FJJ Les Notes 42

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FJJ Les Notes 42 Les Notes de la Fondation Jean-Jaurès Histoire et Mémoire Le premier communisme français (1917-1925) Un homme nouveau pour régénérer le socialisme Par Romain Ducoulombier Préface de Alain Bergounioux N°42 - août 2004 LES NOTES DE LA FONDATION JEAN-JAURÈS - HISTOIRE ET MÉMOIRE - N° 42 - AOÛT 2004 - 1 LE PREMIER COMMUNISME FRANÇAIS (1917-1925) Les membres du Comité de lecture • Alain Bergounioux, historien et président de L’OURS ; Préface • Noëlline Castagnez-Ruggiu, docteur en histoire – Professeur à l'IUFM de Versailles ; • Fabrice d’Almeida, docteur en histoire, maître de conférences à l’Université Paris X-Nanterre ; • Jean-William Dereymez, docteur en science politique, maître de conférences à l’IEP de Grenoble ; • Frank Georgi, docteur en histoire, maître de conférences à l’Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, chercheur associé au Centre d’histoire sociale du XXe siècle (CHS-XXe siècle) ; • Hélène Hatzfeld, Professeur à l'Ecole d'architecture de Lyon ; • Marc Lazar, Professeur des Universités et directeur de l’Ecole doctorale de l’IEP de Paris, enseignant-chercheur au Centre d’études et de recherches internationales (CERI) ; • Gilles Morin, docteur en histoire, chercheur associé au CHS- ourquoi avoir attribué le Prix d’his- XXe siècle et à l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP). toire 2003 de la Fondation Jean- Jaurès à un mémoire qui traite de “ l’ascétisme révolutionnaire ” et de “ la figure de l’homme nouveau pro- létarien dans le premier commu- nisme français ”P ? Les finalités de ce prix, en effet, sont plutôt de cou- Cette Note constitue la version remaniée de notre travail de DEA, ronner des travaux jetant une lumière nouvelle sur le socialisme fran- soutenu en 2002. Sa version intégrale est consultable çais. Mais, en fait, étudier le communisme, comme le fait Romain Ducou- à la bibliothèque de l’IEP de Paris. Un long chapitre, consacré lombier, c’est éclairer également ce que fut le socialisme français. à Marcel Cachin, en a été retranché. Il fera l’objet d’une publication prochaine. L’appareil de notes Le long conflit entre communistes et socialistes, pendant le siècle a été considérablement allégé ; nous n’en avons maintenu dernier, a eu tendance à occulter le tronc commun qui a uni le socia- que le strict nécessaire, pour conserver à ce travail sa scientificité. lisme et le communisme. L’idée de la Révolution, en effet, a été, Ce travail fait partie intégrante d’une thèse actuellement d’une manière ou d’une autre, présente dans presque toutes les écoles en cours à l’IEP de Paris, sous la direction de M. Marc Lazar. socialistes du XIXe siècle, avec l’espoir de voir advenir une société Des archives nouvelles peuvent venir amender ici et là nouvelle, débarrassée des scories de l’ancienne société bourgeoise. des remarques, combler des manques ; elles n’ont pas, pour La figure d’un homme, enfin réconcilié avec lui-même, a exercé une l’heure, remis en cause ses grandes lignes. forte attraction tout particulièrement en France, où la “ Grande 2 - LES NOTES DE LA FONDATION JEAN-JAURÈS - HISTOIRE ET MÉMOIRE - N° 42 - AOÛT 2004 LES NOTES DE LA FONDATION JEAN-JAURÈS - HISTOIRE ET MÉMOIRE - N° 42 - AOÛT 2004 - 3 PRÉFACE Révolution ” avait déjà versé dans ce mythe de la régénération. Révolution ainsi conçue, a été la pierre de touche des scissions de “ Notre histoire n’est pas notre code ” disait-on déjà. Même quand 1920. Elles ont certes été faites au prix de fortes ambiguïtés. Mais le socialisme français fut entré par ses succès électoraux dans la vie les opposants au communisme, quelle que fût leur clairvoyance (“ la parlementaire, il n’a cessé d’utiliser la rhétorique de la Révolution. dictature du prolétariat se transformera en dictature sur le proléta- La S. F. I. O. de 1905 se voulait un “ parti de révolution ” et non riat ”, etc.), ont été handicapés par la légitimité politique que repré- “ un parti de réforme ”. sentait l’idée d’une révolution radicale. La guerre, en fracassant les espoirs d’une “ évolution-révolu- Tout le problème évidemment – et cet essai le montre bien – fut tion ” linéaire, a plongé la plus grande partie des socialistes dans la que l’idée révolutionnaire a été corsetée d’emblée par la pratique mauvaise conscience. “ La brutalisation ” des sociétés européennes bolchevique du “ parti des révolutionnaires professionnels ”. La a fait rejaillir avec force l’impuissance initiale des socialistes et les volonté d’un plein renouveau s’y est brisée. Et la première généra- choix faits dans la plupart des partis d’accepter les “ Unions sacrées ” tion de communistes a été décimée. Mais, il n’y a pas eu une ruptu- – même, si cela n’a pas duré toute la guerre. La réalité de la Révo- re profonde entre le “ premier parti communiste ”, jusqu’en 1925 lution, à l’Est, avec, à sa tête, une cohorte de révolutionnaires intran- et le “ parti bolchevisé ”. Car