) 4 79 75 04 72 Pdt : Michel Barnier

Mountain Wilderness France 81 4. Autres organismes concernés par la région du Mont-Blanc

De nombreux autres organismes sont regroupée arbitrairement en deux catégories : directement concernés par le projet de quelques acteurs socio-économiques et des protection de la région du Mont-Blanc. Nous en institutions au caractère scientifique. produisons ici une liste non exhaustive

Mountain Wilderness France 82 1. Quelques acteurs socio-économiques

Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc Composé d'alpinistes de haut niveau élus par ATMB leur pairs, le GHM est un observateur de l'alpinisme, essentiellement de haut niveau, et 100 Av. de Suffren, F - 75015 Paris tient une place privilégiée dans la transmission de l'héritage culturel de l'alpinisme, à travers sa revue annuelle "Les annales du GHM". En Peloton de gendarmerie de haute montagne collaboration avec Montagnes Magazine, le PGHM GHM délivre chaque année les "Piolets d'Or" aux réalisation les plus marquantes. 69 rue mollard, F-74400 Chamonix tél. : (0033) 4 50 53 16 89 Le Club alpin académique italien CAAI Syndicat national des guides de montagne 7 via Fonteca Pimentel, I-20127 Milano 65 rue de larith, F-73000 Chambéry Pdt : Dr. Giovanni Rossi tél. : (0033) 4 79 60 06 60 fax : (0033) 4 79 33 43 92 Le CAAI est à l'origine un club des Pdt : Francis Pettex "aristocrates" de la montagne, l'équivalent italien du GHM des origines. L'admission requérait, outre un très bon niveau de pratique, Compagnie des guides de Chamonix que le postulant soit un amateur pur, et surtout un "sans-guide". Jusqu'à très récemment Route des Gaillands, F-74400 Chamonix l'admission de professionnels de la montagne et tél. : (0033) 4 50 53 55 66 de femmes était exclue. Pdt : Xavier Chappaz Historiquement, c'est du CAAI qu'est partie l'appel à la création d'un parc international du Mont Blanc, en 1986, à l'occasion du Groupe de haute montagne bicentenaire de la première ascension par GHM Paccard et Balmat. Les alpinistes à l'origine de cet appel en on repris l'idée pour en faire le c/o Le Président cheval de bataille de Mountain Wilderness lors 4 rue Félibre Gaut - 13100 Aix-en-Provence de la création du mouvement. Le CAAI Pdt : Yves Peysson poursuit son action en faveur de ce projet en ayant intégré le CIAPM.

2. Quelques acteurs au caractère scientifique

Ce territoire intéresse particulièrement les principales : scientifiques, universitaires, afin d’exercer leurs - la logique du “développement dur “a montré modèles théoriques puis pratiques de ses limites (fluctuations de la fréquentation, développement durable. Le Mont-Blanc devient dégradation de l’environnement), un laboratoire d’expérimentation grandeur - la multiplicité des acteurs, des enjeux, liés à ce nature. haut lieu entraîne une perte d’identité qui Cet espace se prête particulièrement au permettrait l’instauration d’une nouvelle développement durable, pour deux raisons “culture de développement durable”.

Mountain Wilderness France 83 Observatoire Mont-Blanc Léman Fondation Courmayeur OML 13 Via dei Bagni, I-11013 Courmayeur valle Centre Universitaire et de Recherches d’Archamps d’Aosta F-74166 Archamps tél. / fax : (0033) 4 50 31 50 85 mel : [email protected] Institut de géographie alpine Internet : http://mont-blanc-leman.org IGA Antenne de Genève : tél. : (0041) 22 789 53 80 17 rue Maurice Gignoux, F-38031 Grenoble fax : (0041) 22 789 53 82 cedex Pdt: Alain Clerc (Co-Pdt : Fondation du devenir) Parc national de la Vanoise Association de droit français, l'OML est dirigé PNV par un Conseil d’administration composé de représentant des milieux politiques, 135 rue docteur Julliand, B.P. 705 économiques, académiques et des associations F 73007 Chambéry de la région transfrontalière Mont-Blanc Léman tél : (0033) 4 79 62 30 54 (France, Italie, Suisse). fax : (0033) 4 79 96 37 18 L'OML repertorie toutes les informations Directeur : Emmanuel De Guillebon existantes sur le développement durable de la région afin de les mettre à disposition des acteurs sociaux, économiques et politiques pour Parc national du Grand Paradis leur permettre de gérer au mieux le patrimoine de la région Mont-Blanc. Des programmes de Ente Parco nazionale Gran Paradiso sensibilisation sur les enjeux du développement 47 via della Rocca, I-10123 Torino durable et de la coopération transfrontialière, tél : (0039) 011 817 11 87 des conférences et des séminaires sont fax : (0039) 011 812 13 05 régulièrement organisés. Directeur : Dr. Luciano Rota

