128 année — N° 219 — 25 Mars 1936 Prix : 2 francs

la Révolution prolétarienne

REVUE BIMENSUELLE SYNDICALISTE REVOLUECKISAIRE

——————————————— DANS CE NUMÉRO : —

QUAND L'UNION SACRÉE S'APPELLE UNION DE LA NATiON FRANÇAISE. , - IMPOSSIBLE I UNANIMITÉ

par M. CHAMBELLAND

SI

-- UNE BELLE FIGURE UNE ÉPOQUE

LETTRES DE MARIE GUILLOT

(Suivies du discours de J. FONTAINE sur la tombe de Marie Guillot)

Il

RÉALISATIONS SOCIALISTES

LES ASSURANCES SOCIALES EN U. R. S. S. (Suite et fin) par M. YVON

ADMINISTRATION ET RÉDACTION, 54, rue- du Cbâteau^Œau - PARIS (la) LA RÉVOLUTION SOMMAIRE DU IV° 219 mars PROLÉTARIENNE (25 1936) 1 Revuebimensuelle révolutionnaire syndicaliste Quand l'Union sacrée s'appelle Union de la (Paraissant le 10 et le 25) nation française. — UNANIMITÉ IMPOS- SIBLE! M. CHAMBELLAND. CONDITIONS D'ABONNEMENT Parmi nos lettres FRANCE, ALGERIE, COLONIES » Trois mois 10 fr. A bas la guerre! A bas l'union sacrée! - Six mois 20» A propos de Kipling. — « On ne peut lire Un an 40» un numéro de la R. P. sans y apprendre EXTERIEUR quelque chose. » Trois mois 13 fr. I» 0 Six mois 26 » 50 » Une belle figure. Une époque. —LETTRES Un an DE MARIE GUILLOT. Discours sur la tombe de Marie Guillot. J. FONTAINE. ADRESSER LA CORRESPONDANCE concernant la Rédaction et l'Adminis- En marge. par Romagne tration à la Révolution Prolétarienne k 54, rue du Château-d'Eau, Paris-10* Réactions sur Kipling. — Cinémas: Temps Modernes (Charlie Chaplin); Fantôme à vendre. PERMANENCE: Ffa o 18 à 19 heures Tous les soirs, de « Réalisations socialistes » : LES ASSU- RANCES SOCIALES EN U.R.S.S. M. YVON. Téléph.: BOTzarl.21-02 Faits et Documents 1 UTILISER POUR LES ENVOIS Les déclarations contre la guerre et l'Union DE FONDS sacrée: Le Syndicat des Correcteurs pari- siens. — Le « ». — « Travail- notre compte chèques postaux: Barrage Révolution Prolétarienne 734-99 Paris leurs, vous êtes trahis! »

Collectiondela « Révolution Prolétarienne » La Ligue Syndicaliste

PRECIS DE La Ligue Syndicaliste se propose : De faire prédominer dans les syn- GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE dicats de classe sur l'esprit l'esprit par J. F. HORRABIN ou de de tendance, de secte parti, traduit de l'anglais par J. PÉRA maximum d'ac- afin de réaliser le (45 CARTES) tion contre le patronat et contre Prix: MILLE l'Etat ; 9 francs QUATRIÈME De participer à l'œuvre d'éduca- DEUX ANS D'INDOCHINE tion syndicale en procédant à l'exa- men des problèmes pratiques et théoriques posés devant le mouve- UN FLEUVE DE SANG ment ouvrier, et en préconisant la formation de Cercles d'études syn- UNE BROCHURE dicales ; UN franc De maintenir vivant le précepte Prix : de la Première Internationale, Expédiés franco contre un mandat en- : des voyé à notre compte de chèques postaux d'après lequel l'émancipation Révolution Prolétarienne, 54, rue du Châ- travailleurs ne sera I'oeuvre que des teau-d'Eau, Paris-10* (Compte n* 734-99 travailleurs eux-mêmes. Paris). QUAND L'UNION SACRÉE S'APPELLE UNION DE LA NATION FRANÇAISE.

Unanimité impossible

a Enfin, l'unité est faite. On a maintenant le droit l'accord s'est réalisé à Toulouse sur la base de la de se disputer: qui commencera? » C'est par ces politique suivie naguère par la direction de la C.G.T. 1 mots un peu énigmatiques que Vivès termine son On peut maintenant examinerà loisir le texte de deuxième article sur le Congrès de Toulouse, dans la résolution d'unanimité. Il renferme des phrases, l'Ecole libératrice du 14 mars. des paragraphes même qui impliquent, plus ou Je l'avoue, en revenant de Toulouse, -l'idée de moins clairement il est vrai, la répudiation du passé « commencer» était bien loin de mon esprit. et l'annonce d'une politique nouvelle. C'est cette de Toulouse Mais les événements s'imposent à nous avec une politique nouvelle que les délégués à il est impossible de se soustraire. ont saluée d'enthousiasme. logique laquelle La résolution votée à propos des événementsin- On avait, à Toulouse, en enterrant la motion des ternationaux a beau être une résolution d'unanimité correcteurs parisiens, écarté la guerre des préoccu- n'amorce cette immédiates du mouvement len- de la C.A. de la C.G.T., elle pas pations syndicalisme politique nouvelle attendue. Bien au contraire! Au demain même,le geste du gouvernement allemand sortir du Comité de l'Union des révéla une situation internationale telle que tout le général syndicats de la région parisienne, le mardi 17-mars, le cama- monde se mit à croire la guerre prochaine, voire secrétaire avait immédiate. ! rade Bothereau, confédéral, qui Quelle leçon entendu nos critiques, me disait qu'il avait tout L'unanimité venait de se faire sur l'action confé- naturellement la résolution de la C.A. correcteurs approuvé dérale. Le renvoi de la résolution des puisqu'elle était dans la ligne de la politique cons- jeta sur elle une grande tache d'ombre. Renvoi inso- tante de la C.G.T. lite. Les augures savaient, ils ne pouvaient pas ne Voilà la vérité! Peu importe l'attitude des diri- pas savoir que le geste de Hitler allait se'produire. geants ex-unitaires qui se sont ralliés au texte de Il n'était personne à peu près au fait de la situation la C.A. et l'ont avec ou moins de de qui défendu, plus internationale qui ignorât que la remilitarisation bonheur, devant les délégués des syndicats pari- la zone rhénane serait la réponse de l'Allemagne à siens. Ils n'en sont à un reniement Ce la Environ pas près. qui ratification du pacte franco-soviétique. compte, c'est qu'en face des événements graves de un mois avant le Congrès, j'avais pu lire l'annonce — ces jours derniers, l'organisation ouvrière désormais de cet événement dans une dépêche d'agence et la plus puissante de ce pays, la C.G.T. unifiée, s'est je ne suis pas un augure. bornée à reprendre la position de la C.G.T. d'avant Les dirigeants de notre mouvement syndical unifié l'unité, c'est-à-dire la position inaugurée en 1914. sont bien coupables de n'avoir pas préparé les Sur la question de la guerre, à qui ferait-on congressistes de Toulouse aux événements qui l'injure de croire que l'unanimité pourrait un jour allaient surgir. Un débat rapide aurait permis à se réaliser sur une telle base? Encore une fois, tous de percevoir le danger et d'y faire face. les dirigeants ex-unitaires sont parfaitement libres La seule excuse qu'on puisse invoquer, c'est que d'aller aussi loin qu'ils le veulent dans une telle l'on craignait pour l'unanimité qui venait de se réa- voie. Ils peuvent continuer à donner à la classe liser : si le problème de la guerre avait été mis en ouvrière française le spectacle le plus cyniquement discussion, cette unanimité toute fraîche se serait démoralisant qui soit. Mais les dirigeants ex-confé- trouvée rompue à peine une heure après sa consé- dérés n'ont pas le droit d'en- tirer les arguments cration. Certes! Mais ajourner le débat, ce fut qu'ils en tirent, -lorsqu'ils s'en vont, répétant à tous reculer pour plus mal sauter. Aujourd'hui, quinze les échos: « C'est nous qui avons eu raison depuis jours après le Congrès, maintenant que la question vingt ans! » Ils n'ont pas le droit de dire cela cW la guerre est au premier plan de nos soucis, parce que ce n'est pas vrai. Même lorsqu'ils font nous sommes contraints de nous demander ce qui voter par la C.A. une résolution dite d'unanimité reste de la belle unanimité du Congrès de Toulouse. confirmant leur politique de toujours, il n'est pas Ce sont, camarade Vivès, les événements qui ont vrai qu'ils prennent, sur la redoutable question de « commencé». la guerre, une position qui réponde à l'intérêt de <>0 la classe ouvrière et aux nécessités du maintien J'entends bien les camarades qui vont m'objecter de la paix. Ce n'est pas plus vrai en 1936 qu'en que la Commission administrative de la C.G.T. s'est 1914. réunie sans retard pour discuter de l'attitude à pren- L'expérience de 1914 ne peut être oubliée. Il ne dre en face des événements et que, dans l'après- suffit pas que, pour des raisons étrangères à l'in- midi du 11 mars, ses membres se sont mis d'accord térêt de la classe ouvrière, les dirigeants ex-uni- sur une résolution. Donc, me dira-t-on, l'unanimité taires ratifient aujourd'hui la politique du syndica- continue. lisme d'union sacrée pour que cette politique se trouve Mieux, le camarade Bouyer, le nouveau directeur soudainement parée de toutes les vertus. Au du Peuple, écrit, le 17 mars, les lignes suivantes: contraire! « cette unanimité se trouve Il suffit qu'on veuille imposer, sans discussion, Aujourd'hui, confirmée cette et renforcée par les récentes décisions que la Com- politique à l'ensemble du mouvement syndical mission administrative vient de unifié pour que l'unanimité de Toulouse, loin d'être prendre en présence « du danger de guerre résultant de la répudiation du confirmée » et encore moins « renforcée », soit pacte de Locarno par le dictateur de Berlin. » tout bonnement détruite. La C.A. de la C.G.T. n'a fait autre chose dans sa Je ne sais pas quelle idée au juste le camarade pas réunion du Il mars. Bouyer se fait de l'unanimité. Il me semble que, <>0 réaliser pour celle-ci, chacun doit y mettre du sien. Dans sa résolution, on trouve cette phrase: C'est ainsi.que cela se fit à Toulouse. Il serait par- « Nulle relation normale ne faitement saurait être établie intolérable de prétendre aujourd'hui que entre les peuples s'il peut être admis qu'un Etat 2-82 LA REVOLUTION PROLETARIENNE peut procéder à une dénonciation unilatérale des sur son gouvernement doivent s'exercer dans le traités et surtout répudier quand bon lui semble sens de la revision du Diktat. les engagements librement consentis par lui. » Le traité de Versailles a enfanté Hitler. Demain, Cette même phrase, à quelques variantes près, il mettra le feu au monde. on la retrouve dans tous les documents et les pro- Il ne s'agit pas seulement de conséquences à cor- pos de notre gouvernement depuis le geste de riger. Il ne suffit pas de dire: « Le syndicalisme Hitler, qu'il s'agisse des discours de M. Sarraut ou français n'a jamais considéré que l'état de choses de ceux de M. Flandin. créé par le traité de Versailles peut être tenu pour Parlant du manifeste de la Fédération syndicale intangible. » Il faudrait clamer qu'il n'y a pas de internationale, M. Herriot vient d'écrire dans Vin- paix possible en Europe sans la revision de ce formation du 22 mars: « Ainsi, une organisation traité. C'est la chose fondamentale. internationale rejoint et confirme l'opinion de sir Si demain se produisait une agression hitlérienne, Austen Chamberlain, conservateur. » ce serait le triomphe de l'esprit de revanche créé Sur l'interprétation du geste de Hitler, la C.A. et entretenu en Allemagne par le Diktat. La paix ne de la C.G.T. est d'accord avec MM. Sarraut et peut être maintenue que par la disparition de cet Flandin; elle approuve le fondement juridique de esprit de revanche, et cet esprit de revanche ne l'effort diplomatique du gouvernement français. peut disparaître si le vainqueur prétend demeurer Même quand cet effort a pour but de repousser le vainqueur — éternellement. toute discussion des propositions de Hitler — vingt- D'ailleurs, comme en 1914, il s'agit surtout de cinq ans de paix en Europe — et cela, dit-on, parce mots destinés à tromper les peuples des deux côtés qu'il est impossible de faire confiance à une nation de la frontière. Pratiquement, la remilitarisation de pour qui les traités librement signés ne sont que la zone rhénane a fait s'effondrer un des derniers chiffons de papier. pans du traité de Versailles. Les phrases grandilo- Depuis le 7 mars, sur ce thème unique, la grande quentes sur le respect des traités et les lamentations presse s'est efforcée de chauffer l'opinion. Elle y a interminables sur la « mauvaise foi » des Alle- réussi d'autant mieux que la presse ouvrière lui mands cachent mal le désir de faire renaître, sur le emboîtait le pas et, dans certains cas, la dépassait plan international, la politique de prestige qui mène même. à la guerre. Eh bien! cette affirmation que le pacte de Ce qui est effrayant, c'est de voir notre mouve- Locarno a été librement consenti par l'Allemagne ment syndical unifié jouer sa partie dans ce concert constitue, appelons un chat un chat, un mensonge. infernal; c'est de le voir, lui qui pourrait être une Ce n'est pas vrai, le pacte de Locarno n'a pas grande force de paix, se mettre à la remorque de été consenti librement son gouvernement. par l'Allemagne. Pourquoi? on Mais tout simplement parce qu'il a été signé par ce Progrès incontestable sur 1914! En 1914, avait pays alors qu'une partie de son territoire était en- attendu la déclaration de guerre. En 1936, on n'at- core occupée par les troupes du vainqueur. Il a été tend même pas l'ouverture des hostilités. signé dans le seul but d'obtenir la libération de O+O cette partie du territoire. Il a donc été signé sous C'est notre raison essentielle de ne pouvoir faire l'empire de la contrainte. nôtre la résolution de la C.A. de la C.G.T., non plus Locarno n'était d'ailleurs qu'un aménagement du d'ailleurs que celle de la Fédération syndicale inter- Diktat de Versailles. Les membres de la C.A. de la nationale et de l'Internationale ouvrière socialiste. C.G.T. pensent-ils donc que le traité de Versailles Nous repoussons ces résolutions parce que nous fut, aussi, librement signé par l'Allemagne? Atten- n'acceptons pas la thèse du gouvernement français. dons sans impatience qu'ils nous en fassent la Nous ne nions pas le danger que l'hitlérisme repré- démonstration. sente pour la paix du monde. Mais nous sommes Versailles, Locarno, les traités et les pactes, est-ce sûrs que la politique des gouvernements français cela que la C.A. de la C.G.T. appelle « le cadre successifs est aussi néfaste que celle de Hitler. du droit international » ? Mais alors, ce fameux On dira que ce n'est pas vrai? Mais alors, il y « droit international» ne serait que le droit des a aujourd'hui une belle occasion de le démontrer. vainqueurs sur les vaincus. Au lieu d'opposer aux négociations directes propo- sées par Hitler le Pacte de Genève, les traités, les C'est ce droit qui est à la base de Versailles et de — Locarno. C'est ce droit que le nationalisme et l'im- pactes, les protocoles, etc. pourquoi ne pas pro- périalisme français veulent maintenir. C'est ce droit céder tout de suite à de telles négociations? Pour- qui constitue le plus grand danger pour la paix. quoi ne pas discuter immédiatement avec Hitler ? Le montrerait ainsi O+O gouvernement français qu'il veut sincèrement la paix. Il utiliserait, ce faisant, Depuis 1919, les preuves abondent de la noci- le seul moyen de pallier la carence de la Société vité du traité de Versailles. Je suis de ceux qui des nations. ont pris particulièrement au sérieux à ce sujet les Il nous semble extrêmement dangereux d'espérer démonstrations, d'ailleurs très pertinentes, des diri- encore que la Société des nations puisse maintenir geants de l'Internationale communiste. Encore une la paix européenne. Elle ne craint d'ailleurs pas le fois, ce n'est pas parce qu'ils ont maintenant changé ridicule, la vieille dame de Genève! N'a-t-elle pas d'opinion que ce qu'ils disaient hier être noir est donné au monde ce spectacle bouffon: le délégué aujourd'hui devenu blanc. Italien se joignant à ceux des autres puissances Ils nous disaient depuis 1919 que le traité de locarniennes pour déclarer solennellement que l'Al- Versailles, c'était la guerre. Aujourd'hui, la revi- lemagne avait violé le pacte « librement signé» de sion de ce traité de guerre, ce serait encore la Locarno! Vrai! Le gouvernement italien! Celui guerre! Ils nous disaient, en 1926, que le pacte de qui, au mépris de tous les pactes du monde, envoie Locarno était un pacte de guerre. Aujourd'hui, la quotidiennement des tonnes de bombes sur les am- dénonciation de ce pacte de guerre, ce serait en- bulances et les villages éthiopiens! core la guerre! Comprenne qui pourra. Cela possède cependant l'avantage de souligner S'il est vraiment possible à la classe ouvrière la faillite complète de la Société des nations dans organisée d'agir, dans le cadre du régime capita- l'affaire éthiopienne. L'organisme de Genève se liste, sinon pour empêcher la guerre, au moins pour montre, une fois de plus, incapable de faire ce pour la retarder le plus possible, cette action, sa pression quoi il a été créé: empêcher la guerre. Même 3-83 UNANIMITE IMPOSSIBLE

