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Ciné-Club Universitaire du 27 octobre au 15 décembre 2003 lundi 19h et 21h

Auditorium Arditi-Wilsdorf 27 octobre 19h Persona Ingmar Bergman 21h Sueurs froides Ciné-Club 3 novembre 19h Une sale histoire Universitaire 20h Conférence/débat avec Guy Magen 21h Deux Franz-Josef Holzer Auditorium Arditi-Wilsdorf 10 novembre 19h Faux-Semblants David Cronenberg 1, av. du Mail 21h Dodes’kaden 1205 Genève

17 novembre 19h L’étrangleur de Boston Richard Fleischer Les lundis à 19h et 21h 21h Opening Night John Cassavetes

24 novembre 19h L’associé René Gainsville 21h La mort aux trousses Alfred Hitchcock Billet 1 séance à 8.- Carte 3 entrées à 18.-, non transmissible Abonnement pour tout le cycle à 60.- 1er décembre 19h Vente uniquement à l’entrée des séances 21h Le mépris Jean-Luc Godard

8 décembre 19h Zelig Woody Allen Ouvert aux étudiants 21h Ouvre les yeux Alejandro Amenábar et non étudiants Renseignements: La rose pourpre du Caire Activités culturelles 15 décembre 19h Woody Allen 4, rue De-Candolle – 1205 Genève http://activies-culturelles.unige.ch 21h Le miroir Andrei Tarkovski du 8 au 15 novembre rétrospective Straub et Huillet photo: Le magnifique SOMMAIRE ÉDITORIAL Flavia Ambrosetti, Abderrahmane Bekiekh, Frédéric Favre, Astrid Maury, Lucie Rebetez, Moritz Zander Le héros naît à soi-même de son La problématique du double, parce qu’elle un de ces deux aspects, voire qui les combi- dédoublement...... 4 pose les questions de l’identité – de soi et de nent (ce qui est le cas de la plupart des films l’autre – est fondamentale dans toutes les ci- proposés). vilisations humaines. Preuve en est la prolifé- Le cinéma et ses doubles ...... 7 ration de cette figure dans les mythes Le cycle propose une Odyssée des figures du originels. Les héros fondateurs, qu’ils soient double: on débute par des films où le double Le cinéma et son double ...... 10 jumeaux, frères et sœurs ou alter ego vont se matérialise principalement au niveau du souvent par deux (Caïn et Abel, Castor et personnage (Doppelgänger, jumeaux) pour Résumé des films...... 12-13 Pollux, Remus et Romulus, Apollon et évoluer vers l’extension de la problématique Artémis…), ils constituent la préhistoire du du double au film en tant que tel (du film double. Dans les fictions littéraires, cette fi- dans le film au film comme double du Dédoublement de personnalité ...... 14 gure est extrêmement répandue et se conju- monde). gue à tous les modes: du double par division La figure du double chez Hitchcock..16 (scission de personnalité, schizophrénie, Ce cycle n’est donc pas seulement théma- autoscopie) au double par multiplication (ju- tique, mais aussi métadiscursif: il ne parle pas Rétrospective Straub & Huillet ...... 19 meaux, sosies, avatars, clones…) en passant seulement d’une figure représentée dans cer- par le Doppelgänger1, la substitution d’identi- tains films, mais aussi du cinéma lui-même et té, le reflet dans le miroir, l’ombre… du rapport qu’il entretient avec la réalité.

Pourquoi un cycle sur les figures du double au Notre sélection, qui s’est voulue la moins im- cinéma? Plus qu’un simple thème, il nous a médiate et évidente possible tout en propo- semblé que le double entretenait une relation sant une large palette au niveau des figures consubstantielle avec le cinéma, dans la me- comme des genres, a été conditionnée par le sure où ce dernier fonctionne sur le mode désir d’éviter les redondances. Cependant, d’un dédoublement à deux niveaux: au ni- bien d’autres films auraient pu trouver leur veau du jeu des acteurs qui doivent se faire place dans cette série. Afin d’apaiser tant soit autres pour devenir personnages, et au ni- peu cette frustration, une programmation off veau de la reproduction du réel qu’engendre du cycle a été organisée avec l’aimable et pré- un film. Nous nous somme donc particulière- cieux “jumelage” du CAC-Voltaire. ment intéressés aux oeuvres qui thématisent de façon approfondie la figure du double sous photo couv.: Persona 1 photo couv. dos: Ouvre les yeux Le cycle débute avec deux films incontourna- Un deuxième volet du cycle, à partir du 1er dé- 1 Le Doppelgänger représente une synthèse entre le bles, Persona et Vertigo, qui pose la ques- cembre, s’intéressera à la mise en abyme et double par division et le double par multiplication. tion de l’identité et de son usurpation, au rapport entre réalité et fiction. Avec En effet, dans cette figure, une scission s’opère au Le sein du personnage entre deux aspects polarisés de auxquels succèderont le lundi suivant le magnifique et Le mépris pour commencer, sa personnalité. Ces deux aspects se matérialisent “double film” de Jean Eustache Une sale his- ce sont l’écriture et le cinéma lui-même qui (d’où l’expression Doppelgänger, littéralement toire. Ce film sera suivi par une conférence sont mis en scène, dans le premier cas sur le “double marcheur”, celui qui va par deux) pour de Guy Magen qui amorcera une réflexion gé- ton de la comédie, dans le second sur celui du former deux personnes qui s’opposent en un com- bat suicidaire. Cf. p.16 (F. Ambrosetti) nérale sur le double dans l’ensemble des films drame amoureux. La rose pourpre du Caire du cycle, et par la projection de Deux, court se penche sur la même question, alors que les 2 Cf. p.14 (M. Zander) métrage de Franz Holzer. Faux semblants personnages franchissent allégrement la traite de la question de la gémellité et frontière établie par l’écran entre réalité et Dodes’kaden est une fable où, face à une fiction. Ouvre les yeux nous fait entrer dans réalité inacceptable, chaque personnage fuit le monde brisé d’un homme qui a perdu son dans le dédoublement et s’invente un autre visage, où la fêlure du personnage se reflète monde. Nous explorerons aussi le double qui dans la fêlure de sa réalité. Zelig, l’homme- sommeille en nous avec L’étrangleur de caméléon, se métamorphose en fonction de Boston (variation sur le mythe de Dr. Jeckyll son milieu et adresse la question de l’identité et Mr. Hyde2, incluant un artifice formel per- à l’ensemble du groupe social. Enfin le miroir tinent, les split screens). Opening Night se brise en centaines d’éclats narratifs avec illustre la problématique de l’incarnation de Le Miroir, brillante tentative de restituer la personnages par l’acteur et ce qu’elle im- vérité d’un visage de mère dans son temps, plique. Quant à L’associé il met en scène la en multipliant les niveaux de réalité. création d’un alter ego imaginaire qui devient En contrepoint à notre cycle, le CAC- envahissant et dont la destruction entraîne la C’est maintenant à vous, spectateurs, de Voltaire présente un programme de mise en péril du héros (figure dérivée du venir, tels Narcisse, vous contempler dans le films sur la thématique du double. Doppelgänger). Dans La mort aux trousses, miroir projeté qu’est l’écran, ou, tels Persée, Hitchcock nous donne une leçon magistrale utiliser la toile comme un bouclier pour vous CAC-Voltaire d’usurpation d’identité. réfléchir. 16, rue Général-Dufour 1204 Genève

