MÉMOIRE DES DÉLIBÉRATIONS DU CONSEIL EXÉCUTIF SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1994 A 10 H 00 SOUS LA PRÉSIDENCE DU PREMIER MINISTRE MONSIEUR

Membres du Conseil exécutif présents: Monsieur Jacques Parizeau, Premier ministre Madame , Ministre déléguée aux Affaires intergouvernementales canadiennes Monsieur Paul Bégin, Ministre de la Justice et ministre responsable de l'application des lois professionnelles Madame , Ministre de la Sécurité du revenu et ministre responsable de la Condition féminine Monsieur , Ministre de l'Environnement et de la Faune Monsieur , Ministre des Finances et ministre du Revenu Madame Rita Dionne-Marsolais, Ministre déléguée au Tourisme, et ministre responsable de la Régie des installations olympiques Monsieur , Ministre de l'Éducation Monsieur François Gendron, Ministre des Ressources naturelles Madame , Ministre d'État à la Concertation et ministre de l'Emploi Monsieur Jean-Pierre Jolivet, Whip en chef du gouvernement Monsieur Marcel Landry, Ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation Monsieur , Ministre délégué à la Restructuration Monsieur Jacques Léonard, Ministre des Transports Madame , Ministre déléguée à l'Administration et à la Fonction publique, présidente du Conseil du trésor et ministre responsable de la Famille Monsieur Serge Ménard, Ministre de la Sécurité publique Monsieur Daniel Paillé, Ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie Monsieur , Ministre de la Santé et des Services sociaux MÉMOIRE DES DÉLIBÉRATIONS LE 16 NOVEMBRE 1994

REVUE DE LA SITUATION POLITIQUE

Le Premier ministre fait un bref exposé à ses collègues sur le processus de préparation du référendum.

MODIFICATIONS À LA LOI SUR LES NORMES DU TRAVAIL ET À LA LOI SUR LE MINISTÈRE DU REVENU (RÉF.: 4-0242)

Le ministre du Revenu soumet un mémoire daté du 7 novembre 1994 et portant sur des modifications législatives en vue de la prise en charge par le ministère du Revenu de la perception des cotisations des employeurs au financement de la Commission des normes du travail dues en vertu de la Loi sur les normes du travail. Ce mémoire vise à modifier la Loi sur les normes du travail et la Loi sur le ministère du Revenu afin de transférer, au ministère du Revenu, les fonctions de perception des cotisations des employeurs au financement de la Commission des normes du travail.

Monsieur Campeau explique à ses collègues qu'il s'agit d'un projet de loi visant à transférer au ministère du Revenu la responsabilité de percevoir les cotisations de la Commission des normes du travail, lesquelles sont actuellement perçues par cette dernière. Le taux de cotisation représente 0,08 % de la masse salariale des employés, ce qui représente des contributions annuelles globales de 32 M$. Il indique que le ministère du Revenu perçoit déjà d'autres cotisations à même la masse salariale, telles que la 'contribution au régime de rentes, etc. On propose que ce soit le ministère du Revenu qui perçoive cette cotisation de la Commission des normes du travail dans le but d'effectuer une rationalisation des dépenses et d'instituer un guichet unique en cette matière. Une entente de principe est déjà intervenue entre le ministère du Revenu et la Commission.

La Commission a proposé que le ministère du Revenu n'impose aucun frais de perception à la Commission durant les trois premières années du nouveau régime de perception. Le ministère du Revenu conserverait cependant les pénalités perçues en vertu de la. Loi sur les normes du travail, mais absorberait le coût des mauvaises créances. Les frais de perception seraient cependant indexés en temps et lieu.

Le Premier ministre indique que ce changement lui paraît évident, mais se demande pourquoi un geste si simple requiert un tel volume de dispositions législatives. Il demande s'il est possible d'en siniplifier la rédaction. Monsieur Campeau se demande s'il ne serait pas plus simple d'introduire cette nouveauté dans le projet de loi qui vise à donner suite aux diverses mesures annoncées lors du dernier Discours sur le budget. Monsieur Louis Bernard, secrétaire général du Conseil exécutif, explique que le texte du projet de loi est volumineux parce qu'il s'agit d'un projet de nature fiscale.

