Les Origines De L'abbaye Auvergnate Saint-Pierre De Mozac 2
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Alain DIERKENS UNE ABBAYE MéDIéVALE FACE à SON PASSé : SAINTPIERRE DE MOZAC, DU IX^ AU XIP SIèCLE i Les origines de l'abbaye auvergnate Saint-Pierre de Mozac 2 (diocèse de Clermont) remonteraient à la fin du VU" siècle si l'on en croit une fausse charte de Pépin le Bref, élaborée dans le courant du XIsiècle (?) d'après un acte vrai de 848, aujourd'hui perdu, du roi Pépin II 1 Je dois la découverte de la superbe abbaye de Mozac à Laurence CabreroRavel, que je remercie de tout cœur ; c'est elle qui m'a incité à en étudier le dossier histo rique et hagiographique. Certaines des propositions présentées ici ont d'ailleurs été intégrées dans son article, « SaintPierre de Mozac : l'abbatiale romane », dans Congrès Archéologique de France, 158e session : Basse-Auvergne. Grande- Limagne (2000), Paris, 2003, p. 313324. J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de présenter mes idées sur ce beau mais très difficile sujet (au Séminaire d'Histoire de Droit Médiéval de l'Université de Clermont I, le 19 décembre 2000, à l'invitation de Christian LauransonRosaz ; au Centre d'Etudes Supérieures de Civilisation Médiévale de l'Université de Poitiers, le 3 juillet 2003, à l'invitation d'Éric Palazzo, de Claude Andrault et de MarieThérèse Camus et, bien sûr, à l'Université Libre de Bruxelles, notamment dans le cadre du Séminaire d'histoire du Haut Moyen Âge que j'anime avec mon ami JeanMarie Sansterre), mais on voudra bien considérer les quelques pages qui suivent comme un état provisoire d'hypothèses qu'il convien drait assurément de mieux étayer. J'ai bénéficié de remarques et de critiques dont j'espère avoir fait le meilleur usage et je remercie ceux qui m'ont aidé à clarifier mes idées en la matière ; je pense particulièrement à Jacqueline LeclercqMarx, à Bernard Sanial et à Christian LauransonRosaz, ainsi qu'à Alain Dubreucq qui m'a invité à prendre part au colloque du CERCOR, Ecrire son histoire : les communautés régulières face à leur passé, de novembre 2002. 2 Sur l'abbaye de Mozac (aujourd'hui département du PuydeDôme, cant. et arr. Riom), on dispose d'une abondante bibliographie, dont on trouvera mentionnés les principaux titres dans les notes qui suivent. De façon générale, voir Hippolyte GOMOT, Histoire de l'abbaye royale de Mozat (ordre de Saint-Benoît), [désormais abrégé L'abbaye de Mozat], Paris, 1872 (étude très inégale, qui, en dépit de la publication de quelques documents en annexe, manque singulièrement de notes justificatives qui viendraient à l'appui d'allégations péremptoires) ; G. FoURNIER, « Mozac », Lexikon des Mittelalters, t. VI (BerlinZurich, 1993), col. 881882 ; A. MAQUET, « Mozac. Une abbaye intégrée à l'ordre », Dossiers d'archéologie, n° 275, juilletaoût 2002: Cluny. A la découverte des sites clunisiens, p. 6263. L'article de J.M. PERONA, « L'abbaye royale des bénédictins de Mozac », dans L'Histoire en Auvergne, II, 1995, p. 2332, est, en ce qui concerne l'histoire, tributaire de recherches très anciennes. Grâce à l'amabilité de Michel Sot, que je remercie cordialement, j'ai pu consulter le mémoire de maîtrise de MariePaule AUCOUTURIER, La vie religieuse en Basse-Auvergne, XI<^-Xne siècle, d'après des documents relatifs à l'abbaye de Mozac (Paris XNanterre, 1973), mais ce travail consciencieux n'apporte pas d'élément neuf au débat. 72 ALAIN DIERKENS d'Aquitaine 3. D'après ce document, l'abbaye aurait été fondée par un certain sénateur romain Calmin et sa femme Namadie, sous le règne du roi mérovingien Thierry III dans le dernier quart du VU*" siècle Cependant, les premières mentions assurées de l'abbaye ne datent que du milieu du IX^ siècle. Deux faits majeurs ont marqué l'histoire de Mozac avant le XII« siècle : - en 848, la translation au monastère de Mozac des reliques de saint Austremoine ^ qui reposaient dans l'église Saint-Priest de Volvic. C'est dans ce contexte que furent notamment rédigés, à la suite d'une Vita prima sancti Stremonii mérovingienne, un bref récit de la translation et un recueil de Miracula du saint évêque de Clermont. - en 1095 (ou très peu avant), la donation, par le comte d'Auvergne Robert II et son fils Guillaume VI s, de l'abbaye de Mozac à celle de Cluny. Ce 3 Surtout L. LEVILLAIN, « La translation des reliques de saint Austremoine à Mozac et le diplôme de Pépin II d'Aquitaine (863) », Le Moyen Age, 17, 1904, p. 281- 330 et ID., Recueil des actes de Pépin h''' et de Pépin H, rois d'Aquitaine (814-848), Paris, 1926, p. 227-242, n° LVIII. Les références des textes rapidement mentionnés dans ces quelques lignes d'introduction seront données dans les notes ultérieures. * L'acte fait également allusion à des praecepta de Thierry III (675-691) et de son fils Clovis III (691-694), dont il n'y a pas lieu de mettre l'existence en doute ; cfr. Th. KôLZER et C. BRUHL éds.. Die Urkunden der Merovinger, Hanovre, 2001 (MGH, Diplomata regum Francorum e stirpe merovingica), t. II, p. 624, dep. 297 et p. 636, dep. 330. Le premier supérieur de l'abbaye aurait été un certain Euterius, qu'on ne connaît pas par ailleurs. 