Centre de Recherches Energétiques et Municipales de Martigny CREM

5 rue des Morasses, B.P. 256, CH-1920 Martigny tél : (0041) 27 721 25 40 fax : (00 41) 27 721 99 77 mel : [email protected]

Mountain Wilderness France 84 5. Les acteurs administratifs

Le Ministère de l’Aménagement du Territoire et Direction régionale de l’environnement Rhône- de l’Environnement Alpes Direction de la Nature et des Paysages DIREN Rhône-Alpes

20, Avenue de Ségur, F 75302 Paris S.P. 19 rue de la Villette, 69425 Lyon Cedex 03 tél : (0033) 4 72 13 83 13 fax : (0033) 4 78 53 13 15 Assessorat à l’Environnement, à Dir. adjoint : Alain Vallette Viallard, l’Aménagement du Territoire et aux Transports chargé du dossier Mont-Blanc de la Région de la Vallée d’Aoste

Regione Valle d’Aoste, Via Cerise, 1, I - 11100 Direction départementale de l’équipement de Aosta Savoie DDE 73

Departement des Innerm L’Adret, 1 rue des Cévennes Conseil Fédéral chargé de l’Environnement du B.P. 1106 - 73011 Chambéry Cedex canton du Valais tél : (0033) 4 79 71 73 73

Departements, Vorsteher, Bundeshaus Nord, CH - 3003 Bern Direction départementale de l’équipement de Haute Savoie DDE 74 Service de l’Aménagement du Territoire du canton du Valais 15 rue Henry Bordeaux , F 74000 Annecy tél : (0033) 4 50 33 78 00 Bâtiment Mutua, Rue des Cèdres, CH- 1950 Sion Direction départementale de la jeunesse et des sports de Savoie Office fédéral de l’Environnement, des Forêts et DDJS 73 du Paysage 6 Martin Valérieux, F 73000 Chambéry Postfach, CH - 3003 Bern tél : (0033) 4 79 96 12 18 tél : (0041) 31 322 80 64

Mountain Wilderness France 85 Direction départementale de la jeunesse et des Préfecture de Haute-Savoie sports de Haute-Savoie DDJS S74 Rue du 30ème régiment d’infanterie , F 74000 Annecy Cité Administrative, Rue Dupanloup, F 74040 tél : (0033) 4 50 33 60 00 Annecy fax : (0033) 4 50 52 90 05 tél. : (0033) 4 50 88 41 40 Préfet : Bernard Coquet

Service départemental de l’architecture et du Sous-préfecture de Savoie d'Albertville patrimoine de Savoie SDAP 73 B.P. 112, F 73207 Albertville Cedex tél : (0033) 4 79 32 06 55 DDE, 1 rue des Cévennes - F-73000 Chambéry tél. : (0033) 4 79 71 73 73 Sous-préfecture de Haute-Savoie Bonneville Service départemental de l’architecture et du patrimoine de Haute-Savoie 122 rue du Pont, F 74130 Bonneville SDAP 74 tél : (0033) 4 50 97 18 88

15 rue Henry Bordeaux, F 74000 Annecy

Préfecture de Savoie

Bureau de l’environnement, Le Château des Ducs de Savoie, F 73000 Chambéry tél : (0033) 4 79 75 50 00 fax : (0033) 4 79 75 08 27

Mountain Wilderness France 86 3eme partie

Scénario de développement et de protection

Mountain Wilderness France 87 Introduction

Nous avons vu que, notre monde est dominé Les acteurs associatifs sont prêts à jouer un rôle par des échanges de plus en plus importants et actif, à prendre leur responsabilité dans notamment un essor touristique sans précédent. l'accomplissement de cette tâche. Dans ce contexte, le Mont-Blanc et les vallées adjacentes suscitent un grand pouvoir A ce propos, la réalisation, par des d'attraction touristique de par leurs intérêts professionnels indépendants, d'une enquête e x c e p t i o n n e l s . Cet attrait repose sur le auprès de la population des trois pays est patrimoine naturel aussi bien que sur les urgente et primordiale. valeurs naturelles, culturelles et sportives.

