Margareta Miller-Verghy Ou Un Destin De Femme-Écrivain À La Fin Du Xixe Siècle Et Dans La Première Moitié Du Xxe Siècle Mihaela Dumitru
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Margareta Miller-Verghy ou un destin de femme-écrivain à la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle Mihaela Dumitru To cite this version: Mihaela Dumitru. Margareta Miller-Verghy ou un destin de femme-écrivain à la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle. Littératures. Universitatea Bucureşti, 2018. Français. NNT : 2018GREAL025. tel-02014605 HAL Id: tel-02014605 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02014605 Submitted on 11 Feb 2019 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. THÈSE Pour obtenir le grade de DOCTEUR DE LA COMMUNAUTÉ UNIVERSITÉ GRENOBLE ALPES préparée dans le cadre d’une cotutelle entre la Communauté Université Grenoble Alpes et l’Université de Bucarest Spécialité : Littérature française et francophone Arrêté ministériel du 25 mai 2016 Présentée par « Mihaela / DUMITRU (BACALI) » Thèse dirigée par Catherine MARIETTE-CLOT et Cătălina GÎRBEA préparée au sein des Laboratoires Litt. et Arts dans les Écoles Doctorales LLSH de l’Université Grenoble - Alpes et « Études littéraires et culturelles » de l’Université de Bucarest Margareta Miller-Verghy ou un destin de femme-écrivain à la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle Thèse soutenue publiquement le 20 décembre 2018 devant le jury composé de : M. Damien ZANONE - Université de Louvain-la-Neuve, Belgique - Président Mme Catherine MARIETTE-CLOT - Université Grenoble - Alpes - Membre Mme Cătălina GÎRBEA - Université de Bucarest - Membre M. Damien ZANONE - Université de Louvain-la-Neuve, Belgique - Rapporteur Mme Simona MODREANU - Université Al. Ioan Cuza, Iaşi - Rapporteur Mme Simona JISA - Université Babeş-Bolyai, Cluj- Napoca - Membre Première partie Margareta Miller-Verghy ou un destin de femme-écrivain à la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle Remerciements Je remercie mes deux directrices de thèse, Mme Cătălina Gîrbea et Mme Catherine Mariette-Clot pour leur disponibilité, pour leur appui scientifique et finalement pour leur accompagnement attentif au cours de l’élaboration de cette thèse. Je remercie tout particulièrement Mme Catherine Mariette-Clot pour l’intérêt qu’elle a porté à cette recherche et pour sa relecture finale méticuleuse de chacun des chapitres. 3 Introduction générale Lire est dangereux pour une femme, il suffit de se rappeler le destin d’Emma Bovary. Écrire c’est encore pire. Être femme et écrivain au XIXe siècle est tout à fait indésirable, parce que féminité et célébrité sont deux notions incompatibles. La condition d’écrivain est dangereuse, presque impensable pour une femme, car se frayer un chemin dans le monde des lettres, c’est perdre sa féminité. Féminité qui est synonyme de pudeur… Du moins selon Edouard Rod, l’écrivain suisse que Margareta Miller-Verghy1 admire depuis longtemps et à qui elle s’adresse pour savoir si elle, une femme, peut écrire et surtout publier. C’est en 1894, mais son opinion est très répandue tout au long du XIXe siècle. Le destin des femmes-écrivains est, à cette époque, encore incertain. En effet, la lecture, et même plus, l’écriture, sont pour elles « le fruit défendu2 ». À cause de leur position de subordination par rapport à l’homme, elles doivent très souvent se taire. Silence veut dire acceptation totale, la tête baissée dans l’église, ne pas avoir droit à la parole dans les assemblées politiques et d’ailleurs dans tout espace de rencontre. Les femmes sont chassées des grands lieux où se déploie la vie publique: la Bourse, la Banque, le Parlement, les grands marchés d’affaires, les clubs, les cafés, et même des bibliothèques. Or, devenir écrivain signifie parler, « se parler » car littérature veut dire s’exprimer. C’est pourquoi devenir écrivaine est un défi que peu de femmes osent, à l’époque du XIXe siècle, relever. En effet, silence, ironie, dédain sont les termes utilisés le plus souvent pour décrire la situation de la « jeune née3 ». Cette situation particulière de la femme nous a amené à nous poser quelques questions : est-ce que les destins des femmes-écrivains du XIXe siècle peuvent avoir quelque chose en commun ? La position sociale de rejet et de soumission entraîne-t-elle chez elles certains types d’attitudes décelables au niveau de l’écriture ? Y a-t-il un phénomène de société qui a généré la préférence des femmes-écrivains pour certains genres littéraires ? Ce sont des questions auxquelles nous avons donné une réponse à travers cette étude, en nous appuyant sur quelques voix de théoriciennes comme Béatrice Didier, Christine Planté, 1 Dans cette étude, nous avons préféré le prénom Margareta, le considérant comme plus accessible pour un public francophone. En réalité, l’écrivaine a signé différemment tout au long de sa vie, elle a utilisé plusieurs prénoms : Margareta, Mărgărita, Margărita, Marg., Marguerite, sans prendre en compte les pseudonymes. 