2 photo: Le miroir

Le héros naît à soi-même de son dédoublement Guy Magen Dès la plus haute Antiquité les jumeaux Valjean, Mister Hyde est sous le Docteur tement entre l’instinct de conservation et le étaient considérés comme les rivaux des Jekyll. sentiment amoureux, le mystique oppose une dieux et, déjà, des héros. Le mythe de la sé- autre figure du double: chez Tarkovski la pe- paration voulue par les dieux d’un seul être Qu’il s’agisse de son sosie ou de sa personna- santeur et la grâce (L’Enfance d’Ivan, en ses deux moitiés dispersées – mythe qui lité dédoublée, le personnage et son double Stalker), les sentiments élevés et la bouche institue le thème de l’âme-sœur et de au cinéma s’identifient à la main droite de qui salive devant un morceau de viande sai- l’Amour, en particulier chez Platon – ne révè- Dieu et à la main gauche du Diable (Toi, le gnante; chez Kieslowski l’élection et son dou- le-t-il pas l’âge d’or de cette puissance? venin de Robert Hossein, Mulholland Drive de ble (La double vie de Véronique). Mais dans David Lynch). tous les cas de figure, on ne peut manquer de Si donc chacun se doit de chercher son dou- voir sur nos écrans le combat que mène le ble, toute histoire d’amour constitue une Et le héros de tirer sa force de ce double opposé surmoi contre le ça, et la règle d’or de tous force redoutable, et porter à l’écran une his- L’autre au miroir révèle notre propre ambiguï- ces conflits est de faire de la personne du toire d’amour c’est en cela parfaire la forme té, mais la fonction de l’écran n’est-elle pas héros le lieu même de cet affrontement. La fi- achevée du héros. Les jumeaux, comme les toujours spéculaire? Filmer les scènes d’a- gure du double est donc générale et perma- sosies, sont donc naturellement les héros de mour comme des scènes de meurtre ou filmer nente dans les films de fiction. l’histoire dont ils sont les protagonistes, ils fi- les meurtres comme autant de scènes d’a- gurent de façon flagrante le mythe de deux mour, comme le conseillait Hitchcock, n’est- Si le héros est en proie au conflit cornélien, êtres dont la séparation est impossible, pour ce point là révéler en chaque humanité la sa dualité même est le lieu et l’enjeu du le meilleur comme pour le pire. présence terrible de l’autre? Voyez chez conflit. Il s’ensuit que dans un grand nombre Buñuel (El, Archibald De La Cruz ), la crainte de films nous sommes tiraillés entre deux Et la figure héroïque d’être dans son double que suscite le double: parce qu’il fait surgir tendances extrêmes à l’œuvre chez un même opposé en chacun de nous tantôt la part obscure du personnage, porteur de toute l’angoisse d’é- Chez Héraclite, l’identique se révèle dans la mal, tantôt la part inconnue; et cela fait que, clatement de notre unité apparente. La figure tension des différences, et la différence dans depuis Freud, nous sommes terrifiés par la ré- du double est l’architecture secrète de la le choc des semblables; ainsi de la même vélation brutale d’un autre soi-même capable construction dramatique, et chaque Don façon que Don Quichotte et Sancho Pança de tout ce qui est inavouable. (Cris et chu- Quichotte a son Sancho Pança, chaque saint sont les deux extrêmes d’une même nature chotements, de Bergman). son démon, chaque portrait son envers. Il y a humaine, Laurel et Hardy se créent l’un l’au- deux Cyrano comme il y avait deux Dorian tre dans la tension de leurs différences, et A la théorie des deux cerveaux, – le reptilien Gray, deux Edmond Dantès. Chez Godard, comme monsieur Madeleine est dans Jean et le mammifère de Mon oncle d’Amérique – c’est l’opposition des couleurs (bleu, le rêve, qui conforte toute fiction basée sur l’affron- rouge, le charnel) qui est le plus souvent à 4 l’œuvre (Pierrot le fou, Le mépris, Je vous salue Marie, Prénom Carmen).

Le thème du sosie ou du double est donc une mise à nu de ce ressort secret. La construction métaphorique elle-même n’est-elle pas basée sur le dualisme: l’apparent versus le caché? Existe-t-il une fiction qui ne se construise sur une métaphore? Nous le pressentons, partout menacent le duel, le clivage, la folie.

Le héros se dédouble à l’infini, comme le verbe se conjugue à tous les temps et à tous les modes Au manichéisme primaire de notre enfance nous croyons avoir su définitivement échap- per, puis, devenus adultes, nous regardons triompher sur les écrans les oppositions bi- naires, nous voyons s’opérer les clivages, nous nous identifions au héros comme au traître, à la victime comme au bourreau, nous haïssons le bourreau comme si nous étions la victime, nous rendons avant l’heure le jugement de Dieu et nous vivons l’humiliation avec les humbles, la souffrance avec celui qui est bles- sé, la colère de la vengeance, nous nous iden- tifions à tous les personnages – et nous jouissons de ce feuilletage de notre personne en ses multiples sosies, comme Charles Foster Kane, dieu déboulonné, se voit multiplier dans les miroirs, à l’infini, idole devenue sim- ple image en ses multiples représentations. 5