L'attractivité de ces montagnes renforcée par la Ainsi, le retour rapide à une implication forte commodité de leurs accès, constitue toujours le des Etats dans le projet de protection nous capital de base d'un essor considérable de semble primordiale. Cette implication doit l'économie touristique. permettre d'établir des objectifs clairs qui permettront aux associations de protection de La préservation à long terme de la qualité de s'impliquer durablement et efficacement pour l'environnement, d'une région aussi l'avenir de la région. prestigieuse au niveau européen et mondial, constitue une tâche majeure pour les ministres Nous formulons ainsi l'espoir d'être entendu ou de l'environnement des Etats concernés en du moins, de susciter la réflexion du ministère association avec les acteurs locaux. de l'environnement français sur ces propositions de cadrage. L'établissement d'objectifs clairs pour la mise en œuvre de cette préservation paraît nécessaire.

Certaines réflexions de cette conclusion sont issues des techniciens de la DIREN Rhône-Alpes (ensemble d'emprunts à Charles-Noël Berrehouc, inspecteur des sites, chargé du dossier Mont-Blanc, aujourd'hui décédé, et d'autres acteurs de la DIREN).

Mountain Wilderness France 88 1. Le retour à une implication forte des Etats

A l'issue de huit années de fonctionnement de la régionaux s'engagent ainsi dans le projet conférence transfrontalière Mont-Blanc, il y a alternatif d'Espace Mont-Blanc, dont les lieu de confronter le partenariat entre les États intentions sont rendues publiques à l'automne et les instances représentatives des autorités 1993. Le principe de "valorisation active" doit régionales et des populations locales. selon ses auteurs aboutir à la définition d'un Sans la consolidation de ce partenariat sur des "produit Mont-Blanc". Ainsi s'agit-il objectifs communs de préservation de ce essentiellement de vendre le Mont-Blanc, ce qui patrimoine de l'humanité que constitue le ne fait que renforcer la situation existante. massif du Mont-Blanc, le discrédit vis à vis de nos partenaires européens et mondiaux serait Les premières contradictions sont apparues sur inévitable et conduirait les trois ministres de la zone frontière du col de Balme, où l'on devait l'Environnement à retirer leur soutien à ce travailler sur un projet ponctuel de "tourisme projet. extensif doux", et où est finalement sorti un Pour la mise en œuvre de ce partenariat, il projet de station de ski transfrontalière. convient d'effectuer un recadrage et, sur cette Comment sera-t-il possible de pratiquer un base, de formuler pour les années à venir un tourisme extensif doux dans une zone de pistes contrat d'objectifs selon les axes mentionnés et de remontées mécaniques ? Sur un plan plus dans le point suivant, fondé sur la général, est-il conciliable de chanter les charmes reconnaissance par l'ensemble des partenaires d'une nature sauvage, d'un paysage d'altitude de l'importance de la protection et de la gestion exceptionnel, tout en laissant pénétrer, quand durable de cet espace. on ne le favorise pas, les câbles, le béton et les moteurs dans cet espace ?

