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Demande pour la reprise des déposée à la préfecture du le 9 octobre 1811

À monsieur Destouches, baron de l'Empire, préfet du département du Jura

Les sieurs Emmanuel Jobez demeurant à Morez et Marie Étienne Monnier demeurant à Poligny, tous deux membres du Conseil Général du département du Jura et le dernier tant en son nom qu'en celui de sa femme exposent:

Qu'ils sont propriétaires d'une usine située sur la commune de Syam, canton de , arrondissement de Poligny; cette usine très anciennement établie n'a pas prospéré et le dernier propriétaire a fait faillite.

Elle était composée d'un feu de forge avec un emplantement pour un gros marteau, d'une platinerie et de plusieurs martinets établis sur deux autres emplantements avec cinq fournaises pour le service de ces divers marteaux: en tout dix fournaises et trois emplantements de marteaux de différentes grosseurs; comme il conste par un certificat de reconnaissance délivré par le maire de Syam le 14 septembre 1811 ici produit.

Les usines de Syam sont placées sur la rivière d', elles jouissent d'un grand volume d'eau et d'une chûte naturelle qu'on portera à dix sept pieds de hauteur, mais ces usines construites d'une manière vicieuse et tombant d'ailleurs de vétusté en plusieurs endroits demandaient des changements et des réparations considérables. Les exposants ont en conséquence projeté d'améliorer leur cours d'eau sans en changer cependant le déversoir, en prolongeant seulement le canal le long d'un rocher inférieur, et de reporter plus bas et sur un emplacement beaucoup plus avantageux une partie des établissements dont cette localité est susceptible.

Mais comme pour exécuter légalement les changements et les améliorations qu'ils ont entrepris, ils ont besoin de l'autorisation de l'administration publique, ils recourent à vous monsieur le préfet, pour qu'après avoir pris tous les renseignements convenables, vous daigniez leur obtenir l'agrément de l'autorité suprême. Dans la vue de se conformer aux règles prescrites par les lois et les règlements, les exposant joindront à leur demande un plan de leur usine tel qu'ils se proposent de la rétablir et vont en donner ici la description avec les motifs des établissements qu'ils projettent.

1°. La prise d'eau et l'écluse resteront au même lieu. Rien ne sera changé à la hauteur de cette écluse, mais pour obtenir une plus grande chûte sur les rouages destinés à ouvrer le fer, on transportera au moyen d'un canal de trois mètres et demi de large sur un mètre et demi de profondeur, à environ deux cent quarante mètres plus bas que le déversoir les eaux nécessaires ainsi que les feux, les ourdons ou emplantements et les ateliers des forges.

2°. On conservera seulement sur l'ancien emplacement un établissement de scierie à eau pour le débit des bois de service que fournira aux exposants une fôret de sapin de plus de deux cents arpents appelée la forêt des éperons qui leur appartient à environ une demie lieue de leur usine.

3°. On joindra à cette scie deux tournants de moulins pour les besoins de l'usine et du village de Syam qui n'a pas de moulins. La commune de Syam qui possède des bois de sapin dans ses forêts communales trouvera encore dans l'exploitation de ses bois de service des facilités qu'elle est obligée d'aller chercher ailleurs avec des déplacements coûteux.

4°. Sur le nouvel établissement où les exposants transportent les ateliers propres à ouvrer le fer, ils se proposent de monter deux feux de forge ou d'affinerie, une platinerie avec martinets et une fenderie avec des taillants et des laminoirs pour faire de la verge de fenderie, des cercles et des rubans ou fers feuillards, de la côte laminée ou fer noir et par la suite des fers blancs, en tout quatre fournaises, un four à réverbère et trois emplantements avec une cage de cylindres et les rouages nécessaires.

Il n'y avait à Syam qu'un feu de forge ou d'affinerie et les exposants pour justifier le projet d'un second feu de même genre croient devoir observer que le sieur Monnier, l'un d'eux, est devenu propriétaire par acquisition du sieur Vermilles et par acte reçu de Cretin notaire à Poligny le 24 mars 1811, lequel acte sera joint à la présente, d'une autre usine lieu dit aux islets près Champagnole à une lieue de Syam, cette usine était composée d'un feu de forge ou d'affinerie, d'une platinerie et d'un martinet avec deux bouches à feu ou fournaises, le sieur Monnier au lieu de la rétablir et de la faire rouler, la détruit en ce moment et en transporte le feu d'affinerie aux forges de Syam pour rendre cet établissement plus complet et d'une administration moins dispendieuse que ne le seraient les deux forges séparées. Il n'en résultera pas dans le fait un plus grand nombre de fournaises et cependant l'on aura une usine d'un roulement plus complet et plus avantageux.