les Russes viennent à ce fait de- pris certaines mesures telles qu'une mobilisation quand Genève, m'entendrez-vous meure. Ceux qui s'embarquent derrière la C.A. de générale; et sans doute, alors, la C,G.T. dans la nouvelle croisade pour la Société mieux.» des nations ne tarderont pas à voir leurs espoirs Après ça, on peut parler des rodomontades de bafoués. Hitler. Pour notre part, nous n'accordons aucune con-=--. <>0 fiance à Genève, et c'est notre deuxième raison de Ces réflexions de n'a pas de la C.G.T. simples quelqu'un qui ne pas accepter le texte de la C.A. la prétention d'être grand clerc en politique inter- 0*0 nationale amènent uneconclusion également simple, Enfin, le texte confédéral dit: « La C.A. de la et très nette. C.G.T. croit devoir rappeler que le fascisme est une L'unanimité est rendue impossible par Ig résolu- constante menace de guerre; la lutte contre le fas- tion de la C.A. de la C.G.T. cisme est inséparable de la lutte pour la paix. » ! Nous ne voulons pas préparer la prochaine union Etait-il besoin de rappeler que le fascisme est une sacrée, même si elle doit s'appeler l'union de la constante menace de guerre? Sans doute. Mais il nation autres française. , serait équitable d'ajouter au fascisme les ! M. CHAMBELLAND. menaces constantes de guerre. Ou alors c'est qu'on s'imagine que le gouvernement et l'état-major français représentent, eux, une force de paix. Eh bien! il nous est impossible de croire cela. PARMI NOS LETTRES Jamais le militarisme français n'a été plus fort. Voyez ses effectifs. Voyez le budget de la guerre, celui de la celui de l'air. Voyez la ligne marine, Notre ami Péra Maginot, bien qu'on ait dit, sans rire, qu'elle n'avait A bas la guerre! J. souter- nous écrivait, sitôt con- pas été construite pour attaquer, puisque AL„„basl union sacreeï nue la nouvelle de la raine (!). L'impérialisme, le nationalisme français remilitarisation de la zone rhénane: n'ont cessé eux une constante me- pas d'être, aussi, Suis assez amusé de l'émotion demi-feinte de nace de guerre. nos officiels et journaux à la suite du dernier geste La formule se révèle plus dangereuse encore si de Hitler. l'on pousse le raisonnement logique jusqu'au bout. .Ils vont tout de même un peu fort, nos Fran- La lutte contre le fascisme inséparable de la lutte çais, comme disait Molière: pour la paix, cela veut dire que le régime intérieur « Eh ! mon Dieu, nos Français, si souvent redres- d'un pays doit primer toutes les autres considéra- sés, tions dans les débats internationaux, et, dessous Ne prendront-ils jamais un air de gens sensés? » cela, il y a l'idée diabolique de tuer le fascisme, Un Etat de la Société des Nations en envahit d'écraser Hitler par la guerre, la guerre préventive. un autre avec une armée forgée pour l'anéantir : La coalition des « nations pacifiques», la « paix péché mignon et très aimable; surtout qu'on ne sans autant de formules parle pas de tenter d'empêcher ça de façon l'Allemagne hitlériennes, Etat des à effi-l'in- qui, lorsqu'on va au fond du problème, nous ramè'- cace 1 Un autre déplace troupes du cama- térieur de son territoire: c'est une horreur; la loi nent au « sac au dos contre le fascisme» internationale est violée; vite des sanctions éco- rade Zyromski. nomiques, financières et militaires ! (Oui, dans le Nous croyons que c'est là une utopie aussi dan- canard de ce soir, le terne Marcel Lucain parle de gereuse que celle qui fit partir nos aînés en 1914. « sanctions militaires Il. Au fou !) La guerre de 1914-1918n'a pas tué la guerre, ni le Quoi qu'il en soit, c'est vraiment « très grave Il militarisme. La guerre de demain ne tuera pas le comme ils disent. Mais ce n'est pas très grave de- fascisme. Déjà, la politique souterraine de prépa- puis deux jours. C'est très grave depuis le début ration à la guerre renforce puissamment Hitler: de l'époque contemporaine. C'est très grave depuis toutes les mesures d'encerclement de au moins 1900. Nous avons vu 1914. L'Europe ago- l'Allemagne nisante va connaître une deuxième crise aiguë. Les — elles sont indiscutablement nombreuses — lui linéaments s'en le précisent. permettent, c'est visible, de faire derrière lui « Hors de l'internation point de salut ». C'est bloc aveugle de l'immense majorité de la nation plus sûr que jamais. Mais tant qu'il n'y a pas allemande. L'impérialisme, le militarisme français d'internation, et tant qu'on ne se sent pas capable jouent leur rôle dans cette préparation consciente d'en créer une, on n'a pas le droit de se satisfaire du conflit armé. Ils ne sont pas les seuls. L'attitude en répétant cela. L'incendie va éclater c'est sûr. de l'U.R.S.S. ne nous donne pas plus de garanties Mais il faut tâcher que ce soit le plus lard pos- sible. Si j'étais diplomate bourgeois, je crois que je à cet égard. « Il Le c'est la Mais serais de ceux qui sont disposés à causer avec fascisme, guerre. l'impérialisme, Hitler, à discuter ses propositions. Hitler a, de français ou même soviétique, c'est aussi la guerre. façon évidente, une certaine trouille de la guerre. Et la guerre ne peut que renforcer l'impérialisme Après son geste grandiloquent, après 'avoir rendu et le fascisme. Ici encore, c'est l'expérience de 1914 la « souveraineté » à son pays il demande visible- qui parle pour nous. ment à souffler un peu et à exploiter au maxi- Si chaque peuple menait la lutte contre les fau- mum, et le plus longtemps possible, les consé- teurs de de chez quences de son geste au point de vue politique in- guerre lui, on progresserait plus térieure. est cent en vite sur le chemin de la paix. Chacun doit com- (La démagogie fois plus grande mencer dictature qu'en « démocratie Il /). Eh bien, moi, par balayer devant sa porte. je propose qu'on souffle avec lui: Ce n'est pas de la Or, la C.A. de la C.G.T. n'a encore rien trouvé grande politique, certes non; mais ça vaut mieux à dire contre la politique internationale du gouver- que de souffler sur le feu. Et c'est toujours de nement français. l'aussi grande politique que l'attitude inverse, de Elle a laissé M. Flandin prononcer à Londres, le s'accrocher tout raidi au dernier lambeau du traité 16 mars, à la séance secrète du Conseil de la So- de Versailles condamné par les faits depuis si ciété des nations, ces paroles de boutefeu: longtemps. « Si, a déclaré M. Et à ceux qui disent qu'on ne peut avoir con- Flandin, pour obtenir à cette dans la des Allemands, table une oreille unanimement favorable, il faut fiance signature répondons- mettre tous leur qu'ils ont raison, mais rappelons-leur l'exis- ses membres en présence du fait accom- tence d'un certain traité, relatif à des dettes com- pli, dites-le moi- Je reviendrai alors après avoir merciales, entre la France et l'Amérique. * 4-84 LA REVOLUTION PROLETARIENNE

De deux amis dijonnais : et qu'il représente comme lâche, verbeux, fat, etc. Nous attendons avec impatience, mais sans Ce Paget M.P.réalise te tupe du député moyen qui anxiété, la prochaine R. P. Nous comptons sur peu, visitait les Indes pour se documenter et qui consi- très peu d'îlots de camarades, mais la R. P. est dérait les hindous comme ses égaux. Il crogait,-que l'un des plus sûrs. tous leurs griefs n'étaient pas forcément menson- *** gers. Naturellement, dans les récits de Kipling, il D'un camarade des est toujours bafoué, les Hindous le volent, le font instituteurs du Rhône: marcher, pour affirmer à la fin de l'histoire leur Quelle joie, aujourd'hui, de lire l'article de Lou- attachement sincère et profond au Raj britanni- zon et vos déclarations contre la guerre. Et honte! que, qu'ils respectaient et aimaient éperdument honte ! au Congrès de Toulouse qui n'a rien dit de dans leurs cœurs. Il y a aussi un conte dans lequel précis à ce sujet. le principal personnage est un babou qui tient tête A à une foule séditieuse et sanguinaire qu'il met en D'un camarade des cheminots de Versailles: fuite par sa fermeté. Selon Kipling, ce babou s'est aussi courageusement comporté a un J'avais refusé à la fin de l'année dernière mon parce qu'il réabonnement huitième de sang blanc dans ses veines, qu'il doit à la R. P. Refus motivé du fait que à un militaire irlandais du siècle précédent. je voyais l'unité syndicale réalisée dans tous les L'émeute dissipée, le babou fond en larmes, les échelons de la classe ouvrière organisée, et que de mon sept huitièmes de son sang l'emportant sur le reste. point de vue il était inutile d'avoir ces revues Kipling a été le premier à parler du « fardeau à base étriquée qui, dans un certaine mesure, édu- de l'homme blanc », formule qui, ensuite, est deve- quaient une minorité agissant syndicalement au nue la justification de pires excès impérialistes. sein du prolétariat, mais aussi je pensais que Je me souviens que, pendant la guerre, il a pu- l'unité syndicale réalisée vous deviez disparaître blié un conte intitulé (je peux considérer ce titre afin de ne pas jeter la confusion, syndicalement comme une injure personnelle) Mary Postgate. Un s'entend. aviateur allemand atterrit en Angleterre, au cours Suite au Congrès de Toulouse dont j'ai suivi d'un raid. Une jeune fille belle et pleine de patrio- très attentivement les travaux sur les événements tisme le trouve, blessé, qui demande de l'eau. Fei- en cours, et la guerre en particulier, je me sens gnant de lui venir en aide, elle lui coupe,la gorge, bien plus près de vous que de tous les discoureurs froidement. Comme c'est magnifique! prêchant l'union sacrée, pour des buts et des in- Kipling était une sale petite bête. Il est mort, térêts qui ne sont pas ceux du prolétariat sur le n'en parions plus. terrain national et international. Aussi je me de- <>0 mande avec anxiété avec ceux qui, comme nous, ont la dernière fait guerre, de quoi demain sera fait Un camarade nous pour nos enfants et l'humanité, et quelle position « On ne peut lire qui prendra la C.G.T.,en cas de avec nos voisins, un numero e a conflit un numéro de la lit depuisnous ditquelquece qu'iltempspense vis-à-vis des prolétaires. J'ai peur qu'il sera trop sans tard d'agir car, ma crois nous y apprendre de notre effort. Chose pour part, je que chose. » curieuse, il ne croit pas sommes déjà attelée au char du capitalisme pour quelque au — défendre des intérêts opposés aux nôtres. syndicalisme— qui Je crois savoir vous avez ce est pour nous la chose essentielle et, pourtant, que pris position, la revue est pour lui, comme on le verra, pleine dont je vous félicite, contre toute déviation concer- d'intérêt : nant cette monstruosité qu'est la guerre et l'union De sacrée. Faudrait tout de même pas revenir à 1914, mon passage dans différents syndicats, je n'ai gardé qu'un souvenir amer et surtout désa- et pourtant nous en prenons le chemin. Je n'aurais busé. pas dû abandonner ma R. P. dont j'étais fier. Aussi, ne de au reçu de ma lettre, voudrais-tu un C'est vous dire que je partage que façon m'envoyer très limitée votre façon de voir concernant la mandat-poste pour me réabonner, et m'envoyer de l'état même la dernière Révolution Prolétarienne, que je question syndicale. Et pas du tout, d'esprit n'aurais dû de votre déclaration-manifeste: « Au syndicat, le jamais quitter. pouvoir! » Mon ami A. me communiquait ré- A bas l'union sacrée nous conduisant à la suivie de vos guerre! cemment une réponse de Postgate, commentaires qui n'infirment en rien l'argumen- A tation de ce dernier. Du camarade Cancouët, des cheminots de l'Etat : Je ne suis plus syndiquéet ne crois pas au syn- Mes félicitations pour votre dernier numéro de dicat. La revendication du pouvoir par vos organi- la R. P. C'est ainsi qu'il faut poser le problème. sations me laisse indifférent, sinon hostile. Ce qui m'intéresse, c'est la disparition, l'anéantissement <>0 du pouvoir, de l'autorité, quel qne soit l'organisme ou avoir le « droit » de avec un qui l'exerce prétend AA de1 Voici, peu l'exercer. propos Kipling de retard, une lettre et votre à Ceci dit, je reconnais approuve effort de notre ami R.W. Postgate, de Londres, propos éducatif et culturel. Les articles de Louzon et de de l'article de Romagne sur Kipling. Nous avons, Berth sortent de l'ordinaire. Sérieux, documentés selon cette lettre à Romagne — l'usage, communiqué et fortement pensés. On en peut dire de même de qui répond dans ce numéro: la très belle étude de Guérin sur le corporatisme L'article de sur m'étonne. Ki- fasciste. Brauo aussi pour l'article d'Ida Mett, très Romagne Kipling l'été pling, comme poète, avait des dons considérables, objectif et très vrai. (J'ai travaillé cinq mois, et il aimait les machines et les « hommes d'ac- dernier, à l'Exposition de Bruxelles pour une mai- tion H.Ça, c'est tout ce qu'il y a de vrai dans l'ar- son de so'i&ie lyonnaise, et mes conclusions sur ticle. Ses dons poétiques n'étaient pas de premier la situation politique et économique en Belgique, ordre; c'était un véritable chansonnier, mais vul- sont identiques à celles de votre correspondante.) gaire, qui a joui, comme Byron et Wilde, d'une L'union sacrée, en voie de réalisation ici, produira réputation qui vivra beaucoup plus longtemps à inévitablement les mêmes résultats et se traduira l'étrangel' qu'ici — parce que les fautes et la vul- par la même faillite. garité de sa langue ne sont pas aussi apparentes Je pense donc que la valeur et l'intérêt que pré- aux critiques étrangers qu'à nos propres critiques. sente la R. P. sont indiscutables. On ne peut lire On peut citer, à titre d'exemple, cet exécrable et un de ses numéros sans y apprendre quelque chose. banal poème que Romagne reproduit comme un Et c'est assez rare pour être apprécié. chef-d'œuvre; alors qu'ici il nous paraît trop fade et désuet, même pour nos cartes de Noël, sur les- quelles on le trouvait autrefois chaque année. Que faire la R. P. ? Kipling était surtout le poète de l'impérialisme pour anglais, du temps de la Guerre des Boërs. Il y a ABONNÉ ! dans ses Montes un personnage qu'il nomme i. Pa- UN get MP. », qu'il voue à toutes les humiliations y UNE BELLE FIGURE -- UNE ÉPOQUE

