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Concours National 2006-2007 de la Re´sistance et de la De´portation THE` ME PARTICIPATION Le concours est ouvert aux e´le`ves des e´tablisse- ments publics et prive´s sous contrat ainsi qu’a` ceux Le travail dans l’univers des e´tablissements d’enseignement agricole, des e´ta- concentrationnaire nazi blissements relevant du ministe`re de la de´fense et des e´tablissements franc¸ais de l’e´tranger. Voir B.O. E´ducation nationale no 17 du 27 avril 2006.

Cate´gories Types d’e´preuves, dure´e et dates Observations de participants 1re cate´gorie Vendredi 23 mars 2007 Sujets choisis par un jury de´partemental. (Pour les Classes Re´alisation d’un devoir individuel en classe, e´tablissements franc¸ais de l’e´tranger, rattachement a` l’I.A. de tous les lyce´es sous surveillance, sans documents personnels. dont ils de´pendent pour le baccalaure´at). Dure´e 3h30 Travaux a` transmettre aux inspecteurs d’acade´mie, directeurs des services de´partementaux de l’E´ducation nationale pour le vendredi 30 mars 2007 au plus tard. 2e cate´gorie Travail collectif portant sur le the`me Envoi aux inspecteurs d’acade´mie, directeurs des services Classes et pouvant recourir a` diffe´rents types de de´partementaux de l’E´ducation nationale (date limite : de tous les lyce´es supports (dossier, ce´de´rom, cassettes audio et vendredi 30 mars 2007). Les e´tablissements franc¸ais de vide´o, etc.). Aucun travail individuel n’est admis. l’e´tranger adresseront directement les travaux collectifs Date de remise : vendredi 30 mars 2007 au ministe`re de l’E´ducation nationale. 3e cate´gorie Vendredi 23 mars 2007 Sujet choisi par un jury de´partemental. (Pour les Colle`ges Re´daction d’un devoir individuel en classe, sous e´tablissements franc¸ais de l’e´tranger, rattachement a` l’I.A. classes de 3e surveillance, sans documents personnels. dont ils de´pendent pour le baccalaure´at). Dure´e 2h30 Travaux a` transmettre aux inspecteurs d’acade´mie, directeurs des services de´partementaux de l’E´ducation nationale pour le vendredi 30 mars 2007 au plus tard. 4e cate´gorie Travail collectif portant sur le the`me Envoi aux inspecteurs d’acade´mie, directeurs des services Colle`ges et pouvant recourir a` diffe´rents types de de´partementaux de l’E´ducation nationale (date limite : classes de 3e supports (dossier, ce´de´rom, cassettes audio et vendredi 30 mars 2007). Les e´tablissements franc¸ais de vide´o, etc.). Aucun travail individuel n’est admis. l’e´tranger adresseront directement les travaux collectifs Date de remise : vendredi 30 mars 2007 au ministe`re de l’E´ducation nationale.

PARTICIPEZ ET FAITES PARTICIPER AU CONCOURS DE LA MEILLEURE PHOTOGRAPHIE D’UN LIEU DE ME´ MOIRE Organise´ et dote´ par trois fondations, la Fondation de la Re´sistance, la Fondation pour la me´moire de la De´portation et la Fondation Charles de Gaulle, ce concours est ouvert a` tous e´le`ves concerne´s par le Concours national de la Re´sistance et de la De´portation. Il est strictement personnel et individuel, les travaux collectifs sont exclus. Il invite les candidats a` faire preuve d’imagination pour pre´senter de manie`re originale et justifie´e un lieu de me´moire, rencontre´ ou visite´ dans le cadre de la pre´paration du concours ou en d’autres circonstances. Les photos, clairement identifie´es au nom du candidat, doivent eˆtre envoye´es avant le 14 juillet 2007 a` :

Concours de la meilleure photographie d’un lieu de me´moire Fondation pour la Me´moire de la De´portation 30 boulevard des Invalides 75007 PARIS

Le re`glement du concours est consultable sur le site Internet suivant : www.fondationresistance.fr

Ce nume´ro a e´te´ re´alise´ sous la direction artistique de Michel Reynaud. Dessin de la couverture : Daniel Pique´e-Audrain. Les poe`mes cite´s sont extraits de La Foire a` l’Homme,E´d. Tire´sias, 1996. memoire-vivante-special2006 - 20.10.06 - page 1

