Saint-Martial De L'abbaye retrouvée

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L’HISTORIQUE DES FOUILLES PLACE DE LA RÉPUBLIQUE

Fouilles effectuées de 1960 à 1974 et qui ont permis la création de la Crypte archéologique 1 Restes observés lors des travaux de construction du parking en 1968-69 2 Fouilles récentes depuis 2006 3 Place

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L’ABBAYE DE SAINT-MARTIAL REPLACÉE DANS LE CONTEXTE URBAIN ACTUEL Comment a travaillé le Studio Différemment

’abbaye de Saint-Martial fut le cœur de la Limoges C’est ainsi que travaille notre équipe, composée médiévale et l’un des moteurs de sa croissance. d’illustrateurs, d’architectes et de rédacteurs spécialistes Page 4 L Elle a pourtant disparu du paysage urbain, même du patrimoine, de sa mise en valeur et de sa représenta- si on peut visiter une partie de ses fondations sous tion. Notre travail s’appuie sur de grandes illustrations la place de la République depuis les fouilles des années réalisées avec des techniques traditionnelles (dessin 1960 et 70. Si les restes sont ténus, la documentation au crayon et rendu sur papier tendu à l’aquarelle) écrite est heureusement abondante et c’est ce très riche épaulées par un texte le plus rigoureux possible mais ensemble (chroniques, mémoires, études, articles…) accessible à tous, pour un résultat que nous espérons qui nous a permis de comprendre l’histoire passionnante fidèle et spectaculaire. Il doit aider à comprendre pour- de ce site et d’esquisser des hypothèses visuelles. quoi et comment le site a évolué, et qui y vivait. Saint- Les historiens spécialistes de la Limoges antique et Martial n’était pas seulement un monument impression- médiévale (dont l’aide fut particulièrement précieuse nant mais une communauté extrêmement active qui bâtit et que nous remercions) ont regardé et corrigé ces et rebâtit son cadre de vie et de travail avec des intentions esquisses, nous permettant de proposer un état de ce bien précises que nous ne comprenons pas toujours à quoi a pu ressembler Saint-Martial au cours des siècles. mais que nous avons tenté dans les pages qui suivent Un état, car la recherche continue et certaines de décrypter et d’expliquer au mieux. hypothèses pourront être démenties par des fouilles futures et des découvertes nouvelles comme cela a déjà été le cas aux 19e et 20e siècles.

Premières esquisses de l’aménagement de la place avec la future halle qui abritera les fouilles et accueillera diverses activités économiques Limoges, déjà « créative » Émile Roger Lombertie - maire de Limoges

Aujourd’hui, c’est un trou Place de la République. Un trou bâché qui attend - quand l’aménagement

de la place sera terminé - de révéler à l’ensemble Page 5 des Limougeauds qu’il abrita jadis l’une de ces aventures spirituelle, architecturale et commerciale qui firent florès au Moyen-Âge. De cette aventure, qui débuta au IVe siècle, connut son apothéose au XIIe siècle, le début de son déclin à la fin du XIIIe, sa déchéance au XVIe et sa disparition aux XVIIIe et XIXe siècles, ne restent aujourd’hui que des fondations sur lesquelles s’interrogent archéo- logues et historiens, des vestiges sur lesquels naissent et se bâtissent les hypothèses qui seront peut-être un jour confirmées. Ou démenties. Après Augustoritum et avant le siècle de la porcelaine ouvrière, c’est donc là que fut et rayonna Limoges. Entre les murs d’une crypte construite autour de la dépouille de , noyau d’un premier, puis de plusieurs édifices religieux avant de culminer au sein d’une abbaye puissante, reconnue et respectée dans tout l’Occident chrétien, majestueuse, au carrefour des routes qui reliaient le couloir rhodanien à l’Atlantique. Voilà pourquoi j’ai voulu ce fascicule, et qu’il soit diffusé largement dans l’ensemble des foyers limou- geauds. L’abbaye Saint-Martial, c’est notre histoire, c’est un élément essentiel de l’ADN de Limoges. L’équipe à laquelle j’ai fait appel vous explique sa démarche en introduction. Cette démarche est rigoureuse, elle s’appuie sur des faits historiques avérés mais formule également des suppositions élaborées à partir d’indices par essence invérifiables. Du moins pour l’instant.

Cet ouvrage a nécessité de longs mois de recherche documentaire et de recoupements, de recueils de témoignages et d’entretiens avec des archéologues et historiens, de confrontation avec des spécialistes. Il ne prétend pas à la vérité absolue – si tant est qu’elle existe en histoire – mais nous montre que si Limoges a pu prétendre à la reconnaissance internationale avec le label « ville créative » de l’Unesco, c’est bien parce que son talent s’enracine dans une histoire prestigieuse.

Premières esquisses de l’aménagement de la place avec la future halle qui abritera les fouilles et accueillera diverses activités économiques Des Fouilles hors Normes 1960-2016

n savait ce qu’on allait y trouver, on ne pouvait 15 pas s’imaginer que ce serait si compliqué … Page 6 O Rien de visible ne restait de l’ancienne abbaye de Saint-Martial, totalement arasée entre la Révolu- 20 15 tion et l’Empire. On retrouva bien, sans les chercher, quelques vestiges lors de la construction d’un théâtre à la fin des années 1830 puis lors du creusement de tranchées-abris en 1944 mais c’est le projet de 15 création d’un parking souterrain place de la République 23 qui permit à la Société archéologique et historique du Limousin d’entamer les premières fouilles

en février 1960. 20

Elle le fit très exactement à l’endroit où, selon les anciens plans, les moines conservaient les reliques du premier évêque de Limoges. On découvrit donc, 10 comme on s’y attendait, trois espaces souterrains … mais pour le reste, la fouille et celles qui suivirent 12 11 jusqu’en 1974 posèrent plus de questions qu’elles ne fournirent de réponses en raison de « l’hétérogénéité des modes de construction », de la « différence des niveaux des fondations », de « l’imbrication des maçonneries » et des « aménagements inconnus » (1). 8 Car on a construit et reconstruit là depuis les Romains et encore plus lorsque cet endroit devint le cœur d’une abbaye attirant de nombreux pèlerins. Résultat 12 aujourd’hui : l’un des plus complexes jeux de re- construction qui soit.

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LES FOUILLES DE 1960 À 1974 à 1966, l’une des toutes pre- (AMÉNAGÉES EN CRYPTE mières de ce type en . ARCHÉOLOGIQUE) La découverte de sépultures La principale découverte de la en briques lors de la plantation première campagne de fouilles d’arbres en bordure de la place Saint-Pierre dont on dégage (menée par Marie-Madeleine en décembre 1963 entraîna le chevet 10 et le chœur 11 . Gauthier et Jean Perrier) et la une deuxième campagne de En 1968 et 1969, les terrasse- plus attendue fut dès mars 1960 fouilles (Jean Perrier) jusqu’en ments nécessaires à la cons- celle de la crypte 1 où étaient juillet 1964 sur l’emplacement truction du parking détruisent du cloître conservés jusqu’en 1790 les de la nef 6 de la très ancienne d’innombrables vestiges mais de l’infirmerie 13 daté restes de saint Martial. Problème : église Saint-Pierre du Sépulcre sont heureusement suivis peut-être du 13e siècle. Si le la présence d’une fosse profonde construite vers 500, avec archéologiquement (Raymond parking a été ouvert au public 2 creusée dans la roche, aussi la découverte de l’escalier Couraud, François July). Enfin, en juillet 1969, la nouvelle crypte dont personne n’avait jamais qui rejoignait la chapelle quatre campagnes de fouilles archéologique ne l’est, elle, qu’à entendu parler et dans laquelle de l’Ange 7 . (Jacques Santrot en 1971, Pas- partir de l’été 1975. on retrouva deux sarcophages cal Texier et Guy Lintz en 1972, ouverts. Plus à l’ouest, là où était Troisième campagne de fouilles Guy Lintz en 1973 et 1974), sont le sarcophage dit de Tève le Duc (Jean Perrier) l’été 1966 sur destinées à terminer les explora- 2015-2016 : LE CHEVET 3 on découvrit des murs gallo- le site de la chapelle Saint- tions avant l’ouverture du site DE LA BASILIQUE ... romains 4 et, au sud, une partie Benoît, son chœur 8 et sa nef au public et permettent de de la chapelle de l’Ange 5 9 qui se poursuit l’été 1967 découvrir plusieurs sépultures Cette grande campagne datant du 13e siècle. Cela permit avec une quatrième campagne dans les deux édifices 12 . de fouilles menée au sud déjà l’aménagement d’une (toujours Jean Perrier) plus au On retrouve aussi en 1974 de la crypte par la société Éveha crypte archéologique de 1962 sud, de nouveau dans l’église les fondations d’une partie (sous la direction de Xavier 16 Page 7

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… ET LA SALLE DU CHAPITRE Lhermite) a révélé les fondations du chevet de la basilique Une campagne plus limitée au romane 14 (on distingue ici l’interprétation nord de la crypte en juillet 2016 clairement les chapelles 15 de cet ensemble. a permis de retrouver plusieurs qui entouraient l’abside centrale appartenant par conséquent murs de la salle du chapitre 24 16 et son déambulatoire 17 ), Sous les restes romans, les à un édifice postérieur à Saint- (celle où se réunissaient celles du bras nord de son archéologues ont aussi mis Pierre du Sépulcre. À l’est, un les moines) mais aussi des par- transept 18 et d’une partie de sa au jour des structures carolin- grand fossé 23 dont les niveaux ties antiques comme ce puits 25 nef 19 mais les nombreux murs giennes, 21 avec notamment inférieurs datent eux aussi des et un grand fossé est-ouest 26 du théâtre 20 construit au 19e une salle polygonale 22, da- temps carolingiens aurait pu qui aurait pu matérialiser siècle compliquent quelque peu tables du 9e siècle et délimiter le site. la limite de la ville antique. Limoges au Temps de Martial Qui était Martial et comment a-t-il été enterré ?

’est à cette époque que sept hommes, nommés Seuls éléments à peu près certains : Martial aurait évêques, furent envoyés pour prêcher dans été enterré dans un mausolée construit probable- Page 8 C les Gaules. Voici ceux qui furent envoyés : ment pour une famille notable de la ville. Gatien, évêque à , Trophime à , Paul Au fond d’une fosse profonde, les deux à , à , Denis à , sarcophages retrouvés en 1960 sont Austremoine en Auvergne et Martial à Limoges. » particuliers : le plus étroit (attribué à saint Martial) était en fait à l’origine Cet extrait de l’Histoire des Francs que Grégoire « soit un bassin de fontaine, soit un de Tours écrivit vers 580 est le plus ancien témoi- simple abreuvoir » (2). L’autre, nettement gnage fiable sur notre Martial. L’ « époque » dont parle plus large (attribué aux compagnons Grégoire de Tours est la grande persécution anti- de Martial : Alpinien et Austriclinien), chrétienne qui eut lieu sous l’empereur romain Dèce, a été creusé grossièrement, peut-être autour de 250. Dans un autre livre, Grégoire (qui était dans un « bloc de grand appareil prélevé sur assez bien renseigné sur les affaires limousines puisqu’il quelque édifice antique » (3). Les deux était auvergnat et qu’il fut évêque de Tours) précise sarcophages étaient recouverts de grosses que « saint Martial, envoyé par les évêques de , dalles (dites orthostates car elles étaient posées commença à prêcher dans la ville de Limoges. Auprès verticalement) provenant d’un bâtiment romain.

de sa sépulture sont enterrés deux prêtres qu’il avait 10 amenés avec lui ». Autant de signes que cette inhumation avait un caractère particulier : elle a demandé beaucoup Le fait qu’il ne soit pas mort en martyr mais « en confes- d’efforts et a pu se faire dans une certaine discrétion sant paisiblement le Seigneur » et d’autres indices font « en dehors des nécropoles à incinération d’une popula- penser que Martial serait peut-être arrivé à Limoges tion qui devait être, à cette époque, encore largement non un peu plus tard, après 313 et l'autorisation définitive christianisée » (4). Ce qui cadrerait bien avec une petite du christianisme par l’empereur Constantin. En tout état communauté chrétienne légale mais encore très de cause, il ne fait pas de doute que l’on vient se recueillir minoritaire enterrant avec dévotion son chef défunt sur le tombeau du saint dès le 5e siècle, un tombeau dont dans la propriété d’un de ses plus riches membres la fouille dans les années 1960 a un peu éclairé à l’écart de la ville. les premiers temps du culte du saint mais aussi multiplié les questions.