MARIE GUILLOT LETTRES DE = 1 Jeudi 19 mars a eu lieu le transfert du corps de Marie Guillot au cimetière de Chalon-sur- désormais au cœur de ce de Saône-et-Loire où Saône. Sa dépouille mortelle reposera département— notre (egrande Marie > passa presque complètement sa vie. Cette cérémonie à laquelle Pierre Mo- natte représentait la Révolution Prolétarienne — s'est déroulée à un moment où, hélas 1 bien des cho- ses font repenser à ces jours, à ces mois, à ces années de la guerre, jours, mois et années dont le nom de Marie Guillot et celui d'autres militants et militantes des instituteurs demeurent à jamais inséparables. En publiant aujourd'hui les lettres que Marie Guillot écrivit à Monatte pendant les pre- miers mois de guerre, nous croyons rendre à sa mémoire l'hommage simple qu'elle aurait aimé; nous pensons aider nos lecteurs à se faire une idée de la militante qu'elle était, comme de la période tra- gique où, ferme et tranquille, elle sut «, tenir,. Pas seulement « tenir », mais, également, combattre. Et combattre dans les plus difficiles conditions morales et matérielles. Il y a, dans ses lettres, avant tout, une leçon de courage. 15 octobre 1914. dire ça) et de barbarie (pas tous à la charge des Allemands!.), qu'elle donnerait à ses lecteurs des St-Martin-d'Auxy, par Marcilly-les- documents pour combattre le chauvinisme montant. Buxy, le 15 octobre 1914. le patriotisme exaspéré — ça sentait la lanterne — Mon cher ami, d'une lieue toutes exagérations qui s'opposent enfin vos nouvelles — de deux côtés à la au développement du syndicalisme. J'ai de l'Ecole Ce fois: c'est Million qui m'écrit pour me féliciter Reçu le numéro 3 de émancipée? mon article de l'Ecole sur la brave Maillan, son article devait être éloquent. de émancipée guerre la serait au lieu parce que. je n'ai pas changé mon fusil d'épaule. Est-ce que censure capitaliste des Etre félicité cette raison d'être militaire ? Signe temps! pour si vous l'avez le qu'on ne se laisse pas affoler par les vents de folie. Expliquez-moi donc, compris, C'est Lafosse me dit vous lui demandez but poursuivi par Jouhaux en publiant son article si qui que allemands Est-ce mon adresse. Mais. je demeure ici. Où vouliez- exploité contre les syndicalistes (1). vous que vous ne croyez pas qu'il déraille? du point que je fusse ?, — même si les Allemands J'ai bien reçu votre carte à Mme Monatte et à de vue syndicaliste avaient un tort réel. (Je crois, moi, qu'ils n'en ont vous en juillet, et je vous ai répondu à la Vie: — vous n'aviez pas mis d'adresse. Puis la guerre est eu qu'un, celui de ne pas vouloir bluffer car venue. J'ai été comme à moitié abrutie pendant dans les deux pays ç'aurait été un mouvement raté: trois semaines; je n'ai pas écrit une seule lettre. nous ne sommes pas encore la force.) Ensuite, je me suis demandée où vous trouver. Et Il faudrait un homme fin à la tête de la C.G.T. puis nous voilà aujourd'hui. 1 Jouhaux a manqué de finesse en cette occasion. Parlez-moi des camarades parisiens. Dumoulin Amitiés à vous et à votre compagne. m'a écrit une lettre d'adieu fin juillet: je l'ai vu Marie GUILLOT. partir des premiers, je ne lui ai jamais répondu. O+O Et les autres? Que devenez-vous vous-même, et 14 novembre 1914. votre aimable — et votre autre vous- compagne St-Martin-d'Auxy, 14 novembre 1914. même, cette Vie, que va-t-elle devenir? Ah! nous aurons à faire pour nous tenir au- Cher ami, dessus de l'écume et nous retrouver à l'ancre! Merci de, m'avoir fait parvenir cette copie de Espérons. l'article de Romain Rolland. Oui, c'est bien pensé. Chez nous, notre syndicat allait bien. Notre om- Mais si ces pensées ne percent pas mieux chez 1 bre de petite section passait à 32 membres (plus nous, c'est que la censure les retient impitoyable- que doublé) en juillet, nous allions lancer un bul- ment. * letin qui avait déjà du foin dans ses bottes. J'es- Notre pauvre Ecole émancipée, comme vous le pérais, en voyant avec quel courage mes « élèves » dites, a manqué de tenue, et quand je traçais son marchaient, pouvoir enfin me décharger sur eux de programme — blanchi par la censure — je lui ce côté. Que restera-t-il après? Il faudra peut-être voyais une autre tenue. Cependant, j'ai eu sous les que je reprenne le drapeau en main et que je yeux l'article de Maillan qui a fait suspendre VE.E. recommence tout le travail. Malheur! C'était une raillerie adressée à dame Censure et Ce qui m'épouvante plus que tous les carnages, où il faisait revenir au jour tout ce qu'on lui avait c'est la vague de haine qui se lève, toujours plus barré au n° 3; ce n'était point trop mal — et c'est haute, et qui détourne de leur but les énergies bien pourquoi ce fut supprimé. Ils auraient dû se ouvrières. Pourvu que, après, la masse des nôtres débattre plus habilement: quand on vous égorge, retrouve son bon sens. il faut hurler et ruer, c'est le seul et dernier moyen Espérons — encore. de se sauver. Ils le feront peut-être. Envoyez-moi tout ce que vous savez d'intéressant. J'ai bien dit à Mme Audoye (une intelligence) Mes amitiés à vous deux. que ce n'était pas ça : j'ai quasi hurlé en lisant Marie GUILLOT. Rebeyrol, notre pauvre vieux J. Guillaume et Lai- <><0 sant. Maillan m'a paru avoir peu d'esprit critique 24 octobre 1914. et on a mangé ce qui aurait pu le relever. Aussi, à un deuxième article que j'envoyais à St-Martin-d'Auxy, 24 octobre 1914. Lafosse et où j'expliquais ma façon de voir sur les Mon cher ami, atrocités qu'on attribue aux Allemands, je lui re- .Vous me demandez horreurs commandais de faire sauter tout ce qu'on laisserait quelles j'avais à côté des trous de dame Censure et pondues : quelle curiosité ! J'osais dire que l'Ecole qui pourrait émancipée signalerait les actes de générosité (ils ne (1) A propos .de la conversation avec Legien, à sont pas tous à l'actif des Alliés! - oui, j'ai osé Bruxelles. 6-86 LA REVOLUTION PROLETARIENNE

