MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE ------UNIVERSITE DE ------FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES ------DÉPARTEMENT D ’H ISTOIRE

Mémoire de maîtrise Présenté par : RASOLONDRAINY Tanambelo Vassili Reinaldo

Sous la direction de Monsieur MANJAKAHERY Barthélemy Maître de conférences à l’Université de Toliara

Date de soutenance : 26 Mars 2009

ANNEE UNIVERSITAIRE : 2007 - 2008

AVANT-PROPOS

Au début de ce travail, nous voudrions faire connaître aux lecteurs, que nous dédions ce Mémoire de Maîtrise aux sauniers de la Commune rurale de , pour mettre en valeur leur activité, et pour les remercier de nous avoir accepté parmi eux pendant notre séjour sur le terrain. Cette initiation à la recherche intitulée « L’exploitation traditionnelle du sel gemme dans la commune rurale de Tameantsoa (moyenne vallée de l’Onilahy) » est encore un nouveau thème dans la recherche déjà effectuée dans la région. La rareté des ouvrages et des articles concernant le thème traité, la réticence des personnes ressources,… rendent le travail pénible. Néanmoins, notre grande foi en l’archéologie, comme source privilégiée de l’Histoire malgache, nous a incité de réaliser cette étude ethnoarchéologique. Nous n’aurions peut-être pas pu la finir sans la bonté de l’Eternel, et l’appui de nombreuses personnes que nous devons remercier ici : De prime abord, nous tenons à remercier grandement Monsieur MANJAKAHERY Barthélemy, Directeur de mémoire, de nous avoir conseillé pour la réalisation de cette étude. Son encadrement nous a été tellement utile. Qu’il trouve ici l’expression de notre profonde reconnaissance. Nous avons aussi un énorme devoir de gratitude à Madame Chantal RADIMILAHY, Coordinatrice nationale du Projet « AFRICAN ARCHAEOLOGY NETWORK » à , de nous avoir accordé ses appuis et qui nous a permis de terminer notre travail. Nous ne pouvons pas taire le Professeur Felix CHAMI, Coordinateur général du dit Projet, dans l’appui qu’il a bien voulu nous apporter. Il nous a accordé un cours d’Anglais de trois mois au British Council of Tanzania, et nous a aidé à accéder à la bibliothèque de l’Université de Dar es Salaam. Nous disons: «ASANTE MWALIMU! » Nous reconnaissons gentiment les aimables conseils apportés par nos enseignants dans leurs disciplines respectives. Nous tenons à remercier tout particulièrement ici Monsieur Marikandia Louis MANSARE, Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines et Sociales de l’Université de Toliara, pour ses différentes recommandations, à chaque fois que nous nous rencontrons. Nous apprécions également l’aimable encouragement du Professeur Théodore RAZAKAMANANA. Nous ne pouvons pas non plus oublier l’appui du Professeur Jean Aimé RAKOTOARISOA, qui nous a conseillé sur les techniques de rédaction, et nous a aidé à trouver un moyen pécuniaire pour l’achèvement de ce travail. Enfin, nous voudrions rendre grâce à tous ceux qui ont bien voulu contribuer à la réalisation de ce Mémoire de Maîtrise.

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INTRODUCTION

I- CHOIX DU SUJET :

L’exploitation du sel gemme dans la Commune rurale de Tameantsoa, dans le district de Betioky-Sud, Région du Sud-ouest de Madagascar, reste toujours incertaine et même ignorée. Bien qu’elle ait survécue depuis la période précoloniale jusqu’à présent, les ouvrages écrits sur la région ne parlent que de l’activité principale de la population locale, en l’occurrence l’élevage et l’agriculture. Aucune source écrite n’a mentionné l’existence de l’exploitation traditionnelle du sel. Pourtant, elle paraît avoir un intérêt sur le plan ethnographique. Elle représente une activité spécifique d’un groupe de personnes. Par ailleurs, elle n’est pas dénuée d’intérêt dans le domaine archéologique, car elle recèle une histoire des techniques traditionnelles. C’est la raison pour laquelle nous avons entrepris cette initiation à la recherche ethnoarchéologique intitulée : « Exploitation traditionnelle du sel gemme dans la commune rurale de Tameantsoa (Moyenne vallée de l’Onilahy) ».

II- OBJET DE L’ETUDE :

De prime abord, ce mémoire de maîtrise a pour objectif d’apporter une contribution à la connaissance de l’Histoire de Madagascar. Ensuite, il vise à revaloriser les techniques traditionnelles en général. Ainsi, il essaie de reconstruire les techniques et les méthodes de production utilisées par les sauniers, afin de mettre en évidence les manques à gagner et les failles sur le processus. Cela est dans le but de chercher un moyen pour améliorer et développer l’exploitation traditionnelle du sel de Tameantsoa. Enfin, en tant qu’initiation à la recherche, cette étude essaie d’ouvrir un nouveau sujet pour une recherche ultérieure. Ainsi, la problématique de recherche essaiera de répondre aux questions suivantes: quelle était la raison de la présence de l’exploitation traditionnelle du sel dans la région ? D’où vient la technique de production utilisée ? Qui l’a introduite dans la région et à quelle période ? Qui sont les sauniers ? Comment procède-t-on quant à la technique de production de sel? D’autres questions auxquelles nous voulons aussi apporter des éclaircissements se posent: quelle place l’exploitation du sel tient-elle dans la vie socio-économique

2 ancienne et présente de la population locale ? Quelle est la perspective d’avenir de l’exploitation du sel à l’heure actuelle ? Pour rassembler ces informations, on doit avoir une méthodologie de recherche bien déterminée.

III- METHODOLOGIE

Cette initiation à la recherche a utilisé trois sources principales : les Sources écrites, la Tradition orale, et l’Archéologie.

III-1- Les Sources écrites :

Lorsque nous avons choisi pour la première fois ce thème, nous n’avons pas réalisé la difficulté concernant la recherche documentaire. Certes, nous avons utilisé toutes les bibliothèques de la ville de Toliara (Bibliothèque universitaire TSIEBO Calvin, Bibliothèque de l’Aumônerie Catholique Universitaire, Bibliothèque de l’Alliance française de Toliara,...) mais, nous n’avons pu trouver des livres archéologiques satisfaisants concernant le thème. Il existe cependant, des ouvrages anthropologiques et historiques qui paraissent intéressants. Pour enrichir notre documentation, nous devions nous rendre à Antananarivo, grâce à l’appui du directeur de mémoire et Madame Chantal RADIMILAHY que nous devons remercier ici, pour les différents articles qui parlent de l’exploitation du sel en Afrique, dans la Bibliothèque de l’Institut des Civilisations/Musée d’Art et d’Archéologie à Faravohitra. Cependant, nous avons eu des problèmes, car la quasi-totalité des ouvrages et articles sont en anglais. Ce problème de compréhension de la langue anglaise nous a retardé dans notre recherche documentaire. Beaucoup d’articles en anglais n’existent pas à Madagascar. Pourtant, ils nous paraissent utiles. Grâce à l’appui de AFRICAN ARCHAEOLOGY NETWORK (A.A.N.), que nous devons également remercier ici, nous avons eu l’opportunité de suivre un cours d’anglais de trois mois au British Council of Tanzania, et d’accéder aux ouvrages et revues anthropologiques et archéologiques dans la bibliothèque de l’A.A.N et de l’Université de Dar es Salaam, en Tanzanie. C’est ainsi que nous avons pu connaître les techniques de production traditionnelle de sel utilisées en Afrique orientale, notamment en Tanzanie, en Ouganda, et au Congo (ex- Zaïre).

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III-2- La Tradition orale :

C’est l’incontournable approche sur laquelle nous nous étions basé. Elle reste le pilier de l’étude, étant donné qu’il n’y a pas encore d’ouvrages qui parlent de l’exploitation traditionnelle du sel de Tameantsoa. Nous avons utilisé comme méthodologie d’approche, l’approche participative, l’approche genre, et le focus group . Les deux premières approches ont été utilisées pour mener l’enquête auprès des personnes ressources, tandis que la dernière a été utilisée pour confirmer et infirmer les informations recueillies. Malgré cela, les traditions orales recueillies ne sont pas tellement fiables quant au passé de l’exploitation du sel. Elles ne remontent pas loin. Certes, c’est le cas de toute la tradition orale dans le sud de Madagascar dont la version originale est modifiée par le temps, voire même tombée dans l’oubli, mais il y a aussi d’autres causes qui expliquent cela : c’est que l’exploitation du sel dans la région est une activité honteuse pour la population locale. Elle est assurée par les personnes qui sont victimes de la pauvreté. Lorsqu’elles gagnent un peu d’argent, elles délaissent l’exploitation traditionnelle du sel pour un nouveau projet. En voici le témoignage d’un ancien saunier d’Androvakely : « laha fa nahavory drala maromaro raho, le nivily laka amizay hiasako fa tsy nahefa hanao sira sasy . »1 « Quand j’ai obtenu un peu d’argent, j’ai acheté une pirogue pour pêcher, car je ne voulais plus produire du sel. » Ainsi, il n’y a pas vraiment de traditions orales transmises de génération en génération. La plupart des anciens sauniers n’acceptent pas d’être interviewé sur leur ancienne activité. Pour eux, c’était un mauvais souvenir qu’ils ne veulent plus évoquer. Alors que chez les actuels exploitants, ils connaissent peu l’histoire de l’exploitation du sel. Face à cette situation, nous avons dû mener beaucoup d’interviews auprès de différentes personnes (les sauniers, les chefs de quartier, les propriétaires des terrains,…) dans les villages environnants. Parmi les interviewés, ce sont les propriétaires fonciers qui sont les mieux placés sur ce sujet. En effet, la détention des terrains ancestraux se transmet de génération en génération. Donc, ils ont été toujours présents, et sont censés savoir ce qui s’était passé sur leurs

1 Informations recueillies auprès d’Emaka, 70 ans, Androvakely (Interview du 12 septembre 2007).

4 propriétés. Néanmoins, nous avons toujours eu recours à l’approche « focus group », pour confirmer ou infirmer certaines informations douteuses. Il s’agit de rassembler quelques informateurs, et de restituer les traditions orales recueillies devant eux. Ils sont censés faire objection à chaque fois qu’ils ont des remarques à faire. Cette approche s’avère difficile à gérer, mais elle aide beaucoup à éclaircir certains points obscurs. Malgré tout cela, la tradition orale reste toujours la base de la méthodologie utilisée, malgré qu’il faille recourir à l’Archéologie.

III-3- L’Archéologie :

La tradition orale et les sources écrites n’étaient pas suffisantes pour l’étude. Elle a besoin du recours à l’archéologie, ne serait-ce que pour éventuellement confirmer ou infirmer les données existantes. Nous avons mené des « surveys » aux environs des anciens sites d’exploitation traditionnelle du sel. Toutefois, étant donné que la recherche actuelle est encore une initiation à la recherche, nous n’avons pu, par conséquent, réaliser un travail archéologique très exhaustif. L’étendue du champ d’étude et le temps ne permettaient pas de le réaliser. Nous pensons développer ultérieurement cette étude dans le cadre de recherches plus poussées.

IV- LIMITE DU TRAVAIL

Le champ d’étude sur lequel nous devions travailler au début était très vaste, car l’exploitation du sel existe dans deux communes rurales qui se trouvent dans le district de Betioky-sud (C.R de , et C.R de Tameantsoa). Mais comme nous avions une contrainte au niveau des moyens et du temps, nous étions obligé de choisir seulement la commune rurale de Tameantsoa pour champ d’étude car elle est plus accessible que l’autre site. Elle reste encore la plus grande productrice de sel de terre du district.

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Carte n°1 : LOCALISATION DES SITES D’EXPLOITATION TRADITIONNELLE DU SEL DE TAMEANTSOA :

Source : Enquête effectuée auprès des sauniers en septembre 2005, adaptée sur un extrait de la carte topographique au 1 :100 000 de la FTM 1977, feuille E-58

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Chapitre I : LES RAISONS GEOLOGIQUES DE LA PRESENCE DU SEL A TAMEANTSOA

I- GENERALITES SUR LE SEL :

1- Définition :

Le sel est une substance remarquable. Du point de vue chimique, il est constitué du sodium (Na+) un métal très particulier, et du chlore (Cl-) un gaz toxique. En poids, le cation Na+ représente 39 % et l’anion Cl- représente 61 %. Ces deux poisons mortels se sont combinés pour former une substance salutaire appelée chlorure de sodium (Na Cl).

2- Origine du sel :

Tous les sels viennent de la mer. En effet, dans une solution aqueuse de chlorure de sodium telle que la mer, les molécules d’eau entourent les cations et les anions. Les forces d’attraction sont alors fortement réduites. Isolés par les molécules d’eau, les ions sont pratiquement indépendants les uns des autres. Mais suite à l’évaporation de l’eau de cette solution aqueuse (ou saumure), les molécules d’eau (H 2O) disparaissent. Ce qui permet encore la fusion des ions Na+ et Cl-, et la cristallisation du chlorure de sodium (Na Cl) par la suite. À l'état solide, le sel se cristallise en cubes incolores. Il se présente sous différentes formes : sel fin, gros sel, fleur de sel.

En général, il existe deux sortes de sel: le sel marin et le sel de terre.

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2-1- le sel marin :

Lors de la marée haute, l’eau de la mer se rend dans une espèce de bassin. Lorsque la mer se retire, elle y laisse un marais. Par l’effet du vent et/ou du soleil, l’eau s’évapore, en laissant le sel se précipiter et se déposer par la suite en couches successives jusqu'à l’assèchement complet de l'eau.

2-2- le sel de terre :

Suivant son extraction, on distingue deux types de sel de terre : le sel gemme, et le sel ignigène.

2-2-1- le sel gemme :

Le nom de gemme s'applique au sel que l'on retire de la terre. Quelques géologues considèrent le sel gemme comme étant d'origine volcanique. Ils disent que pendant que les volcans étaient en activité, ils lançaient des vapeurs d'eau salée. Ces derniers, selon eux, en retombant, avaient déposé le sel qu'elles contenaient. Une autre hypothèse attribue la formation du sel gemme à l'évaporation soit des lacs dans l'intérieur des terres, soit des lagunes qui communiquent avec l'océan. En effet, les changements climatiques et les mouvements de l'écorce terrestre au fil des siècles ont permis dans certains cas l'emprisonnement et la transformation en lagunes des mers. Suite à une forte évaporation, ils vont disparaître pour laisser des gisements de sel, d'où leur dénomination: évaporite (c’est un sédiment résultant de la précipitation chimique de sels dans des eaux sursaturées d'origine généralement marine, plus rarement d'origine lacustre) . Avec le temps, ce dépôt salin est remblayé par d’autres sédiments qui forment une nouvelle couche au-dessus. Dans les terrains sédimentaires, il se mêle généralement avec des marnes et/ou des calcaires.

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2-2-2 le sel ignigène :

Le sel ignigène vient généralement de la dissolution d’un gisement de sel gemme par injection d’eau douce. La solution aqueuse très salée résultant de cette dissolution est remontée naturellement ou par provocation, en surface. Pour le cas de certains sites exploités industriellement, on extrait directement la saumure. Mais il existe des sites où l’on utilise encore des techniques rudimentaires. On extrait encore la saumure à partir de la dissolution du sel que contiennent des herbes brûlées, de boue ou de sol salifère,… Le sel que renferme la solution aqueuse est extrait par l’évaporation de l’eau. Cette évaporation peut être naturelle ou provoquée par l’homme qui chauffe l’eau salée au feu. D’où son appellation « ignigène » (du latin «ignis » : feu).

3- L’importance du sel :

Tout au long de l’Histoire, le sel est l’un des produits les plus utilisés par l’homme. Depuis l’Antiquité, il était nécessaire à la conservation et à la préparation des aliments. Mais comme il était encore difficile à extraire, il était précieux. À tel point que des villes furent érigées à l’endroit où l’on exploitait et où on en faisait le commerce. On l’échangeait même contre des esclaves. Dans la Rome antique, une partie de la solde des soldats romains était payée en sel, appelé « salarium argentium »2 . De plus, dans nombre de pays, le sel avait valeur de monnaie d'échange, au même titre que les numéraires modernes. Dans la Chine ancienne, le sel était la deuxième matière la plus précieuse après l’or. Des femmes et des enfants étaient vendus en esclavage pour du sel. Les marchands maures le troquaient contre de l’or, gramme contre gramme, et certaines tribus d’Afrique centrale utilisaient des blocs de sel gemme comme moyen de paiement. 3 Au Moyen-Âge, à cause de ses qualités antiseptiques, le sel est employé comme agent conservateur. C’était le principal moyen de conserver les viandes et poissons et de survivre ainsi aux disettes. Le sel a été un produit si précieux qu’il a même provoqué des guerres. Le 20 mai 1340, un impôt sur le sel est créé en France : la

2 De là, l’origine des mots français «salaire» et anglais «salary» 3 FALOLA (T.), 1992, pp. 413

9 gabelle, mot dérivé de l’arabe qabalah , qui signifie “ taxe ”. Extrêmement impopulaire, la gabelle suscite des soulèvements réprimés dans le sang. Non seulement le sel est hors de prix, mais les acheteurs doivent en acquérir, quels que soient leurs besoins réels, une quantité minimale. Cet achat forcé est considéré comme particulièrement injuste. Quand la Révolution de 1789 éclate, l’une des premières exigences des émeutiers est l’abolition de la gabelle ; Il contribuait aussi à la perte au Commonwealth britannique de sa plus grande colonie : les Indes. Gandhi partit avec ses disciples pour l’Océan indien - avec des moyens très limités - afin d’y extraire eux-mêmes le sel. Cependant, l’évolution de la technologie a facilité son extraction et inventé l’appareil frigorifique. Ce qui a abaissé la valeur du sel sur le commerce. Par contre, avec le développement de la science et de la technologie aussi, on a découvert des nouvelles choses sur le sel, qui le rend encore plus utile, notamment pour la santé. On l’utilise de façon particulièrement salutaire dans le domaine de la santé publique. Il apporte un air chargé en ions négatifs qui est bon pour la santé. En outre, le liquide de nos cellules contient du sodium et du chlore, les deux composants du sel. Sans ce dernier, les humains seraient condamnés à mourir de déshydratation. Si bien que le médecin administre une perfusion de solution physiologique qui contient 0,9% de sel au patient gravement blessé ou aux personnes qui présentent des symptômes de déshydratation (hémodialyse). Les solutions salines servent comme restaurateurs du volume plasmatique lors d’une perte de sang. On parle alors de sérum physiologique. Sinon, les ions de sodium sont indispensables au système nerveux et aux muscles : ils contribuent à la bonne transmission des influx nerveux, tandis que les ions de chlore jouent en outre un rôle déterminant dans notre système immunitaire, et constituent aussi un des éléments du suc gastrique (‘acide chlorhydrique’) qui nous aide à digérer nos aliments. Ce qui fait que le sel est un élément nécessaire à la glande thyroïde pour la sécrétion des hormones thyroïdiennes et servant aussi au développement intellectuel. Les reins maintiennent notre équilibre en sel, c’est pourquoi l’urine est salée. Il existe dans notre corps un équilibre délicat entre le sodium (dans le sel) et d’autres éléments comme le potassium, le calcium et le magnésium. Pour fonctionner correctement, un organisme a besoin de plusieurs grammes de sel par jour. Une partie de ce sel est éliminée par la transpiration (plus ou moins un gramme), l’urine et l’excrétion. Ces pertes doivent être constamment compensées. C’est pourquoi les Occidentaux distribuent des

10 comprimés de sel aux athlètes et aux travailleurs qui œuvrent dans des conditions où règne une chaleur extrême. Cette mesure vise à prévoir l'épuisement et reconstituer des réserves de sel évacuées avec la transpiration ; Dans de nombreux pays, on l’enrichit d’iode pour combattre une carence endémique en iode, qui se manifeste par un goitre (une augmentation de volume de la glande thyroïde) et, dans les cas graves, par la débilité mentale. Dans certains pays, on ajoute aussi du fluor au sel pour la prévention des caries. Utilisé en solution dans des bains chauds, le sel apporte les sensations d’une relaxation profonde et contribue à l’élimination de la douleur dans les articulations et une meilleure circulation du sang dans la peau. Enfin, il freine la prolifération des bactéries. Par ailleurs, dans le monde des industries modernes, le sel sert à fabriquer du chlore, de la soude caustique, du bicarbonate de soude et du chlorate de sodium(soude commerciale), trois des éléments clés de l'industrie chimique lourde qui servent, à leur tour, à fabriquer du savon et des détergents, des pâtes et papiers, des fibres et des plastiques, du verre, des explosifs, des solvants, des textiles (fixation de bain de teinture), des cuirs et peaux (agent déshydratant) et d'autres produits, tant chimiques que pétrochimiques. Il est aussi utilisé pour assurer le fonctionnement (régénération en ions positifs) des adoucisseurs d’eau présents dans le lave-vaisselle. On parle de « sel régénérant »4. On l’utilise comme épaississant dans les shampooings. Dans les pays froids, le sel est aussi utilisé comme fondant pour le déneigement des routes verglacées en hiver. L’épandage du sel solide ou liquide sur la glace sert à abaisser le point de congélation de l’eau pour provoquer sa fusion. (Fusion dite « eutectique »).