Madame Harel reconnaît que ce projet de loi simplifiera la tâche des entreprises. Cependant, elle dit déplorer qu'une lettre conjointe, émanant du sous-ministre du Revenu et du Président de la Commission des normes du travail, soit parvenue aux employeurs et que cette lettre laisse entendre que ce transfert de perception est déjà chose faite. Il faut éviter de faire de telles annonces. Par ailleurs, il faudrait confier au Comité de législation le soin de déterminer si ces dispositions seront contenues dans une loi de nature fiscale ou si elles seront introduites dans l'autre projet de loi qui sera déposé aux fins de modifier d'autres dispositions de la Loi sur les normes du travail.

Madame Marois indique que le Conseil du trésor recommande que des frais de perception du ministère du Revenu soient exigés de la Commission des normes du travail. Également, à compter du 1er janvier 1995, tous les coûts résultant de l'application de la Loi sur les normes du travail par le commissaire du travail devraient être imputés à la Commission des normes du travail. Madame Harel considère que cette question du 2

Commissaire du travail est vraiment différente. Madame Marois indique que les analyses du Secrétariat du Conseil du trésor sont expédiées à l'avance aux ministères et organismes intéressés. En l'occurrence, le Secrétariat du Conseil du trésor rappelle que la Commission des nonnes du travail doit assumer ses responsabilités. Madame Harel signale que la complexité du dossier vient de ce que la Commission des nonnes du travail a déjà effectué un transfert de quinze postes au ministère du Revenu.

Le Premier ministre constate que le Conseil du trésor recommande l'approbation de ce projet de loi. Quant au reste, il invite mesdames Marois et'Harel à régler entre elles les trois autres conditions recommandées par le Conseil du trésor. Madame Harel déplore que le Secrétariat du Conseil du trésor ait souvent des rencontres avec des organismes, sans que la ministre responsable ne soit au courant. Madame Marois le reconnaît, surtout dans le cas des organismes, puisque ceux-ci ne relèvent pas du ministère dont la ministre est responsable.

Monsieur Le Hir se dit d'avis qu'il s'agit du genre de mesures qui irritent les milieux patronaux. On procède à une modification de la loi d'une façon très compliquée. Le présent gouvernement pourrait voir sa crédibilité auprès de ces milieux légèrement entachée, en raison de cette complexité. Madame Marois lui répond que le but visé est au contraire de simplifier la vie des entreprises. Le Premier ministre considère qu'un tel projet de loi démontre que, même quand les intentions gouvernementales sont vertueuses, la mécanique utilisée est tortueuse et complique la vie des entreprises. Il faut donc demander aux fiscalistes de simplifier ce mécanisme. Monsieur Ménard croit que la complexité du texte du projet de loi ne tient pas aux légistes eux-mêmes, mais à la complexité des textes actuels. Par ailleurs, il considère que le ministère du Revenu est chanceux d'être en mesure d'apporter des changements à l'occasion de revenus supplémentaires qu'il est chargé de percevoir. Il se dit en outre persuadé que les entreprises seront heureuses de n'avoir qu'un seul percepteur.

Le Premier ministre conclut la discussion en indiquant que le principe de ce transfert est accepté. Les modalités et les autres recommandations émanant du Conseil du trésor devront être discutées entre les intéressées. Ce dossier pourra être présenté plus tard au Conseil des ministres, si la chose s'avère nécessaire.

Décision numéro: 94-255 Le Conseil des ministres décide: à la suite du mémoire daté du 7 novembre 1994, soumis par le ministre du Revenu et portant sur les modifications législatives en vue de la prise en charge par le ministère du Revenu de la perception des cotisations des employeurs au financement de la Commission des nonnes du travail dues en vertu de la Loi sur les nonnes du travail (réf.: 4-0242),

1- de confinner le principe de la prise en charge par le ministre du Revenu de la perception des cotisations des employeurs au financement de la Commission des nonnes du travail en vertu de la Loi sur les nonnes du travail;

2- d'accepter que la Loi sur les nonnes du travail soit modifiée de manière à ce que les règles touchant la détennination, la perception et l'administration des cotisations en cause se fassent de façon générale selon les règles apparaissant au projet de modifications législatives annexé au mémoire du ministre du Revenu, sous réserve que l'on examine la possibilité de simplifier ces modifications;

