Abd El Kader
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
ABD E L KADER Ph. d'Estailleur-Chanteraine ABD EL KADER LIBRAIRIER DE FRANCEDE LIBRAIRIER 10 BOULEVARD SAINT-GERAMAIN,110 PARIS Droits réservés pour tous pays. Copyright by Librairie de France. — 1931 — INTRODUCTION u'on ne s'attende point à trouver ici une minu- tieuse monographie militaire de l'Emir arabe, Q localisée aux incidents apparemment person- nels et déjà connus de sa vie. Après les aperçus Plus ou moins impartiaux, Plus ou moins brillants, toujours directs, des grands soldats de son époque, rien ne serait Plus fastidieux. Il faut ajouter, rien ne serait Plus inutile, après le beau livre du Général Paul Azan. Mais, comme nous le disait celui-ci, Abd-el-Kader n'est pas brusquement né à la politique un beau matin de 1832, aux portes de Mascara ; et sa prodigieuse carrière ne s'est pas déroulée sans que des éléments plus étrangers d'aspect qu'en réalité, ne l'influencent profondément. Autant, sinon davantage que chez les Chrétiens, le rôle de la famille, de l'entourage, des croyances, des liai- sons ordonnées par ces dernières, est, chez les Musulmans, primordial. Le méconnaître, c'est faire ce que les Français font souvent, à tort et à leur détriment, c'est juger le monde d'après soi, les autres peuples d'après le nôtre: un Chinois sur un Marseillais, Abd-el-Kader sur Bugeaud. N'est-ce pas perdre à la fois un attrait et un Profit ? L'Emir n'a pas pris le titre de Khalifa du Sultan marocain, n'a pas combattu furieusement des tribus arabes, n'a pas signé puis rompu la paix avec les Infidèles, n'a pas intrigué à Fès, à Londres, au Caire, à Stamboul, parce qu'il s'est réveillé certains jours, de bonne ou de fâcheuse humeur. Ce guerrier s'est montré diplomate, ce chef impitoya- ble, ce musulman fanatique, singulièrement compréhensif et respectueux, en maintes occasions, du Christianisme qu'il combattait moins que l'incroyance. Ce cavalier ascétique, impassible, hautain, s'est révélé un poète sensible, émouvant et délicat. On a voulu faire de lui le représentant d'un patrio- tisme « algérien », d'une « nation » arabe. Or, il n'a pas cessé durant trois quarts de siècle, de se relier à des tradi- tions politiques, religieuses, qui lui ont donné en grande partie sa force, orientales pour les uns et marocaines pour les autres, toujours tlemcéniennes, où l'Algérie telle que nous l'avons faite et la voyons, n'apparaît pas un instant. Et devant lui, que s'est-il passé ? Doit-on continuer de répéter avec des esprits simplistes, sectaires ou fantai- sistes, que la bonne et la mauvaise fortune ont dirigé les événements, un bandeau sur les yeux ? Est-ce par miracle, ou par magie, que Napoléon voulut conquérir les pays barbaresques et que Charles X en s'emparant d'Alger, perdit sa couronne ? Est-ce la conjonction des astres, ou le génie, à 2.000 francs par mois, de M. Thiers (1) qui a porté Louis-Philippe à choisir l'Afrique du Nord Plutôt que la Belgique, puis à suivre, pour la garder, les idées de son fils aîné ? Est-ce pour rire, ou pour jouer, que les diplomates remuèrent ou calmèrent les Chancelleries, que Lord Pal- mer ston tenta en vain d'ameuter l'Europe, que les Princes et les Généraux, et les hommes héroïques, se battirent, s'arrêtèrent et se battirent encore ? Est-ce pour des mots, sans raison, pour rien, qu'on a pu, sans se laisser entraîner dans une guerre continentale, donner au « Plus beau royaume qui soit sous le Ciel », le plus bel empire qui soit sur la terre d'Afrique ? Nous ne l'avons pas pensé. Alors, nous nous sommes penchés sur les écrits des (1) Cf. L. Lucas-Dubreton: « La Manière forte — Casimir Périer ». savants, des lettrés, des cheîkh, des fquih, de Meknès, de Fès, de Tlemcen, du Caire et de Damas. Nous avons écouté les légendes et les préceptes sacrés que se transmettent pieusement les marabouts, et suivi les fils plus solides que l'acier dont est fait l'immense réseau de l'Islam. Et peu à peu, par des origines, par des liens de famille, de foi, de race, par ses actions les plus décisives restées souvent presque secrètes, un nouvel Abd-el-Kader s'est dressé devant nous. Avec le Maroc, l'Egypte, la Turquie, l'Espagne, l'Angleterre, nous l'avons vu travailler pour atteindre un but où se confondaient sa gloire propre avec les ordres des ancêtres et les prescriptions de Mahomet. En face, eut-il été juste et intelligible de ne pas suivre les souverains, les Ministres, les Chefs militaires, aux prises avec des luttes intestines sans cesse renouvelées aux moments qu'elles étaient les plus pernicieuses ? Nous avons cherché à comprendre les singulières opportunités de ces