Enfin, mélangé à la nourriture ou sous forme de pierre à lécher, le sel occupe une large part du régime alimentaire du bétail 5. Les bovidés ainsi que les autres herbivores consomment beaucoup de calcium à cause de leur régime végétarien et perdent encore plus de sel lors de la traite. C’est pourquoi on leur donne des pierres à sel à lécher pour couvrir leurs besoins.

Cependant, le sel, riche en chlorure de sodium agit sur la tension. Une trop grande consommation est souvent considérée comme une cause d'hypertension et de maladies cardiaques. Il contribue à l'élévation de la pression artérielle et donc à

4 L’adoucissement de l’eau est utilisé, en usage domestique, dans les lave-vaisselle pour éviter les dépôts calcaires. Dans l'industrie, l'adoucissement des eaux est utilisé pour la production de vapeur, le chauffage, les systèmes de refroidissement d’eau des usines 5 Jusqu’à 80 g/j pour une vache laitière.

11 l'augmentation du risque d'accidents cardio-vasculaires. L'abus de sel est donc tout à fait déconseillé aux personnes souffrant d'hypertension artérielle. Une consommation de 2 g par jour semble suffisante.

II- LA FORMATION GEOLOGIQUE DU PLATEAU CALCAIRE MAHAFALE ET L’ORIGINE GEOLOGIQUE DU SEL DE TAMEANTSOA :

Malgré l’existence de travaux géologiques effectués dans la région, il n’y a pas encore de recherche exhaustive sur l’origine du terrain salifère de Tameantsoa. Néanmoins, certaines sources écrites paraissent révélatrices. Ils révèlent la formation géologique de la région. A partir de ces sources, on va essayer de faire des hypothèses sur la raison géologique de la présence du sel à Tameantsoa. D’après René Battistini, « la formation du plateau calcaire mahafale vient de l’affleurement des calcaires et des marnes du Tertiaire marin, qui y est encore présent et divisé en Eocène inférieur, Eocène moyen, Eocène supérieur »6 « Un Eocène supérieur à Huîtres, qui comprend des marnes et des calcaires dans la partie méridionale et orientale du plateau mahafale, où sa largeur d’affleurement atteint une cinquantaine de kilomètres. - Un Eocène moyen à Alvéolines et Nummulites, constitué par des calcaires compacts rattachés au Lutétien qui affleure surtout dans la partie occidentale du plateau, dans la falaise qui domine la plaine côtière, et dans la cuesta orientale. - L’Eocène inférieur à Lithothamniées, constitué lui aussi par des calcaires, qui affleure à la surface du plateau, dans l’extrémité septentrionale, et dans les versants de la vallée de l’Onilahy en aval de . »7

Ce dernier sédiment correspond vraisemblablement avec la formation du terrain salifère de Tameantsoa. Il se trouve exactement en aval de Tongobory. Ce qui fait que le sédiment est déjà d’origine marine. L’eau apportée annuellement par la crue du fleuve Onilahy, trempe ces sédiments, et fait remonter en surface des saumures.

6 Battistini (R.), 1964, p.297

7 Ibid , p.17

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Ce qui augmente, par le phénomène de salinisation de sol, la teneur en sel du sédiment en surface, et engendre le terrain salifère, par la suite. Le sel qu’on exploite traditionnellement à Tameantsoa aujourd’hui vient de l’évaporation par chauffage au feu de la saumure extraite de ces sédiments.

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Chapitre II : LES CONDITIONS HISTORIQUES ET HUMAINES DE LA PRODUCTION DU SEL Même si le terrain salifère de Tameantsoa existe, son exploitation n’aurait pas son existence sans l’apport de l’histoire de peuplement, et l’occupation de l’espace de la région. Ce sont ces deux aspects qui favorisaient l’introduction de l’exploitation traditionnelle du sel dans la région de Tameantsoa.

I- LE PEUPLEMENT DE LA REGION :

Avant le XVIIIème siècle, la région de Tameantsoa faisait partie de la région dominée par la principauté Teafo Andriantsileleke, issue de la royauté Renelime (cinq mères). Mais suite à une guerre intestine au sein de cette dernière, le prince cadet Antalaotse, à peine vaincu par le Teafo, incita le Roi maroseragna mahafale de Menarandra pour envahir le pays. Après une guerre acharnée entre le Maroseragna et les quatre principautés (Ndriambato, Ndrianaivo, Mbetsiaohatse, et Teafo Ndriatsileleke), la quasi-totalité des Renelime succombèrent sauf les Teafo Andriatsileleke. En effet, ces derniers préféraient quitter leur terre, de la rive gauche du fleuve pour se réfugier chez les Bara sur la rive droite. Ils ne voulaient pas se soumettre au vainqueur qui n’était que leur neveu. La guerre finie, le roi Maroseragna se déclara Roi de l’Onilahy, et installa sa résidence royale à Beroy, un village à l’Est du chef-lieu de district de Betioky-Sud aujourd’hui. Dans le même moment, le Roi Bara de la rive droite convoitait la terre abandonnée par les Teafo. En effet, il voulait la contrôler et ne cesse d’organiser des irruptions pour l’envahir. Pour se protéger contre cette incursion incessante, le Roi invita des migrants pour peupler et protéger son royaume. Pour ce faire, il a placé deux types d’habitants sur la rive gauche : les hommes libres appelés « Tevohitse » et les serviles appelés « Tandonake » (litt. ceux de la maison royale). Les premiers sont des nouveaux immigrants attirés par la fertilité de la terre. Ils demandèrent de la terre au Roi. Ils ont encore le droit de garder leur marque d’oreilles de zébu et leur hazomanga 8. Ils gèrent l’affaire sociale et économique dans le village. Néanmoins, ils sont encore sous l’égide de l’autorité et du pouvoir du Roi. Par contre, les Tandonake comme son nom l’indique étaient des gens au service du Roi. Ce sont des guetteurs, des agents

8 Selon la tradition orale, certains clans qui voulaient embrasser la royauté ont été obligés de perdre leur nom, leur marque d’oreilles de zébu, ainsi que leur hazomanga.

14 de renseignement, des tireurs. Ils sont les représentants du Roi dans le village. Ils assurent la garde des frontières et la sécurité des habitants. Cependant, malgré la fertilité de la terre, les populations de la région étaient belliqueuses. Ainsi, il était difficile pour des migrants d’accepter de s’intercaler entre les belligérants. C’étaient seulement des gens fuyant des facteurs répulsifs telles que la sécheresse ou la querelle intestine de leur village natal qui avaient accepté de s’y installer, et y fondèrent des villages tels que Tameantsoa, Androvakely, et Andranomay, trois villages hôtes de l’exploitation du sel.

I-1- Peuplement du village de Tameantsoa :

D’après les traditions orales recueillies auprès des informateurs locaux, il est difficile d’affirmer directement qui est le premier clan arrivé à Tameantsoa. Chaque clan affirme l’être. Cependant, chacun reconnaît que quelques clans y arrivèrent presque à la même période (deuxième moitié du XIXème siècle). Pendant la deuxième moitié du XIXème siècle arrivèrent à Tameantsoa, Esovala, Emahalotse, et Etsilany, des Tandroy Temangotroke venant de la région au sud de Menarandra. Fuyant la sécheresse du sud, ils voulaient s’installer dans la vallée de l’Onilahy. Ils ont demandé des terres au Roi maroseragna. Ce dernier leur a autorisé de s’installer à Tameantsoa . A la même période, Manontolo, un Masikoro Misaòra d’Ankantsankantsa (de la vallée du fleuve Mangoky), après avoir fui la querelle entre lui et un roitelet masikoro, alla auprès du Roi maroseragna de l’Onilahy pour demander la permission de s’y installer aussi. Son « vilo » depuis son village d’origine était Bealama. Mais une fois en terre mahafale, il le changea sous le nom « Misaòra » (lit. Remerciez !), pour remercier le Roi. Il en est de même pour les Temboankoho venant de Besely, dirigés par Fiarena, et les Masikoro Mitsangàna d’Antanàndava, dirigés par Etsitababo, Ce sont les Masikoro Tsimiridy d’Andranoreje, dirigés par Efaoke, qui paraît un peu clair qu’ils viennent après tous ces gens. Néanmoins, ils sont aujourd’hui classés dans la communauté des « Tevohitse », qui prétendent être fondateurs du village. Par contre, les Temangotroke s’avèrent un peu exclus de cette classe. Plus tard arrivèrent les Tagnalagnam-poty Tetsivalea de Manorofify, dirigés par Emahatò.

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Cependant, ces nouveaux arrivants sont des agriculteurs pasteurs. C’est la terre fertile qui les attirait à venir à Tameantsoa.

« Ndaty mpihare naho mpambole avao aby re zao." Fa ty tanelé tia vonje?iereo aby eò . »9

« Ils étaient tous des agriculteurs et éleveurs. C’est cette terre fertile qui les faisait venir ici. »

I-2- Peuplement du village d’Androvakely :

Barakone, un Tanalanampoty d’Antanindranto, fuyant la sécheresse qui a frappé son village natal, migra à (à l’Ouest de Betioky-Sud) avec ses cinq fils, dont Elatsakale était l’aîné. Mais comme ses fils savaient tirer à cette époque, le Roi maroseragna les envoyait sur la place d’Androvakely d’aujourd’hui, pour garder la frontière et empêcher l’irruption des Bara et des Tanosy de la rive droite. Ils étaient donc des « Tandonake », car ils étaient au service du Roi. C’est après qu’arriva Emanina, un Masikoro Tsimandigny de Betioky Mandatsà. Il s’était d’abord installé à Magnasoa, un village sur la rive droite avant qu’il rejoigne son frère par le sang Ekerereba (fils d’Elatsakale) à Androvakely. Emanina était un piroguier pêcheur. Il se familiarisait avec les commerçants Vezo d’Anatsono qui longeaient le fleuve Onilahy en pirogue, pour se rendre à ou à Benenenitsy troquant des poteries et des objets qu’ils venaient d’obtenir des Européens de Nosy-ve, contre du riz.

« laha fa sa-voka-bare rey, le misy Vezo bakanatsono miakatse miantinana, minday enta niazondrozy bakamy vazaha reo a Nosy-ve eny : barìka, velany vý, sotro vý, finga vý, atakalo vary . »10 .

« A chaque période de récolte du riz, certains Vezo d’Anatsono remontent le fleuve vers l’Est, emmenant des cargaisons qu’ils viennent d’obtenir des

9 Informations recueillies auprès d’Edadane, 56 ans, Propriétaire foncier, Tameantsoa (Interview du 04 Avril 2006) 10 Informations recueillies auprès de Dimasy, 81 ans, Notable vezo, Androvakely (Interview du 10 Septembre 2005)

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étrangers de Nosy-vé : fûts, marmites en fer, assiettes en fer, cuillères en aluminium. Ils les troquent contre du riz. »

Ces piroguiers préféraient faire étape à Androvakely avant de continuer leur route vers l’Est.

« Miala tsirikandro bak’Anatsono rozy, mitehy avao hatra Belavenoke mandiny tsioky. Bakeo amizay manatratsy miroro Androvakely eto. Vao izay miala maraindray bak’eto manohy magna Beadabo na Benenitsy . » 11

« Ils partent d’Anatsono à l’aube. Ils pagaient jusqu’à Belavenoke en attendant le vent. Puis, ils s’efforcent d’atteindre Androvakely pour dormir. Et le lendemain, ils continuent de bon matin leur route vers Beadabo ou vers Benenitsy . »

De là naquit l’ancien port fluvial d’Androvakely, et la connaissance de la population locale en matière de navigation fluviale. Ce n’est pas étonnant que, lors de la colonisation, la population d’Androvakely était exemptée des travaux forcés sous prétexte qu’elle assure déjà le transport des cargaisons coloniales, telle que la houille venant de Sakoa à destination de l’ancien port maritime de , et les munitions venant de ce dernier à destination de Belamoty et de Benenitsy.

« … tamy faha?i vazahay, zahay tandrovakely teto tsy namira pira fa nahay laka. Tsy neke?i vazahay hanao asa hafa zahay fa le fa mangalake sarabó an-tsarete baka Sakoa agne, le andese Androvakely eto. Bakeo atere an-daka kea mbagn’Anatsogno agne. Fa misy avao kea ty sasane magnatetse balam-bazaha magnabelamoty noho Benenenitsy agne. ».12

« … pendant la période de la colonisation, nous, les gens d’Androvakely, n’étions pas des coupeurs de caoutchouc, car nous étions des piroguiers. Les colons ne nous ont pas permis de faire un autre travail que de transporter en charrette du charbon de terre de Sakoa jusqu’ici à Androvakely, puis l’embarquer en pirogue

11 Informations recueillies auprès de Dimasy, 81 ans, Notable vezo à Androvakely (Interview du 10 septembre 2005) 12 Informations recueillies auprès de Manina Fitiria, 62 ans, Notable Masikoro à Androvakely (Interview du 11 Septembre 2005)

17

vers Anatsono (Saint-Augustin). Et certains parmi nous transportaient aussi des munitions des colons vers Belamoty et Benenitsy .»

Suite à cette prérogative, des gens fuyant du « tomboke pira »13 , s’y immigrent. Cela était la cause de l’essor démographique du village et la naissance du nom Androvakely (petite ville ou petit palais) par la suite.

I-3- Peuplement du village d’Andranomay :

Au XIXème siècle, Esoafiavy, un Mahafale Ndriambato d’Ilovo (à l’Ouest d’), à la recherche de terre fertile, demanda au Roi maroseragna de s’installer à Andranomay avec son épouse Marendahatse. Ils engendrèrent Esondiotse et Elahimiary. Esondiotse engendra à son tour Ebohimahonjo, et Etognemasy pour Elahimiary. Jusqu’à maintenant, la quasi-totalité de la population locale sont leurs descendants issus du clan Ndriambato. Seuls les sauniers et les gendres qui sont issus des autres clans dans le village.

Si on regarde le peuplement de ces trois villages, les habitants sont tous des migrants qui ont demandé des terres auprès du Roi maroseragna de l’Onilahy. Ils sont presque des gens en difficulté avant de s’y installer. Il est ainsi facile pour les premiers sauniers de s’y installer.

II- L’OCCUPATION DE L’ESPACE AVANT LA PRODUCTION DU SEL :

La région de Tameantsoa est placée entre le fleuve Onilahy et son affluent Menarandroe. Ces deux rivières favorisent l’activité agro-pastorale dans la région, avec l’existence de bons pâturages et de bonnes terres alluviales. Cette situation a pour vocation d’attirer des migrants agriculteurs pasteurs. Il existe une complémentarité entre activités pastorales et activités agricoles. L’élevage a besoin de résidus des cultures céréalières, et des tiges des patates douces, des pois du cap, des haricots pour l’alimentation du bétail, tandis que l’agriculture a besoin aussi du bétail pour le transport des récoltes et pour tirer les charrues. Cependant, il y a

13 Un travail forcé pendant la colonisation qui force les indigènes à collecter des produits caoutchouteux

18 des espaces impropres à la culture, juste à côté des champs de cultures. Ce sont les terrains salifères. En quantité limitée, le sel est bénéfique sur certains sols acides. Si le sel est mélangé avec du fumier ou si on le laisse s’accumuler dans le sol, il tue la végétation. Le terrain devient ainsi stérile et improductif. Seuls les roseaux (Phragmites maritianus) , les “famonty” ( Chadsia grevei ), les “kidresy” (Cynodon dactylon), peuvent y pousser. Bien que le bétail aime brouter les herbes qui y poussent, les éleveurs n’aiment pas laisser leurs animaux s’y aventurer de peur qu’ils tombent malade à cause de la profusion de sel. Ces terrains alors ne servaient à rien pour les Mahafale. Cela a facilité l’implantation des premiers sauniers dans la région. Plus tard, lors de la colonisation, les colons y faisaient venir des Betsileo pour y cultiver du riz. Ils ont aménagé la terre en terrain rizicole. Mais il y a eu toujours des espaces où l’eau n’arrive pas à irriguer. Ceux-ci restent encore des terrains salifères à exploiter pour les sauniers. A plus forte raison, le canal d’irrigation ne fonctionne pas correctement aujourd’hui. Ce qui accroît davantage la surface des terrains salifères à exploiter dans la commune rurale de Tameantsoa. Mais il faut noter que la salinisation du sol constitue l’un des graves problèmes de l’agriculture dans le monde aujourd’hui.

III- L’ENTREE DE L’EXPLOITATION TRADITIONNELLE DU SEL DANS LA REGION :

A la deuxième moitié du XIXème siècle (la troisième génération est un homme de 65 ans), TAHATSOA, une femme Tagnalagnampoty de Tombogne, se mariait avec MANDREDAHY, fils de RAHOJANGA, une saunière Tagnala d’Esira (de la région Anosy). Selon la source orale recueillie, Ils vivaient de la production du sel dans leur village natal. Après avoir engendré leur fille MAGNISOVOGNE, ils décidaient de faire le « sorognanake »14 chez les parents de la femme. En allant vers l’Est, ils se reposaient à Androvakely avec sa sœur Rasiliny. De là, ils voyaient qu’il y avait un terrain salifère meilleur que dans leur village natal dans la propriété de Manina. Ainsi, ils le demandèrent au propriétaire pour y exploiter du sel. Le propriétaire du terrain accepta leur demande, car les habitants du village étaient encore moins nombreux, tandis que le terroir était encore vaste. Il avait encore besoin de bras pour

14 Une cérémonie à laquelle le père sacrifie un zébu chez ses beaux-parents pour reconnaître légitimement son enfant.

19 travailler. D’autant plus que le terrain demandé n’était pas utilisable pour la population locale. En outre, le tabou du sel est réservé seulement pour les éleveurs. Alors qu’il était un piroguier et pêcheur. Il ne tenait donc pas compte du tabou qui interdit l’introduction du sel dans le village. En tout cas, il a déjà subi l’agression du tabou à la pêche lors de sa première installation. Car les Mahafale ne connaissaient pas encore la pêche, ni mangeaient les poissons. Mais comme le Roi lui a donné l’autorisation de s’y installer, les Tagnalagna qui étaient au service de la royauté ne pouvaient rien faire contre lui. Néanmoins, le tabou qui interdit aux Mahafale d’introduire du sel dans un village où il y a un parc à bœufs, était encore strict à ce moment là. C’est la raison pour laquelle ils n’ont pas permis aux sauniers d’habiter ensemble avec eux dans leur village. Mais ils devraient s’installer à l’écart du village, là où leur production se déroule. Jusqu’ à aujourd’hui, les villages des sauniers et leurs ateliers se trouvent juste à côté du terrain salifère qu’ils exploitent.