dénaturer ma pensée — tant je redoute les cou- j'offre quelque chose, c'est sans arrière-pensée; pures adroites de ces bons messieurs. Mais il n'y autrement, j'aime mieux me taire. eut pas besoin de veiller au grain. Alors, vous verrez comment ça tournera. Pour parler net, on fabrique une pensée « natio- Marie GUILLOT. nale ». Pas bien malin: on coupe la langue à tous P.-S. - Donnez-moi des nouvelles, d'ici à cette ceux qui veulent vous contredire. révision. Maintenant, je réfléchis que vous préfé- Mais si on n'écrit pas, on parle. Et je vous as- rerez peut-être rester à Paris, où vous avez vos ha- sure qu'ici, à côté des imbéciles, il y a bien des bitudes plutôt que de venir vous enterrer là. Alors — — je pourrais pendant quelques mois vous verser gens sensés oui, beaucoup bien que l'intelli- sauf début de où soit très trouvé un de 75 à 80 francs, décembre je gence y plutôt moyenne. J'ai ne pourrais que 60. Il faut que je finisse de réunir bon vieux qui n'a jamais voulu croire aux atrocités le prix de la pension de ma mère, que je dois allemandes, même au plus fort de la « chauffe ». payer en janvier. Cet argent ne me ferait pas dé- Il avait été prisonnier en 70. Quant aux institu- faut pendant quelques mois: c'est ce que je mets teurs et institutrices, beaucoup manquent d'esprit de côté, d'habitude, pour voyages, congrès, caisses aussi sont loin de du Syndicat et du Groupe féministe et achat d'ha- critique, mais beaucoup prendre me faut l'hiver: les vessies des lanternes. Croyez le mal bits. Mais j'ai tout ce qu'il pour pour que ça ne me priverait pas. Pendant ce temps, ça pour- est plus en surface qu'en profondeur. Ce sera déjà rait aller mieux. assez pour nous fournir bien du travail, dont nous O+O n'avions pas besoin. Attendons aussi que les hom- (Sans date.) 30 à 40 ans a sur le front mes de qu'on envoyés d'une carte avant-hier: - reviennent chez eux: la guerre prendra quelque Copie reçue chose, et le nationalisme aussi. A cet âge, on a Puy-de-Dôme. Issoire, 4 nov. 1914. une famille, et on réfléchit. Du moins, j'en juge (Dépôt des otages). d'après ce que j'entends autour de moi. De votre collègue et camarade révoquée, re- En attendant, les nôtres disparaissent. L'autre cevez un salut affectueux. jour, j'en pleurais dans mon assiette en lisant la Arrêtée comme « suspecte» le 21 août, j'ai lettre d'une pauvre petite femme à qui j'avais de- vu Paray-le-Monial, Clermont-Ferrand et Is- mandé des nouvelles de son mari. Nos rangs seront soire. J'ai fait appel à mon administration vos- clairs; et nous pourrons nous réatteler, nous les gienne le 8 septembre: on m'a répondu par vieux: il y aura encore de l'ouvrage pour nous. une révocation datée du Il octobre. Comme Lisez-vous l'Humanité? Elle commence à se re- vous le voyez, c'est expéditif! Après la guerre, faire. Mais, à un moment, je faisais comme en je ferai appel auprès du C.D. vosgien. lisant l'Ecole émancipée, j'en sautais et j'en gro- Bien fraternellejnent. gnais tout fort; ce pauvre Vaillant! je me suis Julia BERTRAND. demandée, en lisant ensuite Laisant, Guillaume, Hein? Jouhaux, quel vent soufflait à Paris. J'ai écrit immédiatement à Marthe Bigot pour Croyez-vous à leur dernière invention pour tenir mettre la Fédération féministe universitaire en les pauvres en haleine: qu'on supprimera la chasse. Mais. pourra-t-elle quelque chose? guerre! et que cette guerre est la dernière! Et l'ours russe et ce pauvre peuple russe, encore plus Une idée: Ne croyez-vous pas que Romain Rol- ignorant que le nôtre! Et la rivalité anglo-russe ! land poétise lorsqu'il écrit: « Avec quelle joie Et le prolétariat conscient qui manque d'hommes prodigue, elle verse son sang. » ? Ici, les paysans et d'organisation! - Pauvre Humanité! Elle ra- sont partis parce qu'ils ne pouvaient faire autre- dote parfois. ment. Peut-être voit-il seulement la jeunesse des Merrheim a bien l'air d'un solide au poste. Et écoles. Et elle aurait mieux à faire qu'à s'enthou- après la guerre, on pourra lui dire merci. siasmer pour une si piètre cause; cette « manche » A propos, avez-vous lu la Revue de l'Enseigne- aurait pu se gagner mieux, avec du surplus, par ment? Et la ponte de Laurin ? Vous le souteniez. une lutte sociale 'bien menée. Toujours l'aveugle- Mais moi, je le voyais « tourner » depuis long- ment du taureau qui fonce si on lui présente un Il nous en a du foulard sans voir le vide est derrière. temps. pondu propre. J'ai envoyé rouge, que — ça à Lapierre qui était à Mâcon et dont je n'ai Vous voyez que je n'ai guère l'âme d'un poète plus de nouvelles: mort tuberculeux? ou envoyé mais je voyais tant d'autres luttes plus belles que au feu? Pauvre petit gars. je juge aveugles ceux qui s'enthousiasment pour Elle est fraîche, la Revue de l'Enseignement! Si celle-ci. On viendra nous parler du « sang » des elle déteint sur ses lecteurs, nous aurons du travail, révolutions. nous autres. Espérons quand même. Marie GUILLOT. o+o Pour vous, voilà. Quand vous aurez passé le 22 novembre 1914. Conseil — bientôt sans doute — si vous restez, et 22 novembre 1914. toujours sans travail, il ne faudrait pas vous forcer St-Martin-d'Auxy, à endurer à Paris. Si vous y avez la vie trop v. Cher ami, étroite, dites-le tout simplement. Vous débarquerez Entendu; si vous êtes mobilisé, j'attendrai votre ici, avec votre femme, si vous n'avez pas trop peur femme. Vous me préviendrez et je vous donnerai d'une solitude qui est à 20 kilomètres de Montceau. tous les renseignements nécessaires. De même, si votre femme reste seule, si elle ne Pour Julia Bertrand, j'ai écrit à Marthe Bigot, craint pas de s'ennuyer dans mon désert. secrétaire de la Fédération féministe universitaire, Je serai satisfaite de vous rendre ce service en à Loriot, trésorier de la Fédération des Syndicats. ce dur moment. Et Pellat-Finet a écrit à Montjotin, président actuel Ce ne sera pas une hospitalité de millionnaire, de la Fédération des Amicales à Riom. Si on pou- vu que j'ai simplement 150 francs par mois. Mais vait coordonner les efforts. Parlez-en toujours à on peut vivre tout de même ainsi pendant quelques Merrheim. mois. J'ai assez de place pour vous loger. Un renseignement: un de nos camarades de la Vous n'aurez qu'à accepter aussi simplement que section, « frappé » par l'action de la Fédération c'est offert. Je ne tiens jamais grands discours; des Amicales (un joli bluff! Vous en avez con- mais, quand je parle, c'est très sérieusement, et si naissance?) nous a demandé d'affirmer la vie de LETTRES DE MARIE GUILLOT 7-87 la section. ai à Loriot pour la Fédéra- aura déjà assez de mal. Et nous ne devions pas J'en parlé leur effort d'humanité tion. Paraît que nos groupes sont en sommeil. Mais décourager les neutres dans nous nous cotisons, en Saône-et-Loire, ce qui fera et de clairvoyance ouvrière. de l'envoyer au Co- Peut-être, un neutre dont on ne se préoccupe une faible somme. J'ai suggéré tout le mité de chômage de la C.G.T. A qui faut-il adres- pas assez, le choléra, viendra-t-il mettre ser les fonds? A Merrheim ? Son adresse, s. v. p. monde d'accord. Et, au printemps, peut-être ver- une du comme Oui, je connais tout pour l'Ecole émancipée, j'ai rons-nous se signer paix choléra, demandé ça à Lafosse. Et les recommandations à durent la signer Turcs et Bulgares. Mais, voilà, lui faites par le bureau de censure (sur la ligne nous pourrons compter nos pauvres gars. patriotique à suivre). Malgré la tristesse de l'heure, *** j'en riais, tant on voit bien où le bât les blesse et Quant aux causes de la guerre et aux responsa- tant on reconnaît bien les caractéristiques de leur bilités, il est prématuré d'en parler: elles sont au mentalité. Un régal des dieux. Si Lafosse m'en fond d'ordre économique, je le sais, et chaque pays croit, on étalera ça en détail — après le coup de porte son fardeau. Tout sera tiré au clair après guerre — dans l'E.E., et on se régalera en chœur quelques années de paix. Et notre devoir sera d'en — ceux qui resteront, hélas! 9 informer largement la classe ouvrière, pour lui faire Rien de neuf dans mon désert. Pas d'autre bruit, comprendre que, comme toujours, c'est elle le din- dans mon château de Bel-Air et de Belle-Vue, que don de la farce, farce atrocement tragique. celui des canons qu'on essaie au Creusot (on le A voit depuis ici, pas très loin). forte Et il ne Amitiés à tous deux. La C.G.T. aura besoin d'une purge. Marie GUILLOT. faut pas que Merrheim et les autres vous imitent; 040 il faut, à l'intérieur, de bons pilotes pour parer le mieux possible. 29 décembre 1914. Votre démission, utile pour attirer l'attention des groupes, doit rester unique; il suffira aux autres — St-Martin-d'Auxy, 29 décembre 1914. camarades d'approuver vos raisons du moins, c'est mon avis. Ne le travail de Cher noyons pas tout, ami, sauvetage serait impossible. Je reçois votre manifeste (1). vous aux fautes A Je suis bien d'accord avec quant A commises par le Comité confédéral. La dernière est Mes amitiés à votre femme et à vous-même. peut-être de toutes la plus formidable. Est-ce que quand ce Conseil? C'est l'épée de Damoclès qui des révolutionnaires éclairés ne savent pas que la ne se décide pas à tomber. classe ouvrière, plus que toute autre, paye les frais (A suivre.) Marie GUILLOT. de la casse? Est-ce qu'ils ne doivent pas com- prendre qu'un pays comme l'Allemagne ne s'anéan- tit pas et que la guerre ne peut qu'exaspérer les Le discours de J. Fontaine défauts de son esprit public, si tant est que les sur la tombe de Marie Guillot Allemands soient plus aveugles que nous? Faire la révolution, libérer un peuple de la tyrannie à Voici le discours prononcé par le camarade Fon- coups de canon, c'est toute l'idéologie de 1793 qui taine, des instituteurs du Rhône, le 19 mars, sur reparaît là. On sait à quoi ça a abouti. Les Alle- la tombe de Marie Guillot, au cimetière de Chalon- mands sont bons pour se libérer d'eux-mêmes; et sur-Saône: la paix mettra de meilleures armes en leurs mains Au nom du Comité de a la la Faisons donc notre travail est souscription qui que guerre. qui pieuse satisfaction de voir se réaliser l'œuvre qu'il de développer nos organisations de lutte, et lais- s'était proposée, au nom du- Syndicat de l'Ensei- sons donc nos voisins faire le leur. On dit: « Ne du au nom des nombreux cama- abattre c'est lui la gnement Rhône, pas l'Allemagne, laisser possi- rades épars dans tout le pays, amis et admirateurs bilité de prendre une revanche. » Admettons l'Alle- de Marie ici le hom- abattue l'être la Guillot, j'apporte suprême magne (pourra-t-elle plus que mage à notre regrettée camarade. France en 70, et peut-on empêcher une nation qui Faire son retracer sa ne mieux a la volonté de vivre de renaître de ses éloge, vie, je peux cendres?) faire que de citer tout d'abord quelques passages oui, admettons. Les chances de guerre ne seront des nombreux articles ont il a deux nullement elles seront seulement qui paru, y diminuées, dépla- ans dans diverses revues syndicalistes, lors de sa cées : le centre sera à Pétersbourg et Londres, au fin à le 5 mars 1934. lieu d'être à Berlin et Vienne. Il y a encore de tragique beaux jours pour le désordre capitaliste. Et le meil- A leur moyen, et le plus rapide, malgré sa lenteur De Marcel Martinet (Action syndicaliste) : d'éviter les c'est de tuer la so- Marie Guillot est morte à Lyon le lundi 5 mars. extrême, guerres, Elle était cruellement malade an- ciété capitaliste, c'est d'instaurer un régime de jus- depuis plusieurs tice où nées et les jeunes ne l'ont guère connue. Mais il sociale, les rivalités économiques seront ne faut pas que nous laissions mourir son nom. remplacées par des calculs économiques interna- Il est de ceux qui sont l'honneur de la classe ou- tionaux. vrière française, à qui elle aura donné toute son Quand je lis ce que l'Humanité fait digérer à intelligence et tout son cœur, toute son activité, ses lecteurs — mais, croyez-le, tous ne le digèrent toute sa vie. Nous devons sauver son nom de l'ou- et — bli parce que les souvenirs comme ceux qu'elle pas les comptes se feront j'en gémis sur la laisse sont des nouvelle mentalité socialiste. C'est le retour à la souvenirs exemplaires qui aideront brutalité à naître et à se fortifier des âmes comme la sienne. ancestrale: rossons-les et tuons-les pour Féministe et laïque, antimilitariste avant, pen- leur porter la liberté. On se demande: est-ce dé- dant et après la guerre, syndicaliste d'abord et mence, sottise, ou « chauffe » ? par-dessus tout, — car le syndicalisme était pour Le devoir des organisations ouvrières était de elle la plus constante et la plus haute fidélité au tout mettre en œuvre la on prolétariat et lui inspirait toujours l'ensemble de pour préparer paix: y sa pensée et de son action, — Marie Guillot a lutté dans le rang sur tous les fronts du combat (1) Lettre de démission de Monatte du Comité social. Dans le rang toujours: quand il lui a fallu confédéral. accepter des fonctions, elle les a acceptées sans 8-88 LA REVOLUTION PROLETARIENNE plus se soucier d'elle-même qu'à aucun moment de que Marie Guillot donna toute sa mesure. A elle sa vie, uniquement pour mieux servir le proléta- dans l'Ecole elle riat. Et ces seule, émancipée, assuma des tâ- pour fonctions, c'est toujours aux heu- ches qui auraient été lourdes à supporter par plu- res les plus difficiles et les plus dangereuses que sieurs. C'est ainsi qu'en plus de la Tribune fémi- les ont à elle. Elle est organisations songé— s'y niste qu'elle continuait à tenir régulièrement et vouée et elle s'y est tuée, en silence, car sa d'une façon parfaite, il lui arriva de publier en nature, comme celle de Rosa Luxembourg, était même temps des centres d'intérêt pour les cours de se taire lorsqu'il ne s'agissait que d'elle. Sa préparatoire et élémentaire et des leçons d'his- seule récompense aura sans doute été que, malgré toire pour le cours moyen. les outrages, les défaites et les blessures, elle En 1920, à , elle est choisie comme n'aura jamais désespéré de l'avenir de la classe secrétaire des Comités Syndicalistes révolution- ouvrière: c'est une récompense qui n'est pas pe- naires de l'Enseignement qui avaient été consti- tite et que chacun peut lui envier, mais il faut la tués sur son initiative. La publication sous sa mériter. signature de la déclaration des C.S.R. lui vaut la Les premiers mots qui me viennent à l'esprit révocation. C'est alors qu'on lui confie le secréta- pour caractériser Marie Guillot, c'est sa simplicité, riat de la Fédération qu'elle doit abandonner en son abnégation et sa fidélité, sa pureté d'acier, sa 1922 lorsqu'elle est nommée trésorière de la C.G. vaillance et son stoïcisme, mais j'éprouve de la T.U.par le congrès de St-Etienne. Comme elle avait gêne à les employer parce qu'elle possédait tout refusé de payer l'impôt inique sur les salaires, le cela si naturellement et à un tel point que les fisc n'hésite pas à lui faire vendre son linge et mots paraissent faibles, prétentieux, déplacés. Elle tous ses meubles. était de ces caractères exceptionnels qui non seu- Réintégrée en 1924, elle n'en a pourtant point lement ne recherchent pas la louange, mais pour fini avec les persécutions. Trois ans plus tard, qui la louange a presque l'air d'un affront et parce qu'elle était gérante du Bulletin féministe d'une sottise. qui avait publié un rapport sur la maternité, elle Tout cela pourtant, toutes ces vertus militantes, est poursuivie avec l'auteur de ce rapport, Hen- c'est bien elle, mais il faudrait les dépouiller de riette Alquier, devant le Tribunal correctionnel de tout ce que leur expression pourrait avoir d'ap- Saumur. Avec sa complice, elle s'en tire par un prêté pour rendre dans son animation l'image que acquittement. nous conservons d'elle: cette grande fille bâtie Marie Guillot avait pris au sérieux le manifeste en force — notre « grande Marie » — avec son qu'avait lancé la Commission exécutive de la accent chantant de Chalonnaise, son regard droit, C.G.T.U. quelques semaines après le congrès de sa carrure, sa gaîté et son calme, sa timidité aussi, St-Etienne pour affirmer sa résolution de défendre non certes devant les responsabilités mais devant l'indépendance du mouvement syndical contre les niaiseries de l'existence, et son intelligence toute tentative de subordination, d'où qu'elle pût claire et intrépide. venir. Car elle était bien vivante, équilibrée, solide, Lorsqu'elle vit au travail les fractions commu- pas plus abstraite dans son être qu'elle ne pensait nistes qui avaient été créées dans les syndicats, abstraitement les questions ouvrières: c'était pour elle sentit le grave danger qui menaçait la C.G. des hommes et des femmes vivants, dont elle avait T.U. et, pour s'opposer à la mainmise du Parti sur connu et partagé la dure et sanglante vie, qu'elle les organisations syndicales, elle fonda les G.S.R. avait besoin de lutter, non pour des théories et (groupements syndicalistes révolutionnaires). pour des thèses; et cela ne l'empêchait pas d'aper- Battue avec ses amis au congrès confédéral de cevoir et d'étudier les problèmes sociaux dans leur , elle ne milita plus désormais qu'au sein complexité, cela l'aidait au contraire à les poser de la Fédération qu'elle essaya de gagner à son et à leur chercher des solutions dans la réalité point de vue. C'est grâce à elle surtout que naquit concrète. Ici aussi elle donnait un exemple, et notre Action Syndicaliste en février 1925 et que particulièrement précieux dans le mouvement ou- fut organisée, dans la Fédération, la minorité syn- vrier d'aujourd'hui. dicaliste révolutionnaire. * De Thomas : (Indre) De Barruè : Evoquer les principaux événements de sa vie syndicale, c'est retracer l'histoire de plus de vingt L'exemple de Marie Guillot, inconnue peut-être années de la Fédération de l'Enseignement et du des tribuns de carrefour et des bluffeurs de la syndicalisme français, tant elle a été mêlée aux politique, restera parmi- nous. A une époque d'in- luttes de toutes sortes que les organisations trigue et d'arrivisme, sa vie demeure pour les d'avant-garde des instituteurs et des ouvriers ont militants syndicalistes comme une protestation dû soutenir contre la bourgeoisie et ses soutiens. muette contre les compromissions faciles et les Marie Guillot fut une collaboratrice assidue de paisibles « dégonflages ).-Elle nous a appris qu'au- l'Ecole émancipée où, pendant longtemps, elle fut dessus des thèses, des conflits théoriques, il y chargée de la Tribune féministe. Ses campagnes avait à la base du syndicalisme la fidélité à la ardentes ne furent pas étrangères au succès classe ouvrière et cette amitié entre militants qui gros aux luttes fratricides et aux injures de que remportèrent les groupes féministes de l'En- répugne « seignement lorsque le Parlement se résigna à ac- circonstance. Elle avait foi dans une morale des corder aux institutrices un traitement à celui producteurs» qui n'admet point le laisser-aller égal des lâchetés et — au siècle des machines des instituteurs. petites — Réprimandée en 1911, lors de l'affaire Paoli- et des outillages orgueilleux nous pouvons mé- Léger, elle le fut encore en 1912, après le congrès diter ces lignes de son dernier article: de Chambéry, pour avoir signé le Manifeste des « Peut-être avons-nous bien des choses à ap- instituteurs syndicalistes. Avec une poignée de prendre des Orientaux et ne faut-il pas trop nous militants, elle donna le signal de la résistance aux enorgueillir d'être des créateurs de machines. @ ordres de dissolution des syndicats d'instituteurs « Peut-être faut-il encore autre chose pour créer que la presse réactionnaire avait réussi alors à un monde équilibré. » faire lancer par le ministre de l'instruction publi- que et elle maintint sa section debout, malgré les menaces de sanctions administratives sévères et A ces jugements de militants (1) qui ont lutté à de poursuites judiciaires. ses côtés, vécu ses angoisses, ses espoirs, son te- Dès le début de la guerre, elle fit partie de la nace optimisme, j'ajouterai peu de chose. petite phalange qui, en dépit des dangers de On dit que le meilleur moyen d'honorer la mé- l'heure, osa affirmer ses sentiments pacifistes et moire de ceux qui tombent dans la lutte pour internationalistes et se dressa ouvertement contre notre idéal, c'est de rester fidèle à leur enseigne- le syndicalisme d'abdication et d'union sacrée qui ment. ensemble, si vous le voulez bien, avait été substitué par Jouhaux et les autres sur- Evoquons sitaires confédéraux au vigoureux syndicalisme d'action directe de la C.G.T.d'avant 1914. (1) Fontaine a également cité un passage de l'ar- C'est pendant que se déroula l'horrible tragédie ticle de Josette Cornée publié par la R. P. DISCOURS DE J. FONTAINE 9-89