L’INHUMATION EN FOSSE Plusieurs sépultures en fosse, typiques de l’Antiquité tardive et des rites paléochrétiens, ont été retrouvées sur le site avec soit des sarcophages de pierre (comme dans la fosse de la crypte Saint-Martial), soit des cercueils en plomb et bois. Autres sépultures : des coffres « de tuiles et de briques protégeant dans certains cas un cercueil en bois » (5) mais aussi des inhumations en pleine terre. 5

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à la construction des nouveaux bâtiments parfois disposés sur la trame orthogonale tracée LIMOGES au premier siècle 6 mais qui d’Enjoumard 10 . Le site de À LA FIN DE L’ANTIQUITÉ commence néanmoins à se la future abbaye de Saint- Ce à quoi pouvait ressembler modifier 7 . Premier signe de Martial est au nord-est Augustoritum (Limoges) dans la future organisation urbaine de la ville romaine 11 dans les derniers temps de l’empire du Moyen Âge, la concentration une zone auparavant habitée romain. Dans la ville romaine en possible d’habitations à l’est (on y a retrouvé des systèmes partie abandonnée, on reconnaît dans ce qui deviendra la « Cité » de chauffage et des murs) mais encore le forum 1 le théâtre 2 8 (là où réside l’évêque), peut- désertée ensuite et qui devient l’amphithéâtre 3 les thermes être protégées par un premier à partir du 4e siècle une 4 et le pont sur la Vienne 5 . rempart 9 non loin d’un vaste nécropole avec des tombes Leurs pierres servent déjà marais où coule le ruisseau et des mausolées 12 . Les Débuts du Culte de Martial Du mausolée au sanctuaire

n a vu que ceux qui avaient descendu, peut- un « ensemble de manipulations difficiles » être entre 3e et 4e siècles, les deux étranges puisque l’espace était réduit et que les Page 10 O sarcophages de granit au fond de la fosse couvercles de granit pesaient « près d’une de la crypte Saint-Martial s’étaient donné beaucoup de tonne » (6). Des efforts qui pourraient cor- mal. Quelques temps plus tard, entre 4e et 6e siècles, respondre à ce qu’on appelait une trans- ceux qui ouvrirent ces mêmes sarcophages avant latio, c’est-à-dire le transfert des restes de combler la fosse durent eux aussi effectuer d’un saint nécessité par les changements de la pratique religieuse.

Car les temps ont changé. Le christia- nisme discret et minoritaire des premiers temps est maintenant officiel et seul autorisé. Les fidèles ne veulent plus seulement savoir que le saint est enterré là, ils veulent pouvoir toucher son sarcophage pour profiter au mieux des vertus attribuées à ses reliques. 8 Ce qui explique les transformations du mausolée à cette période pour l’adapter à ces demandes : un circuit 7 est créé pour permettre aux fidéles 1 locaux et aux pèlerins de faire leurs 4 dévotions sans se marcher sur les pieds 2 et ce qui n’était qu’un mausolée antique où reposait un évêque vénéré commence à devenir un sanctuaire.

Restitution du mausolée d’origine LE MAUSOLÉE D’ORIGINE romaine 4 appartenant à une (ENTRE 3E ET 4E SIÈCLES ?) construction inconnue, peut-être Cela pourrait expliquer les plusieurs fois remaniée » (8). bizarreries de construction : « la parcelle de terrain où fut La salle à l’est fut construite aménagée la sépulture » « plus tardivement » (9) que de Martial aurait pu être celle du centre. Seul son mur « la propriété privée de quelque nord 5 semble être d’origine. notable ou riche particulier C’est là que fut découverte lors converti qui aurait adjoint (…) des fouilles de 1960 une fosse son propre tombeau » (7) à celui profonde avec deux sarcophages de Martial et de ses compa- ouverts 6 sans qu’on soit sûr 12 gnons. Ce premier mausolée qu’ils aient été là à l’origine. 7 déjà complexe aurait eu trois Au dessus, un possible étage 8 9 10 salles en sous-sol. pour les banquets et les cérémo- 14 nies funéraires. 11 À part ses dimensions mention- 13 nées sur les plans du 18e siècle, on ne sait rien de la petite salle LE MAUSOLÉE RÉAMÉNAGÉ Restitution située à l’ouest 1 qui a été dé- (ENTRE 4E ET 6E SIÈCLES ?) du mausolée truite lors de la construction du Lorsque Grégoire de Tours visite réaménagé théâtre au 19e siècle. C’est là en les lieux à la fin du e6 siècle, tout cas qu’était installé jusqu’à il n’y voit pas la fosse retrouvée la Révolution (et déjà par les archéologues 6 : dès la fin de l’Antiquité? 2 ) les deux sarcophages de saint le très grand sarcophage dit Martial et de ses compagnons 6 3 5 de Tève le Duc aujourd’hui sont à la surface du sol 9 . conservé dans la salle 2 3 Ce serait donc entre le 4e de la crypte archéologique. et le 6e siècles, peut-être en Au centre, dans une autre plusieurs étapes, que les salles État révélé par les fouilles orientation, une « salle gallo- auraient été aménagées Les Débuts du Culte de Martial

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pour permettre l’accueil LA NÉCROPOLE ENTRE des pèlerins une fois le culte des 4E ET 5E SIÈCLES reliques de saint Martial établi. Elle marque le changement des habitudes funéraires Le sol des salles est abaissé Restitution puisque les inhumations 10 (ce qui nécessite de refaire du mausolée ont remplacé les incinérations. une partie des murs) et un de la Courtine Les plus riches défunts sont passage avec des colonnes enterrés dans des mausolées 11 est aménagé entre la salle 15 comme celui qui deviendra du centre et celle à l’est. Dans la crypte de Saint-Martial. 16 celle-ci, désormais voûtée 12 Des premières constructions et renforcée, un réduit voûté pourraient avoir existé 17 est percé dans le mur nord 13 là où seront bâties plus tard les églises Saint-Pierre et une riche mosaïque 14 est installée autour du nouveau et Saint-Benoît. tombeau de saint Martial. 18 LE MAUSOLÉE DE LA COURTINE Les restes de cet ensemble richement dé- coré 18 ont été retrouvés en 2012 au n°1 rue de la Courtine. Mêmes salles semi- souterraines, même utilisation de blocs de granit prélevés sur d’autres bâtiments : ce mausolée de l’Antiquité tardive présente « de frap- pantes similitudes avec l’évolution de la crypte Saint- Martial toute proche » (10). État révélé par les fouilles La Première Église Saint-Pierre du Sépulcre

ans les diocèses, dans les paroisses, tout de son lointain prédécesseur Martial. Car Rurice est négligé. Partout, l’on voit des églises a écrit, comme son ami Sidoine Apollinaire, Page 12 D dont le toit se dégrade et tombe, dont beaucoup de lettres dont plus de 80 ont été les portes sont arrachées, dont les gonds sont conservées. Des lettres qui permettent enlevés. L’entrée des basiliques est fermée de se faire une idée du personnage, peu avec des ronces et des épines, les troupeaux intéressé par les vives luttes théologiques eux-mêmes, ô douleur ! viennent se coucher ou politiques de l’époque, mais soucieux au milieu des vestibules entre-ouverts de son diocèse. Il écrit ainsi un jour à un et brouter l’herbe qui pousse autour des évêque gascon pour le remercier saints autels. » Ce tableau apocalyptique de lui avoir fait parvenir des colonnes de la situation de l’Église aquitaine au et puis lui demander : « S’il y a moyen, je moment de la disparition de l’Empire t’avoue qu’il m’en faudrait dix de plus ». romain et des premiers temps des royaumes barbares est sans doute un On sait en effet que Rurice « a été un évêque peu noirci. Mais son auteur, le poète puis évêque de bâtisseur » (11). Et pas seulement lui mais aussi son Clermont Sidoine Apollinaire, nous apprend en tout petit-fils du même nom, qui lui succéda comme cas dans la suite de ce texte que vers 475, Limoges, évêque de Limoges dans les années 530 et 540. comme beaucoup d’autres villes du Sud-Ouest de la Dans une épitaphe en vers consacrée aux deux Gaule, n’a plus d’évêque depuis un certain temps. Rurice, « fleurs nées d’une même tige », le poète Venance Fortunat, alors basé à Poitiers, écrit en Pour aller occuper ce poste vacant, Sidoine pense à effet : « Les vertus, l’esprit, le rang, les espérances, son ami Rurice, un riche aristocrate de vieille famille le nom et le sang, tout chez eux est pareil, tout romaine comme lui qui habite avec sa femme, cousine contribue à rendre également illustres l’aïeul et le de Sidoine, dans les environs de Gourdon. Vers 485, petit-fils. Chacun d’eux à son tour a bâti de ses mains Rurice devient évêque de Limoges (rien n’empêchant pieuses un temple à son patron, celui-ci à Augustin, à l’époque les hommes mariés d’occuper ce genre de celui-là à Pierre. » L’église Saint-Pierre ici mentionnée charges ecclésiastiques), le premier sur lequel on soit pour la première fois est très probablement la pre- à peu près historiquement renseigné, à la différence mière église bâtie justement à cette période devant le mausolée de saint Martial, une église funéraire selon un modèle qui se répand à cette époque pour organiser le culte des reliques alors en plein développement.

SAINT-PIERRE DU SÉPULCRE AU 6E SIÈCLE 6 À l’emplacement d’un possible grand bâtiment rectangulaire 7 plusieurs fois modifié jusque là, 4 les restes de la plus ancienne église construite sur le site 3 (certains vestiges datant

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du 5e siècle 1 ) ont été mis en calcaire 5 (retrouvé sur BEAUCOUP D’INCERTITUDES LA NÉCROPOLE au jour à partir de 1963 et place) contenant une cuve en On ne sait pas qui étaient DU HAUT MOYEN ÂGE sont conservés dans la crypte plomb dans laquelle se trouvait les personnages dont les La construction de l’église archéologique 2 . un deuxième sarcophage mi- restes étaient honorés dans Saint-Pierre face au mausolée Plusieurs fois modifiée par niature (peut-être pour abriter le « reliquaire monumental » marque une nouvelle phase la suite, l’église avait dans sa au chevet de l’église. On ne sait dans l’histoire de la nécropole première version un chevet pas non plus si et, avec des inhumations (princi- « de plan carré » (12) 3 décoré 12 le cas échéant, palement en sarcophages de de colonnes 4 . Ce décor comment pierre) qui se concentrent au 10 encadrait un sarcophage l’église sud de ce nouvel ensemble 16 15 Saint-Pierre et se raréfient au nord était reliée où on peut imaginer une zone au mausolée d’artisanat 17 . Autre nouveauté : de Martial : des chapelles funéraires des reliques). esplanade 9 apparaissent en bordure Le sol était en béton de tuileau galerie ou connexion directe ? de la nécropole comme celles (de la tuile finement broyée) et 10 Ni même le nombre de nefs à l’origine de Sainte-Marie les murs en moellons. On peut dans cette première église : de La Courtine 18 et peut-être imaginer aussi une charpente nef unique 11 ou (moins de Saint-Pierre du Queyroix 19 . 6 des murs peints 7 un autre probablement) basilique à trois Vers La Courtine, peut-être aussi décor de colonnes 8 à l’entrée nefs 12 ? Quant aux structures les premières habitations 20 comme dans d’autres églises très anciennes et au sol de à l’origine de la future agglomé- du même type. tuileau retrouvés sous la future ration du Château de Limoges. église Saint-Benoît 13 bâtie plus tard au nord, s’agissait-il d’une simple annexe 14 ou de bas-côtés 15 ? La Basilique Carolingienne Les débuts de l’abbaye