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Chapitre III : LES SAUNIERS :

I- IDENTIFICATION DES SAUNIERS :

Il est difficile d’avoir toute la liste des sauniers dès le début jusqu’à nos jours. Le titre saunier ne s’affiche pas dans les registres des fokontany qu’on a feuilletés. Ils n’aiment pas que le titre saunier soit mentionné sur leur carte d’identité nationale. Beaucoup d’entre eux ne se sont pas inscrit pendant les recensements qu’on a déjà effectués dans la région. Car ils pensent toujours qu’après avoir beaucoup thésaurisé dans l’exploitation traditionnelle du sel, ils rentreraient dans leur village natal, ou feraient une autre activité. Lorsqu’ ils partent, ils ne racontent pas à leurs successeurs l’histoire de l’exploitation du sel, ni les anciennes techniques et méthodes utilisées. Par ailleurs, les sauniers débutants aussi ne s’intéressent pas au passé de l’exploitation, mais à l’argent qu’ils vont gagner pour survivre. En effet, l’ancienne tradition orale concernant l’exploitation traditionnelle du sel de Tameantsoa s’estompe. Les sauniers d’aujourd’hui n’arrivent plus à connaître le début de l’exploitation. C’est la raison pour laquelle qu’on a consulté les propriétaires des terrains salifères, pour savoir un peu plus sur ce thème. La détention d’un terrain domaniale se transmet de génération en génération, malgré quelques cas exceptionnels (certaines parcelles sont vendues). Ils sont censés avoir des informations sur ce qui s’était passé sur leurs propriétés.

Cette approche nous a un peu aidé à savoir brièvement le passage et la présence de certains clans dans l’exploitation du sel dès son début jusqu’ à aujourd’hui :

I-1- Les Tagnala :

Les Tagnala sont les précurseurs de l’exploitation traditionnelle du sel à Tameantsoa. Ils venaient du village d’Esira, de la région Anosy. Ils arrivèrent à Androvakely à la deuxième moitié du XIXème siècle, lors du retour de leur voyage à Tombogne. Ils savaient déjà la technique de production du sel depuis leur village d’origine. Ils convoitaient le terrain salifère d’Androvakely. Si bien qu’ils s’y installèrent pour exploiter traditionnellement du sel.

Leurs descendants sont encore dans la région, mais ils n’exploitent plus le sel.

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I-2- Les Tanosy :

Les Tanosy qui arrivèrent dans la vallée de l’Onilahy en 1840-45 étaient plutôt pêcheurs et agriculteurs qu’éleveurs. Avant de partir, Ndremananga, un Roi Bara ou Masikoro, a maudit le lac Ihotry, comme quoi tout le riz cultivé auprès du lac deviendrait des « vondro »( Cypéracées ). Si bien que les Tanosy, implantés dans la région, vivaient seulement de la pêche. Ce n’est pas étonnant donc d’entendre que lors d’une sécheresse qui assécha le lac Ihotry, au début de la pénétration de la colonisation, ils se déplaçaient à Androvakely. Les hommes faisaient la pêche et le transport fluvial dans le fleuve Onilahy, tandis que les femmes rejoignent les femmes Tagnala dans l’exploitation traditionnelle du sel. C’étaient les Teloharano du village d’Ihotry et les Tesatra Tesiragna du village de Fenoatsimo qui en étaient les premiers. 15 Par ailleurs, le métayage n’arrangeait pas certaines familles Tanosy. Surtout, les femmes veuves et divorcées qui nourrissent des enfants. En voici un témoignage :

« …mbo kelikely gny razanay da fa gny endribeny noho endriny avao gny niteza azy. ‘Sy nahaava loasy reo, no sady nifanasafa amin’ny tompon-tanimboly avao koa gny vokasy azo. Ka da tapa-kevisy taminizay reo hifindra tetìky, hanao sira, satria io gny mba drala malaky sady ‘sy ifanasafa . »16

« …depuis l’enfance de mon grand-père, c’étaient déjà sa grand-mère et sa mère qui l’élevaient. Elles ne pouvaient guère faire du sarclage. En plus, on partageait en deux les produits récoltés. Si bien qu’elles décidaient de se déplacer ici pour travailler le sel. En fait, c’était le moyen le plus rapide pour gagner de l’argent, d’ailleurs on ne partage pas ».

Aujourd’hui, certains Tanosy qui accompagnent leur famille à la léproserie d’Ambiky commencent à s’intéresser aussi à l’exploitation traditionnelle du sel à Tameantsoa.

15 Informations recueillies auprès de FARA Mahatonga, Ex-Maire de la Commune rurale de Tongobory (Interview du 2 Avril 2006) 16 Informations recueillies auprès d’Esoafiavy, 43 ans, Vice-président de l’Association des sauniers à Beloba Bekidresy (Interview du 21 Septembre 2005)

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Tableau n°1 : Répartition de ménages de Tanosy dans les 4 villages des Sauniers :

Teloharano Tesiragna Tambolo Tankilitelo Sous total par village

Androvakely 04 02 03 00 09

Agnivorano- 02 01 00 00 03 Antokonose

Beloba- 03 02 02 06 13 Bekidresy

Ranomay 01 04 00 00 05

Sous total par 10 09 05 06 30 sub-clan Total

Source : Enquête menée auprès des villages des sauniers en septembre 2005.

Nombre moyen des personnes par ménage : 05

I-3- Les Vezo

Depuis longtemps, les Vezo d’Anatsono ont eu l’habitude de remonter le fleuve Onilahy, de Saint-Augustin jusqu’à Benenitsy, pour faire le commerce. Ils préfèrent l’effectuer pendant la période de récolte du riz chez les Bara ou Tanosy de l’Onilahy. Comme ce trafic était ponctuel et permanent, les Vezo ont tissé des relations étroites avec certains villages et des petits ports fluviaux tout au long du fleuve, au cours de leur route. Ainsi, après la période de récolte du riz, les uns retournent chez eux pour vendre du riz qu’ils avaient thésaurisé, tandis que d’autres préfèrent rester sur place pour assurer le transport et la pêche fluviale. Néanmoins, ils ne travaillaient pas le sel jusqu’à ce qu’un certain Mbola, un vezo d’Anatsono, rejoignit pour la première fois Fiondreha, un Tanosy Teloharano d’Ihotry, et Rajaona, un Betsileo d’Ambalavao, dans le site d’Agnivorano-Tokonose. Son père était un lépreux à la léproserie d’Ambiky. Bien que la production de sel soit considérée comme un travail malsain dans la région, il est devenu quand même saunier, car même son activité ancestrale, c’est à dire la pêche, en est de même.

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« Tsy voho sirao, fa ndre ty finta amy ty harato fa fiveloma ty razantena bakany zay, le fa hahatse na asa kineanea ty fandineha ty Mahafale aze. Fa ty olo samy amy ty fombane. Le fa ze hita hahasoa avao ro atao ». 17

« Non seulement l’exploitation du sel, mais même la pêche qui est notre activité ancestrale, est aussi considérée comme un travail malsain par les Mahafale. Mais chacun (clan) a ses coutumes. Que l’on fasse ce qu’on trouve mieux ».

Les Vezo commencèrent l’exploitation traditionnelle du sel à Agnivorano, vers 1948, date à laquelle Keta, un vezo d’Anatsono, fut placé à Androvakely pour garder le bac.

« Niarakarake tamy ty nifiavi ?i Keta tamy bakey ty nanomboha ?o vezo reo nanao sira tagnivorano ao ». 18

« Le début des Vezo dans l’exploitation du sel à Agnivorano coïncida avec l’arrivée de Keta et le bac . »

Tableau n°2 : Répartition des vezo dans les quatre sites d’exploitation.

Anatsogno Leobondro Sous total par village

Androvakely 00 00 00 00

Agnivorano 08 02 00 10

Beloba 03 00 01 04

Ranomay 00 00 00 00

Sous total par 11 02 01 14 origine Total

Source : enquête auprès de chaque village des sauniers en septembre 2005.

Ils sont des Vezo originaires d’Anatsono. Mais quelques- uns parmi eux sont du village de Belalanda et de Leobondro.

17 Informations recueillies auprès de Mahavelo Tovolahy, 35 ans, Saunier vezo à Agnivorano (Interview du 25 Septembre 2005) 18 Informations recueillies auprès d’Edadane, 56 ans, Propriétaire foncier d’Agnivorano (Interview du 04 Avril 2006)

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I-4- Les Tandroy :

Fuyant la sécheresse qui sévissait dans le Sud de Madagascar, des Tandroy aussi arrivèrent dans l’Onilahy, au XIXème siècle, à la recherche de terre fertile. Une fois en terre Mahafale, certains qui avaient encore des bœufs pouvaient acheter des terrains tandis que ceux qui étaient démunis devraient faire le métayage auprès des propriétaires terriens. Le produit de la terre ne suffisait pas pour nourrir la famille. Si bien qu’ils envoyaient leurs femmes travailler dans l’exploitation traditionnelle du sel pour combler ce qui est insuffisant. Car les hommes Tandroy n’osaient pas encore travailler le sel, ni aller à la pêche.

«Tsy vaho ty sira fa ndre ty fiagne tsy napolepoletse ty Tandroy ty taloha. Ka mbe nahamegnatse ty lahilahy tamizay ty hagnarato naho hanao sira . » 19

« Non seulement le sel, mais le poisson aussi n’était pas l’affaire des Tandroy auparavant. Si bien que les hommes Tandroy avaient encore honte d’aller à la pêche ou de travailler le sel »

Malgré l’importance du profit tiré du sel et de la pêche en ce temps là, les hommes Tandroy se contentaient seulement de faire le métayage. C’étaient des gens originaires du district de Beloha qui s’appellent en général « Tahandrefa », et de Savagne de Tsihombe qui travaillaient le sel dans le site d’Androvakely auparavant. Mais aujourd’hui, les Tandroy de différents clans dans la région du Sud-Ouest, qui accompagnent leur famille lépreuse à la léproserie d’Ambiky travaillent aussi le sel, jusqu’à ce que leur malade soit guéri.

19 Informations recueillies auprès de Mirane, 54 ans, saunière tandroy à Androvakely (Interview du 19 Septembre 2005)

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Tableau n°3 : Répartition des Tandroy dans les quatre sites d’exploitation.

Du Sud-Ouest Tahandrefa Sous total par village

Androvakely 03 06 09

Agnivorano 00 00 00

Beloba 00 00 00

Ranomay 02 04 06

Sous total par clan 05 10 15

Total

Source : Enquête effectuée auprès des sauniers en septembre 2005.

I-5- Les Mahafale :

Il n’y avait guère des Mahafale natifs de la région de Tameantsoa qui osaient travailler le sel. C’étaient plutôt les Tagnalagna du littoral et quelques Mahafale venant des autres régions qui s’occupaient de cette activité au début.

« Ty Mahafale tetoy tsy nahasaky niasa sira loatse. Fa le fa ndaty fa tsy mikendre ty vatane ho soa no sady fa tsy manan-kotamane zay matoa manao io »20

« Les Mahafale de cette région ne travaillaient pas le sel, à moins qu’ils n’ont plus d’ambition et d’espoir dans la vie .»

Cependant, ils n’y restaient pas longtemps. Mais après avoir fait fortune avec l’exploitation du sel, ils préféraient rentrer chez eux. Mais aujourd’hui, on peut y trouver des natifs du village de rattachement qui commencent à travailler le sel. Ils sont majoritaires dans la région maintenant.

20 Informations recueillies auprès de Tsirevo, 57 ans, Notable Mahafale à Tameantsoa (Interview du 10 Avril 2006)

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Tableau n°4 : Répartition des Mahafale dans les quatre sites d’exploitation.

Mahafale natifs Mahafale d’autre Tagnalàna Sous total par de la région région village

Androvakely 03 08 07 18

Agnivorano 07 02 00 09

Beloba 09 03 03 15

Ranomay 00 02 05 07

Sous total 19 15 15 49

Total

Source : Enquête menée auprès des sauniers, en septembre 2005.

I-6- Les Betsileo :

Les Betsileo arrivent tardivement dans l’exploitation traditionnelle du sel de Tameantsoa. Même ceux qui s’y trouvent à présent sont la première génération qui débute à travailler le sel. C’est la riziculture qui était la cause de leur présence dans la région. Ils travaillaient pour les colons. Mais lorsque le canal d’irrigation de Tameantsoa n’est guère fonctionnel, la plupart d’entre eux s’en allaient, tandis qu’il y a ceux qui sont retenus par le mariage avec les familles des sauniers.

Leur nombre est encore restreint. Ils forment huit ménages au total : cinq ménages dans le site d’Agnivorano, et trois dans celui d’Androvakely.

I-7- Les Masikoro :

On trouve très peu de Masikoro dans l’exploitation traditionnelle du sel à Tamentsoa. Ils sont venus pour la première fois dans la région pour amener des malades à la Léproserie d’ Ambiky. Ils y apprennent la technique et la méthode de production du sel. Ils continuent de travailler jusqu’à ce que leur malade soit guéri.

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Tableau n°5 : LA REPARTITION DE CLANS DANS LES 4 SITES SAUNIERS

Androvakely Agnivorano Beloba- Andranoma Sous total Bekidresy y par clan

Mahafale et 18 09 15 07 49 Tagnalagna

Tandroy 09 00 00 06 15

Tanosy 09 03 13 05 30

Vezo 00 10 04 00 14

Betsileo 03 05 00 00 08

Masikoro 00 00 03 00 03

Sous total par 39 27 35 18 119 village Total

Source : Enquête effectuée auprès des sauniers en septembre 2005

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Carte n°2 : REPARTITION DES SAUNIERS PAR CLAN ET PAR SITE :

Source : Enquête effectuée auprès des sauniers en septembre 2005, adaptée sur un extrait de la carte topographique au 1 :100 000, feuille E-58, de la FTM 1977.

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Chapitre IV : LES TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE L’EXPLOITATION DU SEL.

II--- L’ORIGINE DES TECHNIQUES ET DES METHODES UTILISEES :

Les techniques et les méthodes de production utilisées à Tameantsoa viennent vraisemblablement du village d’Esira, de la région Anosy. C’est le village d’origine des précurseurs de la production de sel de Tameantsoa. Cependant, on n’a pas encore trouvé d’autres sources qui la confirment ou l’infirment. On se contente d’abord de cette source étant donné qu’on est encore à l’initiation à la recherche. On peut envisager une étude plus poussée ultérieurement.

II--- LES TECHNIQUES ET LES METHODES DE PRODUCTION UTILISEES :

De par son utilité, comme l’eau et le feu, le sel ne s’est jamais séparé de la vie humaine. Avant même l’Antiquité, le sel était déjà exploité par l’homme, dans plusieurs pays du monde. On le trouvait en Chine, en Arabie, en Inde, en Europe, et en Afrique. Mais la technique de production utilisée diffère d’une région à une autre. Waldecker en témoigne brièvement ce qu’il a trouvé en Afrique de l’Est :

“Traditional methods of processing salt, in eastern Africa as in other parts of the continent, varied considerably from place to place .” 21

« Les méthodes traditionnelles de traitement du sel, en Afrique de l’Est comme dans d’autres parties du continent, ont varié considérablement d’une place à une autre »

Elle est susceptible de subir des modifications, dues à l’environnement et à l’entrée de nouvelle technologie. Néanmoins, la base de la technique reste toujours. Dans une même région, elle peut être variée. En voici une confirmation de Sutton et de Roberts : « According to our informants, a somewhat different method was used at Ivuna pans ”. 22

21 Waldecker, 1966-7; 1967a 22 SUTTON J.E.G and ROBERTS A.D

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« D’après nos informateurs, différentes méthodes ont été utilisées dans la saline d’Ivuna »

C’est le cas de l’exploitation traditionnelle du sel de Tameantsoa : On procède au décapage des terres salifères, au filtrage de la saumure et à la distillation et cristallisation du sel. Mais il y a quelques différences sur la mise en œuvre du processus entre les quatre sites d’exploitation existants.

II-1- LOCALISATION DU MINERAI :

Le sel peut être exploité par l’homme. C’est donc un minerai. Comme tout minerai, il faut le localiser avant de l’exploiter. Il y a différents types de technique et de méthode pour extraire traditionnellement le sel. J.E.G. Sutton et A.D. Roberts en citent :

« Much depended on whether the salt was extracted from saline earth or mud, from grasses that were burnt, or from actual brine, and on its density and purity .” 23

« Beaucoup a dépendu à ce que le sel a été extrait de terre ou de boue salifère, d’herbes qui ont été brûlé, ou de réelle saumure, et sur sa densité et sa pureté .»

Pour le cas de l’exploitation traditionnelle du sel de Tameantsoa, on l’exploite du sédiment salifère appelé « tane sirasira » (terres salifères). Sa localisation n’est pas encore un problème pour les sauniers de Tameantsoa, car il y a encore des terrains que leurs prédécesseurs ont déjà localisés et exploités. Ils sont encore exploitables et presque intarissables jusqu’aujourd’hui. Les sauniers y apprennent, par une connaissance empirique, la localisation d’un terrain salifère. Ils le localisent dans un endroit où il n’y a rien qui pousse que des « bararata » (« Phragmites maritianus »), des « kidresy » ( Cynodon dactylon ), des « famonty » ( Chadsia grevei ). Car ce sont les seules plantes qui peuvent survivre à la salinisation du sol. On voit apparaître en surface des poudres de sel très fines scintillantes, en dessous desquelles est le sol mouillé en permanence, même en plein soleil de l’été. C’est d’après cela qu’ils puissent localiser un nouveau site en cas de besoin.

23 Ibid

31

Comme ce qui s’était passé dans le site de Beloba-Bekidresy en 1974 : le terrain salifère était inondé par la crue de l’Onilahy. Les sauniers étaient contraints de trouver un nouveau site à exploiter. Grâce à cette connaissance, ils ont découvert le site de Belalanda (un village un peu plus au sud du village de Tanambao-Bemoky). Cependant, ils retournèrent à Beloba-Bekidresy en 1976, à cause de l’insuffisance de l’eau dans le nouveau site. Selon les sauniers locaux, il y a quatre types de sol salifiable dans la commune rurale de Tameantsoa : le « siram-potake » (sel de boue), le « siram-pasy » (sel de sable), le « siran-tanemena » (sel d’argile rouge), et le « tain-tsira » (litt. Déchet de sel ; sens. Déchet de sédiment salifère).

II-1-1- Le « siram-potake » :

C’est un endroit où il y a une flaque d’eau pendant la période de pluie. Pendant l’hiver, on y trouve de la boue. A peine asséchées, des poudres de sel très fines commencent à apparaître au dessus de la boue. D’où son appellation « siram-potake » (lit. Sel de boue). On le trouve dans les quatre sites existant dans la commune rurale. Il est le sédiment salifiable le plus exploité dans les quatre sites d’exploitation réunis. Dans un endroit où il est exploité régulièrement, les sauniers l’appellent « siramalinike » (lit. Petit sel), tandis que dans un endroit où on l’exploite peu, ils l’appellent « bemokoko » (« avoir- beaucoup- de- croûtes »). Ces appellations viennent de l’état du produit qu’on obtient après la cuisson. (Voir ci-dessous)

II-1-2- Le « siram-pasy » :

Littéralement, « siram-pasy » veut dire sel de sable. On l’appelle ainsi suivant le type du sol où il se trouve. Le terrain subit de l’inondation pendant la crue de l’Onilahy. Cette dernière y emmène des sables fluviatiles qui recouvrent certain espace. Par le phénomène de la salinisation du sol, l’eau fait remonter en surface de la saumure.

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Photo n°1 : Le « siram-potake », ou la boue salifèr e.

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Photo n°2 : Le « siram-p asy » ou sable salifère

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Dès qu’elle se retire, elle y laisse des sables salifères mouillés en permanence. Sous l’effet du vent et du soleil, il se forme en surface une couche de sable salifère compacté et friable d’environ deux millimètres. Sa teneur en sel est moins saturée que les autres sols, mais il est indispensable pour l’écoulement de la saumure pendant le filtrage qu’on va voir ci-dessous, et aussi pour la blancheur du sel produit. On l’exploite seulement dans le site d’Androvakely et d’Agnivorano.

II-1-3- Le « siran-tanemena » :

Ce type de sol salifère est exploité uniquement à Agnivorano. Il se trouve le long des parois de la ravine à l’ouest du site d’exploitation. On y voit apparaître, sur une terre sablo argileuse rouge, des poudres de sel blanc qui scintillent en surface. Les sauniers d’Agnivorano pensent que ce type de sédiment salifère est indispensable pour la blancheur du sel produit. « …laha fa nampiasa azy zahay, le nihafoty maré ty sira aminay etoy . »24

« …dès que nous commençions à l’utiliser, les sels produits ici blanchissent . »

Mais les sauniers de Beloba-Bekidresy rectifient cela, en disant que la blancheur du sel d’Agnivorano vient de l’intensité de l’extraction du terrain salifère.