les souvenirs qui nous rattachent au passé de no- Admirez, camarades, le ton simple, familier, op- tre chère disparue. timiste. Nous retrouvons toute Marie Guillot dans Marie Guillot a souffert des déchirements provo- cette lettre. qués par la scission. J'ai la conviction intime que Aujourd'hui, camarades, où la guerre réapparaît ces luttes fratricides auxquelles, malgré elle, elle menaçante, ramenée par les mêmes fautes, com- était mêlée, ont hâté sa fin. Elle se serait grande- mises par les mêmes hommes, soutenus par la ment réjouie des derniers événements qui ont même presse; aujourd'hui, devant le fléau mena- abouti au magnifique congrès qui, définitivement, çant qui sera cent fois plus terrible, où nous a scellé l'Unité et ressuscité la vieille C.G.T. voyons déjà dérailler tous les états-majors des Camarades, en nous inspirant de l'exemple de organisations démocratiques et ouvrières: parti Marie Guillot, tirons de l'Unité toutes les consé- communiste, parti socialiste, C. G.T., Ligue des quences nécessaires: avoir foi dans les destinées droits de l'homme, Front populaire, anciens com- du syndicalisme, maintenir farouchement son in- battants, camarades, écoutez la voix de Marie dépendance, savoir que nos syndicats sont quali- Guillot. Elle vous dit, cette voix: non" seulement abattre le fiés, pour capitalisme, Cette nouvelle guerre que l'on vous prépare dans mais pour reconstruire la société nouvelle, savoir odieuse l'on'vous fera faire la avec son double réseau de Fédéra- la plus équivoque, que que C.G.T., le poing levé, aux cris de « A bas le fascisme ! n, tiohs et d'Unions, est apte à assurer dans le bien- n'est dressez-vous contre elle de être et la liberté la totalité de la vie pas votre guerre; économique toutes vos forces. Pour vous, prolétaires, les mots et sociale du pays, sans compromission, sans atta- de défense nationale n'ont de che avec aucune autre nation, patrie, pas puissance, quelle qu'elle sens. Pour vous, femmes, mères, ces mots signi- soit. fient cris dé- Et où les circonstances sont aussi boue, meurtre, sang, d'agonie, appels aujourd'hui, chirants de la chair qui veut vivre et dont le sacri- tragiques qu'en 1914, honorons Marie Guillot en fice est un infâme. restant fidèles à son attitude pendant la guerre. A mensonge ses côtés — et ce n'est pas sans grande émotion Oui, camarades, la voix de Marie Guillot vous que je rappelle ce souvenir — nous avons été crie: N'écoutez pas vos dirigeants qui perdent la quelques-uns, au milieu de la démence universelle tête; tous, jeunes et vieux, réformistes et révolu- qui exerçait ses ravages chez les meilleurs d'en- tionnaires, signifiez-leur que si l'odieuse et tragi- tre nous, à ses côtés, dis-je, nous avons crié : Non! que comédie de 1914 ne leur a rien appris, qu'ils à la guerre, à la guerre du droit et de la civili- se taisent ou qu'ils s'en aillent. Formez non pas sation. la ronde des nations pacifistes, il n'y a pas de Marie Guillot, simplement, sans peur, avec son nations pacifistes en régime capitaliste, mais la calme imperturbable, sans hésitation aucune, comme chaîne des prolétaires de tous les pays, unis contre institutrice, comme militante, comme femme, s'est le monstre capitaliste par-dessus les frontières, les dressée contre la guerre. Censure, menaces, pour- nations, les patries. Ne connaissez, n'acceptez, ne suites, perquisitions, rien ne l'a fait plier. Une des faites qu'une guerre: la guerre des exploités con- premières,- elle a pris rang dans la phalange des tre les exploiteurs, des victimes contre les bour- militants qui ont résisté, réorganisé le mouvement reaux, de ceux qui souffrent contre ceux qui jouis- ouvrier sur le plan national et international, et sent et qui possèdent. dont l'écho profond a retenti à Zimmerwald et a Camarades, du fond de sa tombe, voilà ce que sauvé l'honneur du prolétariat. vous dit Marie Guillot. Ecoutons-la. Suivons son J'ai le devoir de vous lire la lettre que Marie exemple. Guillot en mai aux écrivait, 1915, militants de Et pour terminer, j'adresse à Marie Guillot une Paris restés fidèles à l'idéal prolétarien : « Merci de m'avoir prière: envoyé le numéro de l'Union Nous amie et — des Métaux. Je l'ai reçu peu de temps après la savons, chère grande camarade, Voix du Peuple. Eh bien ! la comparaison est édi- et je te parle surtout au nom de tes amis intimes, fiante. de ceux du Rhône, au milieu désquels tu es venue » Je suis extrêmement satisfaite du numéro de la dans ta détresse chercher un suprême appui, un Fédération des Métaux; c'est bien ainsi que j'au- — nous savons du fond de ta rais moi-même. Je vais suprême refuge, que jugé envoyer le numéro à nouvelle tombe tu nous reproches le geste- que une collègue de Montceau qui a si souvent déploré — avec moi les âneries et les pas de clerc de Jouhaux nous avons fait. Nous savons, et ta sœur nous et Cle. Elle y retrouvera comme moi la manière l'a rappelé avec juste raison, — que ton, désir de l'Internationale, elle le fera lire à Montceau, et était de rester là où la mort t'avait prise; nous tous nos Montcelliens (ceux qui restent) et nos savons que tu aurais préféré que tes restes repo- Montcelliennes loueront la et le cou- sent le vite dans la fosse commune de la clairvoyance plus possible rage fraction de la C.G.T. qui fut de l'oppo- avec ceux de ce peuple tu aimais tant et sition. Voilà des pièces à collectioner pour le mo- que pour ment où on lavera qui tu es morte; nous savons que tu n'aurais le linge sale par devant tous voulu ni ceux qui reviendront et tous ceux qui n'ont pu ou concession, ni monument. Au nom de su se faire entendre sous le bâillon de la censure. tous tes amis, pardon, Marie Guillot. Plus tard, n Je voudrais conserver ce numéro que je demande écoute, peut-être avant cent ans, la Révolution à mon amie de me retourner après l'avoir fait sera un fait accompli. Une mère avec son enfant i lire autour il me servir lors un notre d'elle; pourra de passeront jour devant cette allée. L'enfant de- première réunion syndicale: nos gars se- mandera à sa mère: « Dis, maman, qui était ront contents, tous comme nous toutes, les opposants que Marie Guillot? » Et la mère répondra: « Je ne continuent; ils auront derrière eux, sais mon une de ces femmes de. pour les soutenir, une masse beaucoup plus consi- pas, petit; l'épo- dérable que ne le fait croire l'actuel aveuglement que héroïque qui ont lutté et qui sont mortes pour de trop nombreux militants. Ce sont eux qui tien- que tu sois heureux aujourd'hui; aime-la autant nent chez nous le drapeau de l'Internationale. que ta mère, mon petit. » Alors, tu nous compren- » Faites part de mon opinion à Merrheim relati- dras, et tu nous pardonneras. vement au travail de la Fédération des Métaux à la L.G.T.; ça lui fera plaisir de savoir nos Marie Guillot, un dernier adieu; dors en paix syndiquées institutrices que au milieu des tiens et de tes bons camarades de - de Saône-et-Loire sont bien avec lui et les hommes aussi, d'après ce Saône-et-Loire et sois tranquille: nous continuons qu'ils nous écrivent." la bataille. EN MARGE. par Romagne

Il me reste à dire quelques mots sur les articles RÉACTIONS SUR KIPLING de Régis Messac parus dans les Primaires et l'Ecole émancipée. Régis Messac s'étonne d'avoir trouvé mon article dans la R. P. La R. P. est la réunion Deux bons camarades de la R. P. ont écrit pour d'un certain nombre d'esprits non conformistes, faire connaître leur point de vue sur Kipling. Vous courageux et indépendants qui comprennent qu'on avez lu la lettre de Postgate à ce sujet. ne soit pas de leur avis et qu'on le dise. Ils se Les abus stupides que les éditeurs ont pu faire font de la liberté, de la liberté d'autrui surtout, du poème des « Si » n'enlève rien à sa grandeur. une idée qui n'est plus très courante aujourd'hui, Les Anglais sont bien excusables de trouver qu'ils mais qui a son crédit et sa valeur. Ils ont le cou- l'ont vu trop souvent, mais nous n'avons aucune rage de se conformer à cette conception, même raison d'avoir les mêmes sentiments. Quant à la quand ce n'est pas agréable pour eux (ce serait question hindoue que soulève Postgate, elle est trop facile autrement). Evidemment, c'est une atti- d'une ampleur qui dépasse énormément la place tude que tout le monde n'est pas en mesure de dont je dispose. Je tiendrais toutefois à savoir si comprendre et d'apprécier. les brahmanes considèrent les Anglais, ignobles Terminons-en avec Régis Messac. Quand parut le mangeurs de viande de vache, comme leurs égaux? Livre de la Jungle, tous nos nationalistes véhé- Sur la question hindoue, il faut voir le livre Mo- ments se reconnurent dans le peuple des Bandar- ther India de l'Américaine Katherine Mayo. La tra- Log et accablèrent l'Angleterre et Kipling de leurs duction française n'est pas merveilleuse, l'éditeur spirituelles et habituelles insanités. Naturellement, ayant supprimé treize chapitres qu'il a jugés ne personne ne répondit de l'autre côté de la Manche. pas devoir nous intéresser, mais telle qu'elle est, Je regrette sincèrement que les « Primaires » on peut tout de même en extraire quelque chose. soient les seuls à vibrer auj ourd'hui comme nos Partie pour dire leur fait aux Anglais, Katherine nationalistes d'antan. Ils sont plus clairvoyants Mayo a écarté tous les documents et renseigne- et moins étroits d'esprit d'habitude. Et puis, mon ments d'origine britannique pour aller faire son Dieu, est-ce parce que Maupassant a refusé la enquête sur place et ses conclusions ont été telles Légion d'honneur qu'il faut le sacrer grand clerc? que son livie a été solennellement brûlé par les Je ne savais pas que la Légion d'honneur pouvait nationalistes hindous eux-mêmes. Partout et tou- avoir tellement d'importance. Tout serait à repren- jours, les nationalistes sont les nationalistes, et dre dans les articles de Régis Messac, mais je n'ai ceux de l'Inde ne sont ni plus intéressants ni plus pas le temps de me consacrer à parfaire ses con- intelligents que les autres. Car, là-bas aussi, c'est naissances, il doit être en mesure de le faire lui- l'aristocratie qui est nationaliste et, qui plus est, même. Je pourrais, par exemple, lui demander ce l'aristocratie religieuse, c'est-à-dire la pire de tou- qu'il entend par « esclaves hindous», ces fameux tes par l'étendue de ses préjugés. J'aurai de la « esclaves» pour lesquels Kipling n'a eu aucun sympathie pour les nationalistes hindous (si tant sentiment de pitié. A-t-il découvert une nouvelle est que je puisse me faire violence jusqu'à avoir caste hindoue? A part ça, il est tout à fait exact de la sympathie pour des nationalistes quels qu'ils que Kipling n'a jamais manifesté de pitié pour les soient) le jour où les populations sans caste, les Hindous. La pitié est un sentiment gratuit et hono- parias (les intouchables, comme on les appelle là- rable pour celui qui le ressent, mais dégradant bas), ceux qui n'ont même pas droit à l'eau, le pour celui qui l'inspire. Kipling a manifesté à seront aussi, ou encore le jour où la caste des l'égard des Hindous des sentiments plus nobles que Brahmanes sera ouverte aux 65 millions de parias la pitié. Il avait horreur du sentiment pour le sen- qui n'ont, pour les protéger contre les Hindous, timent. J'ajouterai que ce n'est pas ce qui me dé- que les Anglais. Vous en doutez, peut-être? Atten- plaît le plus en lui. dez et donnez-vous la peine de vérifier si bon vous semble. Le prince de Galles (l'actuel Edouard <>0 VIII), passant en automobile sur une route des Indes, vit une dizaine d'hommes, hors de la route, Cinémas qui s'aplatirent à son approche et restèrent immo- biles comme des corps morts. Il demanda au guide qui l'accompagnait qui étaient ces hommes. TEMPSMODERNES(Charlie Chaplin). — Rien, répondit simplement l'autre. Ne vous Le vagabond donne une admirable leçon à son arrêtez pas. époque dans le style qui lui est habituel. Il est Le prince stoppa et insist31 inutile de faire un compte rendu de son film. Il — Ce sont des parias, finit par dire le guide, y a des choses qu'il vaut mieux voir que lire. des hommes sans caste. Il est préférable de ne 0 pas vous approcher d'eux. Le prince sauta de voiture et courut leur serrer FANTÔMEAVENDRE. la main. Oscar Wilde a déjà raconté une histoire d'Amé- Si l'histoire s'arrêtait là, elle n'aurait aucun ricains, de produits d'entretien et de fantôme. intérêt, mais elle eut une suite. Le lendemain, tous Mais cette histoire finissait d'une façon macabre les journaux hindous disaient en caractères énor- et romantique. Par lui-même, un fantôme est déjà mes que le prince de Galles avait déshonoré l'Inde un accessoire passablement romantique. Celui du et tous les Hindous en serrant la main à des intou- film est un garçon très sympathique en jupe écos- chables. saise et, en son temps, fort épris de bergères alors Pour ce qui est de la formule « du fardeau de que son vénérable père absorbait beaucoup de l'homme blanc», on me fera difficilement croire fortes doses de whisky. Mais l'intérêt véritable de qu'elle ait tué un seul indigène qui n'aurait pas l'histoire est ailleurs. Une famille américaine vi- été tué de la même façon sans la formule. Pour site et achète le château, le fait démolinet recons- les puissances qui colonisent, la vie d'un indigène truire pierre à pierre en Floride. Le fantôme tient n'a pas valu plus cher avant qu'après la formule. son rôle dans cette partie où sont mis en valeur, à Mais, dans le même ordre d'idées, ne pourrait-on la mode anglaise, les travers des Américains: leur se demander combien de pauvres diables, qui agitation d'hommes d'affaires exclusifs, leur amour n'étaient ni princes ni grands-ducs et qui se por- du bluff, de la publicité tapageuse, leur mauvais teraient encore bien, ont cessé de vivre en U.R.S.S., goût et, en fin de compte, leur déconcertante jobar- du fait de l'interprétation plus ou moins étroite derie. Je n'ai pas la prétention de m'étendre là- ou plus ou moins forcée des textes et des paroles dessus. Il est préférable que vous alliez voir le de Lénine? film. « RÉALISATIONS SOCIALISTES »