ue savait-on de Martial ? Bien peu de choses, été longtemps basé Louis, le fils aîné de l’empereur que et c’est peut-être le manque d’informations celui-ci a couronné roi d’Aquitaine dès ses 3 ans en 781. Page 14 Q et de témoignages sur le premier évêque de Ce voisinage prestigieux n’est sans doute pas pour rien Limoges qui poussa peu à peu à enrichir sa légende et dans le développement du site de Saint-Martial à l’époque : augmenter son prestige auprès des nombreux fidèles qui une nouvelle église, la basilique du Sauveur, est construite se pressaient sur sa tombe. On a un état de cette légende à côté de Saint-Pierre du Sépulcre et une véritable abbaye au 9e siècle dans un petit récit en appelé plus tard se met en place, le tombeau du saint ne pouvant plus la Vita antiquior, c’est à dire la Vie (de saint Martial) la plus être gardé par une simple communauté de chanoines. ancienne. Selon ce texte, Martial n’a pas été envoyé en Gaule vers 250, comme l’écrivait Trois dates importantes marquent ce développement, Grégoire de Tours, mais aux tout premiers liées aux évènements politiques de l’époque et aux temps du christianisme par saint Pierre difficiles relations entre les descendants de Charle- lui-même. En chemin, Martial, « ainsi magne. En 832, Louis, devenu empereur après la mort que le rapporte la tradition populaire » de Charlemagne, repasse à Limoges pour punir son (comme l’écrit prudemment le rédac- fils Pépin et le priver de son royaume d’Aquitaine mais teur anonyme), aurait ressuscité l’un aussi peut-être pour y consacrer l’autel de la nouvelle de ses deux compagnons grâce basilique. En 848, un autre fils de Louis qui a récupéré au bâton donné par saint Pierre. le tiers occidental de l’empire, Charles le Chauve, Arrivés à Limoges, les trois chré- y passe à son tour et accepte la demande des chanoines tiens auraient converti une jeune du tombeau de saint Martial qui deviennent des moines aristocrate, Valérie, ensuite tuée bénédictins et échappent ainsi à l’autorité de l’évêque. par son fiancé, furieux qu’elle refuse En 855 enfin, c’est le fils de Charles le Chauve, Charles désormais de l’épouser pour se consacrer à Dieu. l’Enfant, qui est couronné par précaution roi d’Aquitaine dans la nouvelle basilique alors qu’un de ses cousins vient Il est significatif que cette première Vie de saint Martial de tenter de s’emparer de ce royaume. Sans oublier ait été écrite en pleine renaissance carolingienne comme les Vikings qui s’attaquent à Limoges dès 845 et forcent on a surnommé cette période où Charlemagne tente de à mettre les reliques de saint Martial un temps à l’abri recréer un empire dans la tradition romaine. Limoges est à Solignac. Dans ce climat troublé, on ne s’étonnera pas une des villes importantes de ce nouvel ensemble : pour que ce soit l’époque où mausolée, église Saint-Pierre et preuve, c’est à Jocondiacum, un palais à quelque distance nouvelle basilique se soient entourés d’un fossé et que de la ville (aujourd’hui Le Palais-sur-Vienne), qu’aurait ce refuge ait commencé à devenir une agglomération.

CE QU’ON A RETROUVÉ SAINT-MARTIAL AU 9E SIÈCLE l’arrêt des inhumations dans la le site sur un périmètre d’une Sous les fondations de la grande ET LE MYSTÈRE nécropole vers la fin du e8 siècle, centaine de pieds autour de basilique romane construite DE LA SECONDE ÉGLISE suivi par le début d’une véritable l’église Saint-Pierre 7 du mau- au 11e siècle, les fouilles de L’époque carolingienne, pendant urbanisation 4 à partir du solée de saint Martial 8 2015/2016 ont révélé des laquelle Limoges semble être 9e siècle. Deuxième nouveauté : et de la possible nouvelle basi- « traces antérieures » datant une sorte de capitale un grand fossé en eau 5 dont lique carolingienne du Sauveur du 9e siècle : une structure du royaume d’Aquitaine, on a retrouvé une partie lors des 9 . Mais pourquoi ne pas avoir polygonale avec deux ouvertures est une époque de grandes fouilles 6 , aurait pu enclore construit cette basilique en forme de croix 1 transformations à Saint-Martial. au-dessus du mausolée de saint et des murs sous la nef Première nouveauté : Martial, dans l’axe de celui-ci et dans le transept 2 . et de l’église Saint-Pierre ? Mais rien de clair sous le chevet car tout a été arasé pour la construction romane, seulement des irrégularités sous l’abside 3 principale 3 qui laissent imaginer des structures anté- rieures pouvant avoir appartenu 2 1 à la première basilique du Sau- 6 2 veur construite entre les règnes de Louis le Pieux (fils de Charle- 2 magne) et de Charles le Chauve 2 (petit-fils de Charlemagne). 4

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DE GRANDES INCERTITUDES N’ayant aucune idée de ses limites, on peut tout aussi bien Réponse possible : cette 10 première basilique n’aurait imaginer une église plus petite pas été construite pour le culte que la future église romane 9 de saint Martial mais pourrait ou une très grande église ayant avoir été la « chapelle royale » à peu près les mêmes propor- 10 d’un « complexe palatial tions que celle figurée ici 11 . carolingien » (13).

En tout cas, la très petite surface fouillée jusqu’ici laisse beaucoup de latitude pour réfléchir à quoi aurait pu ressembler cette basilique (peut-être gérée par une autre communauté ?) entre sa construction au 9e siècle et sa destruction e au 11 siècle pour laisser 11 la place à la basilique romane. L’Abbatiale Romane Le grand chantier du 11e siècle

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LE LANCEMENT DU CHANTIER l’apostolicité de saint Martial ... de cérémonie. À titre le tout charpenté. Pour continuer (DÉBUT DU 11E SIÈCLE) La construction progresse vite d’hypothèse, ce chevet à assurer les offices et l’accueil C’est a priori en 1017 que puisque dès 1028, l’abbé Odolric est représenté ici avec des pèlerins pendant les travaux, l’abbé Geoffroy entame le fait procéder à la dédicace du un niveau de moins 2 une partie de la basilique chantier de la reconstruction nouveau chevet par l’évêque que dans sa version finale, carolingienne (ici de la basilique du Sauveur, de Limoges, avec Adémar une voûte en cul de four 3 en transparence) 6 l’un des premiers de ce type de Chabannes en et peut-être déjà un transept a pu être conservée en France. Plusieurs facteurs maître 4 et un bas-côté 5 un temps puis démolie peuvent expliquer le lancement progressivement. de ce chantier majeur : dégâts Le clocher-porche 7 importants causés à la basilique 1 est représenté ici (avec carolingienne par un incendie seulement deux étages) car au 10e siècle, afflux de pèlerins ses fondations mal raccordées après le mal des ardents en 994 à la future nef romane semblent (le transport et l’exposition des indiquer une construction reliques de saint Martial dans antérieure à cette dernière. une statue reliquaire en or 1 Le chevet de Saint-Pierre a été ayant coïncidé avec la fin de modifié 8 . Avec un possible cette épidémie provoquée par premier cloître le seigle), vive concurrence (ici en construction) 9 avec l’abbaye de Saint-Jean l’ensemble conventuel englobe d’Angély qui venait d’entrer en l’église de La Courtine 10 possession du « chef » (tête) et est maintenant clos par de saint Jean-Baptiste, désir un mur 11 . La ville commence de promouvoir la théorie de à s’étendre tout autour. 23

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L’ACHÈVEMENT En 1062, non sans remous, Les bâtiments conventuels Saint-Benoît 19 selon l’usage (FIN DU 11E SIÈCLE) le vicomte fait passer l’abbaye ayant été endommagés par clunisien), d’une salle Dans les années 1040, sous l’autorité de l’abbé des incendies au milieu du des moines 20 les successeurs d’Odolric de Cluny qui nomme à la tête siècle, notre vue imagine aussi et d’un réfectoire 21 . ont peut-être modifié l’élévation de Saint-Martial un nouvel abbé, un nouveau cloître plus grand Le mausolée de saint Martial primitive du chevet 12 et en tout Adémar de Laurière. Celui-ci est 17 entouré d’un chapitre 18 pourrait avoir été couvert cas achevé les parties orientales chargé d’adapter l’abbaye aux (relié à la nouvelle chapelle par une construction plus de la basilique 13 entièrement usages clunisiens homogène 22. voûté le bâtiment (un incendie et son très long Le mur extérieur signalé par les textes aux abbatiat (jusqu’à de l’abbaye est par alentours de cette date sa mort en 1114) endroits transformé aurait pu précipiter cette lui permet de en rempart avec option), et prolongé la nef 14 terminer le chantier. tours et portes 23 avec des bas-côtés Dès 1063, l’autel autour duquel et des tribunes. en marbre blanc de la ville continue Narbonne, commandé de se développer. une trentaine d’années plus tôt par Odolric, est installé. Ce qui restait de la première basilique carolingienne a pu être détruit à l’occasion de l’achèvement de la nef 15 jusqu’au clocher-porche 16 . Page 18 La VilleDouble... D reconstruction, lespremiers à l’est l’abbaye de Saint-Martial à l’estl’abbayedeSaint-Martial entre deuxpôlesdéjàclos : Le Châteaus’estconstitué … ETLECHÂTEAU DELIMOGES qu’au débutdu13 Étienne neseraconstruit au boisduNaveix. LepontSaint- au 9 de laRègle, sansdoutefondée bénédictines deNotre-Dame autour del’abbayedessœurs le quartierdel’Abbessaille Elle estreliéeàlarivièrepar du baptistèreSaint-Jean. et labaseduclocher), voisine restent aujourd’huiquelacrypte sa versionromane(dontne Saint-Étienne groupée autourdelacathédrale vue au11 Dominant la Vienne danscette LA CITÉ… par leducd’Épernondurantlesguerres deReligion). de Cent Ans) etde1589(siège, priseetdévastation et dévastationparlePrinceNoirdurantlaguerre sa cathédrale), catastrophes de1370(siège, prise 1089 et1105(annéeoùbrûlèrent toutelaCitéet l’histoire : attaquesdeleursvoisins duChâteauen1019, souvent malheureux de l’évêque, nefurent pasgâtéspar Des habitantsdelaCitéqui, dufaitdeschoixpolitiques fréquentes deseschanoinesetdeshabitants. rester leseigneurjusqu’auboutmalgrélescontestations on neconnut pasunteldéveloppement etl’évêqueput (commune) quifinalementl’emportèrent. CôtéCité, endroit, lesnombreux habitantsregroupés enconsulat Martial, levicomtedeLimoges quiavait bâtisa (comme onleverra pagesuivante)entre l’abbédeSaint- conflit poursavoir quienétaitlemaître ouseigneur lement peuplée, puissanteetrichequ’ilyeutrapidement en taille, population, puissanceetrichesse. Unevilletel- du10 à partir l’afflux despèlerinsfirent dusiteunevéritableville :la Limoges deSaint-Martial lesuccèsdusanctuaire, dable bientôtgouverné parl’évêque. LeChâteauétait rassembler leshabitantsenunlieuréduitetdéfen- La CitéétaitlaLimogescrééeàfindel’Antiquitépour pinte contenait1,19litre côtéCité, 1,09litre côté Ville ... mesures n’étaientpaslesmêmespuisqueparexemple la l’histoire, lestraditions, l’organisation, lesloisetmême finit parsimplement appeler la dela de Limoges maissurtout 4 (avecl’abbatiale e siècle, voisineduport e vembre 1792pourêtre précis), ilyeutLimou u 10 geauds etLimougeauds: onétaitpeut-être siècle, laCitéest Au tempsdesdeuxLimoges 1 e dans dans e àlafindu18 e sièclequidépassarapidement laCité siècle. 5 ici en icien 2 3

e siècle(jusqu’au11no- le vergerdel’abbaye des Combes suivant, demêmequelequartier l’enceinte duChâteauausiècle sera elleenglobéedans (qui veutdirelecarrefour) Saint-Pierre duQueyroix La versionanciennedel’église rebâtie au14 des Lions de l’égliseSaint-Michel et uneversionancienne l’étang deLaMotte l’agglomération. Toutproches, des fortificationsde plus tardunélément au vicomteavantdedevenir fortifiée appartenant Celle-ci estalorsunetour la «mottevicomtale La Courtine la crypte l’église Saint-PierreduSépulcre, bâtiments conventuels Cité Ville oudu ). Entre l’uneetl’autre, 7 11