II-1-4- Le « tain-tsira » :

Ce sont les déchets de sédiment salifère qu’on a déjà extrait du sel. D’où leur appellation « tain-tsira » (déchets de sel). Ils sont empilés à coté du « taranja », prenant la forme d’un mur à demi-cercle. C’est la raison pour laquelle ils sont parfois appelés « dogon-tsira » (empilement de sel). Lorsqu’ils franchissent un mètre et demi de hauteur, les sauniers les transforment en maison. Ils déménagent tout simplement le « taranja », et installent du toit au- dessus. Cela pourrait leur servir de maison pendant la saison de production. Parfois, il y a aussi des sauniers qui construisent

24 Informations recueillies auprès de Mahavelo Tovolahy, 35 ans, saunier à Agnivorano. (Interview du 22 Septembre 2005)

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Photo n°3 : Des petits sauniers qui décapent du « t aintsira » (déchet des sédiments salifères)

Photo n°4 : Un poulailler construit avec les déchet s des sédiments salifères

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Photo n°5 : Des maisons construi tes avec le déchet des sédiments salifères.

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des poulaillers avec le « tain-tsira »; La salinité de ces déchets est déjà atténuée du fait que le sel qu’ils contiennent a été déjà extrait. Mais après une ou deux années, leur teneur en sel se régénère. L’apparition des poudres de sel en surface sur leur paroi en est l’indicateur. Ainsi, ils redeviennent encore salifiables. Si bien que les sauniers les décapent encore pour y obtenir des sédiments salifères. Pendant la période sèche, on l’utilise dans le but d’agrandir la taille des poudres de sel obtenu. Cependant, pendant la saison de pluie, une période pendant laquelle le terrain salifère est couvert de flaques d’eau, on les mélange avec d’autres sédiments salifères (siram-potake, siram-pasy,…) qu’on a stocké pendant la période sèche. Cependant, ils sont la base de ce mélange tandis que les autres sédiments deviennent des additifs. On l’utilise dans les quatre sites d’exploitation de la commune rurale.

II-2- DECAPAGE DES TERRES SALIFÈRES :

Décaper les terres salifères est une tache simple pour les sauniers. Même les enfants peuvent le faire. Il s’agit de décaper à ciel ouvert les sédiments salifères qui se trouvent à la couche superficielle, avec une truelle rudimentaire appelée « fikaoke » . On les entasse sur un rayon de deux mètres, jusqu’à ce qu’on obtienne la quantité de tas voulue. En décapant, on ne doit pas dépasser un certain point environ un centimètre de profondeur, car la teneur en sel du sédiment pourrait affecter la salinité de la saumure requise. Contrairement à ce qui se passait à Pwaga et à Nyanza, en Tanzanie 25 , ce sont généralement les femmes qui assurent cette tâche. N’empêche qu’on peut rencontrer aussi de temps en temps des enfants qui aident leur mère. Certains gestes pendant l’accomplissement de cette tâche ressemblent à l’activité ménagère des femmes. En tout cas, le fait qu’on s’accroupisse pendant longtemps en assurant cette tâche, est la source de maux de dos chez les hommes.

25 Sutton et Roberts: only men worked the salt, but women came to the camps to cook for them…

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Photo n°6 : Des enfants qui aident leurs mères au d écapage du sol salifère.

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II-3- MANUTENTION DES TERRES SALIFERES :

Après avoir entassé la quantité de tas voulu, on les ramasse à main nue dans un panier ou dans un sac plastique. Puis, on les transporte à dos d’homme au point du filtrage. Pour le cas des sites d’Androvakely et d’Agnivorano, on alterne le déversement des différents types de sédiment l’un après l’autre, afin de ne plus les mélanger quand on va ultérieurement les passer au filtrage. Cette tâche demande un effort physique. Si bien que les hommes commencent à y intervenir. Ils préfèrent se servir du sac qui est favorable pour l’épaule que le panier qui est favorable pour la tête. Selon la philosophie de la population locale, il est une bonne manière pour les hommes de porter un fardeau sur l’épaule que sur la tête. Car cette dernière est censée être la partie la plus sacrée chez les hommes.

II-4- FILTRAGE DE LA SAUMURE :

L’objectif est d’extraire des saumures à partir des sédiments salifères. Il s’agit de dissoudre le sel que renferment les terres salifères avec de l’eau, pour qu’on obtienne de la solution aqueuse très salée. Certes, quels que soient les matériels utilisés pour extraire la saumure des sédiments salifères, le filtrage est toujours nécessaire. Sutton et Roberts le confirment:

« Filtering through wooden trough as at Ivuna, or through pots with perforated bases as at Katwe and Kibiro in Uganda, appears to have been normal, at least if a fairly pure salt was required .»26

« Filtrer à travers de cuvette en bois comme à Ivuna, ou à travers pots avec les bases perforées comme à Katwe et Kibiro à l'Ouganda, paraît avoir été normal, au moins si un sel assez pur avait été exigé »

Il y a donc différentes techniques et matériels pour filtrer la saumure des terres salifères. Les sauniers de Tameantsoa se servent du « taranja », un panier en

26 Ibid

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Photo n°7 : Manutention et transport d e sédiment salifère.

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« satra » ( Bismarckia sp .) suspendu sur deux ou trois supports en bois, aujourd’hui remplacé par une natte en « vondro » ( Typha augustifolia ) suspendu sur quatre pieds de bois. On y verse d’abord un kilogramme de sable pour clarifier la couleur de la saumure extraite. Il ressemble aux lambeaux d’écorce placés sur les trous du pot perforé de Kibiro, en Ouganda 27 . Puis, on déverse les sédiments salifères au- dessus. La quantité des sédiments versés dépend de la taille du « taranja ». Ensuite, on y verse de l’eau froide pour dissoudre le sel que renferment ces sédiments salifères. Il se peut qu’il y ait un manque à gagner sur cette dissolution, si on le compare avec ce qui se passe dans les autres sites d’exploitation de sel tel que celui de Lugowa, dans la vallée de Malagarasi en Tanzanie. CAMERON raconte:

« …Hot water is then poured into the topmost trough to dissolve the salt with which the mud is impregnated … »28 “ …De l'eau chaude est versée dans la cuvette le plus haut pour dissoudre le sel que renferme la boue …» L’eau chaude peut dissoudre le sel rapidement et en quantité. Cependant, elle pourrait endommager la natte du « taranja » rapidement. Elle demande encore des combustibles supplémentaires et du temps pour l’avoir. Plus loin, elle peut dépourvoir le sel que renferme le « taintsira ». Ce qui empêcherait certains sauniers de les exploiter en saison de pluie par la suite. Ainsi, on doit encore essayer de comparer le rendement apporté par son utilisation et la dépense supplémentaire qu’on doit y risquer (combustible supplémentaire, gestion du temps, impact sur la dureté de certains matériels telle que la « natte ») La quantité de l’eau versée dépend de la saison, car la teneur en sel du sol varie d’une saison à l’autre. Elle est augmentée en « faosa », tandis qu’elle régresse en «asotry». L’eau ne coule pas très vite, à cause de la faible perméabilité des sédiments. Surtout pour le cas des sites qui n’utilisent pas de « siram-pasy » tels que Beloba-Bekidresy et Ranomay. Par conséquent, elle circule et dissout le sel soluble que contiennent les sédiments. Ce qui donne naissance à une solution aqueuse très salée. Cette dernière coule dans le « loka » (une auge en bois placée en dessous du « taranja »), en passant à travers le sable, et suivant le « kobon-taranja » (une tige

27 Connah Graham, 1990 28 Cameron, 1877, I, p.232

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Photo n°8 : Des grains de sable pour filtrer la saleté de la saumure.

Photo n°9 : Une vieille saunière déversant le sédim ent salifère dans le « taranja ».

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Photo n°10 : Une vieille saunière qui déverse de l’ eau dans le « taranja ».

Photo n°11 : RAZAFIARIJAONA Manoëla, Président des sauniers, expliquant l’écoulement de la saumure dans le « loka » (auge) ou le « lakara » (ici sur l’image), et le rôle du « kobon-taranja ».

44 de roseau reliant le fond du « taranja » et le « loka ». Au fur et à mesure que les boues sont retenues par le sable, la vitesse de l’écoulement diminue. La couleur de la saumure se clarifie. Si bien que les sauniers laissent d’abord les premières gouttes couler sur le sol, car elles sont encore sales. Néanmoins, la couleur de la saumure obtenue à la fin est rousse. L’écoulement dure pendant environ trois heures de temps pour ceux qui utilisent le « sirampasy », sinon quatre heures de temps pour les non utilisateurs. Cependant, on ne doit pas attendre jusqu’à ce que la saumure soit toute filtrée. Mais dès qu’il y a quelques quantités suffisantes dans le « loka », on peut entamer directement la distillation.

II-5- DISTILLATION ET CRISTALLISATION DU SEL :

Pour salifier la saumure, il faut que l’eau qu’elle contienne s’évapore pour qu’il y ait encore la fusion de l’anion Na+ et le cation Cl-. Ce qui engendrerait la cristallisation du sel (Na Cl) par la suite. Pour ce faire, les sauniers de Tameantsoa chauffent la saumure au feu, à l’aide d’une bouilloire sans couvercle. Ils puisent la saumure du « loka » à l’aide d’un bol, appelé « fanovy » ou « lima ». Ils la chargent dans un seau. Puis ils la déversent dans la bouilloire. On attise le feu jusqu’à l’ébullition. Ce processus se fait généralement à ciel ouvert, au contraire de ce qui se passe dans les autres régions exploitantes de sel en Afrique (Kibiro en Uganda, Ivuna et Uvinza en Tanzanie,...) :

« The boiling was done inside the huts … ». 29

« Le bouillissage a été fait à l'intérieur des huttes… »

Il est probable que l’accessibilité au combustible soit la cause de la nuance. Le saunier de Kibiro doit escalader la montagne pour chercher des bois de chauffe, si bien qu’ils les économisent dans la hutte 30 . Tandis que ceux de Tameantsoa peuvent tout simplement en acheter chez les charretiers vendeurs de bois de chauffe. Au fur et à mesure que l’eau s’évapore, il se forme des cristaux de sel. Par suite du

29 SUTTON J.E.G and ROBERTS A.D 30 CONNAH GRAHAM,

45 mouvement de l’ébullition, les poussières et les cristaux de sel flottent en surface. Les poussières légères sont retenues par les mousses, tandis que le sel cristallisé se précipite vers le fond. On enlève alors les mousses, à l’aide d’une grande cuillère, de peur que les boues qu’elles renferment rubéfient les cristaux de sel. On commence à faire cet enlèvement après une heure de temps du début de la cuisson, et on le réitère à chaque fois qu’ils s’amoncellent en surface. Entre temps, on mêle le sel du fond vers le haut avec la même cuillère de peur qu’il se compacte. A un certain point que les cristaux de sel et les fluides ressemblent à un bouillon de riz, on enlève la bouilloire à l’aide de deux bâtons en bois, de peur que le sel devienne du « mokoko » (croûte au fond de la bouilloire). Cette technique diffère de ce qui se passe dans la plupart des sites d’exploitation du sel en Afrique orientale : pendant l’évaporation, on ajoute continuellement de la saumure dans la marmite jusqu’à ce qu’elle soit pleine d’un bloc de sel 31 . Ce dernier casse parfois la marmite en terre cuite, car elle reste chauffée au feu pendant sept à dix heures de temps. Ce bloc de sel est favorable pour la commercialisation du sel en Afrique orientale à ce moment là.

« Clearly, this method was more likely to be used when a trading situation was involved, for blocks of salt are more readily transported and also can be produced, if desired, in more or less standardized units …” 32

« Clairement, il était préférable que cette méthode ait été utilisée quand une situation du commerce a été impliquée. Le bloc de sel est plus facile à transporter, et peut être produit plus aisément dans les unités plus ou moins standardisées, si on le désire »

Par contre, le sel de Tameantsoa a été conçu pour la consommation locale au début. Si bien que les sauniers préfèrent produire seulement des poudres de sel. Fagan et Yellen ont même signalé l’utilisation de la saumure dans la cuisine des sauniers d’Ivuna.

31 Brian M. fagan et J.E.Yellen ; J.E.G.Sutton et A.D.Roberts 32 Brian M. fagan et J.E.Yellen

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Photo n°12 : La saumure en évapor ation

Photo n°13 : Deux sauniers soulevant la bouilloire à l’aide de deux bâtons

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« The resulting salty water was added to vegetables when cooking . »33

« L’eau salée résultant a été ajoutée aux légumes quand on cuit . »

On accule ensuite la bouilloire sur n’importe quel support, en la gardant inclinée, afin que les dissolutions qui imbibent encore le sel cristallisé se déversent. Pendant la saison de pluie, certains sauniers puisent ces liquides dans un seau, et les gardent pour le prochain filtrage. Ensuite, on puise le sel qui est encore humide dans un « lakara » (un récipient à la forme d’une petite pirogue coupée en deux). On l’accule sur un mur en gardant son extrémité, à la forme d’une flèche, en bas, afin que les liquides qui imbibent le sel s’y déversent. Etant donné que la saumure trempe encore le sel, il reste encore rubéfié. Si bien que certains sauniers y ajoutent une faible quantité d’eau douce, afin de blanchir le sel. A Lugowa, dans la vallée de Malagarasi, on dissout encore le sel. On soumet, les dissolutions obtenues, à la distillation. Cela est dans le but d’obtenir une très bonne qualité de sel. On réitère à le dissoudre et à le distiller jusqu’à ce qu’on gagne du sel blanc pur, que Cameron le classifie « a very good white salt the best of any I have seen in Africa » (le très bon sel blanc, le meilleur de ceux que j’ai trouvé en Afrique).

« If the first boiling does not produce a sufficiently pure salt, it is again dissolved and filtered until the requisite purity is attained . »34

« Si la première évaporation ne produit pas de sel suffisamment pur, on le dissolvait et le filtrait encore jusqu’à ce que la pureté requise soit atteinte »

Cette méthode devrait être aussi appliquée dans certains sites d’exploitation du sel de Tameantsoa (tels que Andranomay et Beloba), là où la qualité et la salubrité des produits finis sont blâmées par les commerçants et les consommateurs. Le sel reste conservé dans le « lakara » jusqu’à la veille du jour de la vente du produit, temps auquel on doit le dessécher au soleil. Pour ce faire, on l’éparpille tout simplement sur une natte.

33 Ibid. 34 CAMERON, 1877, I, p.232

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III- LE COMBUSTIBLE : Pour avoir du sel cristallisé, les sauniers de Tameantsoa chauffent la saumure dans une bouilloire. Pour ce faire, ils utilisent des bois de chauffe comme producteur de chaleur. Les sauniers savent distinguer l’efficacité du combustible par leur pouvoir calorifique. C’est à peu près le même cas que les métallurgistes des Hautes terres qui connaissent, par expérience, distinguer le pouvoir calorifique et la composition du combustible relatif à chaque étape de réduction 35 . Ils distinguent deux types de bois de chauffe dans la région de Tameantsoa : les bois durs, avec lesquels les anciens sauniers ont l’habitude d’échauffer leur sel, tels que le « kotipoke » ( Grewia grevei ), l’ « avoha » ( Dichrostachys tennifolia ), le « katrafae » (Cedrelopsis grevei ), le tamarinier ( Tamarindus Indica ),…, et les bois précaires, tels que le « famata » (Euphorbia stenoclada ), et le « kapaipoty » ( Gyrocarpus americanus ),... Aujourd’hui, minoritaires sont les sauniers qui utilisent les premiers, à cause de leur cherté. Grâce à leur pouvoir calorifique, ces espèces sont très recherchées par la population locale pour la cuisine. Cela les rend chers au marché. Par contre, les bois précaires sont encore nombreux dans la forêt. Rares sont les gens non sauniers qui les utilisent, à cause de leur consumation rapide. Les sauniers en sont les principaux consommateurs. Cependant, dans la technique de production de sel de Tameantsoa, le bois de chauffe n’a d’autre rôle que la production de chaleur. Les sauniers n’ont donc pas besoin de définir le rôle de chaque type de combustible pour une étape donnée, mais ils utilisent tout simplement ceux qui sont à leur portée. Néanmoins, la qualité du bois de chauffe utilisé joue un rôle sur la quantité de combustible consommée. Quand on utilise du bois de chauffe précaire, il se consume rapidement. Ce qui consomme une grande quantité de bois de chauffe. Une charrette de bois de chauffe est consommée pour deux ou trois grandes bouilloires. Par contre, une charrette de bois de chauffe dur peut fournir la chaleur requise pour quatre grandes bouilloires de saumure. Cependant, la taille de la bouilloire, la place où se trouve le foyer, et la salinité de la dissolution aussi interfèrent sur la quantité du combustible consommé. La fabrication de la bouilloire est effectuée manuellement par les sauniers eux-mêmes. La taille n’est donc pas standard. Elle dépend de l’utilisateur. Au fur et à mesure que la quantité de la dissolution dans la bouilloire est volumineuse, elle s’évapore et se cristallise lentement. Ce qui consomme beaucoup

35 RADIMILAHY C, 1985, p. 64

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Photo n°14 : Un foyer qui se t rouve à l’intérieur d’une maison

Photo n°15 : Un foyer à ciel ouvert.

50 de combustible par la suite. La place où on utilise le combustible aussi dicte la quantité consommée. Il y a ceux qui distillent leur sel en plein air et les autres dans une maison. Le premier cas est venté. Il consomme ainsi beaucoup de bois de chauffe que le deuxième qui est privé de vent. Mais la plupart des sauniers préfèrent installer leur foyer à l’extérieur, sous prétexte qu’ils ne veulent pas le feu augmenter la chaleur dans la maison pendant l’été (faosa). Enfin, la salinité de la dissolution aussi retombe sur la quantité de bois de chauffe consommée. Elle dépend de la composition de l’eau et des terres salifères dans le « taranja ». Pendant le « Faosa », on ajoute six seaux d’eau dans trois « vaha » des terres salifères, tandis que seulement trois seaux pour la même quantité pendant l’ « asara » et le « lohan’asotry ». Car la teneur en sel du sédiment salifère par saison n’est pas du tout la même. Au fur et à mesure que la dissolution est plus saturée, elle s’évapore et se cristallise rapidement à l’échauffement. Ce qui réduit la quantité de combustible consommé. Au départ, les sauniers cherchent des bois de chauffe dans la lisière de la forêt de Ranomay. Ils les transportent à dos d’homme. Mais aujourd’hui, suite à la déforestation, la communauté de base dans le village de Ranomay, avec l’aide de l’administration forestière, a élaboré un « Dina », sanctionnant l’exploitation irrationnelle des ressources forestières. Pourtant, l’essor démographique chez les sauniers augmente leur consommation en combustible. Ce qui contraint les sauniers de chercher des bois de chauffe dans les autres forêts qui ne sont pas régies par le « Dina ». Cependant, ces forêts se trouvent dans une distance de cinq à neuf kilomètres par rapport au village des sauniers. Si bien qu’ils achètent aux charretiers qui se spécialisent dans la vente de bois de chauffe. Seulement les sauniers achètent leur bois pendant la période sèche. Pendant la période de pluie, ils peuvent en chercher à la lisière de la forêt de Ranomay. Le nombre des sauniers qui travaillent au champ, pendant cette période, est réduit. Ils ne produisent pas beaucoup, à cause de l’insuffisance des terres salifères. L’utilisation de ces combustibles a des impacts écologiques sur les ressources forestières de la région. Le Président du GELOSE d’Andranomay a même signalé que malgré l’existence du « Dina », certains sauniers l’enfreignent délibérément, en collectant des bois de chauffe dans la forêt de Ranomay. Il a estimé la consommation journalière des sauniers en bois de chauffe à une centaine de charrettes par jour. La plupart de cette quantité pèse sur la forêt d’Andranomay. Les

51 ressources forestières exploitées par les sauniers sont encore abondantes dans la forêt. En tout cas, c’est un type de forêt sèche d’épineux à base d’euphorbiacées et de didiéracées. Néanmoins, si la pression continue, elle pourrait raréfier certaines espèces.

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Photo n°16 : Des sauniers qui viennent de chercher du bois de chauffe à la lisière de la forêt avoisinante.