Le cinéma et ses doubles Astrid Maury Dans l’obscurité enveloppante de la salle de point de vue de son œil. “C’est lui, dans ce teur à l’instance représentante (à l’œil de la cinéma – avatar de la caverne platonicienne – travelling, qui accompagne du regard, sans caméra) permettant l’identification secondaire le spectateur immobile et captif entre dans la avoir à bouger la tête, ce cavalier au galop au représenté (à la fiction, aux personnages). fiction, sous l’emprise de “l’impression de réa- dans la prairie; c’est son regard qui constitue lité”. Au phénomène mécanique de la projec- le centre exact de ce balayage circulaire de la Si la psychanalyse a inspiré cette terminolo- tion, donnant vie aux photogrammes grâce à scène, comme dans le cas d’un panoramique gie, les processus recouvrent néanmoins des l’illusion perceptive du défilement continu (...)2”. Certes, le spectateur n’ignore pas qu’un réalités psychiques fort différentes (au regard des images, s’ajoute la projection mentale du appareillage cinématographique a “supplan- de la maturité psychique du spectateur, dont spectateur sur ces ombres, émanations éva- té” sa vision, qu’une caméra a filmé au préa- le moi est déjà constitué). En effet, pour nescentes d’une pellicule en celluloïd, à qui il lable ce qu’il semble découvrir de lui-même. Freud, l’identification primaire est placée prête vie, désirs et émotions. Le spectateur regarderait ainsi sur l’écran des chez le nourrisson sous le mode de l’incorpo- doubles de lui-même, à la fois extérieurs et ration orale: dans la tétée, l’enfant ne peut Par essence, le cinéma explore les figures du intériorisés. L’effet de suspense renforce les percevoir comme séparé de lui ce corps qui le double: qu’il dissimule son dispositif d’écritu- phénomènes identificatoires. Pour revenir à nourrit. Son moi demeure dans une fusion to- re sous “un récit transparent”1, propice aux la célèbre formule d’Alfred Hitchcock, la di- tale avec l’autre. Analysé par Lacan, le “stade identifications et à la rêverie du spectateur rection des acteurs dans le travail de mise en du miroir” renvoie à l’expérience visuelle du (double du réel ou d’un monde possible) – ou scène a son double, son corollaire, celle de la jeune enfant, qui, s’il prend d’abord son qu’il l’exhibe en rendant sensible la présence “direction de spectateurs”. Pour André S. image spéculaire pour un être distinct de lui- de la caméra et de l’équipe de tournage hors- Labarthe, le spectateur est ainsi envisagé même, comprend peu à peu qu’il s’agit de sa champ (double méta-cinématographique). sous l’emblème du double: il est un double propre image. La confrontation avec son dou- des personnages, regardant sur l’écran un ble dans le miroir pose ainsi les bases symbo- Doubles identifications: le spectateur et ses double du réel. liques de son unité corporelle. Cette doubles expérience lui permet de développer un mode Quel pouvoir étrange du cinéma sur nos êtres Jean Louis Baudry et Christian Metz3 ont de relation différenciée et duelle avec le pour, le temps d’une projection, estomper théorisé dans les années 70 “la double identi- monde, et de construire sa personnalité par le notre “personnalité propre” de spectateur et fication au cinéma” en référence au modèle biais des identifications secondaires. nous faire pénétrer dans l’espace imaginaire freudien de l’identification primaire et de ouvert par la fiction! Partie prenante de ce l’identification secondaire dans la formation L’expérience visuelle du spectateur de cinéma qui se passe dans le film, le spectateur jouit du moi infantile. Au cinéma, on distingue – se tenant dans l’obscurité hors des contin- aussi d’une vision sur le film, qui fait que ce ainsi deux phénomènes spectatoriels interdé- gences du monde en état de “régression nar- dernier lui semble s’organiser autour du seul pendants: l’identification primaire du specta- cissique” et limité dans sa motricité, comme photo: La rose pourpre du Caire 7 le jeune enfant – a été comparée à celle de 1 La “transparence” filmique désigne l’esthétique l’enfant face au miroir. Car bien que l’écran ne classique du cinéma narratif: “Quel que soit le renvoie pas l’image du corps du spectateur, il film, son but est de nous donner l’illusion d’assis- ter à des événements réels se déroulant devant isole des objets dans le cadre, comme le mi- nous comme dans la réalité quotidienne. Mais roir. Mais capté par l’écran, absorbé dans sa cette illusion recèle une supercherie essentielle, vision, le spectateur y est néanmoins “sur- car la réalité existe dans un espace continu, et présent”, puisque tout le film semble s’ordon- l’écran nous présente en fait une succession de ner autour de son propre regard. petits fragments appelés “plans” dont le choix, l’ordre et la durée constituent précisément ce qu’on nomme “découpage” du film” (André Bazin, L’identification cinématographique primaire in Orson Welles, Ed. du Cerf, 1972, pp. 66-67). On est donc la substitution fusionnelle d’une vi- pourrait ainsi avancer que la transparence au ciné- sion – celle de la caméra – à celle du specta- ma est une figure du dédoublement du réel. teur, ce dernier s’appropriant le point de vue 2 In: Esthétique du film, ouvrage collectif de de la caméra. “Puisque le cinéma est un re- J.Aumont, A.Bergala, et al., Ed. Nathan, 2001, p gard qui se substitue au nôtre pour donner 185 un monde accordé à nos désirs, il se posera 3 Jean-Louis Baudry, L’effet Cinéma, Ed. Albatros, sur des visages, des corps rayonnants ou 1978. Christian Metz, Le signifiant imaginaire, meurtris, mais toujours beaux”4. U.G.E. coll. 10/18, 1977 4 Citation originelle de Michel Mourlet galvaudée par Sans cette identification primaire, le film ne Jean-Luc Godard, qui l’attribue à André Bazin et serait qu’une succession d’ombres, de taches qu’il mettra en exergue de son film Le mépris: “Le cinéma substitue à notre regard un monde qui de couleurs parfaitement inintelligibles, et s’accorde à nos désirs. Le mépris est l’histoire de ce c’est sur elle que repose l’identification se- monde”. Cf- article de Michel Mourlet paru dans le condaire à l’univers du récit. Elle rejoint l’ac- n° 98 des en août 1959. ception classique de l’identification sur le 5 Renvoi à la phase œdipienne, où l’enfant est mû à plan diégétique du spectateur aux personna- l’égard de ses parents de désirs ambivalents: amour ges – se ramenant à l’occupation changeante et désir; jalousie et haine. 5 de places : “dans une scène d’agression, le 6 In: Esthétique du film, ouvrage collectif de spectateur s’identifiera à la fois à l’agresseur J.Aumont, A.Bergala, et al., Ed. Nathan, 2001 (avec un plaisir sadique) et à l’agressé (avec angoisse)…”6

8 photos: Le mépris (à droite: photo de tournage)