LES ASSURANCES SOCIALES EN U. R. S. S. (Suiteet fin) Quant aux vieillards retraités (1), nous avons en- , « ouvriers» et où personne n'a même le droit tendu en 1933 l'organe syndical leur répondre lors- ; d'exprimer une opinion sortant un tant soit peu de que, à bout de misère, ils sollicitaient la « faveur» l'orthodoxie? de pouvoir manger, en payant, au réfectoire — bon C'est de l'assurance contre l' « héré- - peut-être marché de l'usine à laquelle ils avaient donné ; sie », mais pas de l' « assurance sociale ». leur vie: partout ailleurs, il y a en U.R.S.S. des « Si vous voulez améliorer votre sort, camarades, Commeécoles maternelles. On les appelle « jardins d'en- revenez à l'atelier, nous trouverons pour vous quel- fants », bien que le jardin lui-même y fasse souvent ques emplois peu pénibles; autrement, impossible ft, défaut et que la cour de récréation n'y soit même de vous permettre le repas au réfectoire, vous savez pas obligatoire. Ces « maternelles» soviétiques étant bien qu'il ne peut être accordé qu'à ceux qui tra- I payantes — sauf pour un petit nombre d'indigents vaillent! » ; - il est clair que non seulement on ne peut ici Et c'était vrai: le comité syndical d'usine ne : parler d'un « sursalaire », mais on doit même pouvait pas accorder une telle « faveur », on ne | constater un désavantage vis-à-vis de démocraties fournissait le réfectoire en portions, d'ailleurs t capitalistes aux maternelles gratuites. congrues, que selon le nombre de travailleurs pré- L'entretien des colonies d'enfants assistés et sents au boulot! ! rentre dans ce ! d'orphelins également chapitre, Mais il a une chose | ainsi que les crèches-garderies où la mère de fa- y qui est encore plus grosse — — de conséquences, c'est une inégalité inimaginable. ! mille pauvre et seulement la pauvre laisse La pension ouvrière varie de 25 à 50 roubles par son bébé pendant le temps de travail à l'usine. Car mois, rarement plus, seuls quelques anciens super- il faut savoir que la plus grande quantité de crèches 1 oudarniks peuvent atteindre 70-80 roubles. Elle N,en U.R.S.S. n'est nécessitée que par une plus est personnelle, enlève le droit au réfectoire sans grande nécessité que partout ailleurs pour la femme dispenser de payer son loyer, et n'est accordée à d'ouvrier de suivre son mari à l'usine et c'est cette l'ouvrier lui-même qu'après lui avoir fait subir • obligation pour les mères de travailler aux pièces tous les caprices de commissions d'Etat spéciales, et à la chaîne qu'on aura eu l'inconscience d'appe- jamais pressées et toujours à l'affût pour trouver ler leur émancipation! un défaut dans ses papiers justificatifs. Il est sou- Même une partie du budget de l'instruction pu- vent bien difficile de prouver ses droits aux 30 ? blique est couverte par les assurances sociales roubles, tandis que d'un simple petit trait de plume alors qu'en réalité la gratuité de l'enseignement les organes supérieurs de l'Etat accordent à des ; même primaire est très relative, puisque partout les veuves, à des enfants de personnalités éminentes parents doivent payer les livres et cahiers des du régime (grands responsables du parti ou des élèves; mieux, comme les livres ainsi achetés par grandes administrations, professeurs, techniciens, les parents restaient en fin d'année la propriété etc.) des pensions de 250 à 1.000 roubles et plus v « socialiste» de l'école, il n'a pas fallu moins par mois en outre d'autres privilèges très avanta- d'une décision spéciale du 7 août 1935, signée de geux, comme celui de jouir d'un appartement ou Staline, pour qu'ils soient la propriété légale de d'une villa affectée en viager à la famille du « no- ceux qui les ont payés. Par les Izviestia du 8 août table » par l'Etat « socialiste ». De l'autre côté 1935, on voit même que dans ce commerce l'Etat de la barricade, la .veuve et les enfants de l'ouvrier faisait de bonnes affaires : il arrivait que l'école n'ont droit qu'à l'usine ou aux colonies de l' « As- faisait payer dans le cours élémentaire 5 roubles sistance publique ». ; par élève, alors qu'elle ne lui donnait en réalité Voilà expliqué l'emploi des deux premiers mil- que pour 3 roubles de livres; dans les classes du liards du budget des A.S. Passons aux suivants. cours complémentaire et supérieur, on fait payer à Moscou jusqu'à 24 roubles par an et plus par élève; A et malgré cela, on n'a souvent qu'un seul livre — II. Ce qui frappe dès qu'on aborde ces quasi pour 3 à 5 écoliers (toujours des mêmes Izviestia). deux autres milliards, c'est qu'ils sont employés à Mais sous le tsarisme la fourniture de livres et des choses peut-être très utiles, mais que jusqu'ici cahiers était gratuite dans l'enseignement primaire aucune société, même capitaliste, n'avait eu le tou- et il faut vraiment une fière assurance que la vé- pet de qualifier assurances sociales ou complément rité n'est qu'une question de moyens techniques de salaire. d'information pour bluffer à ce point. Voyons, on construit des immeubles d'habita- C'est comme ces bourses d'études qui sont loin tion occupés souvent par des privilégiés et où d'être égalitaires et dont ne bénéficie en fin de tous paient leur loyer, comme compte que cette partie bien minime de la popula- partout ailleurs, et tion est la suite à on appelle cela assurances sociales! Mais il y a (les étudiants) qui appelée par * plus fort: l'édification et l'entretien de jouir des hautes fonctions: personne ne peut voir jardins pu- là blics - baptisés pour la circonstance « jardins de la un supplément de salaire à ceux qui produisent. culture et du repos» — et de stades sportifs où Bientôt, peut-être, on nous présentera les privi- l'entrée est d'ailleurs payante, sont un complément lèges des dirigeants comme un supplément de sa- de salaire. « socialiste »! laire des dirigés! Et que dirons-nous de ce « travail culturel » Non, il est clair que ce second tiers du budget J qui ne consiste a propager chez les travailleurs l'unique peut-être inclus dans les assurances sociales ) dernière directive du pouvoir dans des clubs dits sous peine d'être obligé d'en faire de même vis-à- vis du régime capitaliste. (1) Voirle début de cette étude A février 1936. n° 217, du 25 III. — La R.P. du 10-3-35 a relaté l'état déplo- 12-92 LA REVOLUTION PROLETARIENNE rable de la santé publique en U.R.S.S. et nous long mur. En somme, tout ce qu'il y a d'appréciable voyons ici qu'on ne s'est tout de même point gêné dans le repos dit « bourgeois ». pour mettre cette misère au compte du complé- On ne se cache même pas et le Comité central ment de salaire. Oui, l'assuré social et sa famille du syndicat des écrivains ukrainiens a décidé ont droit aux soins, aux médicaments et à l'hospi- (Izviestia du 2-8-35) la construction d'une villa talisation gratuits, mais il faut préciser que les particulière sur le bord de la mer pour l'écrivain « notables» du régime ont droit aux soins, aux malade N. Ostrovski. Ce n'est pas pour rien que médicaments et à l'hospitalisation gratuits dans des Staline a lancé en mai dernier le fameux: « Les établissements comme celui du Kremlin où le choix cadres avant tout ». du personnel médical est inutile, puisque se trou- Ces deux repos opposés sortent pourtant du vent réunies là toutes les sommités de l'art médical même budget des assurances sociales, et le Livadia et chirurgical, et où le malade est aux petits soins, en question n'est que ce qu'il y a de mieux dans le tandis que le pauvre bougre de travailleur a non genre; on ne saurait parler, avec quelque chance seulement perdu le droit du choix de son médecin, d'être entendu, du pire, c'est-à-dire de ces cham- mais il n'a acquis que celui de soins pour indi- brées de repos pour le peuple, où règnent parfois, gents dans des infirmeries et hôpitaux où l'hospita- en plus de la discipline, la disette, les cafards et lisé doit être soutenu de l'extérieur en colis de pain les punaises. de froment pour pouvoir tenir le coup. Les difficultés pour aller passer ses vacances au C'est pourquoi évidemment on cache soigneuse- village, même chez ses parents, étant quasi insur- ment la part des budgets de la santé publique et des montables, le travailleur des villes n'a guère assurances sociales qui va aux soins pour notables. d'autre issue que de briguer une place dans un éta- Il semblerait que la société n'a jamais été aussi blissement de repos de l'Etat. unie et égalitaire pour mettre tout le monde dans la Au village, le paysan n'a souvent, depuis la col- même rubrique, alors qu'en réalité, là comme lectivisation de ne mou- dans d'autres domaines de la vie sociale, une méde- forcée, que juste quoi pas « rir de faim et lersqu'il possède un petit excédent, cine entretenue au compte de la communauté tout relatif il ne le cède un socialiste» est très inégalement distribuée au pro- d'ailleurs, qu'à prix — dix et vingt fois supérieur à celui de la ville; le fit de la « fonction» ce remplaçant inattendu kilo de de la pain de seigle qui coûtait en 1933-34 de propriété privée. 0,30 à 0,60 rouble à Moscou coûtait chez les Le demi-milliard de roubles qui va à la construc- paysans de la région de 3 à 6 roubles, tous les tion et à l'entretien de maisons de repos, sanatoria, autres alimentaires à l'avenant. « » des produits Ainsi, Rivieras et villes d'eaux, demande lui aussi celui qui n'avait pas suffisamment d'argent, mais éclaircissements détaillés. voulait tout de même respirer le bon air en com- Il existe trois grandes catégories d'établissements pagnie de sa famille et éviter la « caserne», était de repos: les plages et villes d'eaux, les sanatoria obligé (jusqu'à la suppression récente des cartes et les maisons de repos. d'approvisionnement) de solliciter le « droit » Tous ces établissements ont de commun qu'ils d'acheter à l'avance et sous forme de farine sa sont d'autant plus confortables, discrets et tran- ration hebdomadaire de pain, celle de sucre, quilles que les catégories de gens à qui ils sont d'huile, de pâtes, de millet, etc., et d'emporter tout destinés remplissent une fonction sociale plus cela avec soi à la campagne. Et oui, on faisait son élevée. entrée au village dans une charrette, assis sur un Certes, on respire le même bon air, on se bronze sac de farine qui attirait les regards « envieux» au même soleil et se baigne dans la même mer des paysans! Nous avons à Paris un ami qui pour- Noire, mais il semble que c'est seulement parce que rait témoigner nous avoir aidés en 1933 à mettre la science et la technique ne peuvent pas encore les aux bagages les précieuses provisions. compartimenter. On différencie tout ce qui peut Très peu de travailleurs peuvent donc jouir des peut l'être: la bonne chère, le confort, la disci- vacances au village et le séjour dans des « casernes pline, le service, la solitude, etc. de repos » est à peu près l'unique moyen de fuir Sur la Riviera russe, en Crimée, vous trouverez à la ville. - Livadia une ancienne résidence du tsar transformée Une brochure, explicative éditée en 1934 par les en maison de repos pour les paysans. Quel sym- syndicats soviétiques (2) donne on ne peut plus bole! Et pourtant! Les grandes salles sont deve- clairement les principes qui président à l'organisa- nues des dortoirs, des réfectoires, des « préaux » et tion du repos. Citons-en quelques extraits. la propriété est devenue une « caserne du repos» C'est évidemment la « science » qui sert de base pour le menu peuple. Non seulement il ne peut pas (page 39) : être question de venir avec sa famille ou de choi- « .l'étude scientifique du repos des travailleurs, sir son voisin de lit dans un dortoir pour 30 ou 40 c'est l'étude de l'influence du repos « organisé » sur personnes, mais on ne peut s'attarder à flâner sur la restauration des forces, et l'augmentation de la la plage ou dans les bois environnants qu'en sacri- productivité du travail des ouvriers. Une telle étude fiant son repas et risquant l'indiscipline, sans par- a une grosse importance pour rationaliser le repos ler de l'obligation de suivre régulièrement les cours du travailleur. » politiques et les manifestations artistico-éducatives L'homme a cessé d'être un but pour devenir plus qui doteront le corps sain d'un esprit. policé. que jamais un moyen de produire et on remarquera Le régime « matériel» et « spirituel» y a été cette insistance sur les moyens d'augmenter son dressé au nom de la science par des hygiénistes et potentiel de productivité et de le doter d'un esprit des sociologues, mais dès qu'on quitte Livadia pour uniforme adéquat au grand tout que l'élite impose arriver à Gourzouf, quelques kilomètres plus loin, et dont elle seule jouit vraiment (page 12) : on est tout de suite frappé du dédain qu'ont les « Tout le système du repos ouvrier en U.R.S.S. « notables », de cette science du repos qu'ils dis- sert directement les buts de la construction socia- pensent à la population. Là, c'est la chambre per- liste, de l'augmentation de la productivité du tra- sonnelle, le petit pavillon dans le parc, le menu vail et de la santé de la classe ouvrière. » varié et fin, les domestiques au pas calfeutré; aucune fabrique d'âmes chez ceux qui fabriquent (2) « Le repos des ouvriers n, avec sous-titre celle des autres, la flânerie à toute heure sur la « La tâche des syndicats dans les assurances so- plage et dans le parc protégé des importuns par un ciales». LES ASSURANCES SOCIALES EN U.R.S.S. 13—93