La comparaison des deux usines dans leur état ancien avec l'usine reconstruite montre d'un côté deux feux de forge, deux platineries, deux arbres de martinets supprimés et remplacés par deux feux de forge, une platinerie un arbre de martinet, un four à réverbère pour la fenderie et le laminoir. Il n'y aura donc pas augmentation de bouches à feu. Et si par une meilleure administration, si par le résultat d'un meilleur cours d'eau et par l'effet de constructions meilleures il y avait moins de fériation dans les feux du nouvel établissement, s'il en résultait quelque augmentation dans les consommations de bois, ce serait une preuve de prospérité dont on ne refuse pas l'augure et non pas un motif d'animadversion. Mais ces différences éventuelles ne sont pas dans le cas d'être évaluées.

(en marge, nota: un feu de forge ou d'affinerie consomme dans un roulement ordinaire par année, pour une fabrication de trois cents à trois cent cinquante milliers de fer, à raison de seize vans de charbon par chaque millier environ 5200 vans qui sont le produit d'environ 2600 cordes charbonnières de 80 pieds cubes chacune. Deux feux de forge sont donc censé consommer chaque année (sauf les fériations extraordinaires) environ 5200 cordes charbonnières de 8 pieds de couche, quatre pieds de haut et la bûche de 30 pouces. Un martinet et une platinerie ne consomment pas ensemble le quart d'un seul feu de forge. La consommation d'un four à réverbère pour laminoir et fenderie ne peut aisément être appréciée par aperçu mais on ne risque pas de commettre une erreur grave en l'évaluant comme une platinerie).

D'ailleurs, les exposants feront observer qu'ils sont propriétaires tant par eux que par leur père et mère d'une assez grande quantité de forêt pour offrir au gouvernement des garanties suffisantes d'un bon roulement indépendamment des bois impériaux à la vente desquels ils se trouveront concurremment avec les autres maîtres de forge. Ils pourront affecter à leurs usines:

1°. La forêt des éperons à demie lieue de Syam emplantée de futaies de sapins et de quelques autres essences contenant environ 110 hectares. 2°. Trois corps de forêt à Montorge à quatre lieue de Syam d'une contenance réunie de 125 ha. 3°. Aux grandes chiettes à même distance, 45 ha. 4°. À Taravant près Champagnole à deux lieues de Syam, environ 30 ha. 5°. À Vaudrey à environ sept lieues de Syam d'où le charbon en cas de besoin peut être conduit malgré cette distance, 450 ha. 6°. Sur le territoire de Grozon un peu plus rapproché que le bois de Vaudrey, 15 ha. Total 775 ha

Soit près de seize cents arpents dont les bois font en valeur et en état d'être coupés successivement.

Voilà sans doute plus de moyens particuliers pour aider à alimenter cette usine que n'en ont en propriété aucun des maîtres de forges voisins; mais si l'existence de l'usine de Syam paraît assurée par les ressources particulières des propriétaires, jointes à celles que présente le pays où elle est située et sur lequel le gouvernement possède à lui seul, dans un rayon de quatre lieues à partir de l'usine de Syam plus de deux mille hectares de taillis en exploitation réglée et plus de cinq mille hectares de futaies, il est d'autres motifs d'utilité qui ont déterminé les propriétaires des usines de Syam à les rétablir sur les bases qu'ils ont adoptées.

Ils possèdent en propriété et font exploiter deux hauts-fourneaux à quelques lieues de Syam; l'un près de Sellières appelé le fourneau Baudin donne des fontes propres seulement à des fers de fenderie et l'autre situé à Rochejean donne des fontes bonnes pour la platinerie et pour le laminoir.

Les exposants ne possèdent aucune usine que celle de Syam pour l'affinage et la réduction en fers des fontes de ces deux hauts- fourneaux, les forges existantes dans le pays ne peuvent ou ne veulent pas consommer la totalité de ces fontes et dans ce moment encore, les dits exposants en sont chargés de plus de neuf cent milliers faute de débit et parce qu'ils sont privés du roulement de leurs feux de forge pour les brûler et les réduire en fer; de là pour eux la nécessité de rétablir le plus tôt possible leurs deux feux d'affinerie et de monter une fenderie et un laminoir pour mettre dans le commerce ces valeurs considérables qui sans cela seraient mortes pour eux et pour l'État.

Les exposants espèrent donc, monsieur le préfet, que vous daignerez autoriser et encourager même un établissement qui se relève sous les auspices d'un intérêt particulier bien entendu, qui promet au pays environnant des moyens nouveaux de travail et d'industrie, qui est destiné à employer et à mettre en œuvre des matières premières que la stagnation des affaires ou d'autres causes forceraient à laisser sans valeur et sans exploitation; un établissement enfin qui présente de nombreux avantages à l'État en général et à votre département en particulier.

Monnier, ayant charge