Le cinéma et son double Frédéric Favre Au cinéma, il n’y a pas que le héros (ou l’an- mise en scène nous plonge dans un monde lui-même comme sujet de manière critique ti-héros) qui peut se dédoubler, se multiplier, se qui nous semble réel jusqu’à ce que le rideau (métadiscours). Dans son film, Godard nous refléter ou se diviser. Le film lui-même en est tombe et nous fasse découvrir un autre ni- propose une véritable poétique du cinéma et aussi capable. Explications et bref tour d’horizon. veau de réalité, voire plusieurs autres ni- une réflexion sur la question du rapport veaux de réalité. Dans Le miroir de Tarkovski, entre la matière (l’argent de la production) et Un film, c’est tout d’abord la re-création d’un qui clôt notre cycle, la structure narrative la forme (le rêve de l’artiste), la réalité et univers en trompe-l’œil, d’un monde qui éclate littéralement au profit de dizaines de l’art. Il met précisément en scène l’art ciné- imite certains aspects de notre vécu phéno- niveaux de réalités (historique, psycholo- matographique en tension entre ces deux ménal habituel: l’espace, le temps, le son, gique, autobiographique) qui s’ajoutent les pôles. Le dernier plan du film, partagé entre l’image, le rythme… En cela il entretient de uns aux autres par couches pour former la ciel et mer, en est l’illustration cinématogra- prime abord un rapport de gémellité, voire de réalité d’une vie. phique parfaite. spécularité avec la réalité qu’il imite. Un film, un tableau, un roman sont l’intrusion dans le Dès lors que dans un film un personnage ra- Que signifie donc, pour une œuvre, d’avoir re- monde réel de dispositifs qui proposent d’au- conte l’histoire d’un personnage à qui il arri- cours à une structure enchâssée? Quel rap- tres niveaux de réalité, fruits de l’imagination ve une aventure (comme dans Le magnifique port au réel cela implique-t-il pour le récit humaine. Que se passe-t-il lorsque, à l’inté- de Philippe de Broca), on entre dans une cadre et le récit mis en abyme? En mettant en rieur même de ces dispositifs de représenta- autre forme de dédoublement de la narration scène différents niveaux de réalité, il nous a tion, se glissent d’autres dispositifs de et de la représentation (et ce quel que soit le semblé que l’une des questions fondamenta- narration? média enchâssé: roman, tableau ou film dans les avec laquelle la mise en abyme nous le film). A cet instant une porte s’ouvre vers confrontait était celle du rapport entre fic- Dans sa structure “simple”, un film nous ra- un nouveau niveau de fiction que nous ap- tion et réalité: quelle est la nature de ce rap- conte une histoire, une aventure, un voyage, pellerons avec Lucien Dällenbach1 “mise en port, existe-t-il une frontière définie entre le passage (physique, psychique, spirituel) abyme de l’énoncé”. Si l’histoire qui nous est ces deux entités? pour le héros d’un point A à un point B, mal- racontée à l’intérieur du film est l’histoire du gré les embûches C. Mais la construction de la tournage d’un film, comme dans Le mépris, Une des questions récurrentes de la problé- réalité fictionnelle peut se fracturer en plu- où Godard nous raconte l’histoire de Fritz matique du double consiste à démêler le vrai sieurs niveaux parallèles, structure que l’on Lang en train de tourner l’Odyssée, on se du faux, l’authentique de l’imposteur, l’origi- retrouve dans de nombreux films récents trouve face à une mise en abyme de l’énon- nal de la copie… En termes contemporains, comme Ouvre les yeux, Matrix, ExistenZ, ciation, c’est-à-dire une mise en abyme de la le réel du virtuel. Nous avons commencé en Truman Show, Mulholland Drive pour ne citer production du récit. A ce niveau, la mise en disant qu’un film constituait une “imitation que les plus évidents. Dans tous ces films, la abyme permet au film de prendre le cinéma du réel”. Il convient maintenant de problé- 10 matiser cette affirmation. On pourrait même ses Maximes3 se demandait combien d’hom- inverser le rapport: et si le réel imitait la fic- mes seraient capable d’aimer s’ils n’avaient ja- tion? Depuis Aristote2, le critère pour évaluer mais entendu parler d’amour. Bien peu, la “réalité” d’un être, d’une situation, d’un répond-il. Aucun, radicalisera Michel récit est sa “cohérence”. Or la plupart des Tournier4 quatre siècles plus tard. Combien films sont bien plus cohérents que nos vies d’entre nous sauraient aimer, s’il n’avait ja- chaotiques et hasardeuses. De ce point de mais vu de films d’amour? vue, un film serait plus réel que la vie elle- même. La fiction se doit en tout cas d’être Les rapports entre réalité et fiction sont donc vraisemblable (toujours selon Aristote). réciproques. Si la fiction constitue une imita- D’autant que, fondamentalement, nos vies tion du réel, on peut dire que sous certains sont faites d’histoires et de narrations, notre aspects, c’est la réalité qui peut être vue identité se construisant à partir de mythes et comme le double de la fiction. de récits.

Dans notre monde dominé par l’image, le vir- tuel et le factice, cette question revêt une pertinence toute particulière, et les films qui l’affrontent nous mettent en garde. Vivez- vous vraiment vos vies? Êtes-vous maîtres de vos destins? Vos souvenirs vous appartien- nent-ils? Ces questions sont au centre de 1 Lucien Dällenbach, Le récit spéculaire, Seuil, , films comme Ghost in the Shell ou Blade 1977. Runner, où des machines créées à l’image de l’homme se révèlent plus humaines que les 2 Aristote, Poétique, Paris, Seuil, 1980. humains eux-mêmes. 3 La Rochefoucauld, Réflexions ou Sentences et Maximes morales [136], Éd. Garnier Frères, Paris, Si la fiction tente d’imiter ce qu’on appelle 1961, p.40. “la réalité”, elle-même tissu de fictions, on 4 Michel Tournier, Le vent Paraclet, Gallimard, Paris, peut aussi dire qu’elle l’influence et la modi- 1977. fie à plus d’un titre. La Rochefoucauld dans

photos: La mort aux trousses 11 LUNDI 27 OCTOBRE LUNDI 3 NOVEMBRE LUNDI 10 NOVEMBRE LUNDI 17 NOVEMBRE Persona Une sale histoire Faux-semblants L’étrangleur de Boston Suède, 1966, 85 min, R. et Sc.: Ingmar France, 1977, 2 fois 26 min, R.: Jean Eustache, (Dead Ringers) (The Boston Strangler) Bergman, Int.: Bibi Andersson, Liv Ullman, Int.: Michael Lonsdale, , Jean- Canada, 1988, 105 min, R.: David Cronenberg, USA, 1968, 114 min, R.: Richard Fleischer, Sc.: Margaretha Krook, Gunnar Björstrand Noël Picq Sc.: D. Cronenberg et N. Snyder, d’après Bari Edward Anhalt, Int.: Tony Curtis, Henry Fonda, Une actrice de théâtre qui a perdu la Ou comment l’histoire d’une obsession Wood et Jack Geasland, Int.: Jeremy Irons, George Kennedy parole, sauvée par une infirmière sur sexuelle devient une réflexion sur le ci- Geneviève Bujold, Heidi von Palleske Le film présente un cas authentique: il une île déserte… Et un film qui a sauvé néma: à travers le dédoublement du Histoire de jumeaux inséparables, tous analyse l’affaire De Salvo, un plombier son réalisateur du mutisme artistique. récit en un double film fiction-docu- deux gynécologues et vivant sous le souffrant de dédoublement de la per- Jeux de doubles, d’attirance et de rejet, mentaire, Jean Eustache nous propose même toit, Faux Semblants est un sonnalité, qui viola et tua de nombreu- Persona (le masque du comédien une expérience très originale et une ré- voyage au cœur d’un enfer cérébral. ses femmes au début des années 60. antique en même temps que le masque flexion sur le réel et la fiction. Splendide et déroutant, intellectuel et On nous montre simultanément les dif- social pour la psychologie jungienne) glacial. Une réflexion sur le double, la férents aspects de l’affaire: rôle des mé- est un film qui offre des possibilités de Conférence-débat chair et le monstre. dias, réactions politiques, travail de la réflexibilité infinies. police… pour se concentrer finalement Guy Magen Dodes’kaden Japon, 1970, 130 min, R.: Akira Kurosawa, Sc.: sur l’interrogatoire, tel un huis clos Sueurs froides (Vertigo) Enseigne le cinéma à Paris VIII. psychologique. USA, 1958, 128 min, R.: Alfred Hitchcock, Sc.: Formateur pour les enseignants de ci- A. Kurosawa et H. Orguni d’après Yamamoto, A. Coppel et S. Taylor, d’après P. Boileau, Int.: néma des collèges et lycées, directeur Int.: Zuski Yoshitaka, Din Sugai, Junzaburo Ban Opening Night James Stewart, Kim Novak, Barbara Bel Geddes du Centre culturel Robert Desnos à Ris Kurosawa disait de Yamamoto, dont il USA, 1978, 144 min, R. et Sc.: John Cassavetes, Scottie, ex-policier sujet au vertige, se Orangis et des Cinoches, fondateur du adaptait le roman à l’écran, qu’il “vou- Int.: Gena Rowlands, Ben Gazzara, John voit chargé par un ami de la surveillan- Festival Cinessone, il a publié dans la lait aller au fond de la vie et des senti- Cassavetes, Paul Stewarts ce de son épouse qui a des tendances revue Cinémaction. ments du petit peuple: tristesse, L’histoire d’une actrice dont le rôle sur suicidaires. S’ensuit un fascinant jeu de angoisse, problèmes matériels, aspects scène se mêle si intimement à la vie doubles et de fantômes, où une femme La conférence sera suivie de la projec- bizarres et comiques…” Son film est privée que cela en devient insupporta- en cache toujours une autre, et où le tion de: aussi une peinture du monde des lais- ble. Un incessant jeu de miroirs, où la héros se perd dans les replis des men- sés-pour-compte et de la puissance de vie et le théâtre se mêlent. On croit Deux songes accumulés. Suisse, 2000, 28 min, R. et Sc.: Franz-Josef leurs rêves, capables de créer des mon- être dans les coulisses, on est déjà sur Holzer des idéaux pour remplacer une réalité scène ; et la chambre d’hôtel ressemble sordide. à un décor… Sur son lit d’hôpital, le héros vit une double expérience de vie et de mort.

