Les Mouvements Sociaux Des Femmes Démobilisées Et L’Exclusion Des Travailleurs Coloniaux À La Fin De La Première Guerre Mondiale Lucas Marchand
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“ Nous sommes maintenant une force et nous avons le devoir d’élever la voix ” : les mouvements sociaux des femmes démobilisées et l’exclusion des travailleurs coloniaux à la fin de la Première Guerre Mondiale Lucas Marchand To cite this version: Lucas Marchand. “ Nous sommes maintenant une force et nous avons le devoir d’élever la voix ” : les mouvements sociaux des femmes démobilisées et l’exclusion des travailleurs coloniaux à la fin de la Première Guerre Mondiale. Histoire. 2020. dumas-02943120 HAL Id: dumas-02943120 https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02943120 Submitted on 18 Sep 2020 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. École d’Histoire de la Sorbonne Centre d’Histoire Sociale des Mondes contemporains Année 2019/2020 « Nous sommes maintenant une force et nous avons le devoir d'élever la voix » : Les mouvements sociaux des femmes démobilisées et l'exclusion des travailleurs coloniaux à la fin de la Première Guerre Mondiale Mémoire de Master 2 préparé sous la direction d’Isabelle Lespinet-Moret Session de Juin 2020 Lucas Marchand 1 2 La citation du titre provient d’un article d’Hélène Brion paru dans L’Action féministe en décembre 1918, dans lequel l’autrice cherche à convaincre ses lectrices de s’engager dans le féminisme. Image de couverture : 4 juin 1919, grévistes des transports publics parisiens au lac Daumesnil (Bois de Vincennes) : photographie de presse, Agence Rol. Cette photographie a été choisie car elle illustre le propos de mon mémoire : une forme de ségrégation des femmes au sein du mouvement social. En arrière, ne participant pas directement au vote, mais bel et bien présentes. Leurs beaux habits révèlent par ailleurs les progrès de leurs conditions de vie entrevues pendant la guerre. 3 4 École d’Histoire de la Sorbonne Centre d’Histoire Sociale des Mondes contemporains Année 2019/2020 « Ils auraient dû réveiller ce sentiment qui dormait peu profondément » : Les mouvements sociaux des catégories spécifiques de main-d'œuvre démobilisées après la Première Guerre mondiale. Mémoire de Master 2 préparé sous la direction d’Isabelle Lespinet-Moret Session de Juin 2020 Lucas Marchand 5 SOMMAIRE Première partie : « On a fait la guerre aux femmes d’usine » : Face à la démobilisation industrielle Chapitre 1 : Entrevoir l’aube des lendemains de guerre A) Pendant la guerre, des discours contradictoires sur l’utilité des catégories de main- d’œuvre spécifiques B) La Circulaire Loucheur du 13 novembre 1918 : un outil pour éviter l’agitation sociale ? C) Quand les femmes sortent de l’usine Chapitre 2 : « Un crime de lèse-humanité » : lutter contre le renvoi A) Se maintenir à l’usine, une revendication perdue d’avance ? B) « Ainsi pourra être atténuée la crise de chômage » : les coloniaux, des « indésirables » ? C) « L’imprévoyance des femmes » ? Chapitre 3 : « Comme les autres elles ont ce droit de vivre » : lutter pour les indemnités A) Une forte agitation : les femmes dans la rue B) Un soutien syndical concret mais décroissant C) Les femmes hors de l’usine Deuxième partie : Lutte des classes, luttes de genre ? La place des femmes dans les grèves de 1919 Chapitre 4 : Les grèves de l’Habillement : « l’avant-garde oubliée du prolétariat » ? A) « Le retour des grèves quotidiennes » : des caractéristiques ordinaires ? B) Les femmes à l’avant-garde C) « L’avant-garde oubliée du prolétariat » Chapitre 5 : Les grèves de la Métallurgie : l’avènement de la figure du métallo A) Une présence féminine imperceptible ? B) Se placer à l’avant-garde 6 C) Le métallo et les autres Chapitre 6 : le « refus de l’autonomisation » : le contrôle syndical des catégories spécifiques de main-d'œuvre A) Tenir les minorités à distance dans la construction de la classe ouvrière B) Une classe ouvrière ségréguée C) Le contrôle de l’État-major syndical Troisième partie : 1919, un moment dans « l’effort de libération féminine » Chapitre 7 : Les impossibles luttes des ouvrières pour prouver leur droit au travail A) « A travail égal, salaire égal » : l’impossibilité d’une revendication B) L’impossibilité de gagner sa place ? Lutte de représentation autour de deux catégories genrées : « midinettes » et « munitionnettes » C) L’impossible solidarité Chapitre 8 : Les ouvriers, les ouvrières et la révolution A) « La vie publique a été jusqu’ici un privilège masculin » : entrer dans la révolution B) Modifier le syndicat de l’intérieur ? C) Une idéologie féministe ? Chapitre 9 : « Le devoir de prendre la voix » : combats de femmes et combats féministes A) « Il nous faut chercher activement les moyens de notre triomphe » : s’organiser en