Plus loin, page 40 : table», soyez au moins un « super-oudarnik » et « Les travaux de l'institut d'hygiène et de patho- vous aurez quelque chance de succès! logie du travail d'Odessa démontrent que notre Quand on a travaillé toute l'année dans la mine repos ouvrier socialiste ne doit pas être le vieux ou à l'usine, on aspire au bon air et au changement « repos du (ott) travail», mais doit être trans- d'atmosphère, même sous forme de caserne, et formé en « repos pour (dla) le travail », pour le pourtant bien peu en peuvent profiter. relèvement de sa productivité. Pour cela, il faut Les statistiques officielles pour 1932 (3) indiquent trouver les formes les plus adéquates, les plus ra- les chiffres suivants: tionnelles du repos ouvrier dans tous les do- PLAGESET SANATORIA maines. » VILLESD'EAUX Mais que signifie cette conception du repos « en Travailleurs des mines.. 1 sur 200 1 sur 60 vue» du travail au lieu du repos « à cause » du Textile 1sur 435 1 sur140, travail? (page 12) : Enseignement 1 sur 1.400 1 sur 290 « Le repos de notre ouvrier soviétique doit consis- Employés (petits) 1 sur 1.660 1 sur 500 ter en une juste synthèse alliant la récupération des Pour l industrie lourde (y compris les mines) en forces et de l'énergie au développement culturel et 1934, Chvernik, secrétaire général du Comité cen- politique: les exercices de culture physique pour tral des syndicats (4), donne: ceux qui se reposent doivent les préparer à passer 1 sur 380 1sur 114 avec succès les épreuves du « prêt pour le travail Quant aux chiffres généraux pour tous les tra- et la défense»; on organise des jours spéciaux vailleurs (sans les paysans), ils donnent, pour d'éducation politique, des marches militaires. Tout 1932, environ 1 sur 500 profitant des plages et villes ceci forme une base solide permettant de détruire d'eaux, 1 sur 140 des sanatoria et 1 sur 20 pro- à jamais le préjugé extrêmement nuisible hérité de fitant des maisons de repos proprement dites, c'est- la bourgeoisie que le repos c'est non seulement « ne à-dire des chambrées de repos dans la banlieue rien faire» et se défendre contre le travail, mais immédiate des villes pour la plupart. encore quelque chose qui s'oppose au travail. » Pour 1934, les Izviestia du 1-2-35 donnent des Cela veut dire que le travail, l'atelier devient une chiffres globaux ne dépassant guère ceux de 1932, obsession monstrueuse. On rêvait du Travail libé- alors que la population ouvrière a dans le même rant le travailleur, et on dresse un Travail sacré qui temps beaucoup augmenté. Il n'y a donc aucune l'écrase même au repos. Quelle société avait osé amélioration des proportions citées. une telle conception et n'est-ce pas une classe ex- Ces chiffres officiels appellent les remarques ploiteuse nouvelle, jeune et vigoureuse, qui soit suivantes: seule capable d'autant de hardiesse? 1° Les membres de la famille ne sont pas com- Le « prêt pour le travail et la défense» est pris et si on multiplie par 3 le nombre des salariés un insigne de préparation militaire qu'on accorde pour avoir celui des habitants, on obtient que dans aux citoyens et citoyennes ayant passé avec succès une ville de 3 millions d'habitants comme Mos- des épreuves déterminées de sport et de tir. C'est cou, environ 2.000 ont joui, plus ou moins gratuite- cela qu'on impose en plus des jours politiques et ment, des plages et villes d'eaux, 7.000 des sanatoria des marches militaires aux travailleurs en vacances. et 50.000 du repos en banlieue (en réalité, pour Mos- Il ne faut pas leur laisser le temps de penser, de cou elle-même, les premiers chiffres sont bien plus revenir sur eux-mêmes, ça peut être dangereux un élevés au détriment de la province où il y a beau- esprit qui flâne! Vite, au nom et à l'aide de la coup moins de notables). Le correctif que peuvent science, mettons-lui des œillères, occupons-le! apporter les colonies de vacances pour écoliers — Enfin, bon ou mauvais, le repos « organisé » c'est d'ailleurs payant — ne changerait guère règne en U.R.S.S. Voyons comment on y atteint et l'ordre des chiffres cités, étant donné que le coeffi- qui y atteint. cient 3 que nous avons utilisé est un minimum pour D'abord, il n'est pas gratuit pour tous, les uns ne l'U.R.S.S.; paient absolument rien, d'aucuns paient la moitié 2° Sous le nom « travailleur », on comprend à ,du transport, d'autres le transport entier, d'autres la mine comme à l'usine aussi bien l'ouvrier que encore paient le transport, une partie du séjour ou ses chefs, les techniciens et les employés de bu- le séjour entier. Le degré de gratuité n'a aucun reau et une simple visite des villes d'eaux, plages rapport avec les revenus du travailleur, il ne dé- et maisons de repos montre que plus on s'élève pend que de son utilité pour le régime, du « pis- dans le confortable du repos plus la proportion des ton» et d'une petite part de chance. responsables et techniciens augmente, partant de Chaque année, par l'intermédiaire des syndicats, zéro dans les casernes de repos de troisième ordre l'usine reçoit un nombre donné de permissions de (qui sont l'apanage des permanents de base et des repos à distribuer (gratuites, semi-gratuites et ouvriers super-oudarniks) pour atteindre presque payantes). 100 dans les plages et villes d'eaux en vogue; Comment cela se passe-t-il ? 3° On n'indique pas le degré de gratuité, alors La page 22 de la même brochure nous répond qu'une partie des intéressés paient une part de par l'exemple de l'usine « Poutilov » de Lénin- leur séjour. grad (30 à 40.000 ouvriers métallurgistes) : Est-il besoin, maintenant, de résumer que cette « Les organes syndicaux de l'usine « Poutilov » pratique « socialiste» de l'inégalité sociale dou- ne donnent leur avis sur un candidat qu'après avoir blée de prime à la productivité et à l'orthodoxie ne minutieusement examiné comment il remplissait saurait être appelée une amélioration du sort des les normes de productivité, quelles étaient la qua- travailleurs ? lité de son travail et son activité sociale? Etait-il Signalons encore, avant de passer aux conclu- le meilleur oudarnik ?. sions, que dans l'esprit soviétique la rubrique de « Comme on le voit, à l'usine « Poutilov » on l'hygiène et de la sécurité du travail fait également a pris la voie partie des assurances sociales. juste pour choisir ceux qui ont droit - aux maisons de repos, sanatoria, plages et villes d'eaux. » (3) Brochure éditée par les syndicats en 1933 : a « Le niveau de vie des ouvriers soviétiques chacun le droit de poser sa candidature, mais s'élève», 64. le choix, comme on le ne très p. voit, dépend que peu (4) <(Za indoustrializatsiou » du 24 septembre de votre état de santé. Si vous n'êtes pas un « no- 1934. 14-94 LA REVOLUTION PROLETARIENNE

Il s'agit du cas, par exemple, où l'ouvrier, respi- nouvelles conceptions qui s'implantent; c'est par rant la poussière malsaine de sa machine en acti- elles qu'on voit, pour ainsi dire, le bout de l'oreille vité, voit sa situation améliorée par l'installation de l'Histoire: d'un aspirateur. Sa situation est doublement amé- Il n'y a, plus de propriété privée! Mais alors, liorée, explique-t-on, parce qu'il sera moins sujet finie l'exploitation? Que non, le Privilège a plus aux maladies et que, les conditions de travail étant d'un tour dans son sac: auparavant, il fallait meilleures, il pourra bénéficier un tant soit peu de « posséder» quelque chose pour en jouir et c'était l'augmentation de la productivité qui suivra l'obli- ce « posséder » qui irritait ceux qui ne « possé-, gatoire relèvement des normes. (Toute amélioration daient » pas. Eh bien! soit, tout le monde possé- des conditions de travail amène automatiquement un dera la propriété commune maintenant, mais. on relèvement des normes.) Ne nous aventurons pas en jouira inégalement! N'est-ce pas beau comme dans une telle compréhension de la rationalisation, tour de passe-passe? elle nous conduirait à dire que Ford fut le premier- Les assurances sociales perpétuent le privilège. réalisateur socialiste! Au nom de la sécurité du travailleur, le haut fonc- tionnaire n'a même plus besoin d'économiser pour Conclusions l'avenir, la société nouvelle lui garantit le privi- à vie. La première conclusion est celle d'un bluff lège Par contre, au travailleur de la base, à qui elle éhonté. Certes, il y a de beaux principes, mais ils ne l'instant la misère à ne sont le reflet formel de ce peut pour que garantir vie, plus déjà que qu'avait elle dit: « Autrefois, c'était la peur du renvoi qui imposé au début la classe travailleuse révoltée. te faisait la cadence de travail et te ren- Dans une ce n'est ce arrache augmenter révolution, pas qu'on dait discipliné; maintenant, il n'y a plus de patrons, à l'Histoire lors du sursaut de colère qui compte, c'est-à-dire il a tous et le mais ce a su en conserver la lors- n'y en plus qu'un pour qu'on par suite, renvoi par lui-même devient un facteur négatif; il que le nouveau monde prend forme et que le fac- au te lier à du déchaîné dis- faut, contraire, l'usine, t'y attacher, teur, auparavant décisif, peuple a même par un secours-maladie et accident, une pos- paru. L'histoire des assurances sociales est, en sibilité de et une dont les celle la repos maigre pension petit, de révolution, c'est-à-dire celle du taux varieront selon ta productivité, ta conduite, grignotement des avantages que le travailleur avait ton ancienneté et tes opinions à l'égard du nouveau imposés en 1917. Mais on ne grignote pas ouverte- patron. » ment un tel colosse, même apaisé; il faut le leurrer 'Et comme le nouveau Moloch est plus exigeant de mythes et le flatter par un bluff et une déma- que l'ancien, il veut qu'on utilise tout, même le gogie appropriés. Il ne doit s'apercevoir de la transforme au « repos si maigrement distribué, qu'il comédie » que lorsqu'elle est jouée! De là tous nom de la science — cette science que le marxisme ces mots nouveaux, sans contenu, que les révolu- s'était tant appliqué à lier au sort des travailleurs tions laissent après elles. — en système d'éducation politique, de préparation La plus grosse partie du budget (les deux tiers) à l'augmentation de la productivité et au service n'a rien à voir avec notre compréhension des assu- militaire! rances sociales et, en réalité, les 30 du salaire Voilà où en sont les assurances sociales en qu'on retient se réduisent par la suite à quelque U.R. S. S. 6 ou 7 de supplément de salaire inégalement Le niveau de vie matérielle est une chose qui distribué. peut varier, la dictature politique personnelle est Non seulement la dynamique des budgets géné- par essence passagère — ne nous leurrons pas, raux des A. S. montre un relèvement considérable l'abondance sera encore longue à venir (si elle de la partie qui leur est étrangère (selon le journal vient) et la' dictature ne semble pas en danger — syndical Le Troud du 27 juin 1934, le premier mais, quoi qu'il arrive, ceux qui s'habituent de plus groupe de dépenses — pensions et indemnités di- de — en plus à tenir une part toujours plus grosse verses représentait encore les deux tiers du bud- l'unique gâteau ont déjà suffisamment pris cons-' get en 1929; aujourd'hui, seulement le tiers), mais cience d'eux-mêmes pour ne jamais consentir à la on a dans le même temps diminué le salaire réel céder. par des impôts avoués ou non atteignant de 15 à Ceux qui jouissaient de gros privilèges alors que 21 du salaire et par une inflation incessante. la misère régnait ne feront qu'avoir plus d'appétit On a diminué le taux des secours-maladie et lorsque l'abondance viendra et il ne restera plus accident, revisé sévèrement les pensions et telle- aux autres, à ceux d'en bas, qu'à leur arracher des ment réduit le standard de vie du travailleur que bribes, comme autrefois! même le secours aux femmes en couches et les M. YVON. fameuses crèches d'usines ne sont plus qu'une triste nécessité pour la conservation de l'espèce puisque la dans aucun autre est rivée mère, plus que pays, PARTOUT ! à la « chaîne » et au travail aux pièces des usines. UNION SACRÉE L'ouvrier ne joue même plus aucun rôle dans l'organisation de sa sécurité. Son syndicat n'est plus L'llumanité a publié, le 26 mars, un communi- qu'un appareil d'Etat remplissant ici la plus basse qué qui n'appelle point de commentaires. Il est suffisamment par lui-même. Le voici : fonction de la nouvelle société: celle d'entraîner éloquent serviteurs de à une et Une délégation de l'Association des les travailleurs plus grande productivité la patrie à l'étranger (groupement de Russes émi- de leur répartir, selon des règles imposées et ini- grés) s'est rendue ce matin au consulat général de ques, une maigre sécurité — juste ce qu'il faut l'U.R.S.S. à Paris auquel elle a communiqué le pour entretenir l'émulation et la jalousie. texte d'un télégramme adressé par son bureau à Les assurances sociales ne sont que quelques fa- M. Kalinine, président du Comité exécutif de l'U.R. veurs accorde ou S.S. à Moscou. Ce télégramme est conçu en ces ter- que l'Etat-patron tout-puissant mes: n'accorde pas. C'est l'aumône du nouveau monar- nous Le CIA cette heure redoutable que traversons, que aux parias qu'il exploite. prolétariat qui les patriotes russes à l'étranger vous prient de les accepterait une sécurité dont il ne serait pas le compter parmi ceux qui sont enrôlés pour le tra- maître montrerait par là sa maturité. pour un nou- vail et la défense du pays. Nous saluons chaleu- vel esclavage. reusement notre peuple, son gouvernement et l'ar- Mais ce qui est encore plus grave, ce sont les mee. FAITS ET DOCUMENTS ------