Davantage qu'une protection de la nature, au demeurant souhaitable, c'est la protection de L'objectif est de rattraper une "occasion l'espace qui est prioritaire : faire en sorte que manquée". Lorsque à l'automne 1988, les l'utilisation de l'espace devienne plus ministres de l'environnement décident de lancer rationnelle et plus équilibrée, faire admettre la des études pour un parc international du Mont- nécessité de la conservation de l'espace non Blanc, le terrain est mal préparé, les populations aménagé, de la restauration de l'espace locales ne sont pas associées au départ. Elles transformé, lutter contre les friches touristiques réagissent en conséquence sous deux aspects : autant qu'industrielles et agricoles. Cette idée une réaction positive en proposant de prendre très novatrice n'a certes pas encore été bien les choses en mains, l'autre négative en comprise et doit être expliquée, accompagnée prétextant qu'un parc international gèlerait tout par les Etats. Il serait dommage que Chamonix projet de développement. Les élus locaux et s'aperçoive peut-être demain de ses

Mountain Wilderness France 89 atermoiements, lorsque la qualité - de remplacer le président actuel du Comité de environnementale deviendra l'argument de pilotage par une personne au-dessus des base dans la concurrence entre les grandes parties, étrangère aux intérêts de telle ou telle stations. communauté locale ;

En conséquence, Mountain Wilderness - de créer un comité technico-scientifique chargé demande, notamment, aux ministres de de délimiter rapidement la zone centrale de l’environnement italien, français et suisse : l’Espace Mont-Blanc, destinée à constituer une - de revitaliser la Conférence transfrontalière, en réserve naturelle, ainsi que l’avait annoncé le clarifiant sans équivoque ses priorités, ses ministre de l’environnement Edo Ronchi lors de objectifs et son déroulement, et en redéfinissant la séance du sénat italien à l’automne 1997. Une sa composition avec l’entrée de représentants telle zone devra être proposée successivement des associations de protection de la nature, afin par les trois pays concernés à l’Unesco afin que son fonctionnement soit, par la suite, mis à d’être incluse dans la liste du patrimoine l’abri de manœuvres de chantage et mondial. d’atermoiement ;

Mountain Wilderness France 90 2. Les objectifs pour la protection du massif du Mont-Blanc

L’implication forte des États serait l’occasion de concernés, sur tout projet ou activité susceptible recadrer précisément les objectifs pour la d'entraîner des impacts importants sur l'Espace protection du massif du Mont-Blanc à court et Mont-Blanc. long terme. Permettre l’accessibilité du plus grand nombre à Nous présentons ici une liste non exhaustive de cette base de données sur l’ensemble des thèmes ces objectifs classés selon quatre rubriques : qui intéressent la gestion d’un territoire. C’est à Eléments de cadrage, généralités et aspects dire qu’il est nécessaire d’organiser une logique internationaux ; Organisation ; Actions de de transparence des informations et réflexions, terrrains et Communication. une logique de démocratisation, avec, à la clé, Ils émanent des préoccupations associatives une participation plus grande de tous les concenrnant l'avenir du massif et prennent en acteurs locaux, y compris les habitants... compte les remarques d'un certain nombre de partenaires institutionnels. - Renforcement des coopérations inter- communales et internationales pour dépasser le simple thème des réflexions communes et mise en place d’un véritable système de répartition de la richesse engendrée par les activités Eléments de cadrage, généralités et aspects économiques et touristiques entre les internationaux communes qui supportent physiquement ces installations et celles qui supportent les espaces - La définition d’un périmètre cohérent. naturels (richesse de combien importante mais qui ne se traduit pas encore par des royalties). - La définition d’un zonage “hiérarchique” s'appuyant sur les propositions du CIAPM et de - Le caractère international du futur espace la méthode dite de "Valdigne". protégé est justifié, d'une part par la situation géographique de la région concernée, qui - Un suivi scientifique permanent par la s'étend sur trois Etats, d'autre part par les constitution d'une commission internationale de exigences d'une protection cohérente de la suivi et d'évaluation de la convention, dont le nature, qui ignore les frontières. Protection qui CIAPM soit membre, ainsi que l'UNESCO (à réponde à des critères élevés, enrichissant ainsi l'instar des réserves de la biosphère) afin d'offrir la gamme existante des espaces protégés d'une un modèle de développement durable. formule nouvelle adaptée aux problèmes de la conservation au niveau européen. - Mise en place d’un système d’information et de consultation réciproque, préalable à toute Il justifie donc une structure juridique : décision des autorités de tous les niveaux Par la signature d’une convention internationale

Mountain Wilderness France 91 entre les trois pays en référence à la convention Actions de terrains alpine, dont les Etats seront signataires et parties prenantes (ou en référence à tout traité - Définition d’un programme pluriannuel ou convention - cadre adapté en attendant la d'élimination de points noirs paysagers et de signature par la Suisse de la convention alpine). réhabilitation de sites dégradés.