8 (totalement (totalement et la chapelle de et lachapellede 13 e Château siècle). ), àl’ouest avec avec 10 tour 9 14

(qu’on ». ». 6 . àcet 12

- (aujourd’hui sous le jardin (aujourd’hui souslejardin amphithéâtre romain (fondée au7 Rurice) ouSaint-Martin dès le6 Saint-Augustin (fondée quelques autresabbayescomme des ruinesdel’ancienthéâtre et l’églisedela Trinité, toutprès se trouventquelqueshabitations du 13 (il serareconstruitaudébut l’ancien pontromain Saint-Martial agglomérations : lepont Non comprisdanslesdeux e siècle), àl’entréeduquel e siècle parl’undes e siècle), l’ancien 15

qui est encore qui estencore 18 17

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3 16 , Le ruisseaud’Enjoumard doute labasiliqueduSauveur. constructions neuvesdontsans et quisertdecarrièrepourles d’Orsay) appeléles« de sejeterdansla Vienne de fosséàlaCitéavant Château vientensuiteservir qui asasourceaupieddu 19 Arènes » Arènes » 2 19 20

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18 … Et ses Quatre Pouvoirs L’évêque, l’abbé, le vicomte et le Consulat

l y avait donc deux villes à Limoges et pour encore les habitants … Une longue lutte commence entre ceux-ci, plus compliquer l’affaire, quatre pouvoirs : un dans le vicomte et l’abbé qui ne sera définitivement tranchée Page 20 I la Cité, trois au Château. qu’au début de la guerre de Cent Ans lorsque les bourgeois et leurs consuls finiront par obtenir la prééminence. Dans la Cité : l’évêque Depuis la fin de l’Antiquité, l’évêque de Limoges dirige Plus haut : le duc, le roi, le pape la Cité, petite bourgade fortifiée où se sont à l’époque Les conflits entre ces quatre pouvoirs limougeauds étant réfugiés les habitants. Jusqu’au 9e siècle, il contrôle aussi le la plupart du temps indécis, ils entraînent l’intervention site voisin de Saint-Martial puis en est évincé au moment de de pouvoirs extérieurs chargés de trouver un compromis la création de l’abbaye et n’aura ensuite que peu d’influence ou d’imposer une solution. Pouvoirs supérieurs eux-mêmes sur la nouvelle agglomération du Château, rapidement tentés d’ailleurs d’utiliser les rivalités locales au mieux plus importante que sa Cité. L’évêque est donc moins fort de leurs intérêts plus larges et souvent contraires. à Limoges qu’en Limousin où il est seigneur de vastes Le pouvoir supérieur immédiat est le duc d’Aquitaine biens et peut entretenir de forts liens avec la noblesse qui a autorité du sud de la Loire aux Pyrénées et qui de la province dont sont d’ailleurs issus les chanoines est le protecteur naturel de l’abbé et des habitants du de la cathédrale Saint-Étienne qui l’élisent. Le Limousin Château. À partir du milieu du 12e siècle, le duc étant correspond d’ailleurs très exactement aux limites du terri- désormais aussi roi d’Angleterre, Limoges et le Limousin toire dont l’évêque est responsable : le diocèse de Limoges. deviennent l’un des multiples terrains de sa rivalité avec le roi de France. Pouvoir supérieur moins immédiat Au Château : l’abbé, le vicomte et le Consulat (Paris est plus loin que Poitiers ou Bordeaux), le roi C’est donc en 848, longtemps après l’évêque, qu’apparaît de France est en effet, au-dessus du duc, le suzerain final l’abbé qui dirige l’abbaye de Saint-Martial, ses moines et des seigneurs limousins, et en premier lieu de l’évêque ses biens. Et qui est forcément un personnage important et du vicomte qui sont ses vassaux les plus fidèles. De plus de la nouvelle agglomération du Château en formation en plus présent, particulièrement à partir du 13e siècle grâce entre son abbaye et la « motte vicomtale » (vers l’actuelle à ses administrateurs, le roi finira au 14e siècle par place de la Motte) que se fait construire au 10e siècle favoriser les habitants. Pouvoir supérieur encore plus lointain, le vicomte de Limoges avec une tour en pierre qui défend le pape intervient lors des conflits liés à l’abbé ou l’évêque, le Château sur un côté difficile à protéger. Ce vicomte en favorisant plus souvent le premier que le second. est à l’origine le délégué local du comte de Poitiers (et de Limoges) ce dernier étant devenu duc d’Aquitaine Les quatre pouvoirs locaux se sont alliés les uns avec les au milieu du 10e siècle. Doté de grands biens au sud de la autres ou ont lutté les uns contre les autres avec l’aide des ville, le vicomte finit par vouloir s’imposer lui aussi comme trois autorités supérieures dans à peu près toutes les con- le pouvoir dominant à Limoges. Mais voici que surgit au 12e figurations possibles et imaginables entre 10e et 14e siècles. siècle, du fait de l’augmentation de la population au Château Mais quelques grandes oppositions ont animé la chronique et de son enrichissement, le Consulat qui représente de la double ville, dont les trois principales sont ...

Quelle urgente raison force-t-elle le vicomte à se servir dans le trésor de l’abbaye en 1007 ? Pourquoi les habitants du Château de Limoges ont-ils chassé en 1202 l’abbé de Saint-Martial et ses moines ?

L’abbé contre l’évêque pour payer la rançon demandée par les Normands Il s’agit ici de savoir qui a la prééminence ecclésiastique qui avaient enlevé son épouse. Après une première dans la double ville : l’évêque ou le sanctuaire honorant période où le vicomte domine et fait nommer l’abbé les restes du premier évêque ? D’abord soumis à d’autres (mais aussi l’évêque) qui lui convient, les deux pouvoirs autorités (l’abbé au vicomte, l’évêque aux autres grands s’équilibreront au 11e siècle, surtout après la vente seigneurs locaux), les deux prélats s’opposent dès qu’ils de l’abbaye à l’ordre de Cluny en 1062 qui entérinera réussissent à prendre plus d’autonomie au cours du l’autonomie des moines et leur prééminence au Château. 11e siècle. Le principal point de friction sera l’élection de l’évêque : l’abbé peut-il s’y opposer et imposer un can- Le vicomte et l’abbé contre les habitants didat ? Exemple extrême avec le long conflit entre l’abbé Le vicomte et l’abbé auront bientôt un adversaire Adémar et l’évêque Humbaud : l’abbé Adémar réclame commun : la population du Château de Limoges qui ne la révocation de l’évêque Humbaud, non seulement parce fait plus exactement ce qu’on veut qu’elle fasse. C’est qu’il serait inculte et violent, mais surtout car il n’a pas d’abord l’abbé qui est en première ligne : en 1173, été consulté pour son élection. Le pape Urbain II tranche il demande aux habitants de payer la reconstruction en faveur d’Adémar en 1095 d’où l’élection du candidat de la muraille. Les habitants se révoltent, chassent même de l’abbé en 1097 (le prieur de Saint-Martial Guillaume d’Huriel) … qui se fait empoisonner en 1100. Mais lorsqu’un successeur d’Adémar, l’abbé Amblard, ira jusqu’à vouloir se faire élire lui-même évêque en 1139, le pape devra met- tre le holà. Évêque et abbé finiront ensuite par devenir alliés à la fois contre les grands (particulièrement lors des guerres entre Plantagenêts Qui a empoisonné en 1100 l’évêque Guillaume d’Huriel, ancien prieur de Saint-Martial et protégé de l’abbé ? dans la deuxième moitié du 12e siècle) et contre les habitants (en 1202, l’évêque excommunie en 1202 l’abbé et ses moines avant finalement d’obtenir les habitants du Château qui ont chassé l’abbé). en 1212 la gestion de la muraille. Le conflit entre le vicomte et les habitants du Château atteindra lui son L’abbé contre le vicomte paroxysme lors de la guerre de la Vicomté de 1261 à 1275 Qui est le seigneur du Château de Limoges ? L’abbé à l’issue de laquelle les habitants devront s’humilier qui dirige l’abbaye à l’origine de son développement ou et reconnaître la suzeraineté vicomtale sur le le vicomte qui incarne l’autorité civile supérieure en Château car ils ont choisi le mauvais protecteur, Limousin ? L’abbé a l’avantage d’être basé sur place et de le roi d’Angleterre plutôt que le roi de France. pouvoir fabriquer des preuves (comme la fausse donation Ce ne sera que partie remise : les bourgeois retrouve- du site qu’aurait signé l’empereur Louis le Pieux ront leurs libertés urbaines et priveront définitivement en 833). Le vicomte a l’avantage de pouvoir se permettre le vicomte comme l’abbé de leur seigneurie entre 1365 quelques voies de fait comme lorsqu’il vient prélever et 1371 grâce à la protection pour une fois conjuguée en 1007 « de grandes quantités d’or et d’argent » mais aussi du roi d’Angleterre puis du roi de France, tous deux en une statue dorée d’archange dans le trésor de l’abbaye grand besoin d’argent du fait de la guerre de Cent Ans. L’Âge d’Or de l’Abbaye Du 11e au 13e siècle, un centre religieux et culturel majeur

n a peu idée du prestige de l’abbaye de Saint- au début du 11e siècle. L’évènement déclencheur Martial au milieu du Moyen Âge. Le chroniqueur semble avoir été la découverte d’une tête de Page 22 O Geoffroy de Vigeois raconte ainsi que lorsqu’il saint Jean-Baptiste par les moines de Saint-Jean fallut transporter depuis Narbonne la table d’autel en d’Angély en 1010 qui fait tout à coup marbre de la nouvelle basilique, le seigneur de Capdenac, de l’abbaye saintongeaise un nouveau centre majeur en Rouergue, n’hésita pas de pèlerinage. Face à cette concur- à « abattre un pan de muraille » pour rence frontale, notre abbaye réagit la faire passer. Un pan de muraille qu’il en tentant d’officialiser l’apostolicité refusa ensuite de reconstruire : « il ne (le fait qu’il a été apôtre, c’est-à-dire voulut plus, dès ce jour, faire relever ses qu’il ait connu et cotoyé le Christ) murs, disant que la protection de saint de saint Martial. C’est dans ce but qu’est Martial lui serait un bon rempart. » rédigée ce qu’on a appelé la Vita prolixior, la Vie (de saint Martial) qui en dit plus, Instituée au 9e siècle, l’abbaye connaît par comparaison avec la Vita antiquior, son âge d’or entre 11e et 13e siècles, le récit encore très court et prudent lorsqu’elle compte près d’une centaine du 9e siècle. La Vita prolixior enrichit en de moines et possède « un patrimoine im- effet ce récit d’une foule de détails qui font mense, composé de biens fonds et de revenus divers, de Martial un juif ayant bien connu Jésus, cousin de qui comporte plus de quatre-vingts prieurés » (14). Si l’abbaye saint Pierre, tout en développant l’histoire de Valérie se porte si bien, c’est que les reliques de saint Martial (devenue sainte) et de son fiancé devenu lui un puis- attirent à Limoges des foules de pèlerins. Ces pèlerins sant duc romain. La deuxième phase de l’opération sera séjournent sur place, font des dépenses et expliquent un peu plus difficile et Adémar de Chabannes, le moine à la fois le développement de l’industrie locale des chargé de cette tâche, y sacrifiera sa carrière : le 3 août métaux précieux et la croissance très rapide de 1029, il est violemment contredit en pleine cathédrale l’agglomération du Château, encore embryonnaire par un érudit moine piémontais, Benoît de Cluses. vers l’an mil, dominante vers 1200 par rapport à la Cité. Humilié, il consacrera les années suivantes à composer un impressionnant dossier de faux qu’il laissera à Saint- Ce rapide développement n’est pas exceptionnel à une Martial avant de partir en Terre Sainte où il mourra. époque où l’Europe occidentale est en plein essor, mais il C’est cet étonnant assemblage qui imposera paradoxale- n’aurait peut-être pas été aussi prononcé à Limoges sans ment peu après la thèse de l’apostolicité, et assurera l’importante opération de relations publiques entreprise ainsi le succès de l’abbaye au cours des siècles suivants.