Photo n°17 : Des charretiers qui viennent de cherch er du bois de chauffe dans la forêt

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Chapitre V : LES OUTILLAGES DE PRODUCTION UTILISES

Les sources orales parlent peu du passé de l’exploitation du sel. Lorsqu’on a voulu le mettre en évidence par une approche archéologique non approfondie, telle que la reconnaissance, on n’a guère trouvé de chose qui le confirme. Il se peut que cela s’explique par la précarité des matériels utilisés par les anciens sauniers ou du fait de l’insuffisance de temps, de moyens techniques et pécuniaires utilisés pour l’étude. Malgré tout cela, on peut se contenter des sources orales et de ce qu’on a trouvé sur le terrain. En tout cas, l’étude est encore au stade de l’initiation à la recherche. On pourrait l’approfondir ultérieurement, si on veut une étude plus poussée. En général, la base de technique de production de sel à Tameantsoa n’a guère changé. Ce sont seulement les outillages qui se modifient suivant l’environnement et l’innovation par le temps. Dans une même commune rurale, les techniques de production et les outillages utilisés diffèrent quelquefois d’un site à un autre. C’est pour cela qu’on va énumérer ici les instruments dont se servent tous les sauniers de Tameantsoa pour effectuer leur production, en précisant la chronologie et le site où on les utilise.

1- Le « fikaoke » (avec lequel on décape) :

Au début, les sauniers utilisaient des bois durs plats affûtés, tels que le « vaovy » (Tetrapterocarpon geayi ), le « lovaenafe » ( Lovainafia madagascariensis ou Dicraeopetalus mahafaliensis ), le « katrafae » (Cedrelopsis grevei ), le « varo » (Cordia sp .)…, pour décaper les terres salifères. Parfois, ils utilisaient des os plats. On les utilisait seulement dans le site d’Androvakely et de Ranomay. Il fallait attendre l’arrivée de la colonisation pour pouvoir bricoler les tôles en une truelle rudimentaire. Ce nouveau matériel a accéléré la durée de la tâche, car il est plus facile à utiliser. Grâce à cette truelle rudimentaire, les sauniers peuvent extraire beaucoup des terres salifères. Car la vitesse et le temps du travail s’accélèrent. Cela a augmenté la production. Le « fikaoke » est utilisé dans tous les quatre sites existants.

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Photo n°18 : Une truelle rudimentaire fabriquée en tôle, appelé « fikaoke ». Elle sert à décaper le sol salifère.

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2- Le « vaha » : C’est un panier rond fait en « satra » ( Bismarckia sp.). Il a été utilisé dès le début de l’exploitation jusqu’à présent, pour transporter les terres salifères du terrain jusqu’au point de filtrage. Néanmoins, on l’utilisait pour filtrer la saumure, dans l’ancien site d’exploitation du sel d’Androvakely et de Ranomay.

3- Le sac en fibre plastique :

Il sert à transporter des terres salifères, notamment pour les hommes. On a commencé à l’utiliser dans la production de sel de Tameantsoa, depuis 1980, période au cours de laquelle le sac de riz est fait en fibre plastique. Il peut contenir quatre à cinq fois plus que le « vaha ». Il est aussi utilisé par certains sauniers pour dessécher le sel cristallisé à la place de la natte.

4- Les seaux :

Avant, les sauniers se servaient simplement d’un récipient en calebasse pour chercher de l’eau et pour transporter la saumure du « loka » à la bouilloire. Mais avec l’innovation technologique, il est remplacé par le seau métallique et en plastique. Cependant, le matériel en métal est susceptible d’être rouillé et/ou endommagé rapidement à cause de l’effet du sel. Si bien qu’on ne trouve plus de seau métallique sur le terrain. Certaines vieilles saunières l’utilisent encore pour contenir la saumure filtrée au « taranja », pour remplacer le « loka ».

5- Le “fanovy” :

C’est un bol fait en calebasse appelé « fanovy » ou « lima», aujourd’hui remplacé par des bols métalliques et/ou plastiques. Il sert à puiser de l’eau. Cependant, les sauniers d’aujourd’hui préfèrent encore se servir de la calebasse et du plastique, car le métallique n’est pas durable du fait de la rouille causée par l’effet du sel.

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Photo n°19 : Le « vaha », un panier rond fabriqué à partir des feuilles de « satra » (Bismarckia sp.)

Photo n°20 : Sac en fibre plastique qui sert à tran sporter les terres salifères et à dessécher le sel cristallisé.

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Photo n°21 : Une saunière qui cherche de l’eau avec un seau.

Photo n°22 : Des seaux utilisés à la place du “loka ” et du “lakara”.

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6- Le « taranja » :

C’est une grande passoire qui sert à filtrer la saumure. Elle était antérieurement fabriquée avec un grand panier, appelé « vaha », suspendu sur deux ou trois pieds de bois. Ce modèle a été seulement utilisé à Androvakely et à Ranomay. Aujourd’hui, sa forme a été modifiée. Les sauniers le fabriquent avec une natte en « vondro » (Typha augustifolia ) macérée pendant une nuit. Ils le lient avec des cordes végétales, notamment le « satra » ( Bismarckia sp .), sur quatre traverses qui sont déjà suspendus sur quatre autres pieds en bois. Parfois, on peut trouver une combinaison de deux « taranja », appelée « akondrohamba » (litt. banane jumelle). De préférence, ils utilisent le « avoha » ( Dichrostachys tennifolia ), le « katepoke » ( Grewia grevei ), le « fatra » ( Terminalia ulexoides ), le « somontsoy » ( Fernandoa madagascariensis ), pour le construire.

7- Le « loka » :

C’est un récipient placé sous le « taranja » pour contenir la saumure qui coule du filtre. Avant, les sauniers utilisaient une bassine en bois faite en daro (commiphora sp.), de la même taille que le fond du « taranja », appelé « sakazo » ou « fingahetae ». Mais aujourd’hui, ils se servent d’une auge faite en « daro » ou en « boy » (Commiphora pterocaypa), appelé « loka ». Parfois, il prend la forme d’une petite pirogue. A cette forme là, il est appelé « lakara ». Ce sont les sauniers eux-mêmes qui fabriquent leur propre « loka » ou « lakara ». Pour les vieilles femmes, leurs jeunes homologues en fabriquent pour elles. Ou bien elles se servent de seau.

8- Le « Kobon-taranja » :

C’est une tige de roseau ou de « kidresy » perçant le fond de la natte du « taranja ». Elle sert à faire couler la saumure rapidement à travers le filtre et la guider directement vers l’intérieur du « loka », sans être éparpillé par le vent. On l’utilise notamment pour un atelier exposé au vent. Les sauniers de Beloba-Bekidresy n’utilisent pas cette technique. Il n’en vaut plus la peine pour eux de l’appliquer, car leur atelier est déjà privé de vent par les remparts

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Photo n°23 : Un père saunier, entrain de fabriquer un « taranja » pour sa femme.

Photo n°24 : Un “tara nja” simple.

Photo n°25 : Un “a kondrohamba”.

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Photo n°26 : Une auge appelée « loka »

Photo n°27 : Un récipient appelé « lakara »

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Photo n°28 : Un « kobon-taranja » fait en tige de r oseau

Photo n°29 : Un « kobon-taranja » fait en « kidresy » (Cynodon dactylon)

62 construits fortuitement par les déchets de terres salifères jetées à côté. Cependant, pour faire couler les dissolutions rapidement, les sauniers font des trous au fond de la natte. Ils les appellent « mason-taranja » (litt. Oeil du « taranja »).

9- La bouilloire :

Elle sert à distiller la saumure, et cristalliser le sel qu’elle renferme. Au début, selon la tradition orale recueillie, les sauniers se servaient de la marmite en terre cuite qu’ils obtenaient des commerçants « vezo ». Mais à la veille de la colonisation, ils l’ont remplacé par la marmite en fer surnommé « trokenebo » (ventre d’un fainéant), qu’ils achètent aux commerçants « vezo » (ces derniers l’obtenaient aussi des étrangers de Nosy-vé, en les troquant contre des œufs, des volailles,…). Plus tard, ils bricolent le couvercle d’un fût pour évaporer la dissolution. Pour ce faire, ils creusent en forme parabolique la terre, puis mettent le couvercle du fût au dessus. Ils façonnent ce dernier avec des pilons de mortier, suivant la forme du creux pour avoir une bouilloire parabolique. Cette dernière a remplacé progressivement le « trokenebo ». Ils utilisaient cette bouilloire pendant la colonisation. Ces trois marmites de sel ont été utilisées seulement à Androvakely et à Ranomay. C’est lors de la reprise de la production de sel qu’ils fabriquent une nouvelle bouilloire plus grande avec la tôle. Elle prend la forme d’une cuve en rectangle ou en carré. Mais la taille dépend de l’utilisateur. Elle est d’ores et déjà utilisée par la majorité des sauniers d’aujourd’hui, malgré l’existence de la nouvelle bouilloire pourvue par l’UNICEF. Cette dernière n’est pas suffisante pour tous les sauniers. En plus, elle prend la même forme que la précédente, alors qu’elle est encore plus grande. Ce qui fait hésiter certains sauniers de l’utiliser, de peur qu’elle consomme beaucoup de combustibles et soit trop lourde à soulever. Une de ces bouilloires peut contenir dix-sept seaux de dix litres.

10- Le « Sadron-tsira » : C’est une grande cuillère, qui sert à enlever les mousses pendant l’évaporation et à puiser le sel cristallisé de la bouilloire. Avant, elle était faite en bois. On l’a fabriqué avec le « daro », le « kapaipoty » (gyrocarpus americanus),…). Mais aujourd’hui, elle est remplacée par la grande cuillère métallique. Cependant, sa tige est rallongée par un roseau ou une tige végétale, pour éviter la chaleur de la cuillère pendant son utilisation.

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Photo n°30 : Une bouilloire carrée fabriquée en tôl e par les sauniers eux-mêmes.

Photo n°31 : Une bouilloire rectangle fabriquée en tôle par les sauniers eux-mêmes.

Photo n°32 : La bouilloire fabriquée en aluminium,( don de l’UNICEF en 2003)

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Photo n°33 : Cuillère de sel rallongée par une tige de roseau.

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11- Le « lakara » :

C’est un récipient en bois (daro, boy,…) à la forme d’une petite pirogue coupée au milieu en deux. Il sert à tarir les dissolutions restantes dans le sel cristallisé, et à conserver le sel cristallisé jusqu’à la veille du jour de la vente. On l’accule sur un support en l’inclinant. L’extrémité coupée est gardée en haut, afin que les dissolutions se déversent suivant l’extrémité en flèche. On l’accule souvent au « dogon-tsira ».

12- La natte :

C’est une natte faite en « vondro » ( Typha augustifolia ) au- dessus de laquelle on éparpille le sel à dessécher. Parfois, certains sauniers utilisent des sacs en fibre plastique à sa place, lorsqu’ils vont dessécher une faible quantité. . 13- Le « petake » :

Ce sont deux galets fluviatiles (grand et petit) qui servent normalement à moudre du maïs. Mais les sauniers l’utilisent aussi pour broyer les « mokokon-tsira » 36 , résultant de la précipitation du sel dans la bouilloire.

36 Croûte de sel

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Photo n°34 : Un lakara plein de sel conservé pour l e jour de la vente

Photo n°35 : Du sel étalé sur la natte en vue de le faire sécher

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Photo n°36 : Le « petake », utilisé pour broyer le « mokokon-tsira »

Photo n°37 : Le « petake », utilisé pour moudre du maïs.

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Chapitre VI : QUANTIFICATION DE LA PRODUCTION

Ce chapitre va essayer d’établir des chiffres concernant la production de sel de Tameantsoa. Il voudrait tout simplement estimer les sels produits par un saunier, et son revenu. Pour ce faire, on va les mettre en exergue à partir de l’emploi du temps et du calendrier des sauniers, et le rendement de la production par bouilloire.

I- LE CALENDRIER DES SAUNIERS ET LEUR EMPLOI DU TEMPS :

Les sauniers reconnaissent trois saisons et une mi-saison intermédiaire dans l’année, à savoir l’ « Asara » 37 (du mois de Décembre au mois de Mars), le « Lohan’Asotry » 38 (du mois d’Avril au mois de Mai), l’ «Asotry» 39 (Du mois de Juin au mois d’Août), le Faosa 40 (du mois de Septembre au mois de Novembre). Chaque saison et mi-saison ont leur spécificité respective pour les sauniers. Pendant l’ « Asara », la plupart des sauniers ne travaillent pas le sel, car les terres salifères sont couvertes par la crue du fleuve Onilahy et son affluent Menarandroe. Pendant cette période de pluie, ils font du métayage aux propriétaires des champs de culture avoisinants. Ils profitent de la période à laquelle ils ne peuvent pas exploiter les terrains salifères pour cultiver du manioc, du maïs, et différents pois, tels que les haricots, le pois du cap, … Pendant cette période, ils survivent moyennant les sels thésaurisés pendant le « faosa ». Cependant, leur épargne ne leur suffit pas pour survivre l’ « asara » qui dure pendant trois mois. Car ils dépensent trop avec le repas, à cause de la dureté de leur travail. Alors que, pendant la saison de pluie, le prix des produits de première nécessité est très cher. Ils sont susceptibles de vendre leur épargne pour assister à la cérémonie funéraire ou à la circoncision organisée par leurs relatifs ou frères par le sang, pendant le « faosa ». A l’occasion de ces cérémonies, ils sont censés offrir de l’argent ou un bœuf à l’organisateur, comme condoléances ou prestation (« enga »). Si bien que la quasi-totalité de ces sauniers s’oriente vers d’autres activités telles que la pêche de crevettes fluviatiles, la vente de bois de chauffe,.... pour survivre pendant cette saison. Ceux qui ne peuvent pas pêcher au fleuve Onilahy et chercher de bois de chauffe, restent toujours aux sites

37 Saison de pluie 38 Début de l’Hiver 39 Hiver 40 Eté

69 d’exploitation pour produire du sel avec le « tain-tsira » 41 et les terres salifères qu’ils ont magasinées pendant la période sèche pour prévoir l’ « Asara ». C’est une saison morte pour les sauniers ; Après arrive le « Lohan’asotry », une mi-saison qui s’étale du mois d’Avril au mois de Mai. On vient de sortir de la saison de pluie en cette période. La teneur en sel du sol est encore faible. Mais les sauniers préfèrent débuter officieusement la saison d’exploitation du sel de cette mi-saison. Pendant cette période, leur emploi du temps hebdomadaire est comme suit : Du lundi au mercredi, ils décapent les terres salifères le matin. Ils les transportent au point de filtrage le midi. Ils commencent à faire le filtrage et distillent la saumure dans l’après-midi. C’est ainsi, qu’ils arrivent à distiller deux fois par jour. Le jeudi, c’est le jour du marché de Tongobory. Ils y vendent leur sel le matin. Il y a déjà des commerçants grossistes qui achètent leur sel. Après avoir vendu leur sel, ils profitent d’acheter, dans le marché, leurs provisions hebdomadaires, tels que les grains de café, du sucre, des pois, du riz, du pétrole à lampe. Ils retournent au champ après. Ils recommencent encore le vendredi jusqu’au samedi. Le dimanche, c’est le jour de marché du sel à Tongobory. Pendant ce jour, il y a des commerçants ambulants qui achètent du sel aux sauniers pour qu’ils puissent le vendre au marché de Vatolatsake le lundi, et celui de Betioky et d’Andranomangatsiake, le mardi. Pendant l’ « Asotry », cet emploi du temps hebdomadaire persiste encore. Cependant, pendant cette saison, la salinité des terres salifères est presque mature. Ce qui rend aussi la dissolution obtenue, plus saturée. Si bien que les sauniers commencent à intensifier leur production, en travaillant parallèlement le décapage, le filtrage, et la distillation, du mardi au mercredi, et du vendredi au samedi. Ainsi, ils peuvent distiller au moins trois fois par jour. Pendant la saison « Faosa », les sauniers intensifient davantage cette allure. La salinité des terres salifères est déjà bien saturée. La saumure obtenue s’évapore et se cristallise rapidement. Ils profitent de cette opportunité pour produire davantage du sel, afin qu’ils puissent thésauriser des sels d’épargne pour la saison de pluie. Pour ce faire, ils changent un peu leur emploi du temps comme suit : ils décapent et entassent tout simplement des terres salifères du vendredi au dimanche. Ils commencent à filtrer la saumure et à la distiller du lundi au mercredi. Ils travaillent même pendant la nuit, pour qu’ils puissent distiller au moins cinq fois par jour. Ils

41 Déchet de sédiment salifère.

70 vendent leur sel seulement pendant le jeudi, à moins qu’il y ait des clients fixes qui commandent spécialement du sel.

II- LA CAPACITE DE LA BOUILLOIRE ET SON RENDEMENT PAR SAISON :

La capacité de la bouilloire varie selon son utilisateur. Mais la plus grande qu’on a rencontré mesure 0,126 m3 (150 cm x 70 cm x 12 cm), tandis que la plus petite est 0,024 m3 (60 cm x 40 cm x 10 cm). Toutefois, leur rendement varie selon la salinité de la saumure par saison.

II-1- PENDANT LA SAISON « FAOSA » (Septembre à Decembre)

Pendant le « faosa », la salinité des terres salifères atteint sa maturité. La grande bouilloire peut procurer jusqu’à soixante-dix gobelets de sel pour une cuisson, tandis que la petite en donne quarante gobelets. Pendant cette période, la plupart des sauniers distillent en moyenne cinq fois par jour. Ce qui veut dire que la grande marmite procure 350 gobelets de sel (70 x 5) par jour, et 200 gobelets (40 x 5) pour la petite. Ainsi, une bouilloire fournit hebdomadairement entre 600 (200 x 3) à 1050 (350 x 3) gobelets de sel, pendant cette saison. Pendant les 12 semaines de la saison « faosa » (septembre-Novembre), elle procure entre 7200 (600 x 12) à 12 100 (1050 x 12) gobelets de sel. Avec le prix du sel à Ar 50,00 pendant cette période, elle vaut entre Ar 360.000,00 (7200 x 50) à Ar 605.000,00 (12.100 x 50). Il faut noter que le sel produit pendant cette saison est la meilleure qualité.

II-2- PENDANT LE « LOHAN’ASOTRY » (Avril-Mai) :

Pendant le « Lohan’asotry », une grande bouilloire procure seulement environ 40 gobelets, tandis qu’une petite fournit 15 gobelets. Pendant cette mi-saison, les sauniers cuisent au plus 2 fois par jour. Elle procure ainsi entre 30 (15x2) à 80 (40x2) gobelets de sel par jour. Ce qui veut dire que pendant les 5 jours (du lundi au mercredi, et du vendredi au samedi) de travail de la semaine, elle peut fournir entre 150 (30x5) à 400 (80x5) gobelets de sel par semaine. Ainsi, pendant les 8 semaines de la mi-saison, une bouilloire fournit entre 1200 (150x8) à 3200 (400x8) gobelets de sel. Le prix du sel pendant cette période est à Ar 70,00. Ce qui fait qu’une bouilloire

71 donne entre Ar 84.000,00 à Ar 224.000,00 par saison.

II-3- PENDANT L’ «ASOTRY» (Juin-Août) :

Pendant cette saison, une grande bouilloire procure 50 gobelets de sel par cuisson, et une petite en donne 20 gobelets. Pendant cette saison, un saunier cuit 3 fois par jour à part le lundi, un jour pendant lequel ils cuisent seulement 2 fois. Ce qui fait qu’ils distillent 14 fois [2+ (3x4)] par semaine. Une bouilloire procure donc entre 280 (20x14) à 700 (50x14) gobelets de sel par semaine, pendant cette saison. Ce qui veut dire que pendant les 12 semaines de la saison, elle fournit entre 3360 (280x12) à 8400 (700x12) gobelets de sel. Avec le prix du sel à Ar 70,00 pendant cette saison, ces produits valent entre Ar 235.200,00 à Ar 588.000,00.