AvantAvant propos propos (tre (tre''simportant):simportant): LeLe the the''meme et et ses ses limites limites

e the`me de l’e´dition 2006-2007 du concours national de la Re´sistance et de la De´portation retenu par le Jury L national porte sur « Le travail dans l’univers concentrationnaire nazi ». Il permet d’approfondir l’un des aspects les plus caracte´ristiques du syste`me concentrationnaire tel qu’il a e´te´ mis en œuvre par les nazis. Les conse´- quences de ce travail sur la vie et la mort des de´porte´s sont telles que son e´tude constitue l’une des cle´s essentielles de compre´hension du fonctionnement ge´ne´ral du syste`me. De plus, pour les survivants, ce coˆte´ de la de´portation reste profonde´ment ancre´ dans leur me´moire, ce qui facilitera les contacts entre candidats et te´moins et permettra tous les approfondissements ne´cessaires. Il convient toutefois en pre´alable de mettre en garde professeurs et candidats sur les confusions avec d’autres cate´gories de travailleurs exploite´es, non concerne´es par ce the`me et hors sujet. En effet l’exploitation par le Reich des forces de travail en Europe a touche´ bien d’autres cate´gories de populations que celles du syste`me concentrationnaire. Quoique leurs conditions de travail aient e´te´ souvent dures et ingrates, aucune de ces cate´gories, qu’il s’agisse des prisonniers de guerre (sovie´tiques excepte´s), des Ostarbeiter 1, des travail- leurs volontaires, des Franc¸ais envoye´s dans le cadre du STO (Service du Travail Obligatoire), n’entrent dans le champ du the`me, qui ne concerne que le syste`me concentrationnaire. Jamais ces autres travailleurs n’eurent en effet a` subir une forme d’alie´nation (e´tat de non droit) aussi absolue que celle des de´tenus du syste`me concentrationnaire, traite´s « comme de simples outils, bons a` jeter une fois use´s». Le pre´sent dossier se veut une aide a` la pre´paration des candidats, en ouvrant des pistes de re´flexion et de recherche qui permettent de proce´der a` un tour d’horizon du the`me, mais rien que du the`me. Apre`s une mise en perspective historique d’ensemble, retrac¸ant le contexte, il est propose´ une se´rie de cahiers me´thodologiques, articule´s autour d’un ou plusieurs documents illustratifs destine´s aux professeurs comme aux e´le`ves : – le cahier no 1 aborde l’organisation ge´ne´rale et les conditions de travail en milieu concentrationnaire, – le cahier no 2 propose une se´rie de documents lie´sa` la « mise en condition » des hommes, a` la re´pression, voire a` l’e´limination pure et simple d’individus dans et par le travail, – le cahier no 3 aborde plus particulie`rement le lien du travail concentrationnaire avec l’e´conomie et la production industrielle du Reich, dont les be´ne´fices que tirent les SS tirent de l’exploitation des de´tenus, – le cahier no 4 enfin e´voque les formes de re´sistance que les de´tenus pouvaient opposer a` ce travail impose´, simplement pour « tenir le coup » le plus longtemps possible ou, quand les circonstances s’y preˆtaient, pour entraver l’effort de production de guerre et e´viter le plus possible d’y participer. Aborder l’univers concentrationnaire par ce biais, c’est en examiner l’une des « fonctions » les plus typiques, les plus paradoxales 2 aussi et, par la`, mieux comprendre cette machine infernale imagine´e par des hommes pour d’autres hommes.

SommaireSommaire

AVANT PROPOS (TRE` S IMPORTANT)...... 1

RAPPEL HISTORIQUE ...... 2

CAHIER ME´ THODOLOGIQUE NO 1 : Le travail dans un camp de concentration ...... 8

CAHIER ME´ THODOLOGIQUE NO 2 : Le travail dans ses aspects re´pressif (punitif), re´e´ducatif (condition- nement des esprits), e´liminateur ou inversement dans certains cas, protecteur...... 14

CAHIER ME´ THODOLOGIQUE NO 3 : Le syste`me concentrationnaire exploite´ a` des fins e´conomiques et industrielles et pour la production de guerre...... 18

CAHIER ME´ THODOLOGIQUE NO 4 : La re´sistance dans le travail au sein du syste`me concentrationnaire 23

GLOSSAIRE ...... 26

BIBLIOGRAPHIE ...... 30

EN GUISE DE CONCLUSION GE´ NE´ RALE...... 32

1. Populations de l’Est de l’Europe astreintes au travail au profit du Reich, d’abord sur leur territoire, puis ge´ne´ralement dans des usines ou des camps de travail en Allemagne meˆme. De nombreux Ostarbeiter,re´fractaires ou insoumis, ont fini en camp de concentration. 2. Contradiction entre le besoin, pour l’Allemagne nazie, de recourir au travail concentrationnaire et le caracte`re meurtrier duˆ aux conditions de vie et d’exe´cution de ce meˆme travail. memoire-vivante-special2006 - 20.10.06 - page 2