3- de prévoir que la Présidente du Conseil du trésor, la ministre de l'Emploi et le ministre du Revenu poursuivront leurs discussions:

A. sur les modalités de fmancement de la fonction de perception qui sera désonnais assumée par le ministère du Revenu, 3

B. sur le financement des coûts encourus par le Bureau du Commissaire général du travail pour l'application de la Loi sur les normes du travail;

4- de confier au Comité de législation le soin de déterminer le meilleur véhicule législatif à utiliser dans les circonstances;

5- de transmettre la présente décision et le mémoire du ministre du Revenu au Comité de législation afm qu'il s'assure de la cohérence juridique et législative des modifications législatives qui en découlent.

LE COLLÈGE MILITAIRE ROYAL DE SAINT-JEAN {RÉF.: 4-0248)

La ministre déléguée aux Affaires intergouvernementales canadiennes soumet un mémoire daté du Il novembre 1994 et portant sur le Collège militaire royal de Saint-Jean. Ce mémoire vise à informer le Conseil des ministres de l'état de la situation des négociations visant à maintenir en totalité ou en partie la vocation militaire du Collège militaire royal de Saint-Jean et son rôle comme porte d'accès aux postes d'officiers pour les jeunes francophones et des diverses solutions qui s'offrent au gouvernement à cet égard.

Madame Beaudoin indique à ses collègues que son mémoire ne comporte pas de recommandations, étant donné que la situation évolue encore. Elle rappelle qu'en février 1994, le gouvernement fédéral a annoncé la fermeture d'un collège militaire en Colombie-Britannique et du Collège militaire de St-Jean. Il invoquait alors des raisons budgétaires et la diminution du nombre de candidats officiers.

Le précédent gouvernement a conclu une entente avec le gouvernement fédéral le 19 juillet 1994. Cette entente prévoyait le maintien de la présence de 100 cadets officiers pour une année de propédeutique et de 100 autres étudiants pour des cours de langue. Le gouvernement précédent avait mandaté monsieur Claude Castonguay afin d'examiner la possibilité d'y joindre une autre vocation universitaire et civile. Le rapport de monsieur Castonguay constatait que la fermeture du Collège militaire de St-Jean était inacceptable. Ce rapport fut connu de la population de la région. Le Québec aurait alors maintenu un enseignement de niveau universitaire à St-Jean, dont le coût se serait élevé à 4 M$ par année. Ces projets ne se sont pas concrétisés. Le gouvernement fédéral a par la suite souhaité que le présent gouvernement procède à la signature de cette entente de principe. Nous avons répondu qu'il fallait que le gouvernement fédéral accepte de maintenir un enseignement destiné aux militaires. Il faut se rappeler que toute la question a été discutée abondamment lors de la campagne électorale, et que notre parti a clairement indiqué que cette entente de principe serait bonifiée. Le 4 novembre dernier, nous avons déposé une proposition comportant un enseignement universitaire mixte, c'est-à-dire civil et militaire et comportant la présence de 300 militaires au Collège de St-Jean. Le gouvernement fédéral a immédiatement refusé cette proposition, sous prétexte qu'elle pourrait servir à un Québec souverain.

Aujourd'hui, le maire de St-Jean doit déposer une proposition qui est une variante de notre dernière proposition. Il existe aussi une autre proposition, celle de monsieur Parent; cette dernière proposition est plus intéressante, puisqu'elle propose une école comportant deux campus, celui de St-Jean et celui de Kingston. Elle demande quelle position le gouvernement doit prendre face à la proposition de la municipalité qui préconise une université civile dispensant des cours d'anglais destinés aux militaires. Ce que nous souhaitons, c'est de maintenir ce collège ouvert jusqu'au référendum. Il faut cependant noter que les actuels professeurs du collège ont jusqu'au 6 janvier 1995 pour exercer leur choix entre une mutation ou une mise en disponibilité.