II-4- PENDANT L’« ASARA » (Janvier-Mars) :

Cette saison est considérée comme une saison morte pour les sauniers. Peu de gens poursuivent l’activité saunière pendant cette période. Il est donc préférable de ne pas l’inclure dans l’estimation. Bref, une bouilloire peut produire entre 11.760 (7200+1200+3360) à 23.700 gobelets de sel (12.100+3 200+8 400) par an. Comme 3 gobelets de sel valent 1 kilo, elle fournit ainsi entre 3920 à 7900 kg de sel par an. Les 116 ménages qui existent dans l’exploitation traditionnelle de Tameantsoa, produisent donc annuellement au moins entre 454. 720 à 2.749.200 kg de sel. Ces chiffres pourraient être multipliés par deux, car il y a au moins deux sauniers dans un ménage. Chaque saunier utilise sa propre bouilloire. Mais le problème est que le prix du sel ne satisfait pas vraiment les sauniers. Au début de la saison de l’exploitation (« lohan’asotry »), une période à laquelle ces derniers produisent moins de sel, le prix est un peu élevé. Par contre, pendant que le rendement de la production s’avère important (pendant le « faosa »), le prix du sel baisse. Ce qui régresse le revenu des sauniers. Bien qu’ils s’efforcent d’intensifier leur produit pendant la période sèche, l’argent qu’ils gagnent ne convient pas avec leur peine dépensée. Ils recommandent, par conséquent, une réglementation pour fixer le prix. Car la plupart du sel récolté sont produits pendant la saison « Faosa », alors qu’ils n’ont pas la possibilité de stocker leur sel. Ils doivent vendre la plupart de leurs produits pour survivre. A cause de la dureté de leur travail,

72 ils dépensent trop d’argent avec le repas. Faosa est la période au cours de laquelle la population locale organise des « havoria » 42 . Ils ont ainsi besoin d’argent pour y assister. Par conséquent, ils n’arrivent pas à stocker de sel d’épargne. Ils vendent la plupart de leur sel. Les collecteurs profitent de cette situation, en faisant embargo sur le prix du sel.

Photo n°38 : Des sédiments salifères stockés avant la saison de pluie

42 Cérémonie rituelle

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III. LA PRODUCTION DU SEL ET SON EVOLUTION

Avant l’implantation de l’exploitation traditionnelle du sel dans la région de Tameantsoa, les Mahafale n’introduisaient pas le sel dans un village où il y a un parc à bétail, sous prétexte qu’il n’est pas compatible, voire même tabou pour l’élevage bovin. Mais comme les habitants d’Androvakely n’étaient pas des éleveurs mais plutôt des pêcheurs, ils ne posaient pas de problème pour accueillir les précurseurs de la production du sel dans leur village. En ce temps là, la production de sel était un objet de consommation. C’étaient seulement les migrants qui s’occupaient de cette activité. Ils troquaient leur sel contre des vivres à leurs homologues environnants. Mais les consommateurs étaient encore peu nombreux. Il fallait attendre l’arrivée des Tanosy pour que la perspective de la production du sel évolue. Ces nouveaux migrants étaient venus en masse. Ils étaient devenus les alliés du Roi, du fait qu’ils arrivent à repousser les Bara de la rive droite de l’Onilahy vers le Nord. Le Roi leur a légué la terre au nord du fleuve. Mais dans la vallée, on voyait un melting-pot de la société mahafale éleveur et Tanosy riziculteur et pêcheur. L’un des changements apporté par cette cohabitation a été l’augmentation des consommateurs de sel. On sait que les Tanosy connaissent le sel depuis longtemps. Sous l’influence du mariage entre Tanosy et Mahafale, ces derniers ont commencé à transgresser leur tabou au sel. Ce qui augmente par conséquent, la demande en sel. Cependant, l’offre était encore insuffisante, si bien que le sel est devenu très recherché. Il y avait, par conséquent, certains Tanosy qui rejoignaient les sauniers dans l’exploitation traditionnelle du sel. Ce qui fait que la production de sel devient une activité commerciale. Ils le troquaient contre du manioc et de l’arachide chez les Mahafale, et contre du riz chez les Tanosy, notamment pendant la période de récolte. Ce dernier débouché a été amplifié par l’intermédiaire des piroguiers commerçants vezo d’Anatsono. Ils longent le fleuve Onilahy de l’embouchure jusqu’à Bezà-Tanosy, voire même à Benenitsy. Ils troquaient leur poterie et des objets qu’ils gagnaient des étrangers de Nosy-vé contre du sel dans l’ancien port fluvial d’Androvakely, puis les troquaient contre du riz chez les Tanosy après. Cette situation a promu la production de sel. Elle incita certaines personnes à s’orienter vers l’exploitation traditionnelle du sel. Cependant, comme le cas de certaine production du sel en Afrique 43 , l’arrivée de

43 FALOLA, (T.), 1992, p. 414

74 la colonisation a temporisé un peu cet essor. Car les colonisateurs engageaient la population locale dans les travaux forcés, telles que la collecte de caoutchouc (« tomboke pira »), et la construction de la route. Pour le cas d’Androvakely, la population en était exemptée. Car elle assurait le transport du charbon de terre de Sakoa vers l’ancien port maritime de Soalara.

« …tsy nitomboke pira ty tandrovakely teto fa nisy sarete 100 naho vosintsarete 200 teto nitaogne sarabò baka Sakoa hatreto, bakeo amizay andese andaka magna Salary .” 44

« La population d’Androvakely ne collectait pas le caoutchouc, sous prétexte qu’il y avait 100 charrettes et 200 zébus pour transporter du charbon de terre de Sakoa jusqu’ici. Après, on le transporte en pirogue vers Salary (ancien port maritime à côté de l’embouchure) . »

Par conséquent, beaucoup de sauniers abandonnaient l’exploitation traditionnelle du sel de Tameantsoa. Ce qui décroissait la production par la suite. Alors qu’il y avait déjà beaucoup de gens qui ont besoin de sel dans la vie quotidienne. D’où l’importation de sel marin venant de Toliara, pendant la colonisation. Ils servaient à compenser la demande en sel de la population locale. Pendant cette période, l’exploitation traditionnelle du sel de terre de Tameantsoa s’éclipsait derrière le sel marin. Car ce dernier a été moins cher que le sel de terre. En tout cas, les gens n’ont pas encore réalisé l’importance de ce dernier par rapport à l’autre. Cependant, en ce temps là, le sel commence à devenir un objet de vente. Après l’abolition des travaux forcés, certains sauniers commencèrent à revenir dans l’exploitation traditionnelle du sel. Cependant, le bras de fer entre le sel marin et le sel de terre continuait toujours jusqu’à ce que les gens aient réalisé depuis les années 80 que le dernier était utile pour la lutte contre l’hypertension artérielle. Cette découverte a encore rendu le sel de terre utile tant dans le domaine de la thérapeutique traditionnelle que dans la consommation journalière. Mais au fur et à mesure que cela se propage, le sel de terre élargit l’horizon de son utilité. Il accède ainsi au marché local, régional, provincial, et national. Cependant, une fois au marché national, la production de sel rencontre un problème de salubrité, car les produits ne contiennent, dit-on, de l’iode.

44 Informations recueillies auprès de Manina Fitiria, 62 ans, Notable à Androvakely (Interview du mois de septembre 2005)

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Ainsi, depuis 2003, l’Unicef-Toilara est intervenu en sensibilisant les sauniers sur l’utilité de l’iode dans le sel. Il les incitait de la mettre dans leur produit. Il distribuait ainsi de l’iode et des matériels requis tels que le pulvérisateur, des testeurs d’iode, et des bouilloires de sel en aluminium. Il y a eu même un saunier qu’on a formé à Toliara pour vulgariser l’utilisation de l’iode, et pour sensibiliser les sauniers à la salubrité du sel produit. On a créé l’association des sauniers, au sein de laquelle il y a un président, 3 vice- présidents. Ces quatre personnes représentent les quatre sites d’exploitation du sel. Ils sont les premiers responsables du contrôle de salubrité des produits dans leurs sites. Ils font un rapport hebdomadaire sur le sel iodé produit au Médecin du Centre de la santé de base de Tongobory. Ce dernier fait aussi mensuellement le sien au Médecin inspecteur à Betioky-Sud. Pour obliger indirectement les sauniers de mettre de l’iode dans leur produit, le Médecin sus indiqué collabore avec la gendarmerie nationale de Tongobory pour confisquer le sel non iodé à vendre sur le marché. Mais le problème est que les consommateurs n’aiment pas le sel de terre iodé, sous prétexte qu’il est délétère. Même les collecteurs et les vendeurs au marché provincial et national ne l’aiment pas non plus, sous prétexte qu’il est difficile à conserver à cause de son humidité. Cette situation pose un grave problème pour les sauniers, car, d’une part, les autorités locales compétentes font de l’embargo sur le sel non iodé. Alors que, d’autre part, les clients critiquent le sel de terre iodé. L’utilisation de l’iode dans le sel de terre devrait donc être révisée, pour qu’il soit commercialisable et ne nuise pas la santé des clients. Ou bien, l’administration compétente qui oblige les sauniers de mettre de l’iode dans leur sel, devrait trouver un débouché pour le sel iodé produit. Sinon, les sauniers resteraient toujours entre l’enclume et le marteau.

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Chapitre VII : LE SEL DANS LA VIE SOCIO-ECONOMIQUE

I – BREF APERCU SUR LA VIE SOCIO-ECONOMIQUE DE LA POPULATION LOCALE :

La quasi-totalité des habitants de la commune rurale de Tameantsoa sont des Mahafale. Ils consacrent beaucoup de leur temps à l’élevage et à l’agriculture. A part ces deux activités principales, on peut aussi trouver des activités artisanales tels que la charpenterie, la forge, le tissage, la vannerie,... Bien que la commune rurale se trouve juste à côté du fleuve Onilahy et du petit lac de Ranomay, ses habitants s’intéressent peu à la pêche. Cependant, elle ne s’intéresse pas à l’activité commerciale. C’est la raison pour laquelle elle n’a jamais de marché hebdomadaire.

II- LE SEL DANS LA SOCIETE :

La société mahafale s’est basée sur le pastoralisme. Elle est conçue pour favoriser l’élevage extensif que les Mahafale pratiquent. Leur mode de vie est ainsi façonnée suivant cette activité. Leur croyance, et leurs us et coutumes s’y synchronisent. Certes, ils pratiquent l’agriculture et les autres activités, mais les revenus sont, en tout état de cause, destinés pour faire un investissement dans l’élevage. Ce dernier est plus qu’une activité pour eux. Car ils croient que le bœuf est l’intermédiaire entre Dieu et les humains. C’est la raison pour laquelle, leur enclos à bétail est toujours placé au Nord-Est, là où le soleil se lève, c'est-à-dire là où l’orientation cosmologique est faste et relative à la prospérité (« Alahamaly »). Par contre, dans la croyance traditionnelle, le sel est le symbole de la ruine pour les Mahafale, à cause de sa solubilité dans l’eau. Si bien qu’ils le considèrent comme tabou, car il s’oppose au principe de l’élevage. Ils souhaitent toujours que le nombre de leur troupeau augmente sans cesse. Alors que pour eux, le sel est source de ruine. Cette situation incite les éleveurs de ne pas se familiariser avec le sel, car l’expression locale dit : « miarak’amin’amboa-lambo, amboalambo. » (Qui fréquente le porc et le chien est du porc et du chien). Autrement dit, les éleveurs mahafale ont peur du sel qui est pour eux, source de malheur. D’où, ils gardent toujours le sel loin de tous ceux qui sont du zébu. Il devient tabou d’apporter du sel au « hazomanga » et dans le parc à bœufs. Il en est de même d’ajouter du sel dans le lait, ni dans la viande de bœuf. Mais

77 aujourd’hui, sous l’influence du christianisme et de la civilisation occidentale dans la société mahafale, bon nombre des éleveurs transgressent le tabou du sel. La bible enseigne que, sous la Loi mosaïque, tout ce qui était offert à Jéhovah sur l’autel devait être salé, non pour une question de saveur, mais sans aucun doute parce que le sel représentait le fait de n’être pas corrompu ni décomposé 45 . Ils ajoutent du sel à la viande de bœuf, et introduisent le sel dans la maison. Néanmoins, ils l’observent encore pour quelques circonstances. Le « korobo »46 est gardé au coin nord-est de la maison. Le parc à bœufs se trouve également dans ce coin appelé (« Alahamaly »), tandis que la salière est placée au Sud-ouest, là où se trouve la porte pour tous (« Alijaly »). Chaque coin a son propre balai respectif. Cela est pour éviter la contamination du sel à l’élevage. Les Mahafale, ou les Malagasy en général, ont hérité ces signes astrologiques des Arabes. Pourtant, les Arabes ne partagent pas le tabou du sel avec eux. Au contraire, ils faisaient même des voyages périlleux au bout du monde pour faire le commerce du sel et de l’or. Pour respecter le zébu, il est encore tabou de sortir du sel après le coucher du soleil, car les troupeaux sont déjà rentrés dans le parc. Un éleveur est censé ne pas avoir du sel dans sa maison. Il utilise seulement le sel quand son troupeau est au terrain de pâturage. Même un bouvier qui va à la transhumance ne doit pas apporter du sel avec lui pendant qu’il se déplace avec le troupeau. Il devrait encore retourner pour le récupérer, ou chercher chez la population locale hôte. Cela est toujours pour éviter la fréquentation du sel avec le zébu. Par ailleurs, même s’ils ajoutent du sel dans leur cuisine aujourd’hui, ils n’osent pas encore mettre du sel dans la viande de bœuf sacrifié au « hazomanga » (« tataogna »), ni d’y en apporter. Cela est pour respecter sa sacralité. Car c’est là où on demande la bénédiction de Dieu et des ancêtres pour la prospérité de l’activité humaine ; Il est aussi encore tabou pour le propriétaire de mettre du sel aux testicules de bœuf qu’on vient de castrer, quand il les mange. Il en est de même pour le foie et la bosse de bœuf grillé lors du « magnambara zagnahare »47 . Il est encore tabou d’y mettre du sel. 48

45 Lévitique 2: 13 : « Et toute offrande de ton offrande de grain, tu l’assaisonneras de sel ; tu ne dois pas permettre que le sel de l’alliance de ton Dieu manque sur ton offrande de grain. Avec toutes tes offrandes tu présenteras du sel » ; Ezékiel 43:24 : « Et tu devras les faire approcher devant Jéhovah, et les prêtres devront jeter sur eux du sel et les offrir en holocauste à Jéhovah » 46 Récipient pour contenir le lait 47 Une cérémonie rituelle à laquelle on donne un nom posthume à un défunt 48 Tous ceux qui ont de lien de parenté avec le défunt, n’ont pas le droit de les manger

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La persistance de ce tabou rend le sel maudit dans la société locale. Cependant, aujourd’hui, sous l’influence du christianisme et de la civilisation occidentale, les choses évoluent.

II-1- Le sel dans la littérature orale :

Comme partout ailleurs dans le monde, le sel trouve sa place dans la littérature orale de la société locale. Tantôt il a un sens péjoratif, tantôt il est valorisé. On le voit à travers les expressions que la population locale utilise. Pour insulter, certains Mahafale disent : « manjare sira ty ! » (Littéralement, que tu deviennes du sel !) : C’est l’un des plus horribles insultes dans la région 49 . Aussi, une autre expression confirme que les Mahafale n’aimaient pas le sel. Ils disent : « haneko tsy antsira » (Littéralement, je le mange sans sel). Ils utilisent cette expression pour exprimer qu’ils vont faire quelque chose avec plaisir. Cela veut dire que le sel est scandaleux en gastronomie mahafale ; Il y a même une expression concernant le saunier, à savoir : « manao volom-panao sira » (Littéralement, comme la chevelure d’un saunier) : On utilise cette expression pour décrire une mauvaise chevelure. La celle des sauniers est toujours abîmée par le sel. Néanmoins, on remarque qu’aujourd’hui, sous l’influence du christianisme, le sel est parfois valorisé. Jésus a dit dans la bible : “Certes, c’est excellent, le sel” 50 . L’ancien testament enseigne même qu’un engagement sérieux était appelé “ une alliance de sel ”. Souvent, les parties contractantes partageaient un repas, avec du sel, pour sceller leur accord 51 . En effet, lors d’une circoncision en pays mahafale, le sacrificateur appelé « mpisoro » prend le foie du bœuf immolé pour l’occasion. Il le met sur un sabre sacré appelé « vy arara ». Puis, il le fait résonner avec un autre métal, en disant « ho soa toy, hanjaka toy,… » (Ce serait le meilleur, ce serait celui qui va régner,…). Il continue de faire ses élocutions, tandis que son assistant, appelé « fahatelo », distribue le foie aux circoncis, en les faisant manger directement. Si un des circoncis n’arrive pas à l’avaler, on dit qu’il est « Mandoly sirae » (Littéralement, vomir ou déféquer quand on le sale). Ce qui indique qu’il y a une malédiction dans la famille du circoncis. Ses parents sont ainsi obligés d’immoler un bœuf pour purifier

49 Certains informateurs disent que les Mahafale ont tiré cette insulte de l’histoire de la femme de Lot qui devenait une colonne de sel, dans la bible. 50 Luc 14:34 51 Nombres 18:19

79 cette imprécation. Il faut noter qu’il est tabou d’ajouter du sel sur ce foie. Mais le sens du mot saler ici est par extension. Il se peut qu’il vienne de l’expression familière « magnisy sira » (Littéralement, mettre un peu de sel). La population locale d’aujourd’hui utilise cette locution pour énoncer un homme qui enjolive sa parole.

II-2- Le sel dans la thérapie locale :

On attribue au sel des vertus curatives, médicinales et antiseptiques. Les médecins prescrivent habituellement aux patients qui souffrent d’hypertension de limiter leur consommation de sel et de sodium. Pour ce faire, ils leur recommandent d’utiliser du sel de terre. Il en est de même pour certains guérisseurs qui utilisent la pharmacopée traditionnelle traitant le paludisme et la fièvre jaune. Ils préconisent à leurs patients de ne pas avaler du sel marin. Pourtant, Ils leur permettent d’ingérer du sel de terre. En effet, malgré la persistance du tabou du sel dans la région, le sel a son utilité dans la thérapie traditionnelle mahafale. On l’utilise pour le traitement d’une plaie : on le dissout dans de l’eau bouillie tiédie. Puis on lave la plaie avec cette dissolution. Cela peut servir comme pansement. On s’en sert aussi pour assurer le premier accouchement d’une femme enceinte. Pour ce faire, on lui prive de sel à partir du septième mois de sa grossesse, de peur qu’il va durcir le col vaginal. Avant l’accouchement, on lui fait avaler du sel. Cela pourrait la réconforter pour son enfantement.

II-3- Le sel dans la vie magico-religieuse :

Le sel trouve aussi sa place dans la vie magico-religieuse, dans les circonstances suivantes : Grâce à son symbole du dépérissement, le sel fait partie des objets avec lesquels un suspect jure, lors d’un « sangy » (juron ou serment). Il tient une hache, une ramure de « fatra » (Terminalia fatra), un reliquat de bois de chauffe consumé (« forohatampetse »), du carbone des cheminées (« molale »), et du sel en jurant :

« Ao rehe randragnahare, fa laha raho ro nanao izao, le patsihem-pamaky ty lohako, le ho fatra ho lany zahay morofoko, le ho tampetse hanahake ty forohantampetse tia ty havelonay, le ho lo ho feno molale ty agnaiko ao, le ho rava hanjare sira raho ,…»

80

« Ô Dieu. Si j’ai commis ce délit, que ma cervelle soit fêlée par cette hache. Que ma famille et moi dépérissons comme le « fatra » (Terminalia fatra). Que ma fortune régresse comme cette relique de bois de chauffe consumé. Que mon intérieur dépérisse et devienne de carbone des cheminées. Que je devienne du sel dissous . »

Il en est de même pour ceux qui vont faire le « fate-drà » (alliance par le sang). Les parties contractantes jurent l’une après l’autre, avec du sel, une hache, une ramure de « fatra » (Terminalia fatra), un reliquat de bois de chauffe consumé (« forohatampetse »), de carbone des cheminées (« molale »), de ne pas tromper son compagnon. L’ « ombiasa » aussi utilise le sel comme un charme pour une femme qui veut séduire son mari. Il lui recommande de gratter son ongle ou sa joue. Elle mélange le produit du grattage avec du sel. Elle assaisonne sa cuisine avec cette recette. Quand son époux est entrain de prendre le repas, elle lui demande :

« Asa varagne igne tsy nasiako sira avao i laokey. Masy vao io roandriagneo ? »

Je ne suis pas sûre si j’ai déjà mis du sel dans le mets. Est-il bien salé Monsieur?