manifestations, au détriment de nos intérêts, en faveur de nos rivaux ou de nos ennemis. Et, de même que l'Emir ou ses envoyés, nous avons dû jeter un coup d'œil sur Vienne, Londres, Saint-Pétersbourg, Berlin ou Constantinople. La facilité de cet ouvrage, son assimilation aux vies romancées comme aux portraits officiels y ont assurément beaucoup perdu. Sa vérité, sa couleur, sa charpente, son utilité y auront gagné. Peut-être ceci compense-t-il cela. # En tête de ces pages, comment ne pas dire notre grati- tude envers tous ceux qui nous ont aidés à mener ces études à bien. Nous l'exprimons d'abord à S. M. la Reine Amélie de Portugal comme à Monseigneur le Duc de Guise et à S. A.R. le Comte de Paris qui nous ont autorisés à repro- duire, en les accompagnant d'informations familiales mul- tiples et précieuses, des dessins, des tableaux et deux admirables aquarelles inédites d'Eugène Lami. Nous ne pouvons évoquer ensuite, sans émotion, les conversations anciennes déjà mais vivaces encore, que nous eûmes sur l'Afrique avec un homme qui la connais- sait bien, le Général Mangin. M. le Maréchal Franchet d'Esperey a bien voulu nous donner, notamment sur la recherche de la politique indi- gène que l'on aurait pu opposer à celle de l'Emir, des con- seils dont nous lui sommes infiniment reconnaissants. Nous ne savons quels mots employer pour remercier M. le Général Levé de la documentation prodigieuse et des enseignements si qualifiés et si complets qu'il a mis à notre disposition avec tant de bienveillante patience. Nous savons ce que nous devons à l'obligeance de M. l'Amiral Lacaze et de M. de la Roncière pour nos infor- mations en matière maritime, à M. de Nolhac, de l'Acadé- mie Française, dont les leçons d'histoire ne sont pas per- dues et qui nous a toujours facilité nos démarches, à M. G. Mâcon, de l'Institut, hélas disparu aujourd'hui, dont l'accueil nous a touché au plus haut point et dont la colla- boration en tout ce qui s'attachait au Duc d'Aumale, nous a tant servi. Nous n'oublions pas l'ancien collaborateur de Th. Delcassé, M. Piccioni, Ministre Plénipotentiaire, grâce à qui nous avons exhumé des pièces si caractéristiques des archives diplomatiques, M. le Commandant Christin dont nous avons reçu la plus curieuse et attachante pièce histo- rique, ni M la Comtesse du Boisrouvray, ni M. le Duc de Polignac, possesseur de souvenirs du Ministre de Charles X ni M. le Marquis de Dampierre, petit-fils de La Moricière, ni encore le Baron Bro de Comères et ses frères, arrière- petits-fils du Général, et qui nous ont communiqué des documents ignorés jusqu'à ce jour et de la plus haute importance, ni enfin les propriétaires de tant d'objets si chers, MM. le Marquis d'Oimpuis de Belleval, J.-E.-J. Manuel, le Lieutenant-Colonel du Cor de Damrémont, le Prince Adil Ben Ayad, le Comte de Bourmont, le Baron Chassériau, de Dompierre d'Hornoy, Georges Claretie, P. de Fouquières, Bollag, Mesdames: la Marquise de Bre- teuil, la Comtesse René de Bourmont, Gustave Pereire, Bilotte, de Goyena-Montagnac, la Vicomtesse Fleury, M Feray Bugeaud d'Isly, et les érudits Conservateurs de Musées, MM. Pératé, Brière, Robiquet, Lemoine, le Colonel de Conegliano. MM. Lemaître, Michaux, J.-J. Bannier, Gagea, Welscome, nous ont apporté en France et à l'étranger la plus intelligente collaboration. Avant de terminer cette nomenclature, nous serions ingrats si nous ne songions à remercier également l'Emir Fayçal, Roi d'Irak, notre ancien adversaire en Syrie, mais à qui nous sommes redevables d'une foule d'observations loyales et de renseignements exceptionnels sur les tradi- tions et les politiques arabes chérifiennes, de La Mecque. De la même façon, nous rappellerons ici, non sans respect, tout ce que nous ont confié sur la politique turque, sur la psychologie et les problèmes d'Orient, deux hommes aujourd' hui disparus, le cruel et terrible Djemal Pacha, et le vainqueur balkanique de 1912, le grand Bulgare, le Général Michel Savoff. # Aucun parti pris, aucune considération politique ou confessionnelle ne nous ont un seul instant empêché de dire ce que nous avons cru vrai et juste. C'est là une méthode de travail et de pensée à quoi nous avons accoutumé de nous conformer toujours, avec sincérité. Cette fois, d'ail- leurs, nous en avons ressenti plus encore le besoin, devant les ignorances systématiques, les exposés tendancieux, les silences voulus que nous avons rencontrés dans trop d'ou- vrages relatifs aux périodes étudiées plus loin. L'état d'esprit de ceux qui ont ainsi travesti l'His- toire nous a paru aussi ridicule que méprisable et notre impression à cet endroit ne s'est pas dissimulée.