vertu de quelque pacte que ce soit, la classe ou- LES DÉCLARATIONS CONTRE vrière ne donnera son adhésion ni matérielle ni LA GUERRE ET L'UNION SACRÉE morale à la guerre; Et elle lui opposera toute sa force par Nous avons pu- la qu'enfin Le Syndicat blié dans notre grève générale. des CorrecteursC„orrect,Jeurs Face aux événements actuels, et devant les parisiens précédent numéro écœurants propos et écrits publiés dans l'intention la résolution contre la guerre proposée par le Syn- d'affoler l'opinion publique, le Comité général de dicat des Correcteurs parisiens au Congrès de Tou- l'Union des Syndicats de la Seine a le devoir louse; sur la base de ce texte, cette organisation d'affirmer que les agissements d'un Hitler trou- a lancé, à l'occasion du Comité général de l'Union vent leur cause dans le traité de Versailles que la des Syndicats de la région parisienne, le 17 mars, classe ouvrière de ce pays a toujours dénoncé un appel aux syndiqués: « Les Syndicats devant à comme un danger pour la paix. la guerre H, suivi d'une résolution complétée Le Comité général n'ajoute pas foi dans les préten- propos des événements actuels et signée par les dus sentiments de pacifistes des bourgeois français délégués plusieurs— organisations syndicales. qui, après avoir dépensé des milliards pour dres- Voici ces deux textes qui furent, d'ailleurs, par ser des engins de meurtre tout au long de la les soins des correcteurs, l'objet d'une large frontière de l'Est, crient au scandale parce que fusion à la réunion des Conseils syndicaux dudif-22 leurs congénères allemands marchent sur leurs mars ainsi qu'au meeting de Japy du 24 : traces. Le scandale serait que le prolétariat soit dupe, une fois de plus, de l'effroyable hypocrisie LES SYNDICATS DEVANT LA GUERRE de ses exploiteurs. Le Comité général l'invite à CAMARADESSYNDIQUÉS, rester clairvoyant, à ne pas couper dans les men- Les gouvernements - tous les gouvernements songes dont on l'a saturé au cours de la dernière — les - tous les — guerre. impérialismes impérialismes Le Comité des de la Seine — vous mènent à la guerre. Réagissez alors qu'il est général Syndicats — encore temps. Et faites aussi approuver, par vo- interprète de la classe ouvrière parisienne re- tre Syndicat, la résolution que nous prenons l'ini- fuse de prendre parti dans le conflit qui oppose tiative de porter à votre connaissance. Cette réso- les impérialismes; il ne leur fournira point la lution fut soumise, le 17 mars, au Comité géné- chair à canon dont ils ont besoin pour assouvir nal de l'Union des Syndicats de la Seine par les leurs monstrueux desseins. Et les ouvriers pari- délégués des Syndicats suivants: Instituteurs, siens, par son intermédiaire, clament aux deux Boulangers, Gaz de banlieue, Agents des P. T. T., cents familles et aux gouvernants français leur Monnaies et Médailles, Mosaïstes, Cuisiniers, Bi- volonté de ne pas faire la guerre. jouterie, Casquettiers, Instruments de précision, Tout, mais pas ça ! Correcteurs. Les ouvriers veulent la paix à tout prix! Ils Le Comité général décida d'adresser cette réso- veulent la paix par n'importe quel moyen 1 lution à tous les Syndicats, afin qu'ils se pro- Voilà leur mot d'ordre. noncent à son sujet. Nous voulons croire que ce Ils proclament donc qu'ils ne donneront au- ne sera pas un enterrement et qu'un tout pro- cune adhésion à la guerre, quels que soient les so- chain Comité général sera appelé à entériner phismes par lesquels — de part et d'autre — on ou bien la volonté pacifiste., ou bien la volonté s'efforce de justifier l'injustifiable crime en ges- pro-guerrière de ses adhérents. tation. Pro-guerrière, disons-nous; hélas! Car il n'est 000 pas niable, et c'est infiniment triste, que l'idée de guerre trouve des alliés dans les milieux syndica- listes et dans les partis politiques d'extrême- « Le Barrage° » En un numéro spécial, daté gauche. du 14 mars, tiré à 150.000 Mais vous, les syndiqués, vous qui avez tout exemplaires, le « Barrage », organe de la Ligue à perdre dans la guerre, vous ne voudrez pas Internationale des Combattants de la Paix (30, porter votre sang à son moulin. rue Joubert, Puris-ge), a publié un appel: « Pour Soyez donc nets, catégoriques; déclarez que vous sauver la Paix! » dont voici le texte: voulez placer le mouvement syndical en dehors des Nous sommes tous d'accord. Le dernier geste compétitions politiques, gouvernementales, théâtral d'Hitler est d'autant plus incompréhen- bourgeoises et impérialistes. sible et regrettable le Führer avait Affirmez formellement que vous ferez tout pour que paru, quel- la ques jours plus tôt, nous tendre la main. Mais il paix, rien pour la guerre. faut, cette fois, puisqu'il nous en donne l'occa- Voici la résolution que nous soumettons au' ju- sion, crever ce fétide abcès qu'est devenu, à la gement de votre raison: longue, ce Traité de Versailles, fondé sur la vio- Le Comité général de l'Union des Syndicats de lence et sur la haine. la Région parisienne reprend à son compte la Ce n'est pas en cédant à la psychose de guerre motion contre la guerre, que le Congrès confédéral qu'essayent, à l'heure tragique où nous sommes de Toulouse renvoya à la discussion de la Com- parvenus, de propager et d'envenimer les éternels mission administrative de la C.G.T. ennemis de la véritable paix, que cet abcès sera Le Comité général proclame l'irréductible oppo- nettoyé et guéri, sition de la classe ouvrière française organisée à Peuple, ne te laisse pas tromper! toute guerre. Considérant toute est avant tout une que guerre défaite du prolétariat puisque en tout paus, Il ne faut pas que nos gouvernants procèdent à en faire les frais et qu'en premier aux conversations européennes avec cette idée: illieuest elleappelépostule l'union sacrée avec la classe « Mieux vaut faire la guerre aujourd'hui que bourgeoise; dans deux ans! » Ce serait monstrueux! Non. Considérant également que, par les moyens de Mieux vaut ni aujourd'hui, ni plus tard: le temps destruction mis en action, la guerre moderne fe- gagné pouvant être employé à réaliser une en- rait retomber l'univers civilisé dans une barbarie tente générale. telle que pour plusieurs générations toute recons- Nous ne voulons pas que de stupides vanités et truction vraiment humaine serait impossible, des intérêts sordides conduisent au massacre nos Le Comité général déclare: enfants aucun et nous. Qu'en cas, pour quelque raison et en Nous réclamons de tous le sang-froid, marque de 16-96 LA REVOLUTION PROLETARIENNE te vrai courage, donc un calme examen de la situa- Aveuglés par l'avidité et la panique, les trou- tion internationale. peaux humains, par millions, sont prêts à s'entre- Souvenons-nous que tant qu'Hitler, faisant appel tuer. à l'esprit d'équité, s'est borné à demander, non le Dans cet affolement de la nature humaine tout réarmement de l'Allemagne, mais le désarmement entière, quelles voix font entendre ceux qui des peuples vainqueurs, qui, en vertu même du s'étaient dressés autrefois avec la résolution de traité de Versailles, aurait dû suivre le désarme-> délivrer le monde de ses sanglantes pratiques mi- ment de l'Allemagne, il n'a pu être entendu. litaires ? Il est regrettable, mais il est compréhensible Nous nous rappelons que les masses humaines que cette expérience l'ait conduit à un détestable ont été une fois soulevées par l'action commu- abus de décisions unilatérales. niste opposant au capitalisme et à sa guerre En tout cas, ce n'est pas une raison pour oppo-* l'arme brisante du défaitisme révolutionnaire. ser à une condamnable manifestation un esprit Une confusion nouvelle semble s'ajouter aujour- d'entêtement et des préoccupations de prestige qui d'hui à la stupeur générale. Sous prétexte du risquent de déchaîner les pires catastrophes. maintien de la paix, ceux qui s'élevaient jusque-là Le passé est irrévocable; envisageons l'avenir. £ contre la guerre sont ouvertement entrés dans l'un *** ï des camps. L'Humanité enregistre aujourd'hui sans t réserves le message belliqueux de Sarraut. Elle En de la forme donnée aux demandes du répond à cet appel par un mot d'ordre abject: dépit l'union de la nation française. Chancelier allemand, apprécions ces demandes en La entre les chiens elles-mêmes avec une clairvoyante équité. < guerre impérialistes soulevait ce le dégoût: les communistes s'emploient aujour- Osons proclamer qu'elles ont d'acceptable, et d'hui à la camoufler en croisade. Ils brandissent cherchons si elles ne peuvent pas être le point de sur un monde accablé le d'une départ d'une utile organisation de la paix. drapeau croisade Bien contribuât à l'œuvre de le antifasciste: annonciateur d'une duperie san- qu'il paix, pacte glante. de Locarno ressemblait encore de trop près à l'ini- Dans la nuit où toutes que Traité de Versailles. Il est légitime qu'il soit choses humaines dérail- un traité lent lentement, les communistes se sont réduits au remplacé par garantissant, pour vingt- rôle de défenseurs du stuto quo fixé à Versailles. Ils cinq ans au moins, les frontières de la France, de se à servir demain à l'état- l'Allemagne et de la Belgique et par un pacte préparent d'aboyeurs de inscrit dans le cadre de major français, quand cet état-major enverra au général non-agression poteau tous ceux qui n'auront pas oublié ce qu'ils la S.D. N. et garantissant aussi bien l'Est que ont lu dans l'Humanité d'hier. l'Ouest de l'Europe. Il serait souhaitable que non seulement des deux côtés de la frontière du Rhin, L'armée allemande envahit aujourd'hui une ré- mais sur toutes les frontières de tous les gion'allemande au mépris des traités. s'étendissent des zones démilitarisées. pays,^A.- Conformément aux mêmes traités, l'armée fran- Il est nécessaire qu'un pacte aérien écarte tout çaise, en 1923,envahissait la Ruhr. danger d'attaque aérienne,subite, en attendant que La forfanterie illégale de Hitler répond à la bru- le désarmement général écarte tout danger de talité légale de la France. Les policiers de Versail- guerre. les et de la Ruhr, afin de mieux assurer la sécu- Il est juste qu'un régime d'égalité soit établi en rité française, ont accouché l'Allemagne de Hitler! matière coloniale et distribution Nous n'avons rien de commun avec la démence qu'une équitable infantile du nationalisme allemand, rien de com- des matières premières soit réalisée en attendant mun avec que le problème des colonies reçoive une solution la démence sénile du nationalisme fran- humaine. Il est juste aussi que le statut de la So- çais. ciété des Nations soit dissocié de l'inique Traité Dans ce monde obscur, où se heurtent des stupi- de et ce consortium de dités qui se composent et se complètent l'une l'au- Versailles, que gouvernants tre, nous ne pouvons que nous reconnaître for- hostiles devienne une fraternelle union de peuples mellement également libres, où l'Allemagne pourra prendre étrangers. sa à côté de la France et de l'U.R.S.S. < Lorsque M. Sarraut refuse de « laisser placer place Strasbourg sous le feu des canons allemands Il, Il doit être entendu que dans cette atmosphère nous nous sommes situés en apaisée devront s'établir des rapports d'égalité comprenons que courtoise entre et l'U.R.S.S. en dehors d'un monde où une telle phrase peut être l'Allemagne dépit énoncée sans soulever la répugnance et même le de leurs gouvernements. rire. Il faudra alors que tous les peuples s'accordent Staline couvre de son autorité l'arme- à réaliser ce désarmement général sans lequel il Lorsque aura dans le monde de durable. ment français, lorsque Radek excite les nationa- n'y jamais paix listes de ce pays à la haine de l'Allemagne, nous *** 1, : nous considérons comme trahis; nous refusons d'emboîter le pas derrière ceux qui s'apprêtent au Telle est la politique positive que nous oppo- massacre mutuel. sons à toute action gouvernementale risquant de Nous n'envisagerons pas, dans ce premier texte, conduire des millions d'hommes à la mort, notre les conséquences pratiques et l'efficacité que l'ac- pays à la ruine, l'humanité à la barbarie. tion des masses donnera un jour à un tel refus. Que chacun prenne l'énergique résolution sui- La lutte qui nous oppose au tumulte général, vante: nous la mènerons jusqu'à la limite de nos forces. Nous refusons de nous associer au crime et à la Mais quel que soit ce résultat, heureux ou, pour folie que serait une guerre nouvelle. un temps, misérable, nous maintiendrons, face à Et nous réclamons qu'entre la France, l'Allema- l'abrutissement des nationalistes de tous pays, de gne et tous les autres peuples soient établis des tous partis, l'intégrité d'une volonté inaccessible à rapports de compréhension mutuelle, d'équitable la panique. Nous méconnaissons les liens formels indulgence,de cordiale fraternité. qui prétendent nous attacher à une nation quel- conque: nous appartenons à la communauté hu- OOO 1 maine, trahie aujourd'hui par Sarraut comme par Hitler et par Thorez, comme par La Rocque. Travailleurs, Sous ce titre, un groupe La réalité inébranlable et dominante de cette vous êtes ttrraahmiss de camarades a lancé l'ap- communauté sera maintenue même par une mino- pel suivant à ceux qUI rité d'hommes, au-dessus des crimes des nationa- n'ont pas oublié la « guerre du Droit et de la lismes de tous les pays: jusqu'au jour où les Liberté». Adresser les signatures à Lucie Colliard, peuples, épuisés par les déments qui les condui- 4, avenue Anatole-France, à Clichy (Seine). sent, reconnaîtront l'issue libératrice. Développant partout les restrictions et l'angoisse, le nationalisme étend peu à peu sa nuit sur toute Le M.CHAMBELLAND. la Terre. Au nationalisme agressif des pays pau- gérant: nationalisme vres répond, dans les pays riches, le LA960n+OOfW**£-COU*ÊCvO/e-MFof'âé de la peur. VIENT DE PARAITRE CollectionEtudes et Documents sur la GuerreNo 12

ALFRED ROSMER

Guerre Le Mouvement Ouvrier, pendant la DE L'UNION SACRÉE A ZIMMERW ALD

,JIi+ Combien de fois des camarades nous ont demandé ce qu'ils pour- raient bien lire sur le mouvement ouvrier pendant la guerre. Ces questions se faisaient plus nombreuses encore depuis quelques mois, où la guerre menace de nouveau de toutes parts et impose aux tra- vailleurs de déterminer, dans une situation complexe, leur attitude et leur action. D'autre part, le mouvement d'unité syndicale — comme maintenant celui pour le parti unique du prolétariat — poussait les jeunes camarades à rechercher les causes de la scission, disparues dans les controverses volontairement confuses de leurs dirigeants. Etait-ce bien la guerre la raison profonde? Mais nous ne pouvions leur indiquer aucun livre qui fût substan- tiel et sérieux, surtout sur la première période de la guerre — à peine quelques brochures, dont certaines appellent toutes réserves. Enfin, voici le livre qui apporte la réponse à leurs multiples questions. Est-ce une Histoire? L'auteur — qui fut acteur de premier plan dans ces événements - s'en défend, trop modestement. Acceptons que ce ne soit qu'une contribution à une histoire définitive. Mais elle est d'importance. Elle apportesurtout à tous ceux qui n'ont pas vécu cette époque et veulent la comprendre, une masse de données et un tableau d'atmosphère. Celui-ci se forme tout naturellement sous nos yeux par la succession de tranches de vie courante que Rosmer puise dans ses souvenirs. Pour celles-là,,,il nous offre un tra- vail vraiment complet et plein de pièces inédites, qui serre de près le sujet du livre: du déroulement de l'abdication à la renaissance du mouvement révolutionnaire. , Il ne faut surtout pas — particulièrement aujourd'hui — y aller chercher de la petite Histoire. Les personnes — même si certaines sursautent au rappel de leur rôle d'hier — n'occupent de place qu'au- tant que Rosmer dresse le bilan général d'une faillite. Son jugement est de portée générale. Le sens du livre est dans l'explication d'une époque et dans sa leçon, qu'il ne faut laisser ni perdre ni atteindre. C'est ce qui se dégage d'ailleurs clairement de toutes les pages de ce document essentiel. t f A Des camarades trouveront peut-être ce livre cher. Mais à la ré- flexion, il leur apparaîtra certainement qu'il correspond strictement à son importance matérielle, et il va de soi que notre Coopérative fait exécuter ses travaux dans les conditions syndicales. C'est là une forme de solidarité ouvrière qui devrait trouver son complément dans des souscriptions plus nombreuses à nos Editions- seul moyen qui nous permettrait d'en diminuer le prix.

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Le volume que nous offre la collection de la 44 Révolution Prolétarienne", est une nouvelle édition de r ouvrage du même auteur, publié en 1925 par la Librairie du Travail et portant le même titre. La présente édition nous donne un livre nettement supérieur au premier. Louzon domine mieux son sujet. Il l'a médité et creusé et il fait bénéficier le prolétariat du fruit de son étude et de ses observations.

La présente Economie capitaliste est d'une tenue plus hautement scientifique que la première. Louzon s'est attaché, tant dans l'exposé des prin- cipes que dans la démonstration des problèmes, à éviter la métaphysique des arguments psycholo- giques pour s'appuyer sur la réalité scientifique. Il le fait avec le maximum de simplicité, sans aucune pédanterie, en essayant d'être concret le plus possible. -

.11 est impossible, dans le cadre de ce compte rendu, de citer tout ce qui, à divers titres, est inté- ressant dans ce livre et de le discuter. Nous en recommandons vivement la lecture et même l'étude à nos camarades. Ceux qui veulent connaître la conception marxiste de l'économie capitaliste trou- veront là l'enseignement clair et complet qu'il leur faut. 1 LE FONCTIONNAIRE SYNDICALISTE (Décembre 1935) '1

Lisez tous : i

rEcononuç Capitaliste Principes d'économie politique - par Robert LOUZON

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