LA CONSÉCRATION DE LA par Uzerche. Son programme est Saint-Étienne dans sa version Il sortit ensuite de l’église NOUVELLE ABBATIALE EN 1095 chargé et l’ambiance électrique : romane le 29 décembre puis pour donner sa bénédiction Venu de Clermont où il a il doit en effet à la fois régler le 31 l’abbatiale romane au peuple innombrable excommunié le roi de France le conflit entre l’abbé Adémar de Saint-Martial terminée par qui s’était rendu à Limoges ; (qui a épousé une femme et l’évêque Humbaud l’abbé Adémar. Accompagné la foule était si considérable mariée) et lancé le 27 novembre (il excommuniera finalement de 5 archevêques et qu’à mille pas autour 1095 l’appel à la croisade, le second), consacrer la de 6 évêques, « Sa Sainteté de la ville on ne voyait que des le pape Urbain II arrive à cathédrale consacra de ses mains têtes d’hommes » (Chronique Limoges le 23 décembre après le grand autel et y célébra de Geoffroy de Vigeois). être passé solennellement la messe. 1

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ADÉMAR DE CHABANNES L’ABBAYE Né dans la Marche près AU MILIEU DU 13E SIÈCLE de Fursac, Adémar (vers 988- Une dernière grande vague de 1034) a sans doute fait ses constructions clot l’âge d’or de études à Saint-Martial sous Saint-Martial : d’abord vers 1180 la direction de son oncle le la restauration de l’abbatiale 1 chantre Roger (dont on a touchée par un grand incendie, conservé la pierre tombale). la pose d’un toit de plomb en En 1010, il a une troublante 1199 et la construction de la vision nocturne dans l’abbaye chapelle Saint-Michel 2 . (il voit le Christ en croix Puis à partir de 1210 la et en pleurs) avant de partir reconstruction des bâtiments pour l’abbaye de Saint-Cybard conventuels en commençant à Angoulême d’où on le rappelle par l’aile est jusqu’en 1224 avec dans les années 1020 pour la nouvelle chapelle Saint-Benoît mettre au point la nouvelle 3 puis la maison abbatiale 4 liturgie confirmant l’apostolicité les communs 5 les cuisines 6 de saint Martial, cause et le magnifique réfectoire 7 à laquelle il consacrera toute (premier bâtiment gothique la fin de sa carrière et qui l’a « à la française » (15) en fait parfois juger sévèrement saurait pas grand chose sur beaucoup de religieux de son Limousin) sans doute dans par les historiens à cause de sa l’Aquitaine d’entre 8e au 11e temps, de la « paix de Dieu », les années 1230 et 40. Enfin le production de faux. Mais, hors siècles), un musicien d’avant- cette limite légale que l’Église cloître lui-même 8 en 1248-49, apostolicité, c’est un précieux garde, un dessinateur créatif. voulait imposer aux violences qui est orné à l’intérieur de chroniqueur (sans lui, on ne Et un ardent défenseur, comme des seigneurs et chevaliers. nombreuses grandes statues. Le Temps des Moines Les journées bien remplies dans l’abbaye du 13e siècle

Saint-Martial comme dans tous les autres monastères, la journée commençait au milieu Page 24 À de la nuit lorsque le sacristain (le grand maître de l’emploi du temps des moines) sonnait la cloche pour l’office nocturne après avoir vérifié l’heure en regardant les étoiles depuis le milieu du cloître. L’hiver, on pouvait ensuite se recoucher en attendant l’office de primes qui marquait l’aube. L’été, le temps manquait et les offices et célébrations s’enchaînaient presque sans discontinuer jusqu’à complies, le dernier

office célébré juste après le coucher du soleil et juste 4 avant le coucher des moines. Et le travail ? C’était justement le travail : prier pour tout un chacun, pour les moines vivants mais aussi les morts, pour les puissants et les faibles, pour toute la société envi- ronnante qui comblait l’abbaye de dons précisément pour cela. Toute personne ayant un peu de biens en léguait une partie aux moines à charge pour eux de nourrir les pauvres mais aussi de dire des messes en faveur du défunt qui verrait ainsi ses péchés plus facilement pardonnés. Ces messes, il fallait ensuite les dire et les chanter dans les quelques moments de la 16 journée où la communauté n’était pas rassemblée. Le tout bien-sûr sans week-ends ni congés mais avec de très nombreux temps forts qui rythmaient l’année monastique comme la distribution des nouveaux vêtements à Noël et des nouveaux souliers le Jeudi 22 Saint, les trois plats du repas de Pâques, la répartition annuelle des livres et les saignées au moins quatre fois par an qui permettaient de passer quelques jours au calme et sans obligations à l’infirmerie ...

13 L’ABBATIALE DU SAUVEUR construction au début Le flux continu de pèlerins du 11e siècle. Au centre devait quelque peu perturber de l’abbatiale, le chœur 8 les journées des moines liturgique était le lieu des 17 de Saint-Martial mais la principaux offices assurés par circulation de ces visiteurs les moines tandis que le reste était très encadrée. L’abbatiale de la nef 9 et le bas du clocher- était ainsi ce que les spécialistes porche 10 étaient pour le public appellent une « église de venu y assister. Les autels 11 pèlerinage », c’est-à-dire de chaque côté de la nef pensée en fonction des pèlerins. servaient aux innombrables Ceux-ci, saisis dès leur entrée messes privées en faveur prévoyait qu’une « chandelle porte sud 1 par « l’ampleur des défunts ou des pénitents reste allumée jusqu’au matin », exceptionnelle » (16) du transept assurées par les moines. le chapitre 14 (ou salle 2 bâti pour les impressionner, capitulaire) en dessous où ils jeûne qui va de septembre suivaient son collatéral est 3 LE GRAND CLOÎTRE discutaient des affaires de à Pâques), la cuisine 20 puis le déambulatoire du chevet C’est là 12 que les moines l’abbaye dans la matinée, et le cellier 21 . et ses 5 chapelles 4 pour avaient l’habitude de lire, un couloir 15 permettant y vénérer les reliques du saint de converser (sans bruit) lors d’accéder à la chapelle Saint- LE PETIT CLOÎTRE (sur l’autel de l’abbatiale 5 ) des rares moments autorisés, Benoît, 16 une salle des moines Il servait à l’infirmerie 22 et finalement rejoindre l’église de prier et méditer. Centre de 17 pouvant servir de scriptorium, et permettait d’assurer une vie Saint-Pierre 6 et le tombeau leur vie quotidienne, on trouvait l’escalier 18 menant au dortoir, monacale au ralenti aux moines dans la crypte 7 . Ce système de tout autour : le dortoir 13 où les le réfectoire 19 où ils prenaient malades ou venus effectuer chevet avec déambulatoire était moines passaient leur courte leurs repas en commun (un seul leur saignée, jugée alors encore rare à l’époque de sa nuit et où la règle de saint Benoît pendant la longue période de indispensable à une bonne santé.

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20 Vivre et mourir à Saint-Martial Du moinillon à l’abbé : heurs et malheurs d’Isembert Escoblart

l peut arriver qu’un notable offre son fils à Dieu en de la puissante abbaye par les moines et représen- le donnant au monastère » (17). Ce fut sans doute tants des monastères dépendants. Abbé, Isembert eut Page 26 I le cas pour Isembert Escoblart, l’un des fils du bien besoin de ses talents de gestionnaire : malgré le seigneur de Ruffec, aux confins du Berry, du Poitou vol du riche trésor de Saint-Martial par Henri le Jeune, et du Limousin qui, « dès sa jeunesse, fut moine de frère de Richard Cœur de Lion, il réussit à redresser Saint-Martial » (18) puis finalement abbé de 1174 à sa les finances de l’abbaye, bâtir une infirmerie« avec une mort en 1198. Vers le milieu du 12e siècle donc, les magnificence vraiment royale » et même se montrer parents d’Isembert durent venir à Saint-Martial avec particulièrement généreux avec les pauvres. l’enfant qui resta à l’abbaye en compagnie de la demi- douzaine d’autres petits moines qu’autorisaient alors les monastères de l’ordre de Cluny. Des enfants dont l’éducation était de très bon niveau (on les destinait aux plus hautes fonctions) et dont le rôle n’avait rien de négligeable, que ce soit dans les chants qui rythmaient toute la longue journée des moines ou dans les lectures comme celle faite chaque matin au chapitre : « Lorsque tous sont réunis, un enfant bien stylé se rend au pupitre pour faire la lecture. Sur un signe de l’abbé, il annonce la date du lendemain et les fêtes des saints mais aussi la phase de la lune et les anniversaires des frères défunts » (19).

Le chapitre était la réunion des moines autour de l’abbé. Il fallait bien ce long moment d’échange quotidien pour faire marcher une machine aussi complexe que Saint-Martial. Une tâche bientôt confiée à Isembert, lorsqu’après avoir fait la preuve de ses talents de gestionnaire au prieuré de Ruffec (une dépendance de Saint-Martial qu’il réussit 2 à reconstruire « sans quêter les secours des (20) autres églises » ), il fut facilement élu abbé 1

Restitution LA CHAPELLE SAINT-BENOÎT LA CRYPTE au 13e siècle Lors de son enfance à l’abbaye, Le sanctuaire souterrain est le petit Isembert dut souvent faire sous la garde du « chevecier du la lecture aux autres moines dans sépulcre », un moine qui veille sur cette chapelle 1 sans doute les reliques et a sous ses ordres édifiée après le passage un gardien rémunéré 4 deniers de l’abbaye dans l’ordre de Cluny par mois plus les offrandes en à la fin du 11e siècle. nature (pain, blé, vin, œufs …) Reconstruite de 1220 à 1224 déposées par les pèlerins sur (avec une nouvelle abside 2 ), le tombeau du saint 7 . C’est elle sert en effet de chapelle aux peut-être là que vint mourir moines réunis dans le chapitre Isembert sur un lit de cendres, mais aussi à ceux séjournant comme le faisaient souvent les à l’infirmerie voisine. abbés. Le tombeau dit de Tève le Duc 8 (le fiancé de sainte L’ÉGLISE SAINT-PIERRE Valérie) remplit presque toute La plus ancienne église du site la troisième salle. 3 est désormais insérée dans un complexe ensemble architectural LA CHAPELLE reliant l’abbatiale aux bâtiments DE L’ANGE GARDIEN conventuels. Elle est le passage À l’angle du transept 9 , elle obligé des pèlerins 4 venus a été bâtie au début du 13e siècle de l’abbatiale 5 et se rendant par le successeur d’Isembert, en dans la crypte 6 . style gothique. C’est peut-être là qu’étaient conservés les précieux livres de l’abbaye. État révélé par les fouilles Vivre et mourir à Saint-Martial Du moinillon à l’abbé : heurs et malheurs d’Isembert Escoblart

Pour gérer ce qui était alors la première entreprise (y compris l’eau des fontaines qu’il fallait dégeler en de Limoges, Isembert, comme les autres abbés, ne gou- hiver) et très occupé à la fin de l’été lorsqu’il lui fal-

vernait pas seul mais était aidé par une bonne trentaine lait non seulement surveiller les vendanges des vignes Page 27 de moines titulaires de ce qu’on appelait les offices appartenant à l’abbaye autour de Limoges mais aussi claustraux. Le plus important d’entre eux était le prieur, envoyer un certain nombre de moines prélever la dîme, véritable numéro deux. Mais il y avait aussi le grand c’est-à-dire le dixième de toutes les autres vendanges chevecier (finances), le grand sacristain (habillement), alentours. le chantre, (trésor, musique, livres et autels), le maître de l’œuvre (entretien des bâtiments), l’aumônier C’est en septembre, justement, après quatre ans (dons aux pauvres et hôpital) ... Sans oublier de maladie et vingt-quatre ans d’abbatiat, que mourut les deux cellériers : celui des cuisines Isembert, entouré de son supérieur l’abbé de Cluny chargé des solides, celui du vin et de la plupart des prieurs dépendants de Saint-Martial, chargé des liquides venus spécialement l’honorer et surtout lui choisir un successeur aussi compétent. Le jour de ses funérailles, « une multitude d’hommes et de femmes entrèrent en foule dans le cloître, selon l’ancienne coutume qui se pratique aux funérailles des abbés » (21). Parmi eux sans doute, « les 200 pauvres auxquels il donnait des 5 aumônes et les 300 auxquels il donnait du pain » (22).