non- mixité, avec ou sans le syndicat B) Des formes révolutionnaires spécifiques : le pacifisme, socialisme, le féminisme C) L’émancipation et la classe ouvrière 7 REMERCIEMENTS Mes remerciements vont en premier lieu à ma directrice de recherche, Isabelle Lespinet-Moret, pour la confiance et la bienveillance avec lesquelles elle a su m’accompagner et m’aider. Je remercie également chaleureusement Gaëtan Bonnot, pour son aide et sa disponibilité précieuses dans l’élaboration et l’exploitation des bases de données utilisées dans cette étude. Merci aussi à Anne-Sophie Bruno pour ses conseils, ainsi qu’à Charlotte Vorms, Judith Rainhorn et Emmanuel Bellanger pour m’avoir initié à la recherche. Merci à Aurélie Mazet, archiviste de l’Institut d’Histoire Sociale de la CGT, le premier lieu d’archives que j’ai assidûment fréquenté. Merci à mes relecteurs et mes relectrices qui m’ont grandement aidé : Pablo, Manon, Clément et Anna. Merci à mes ami.e.s qui m’ont soutenu et m’ont permis d’aller jusqu’au bout. Merci à ma mère, mon père et mon frère, relecteurs et relectrice assidu.e.s et sans qui ce mémoire n’aurait pas pu être écrit. Merci à ma famille. Ce travail s’inscrit dans un contexte de mouvements sociaux, de contestations intenses depuis plus de deux ans. Il a non seulement été influencé par ce contexte dans le choix de son sujet, dans les problématiques qu’il pose, et dans la volonté qu’il a de redonner la parole aux dominé.e.s. Dans un monde où le sexisme et le racisme tuent, isolent, précarisent des individus, il nous est paru utile de chercher à servir de porte-voix à ces paroles, et les replacer dans un contexte historique afin de mieux les comprendre. 8 INTRODUCTION « Ou les femmes sont les égales des ouvriers et des bourgeois, ou les bourgeois, comme ils l’affirment, sont les supérieurs des ouvriers et des femmes. Sachez-le, citoyens, ce n’est que sur l’égalité de tous les êtres que vous pouvez vous appuyer pour être fondés à réclamer votre avènement à la liberté. Si vous n’asseyez pas vos revendications sur la justice et le droit naturel, si vous, prolétaires, vous voulez aussi conserver des privilèges, les privilèges de sexe, je vous le demande, quelle autorité avez-vous pour protester contre les privilèges des classes ? Que pouvez-vous reprocher aux gouvernants qui vous dominent, vous exploitent, si vous êtes partisans de laisser subsister dans l’espèce humaine des catégories de supérieurs et d’inférieurs ? […] Notre affirmation de l’égalité sociale et politique de la femme et de l’homme est en même temps que l’expression de notre conviction, une protestation contre ceux qui, au mépris de la liberté humaine, osent encore, au XIXe siècle, tenter d’assigner un rôle à la moitié du genre humain. Que diriez-vous, hommes, si l’on vous enfermait dans le rôle étroit d’un rôle ? […] La femme est comme l’homme, un être libre et autonome. A elle, comme à lui, la liberté de choisir la voie qui lui convient (applaudissements). Ces attentats à la liberté de la femme en font, en même temps que la serve, la mineure perpétuelle, la mendiante qui vit aux dépens de l’homme. Notre dignité nous fait protester contre cette situation humiliante »1. Ce discours d’Hubertine Auclert, daté de 1879, pointe l’ambiguïté du rapport entre lutte de genre et de classe au sein des classes populaires. Cette difficulté à concilier les luttes est au cœur des intenses mouvements sociaux de la Grande Guerre, et de ceux de l’immédiat après-guerre. La Première Guerre mondiale est en effet le théâtre de bouleversements extraordinaires dans le monde du travail, et donc dans celui de la classe ouvrière. L’entrée massive de femmes et de travailleurs issus des colonies françaises au sein des usines, en particulier d’armement, pendant que la majorité des hommes partent se battre au front, est nécessaire. On estime que dans l’armement, en 1918, 430 000 femmes sont employées pour 497 000 hommes2. En majorité on les trouve dans la fabrication d’obus, de cartouches, grenades, fusées… d’où leur surnom de « munitionnettes », portant un 1 Séances du Congrès ouvrier socialiste de France, 3e session, tenue à Marseille du 20 au 31 octobre 1879, consulté sur Gallica. Discours d’Hubertine Auclert, séance du 22 octobre, « De la femme », p.145. 2 Françoise Thébaud, Les femmes au temps de la guerre de 14, Paris, Payot, 2013 [1994], p.240. 9 imaginaire complexe que nous interrogerons. Les travailleurs coloniaux, eux, sont moins nombreux : on en compte environ 61 0003. Sénégalais, Indochinois, Algériens et Marocains en grande majorité, mais aussi Chinois (qui n’est pas une colonie mais où les ambassades françaises effectuent un travail d’influence important), ils sont recrutés lors de missions militaires et sous le contrôle d’un organisme étatique, le Service d’Organisation des Travailleurs Coloniaux.