Le sens du mot « masy » est ambivalent. D’une part, le sens du terme est « sacré ». A la fin d’un discours traditionnel d’un mpisoro (sacrificateur), on l’utilise à la place de « Amen » des chrétiens. D’autre part, il signifie « salé ». Si la femme a choisi ce mot au lieu de « masira » (le synonyme du mot « masy »), c’est parce qu’elle demande à son mari la sacralité du charme qu’il a avalé. Ainsi, si le monsieur dit « oui », il admettrait la puissance du charme. On croit qu’il aimerait davantage sa femme ; Enfin, certains disent que les « ombiasa » empêchent la pluie de tomber, en jetant, à ciel ouvert, du sel dans le feu.

II-4- Le saunier au sein de la société :

En guise de sorcellerie, celui qui veut faire prospérer son activité ne doit pas se familiariser avec le sel de peur que son projet décroisse, et puis s’estompe aussi comme le sel dissous dans l’eau. En effet, les Mahafale considéraient le sel comme tabou. En tout cas, les Mahafale sont des agriculteurs pasteurs. Ce sont leurs

81 activités ancestrales. Ils considèrent l’exploitation du sel comme une activité malsaine. Ils pensent que lorsqu’on s’occupe d’autres activités, on va délaisser l’activité ancestrale. Si on renonce à cette dernière, cela veut dire qu’on a aussi abandonné l’identité culturelle, voire même ethnique. Ce qui entraîne déjà à la non appartenance au clan ou ethnie de rattachement. Si bien que les sauniers sont discrédités par la société mahafale. Ils n’ont pas le droit d’assister au culte devant le « hazomanga », sous prétexte qu’ils sont des maudits. Les Mahafale croient que les sauniers ne pourraient jamais élever beaucoup de bœufs à cause de la malédiction des ancêtres. C’est même une humilité pour la population locale d’avoir un saunier dans les membres de sa famille. Les sauniers ne se permettent jamais de prendre la parole dans un « kabary » (réunion traditionnelle), c’est le propriétaire du terrain salifère avec lequel il exploite, qui les y représente ; Ils forment une nouvelle classe sociale marginale, dans la société mahafale, avec les pêcheurs, et les mendiants,… les sauniers ne paient rien en retour au propriétaire du terroir, ni à la Mairie, sous prétexte que ces derniers leur font pitié. Par conséquent, leurs fils ont des difficultés pour trouver une épouse chez les agro éleveurs. Ils ne font pas entièrement partie des fokonolo du fokontany de rattachement. Ils se rattachent plutôt au propriétaire du terrain salifère qu’ils exploitent. En voici un témoignage d’un propriétaire de terrain salifère :

«Laha fa misy lian’agnombe halatse trobo ami?iereo mpanao sirao egne, le sere?i fokonoloy ty tompo?i taney. Le anjarane kea ty manere ty bei?iereo ao hampiboake aze. Fa laha fa tsy hai?iereo rey, le i tompon-taney avao ro hai?ty fokolonolo hagnavake i agnombey . » 52

« Lorsqu’une trace d’empreinte de pied de zébu volé est perdue dans le village des sauniers, les fokonolo encaissent directement le propriétaire. Ce dernier va demander aux « notables » des sauniers d’indiquer le malfaiteur. S’ils ne le connaissent pas, les fokonolo ne connaissent personne d’autre que le propriétaire, pour acquitter le bœuf volé. »

Leur statut social est exceptionnel sur le fait qu’ils sont généralement de passage dans l’exploitation du sel. Après avoir fait fortune dans l’exploitation traditionnelle du

52 Informations recueillies auprès de Marajy, 65 ans, Propriétaire foncier à Tameantsoa (Interview du 11 Avril 2006)

82 sel, ils préfèrent rentrer chez eux, ou faire une autre activité. Ainsi, les présidents du fokontany qui se sont succédé, n’ont pas mentionné dans le registre le titre saunier, pour éviter la rature. En tout cas, certains parmi eux ne veulent même pas qu’on mentionne dans leur carte d’identité nationale, le titre « mpanao sira » (saunier), car ils en ont honte. Il y avait déjà un saunier qu’on a désigné comme président de « fokontany » dans le village d’Andranomay, à cause du conflit entre les habitants. Cependant, les villageois n’avaient jamais assisté à la réunion qu’il a organisée pendant son mandat, sous prétexte qu’un saunier n’a pas le droit de les convoquer à une réunion.

III- LA PRODUCTION DE SEL DANS LA VIE ECONOMIQUE :

III -1- PLACE DE LA PRODUCTION DE SEL DANS L’ECONOMIE DE LA COMMUNE RURALE DE TAMEANTSOA :

La production de sel n’apporte rien pour la commune rurale de Tameantsoa, sur le fait que les sauniers ne payent pas de redevance à la Mairie. D’autant plus qu’il n’y a pas de marché pour le sel dans la commune rurale. Cela veut dire que les taxes sont payées aux autres communes rurales qui ont un marché comme Tongobory. Cela pourrait être la raison pour laquelle la production du sel n’a pas été inclue dans le Plan Communal pour le Développement de la Commune rurale de Tameantsoa. En tout cas, la population locale ne pense pas que l’exploitation traditionnelle du sel est une activité lucrative rentable. Contrairement à ce qui s’était passé à Pwaga et à Nyanza en Tanzanie 53 , les sauniers ne paient rien envers le propriétaire du terrain. Par conséquent, peu de gens de la commune rurale bénéficient directement de la production de sel. Néanmoins, grâce à son effet bienfaiteur, le sel assure la santé de la population locale. Elle diminue, par conséquent, la dépense de chaque famille sur les frais médicaux. Cela donne aussi de l’opportunité au chef de ménage de travailler plus pour nourrir sa famille. D’ailleurs, il y a certaines populations de la commune rurale qui commencent à entrer dans l’exploitation du sel pour survivre à la disette. Cependant, le commerce du sel reste toujours en dehors de la commune rurale de Tameantsoa. Ce sont les marchands de sel de Tongobory qui en bénéficient. Ils

53 Sutton et Roberts : « The workers were essentially independent, though the chiefs took a tenth of the profits »

83 achètent en gros le produit à bas prix, et le revendent deux ou trois fois plus chères, au marché régional, et extrarégional.

III-2- LE COMMERCE DU SEL :

Le sel de Tameantsoa fait l’objet de commerce. On le vend aux différents marchés hebdomadaires qui existent dans la région. Pour ce faire, il y a deux façons de le commercialiser, à savoir le troc et l’échange moyennant des numéraires.

III-2-1- Le Troc

Ce système remonte aux temps anciens. Il date bien avant le XXème siècle, date à laquelle la population locale a commencé à utiliser les numéraires. En effet, la commercialisation de sel, dès le début, s’est réglée avec ce système. Le sel était troqué contre des produits agricoles locaux tels que le riz et le maïs chez les « Tanosy », et le manioc, l’arachide chez les Mahafale. Au fur et à mesure que la modernisation entre dans la région, les numéraires sont devenus incontournables. Le troc s’estompe ainsi sur le marché important, surtout là où il est accessible en voiture. Cependant, il subsiste encore dans certains villages jusqu’à présent. On le trouve notamment dans le marché d’Andranomangatsiaky, à cinquante kilomètres à vol d’oiseau à l’Est du village de Tameantsoa. On y troque du sel contre du riz pendant la période de récolte. Ce sont des marchands ambulants venant de Tongobory qui y vendent du sel. Ils sont une trentaine pendant la période sèche tandis qu’ils comptent à peine 7 pendant la saison de pluie. Il y a moins de sel pendant cette période. D’ailleurs, la récolte du « vary aloha » (mois de novembre) ne les intéresse pas plus que celle de « tsipala » (mois de mai). L’accessibilité vers le village s’avère difficile, à cause de la pluie. Ils achètent du sel au marché de Tongobory, à Ar 50,00 pendant l’ « Asotry » et le « Faosa », tandis qu’à Ar 100,00 pendant l’ « Asara ». Ils l’achètent le jeudi et le dimanche. Cependant, ils préfèrent acheter seulement le sel produit au site d’Androvakely et d’Agnivorano, sous prétexte que celui des autres sites est mauvais 54 .

54 Celui de Beloba est tout le temps humide, tandis que celui de Ranomay est rubéfié.

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Ils louent des charrettes pour transporter leurs marchandises vers Andranomangatsiaky. Le frais de la location est à Ar 15.000,00 par charrette aller- retour pour une cargaison de 700 gobelets (soit environ 250 kg), et Ar 20.000,00 pour 1.000 gobelets. Après avoir collecté leur sel, ils partent ensemble le dimanche dans l’après-midi, en organisant un convoi vers Andranomangatsiaky. Pour assurer leur sécurité, ils payent deux militaires détachés moyennant une somme de Ar 50.000,00 par voyage (soit presque Ar 3.000,00 par commerçant pendant l’Asotry et le faosa tandis que Ar 7.000,00 pendant l’Asara). Ils voyagent jusqu’à l’aube. Ils y arrivent le lundi. Une fois arrivés là-bas, ils troquent leur sel contre du riz, avec la population locale. Rares sont les commerçants intermédiaires (mpangalak’enta) qui interviennent. Ce sont en général les consommateurs qui achètent directement auprès des marchands ambulants de sel. La population locale consomme beaucoup de sel, du fait que son aliment de base est le riz. Un gobelet de riz vaut 2 gobelets de sel en « Asotry » et en « Faosa », tandis que la même mesure de riz vaut un gobelet de sel en « Asara » (cette dernière transaction s’appelle « zilipò »). A part le sel, ils apportent aussi des poissons frits et des crevettes grillées. Ils les troquent aussi contre du riz. . Ils y restent pendant deux jours (lundi et mardi). Puis, ils retournent à Tongobory le mardi dans la soirée, avec leurs charrettes pleines de sac de riz. De temps en temps, surtout pendant l’Asotry, ils achètent du sucre local venant d’Andranomangatsiake. Ils n’en achètent pas beaucoup, car c’est une marchandise supplémentaire pour eux. Ils arrivent à Tongobory le mercredi. Dès leur arrivée jusqu’au prochain départ pour Andranomangatsiake,( i.e le dimanche après-midi), ils vendent leur riz au marché, et à la fois, y collectent du sel pour le prochain voyage. Telle est leur activité hebdomadaire. Ils s’arrêtent seulement quand ils sont malades ou lorsqu’ils ont des empêchements. Malgré le système empirique (le troc) qui régit le marché de sel à Andranomangatsiake, il s’avère être l’activité la plus prospère parmi celles qui existent, car il attire beaucoup de marchands ambulants. Il faut noter que la population locale utilise déjà les numéraires, pour les autres transactions, tel que le commerce du savon, du pétrole à lampe, de l’allumette,…

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III-2-2- Les marchés de sel utilisant les numéraires :

A part le marché d’Andranomangatsiaky, le sel est vendu et acheté moyennant des numéraires, que ce soit au niveau local, régional, ou national. a- Le marché local :

Il n’y a pas de marché hebdomadaire dans la commune rurale de Tameantsoa, à part le récent marché pour les exploitants de saphir d’Ankavola-Agnena, qui se situe à 30 km vol d’oiseau à l’ouest du village de Tameantsoa. Les sauniers sont donc obligés de vendre leur produit au marché de Tongobory, qui n’est qu’à 1,5 km à vol d’oiseau du village de Tameantsoa. Il devient le principal marché local pour le sel dans La région. C’est là que les marchands ambulants, et les consommateurs locaux achètent le sel. Les sauniers y apportent leur sel à dos d’homme, notamment au jour du marché (jeudi), et le dimanche, jour au cours duquel il y a des marchands ambulants de sel qui vont aller aux marchés hebdomadaires de Vatolatsake (lundi), de Betioky et d’Andranomangatsiaky (mardi). Pendant l’Asotry, un gobelet de sel vaut Ar 70,00. Pendant le faosa, le prix est fixé à Ar 50,00. Pendant l’Asara, il est à Ar 100,00 pour les marchands ambulants tandis qu’il varie entre Ar 100,00 à Ar 120,00 pour les consommateurs locaux. b- Le marché régional :

Le sel de terre de Tameantsoa est presque trouvé dans tous les marchés dans la région. Cependant, les principaux marchés où il est à forte demande sont ceux de Betioky, de Bezà-Tanosy, et d’Ankilivalo. Les deux premiers sont des agglomérations, tandis que le dernier est un village d’exploitation de Saphir. Ce sont des marchands ambulants venant de Tongobory qui y vendent du sel de terre.

Le marché de Betioky :

Le jour du marché de Betioky-sud est le mardi. Malgré la distance de 27 km entre le chef lieu de la sous-préfecture et le site d’exploitation, l’accessibilité de la marchandise vers la place est facile, grâce à la route nationale numéro 10 qui les

86 relie. Il y a des commerçants de Betioky qui viennent hebdomadairement au marché de Tongobory, et vice versa. Bien qu’il y ait des marchands de Betioky qui achètent du sel à Tongobory et le vendent chez eux après, les principaux vendeurs de sel au marché de Betioky sont ceux de Tongobory. Il n’y a pas des marchands fixes pour ce marché, mais au moins, il y a environ 7 venant de Tongobory qui fréquentent par semaine le marché de Betioky. Ils achètent le sel notamment le dimanche. Ils ne choisissent de quel site vient-il, mais ils achètent tout le sel vendu au marché. Leur mode de transport vers le marché est le taxi-brousse (Toliara-Betioky). Un sac de 200 gobelets de sel est payé Ar 1.000,00 que ce soit en saison de pluie ou en saison sèche, sans compter celui du marchand. Un marchand est censé apporter 2 à 3 sacs. Pendant l’Asara, le prix du sel est à Ar 200,00 tandis que Ar 100,00 pendant l’Asotry et le Faosa.

Le marché d’Ankilivalo et de -Tanosy :

Il y a des commerçants ambulants qui viennent chaque jeudi au marché de Tongobory pour vendre des articles de confection. Grâce à leurs camions, ils assistent aussi au marché d’Ankilivalo le vendredi et à celui de Bezaha le samedi. Ce qui donne l’opportunité à certains marchands de sel de Tongobory d’assister à ces deux marchés. Ils embarquent leur sel avec ces camions après la fin du jour du marché, le jeudi. Le frais de transport pour le trajet Tongobory-Ankilivalo-Bezaha est Ar 10.000,00, à moins qu’ils apportent plus de 400 gobelets (soit environ 130 kg) de sel. Ce tarif est réservé seulement à celui qui reste client fidèle du camionneur. Maintenant, le frais a dû augmenter, mais cela n’affecte pas les marchands de sel, car ils sont des clients permanents. Ils vendent leur sel à Ankilivalo le vendredi, et à Bezaha le samedi. Les marchands de sel rassemblent leur marchandise seulement le jeudi dans la journée au marché de Tongobory. Ils achètent tout le sel qui y arrive, que ce soit iodé ou non. Ils sont seulement 4 qui fréquentent ces deux marchés. Un marchand apporte entre 300 à 500 gobelets de sel. Ils vendent aussi comme marchandise supplémentaire des poissons frits et des crevettes grillées. Pendant l’Asotry et le faosa, ils vendent le sel à Ar 100,00 que ce soit à Ankilivalo ou à Bezà, tandis que pendant la saison de pluie, ils le vendent à Ar 150,00. Ce sont les restes de marchandise non vendus à Ankilivalo qu’ils vendent à Bezà.

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Au retour, ils achètent du riz à Ar 230,00 ou Ar 250,00 le gobelet, et le vendent à Ar 300,00 à Tongobory. Cependant, ils sont obligés de le transporter en charrette, car le taxi-brousse Bezà-Betioky qui passe à Tongobory ne transporte pas de lourde cargaison. Ceux qui n’ont pas de charrette louent à Ar 10.000,00 ; Ils retournent par conséquent, à Tongobory le dimanche. Ils ne peuvent pas ainsi acheter de sel ce jour, car ils sont encore en cours de route. c- Le marché extrarégional :

Le sel de Tameantsoa ne reste pas seulement dans la région. Mais il a déjà ouvert son horizon à l’extérieur du marché local et régional. On le trouve surtout dans le marché du chef lieu de province de Toliara, et dans la capitale à Antananarivo.

Le commerce du sel de terre à Toliara :

Les habitants de la ville de Toliara ont déjà connu l’existence du sel de terre de Tameantsoa depuis longtemps, grâce à la circulation permanente des gens entre la région productrice et l’agglomération. Cependant, probablement à cause de la présence de l’exploitation du sel marin , le sel de terre reste un produit secondaire au marché. Il était ramené occasionnellement par les voyageurs qui reviennent de Tongobory. Cependant, depuis cette dernière décennie, la demande en sel de terre est en essor. Finily, la seule marchande ambulante de sel venant de Tongobory, qui fournit la ville de Toliara fait une remarque :

« zaho voho nanomboky ninday sira nagna Toliara tamin’ny 1995, sira 300 kapoa tsy lany herignandro. Zao aho, isaky indroa andro, mandefa 1000 kapoa magnagny. »55

« À mon début en 1995, 300 gobelets de sel ne peuvent pas être vendus pour une semaine. Alors qu’à présent, j’envoie 1000 gobelets de sel de tous les deux jours. » Elle achète tout le sel qui arrive au marché, sauf celui de Ranomay. Elle l’accuse d’être rubéfié et humide tout le temps. Elle achète le jeudi et le dimanche. N’empêche qu’elle achète aussi les autres jours, à condition qu’il y ait des sauniers

55 Informations recueillies auprès de Finily, 51 ans, Marchande de sel à Tongobory (27 septembre 2005)

88 contraints de vendre à ces jours. Avant, elle devait se déplacer à Toliara pour vendre sa marchandise. Mais maintenant, elle y a envoyé deux de ses enfants, pour la représenter et assurer la vente du sel là-bas. Elle a des marchands intermédiaires qui achètent le sel à Ar 100,00 et vendent à Ar 200,00 pendant la saison sèche, et Ar 150,00 puis vendent à Ar 300,00 pendant la saison de pluie. Cependant, depuis l’arrivée de ses enfants, ils vendent directement le sel dans la rue de la ville de Toliara, en l’emportant à la tête par 100 gobelets. Ils les vendent avec le même prix que les marchands intermédiaires. Ses deux enfants ne font que vendre du sel. Tous les deux jours, ils reçoivent des colis venant de Tongobory, et les liquident dans ce laps de temps.

Le commerce du sel de terre à Antananarivo :

A Antananarivo, les principaux vendeurs de sel de terre sont le magasin Sahamadio aux 67 ha et la pharmacie de Rakoto Ratsimamanga. Ils achètent le sel en gros auprès des marchands ambulants venant de Tongobory à Ar 400,00 par kilo. Puis ils le vendent à Ar 1000,00 dans un sachet de 1/6 kg pour le conserver et le rendre présentable au marché national. Les marchands ambulants montent mensuellement à Antananarivo, pour acheter surtout des articles de confection. Ils apportent le sel pour compenser le frais de transport. Ils achètent seulement le sel non iodé, car leurs clients à Antananarivo l’exigent, sous prétexte que le sel de terre iodé est délétère. Si bien qu’ils n’achètent pas du sel le jeudi, car pendant le jour de marché, il y a des gendarmes qui confisquent le sel non iodé à vendre. Ils ont des clients fixes auprès des sauniers, et ils achètent seulement le sel venant d’Androvakely. Ils commandent simplement à leurs clients leur quantité de sel requise. Ils sont seulement deux à assurer ce trafic commercial. Ils l’effectuent seulement pendant la période sèche. Un sac de riz de 50 kg, peut contenir 350 gobelets. 7 de cette taille, Ar 5.000,00 pour le frais de transport de Tongobory à Toliara. Pour Antananarivo, un sac est payé Ar 10.000,00. Le prix du sel varie selon la distance par rapport au lieu d’exploitation, mais aussi de la saison. En période de pluie, il est un peu élevé. En période sèche, il est un peu moins cher.