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8 Dans le Scriptorium La fabrique des trésors enluminés de Saint-Martial

’est une histoire que les moines copistes des grandes abbayes bénédictines ra- Page 28 C contaient aux novices pour les effrayer : on avait vu un jour un démon nommé Titivil- lus « lourdement chargé d’un sac qui semblait plein ». Que portes-tu dans ce sac ?, lui demanda-t-on. « Je porte les syllabes oubliées dans la prononciation, ré- pondit le démon, et les versets de la psalmodie que les clercs nous ont dérobés cette nuit. » Les « clercs » en question étaient les moines copistes inexpérimen- tés ou étourdis qui oubliaient, en recopiant 2

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COMMENT ON FAISAIT LES LIVRES Probablement installé dans une salle proche du cloître, le scriptorium de Saint-Martial pour les lectures durant les est l’une des plus renommées repas, à l’infirmerie pour les 3 fabriques de manuscrits en lectures aux malades, au Trésor Occident du 11e au 13e siècles, pour les livres défendant la à une époque où le livre est un prééminence de l’abbaye et produit de luxe et de prestige l’importance de saint Martial. mais aussi un outil de travail es- Mais la plupart restent sous sentiel pour les grandes abbayes la garde de l’armarius, le moine et les cathédrales. Avant d’être chargé de veiller à la conser- manuscrit, le parchemin doit être vation des livres et d’éviter traité et préparé, découpé 1 qu’ils ne se perdent ou se Ensuite, il sera cousu, relié 2 dégradent. C’est lui qui a la clé avant de partir pour sa destina- de l’armarium (l’armoire où sont tion : soit une autre institution rangés les livres), note les em- ecclésiastique, soit un puissant prunts et gronde les négligents personnage à qui il sera offert. ou les retardataires. Le plus cé- Une bonne partie, heureusement lèbre armarius de Saint-Martial pour nous (puisque l’essentiel fut Bernard Itier qui, par écono- de la bibliothèque de Saint- mie, écrivit sa chronique (et tout Martial a pu être conservé), reste ce qui lui semblait valoir la peine sur place : à la sacristie pour les d’être noté) dans les marges livres de messe, au réfectoire des livres confiés à sa garde. Bernard Itier écrit sa chronique dans les marges des livres dont il a la garde

leur manuscrit, là une syllabe, là un l’histoire du monde jusqu’à son verset, ce qui rendait ensuite la lecture temps, parfois en la corrigeant incompréhensible. Démon spécialisé, de ce qu’il avait appris par ailleurs. Page 29 Titivillus était prioritairement chargé Arrivé à son époque, il relatait ensuite de tourmenter ces mauvais copistes tout ce qu’il avait vu ou dont il avait et d’établir la facture de leurs graves entendu parler avec toujours un point manquements en vue du règlement de de vue bien affirmé sur les évènements, comptes final au Jugement dernier. On ne qui devaient avoir un sens, être le châti- plaisantait donc pas avec le respect des sources et ment ou la récompense d’actions précédentes. à Saint-Martial sans doute encore moins qu’ailleurs, Ainsi firent donc Adémar de Chabannes et les autres tant le prestige de l’abbaye et des productions manu- chroniqueurs de Saint-Martial grâce auxquels nous en scrites de son scriptorium (nom latin de l’atelier où savons beaucoup plus sur le Limousin que sur beau- les manuscrits étaient recopiés) était grand. coup d’autres régions du duché d’Aquitaine ou du royaume de France du 11e au 13e siècles. Tout dépendait cependant du sujet puisqu’on sait qu’Adémar de Chabannes (voir pages 22 et 23) est fameux pour « l’extraordinaire collection de faux » ma- nuscrits qu’il a fabriqués afin d’imposer la thèse hardie selon laquelle saint Martial était un apôtre direct du Christ. Mais quand il ne s’agissait pas de l’apostolicité de saint Martial, Adémar faisait, comme les autres, très sérieusement son métier de chroniqueur, une spécialité prisée dans les grandes abbayes, où l’on savait souvent mieux qu’ailleurs ce qui se passait aux quatre coins de l’Occident grâce aux échanges constants avec les autres abbayes et les voyages fréquents auprès des puissants ou du pape.

Un bon chroniqueur, puisqu’il était aussi copiste, commençait alors généralement par copier une chronique déjà écrite et relatant

UN STYLE, DES STYLES Le style évolue vite comme en témoigne cette même initiale « Q » entre le début du 11e siècle et le 13e siècle. Un style aux « colorations vives assurées par des tons saturés » (23) qu’on retrouve dans les rares exemples de peinture murale romane en Limousin.

L’ATELIER DES MOINES COPISTES Le chroniqueur Adémar de Chabannes indique à un jeune moine 3 la bonne façon de tracer ses lignes sur le parchemin, une tâche que l’on confiait aux débutants. Les moines un peu plus expérimen- tés se chargent des écritures et des partitions, les plus talentueux décorent les manuscrits de leurs merveil- leuses initiales enluminées et décorations de toutes sortes. Des Musiciens d’Avant-garde Pourquoi Saint-Martial est un nom qui compte

i notre abbaye a donné son nom à une époque pliquer l’un des multiples talents d’Adémar qui avait de la musique médiévale (la période de Saint- sans doute appris aux meilleures sources l’art de la Page 30 S Martial), c’est d’abord grâce à sa collection composition. Trois des manuscrits musicaux que nous de manuscrits et surtout à leur vente en bloc au avons conservés sont certainement de sa main dont 18e siècle qui a permis de conserver à la Bibliothèque le fameux tropaire de 1028 (voir ci-dessous), avec des nationale un ensemble très riche et d’avoir ainsi créations originales qui montrent son très bon niveau. un aperçu unique sur ce que l’on chantait dans les églises et les abbayes aquitaines du 11e au 13e siècles. Niveau dont il put faire la preuve ce 3 août 1029 Mais Saint-Martial tient aussi une place de choix dans qui fut à la fois son jour de gloire et le début de sa la musique médiévale par sa créativité musicale, une chute (voir page 22) : avec l’accord de l’abbé Odolric créativité dont certains spécialistes attribuent l’origine de Saint-Martial et celui de l’évêque de Limoges Jour- à l’opération d’apostolisation de saint Martial dont dain, c’est en effet ce jour-là qu’Adémar de Chabannes le plus actif promoteur fut cet Adémar de Chabannes introduisit à Limoges la nouvelle liturgie entérinant que nous avons déjà rencontré plusieurs fois l’apostolicité de saint Martial. À l’abbaye, tout au long au fil de ces pages. de l’office journalier dans le chœur flambant neuf dont la dédicace avait eu lieu quelques mois auparavant Bien qu’officiellement basé à Saint-Cybard (le 18 novembre 1028), il s’agissait de ne pas dérouter d’Angoulême, Adémar était comme chez lui à Saint- des moines qui pratiquaient les mêmes mélodies depuis Martial où il avait fait ses études sous la direction des décennies et les changements furent principale- de son oncle, le chantre Roger. Le chantre d’une ment textuels pour expurger les chants de abbaye était son ministre de la musique, une tâche toute mention d’un saint Martial « évêque » capitale et qu’on ne pouvait confier et rajouter des mentions explicites qu’à des spécialistes aguerris. qu’il avait surtout été « apôtre » Cela pourrait bien ex- et familier du Christ. À la cathédrale, devant un certain nombre d’autorités ecclésias- tiques venues pour l’occasion mais aussi un grand concours de peuple, Adémar put se lâcher musicalement et offrit une messe d’avant-garde

siècle et non un évêque e e 2 du 3 ou du 4 siècle. On pense même que c’est Adémar qui a gratté toute la fin de ce chant 2 car elle faisait trop explicitement mention de l’apôtre saint Jean, 3 ce qui aurait pu faire de l’ombre à saint Martial. Au dessus des tropes, 1 la mélodie est indiquée par les « neumes », des proto-notes créées à partir du 10e siècle en à la fin du premier verset s’inspirant des accents gram- signifie « Laudamus te » (Nous maticaux. En Aquitaine et donc à te louons). La particularité de ce Saint-Martial, on les perfec- paroles des chants liturgiques. tropaire (recueil de tropes) est tionna entre autres avec les pre- Le trope ci-dessus est le « O qu’il a probablement été réalisé mières portées (uniques) tracées gloria sanctorum » (O gloire des à Saint-Martial en 1028-1029 à la pointe sèche et à peine visi- LES TROPES ET LES NEUMES saints) qui venait s’intercaler par Adémar de Chabannes bles ici. Par exemple, les 3 points À Saint-Martial comme ailleurs dans le « Gloria » dont les lors du grand remue-ménage 3 sur le « to » de « sanctorum » entre 10e et 13e siècle, on chan- paroles, connues de tous, étaient liturgique nécessité par la recon- sont le « climacus », tait beaucoup de « tropes », des elles simplement signalées par naissance officielle que saint un neume représentant trois variations intercalées entre les des initiales : ici le « L » 1 Martial était un apôtre du 1er notes (ou plus) descendantes. Le jeune Adémar apprend le chant avec son oncle.

où « le texte chanté recule en arrière-plan et des traits purement musicaux prédomi- nent » selon James Grier, spécialiste Page 31 américain de musique médiévale. Selon Grier, « Adémar de Chabannes a créé un moment musical extraordi- naire où le texte chanté devient absolu- ment inaudible, où le public est forcé de ressentir la musique comme musique, comme mélodie. (...) Il est possible qu’il ait créé ce morceau pour le chanter lui- même pour que lui, l’architecte en chef de ce culte apostolique, compilateur et compositeur de cette liturgie apos- tolique, puisse s’avancer, comme c’était le cas, au centre de la scène et défendre devant son public la théorie, aussi absurde et fausse soit-elle, de l’apostolicité de saint Martial » (24) ...

Dans l’un de ses derniers sermons pro- noncé en 1033, Adémar s’étend sur l’une de ses autres (et nettement plus utile) marottes : la paix de Dieu. Il s’agissait de forcer les chevaliers et seigneurs à respecter des trêves dans leurs guerres et leurs pillages et de punir d’excommunication tout contrevenant : Adémar, pour terroriser ceux-ci, énumère les mesures de représailles prises récem- terre... » Et surtout, surtout, ce qui devait sembler le ment par l’Église dans des seigneuries entre Poitiers plus affreux à un musicien comme Adémar : « Le silence et Angoulême : « Les cadavres gisaient çà et là non enter- remplissait les églises où le clergé récitait l’office divin silen- rés, nourriture pour les oiseaux de l’air et des bêtes de la cieusement » (25), sans chants d’aucune sorte ...