Pour que la première scéance du cycle commence à l’heure, les abonnements sont mis en vente dès 18h30. Une fiche filmique est mise à disposition avant la projection. Sauf mention particulière les films sont en version originale sous-titrée. 12 LUNDI 24 NOVEMBRE LUNDI 1ER DÉCEMBRE LUNDI 8 DÉCEMBRE LUNDI 15 DÉCEMBRE L’associé Le magnifique Zelig La rose pourpre du Caire France, 1979, 95 min, R.: René Gainville, Sc.: R. France-Italie, 1973, 90 min, R.: Philippe de USA, 1983, 80 min, R. et Sc.: Woody Allen, Int.: (The Purple Rose of Cairo) Gainville, J.-C. Carrière, d’après J. Prieto, Int.: Broca, Sc.: , P. de Broca, Int.: Jean- Woody Allen, Mia Farrow, John Buckwalter USA, 1985, 80 min, R. et Sc.: Woody Allen, Int.: , Claudine Auger, Catherine Alric Paul Belmondo, Jacqueline Bisset, Vittorio Comme son scénariste, Zelig est un Mia Farrow, Jeff Daniels, Danny Aiello Marié et père d’un enfant, Julien Pardot Caprioli homme caméléon. Il change d’identité Qui n’a pas rêvé que l’acteur ou l’actri- végète comme dessinateur dans une François Merlin tente péniblement d’é- comme de chemise, traverse le siècle et ce qu’il admirait tant ne sorte du film agence de publicité. Modeste et effacé, crire son 43ème roman, dont le héros lui la planète en côtoyant le pape et pour venir le chercher ? C’est ce qui il est accusé de manquer de punch et ressemble singulièrement, en plus élé- Hitler. Le docteur Fletcher arrivera-t-il à arrive à Cecilia, une jeune femme mal- congédié. Persuadé d’avoir le sens des gant et dynamique cependant… Il en faire un homme normal ? Trucages, menée par un mari désagréable, qui se affaires, il ouvre un cabinet de conseil s’inspire de sa voisine pour créer le vo- documents d’archives trafiqués, com- laisse hypnotiser par la magie du ciné- financier. Sous un pseudonyme, il va luptueux personnage d’une espionne mentaires de psychanalystes très ma… Mais n’oublions pas que c’est là alors faire fortune. nommée Tatiana. Une brillante ré- connus et flash-back sont mis au servi- encore une fiction supplémentaire. flexion sur la manière dont la réalité et ce d’une imagination débridée, pour La mort aux trousses l’imaginaire interfèrent l’un sur l’autre, l’un des films les plus originaux de Le miroir (North by Northwest) (Zerkalo) USA, 1959, 136 min, R.: Alfred Hitchcock, Sc.: avec, au passage, quelques savoureux Woody Allen. URSS, 1974, 110 min, R. et Sc.: Andreï moments de parodie. E. Lehman, Int.: Cary Grant, Eva Marie Saint, Ouvre les yeux Tarkovski, Int.: Margarita Terekhova, Ignat James Mason Le mépris (Abre los ojos) Daniltsev, Larissa Tarkovskaïa La mort aux trousses, c’est la course France, 1963, 103 min, R.: Jean-Luc Godard, Espagne, 1997, 117 min, R.: Alejandro C’est l’histoire d’un homme qui cherche folle d’un homme poursuivi pour de Sc.: J.-L. Godard, d’après Alberto Moravia, Int.: Amenábar, Sc.: Alejandro Amenábar et Mateo le souvenir de sa mère et de sa femme. mauvaises raisons, et qui incarne le Brigitte Bardot, , Fritz Lang et J.- Gil, Int.: Eduardo Noriega, Pénélope Cruz, Bergman disait: “Le film est un rêve. faux coupable cher à Hitchcock. L. Godard Gérard Barray C’est pourquoi Tarkovski est le plus Malentendus, usurpation d’identité, Un méli-mélo de malentendus, ou la Polar fantastique, thriller onirique, grand de tous. Il se déplace dans jeux de masque, les scènes s’enchaî- double histoire d’un film qui se fait et film-puzzle époustouflant: on a beau l’espace des rêves. J’ai frappé toute ma nent à toute vitesse dans ce thriller d’un couple qui se défait. Hommage au ouvrir les yeux – la machination nous vie à la porte de ces lieux où lui se dé- parfaitement maîtrisé. cinéma et à la poésie, Le mépris envoûte tout de même. Qui est qui ? Où place avec tant d’évidence”. contient tous les enjeux des films de est le rêve, où est la réalité ? Un film Jean-Luc Godard. sur la jalousie, la perception du réel et les mensonges qui l’accompagnent.