- L’inscription du massif du Mont-Blanc au - L’évaluation de l’usage actuel de l’espace patrimoine mondial de l’UNESCO ou en tant aérien, afin d’obtenir l’interdiction des déposes que réserve de biosphère. et reprises sur l’ensemble du massif, ainsi que la réduction de la pollution sonore par les survols de toute nature. Organisation - La suppression du trafic des voitures - Détermination des ressources financières et de particulières dans le Val Véni, Ferret et des leur origine affectées aux opérations de l'Espace Chapieux, sans porter atteinte à la gestion des Mont-Blanc. fonds agricoles et forestiers, et en permettant l’approvisionnement normal des refuges. - Organisation des solidarités financières entre collectivités locales par le jeu de péréquations, - Un moratoire pour toutes les créations ou permettant aussi aux plus démunies d'entre agrandissements de refuges, de routes et pistes elles d'assurer la gestion de leur territoire dans d’accès, dans l’attente du périmètre et du l'intérêt général. zonage interne. Remédier aux “balafres” dans le paysage que constituent les routes - Organisation des instances représentatives de d’exploitation forestière, lesquelles sont l'Espace Mont-Blanc avec constitution d'une fréquemment utilisées aussi par les touristes. commission permanente composée paritairement de représentants des Etats et des - Poursuite des mises en œuvre d'opérations collectivités régionales et locales. programmées dans les zones-test. Par ailleurs, le cadre international exige : La mise en œuvre par les États des décisions que les gouvernements nationaux et régionaux, formelles de protection qu’ils ont prises mais les populations et les associations de protection n’ont pas à ce jour exécutées (classement des de la nature concernées travaillent ensemble à vallons de Miage et de Bionnassay). l'élaboration du projet ; que les institutions européennes (Union - Extension hors de ces zones du programme européenne, Conseil de l'Europe) y soient d'interventions conformément aux options associées et garantissent ensuite une gestion du définies en 1993 par le cadre de référence des parc conforme à ses objectifs ; projets pilotes : que les organisations internationales agriculture de montagne ; compétentes (UNESCO, UICN, Fédération des sauvegarde des milieux sensibles ; Parcs Naturels et Nationaux d'Europe…) tourisme extensif doux ; apportent leur expertise à l'étude du projet. transports. Chaque pays peut mettre en œuvre, en fonction - Mise en place d’une équipe d’animation des réglementations qui lui sont propres, des technique et administrative légère chargée dispositions de protection supplémentaires. d'assurer le montage financier et technique des opérations et le suivi de leur mise en œuvre. Dans le cadre d’une politique de soutien à la gestion de l’environnement montagnard, il - Définition d’un règlement intérieur organisant s’agirait de redéfinir les objectifs d’une les modalités des relations entre les collectivités agriculture plus orientée sur le maintien de la locales d'une part, et entre ces dernières et les diversité des écosystèmes et la gestion de la trois Etats, d'autre part. nature et du paysage que sur l’obtention de hauts niveaux de rendement.