avec le mythe de la rupture radicale, sigeants, a recréé un appel pour l’idée révolutionnaire, avec toute la volontairement ignorante des formes du passé, le totalitarisme était force de la nouveauté. présent dès les premiers jours. L’idée de “ l’homme nouveau ” conte- nait la réalité de la contrainte. Une volonté de régénération a saisi ainsi presque tous les socia- listes. Seulement, les uns – les plus nombreux en France – l’ont pro- Ce travail de Romain Ducoulombier nous plonge donc au cœur jetée vers l’avenir en voulant rompre avec un passé discrédité par de ce qui a été une des contradictions majeures du siècle passé. Il les compromissions de la guerre. Les autres – la minorité de Tours le fait avec une rare maîtrise dans la conception de son sujet et dans – ont conçu cette régénération comme un retour vers la tradition l’écriture de son texte. Cet essai d’histoire conceptuelle, qui n’ou- authentique du socialisme. Lénine ou Jaurès, en somme. Les der- blie pas la force des destins personnels, comme en témoigne le cha- niers mots du discours prononcé à Tours par Léon Blum, “ garder pitre sur Raymond Lefebvre, offre une opportunité pour redonner la vieille maison ”, prennent ainsi leur véritable sens. Au fond du toute son épaisseur au choix de 1920. Mais, il éclaire également divorce entre socialistes et communistes, il y a le rapport avec le pas- notre présent, en évitant que soit refoulée une dimension essentiel- sé. Le socialisme doit-il être l’héritier de toutes les formes prises par le des passions politiques modernes. Une volonté de “ régénéra- la libération humaine, au fil des siècles – et plus particulièrement tion ” intégrale hante toujours nos sociétés. Elle peut prendre bien depuis la Révolution Française ? On sait que cela était la pensée pro- des formes. Le bolchevisme n’en a été hier qu’une des plus mar- fonde de Jean Jaurès et que les bolcheviques ont voulu, au contrai- quantes. Mais, sachons, au moins, que c’est toujours faire ainsi le re, privilégier l’idée d’une rupture radicale, qui était présente dans lit des totalitarismes. ❃ l’imaginaire socialiste. Avant “ d’épurer ” les partis socialistes, ils ont voulu rompre les fils du temps. Par là-même, ils ont rendu impos- sible la réalisation d’un vrai inventaire de ce que furent les voies et Alain Bergounioux les moyens du socialisme avant 1914. L’acceptation de l’idée de Président du Comité de lecture 4 - LES NOTES DE LA FONDATION JEAN-JAURÈS - HISTOIRE ET MÉMOIRE - N° 42 - AOÛT 2004 LES NOTES DE LA FONDATION JEAN-JAURÈS - HISTOIRE ET MÉMOIRE - N° 42 - AOÛT 2004 - 5 INTRODUCTION Introduction ’historiographie française du com- munisme semble désormais négli- ger la période fondatrice de l’his- toire du Parti communiste français que furent les années 1917-1925. Sans doute considère-t-elle désor- La réunion des kolkhoziens,1929. mais que le seul,L le vrai communisme français ne commence plus qu’avec la “ bolchevisation ” du Parti, mise en pratique au congrès de Clichy en 1925, rejetant ses origines dans une sorte d’obscurité confuse, une enfance peuplée de révolutionnaires amateurs, qui n’étaient pas d’authentiques militants ouvriers sous le prétexte qu’ils ne furent pas sélectionnés par les instances et selon les critères du Parti communiste stalinien que devint progressivement le PCF à partir du milieu des années 1920. La mauvaise réputation de ces années inaugurales n’est pas sans fondement, au regard des rivalités confuses et de l’affaissement rapi- de des effectifs qui minent le nouveau Parti dès les premiers mois de son activité. Rapportées Romain cependant à ce qui fait l’unité de Ducoulombier cette histoire, ces difficultés pren- est agrégé d’histoire, nent tout leur sens : elles rede- allocataire-moniteur Lénine à Moscou, 1919. viennent de simples effets, que à l’IEP de Paris. 6 - LES NOTES DE LA FONDATION JEAN-JAURÈS - HISTOIRE ET MÉMOIRE - N° 42 - AOÛT 2004 LES NOTES DE LA FONDATION JEAN-JAURÈS - HISTOIRE ET MÉMOIRE - N° 42 - AOÛT 2004 - 7 INTRODUCTION l’historiographie du communisme tenait jusqu’ici pour des causes. masse son soutien à la bonne marche de la “ Le bolchevisme ne s’est jamais En fait, les origines d’un mouvement politique et social engagent guerre, retrouvait soudain ses vieux accents imposé par la force au socialisme toujours les formes de son avenir. révolutionnaires, en même temps qu’il pre- français ; il en a au contraire C’est cette révision que ce travail de DEA se propose d’entamer. nait le chemin de la division ; c’est sur le fond pénétré subtilement Il repose en effet sur l’idée que la naissance puis l’histoire du Parti de son éclatement annoncé qu’il redécouvrait les nervures, pour en rompre communiste français sont habitées en profondeur par un projet de la force de l’exaltation révolutionnaire, nour- la cohérence dès lors que régénération révolutionnaire du socialisme, déployé à la faveur des rie du spectacle de la Révolution russe.
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