mique est mise à disposition avant la projection. Sauf mention particulière les films sont en version originale sous-titrée. 13 Le dédoublement de personnalité Moritz Zander La scission schizophrénique d’un individu en (Marnie de Hitchcock, Secret beyond the de Palma. Une troisième forme montre la dif- plusieurs personnalités est un motif récur- door de Lang), cependant elle permet d’éclai- férence et la complémentarité des sous-per- rent lorsque le cinéma approche la question rer certains concepts psychologiques et ap- sonnes chez un personnage, par ses du dédoublement d’identité. Le modèle clas- porte aux scénarios des modèles explicatifs différents comportements, sans que soit visi- sique, qui sert de base à quelques réflexions pour le comportement des personnages. ble aucune transformation de l’apparence ex- sur ce thème au cinéma, est tiré d’une fiction térieure. Citons, par exemple, The Three Faces littéraire de R.L Stevenson – The Strange Case La métaphore de la personnalité clivée se of Eve de Nunnally Johnson. of Dr. Jeckyll (1881) – qui a inspiré dès 1909 prête à un traitement visuel saisissant, le ci- de nombreuses adaptations cinématogra- néma permettant de voir les symptômes et Lorsque le film réussit à représenter de façon phiques. Rappelons-en brievement l’intrigue: troubles intérieurs du sujet schizophrène. Le intelligible ces diverses occurrences du dé- Le Dr Jeckyll expérimente sur lui même des topos de Dr. Jeckyll and Mr. Hyde comprend doublement de personnalité par le biais de drogues agissant sur la personnalité. Un de plusieurs variantes dans son traitement à l’écriture (découpage, montage, trucages, ces médicaments provoque des réactions se- l’image. La première est la transfiguration son), faisant saisir au spectateur que ces mul- condaires foudroyantes: le jour, le docteur d’une personne en une autre, c’est à dire en tiples personnages proviennent d’une seule Jeckyll poursuit ses activités médicales, la un personnage indépendant, qui se distingue et même personne (par exemple quand ils nuit il se transforme en l’effroyable Mr. Hyde, nettement du premier par ses traits phy- sont incarnés à l’écran par le même acteur), il un être monstrueux, projection de la part siques et son comportement (cette métamor- donne ainsi au discours sur la maladie menta- obscure de l’âme de Jeckyll. Hyde prend peu phose peut se produire une seule fois ou de le une illustration forte. à peu l’ascendant sur le docteur Jeckyll. La manière répétée). Certains films tirent leur lutte entre les deux parties de la personnalité enjeu dramatique et spectaculaire de cette Le film peut donc donner à voir le dédouble- est souvent analysée comme une métaphore transfiguration monstrueuse – notamment ment de personnalité grâce à ses potentiali- de la conscience bourgeoise puritaine aux dans le genre des films d’horreur: Wolf (Mike tés esthétiques propres, et d’autre part la prises avec les forces pulsionnelles qu’elle Nichols), Teen Wolf (Rod Daniel), voire problématique de l’identité est un des res- tend à réprimer (Mr. Hyde représentant le Thriller (clip vidéo de Michael Jackson). sorts essentiels de la structure dramatique. “ça” freudien) et qui finissent par l’emporter Ainsi la psychologie et le cinéma s’influen- sur les velléités de maîtrise et de domination Une deuxième figure plus “réaliste” du cliva- cent dans une étroite interaction: le film de la société bourgeoise (dans une sorte de ge de la personnalité est celle d’une personne concrétise un modèle psychologique (mise en retour du refoulé). qui non seulement se travestit ponctuelle- scène, mise en réalité) et la psychologie livre ment, mais qui incarne psychiquement et au cinéma des structures narratives intéres- Certes, la schématisation de modèles psycho- physiquement un autre Moi. L’exemple cano- santes. logiques au cinéma peut conduire à un traite- nique au cinéma en est Psycho d’Alfred ment caricatural des théories scientifiques Hitchcock, mais aussi Dressed to kill de Brian 14 photo: Opening Night

La figure du double chez Hitchcock Flavia Ambrosetti Selon certains l’œuvre d’Hitchcock peut être de manière fort claire dans les deux films cités qu’une personne fictive. Ainsi cet homme in- définie comme étant basée sur la culpabilité ci-dessus. Par exemple, dans l’Ombre d’un souciant qui voulait envoyer un télégramme à ou son contraire, l’innocence. On peut arguer doute, Oncle Charlie et la nièce Charlie repré- sa mère se trouve soudainement plongé dans qu’en conséquence elle est fondée sur la figu- sentent deux opposés: l’un est constamment une aventure qui va changer sa vie à jamais. re du double, thème récurrent dans la plupart associé à l’obscurité et au mal, l’autre à la lu- Comme souvent dans les films d’Hitchcock, de ses films, dans lesquels on peut identifier mière et à l’innocence. Cela dit, ces deux c’est au milieu d’une journée ordinaire que le plusieurs types de doubles, de la figure clas- aspects sont intrinsèquement liés et, lors de la chaos entre en scène. sique du Doppelgänger à un type de double mort de son oncle, une ombre est jetée sur plus moderne lié à la schizophrénie. l’innocence de la jeune Charlie. On retrouve ce Vertigo peut être considéré comme le film sur même rapport de force dans L’Inconnu du le double par excellence. On y trouve le thème Dans L’Ombre d’un doute et L’Inconnu du Nord-Express, où un meurtre lie inexorable- de la métamorphose et de la mise en abyme Nord-Express, Hitchcock met en scène des ment Bruno et Guy. Bruno représente la face du metteur en scène, puisque d’abord couples entretenant des relations qui ne sont cachée et réprimée de Guy. C’est lui qui passe- Hitchcock transforme Kim Novak en blonde pas sans rappeler la figure classique du ra à l’acte en tuant la femme de Guy, exauçant hitchcockienne, et qu’ensuite Elster et Scottie Doppelgänger. Cette dernière illustre le dé- ainsi les désirs secrets du mari qui a de même métamorphosent Judy en Madeleine. doublement d’une personne en deux êtres refoulé sa tendance homosexuelle. Le couple Madeleine est présentée comme une œuvre identiques, sans qu’il s’agisse néanmoins de Guy et Bruno constitue une figure du double, d’art, ce qu’elle est en effet puisque son per- sosie, du fait que les deux personnages entre- l’un et l’autre seraient comme le revers d’une sonnage est une création d’Elster, mais l’inter- tiennent des relations très étroites. Ils sont en même médaille. prète semble tellement fusionner avec son fait dépendants l’un de l’autre et ils ne pour- personnage que fiction et réalité se mêlent. raient vivre séparément: la mort de l’un en- Une grande partie des films d’Hitchcock repo- Judy ne semble réussir à exprimer la partie ca- traîne celle de l’autre. Le terme Doppelgänger se sur l’idée du faux coupable, avec un inno- chée de sa personnalité que quand elle est naît en Allemagne au 19e siècle pendant le cent qui est pris pour un criminel et recherché Madeleine. Au début du film, on croit que Romantisme, parmi les intellectuels du groupe par la police. Pendant la durée du film, le Carlotta Valdès est en train de prendre posses- de Iéna, influencés par les théories du philo- héros en question prend donc la place du cri- sion de Madeleine, et à la fin on se rend comp- sophe Johann Gottlieb Fichte, qui développe minel contre son gré et essaye de prouver son te que Madeleine a en fait pris possession de et approfondit la notion de “sujet”. Les écri- innocence. L’exemple classique en est La mort Judy. Judy et Scottie sont tous deux en quête vains romantiques se penchent sur la double aux trousses, où Roger Thornhill se voit tra- de leur identité et ils semblent l’avoir trouvée nature de l’homme et sur le conflit entre le qué par la police et par une organisation ma- dans leur amour. On peut donc dire que par- bien et le mal. Ceci est aussi un des thèmes fieuse parce qu’on le prend pour Georges fois le chemin qui mène à sa vérité passe par principaux de l’œuvre d’Hitchcock et ressort Kaplan, un agent de la CIA qui s’avérera n’être les méandres du masque et du double.