Mountain Wilderness France 92 Communication choqués de la dégradation de leur milieu, de la vallée jusqu’aux cimes, et souhaitent qu’un - Les préoccupations légitimes des populations effort soit enfin réalisé dans ce domaine. Ils permanentes, dont l'adhésion au projet est un remarquent également que leurs visiteurs se gage de succès, doivent être prises en compte plaignent de plus en plus de ces dégradations. dès l'origine et donc être recueillies. Dans un second temps, ils ont très peur d’une protection intégrale où l’homme serait exclu A ce propos, notons que les enquêtes d’opinions (limitation d’accès à la montagne) et pensent (telles celles de Bernard Janin, mentionnées que le développement durable, le “tourisme dans la partie enjeux acteurs) mériteraient doux” n’est qu’un concept inapplicable. d’être complétées sur ce territoire où les enjeux restent complexes et difficilement identifiables. Suite à ces observations, qui n’ont pas valeurs En effet, plusieurs enquêtes ont été menées scientifiques, il ressort que le dialogue doit être auprès d’acteurs spécifiques, mais peu, par instauré dans cette région. De nombreux contre, relatent l’avis de l’opinion de la colloques, débats ont eu lieu mais commencent population. seulement à regrouper différents types acteurs. Ces études seraient pourtant d’un grand intérêt. Suite aux débats entre élus, puis entre Non seulement car l’avis de la population est universitaires... s’organisent des débats en important, mais également pour balayer présence des différents acteurs où la population certaines idées fausses, quelquefois relayées par trouve sa place, peut s’informer et s’exprimer. les élus. Le dialogue commence enfin à s’instaurer et les En effet, nous nous apercevons que la Ministères de l’Environnement doivent, non population italienne n’est pas réfractaire à une seulement se faire entendre lors de ces débats, protection tangible de la région. Côté suisse et mais également être à l’origine du dialogue, français, les résultats du même type d’enquête pour d’une part : surprendraient certainement. suivre l’évolution du dossier et clarifier ses Au cours des manifestations organisées par positions, MW, le dialogue avec les touristes et les et d’autre part, les expliquer afin de couper habitants étaient une des priorités de court à toutes manipulations éventuelles. l’association. Ces innombrables discussions ont permis de A propos de l’élaboration d’un concept et d’une nous rendre compte d’un double phénomène : stratégie de mise en œuvre du développement - la population et les touristes méconnaissent ce durable de la vallée, le Professeur Walter Wildi dossier (problème de communications des mentionne que «ce ne sont pas des actes différents niveaux de pouvoirs politiques), administratifs, mais [que cette élaboration] doit se - l’image extrémiste des associations de faire dans le cadre d’un débat de société »1. Il protection (MW en tête, qui a été diabolisé suite souligne également l’importance de à la première manifestation avec Reinhold l’information : «Il pourrait s’agir d’une plate-forme, Messner, garant de Mountain Wilderness). comprenant tous les acteurs de la scène socio- Par contre, une fois ces deux points clarifiés, économique et environnementale, chargés de la mise nombreux sont ceux qui déplorent le retard de à disposition des bases de données et des instruments la région en matière de protection (y compris de de consultation». l’avis de professionnels du tourisme). Les habitants sont tout d’abord gênés, voire

1 page 75 in Actes du Colloque des Houches-1997.

Mountain Wilderness France 93 3. La prise en compte des préoccupations associatives

La multiplicité des associations de protection de plus ou moins exécrable qui va du refus du l’environnement travaillant sur le territoire du dialogue avec les associations (de la part, massif du Mont-Blanc est sans équivoque une notamment du vice-président de la Conférence chance pour gérer efficacement ce territoire. En Transfrontalière) aux menaces de mort effet, le milieu associatif compte des spécialistes adressées à la secrétaire du WWF. dans différents domaines clé de ce territoire Ce seul exemple, certes extrême, montre les allant de la connaissance des questions de dérives possibles à ces relations entre acteurs transports à celle des écosystèmes naturels. qui sont potentiellement, pourtant, d’une Ces organismes, que ce soient les associations extrême richesse. des amis des réserves naturelles ou de protection, possèdent des données et réflexions Les États ont également un rôle à jouer afin d’un grand intérêt pour la mise en place d’une d’apaiser ces conflits potentiels voire déclarés. protection internationale. Il convient d’utiliser ces différentes compétences, par les études et rapports qui ont été rédigés, les colloques Exemples d’études concernant le territoire du organisés et mettre la force de travail associative Mont-Blanc à la disposition d’une protection internationale. Reste à déterminer les modalités de coopération - Le WWF Valais a financé une étude rigoureuse entre l’organisme gestionnaire et les ayant pour objet des propositions de associations afin d’éviter les conflits potentiels développement touristique durable pour les et sous-jacents entre les autorités locales et ces communes de Finhaut et de Trient (Valais) afin dernières. de proposer, dans une perspective constructive, des alternatives à l’équipement en remontées mécaniques de la région de la Tête de Balme. Cette étude a été envoyée aux présidents de communes concernés puis les résultats Des relations potentiellement conflictuelles présentés lors d’une conférence de presse le 5 octobre 1996 à Martigny (Suisse). L’étude qui Les relations entre les associations de protection comportait notamment la réalisation d’un parc et les autorités politiques locales, notamment naturel régional à Trient et d’un centre d’accueil côté valaisan, sont extrêmement conflictuelles. des visiteurs n’a eu malheureusement aucun Ces relations s’expliquent, en partie, du fait des impact sur les réflexions engagées par les projets d’aménagements de plusieurs commanditaires du projet communes qui sont en suspens suite au recours déposés, notamment par le WWF Valais. Ces - Mountain Wilderness Suisse, a effectué des relations se concrétisent par une atmosphère propositions de développement durable de