RappelRappel historique historique

I. NAISSANCE DE L’E´ TAT HITLE´ RIEN

I.1. L’ide´ologie tectiondupeuple»:liberte´ de la presse, liberte´ de re´union et d’association, droits constitutionnels du Tre`s affecte´ par la de´faite de 1918 et les clauses du citoyen. Au nom de la se´curite´ de la Nation allemande, traite´ de Versailles qui suivit, Hitler expose ses the´ories un champ illimite´ s’ouvre a` l’arbitraire, confirme´ par dans Mein Kampf. Il veut venger le sang allemand, restau- l’ouverture, improvise´e et anarchique des premiers rer la puissance e´conomique et militaire de l’Allemagne, camps de concentration, appele´s par certains historiens donner un espace vital a` la nation allemande appele´ea` « camps sauvages ». dominer l’Europe et les « peuples infe´rieurs ». Il proˆne Pour autant, les e´lections du 5 mars 1939 ne donnent un nationalisme qui exclut tout autre minorite´ culturelle que 44 % des voix au NSDAP et Hitler doit composer de la communaute´ nationale et ope`re un amalgame des avec ses allie´s de droite. Il s’efforce alors de se pre´sen- diffe´rents courants de pense´e racistes et euge´nistes 1 ter comme l’he´ritier de la tradition prussienne et des e´labore´sa` la fin du XIXe sie`cle. Il focalise sa recherche valeurs incarne´es par la monarchie, tout en pre´parant du bouc e´missaire sur l’antise´mitisme auquel il donne le de´cret qui, par voie le´gale, va lui donner les pleins un caracte`re pseudo scientifique, biologique et racial, en pouvoirs. Le 23 mars, par 441 voix contre 92 (les com- conside´rant le Juif comme une menace pour la « race munistes e´tant exclus du parlement), il obtient pour aryenne ». Il proˆne l’intole´rance comme comple´ment quatre ans le droit de promulguer des lois sans en re´fe´- ne´cessaire a` la purification de la « race aryenne » et rer au Reichstag. n’he´site pas a` faire de larges emprunts a` la mythologie De´sormais il a tous les pouvoirs. Mais, pour l’exte´- germanique dans laquelle s’enracine la culture alle- rieur comme a` l’inte´rieur, les apparences de la le´ga- mande. Enfin il ajoute le mythe du « re´dempteur auto- lite´ sont sauves. L’arrive´e au pouvoir de Hitler s’effec- proclame´ », et se veut le fondateur d’un nouveau Reich tue dans le cadre des institutions existantes, meˆme s’il mille´naire, dirige´ selon la re`gle du Fu¨hrerprinzip 2. faut fermer les yeux sur des mesures policie`res arbitrai- res et sur le climat de terreur entretenu par la SA. Ce I.2. Les e´tapes de la conqueˆte du pouvoir mythedelale´galite´ a pour conse´quence de rendre Le 30 janvier 1933, nomme´ chancelier par le pre´si- docile l’administration dans son ensemble et de neutra- dent Hindenburg, Adolf Hitler acce`de au pouvoir dans liser toute velle´ite´ de re´action a` gauche. des formes le´gales. La plupart des personnalite´s politi- Le 7 avril 1933, la loi sur la revalorisation de la fonction ques sous-estiment alors son personnage qu’ils pensent publique lui permet d’infiltrer ses fide`les dans tous les encore pouvoir manœuvrer ou marginaliser. Mais pour rouages de l’Administration et d’organiser la colonisa- Hitler, la Chancellerie n’est qu’une e´tape. tion de l’E´tat par le parti national-socialiste. Son premier acte consiste a` obtenir la dissolution du Reichstag pour obtenir une majorite´ parle- La de´marche suivante consiste a` supprimer la mentaire qu’il n’a pas encore, meˆme si le NSDAP 3 structure fe´de´rale du Reich pour mieux centraliser est nume´riquement le premier parti du Reichstag. Il arti- le pouvoir entre les mains du Parti. L’ordonnance du cule sa campagne autour de quelques the`mes simples : 28 fe´vrier 1933 permet a` Berlin de prendre toute rele`vement de l’honneur national, unite´ spirituelle du mesure en vue de re´tablir l’ordre sur l’ensemble du peuple allemand, restauration des valeurs traditionnelles, territoire du Reich et de nommer des Commissaires lutte contre le bolchevisme. Un climat de terreur entre- d’E´tat coiffant les pouvoirs des e´lus locaux, tandis que tenu par la SA*, sorte de arme´e du parti nazi (les les dirigeants re´calcitrants des La¨nder 4 sont poursuivis « chemises brunes »), entoure les e´lections. Les re´unions pour se´paratisme, voire trahison. du parti communiste sont rendues impossibles, les jour- Toutefois ces dispositions ne s’accompagnent d’au- naux centristes interdits. La radio est mise au service cune re´forme d’ensemble de l’organisation juridique et des seuls partis qui soutiennent les nazis. L’incendie du administrative du pays (ainsi Goering reste ministre- Reichstag, le 27 fe´vrier 1933, sert de pre´texte a` la sus- pre´sident du Land de Prusse) si bien que partout se pension des liberte´s fondamentales « au nom de la pro- cre´ent des fe´odalite´srivales,sere´clamant du Fu¨hrer, mais entre lesquelles les conflits de compe´tence vont se multiplier. 1. The´orie visant a` l’assainissement de l’espe`ce humaine par e´limina- tion de ses e´le´ments juge´s malsains. 2. Fu¨hrerprinzip : principe selon lequel l’autorite´ du chef est indiscu- table et l’obe´issance a` ses ordres un devoir absolu. 4. Le Land (au pluriel La¨nder) est l’e´le´ment constitutif de base de la 3. Nationalsozialistische Deustche Arbeiter Partei (Parti national-socialiste fe´de´ration allemande. Il est dote´ d’institutions propres (parlement, allemand des travailleurs). ministre-pre´sident et gouvernement local). L’ensemble des La¨nder * Les mots repe´re´s par un aste´risque sont de´finis dans le glossaire forme l’E´tat fe´de´ral. Les compe´tences respectives de l’E´tat fe´de´ral et p. 26. de chacun des e´tats fe´de´re´s sont de´finies par la Constitution.