16 photo: Vertigo

L’autre réalité Clément Rosset a sans doute raison de dire, à C’est la grande magie du cinéma que d’inviter satisfaisant d’une seule liberté de regard, du propos de son film Céline et Julie vont en ba- impérieusement au spectacle d’une réalité à droit d’en choisir et d’en assembler les images teau: “Pour moi le contrat qui consiste à la fois différente et pareille, d’un autre qui ne éparses pour les réordonner à sa façon et payer une place de cinéma implique en retour diffère pas vraiment du même dont on a l’ha- selon son plaisir. Il est à peine besoin de sou- l’accès à un autre monde.” Mais il faut préci- bitude, à l’instar de la femme idéale dont rê- ligner que cette imagination cette liberté ser que cet “autre monde” auquel est admis le vait Verlaine, “ni tout à fait la même, ni tout sont les vertus cardinales de tout bon cinéas- spectateur présente un caractère particulier à fait une autre”. Or l’évasion la plus béné- te. Comme le dit dans ses dans le cas du cinéma: de ressembler à s’y fique n’est pas tant d’échapper à la réalité Notes sur le cinématographe, l’art du cinéaste méprendre au monde que ce spectateur vient que d’évoluer à l’aise dans une réalité parallè- ne consiste ni à représenter le monde ni à le de quitter en entrant dans la salle obscure. le et pour ainsi dire jumelle. Il n’est pas de renier, mais à le fragmenter et à le réassem- C’est pourquoi il lui est si facile d’oublier l’un meilleure distraction au monde que d’y rester, bler pour le faire apparaître sous un jour nou- en adoptant l’autre. L’autre réalité, celle que en changeant seulement et imperceptible- veau, lui conférant ainsi la “qualité d’un lui présente le film, ressemble si bien à la réa- ment de temps et de lieu. On ne quitte jamais monde neuf qu’aucun des arts existants ne lité tout court qu’elle peut et est seule à pou- si bien le monde que lorsqu’on y demeure en laissait soupçonner (…). La fragmentation voir prétendre la remplacer purement et pensée, troquant l’imagination du réel contre est indispensable si on ne veut pas tomber simplement, à en tenir lieu et place pendant celle d’un réel qui lui est en tout point com- dans la représentation. Voir les êtres et les le temps de la projection. Et c’est aussi pour- parable. Imagination non d’un autre monde choses dans leur parties séparables. Isoler ces quoi le cinéma est un divertissement vérita- mais d’une “autre scène”, comme le dit parties. Les rendre indépendantes afin de blement extraordinaire, précisément pour se Octave Mannoni qui distingue à ce propos, leur donner une nouvelle dépendance.” confondre avec l’ordinaire: offrant au specta- dans ses Clefs pour l’imaginaire ou l’autre teur un ailleurs paradoxal, je veux dire un scène, deux formes d’imagination: l’imagina- Tiré de: Propos sur le cinéma, Presses ailleurs qui ne se situe pas hors du monde tion de l’irréel, hallucinatoire et morbide, et Universitaires de France, Paris, 2001, pp. 67 à mais en plein monde. Il réalise à sa façon l’ir- l’imagination d’un autre réel, simple variante 69 réalisable vœu des romantiques, tel que l’ex- de la réalité qui en modifie la disposition au priment par exemple Baudelaire et Rimbaud, gré de sa fantaisie tout en en respectant la d’accéder à un ailleurs sans qu’on ait besoin loi. L’imagination délirante entend changer de l’aller chercher hors du monde (anywhere de monde, l’imagination “normale” se out of the world), de devenir “un autre” sans contente de changer de scène. Imagination qu’il faille pour autant renoncer à son “je”. somme toute raisonnable puisque n’exigeant du monde aucun changement en nature et se

18 photo rétrospective Straub et Huillet: Othon

Rétrospective Straub & Huillet Lysianne Léchot Hirt Le Ciné-club de l’Université de Genève pré- La mémoire, la réalité effective du passé dans Les films de Straub et Huillet sont d’une fac- sente, en collaboration avec la 10e Biennale les expériences vécues, dans les textes et les ture formelle extrêmement précise: la compo- de l’Image en Mouvement, une rétrospective œuvres, cette part de la culture qui demeure sition des plans et le jeu des acteurs sont exhaustive des films de Jean-Marie Straub et révolutionnaire, sont au centre du travail de réglés jusqu’au plus petit détail, sans que ja- Danièle Huillet du 7 au 15 novembre 2003. Straub et Huillet: “Ce sont des rencontres de mais cependant on ait l’impression d’une vo- Cette rétrospective sera accompagnée d’une hasard, dans la vie ou dans la société, qui ne lonté esthétique. La beauté des images soirée de conférences et de discussions le peuvent devenir un film que si elles cor- n’aveugle pas le regard, elle l’aiguise. Ainsi, mercredi 12 novembre 2003. respondent à des sentiments personnels, à les cadrages souvent excentrés manifestent des expériences vécues ou à des colères.”3 l’opération de coupure dans le réel et don- On dit de Straub et Huillet qu’ils sont des ci- Leur œuvre “s’est ainsi construite avec des nent aux corps l’espace de leurs mouvements. néastes engagés; depuis 1963 (Machorka- motifs et des matériaux, des sujets et des tex- La notion de concentration est sans doute Muff), leurs films sont tous politiques, au tes manifestement étrangers au cinéma sans celle qui décrit le mieux la charge des plans, sens où l’acte de filmer, de monter (mais aussi qu’il ait jamais été question d’un quelconque au bord de l’explosion.7 pour les acteurs celui de jouer, de parler, de compromis d’adaptation réciproque entre les faire et d’entendre de la musique) sont des textes et le cinéma en sa supposée nature.”4 1 In: “Jean-Marie Straub, Danièle Huillet Cinéma [et] actes politiques, qui impliquent un certain Hölderlin, Marx, Kafka, Böll, Brecht, politique: “Faucille et marteau, canons, canons, dynamite!””, entretien publié dans Hors-Champ, rapport au monde, au travail, à l’Histoire. Vittorini, mais aussi Schönberg, Bach, ou numéro spécial août 2001, Université de Lausanne. Intransigeants, radicaux, libres, Straub et Renoir, Dreyer, Chaplin, Ford: des œuvres “vi- Huillet explorent les rapports entre les hom- sitées et observées du point de vue […] de ce 2 Jean-Marie Straub, ibid. mes et la terre, puissants et faibles, tra- qui lie les effets de sens aux décisions d’écri- 3 in: Jean-Marie Straub et Danièle Huillet: conversa- tions en archipel, Mazzotta, Cinémathèque françai- vailleurs et artistes, Ouvriers et paysans (titre ture.”5 Les textes ne sont pas re-présentés, se, 1999 d’un film de 2001). Pour Jean-Marie Straub, mais rendus présents, incarnés dans la parole “la force d’un film politique n’a rien à voir d’êtres vivants. La parole, les dialogues sont 4 Jean-Claude Biette, “Le jeu du bec”,in: Conversations en archipel (cité plus haut) avec son idéologie.”1 Faire du cinéma politi- plus importants que l’intrigue; Straub et quement, pour Straub et Huillet, c’est s’orga- Huillet rendent la littérature à son stade oral 5 Jean-Claude Biette, ibid. niser pour être libres, ne pas se plier au (que le cynisme culturel actuel refoule ou 6 Danièle Huillet, in: Hors-Champ (cité plus haut) box-office de l’industrie culturelle, choisir ses méprise). C’est pour cela, aussi, que nombre 7 sur le plan chez Straub et Huillet, cf. Erik Bullot, acteurs, et payer une affiche de sa poche s’il de leurs acteurs sont des non professionnels, “Notes sur un photogramme de Moïse et Aaron”, in le faut. “Il n’y a pas de liberté artistique en des gens qui “ne sont pas enfermés dans le Conversations en archipel (cité plus haut) système capitaliste!”2 préfabriqué”.6