5 Saint Austremoine (Stremonius) aurait été le premier évêque de Clermont, probablement au IVe siècle. Son abondant dossier hagiographique, remarquable• ment étudié par Pierre-François FouRNiER (« Recherches sur l'histoire de l'Auvergne. Saint Austremoine, premier évêque de Clermont. Son épiscopat, ses reliques, ses légendes » [désormais abrégé « Saint Austremoine ], dans Bulletin historique et scientifique de l'Auvergne, 89, 1979, p. 417-471), comprend plusieurs Vitae, un recueil de Miracula, plusieurs récits de translations de reliques, une Vision et un récit de reconnaisance de reliques ; cfr. BHL, 844-856, éd. mentionnées infra, n. 9). De façon générale, voir G. M. MOSNIER, Les saints d'Auvergne, Paris, 1898, p. 500-555 ; L. DUCHESNE, Fastes épiscopaux de l'ancienne Gaule, t. II : L'Aquitaine et les Lyonnaises, Paris, 1910, p. 117-122 (chapitre sur « Saint Austremoine d'Auvergne ») ; Fr. BAIX, « Austremoine », dans DHGE, t. V, 1931, col. 793-797 ; M. PRéVOST, « Austremoine », dans Dictionnaire de Biographie Française, t. IV, Paris, 1948, col. 714-715 ; RR. PP. BéNéDICTINS DE PARIS, « Saint Austremoine », dans Vies des saints et des bienheureux selon l'ordre du calendrier..., t. XI : Novembre, Paris, 1954, p. 35-41 ; P. VlARD, « Austremonio », Bibliotheca Sanctorum, t. II, Rome, 1962, col. 631-632 ; etc. ^ Sur les comtes d'Auvergne des Xe-XIIe siècles, l'étude de base est la thèse de Chr. LAURANSON-ROSAZ, L'Auvergne et ses marges (Velay, Gévaudan), du Ville au XI" siècle. La fin du monde antique ?, Le Puy-en-Velay, 1987. Voir aussi, pour le contexte général, G. FOURNIER, Le peuplement rural en Basse-Auvergne durant le Haut Moyen Âge, Paris, 1962, notamment p. 146-148 (Austremoine) et 549-551 UNE ABBAYE MÉDIÉVALE FACE À SON PASSÉ 73 nouveau statut de l'abbaye a suscité de nombreux conflits opposant, d'une part, la communauté de Cluny à l'évêque de Clermont et, d'autre part, les moines de Mozac à l'abbé de Cluny. C'est dans ce contexte pense-t-on habituellement, que fut falsifiée la charte de 848, que fut rédigée une Vision attribuée à un ancien abbé de Mozac et que fut écrite la Vita tertia de saint Austremoine avec ses différents compléments. Un peu plus tard, dans le second quart ou au milieu du XII'^ siècle, une Vie de saint Calmin s'ajouta au dossier hagiographique Dans ce trop bref article, je m'efforcerai de mieux dater les trois Vitae de saint Austremoine ^ et les écrits, hagiographiques ou diploma• tiques, qui leur sont Ués, et j'analyserai les versions successives, défendues à Mozac, des premiers temps de l'abbaye. Je tenterai aussi de rattacher à ce dossier textuel l'histoire artistique (architecture, sculpture) de l'abbaye, chef-d'œuvre de l'art roman auvergnat du XII^ siècle i", et l'iconographie de la superbe châsse limousine de saint Calmin (fin XLI<> siècle) n. (Mozac), ainsi que A. REMENSNYDER, Remembering Kings Past. Monastic Foun• dation Legends in Médiéval Southern France, Ithaca-Londres, 1995, p. 243-247. A. REMENSNYDER, ibid., surtout p. 137-141 et 319-320. ^ Le dossier de saint Calmin est beaucoup trop vaste pour faire ici l'objet d'une étude même superficielle. En plus des indications données ci-dessous, on se reportera aux recherches en cours de Bernard Sanial et, de façon plus générale, au volume édité par B. SANIAL et Fr. ARNEODO, Les bénédictins de Saint-Chaffre du Monastier. Histoire et archéologie d'une congrégation. Actes du colloque des 7-9 novembre 1997, Le Monastier-sur-Gazeille, 1998 (où l'on trouvera, notamment, les références aux travaux nombreux et souvent tortueux du chanoine Fayard, dont « Aux origines de Monastier » et « Saint Théofrède du Monastier », dans Bulletin de la Société Académique du Puy, resp. 47, 1971, p. 13-69 et 49, 1973, p. 43-107). Cfr. aussi A. REMENSNYDER, Remembering Kings Past..., p. 55, 104-106, 114, 245 et passim. 9 BHL, 844-856. Je me réfère à l'édition du dossier par G. VAN HOOFF, dans Acta Sanctorum, Novembre, I, Paris, 1887: Vita prima (et Miracula), p. 49-54 ; Vita secunda (et Miracula), p. 55-61 ; Vita tertia (et compléments), p. 61-80 ; reconnais• sance de reliques en 1197 (Quod sancti Austremonii ossa Mausiacum a Pipino rege translata ibi serventur), p. 80-82. 10 Par exemple, B. CRAPLET, AMuerg^/ie romane, La-Pierre-qui-Vire, 5e éd., 1978, p.