BERTRAN DE BORN Limousin, depuis la fin du siècle ET LES TROUBADOURS précédent. Les correspondances Dans la chapelle Saint-Michel sont nombreuses entre la (peut-être ce qui devint ensuite musique des liturgies reli- la chapelle des Anges gardiens gieuses aquitaines (chantées et qui abritait la très précieuse en latin) et celle des trouba- bibliothèque de l’abbaye), dours limousins (chantée en Bernard Itier occitan) qui ont connu leur montre apogée toutes les deux entre vers 12e et 13e siècles. Un peu plus 1210 des tard, en 1215, Itier notera sobre- manuscrits ment : « Une huitième chandelle de chants et a été placée sur le tombeau (de des partitions saint Martial) pour Bertran de l’abbaye au de Born ». Ce qui nous permet célèbre Bertran de savoir que celui-ci était mort de Born. Celui-ci, un peu avant cette date. après une carrière de troubadour spécialiste des « sirventès » (chants guerriers et politiques) et avoir été l’ami de Richard Cœur de Lion, s’était fait moine à Dalon, dans le Périgord noir voisin du L’Entreprise Saint-Martial Moteur de l’économie limougeaude

l’origine de nombreuses abbayes, il y avait le désir sans parler des familiers, les laïcs qui travaillaient de certains religieux de se retirer du monde tous les jours à l’abbaye elle-même et dans ses Page 32 À et d’éviter ses tentations, qu’elles soient char- nombreux prieurés extérieurs pour subvenir aux nelles, politiques mais aussi économiques. Rien de tout besoins des moines déjà suroccupés par leurs cela avec Saint-Martial puisque, dès sa fondation au tâches d’organisation et de prière. C’est cet 9e siècle, l’abbaye dispose d’une importante source enrichissement mécanique de l’abbaye (que de revenus grâce aux reliques du saint évêque et aux l’on peut constater au milieu du 13e siècle nombreux pèlerins qui viennent les approcher. avec l’architecture luxueuse des nouveaux Une importante source de revenus qui peut expliquer bâtiments conventuels) qui peut ex- en partie l’âpreté des conflits jusqu’à la fin du e11 siècle pliquer aussi le déclin qui va suivre : concernant le contrôle de l’abbaye. trop absorbés par leurs tâches matérielles, les moines Saint-Martial est donc aussi, dès l’origine une entreprise perdent peu à peu le feu économique et une partie de son succès peut être at- sacré qui les animait. tribuée à l’habitude qu’avaient ses moines de gérer des Et la société qui les fonds importants … dans une époque pour le moins entoure réduit troublée. Ainsi, on sait que l’abbaye, en plus d’avoir subi dans les mêmes un certain nombre d’incendies dévastateurs, s’est plu- proportions sieurs fois fait dérober par les puissants locaux ou de pas- sa générosité sage tout ou partie de son trésor, c’est-à-dire ses objets envers l’abbaye de culte précieux offerts par des fidèles ou commandés autour de à grand prix, une sorte de capital en liquide jalousement laquelle s’est gardé. Et que chaque fois, assez rapidement, l’abbaye constituée a surmonté ces désastres et reconstitué ce trésor, té- la ville. moignage clair à la fois d’une activité qui ne se dément pas et d’une gestion avisée. Des revenus qui, au fur et à mesure des legs et dons, se sont aussi accrus d’une multitude de biens fonciers et immobiliers, de droits et bénéfices à Limoges et ailleurs : un important patri- moine qu’il fallait constamment contrôler et valoriser grâce au travail des nombreux paysans et employés,

LIMOGES, CAPITALE DE L’ÉMAIL La première est que le milieu fabriquer des produits ET DE L’ORFÈVRERIE physique était favorable : innovants et moins coûteux C’est dans la première moitié du à part le cuivre, on grâce à l’usage du cuivre 12e siècle que Limoges devient trouvait facilement (et non de l’or ou de l’argent), la capitale européenne toutes les matières les orfèvres limougeauds de l’industrie de l’émail, nécessaires sur place. travaillaient dans un tellement identifiée à la ville La deuxième est environnement stimulant, tout que la technique développée que le marché était près des excellents enlumineurs ici, celle de l’émail porteur : la société de Saint-Martial, ce qui peut champlevé (on « champlève » s’enrichissait mais expliquer l’originalité de leurs ou creuse des plaques était tourmentée figures. Saint-Martial qui, de cuivre pour y déposer par son salut, ce en plus de battre monnaie ensuite la poudre de verre) qui faisait affluer (les « barbarins », des deniers sera vite appelée « œuvre les dons aux églises à l’effigie du saint barbu), de Limoges ». Les nombreux et monastères et a dû aussi compter quelques émailleurs limougeauds, donc les commandes orfèvres à demeure comme peut-être installés entre le aux orfèvres, le moine Gaubert (qui refait la Château et la Cité à cause de d’autant plus dans « crypte dorée » brûlée en 974 la dangerosité de leurs fours, croix, une ville très fréquentée puis fabrique une statue en or) ou fabriquent principalement des crosses, bassins, par les pèlerins, siège d’une Guillaume La Conche qui semble objets du culte : châsses pour encensoirs pour les abbayes abbaye prestigieuse, et où les avoir réalisé une girouette les reliques (l’abbé Isembert et églises de la double ville, ducs d’Aquitaine (bientôt rois émaillée pour remplacer celle a peut-être lancé l’activité en du diocèse et bien au-delà. d’Angleterre) passaient souvent. que la tempête avait fait tomber commandant « au moins deux Le succès limougeaud tient La troisième est l’avantage du clocher l’avant-veille de la châsses importantes » (26)), principalement à trois causes. concurrentiel : en plus de Saint-André 1215 (27). 6

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LES MARCHANDS DE LA PLACE façades près de de reconstruction des bâtiments par le portail Saint-Jean 6 DE LA CLAUSTRE la rue de la Courtine) typiques conventuels au nord de qu’entraient les pèlerins. Une C’est au plus tard au début des boutiques bordant les l’abbatiale. fontaine permettait d’abreuver du 13e siècle que l’abbaye marchés avec espaces de La place, d’abord appelée les bêtes 7 . Lors des fouilles de crée sur son flanc sud un espace travail ou de stockage au rez- des « nouvelles taules », 2012 (28) on a retrouvé contre commercial 1 avec une place de-chaussée 3 espace de vente sera ensuite celle « de la la chapelle de la Courtine 8 pour les « taules » (tables, sous les arcades 4 logement Claustre » (nom occitan du un cellier 9 peut-être bâti par en occitan) des marchands en à l’étage 5 . Le but, en plus cloître mais aussi de l’espace l’abbé Isembert Escoblart. plein air et deux rangées de de favoriser l’activité, était sans clos de l’abbaye). Le lieu était maisons à arcades 2 (dont doute d’aider au financement des d’autant plus intéressant on peut encore voir quelques très importants travaux commercialement que c’était Du déclin à la disparition Les derniers siècles de l'abbaye

’histoire des bâtiments est un résumé de l’histoire durablement le Limousin, va entraîner tout court : si les chantiers de construction un déclin irrémédiable : Saint-Martial Page 34 L et de reconstruction se sont arrêtés définitive- perd tout rôle politique en 1371 ment à Saint-Martial à partir de la deuxième moitié (fin de la suzeraineté sur le Château du 13e siècle, c’est que l’abbaye est alors entrée de Limoges), quitte l’ordre de Cluny dans une longue période de déclin. Un déclin qui peut en 1387 et se retrouve au milieu s’expliquer de bien des façons mais dont l’une des causes du 15e siècle avec seulement une est bien identifiée : avec la fin des Croisades et la nouvelle trentaine de moines qui ne tiennent concurrence des ordres mendiants (franciscains, domi- plus trop à vivre ensemble et ont nicains), les fidèles ont arrêté à ce moment-là de faire bien du mal à assurer les des donations et, mécaniquement, le patrimoine multiples services qu’on de Saint-Martial, qui n’avait cessé de croître leur demande. Les abbés depuis le 9e siècle, a d’abord stagné puis sont la plupart du temps lentement décru. absents et gèrent l’ensemble comme une propriété privée, Ce changement a eu des effets presque ainsi de la famille Jouviond immédiats : dès la fin du 13e siècle, qui accapare le poste à son les conflits s’exacerbent avec le vicomte, profit pendant un siècle et demi. les habitants et les autres communautés En 1535, l’abbé Mathieu Jouviond religieuses de Limoges (chanoines obtient du pape Paul III la sécula- de la cathédrale, moines de Saint-Martin 5 risation de Saint-Martial : l’abbaye et Saint-Augustin) et l’abbaye connaît « où l’esprit monacal avait presque une banqueroute en 1290 lorsqu’elle totalement disparu » (29) ne peut rembourser sa dette à des est transformée en collégiale avec marchands de Florence qui poussent 20 chanoines au service allégé et vivant le pape à l’excommunier … Après une chacun de leur côté. Les bâtiments décennie très difficile (abandonnés par leur conventuels sont désaffectés et loués, abbé, les moines manquent de mourir de faim en 1294), ce qui n’empêche pas les abbés de continuer l’abbaye se refait une santé au début du 14e siècle avec acharnement leur lutte de préséance grâce à la générosité des prélats occitans de la papauté avec l’évêque de Limoges jusqu’en avignonnaise. Mais la guerre de Cent Ans, qui dévaste plein 18e siècle.

LA VENTE DE LA BIBLIOTHÈQUE qui permit à la future a plus de monastère : cela toute communauté religieuse. Comme l’abbaye avant elle, Bibliothèque Nationale commence par le magnifique La commune du Château la collégiale Saint-Martial de disposer de l’une des rares réfectoire gothique qui servait de Limoges fut invitée a des finances en piteux état bibliothèques monastiques depuis longtemps d’entrepôt, à récupérer la châsse des et doit improviser constamment encore à peu près complètes l’aile ouest et les galeries reliques de saint Martial, pour parvenir à payer (et de la restaurer à temps), attenantes. L’aile du chapitre 1 ce qu’elle fit le 17 décembre ses fournisseurs. La prestigieuse les manuscrits de Saint-Martial est conservée car elle sert suivant en la déposant dans bibliothèque constituée pendant auraient sans doute disparu de grenier à grain. En 1752, l’église Saint-Michel des lions l’âge d’or des 10e-13e siècles dans la tourmente révolutionnaire la flèche du clocher est (où elle est encore aujourd’hui intéresse grandement les érudits quelques décennies plus tard. remplacée par un proposée à la vénération du royaume mais n’a qu’une « couronnement bizarre » 2 des fidèles) « puisque des utilité limitée pour les chanoines en forme de « réchaud ». circonstances auxquelles tout qui tentent une première fois LES PREMIÈRES DESTRUCTIONS bon citoyen se fait gloire de céder de la vendre en 1669 lorsqu’ils AU 18E SIÈCLE LA VENTE ET LA DESTRUCTION accélérèrent la suppression la proposent à Colbert. La galerie sud du cloître étant TOTALE DE 1791 À 1807 de ce temple que le temps même Le ministre refuse lorsqu’il déjà partiellement ruinée faute De plus en plus endettée aurait bientôt détruit ». Le reste, apprend le prix demandé, bien d’entretien, les chanoines, et ne survivant que grâce aux c’est à dire les murs, les autels, trop élevé. L’affaire se conclut « par peur de les voir emprunts, la collégiale Saint- les sculptures furent vendus finalement en 1730 et les près s’écrouler un jour sur Martial avait déjà failli être à des démolisseurs qui mirent de 200 manuscrits encore lisibles les maisons voisines » (30) supprimée sur demande des l’essentiel de l’abbatiale sont vendus à la Bibliothèque obtiennent en 1746 la chanoines de la cathédrale en à bas de 1791 à 1794 3 . du Roi pour 5 000 livres (soit permission de détruire 1786. La suppression définitive Le clocher est détruit à partir de environ 11 années de salaire l’ensemble des bâtiments intervint quatre ans plus tard, 1797 et les restes encore debout pour un ouvrier agricole de conventuels dont ils ne voient le 29 novembre 1790, arasés en 1807 pour permettre l’époque). Sans cette vente, plus la nécessité puisqu’il n’y la Révolution ayant interdit la création d’une grande place. 3

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TROIS TÉMOIGNAGES de Limoges commandé par ESSENTIELS Turgot (alors intendant du 4 En 1807 donc, il ne reste plus rien Limousin) et réalisé entre 1765 de visible de l’ancienne abbaye et 1768 par le géomètre Pierre de Saint-Martial et les quelques Tresaguet 4 . Grâce à lui, on fouilles archéologiques depuis connaît le détail au sol de 1960 n’auraient permis de s’en l’intérieur de l’abbatiale et la faire qu’une idée très limitée disposition exacte des autres sans 3 témoignages essentiels bâtiments. Enfin le plan que nous devons au 18e siècle : « très approximatif du point D'abord deux dessins anonymes de vue topographique mais de l’abbatiale réalisés en apportant des indications 1726 pour accompagner une très précieuses sur l’organisation description du tombeau du de l’espace liturgique, cardinal d’Aigrefeuille (alors dans l’emplacement des autels le chœur). Grâce à cette coupe et celui des tombeaux » (31) longitudinale et cette vue du dessiné en 1784 par l’abbé chœur, on a une idée de l’allure Martial Legros 5 l’un générale du bâtiment. des derniers chanoines Ensuite, c’est le grand plan de Saint-Martial. L’Effacement Du Théâtre Municipal à la Crypte archéologique Page 36