20 photo: Non réconciliés

Rétrospective Straub & Huillet

Le retour du fils prodigue – Humiliés, 2003, Dalla nube alla resistenza (De la nuée à la Chronik der Anna Magdalena Bach 65 min. résistance), 1978, 105 min. (Chronique d’Anna Magdalena Bach), 1967, 93 min Operai-Contadini, 2001, 123 min. Fortini/Cani, 1976, 83 min. Nicht versöhnt Oder es hilft nur Gewalt, wo Sicilia!, 1998, 66 min. Toute révolution est un coup de dés, 1977, Gewalt herrscht (Non réconciliés ou Seule la 10 min. violence aide où la violence règne), Von Heute auf Morgen (Du jour au lende- 1965, 55 min. main), 1996, 62 min. Moses und Aron (Moïse et Aaron), 1974, 105 min. Machorka-Muff, 1962, 17 min. Lothringen! (Lorraine!), 1994, 21 min. Einleitung zur Arnold Schönbergs Antigone, 1992, 100 min. “Begleitmusik zu einer Lichtspielscene” (Introduction à la “Musique d’accompagne- Cézanne, 1989, 51 min. ment pour une scène de film” d’Arnold Schönberg), 1972, 15 min. Schwarze Sünde (Noir péché), 1988, 42 min. Geschichtsunterricht (Leçons d’histoire), Der Tod des Empedokles (La mort 1972, 85 min. d’Empédocle ou quand le vert de la terre brillera à nouveau pour vous), Les yeux ne veulent pas en tout temps se 1986, 132 min. fermer ou Peut-être qu’un jour Rome se per- mettra de choisir à son tour Othon, Klassenverhältnisse (Amerika – rapports de 1969, 88 min classes), 1984, 130 min. Der Bräutigam, die Komödiantin und der En rachâchant, 1982, 7 min. Zuhalter (Le fiancé, la comédienne et le ma- quereau), 1968, 23 min. Trop tôt, trop tard, 1980-81, 100 min.

22 CIC ve 7 20h Ouverture BIM BIM: Biennale de l’Image en Mouvement www.centreimage.ch/bim CIC sa 8 18h Operai-Contadini CIC: Centre pour l’Image Contemporaine 5, rue du Temple CIC di 9 18h Chronique d’Anna Magdalena Bach 1201 Genève CIC lu 10 18h Trop tôt, trop tard AW: Auditorium Arditi-Wilsdorf 1, av du Mail CIC ma 11 18h Amerika-Rapports de classes 1205 Genève CIC me 12 18h Conférence de Louis Seguin sur l’œuvre de Straub et Huillet 19h Table ronde: Louis Seguin, Roger Lewinter et François Albéra 20h30 Le retour du fils prodigue AW je 13 14h Machorka-Muff Non réconciliés Le fiancé, la commédienne et le maquereau 16h Les yeux ne veulent pas en tout temps… -Othon 18h Introduction à la musique d’accompagnement… Schönberg Leçons d’histoire 21h Moïse et Aaron AW ve 14 14h Toute révolution est un coup de dés Fortini/Cani 16h De la nuée à la résistance 18h Noir péché Cézanne 21h La mort d’Empédocle AW sa 15 14h Antigone 16h En râchachant Du jour au lendemain 18h Lothringen! Sicilia! CIC 20h Clôture BIM Jean-Marie Straub et Danièle Huillet 23 FESTIVAL INTERNATIONAL CINEMA TOUT ECRAN Genève, du 3 au 9 novembre 2003

Pour sa 9e édition, Cinéma Tout Ecran aspire plus que jamais à allier le meilleur du cinéma et des télévisions internationales. Par sa riche sélection de fictions d’ provenant du monde entier, le festival a su s’imposer au fil des années comme une plate-forme incontestée tant auprès des professionnels que du public cinéphile. Parmi les 13 films de La Compétition Officielle, une majorité de fictions bros- sent le portrait perspicace d’une société contemporaine: Yossi & Jagger de Eytan Fox, une mise en scène sublime et émotionnelle sur un sujet tabou; Désobéissance de Licinio Azevedo, réalisateur africain aux accents godardiens, ce film raconte la condition des femmes du Mozambique; Tamineh Milani, Iranienne arrêtée plusieurs fois par le régime, signe avec The Fifth Reaction un film jubilatoire. Quant à Goran Rebic, il invente dans Duna-Dunaj-Dunav- Dunarea, le «river movie», d’une beauté à vous couper le souffle. Les vendredi 7 et samedi 8 novembre, au cinéma Alhambra, les folles Nuits du Court offrent à un public d’aficionados l’occasion idéale de découvrir, dans une ambiance festive, la Sélection Internationale de Films Courts ainsi que le programme spécial de Arte. Des films qui témoignent du talent singulier de chaque auteur avec comme événement inédit trois courts métrages de David Lynch. «Mon besoin de fiction s’alimente à ce qui est de loin la source la plus accom- plie: les formidables séries américaines (…)» La section phare Les Séries, en accord avec cette déclaration de , a su montrer avant tout le monde, toute la créativité dont pouvait faire preuve ce format purement télévi- suel. Le festival projette notamment lors de «séances de minuit» l’intégralité des 10 épisodes de la série «Taken» produite par Steven Spielberg. Après David Cronenberg et Atom Egoyan, la section Grand Cinéaste Sur Petit Ecran présente cette année l’œuvre télévisuelle et cinématographique de John Frankenheimer. Disparu l’année passée, le festival Cinéma Tout Ecran lui rend hommage. Pour toute information, n’hésitez pas à contacter Cinéma Tout Ecran: Maison des Arts du Grütli, 16 rue du Général Dufour, CP 5305, 1211 Genève 11. Tél. +41 22 800 15 54; Fax. +41 22 329 37 47; www.cinema-tout-ecran.ch 10e Biennale de l’Image en Mouvement du 7 au 15 novembre 2003 Expositions du 7 novembre au 14 décembre 2003 Centre pour l’image contemporaine Saint-Gervais Genève 5, rue du Temple - CH-1201 Genève +41 22 908 20 00 www.centreimage.ch/bim/

Vidéos, films, expositions et événements

Evénements extra-muros Activités culturelles - http://activites-culturelles.unige.ch attitudes - www.attitudes.ch Espace Forde - www.forde.ch Imagespassages - www.imagespassages.fr.fm Mamco - www.mamco.ch Salle Crosnier - www.athenee.ch Sous-Sol - www.centreimage.ch/ccc/ Groupe de travail du ciné-club universitaire Sebastian Aeschbach, Flavia Ambrosetti, Leila Amacker, Solange Amstutz, Abderrahmane Bekiekh, Sara Cenzual, Anne Chamot, Frédéric Favre, Guido Ferretti, Joëlle Lévi, Julie Mancilla, Astrid Maury, Lucie Rebetez, Stéphanie Rouillon, Marco Sabbatini, Léa Signer, Moritz Zander Responsable Lysianne Léchot Hirt assistée de Magdalena Frei Holzer

Nous remercions Monsieur Popovic du CRDP pour son aide à la recherche de docu- mentation, le DAEL, la Fondation Arditi, la Fondation Wilsdorf, Rui Nogueira du CAC-Voltaire Bernard Uhlmann de la Cinémathèque suisse et André Iten du Centre pour l’Image Contemporaine.

Rédaction Lysianne Léchot Hirt Design Julien Jespersen