2 Michelle Perrot, Les Femmes ou les silences de l’histoire, Paris, Flammarion, 1998, p. 14. 3 Hélène Cixous, Catherine Clément, La jeune née, Paris, Union générale d’éditions, 1975. 5 Michelle Perrot, en comparant la situation de la France avec celle de la Roumanie et finalement en dressant le portrait de Margareta Miller-Verghy, une écrivaine dont le destin nous semble définitoire de celui d’une femme-écrivain qui commence à écrire vers la fin du XIXe siècle, mais qui finalement traverse deux siècles, jusqu’au moment de la totale acceptation de l’écrivaine, au XXe siècle. Aussi, le premier chapitre de la thèse a-t-il une visée théorique et traite de la position particulière de la femme-écrivain pendant le XIXe siècle, des entraves qui rendent difficiles sa carrière ; il analyse aussi les solutions que celle-ci trouve face à ces défis. Quelques remarques se sont ainsi imposées : quoiqu’on ne puisse concevoir l’écriture féminine comme un texte unique, les œuvres écrites par des femmes à cette époque ont certains traits spécifiques et nous sommes de l’avis de Béatrice Didier qui affirme que « les écrits des femmes ont une parenté qu’on ne trouverait pas dans les écrits des hommes4 ». Comme la femme- écrivain doit franchir les barrières qu’une société à prépondérance masculine a imposées au cours du temps, elle est obligée d’emprunter certaines attitudes particulières répertoriées par Béatrice Didier : elle vit souvent en marge du système familial, étant veuve, célibataire, femme sans enfants, religieuse, elle recourt (jusqu’à une certaine époque) à un pseudonyme (le plus souvent masculin) pour avoir accès à la vie littéraire.5 La production féminine est soit précoce, soit tardive, et, liée à un complexe de culpabilité envers la société « masculine », est plutôt cachée, occultée. À ces traits de la femme-auteur, on pourrait ajouter la préférence de celle-ci pour des genres qu’on qualifie d’habitude comme « genres du moi » : lettres, journal intime, roman autobiographique.6 Paradoxalement, l’affirmation du féminin suppose une crise d’identité qui se résout par un retour vers soi-même. Ainsi, la pratique de « l’écriture cachée », le dédoublement, l’autoréflexivité, la crise identitaire, l’expérience de la souffrance sont des thèmes et des attitudes qui marquent l’existence de ces femmes décidées à écrire et à publier en dépit de toutes les ironies. Margareta Miller-Verghy, l’écrivaine qui constitue l’objet de cette thèse, suit par son destin, le trajet que la littérature féminine a parcouru : de l’anonymat à la pleine acceptation, de la 4 Béatrice Didier, L’écriture-femme, Paris, PUF, 1981, p. 10. 5 Voir à ce propos, Merete Sistrup Jensen, « La Notion de nature dans les théories de l’écriture féminine », in Clio, rubrique « Femmes, Genre, Histoire » (mis en ligne le 9 novembre 2007), URL: http://journals.openedition.org/clio/218, consulté le 17 janvier 2015. 6 Abordant le sujet des genres littéraires spécifiques pour les femmes-auteur, Christine Planté soutient que « les genres-femmes » seraient : le roman, les lettres, le journal intime, tandis que « les genres-hommes » seraient l’histoire et la poésie. Cf. Christie Planté, La petite soeur de Balzac, Paris, Seuil, 1989, p. 23. 6 soumission à la libération. Sa trajectoire littéraire est typique d’un destin de femme qui décide d’écrire et de publier dans la période de la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle, contre tous les préjugés et stéréotypes. Son portrait est représentatif de cette catégorie sociale qu’on a appelée par dérision bas-bleu, mais qui finalement s’est imposée comme réalité indubitable, et aussi de la qualité de femme, car la femme qu’elle a été a traversé différentes étapes de la vie, restant la même, au-delà des défis sociaux et confirmant le mythe de la femme héroïque qui, telles Phèdre ou Antigone, fait le grand voyage au-delà de la mort et se donne toute la peine pour que son destin s’accomplisse. Par la période de début de son activité littéraire, Magareta Miller-Verghy peut être classée de la première génération d’écrivaines roumaines. Ses écrits de jeunesse, sa correspondance qui compte des milliers de pages, ses traductions réalisées au début de sa carrière littéraire, dont la plus importante reste la traduction des vers de Mihai Eminescu, le poète national, en français, ses ouvrages didactiques, ses articles publiés dans les revues francophones, tous ses romans qui sont écrits d’abord en français, font rattacher Margareta Miller-Verghy à la famille des premières écrivaines francophones.