Monsieur Garon considère que le dossier se déroule au-delà de toute espérance, puisque la municipalité a sa propre proposition. Les militaires et les ex-militaires sont d'accord avec le maintien du Collège de St-Jean et sont très impliqués. Toute cette question est 4

purement politique. Toutes les possibilités sont donc ouvertes. Par contre, les projets d'enseignement de niveau collégial ou universitaire ne sont pas suffisamment avancés. Il faut laisser le dossier se préciser et laisser les opposants s'organiser. Madame Marois est d'avis que les gens du Collège et de la municipalité ont l'impression que le gouvernement du Québec les appuie intelligemment. Elle fait remarquer que le maire de St-Jean est un professeur du collège. Il est important que le milieu continue de percevoir que le gouvernement du Québec les appuie. Si les ex-militaires se mettent de la partie, cela favorisera davantage notre position et le gouvernement fédéral devra porter plus lourdement l'odieux de cette fermeture. Monsieur Gendron considère que la situation actuelle semble nous favoriser et qu'il faut éviter que le gouvernement du Québec adopte une proposition trop précise pour l'instant.

Le Premier ministre indique que le Globe and Mail de Toronto ironise sur la situation, en indiquant que les anglophones ne savent plus où donner de la tête puisque les séparatistes semblent maintenant en faveur de l'armée et de la dualité canadienne.

Il ajoute qu'il favorise davantage la proposition de monsieur Parent, puisqu'elle satisfait tous les objectifs, y compris celui de la réduction des dépenses. De plus, il s'agirait de deux campus qui pourraient facilement être séparés en cas de souveraineté. Le Québec a tout intérêt à maintenir la vocation militaire du Collège militaire de St-Jean. Cette proposition renvoie la balle dans le camp de Bob Rae qui, s'il l'accepte, mettra le Premier ministre du Canada dans une fâcheuse situation. Puis, il demande si le Premier ministre Harcourt, de la Colombie-Britannique, accepte la situation imposée par le gouvernement fédéral.

Monsieur Ménard répond que celui-ci a eu la même réaction que celle des représentants du gouvernement du Québec. Il ajoute qu'il n'est pas logique d'attribuer une vocation civile au Collège militaire de St-Jean, puisqu'on n'a pas besoin d'un tel enseignement à cet endroit. Par ailleurs, les installations de ce collège sont gigantesques et pourraient servir à d'autres fins, comme celle du déménagement de l'Institut de police de Nicolet.

Monsieur Garon signale que les militaires prétendent que le Collège de Kingston ne sera pas en mesure d'accueillir 1 200 étudiants en septembre et que cela coûterait plus cher que de maintenir la vocation du Collège militaire de St-Jean. De plus, tout ce problème force le Canada à se demander s'il souhaite maintenir un Canada bilingue dans l'avenir. Par ailleurs, le Collège militaire de St-Jean comporte un pensionnat qui pourrait former nos officiers qui serviraient à des missions de paix. Madame Beaudoin répond que le gouvernement fédéral nie l'allégation à l'effet que le Collège de Kingston ne sera pas prêt à l'automne 1995. Cependant, les opposants aux actions du gouvernement fédéral ont peur de tomber dans un piège politique servant à la souveraineté du Québec. Il faut donc être prudent dans nos relations avec eux. Monsieur Garon se dit d'avis que l'abolition de la fanfare du XXIf Régiment constitue une autre bourde du gouvernement fédéral.

Madame Beaudoin indique que les gens du milieu souhaitent à la fois les propositions du Rapport Parent et celles de l'accord de principe du 19 juillet 1994. S'ils n'obtiennent pas ces résultats, ils croiront que le gouvernement du Québec les a laissés tomber.

Le Premier ministre considère qu'il est important que madame Beaudoin fasse une sortie publique et indique que le gouvernement du Québec est favorable à la proposition du maire de St-Jean. Il n'est pas opportun de défendre le Rapport Parent pour l'instant. 5

Décision numéro: 94-256 Le Conseil des ministres décide: de prendre acte du mémoire daté du Il novembre 1994, soumis par la ministre déléguée aux Affaires intergouvernementales canadiennes et portant sur le Collège militaire royal de Saint-Jean (réf.: 4-0248).

LA SÉANCE EST LEVÉE À 12 H 20

Approuvé par :