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CONCLUSION :

En guise de conclusion, la présence de l’exploitation traditionnelle du sel dans la commune rurale de Tameantsoa dérive des raisons géologiques et humaines. Chaque année, l’eau apportée par la crue du fleuve Onilahy trempe le gisement de sel gemme recelé dans le sous-sol de Tameantsoa. La saumure résultant de la dissolution du sel est pompée naturellement en surface. Ce qui engendre un phénomène de salinisation du sol, et donne naissance aux terres salifères par la suite. Ce fait a été valorisé par des sauniers à la deuxième moitié du XIXème siècle, date à laquelle ils débutèrent à y exploiter traditionnellement du sel. Ce sont des migrants venant de la région Anosy, qui ont apporté les techniques de production. Leur activité n’était pas tellement la bienvenue pour les Mahafale au départ. Mais pour des raisons sociopolitiques dans la région, ils ont pu s’y implanter, et développer leur production, en partageant leur expérience à des voisins qui s’y intéressaient. Au départ, c’était seulement les Tanosy, qui s’occupaient de l’exploitation traditionnelle du sel. Les autochtones la considéraient comme un travail malsain, à cause du tabou du sel. Mais suite à la pauvreté et sous l’influence du christianisme et de la civilisation occidentale, certains parmi eux ont commencé à travailler le sel aujourd’hui. Il y a eu des Vezo, des Tandroy, des Betsileo qui les y ont déjà précédé. Certains clans tels que les Tanosy, les Vezo, et les Betsileo, prenaient la production du sel comme une activité lucrative normale, tandis que les Mahafale et les Tandroy la considéraient comme un travail malsain, dévolu aux démunis qui n’ont plus le choix dans la vie. Toutefois, ces derniers sont les majoritaires parmi les sauniers, aujourd’hui. Cela veut dire qu’il existe un relâchement du tabou envers le sel. Néanmoins, on voit certains sauniers mahafale qui achètent du zébu avec l’argent qu’ils gagnent. Cela veut dire qu’au fond ils sont encore des éleveurs. Mais faute de zébu à élever, ils ont dû chercher de l’argent par n’importe quel moyen. Lorsqu’ils obtiennent ce qu’ils cherchent, ils partiraient. Si bien que la quasi-totalité des Mahafale et des Tandroy qu’on a rencontrés dans les sites d’Androvakely et d’Andranomay ne sont plus les descendants des anciens sauniers. Par contre, ceux des Tanosy dans le site de Beloba-Bekidresy, et des Vezo à Agnivorano sont encore dans la région.

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La technique traditionnelle utilisée dans l’exploitation traditionnelle du sel de Tameantsoa ressemble à certaines techniques traditionnelles de production utilisées dans les autres sites en Afrique, notamment là où on exploite des boues ou des terres salifères. Elle procède au filtrage de la saumure, et soumet cette dernière à l’évaporation et à la cristallisation. Cependant, il y a quelques nuances au niveau des matériels, et de certaines méthodes et techniques utilisées. Il se peut qu’elles soient dictées par l’environnement dans lequel les sauniers vivent. Mais ce qui est intéressant, c’est qu’on a découvert, à partir de la comparaison, quelques lacunes sur la technique traditionnelle de production utilisée à Tameantsoa. Ils engendrent des manques à gagner sur la quantité et la qualité des produits obtenus. Mais, on ne sait pas si les sauniers vont reconnaître cela. Car on voit que même les techniques de production utilisées dans les quatre sites existants ne sont pas les mêmes. Si certains sauniers sont favorisés par les méthodes qu’ils utilisent, les autres ne veulent pas les copier, sous prétexte qu’ils sont fidèles aux leurs. En tout cas, la rentabilité de chaque technique est presque la même. Mais, si l’amélioration de la technique de production rentabilise davantage leur revenu, ils l’accepteraient ; Par ailleurs, le moyen de se procurer des bois de chauffe constitue l’un des grands problèmes des sauniers. Ils sont contraints d’acheter des bois de chauffe aux charretiers. Alors que cela soustrait leur revenu. La forêt où on doit chercher gratuitement ce combustible se trouve à cinq kilomètres par rapport à leur village. Mais les transports à dos d’homme sont coûteux en énergie et en temps. Cependant, la plupart d’entre eux n’ont pas le moyen d’acheter une charrette. Malgré l’existence de l’Association des sauniers, ce problème est loin d’être résolu. En tout cas, leur revenu est très faible pour faire cela. Lorsque la production est abondante, le sel est moins cher. Quand le prix du sel s’élève, ils ne peuvent pas produire beaucoup. Leur revenu est ainsi stationnaire pendant toute la saison de l’exploitation. Ils n’ont pas une occasion pour faire de l’économie. La mesure d’atténuation de ce problème est le stockage. Mais, faute de magasin de stockage, les sauniers n’arrivent pas à stocker leur sel pour attendre le moment propice pour la vente de leur produit. Cette situation appauvrit les sauniers. Si bien qu’ils sont déconsidérés par la population locale. A plus forte raison, le sel est tabou pour les éleveurs mahafale, sous prétexte qu’il est le symbole de la ruine. Ils croient que le principe de l’élevage s’oppose à celui du sel qui tend toujours à se dépérir. D’où, il est tabou de côtoyer le sel avec tout ce qui est du zébu. Cependant, cet interdit est aujourd’hui en déperdition, sous

91 l’influence du christianisme et de la civilisation occidentale. Ce qui permet à la population locale de profiter des vertus curatives, médicinales et antiseptiques du sel. D’où l’importance du sel dans la littérature locale, et dans la thérapie traditionnelle, et dans la vie magico-religieuse. Le sel commence donc à faire partie des us et coutumes locaux. Cependant, les gens observent encore le tabou du sel, lorsqu’ils font des choses en rapport avec l’élevage et le « hazomanga ». Du point de vue économique, l’exploitation traditionnelle du sel n’apporte pas grand chose pour la commune rurale de Tameantsoa, sur le fait que les sauniers ne payent pas de redevance à la Mairie. Ils paient plutôt des taxes au marché de Tongobory et aux autres marchés régionaux. En tout cas, ils ne paient rien envers le propriétaire du terrain. En outre, minoritaire est la population locale qui exploite le sel, malgré le relâchement du tabou du sel, car ils ne pensent pas que l’exploitation traditionnelle du sel est une activité lucrative rentable. Elle est une activité réservée uniquement pour les démunis. Par contre, le commerce du sel s’avère rémunérateur. La transaction se fait par le troc et la vente dans les marchés locaux et régionaux. Elle commence à prendre une place aux marchés provinciaux et nationaux. Pourtant, ce sont seulement les marchands ambulants de Tongobory qui en bénéficient. Aujourd’hui, on voit qu’on peut encore revaloriser l’exploitation traditionnelle du sel gemme de Tameantsoa, dans la moyenne vallée de l’Onilahy. Mais le problème est qu’il n’y a pas d’actions concrètes la développer : Les sauniers eux-mêmes n’ont pas l’initiative pour développer leur production. Ils attendent seulement qu’on leur subventionne. Si leur technique de production est améliorée, ils pourront aussi augmenter leur revenu. Par ailleurs, les autorités compétentes de la commune rurale qui se sont succédé, n’essaient pas de les aider. Ils n’ont même pas mentionné la production du sel dans le Plan Communal pour le Développement. C’est peut-être la raison pour laquelle le Projet de Soutien pour le Développement Rural (PSDR), malgré son intervention dans la région, n’accorde pas de subventions aux sauniers.

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BIBLIOGRAPHIE :

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PERSONNES INTERVIEWEES :

Notables : - Dimasy, 81 ans, Vezo, Androvakely - Emanina Fititria, 62 ans, Masikoro, Androvakely - Fara Mahatonga, 58 ans, Tanosy, Andraketa - Maka, 60 ans, Mahafale, Tameantsoa. - Maka Reozane, 58 ans, Tagnalagna, Androvakely - Tsimanahy Justin, 52 ans, Mahafale, Ranomay. - Tsirevo, 56 ans, Mahafale, Tameantsoa

Propriétaires des terrains salifères :

- Edadane, 56 ans, Mahafale, Tameantsoa - Emaka, 62 ans, Mahafale, Androvakely - Emarajy, 65 ans, Mahafale, Tameantsoa - Esitra, 64 ans, Mahafale, Ranomay

Sauniers :

- Deline, 48 ans, Tanosy, Ranomay - Elahike, 26 ans, Tandroy, Androvakely - Esoafiavy, 43 ans, Mahafale, Beloba Bekidresy - Evotsora, 46 ans, Mahafale, Beloba - Girita, 51 ans, Mahafale, Beloba - Mahavelo Tovolahy, 35 ans, Vezo, Agnivorano - Maritine, 29 ans, Tagnalagna, Androvakely - Mbola, 58 ans, Vezo, Agnivorano - Mirane, 51 ans, Tandroy, Androvakely - Noromasy, 34 ans, Tanosy, Beloba - Perle, 48 ans, Betsileo, Agnivorano - Radada, 55 ans, Betsileo, Agnivorano - Razafiarijaona Manoela, 38 ans, Mahafale, Androvakely

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- Sambeantagnane, 35 ans, Tandroy, Androvakely - Soamine, 52 ans, Tandroy, Ranomay - Tsalaigna, 33 ans, Mahafale, Androvakely - Tsarafiny, 41 ans, Mahafale, Androvakely - Tsihala, 47 ans, Tagnalagna, Beloba - Vola, 42 ans, Masikoro, Beloba

Marchands de sel :

- Filao, 55 ans, Tanosy, Tongobory. - Finily, 51 ans, Tanosy, Tongobory - Magnola, 49 ans, Tanosy, Tongobory - Pasy, 41 ans, Mahafale, Tongobory - Tragnosora, 45 ans, Tanosy, Tongobory

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LISTE DES CARTES, DES PHOTOS, ET DES TABLEAUX CARTE : Carte n°1 : Localisation des sites d’exploitation t raditionnelle du sel …………… 7 Carte n°2 : REPARTITION DES SAUNIERS PAR CLAN ET P AR SITE………. 30 PHOTOS : Photo n°1 : Le « siram-potake » ou la boue salifère ……………………………… 34 Photo n°2 : Le « siram-pasy » ou le sable salifère… …………………………….... 35 Photo n°3 : Des petits sauniers qui décapent du « t aintsira » …………………… 37 Photo n°4 : Un poulailler construit avec les déchet s des sédiments salifères...... 37 Photo n°5 : Des maisons construites avec le déchet des sédiments salifères…. 38 Photo n°6 : Des enfants qui aident leurs mères au d écapage du sol salifère….. 40 Photo n°7 : Manutention et transport de sédiment sa lifère……………………….. 42 Photo n°8 : Des grains de sable pour filtrer la sal eté de la saumure….………… 44 Photo n°9 : Une vieille saunière déversant le sédim ent salifère dans le « taranja »…... 44 Photo n°10 : Une vieille saunière qui déverse de l’ eau dans le « taranja »……. 45 Photo n°11 : RAZAFIARIJAONA Manoëla, Président des sauniers, expliquant l’écoulement de la saumure dans le « loka » (auge) ou le « lakara », et le rôle du «kobon-taranja »………………………………………………………………….. 45 Photo n°12 : La saumure en évaporation………...………………… …….……….. 48 Photo n°13 : Deux sauniers soulevant la bouilloire à l’aide de deux bâtons…… 48 Photo n°14 : Un foyer qui se trouve à l’intérieur d ’une maison………………….. 51 Photo n°15 : Un foyer à ciel ouvert……………………… …………………………. 51 Photo n°16 : Des sauniers qui viennent de chercher du bois de chauffe………. 54 Photo n°17 : Des charretiers qui viennent de cherch er du bois de chauffe dans la forêt 54 Photo n°18 : Une truelle rudimentaire fabriquée en tôle, appelé « fikaoke »…… 56 Photo n°19 : Le « vaha », un panier rond fabriqué à partir des feuilles de satra. 58 Photo n°20 : Sac en fibre plastique qui sert à tran sporter les terres salifère…… 58 Photo n°21 : Une saunière qui cherche de l’eau avec un seau………………….. 59 Photo n°22 : Des seaux utilisés à la place du “loka ” et du “lakara”…………….... 59 Photo n°23 : Un père saunier, entrain de fabriquer un « taranja » pour sa femme…….. 61 Photo n°24 : Un “taranja” simple……………………………………… ..…………… 61 Photo n°25 : Un “akondrohamba”……………………………..…………… ………. 61 Photo n°26 : Une auge appelée « loka »………………………………… ………... 62

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Photo n°27 : Un récipient appelé « lakara »…………………… ……………..……. 62 Photo n°28 : Un « kobon-taranja » fait en tige de r oseau ……………………….. 63 Photo n°29 : Un « kobon-taranja » fait en « kidresy » (Cynodon dactylon)….…. 63 Photo n°30 : Une bouilloire carrée fabriquée en tôl e par les sauniers eux-mêmes…….. 65 Photo n°31 : Une bouilloire rectangle fabriquée en tôle par les sauniers eux-mêmes…. 65 Photo n°32 : La bouilloire fabriquée en aluminium,( don de l’UNICEF en 2003). 65 Photo n°33 : Cuillère de sel rallongée par une tige de roseau…………..……….. 66 Photo n°34 : Un lakara plein de sel conservé pour l e jour de la vente …………. 68 Photo n°35 : Du sel étalé sur la natte en vue de le faire sécher……………..….. 68 Photo n°36 : Le « petake », utilisé pour broyer le « mokokon-tsira »……………. 69 Photo n°37 : Le « petake », utilisé pour moudre du maïs……………………….... 69 Photo n°38 : Des sédiments salifères stockés avant la saison de pluie………... 74 TABLEAUX Tableau n°1 : Répartition de ménages de Tanosy dans les 4 villages des sauniers…... 24

Tableau n°2 : Répartition des vezo dans les quatre sites d’exploitation………………… 25

Tableau n°3 : Répartition des Tandroy dans les quat re sites d’exploitation…… 27

Tableau n°4 : Répartition des Mahafale dans les qua tre sites d’exploitation….. 28

Tableau n°5 : LA REPARTITION DE CLANS DANS LES 4 SI TES SAUNIERS. 29

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TABLE DES MATIERES

AVANT -PROPOS ………………………………………………………………………….. 1 INTRODUCTION …………………………………………………………………………… 3 I- CHOIX DU SUJET ……………………………………………………………...………. 3 II- OBJET DE L’ETUDE ………………………………………………………….……….. 3 III- METHODOLOGIE……………………………………………………………..……….. 4 III-1- Les Sources écrites …………………………………………………………………. 4 III-2- La Tradition Orale …………………………………………………………………… 5 III-3- L’Archéologie…………………………………………………………………………. 6 IV- LIMITE DU TRAVAIL …………………………………………………………………. 6 Chapitre I : LES RAISONS GEOLOGIQUES DE LA PRESENCE DU SEL A TAMEANTSOA …… 8 I-GENERALITES SUR LE SEL ………………………………………………………….. 8 1-Définition ………………………………………………………………………………… 8 2- Origine du sel …………………………………………………………………………… 8 2-1- le sel marin ……………………………………………………………………...... 9 2-2- le sel de terre ………………………………………………………………………… 9 2-2-1- le sel gemme ………………………………………………………………………. 9 2-2-2- le sel ignigène ……………………………………………………………………… 11 2- L’importance du sel …………………………………………………………………….. 11 II- LA FORMATION GEOLOGIQUE DU PLATEAU CALCAIRE MAHAFALE ET 14 L’ORIGINE GEOLOGIQUE DU SEL DE TAMEANTSOA …………………………….

Chapitre II : LES CONDITIONS HISTORIQUES ET HUMAINES DE LA PRODUCTION DU SEL ………… 17

I-LE PEUPLEMENT DE LA REGION …………………………………………………… 17 I-1- Peuplement du village de Tameantsoa ……………………………………………. 17 I-2- Peuplement du village d’Androvakely ……………………………………...... 18 I-3- Peuplement du village d’Andranomay ……………………………………………… 20 II- L’OCCUPATION DE L’ESPACE AVANT L’ENTREE DE LA PRODUCTION DU SEL ….. 20 III- L’ENTREE DE L’EXPLOITATION TRADITIONNELLE DU SEL DANS LA REGION …… 21 Chapitre III : LES SAUNIERS …………………………………………………………. 23 I- IDENTIFICATION DES SAUNIERS…………………………………………………… 23 I-1- Les Tagnala …………………………………………………………………………… 23 I-2- Les Tanosy ……………………………………………………………………………. 24 I-3- Les Vezo……………………………………………………………………………….. 25

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I-4- Les Tandroy …………………………………………………………………………… 27 I-5- Les Mahafale ………………………………………………………………………….. 28 I-6- Les Betsileo …………………………………………………………………………… 29 I-7- Les Masikoro ………………………………………………………………………….. 29 Chapit re IV : LES TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE L’EXPLOITATION DU SEL … 32 I-L’ORIGINE DES TECHNIQUES ET DES METHODES UTILISEES ………………. 32 II-LES TECHNIQUES ET LES METHODES DE PRODUCTION UTILISEES………. 32 II-1- LOCALISATION DU MINERAI ……………………………………………………... 33 II-1-1- Le « siram-potake » ………………………………………………………………. 34 II-1-2- Le « siram-pasy » …………………………………………………………………. 34 II-1-3- Le « siran-tanemena » …………………………………………………………… 37 II-1-4- Le « tain-tsira » …………………………………………………………………… 37 II-2- DECAPAGE DES TERRES SALIFÈRES ………………………………………… 40 II-3- MANUTENTION DES TERRES SALIFERES ………….………………………… 42 II-4- FILTRAGE DE LA SAUMURE …………………………………………………….. 42 II-5- DISTILLATION ET CRISTALLISATION DU SEL ………………………………... 47 III-LE COMBUSTIBLE …………………………………………………………………….. 51 Chapitre V : LES OUTILLAGES DE PRODUCTION UTILISES ……………………. 56 1- Le « fikaoke » ……………………………………………………………………… 56 2- Le « vaha » ………………………………………………………………………… 58 3- Le sac en fibre plastique …………………………………………………………. 58 4- Des seaux ………………………………………………………………………….. 58 5- Le “fanovy” …………………………………………………………………………. 58 6- Le « taranja » ……………………………………………………………………… 61 7- Le « loka » …………………………………………………………………………. 61 8- Le « Kobon-taranja » ……………………………………………………………… 61 9- La bouilloire ………………………………………………………………………… 65 10- Le « Sadron-tsira » ………………………………………………………………... 65 11- Le « lakara » ……………………………………………………………………….. 68 12- La natte …………………………………………………………………………….. 68 13- Le « petake » ………………………………………………………………………. 68

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Chapitre VI : CHIFFRES ET QUANTIFICATION …………………………………….. 71 I-LE CALENDRIER DES SAUNIERS ET LEUR EMPLOI DU TEMPS ……………… 71 II-LA CAPACITE DE LA BOUILLOIRE ET SON RENDEMENT PAR SAISON……... 73 II-1- PENDANT LA SAISON « FAOSA »……………………………………………….. 73 II-2- PENDANT LE « LOHAN’ASOTRY » ……………………………………………… 73 II-3- PENDANT L’ «ASOTRY» ………………………………………………………….. 74 II-4- PENDANT L’« ASARA » …………………………………………………………… 74 III. LA PRODUCTION DU SEL ET SON EVOLUTION ………………………………... 76 Chapitre VII : LE SEL DANS LA VIE SOCIO-ECONOMIQUE ……………………… 79 I – BREF APERCU SUR LA VIE SOCIO-ECONOMIQUE DE LA POPULATION LOCALE... 79 II- LE SEL DANS LA SOCIETE …………………………………………………………. 79 II-1- Le sel dans la littérature orale ……………………………………………………… 81 II-2- Le sel dans la thérapie locale ………………………………………………………. 82 II-3- Le sel dans la vie magico-religieuse ………………………………………………. 82 II-4- Le saunier au sein de la société …………………………………………………… 83 III- LA PRODUCTION DE SEL DANS LA VIE ECONOMIQUE ………………………. 85 III -1- PLACE DE LA PRODUCTION DE SEL DANS L’ECONOMIE DE LA 85 COMMUNE RURALE DE TAMEANTSOA …………………………………………… III-2- LE COMMERCE DU SEL ………………………………………………………… 86 III-2-1- Le Troc ……………………………………………………………………………. 86 III-2-2- Les marchés du sel utilisant les numéraires ………………………………… 88 a- Le marché local ………………………………………………………………….. 88 b- Le marché régional ………………………………………………………………. 88 c- Le marché extrarégional ………………………………………………………… 90 CONCLUSION …………………………………………………………………………… 93 BIBLIOGRAPHIE ………………………………………………………………………… 96 PERSONNES INTERVIEWEES ………………………………………………………. 97 LISTE DES CARTES, DES PHOTOS, ET DES TABLEAUX……………………….. 98