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LA PLACE elle-même remplacé en 1794 Pierre Sonrel à l’emplacement Un édifice en bois, le Casino- Le grand espace libéré par celle du Jeu de paume (rue Banc de l’ancien Cirque-Théâtre Théâtre, occupa même dans la destruction de la collégiale 1 Léger) détruite en 1790 par un municipal et inauguré en 1963. les années 1900 l’angle (appelé pour commencer place incendie. Le chantier, commencé nord-est de la place. Saint-Martial ou des Baraques en 1835, permit de retrouver … ET SES CINÉMAS puis place Royale, enfin place quelques restes de l’abbaye Le quartier était marqué par LE PARKING ET LA CRYPTE de la République) fut d’abord (comme la pierre tombale du les spectacles puisque c’est ARCHÉOLOGIQUE traversé par une simple rue 2 chantre Roger ou le tombeau rue de la Terrasse qu’eut lieu La Salle Berlioz détruite, (plus tard baptisée Saint-Martial) de Tève le duc) mais détruisit le 2 juillet 1896 la première la municipalité lança les reliant la rue du Clocher à définitivement une partie de projection de cinéma à Limoges travaux du parking souterrain l’église Saint-Pierre du Queyroix. la crypte et des fondations de et place de la République que qui provoquèrent les premières l’abbatiale. Inauguré le 27 mars fut installée l’une des campagnes de fouilles SON THÉÂTRE ... 1840, le théâtre se révéla vite principales salles de la ville, de 1960 à 1974, permettant La première tentative lui aussi trop petit avec ses Les Nouveautés (Nouveautés la redécouverte du sépulcre d’organisation de cet espace 800 places. Rebaptisé Salle Palace en 1921 puis Rex en 1929 de saint Martial, l’installation date du règne de Louis-Philippe : Berlioz, il fut désaffecté puis et Star après la reconstruction de la Crypte archéologique un grand Théâtre Municipal 3 finalement détruit en 1953. complète du pâté de maisons et des avancées majeures vint occuper le côté sud de la La municipalité avait d’abord avec le supermarché Monoprix dans notre connaissance place Royale pour remplacer la pensé à une reconstruction en 1957) puis le Cinémonde en de l’ancienne abbaye trop petite salle de spectacle au même endroit (sous la forme 1937 (le Club de 1955 de Saint-Martial. voisine des Récollets (place de d’un « théâtre-cinéma ») mais à sa fermeture en 1963). l’Ancienne Comédie), qui avait opta finalement pour le nouvel Opéra-Théâtre, conçu par Réalité augmentée L’abbaye dans la Limoges d’aujourd’hui

our voir à quoi pouvait ressembler l’abbaye Les 5 points qui vous sont proposés : de Saint-Martial in situ, rien de plus simple : Point 1 : Intersection de la place Fournier P il suffit de prendre cette publication et de et du passage Saint-Nicolas. Page 37 se rendre aux points de réalité augmentée que nous Point 2 : Nord-est de la place de la République. avons représenté dans les pages suivantes. Placez la photo Point 3 : Intersection de la rue Jean-Jaurès en correspondance avec la réalité visible aujourd’hui, et de la rue du Consulat. puis regardez le dessin : vous verrez alors toute la place Point 4 : Ouest de la rue Saint-Martial. prise par l’abbaye médiévale dans la ville actuelle. Point 5 : Rue Saint-Martial à l’entrée de la place de la République. Point 1 : Intersection de la place Fournier et du passage Saint-Nicolas Page 38 Point 2 : Nord-est de la place de la République Page 39 Page 40 IntersectiondelarueJean-JaurèsetduConsulat Point 3:

Page 40 Point 3 : Point 4 : Point 5 : Intersection de la rue Jean-Jaurès et de la rue du Consulat Ouest de la rue Saint-Martial Rue Saint-Martial à l’entrée de la place de la République Page 41 Notes

1 LOUSTAUD, La crypte Saint-Martial, p.88. 20 GEOFFROY DE VIGEOIS, 69, p.125. 2 LOUSTAUD, La crypte Saint-Martial, p.88. 21 GEOFFROY DE VIGEOIS, 69, p.124.

Page 42 3 LOUSTAUD, La crypte Saint-Martial, p.88. 22 Commemoratio, p.15. 4 LOUSTAUD, La crypte Saint-Martial, p.88. 23 SPARHUBERT, Limoges et Saint-Martial : 5 LOUSTAUD, COURAUD, D’autres mausolées, p.145. un foyer original de la peinture murale romane ?, p.347. 6 LOUSTAUD, La crypte Saint-Martial, pp.89 et 90. 24 GRIER, An Urbane Fraud, p.467. 7 LOUSTAUD, La crypte Saint-Martial, p.76. 25 CALLAHAN, Adémar de Chabannes 8 LOUSTAUD, La crypte Saint-Martial, p.80. et la paix de Dieu, p.34. 9 LOUSTAUD, La crypte Saint-Martial, p.80. 26 BOYER, Les devants d’autel d’orfèvrerie 10 LOUSTAUD, COURAUD, D’autres mausolées, p.135. de Saint-Martial , p.41. 11 AUBRUN, L’ancien diocèse de Limoges, p.95. 27 BOYER, Reliquaires et orfèvrerie 12 ÉVEHA, Crypte Saint-Martial de Limoges. à Saint-Martial, pp.44 et 48. 13 BOYER, Hypothèses au sujet de la basilique 28 ÉVEHA, 1 rue de La Courtine, p.12. carolingienne du Sauveur, pp.73 à 77. 29 LASTEYRIE, L’abbaye de Saint-Martial 14 PÉROUAS, Histoire de Limoges, p.98. de Limoges, p.169. 15 LHERMITE, L’invention architecturale, p.318. 30 LASTEYRIE, L’abbaye de Saint-Martial 16 VERGNOLLE, L’abbatiale du Sauveur de Limoges, p.190. et les « églises de pèlerinage », p.130. 31 VERGNOLLE, L’abbatiale du Sauveur 17 SAINT BENOÎT, 59, 1. et les « églises de pèlerinage », p.115. 18 GEOFFROY DE VIGEOIS, 69, p.125. 19 DAVRIL, PALAZZO, La vie des moines, p.86 (extrait des Coutumes de l’abbaye de Fleury).

Le projet de réaménagement conçu par l’agence “In situ” Articles et ouvrages cités

AUBRUN Michel, L’ancien diocèse de Limoges des origines GRIER James, An Urbane Fraud : « : Limoges and Adémar au milieu du XIe siècle, Institut d’Études du Massif de Chabanne’s Apostolic Liturgy for Saint-Martial,

Central (Université de Clermont-Ferrand II) 1981. 3 August 1029 », Saint-Martial de Limoges, Page 43 SAINT BENOÎT, Règle, traduction ambition politique et production culturelle de l’abbaye de Scourmont. (dir. Claude Andrault-Schmitt), CESCM 2006, pp.455 à BOYER Jean-François, Reliquaires et orfèvrerie 467. à Saint-Martial, Saint-Martial de Limoges, LASTEYRIE Charles de, L’abbaye de Saint-Martial ambition politique et production culturelle de Limoges, Picard 1901. (dir. Claude Andrault-Schmitt), CESCM 2006, pp.39 à 58. LHERMITE Xavier, L’invention architecturale au XIIIe siècle BOYER Jean-François, Les devants d’autel d’orfèvrerie à Saint-Martial, Saint-Martial de Limoges, ambition de Saint-Martial de Limoges, des Carolingiens politique et production culturelle aux Plantagenêt, Cahiers Archéologiques Fin de l’Antiquité (dir. Claude Andrault-Schmitt), CESCM 2006, pp.309 à et Moyen-âge 54 (2011-2012), pp.33 à 48. 326. BOYER Jean-François, Hypothèses au sujet LOUSTAUD Jean-Pierre, La crypte Saint-Martial de Limoges : de la basilique carolingienne du Sauveur du monastère nouvelles pistes de recherche, Travaux d’Archéologie Saint-Martial de Limoges, Bulletin de la Société Limousine 2008 (tome 28), pp.71 à 96. Archéologique et Historique LOUSTAUD Jean-Pierre, COURAUD Raymond, du Limousin, t. 143 (2015), pp.63 à 88. D’autres mausolées en grand appareil dans la nécropole CALLAHAN Daniel, Adémar de Chabannes et la paix de à inhumations, place de la République à Limoges Dieu, Annales du Midi, n°131 (1977), pp.21 à 43. (fouilles 1966-1970), Travaux d’Archéologie Commemoratio abbatum lemovicensium Limousine 2015 (tome 35), pp.135 à 148. basilice S. Marcialis apostoli, in Chroniques PÉROUAS Louis (dir.), Histoire de Limoges, Privat 1989. de Saint-Martial de Limoges (éd. H. Duplès-Agier) 1874. SPARHUBERT Éric, Limoges et Saint-Martial : un foyer origi- DAVRIL Dom Anselme, PALAZZO Éric, La vie des moines nal de la peinture murale romane ?, Saint-Martial au temps des grandes abbayes, Fayard 2013. de Limoges, ambition politique et production culturelle ÉVEHA, 1 rue de La Courtine (Limoges) : du mausolée antique (dir. Claude Andrault-Schmitt), CESCM 2006, à l’église Sainte-Marie-de-La-Courtine, pp.345 à356. Archéologie en Limousin n°1 (2015), DRAC Limousin. VERGNOLLE Éliane, L’abbatiale du Sauveur et les « églises ÉVEHA, Crypte Saint-Martial de Limoges (87), 2013. de pèlerinage », Congrès Archéologique GEOFFROY DE VIGEOIS, Chronique, de France - Haute-Vienne 2014, pp.115 à 140. traduction de François Bonnélye. Illustrations ©in situ - Cyrille Illustrations Jacques

Directeur de la publication Guillaume Guérin Supplément de « Vivre à Limoges » N°126 avril 2018

Une réalisation du Studio Différemment pour la mairie de Limoges : Jean-François Binet : conception générale, création de la 3D, édition, maquette. François Brosse : conception générale, conception de la maquette, création des esquisses, réalisation des dessins au trait. Jean de Saint Blanquat : conception générale, écriture des textes. Jean-François Péneau : mise en couleur des illustrations. Tous droits réservés, Studio Différemment, Mairie de Limoges.

Et pour leur aide précieuse, leur expertise et tout le temps qu’ils ont consacré au projet : Jean-François Boyer (CRIHAM), Jean-Pierre Loustaud (Université de Bordeaux), Hélène Mousset (DRAC Nouvelle-Aquitaine), Éric Sparhubert (CRIHAM) le Musée des Beaux-Arts de Limoges, et les services de la Ville de Limoges.

L’ensemble de cette publication (illustrations, textes...) est protégé par la législation française et internationale en vigueur sur le droit d’auteur et d’une manière générale sur la propriété intellectuelle et industrielle. Toute utilisation nécessite une demande préalable au Studio Différemment et à la Mairie de Limoges. L’Abbaye de Saint-Martial

Centre majeur de culture et d’innovation dans l’Aquitaine médiévale, l’abbaye de Saint-Martial a été totalement rasée à partir de 1791. Fouilles archéologiques et recherches historiques permettent aujourd’hui de mieux comprendre com- ment un mausolée gallo-romain est peu à peu devenu, en se transformant en prestigieuse abbaye bénédictine, le cœur d’une nouvelle ville active et industrieuse : la Limoges du Château avec ses moines (et leur abbé), ses artisans et ses consuls. Une histoire illustrée par de spectaculaires dessins créés à cette occasion, à lire et à regarder pour découvrir et mieux comprendre le riche passé limougeaud.