Mountain Wilderness France 94 l’activité touristique à Saint Martin dans le des vallées. Transports transalpins). Cette Valais (se situant en dehors du périmètre du fédération regroupe, à elle seule, des Mont-Blanc mais pouvant être utilisé comme compétences et des informations sur des exemple de développement durable). Le questions stratégiques de la protection du concept qui est développé dans cette commune massif. est un mode de développement touristique intégré au milieu et aux activités économiques - Le Comité international des associations pour existantes et de la culture socio-économique la protection du Mont-Blanc (CIAPM) regroupe locale. De ce fait, le tourisme est moins soumis plusieurs associations pouvant contribuer aux exigences des modes éphémères. efficacement à la mise en place d’un espace Le second concept qui est développé dans cette protégé du massif. La FEMB en est membre, étude est la répartition des activités. En effet, les ainsi que l’Association pour le respect du site responsabilités de ce nouveau type de tourisme du Mont-Blanc (ARSMB) spécialisée sur les ne restent pas dans les mains d'un petit nombre questions de transport, des associations de de services touristiques. Elles sont mieux pratiquants... pour ne citer qu’eux. réparties entre tous les habitants du pays. Ce Le CIAPM tend à s’élargir avec de nouvelles type de développement touristique est ainsi associations et peut devenir un des partenaires plus démocratique. privilégiés des ministères.

- Contribution à la résolution du problème des Il serait fastidieux de lister ici les actions, transports internationaux en montagne : “ débats, et dossiers menés par l’ensemble des Transports internationaux en montagne - Sortir associations. Mais il est évident que, dotées de de l’impasse - Mai 1997 ”, cette oeuvre quelques moyens, les associations peuvent être collectives d’associations ( les Amis de la d’un grand secours pour la mise en place d’un Nature, Association pour le Respect du Site du développement durable de la région : les États Mont-Blanc, Club Alpin Français, Fédération en soutenant ces forces associatives, Nationale des Associations d’Usagers des financièrement d’une part, et en étant à l’écoute Transports, CIPRA France, Initiative Transport des différentes contributions qu’elles apportent, Europe et France Nature Environnement et d’autre part, (comme l’invitation à la réunion de Mountain Wilderness) sous la coordination la conférence transfrontaliers émanant d’une d’André Etchelecou, professeur d’université à demande des gouvernements suisses et français, Pau et membre du CAF. Commande de la récemment). Direction Nature et Paysage du Ministère de l’Environnement, ce livre blanc traite des problèmes de transports internationaux, Si la culture du 18ème siècle a “inventé” le notamment dans la vallée de l’Arve et propose Mont-Blanc, celle du 19ème l’a exploré, celle du des solutions. 20ème l’a exploité, gageons que celle du 21ème Ce travail pourrait être poursuivi et approfondi. siècle le préserve et au-delà sauvegarde l’exceptionnelle valeur patrimoniale de tout le - La Fédération européenne Mont-Blanc (FEMB) massif dans lequel il s’inscrit. qui regroupent 13 associations des vallées de Une protection efficace de ce site de renommée l’Arve, d’Aoste et du Valais organise des états internationale nécessite l'utilisation et la généraux de l’environnement et des nuisances collaboration la plus efficace possible de toutes dans le massif du Mont-Blanc (les thèmes traités les forces et compétences techniques et morales le 17 avril 1999 aux Houches seront : Où en sont existantes pour les générations actuelles et à nos glaciers ? le climat se réchauffe-t-il sur le venir. massif du Mont-Blanc ? Le point sur la pollution

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