SPE´CIAL ME´MOIRE VIVANTE 2 memoire-vivante-special2006 - 20.10.06 - page 3

RAPPEL HISTORIQUE

La troisie`me de´marche consiste a` faire disparaıˆtre laire, dont les SA constitueraient le noyau. Hitler toute structure de vie politique ou sociale organi- se me´fie de Ro¨hm, en qui il voit un rival possible. La se´e, hors du parti nazi. En quelques semaines les succession de Hindenburg, tre`smalade,seprofileen partis disparaissent, interdits (comme le KPD 1), dissous perspective mais suppose le soutien de l’arme´e tradi- ou absorbe´s par le NSDAP. La loi du 14 juillet 1933 tionnelle. Or Hitler a connaissance de rumeurs selon interdit la constitution de nouveaux partis, consacrant lesquelles certains milieux de l’arme´eenvisagentde ainsi le parti unique, et fait du Reichstag une chambre mettre un terme aux exce`s du nazisme et aux the´ories d’enregistrement appele´ea` acclamer les de´cisions du re´volutionnaires qu’il ve´hicule. Hitler conc¸oit alors un Fu¨hrer a` qui elle donne, en outre, la possibilite´ de plan dont il a soin d’entretenir Hindenburg le 21 juin recourir au ple´biscite. Hitler peut de´sormais gouverner 1934, pour se de´barrasser de Ro¨ hm et e´loigner le sans limites, par lois, de´crets et ordonnances et de sur- risque que repre´sentent les SA. Dans la nuit du 30 juin croıˆt conserve l’apparence d’une constitution, soigneu- 1934, il fait arreˆter et assassiner Ro¨hm, son ancien com- sement vide´e de sa substance. pagnon de lutte, officiellement pour complot avec une Les institutions sociales, e´conomiques ou culturelles puissance e´trange`re, tandis que les principaux responsa- disparaissent a` leur tour ou sont inte´gre´es au nouveau bles de la SA et certains de ses rivaux sont attire´s dans syste`me (cas des syndicats). Un Front du Travail alle- un guet-apens et assassine´sa` leur tour par sa garde mand est cre´e´ englobant ouvriers et patrons, au sein rapproche´e, la SS*, seconde force paramilitaire du parti duquel l’ide´edecommunaute´ nationale en lutte avec nazi. Les e´ve`nements de cette nuit sont connus sous le d’autres communaute´s nationales se substitue a` celle de nom de « Nuit des longs couteaux » 3.Unte´le´gramme lutte des classes. Une ope´ration analogue est monte´een de fe´licitations de Hindenburg conclut l’ope´ration et direction du monde rural que Hitler flatte et de´signe conforte la position de Hitler comme pre´tendant a` la comme « l’avenir de la nation ». succession du Mare´chal Pre´sident. Dans le meˆme Tr e`sviteapre`s l’arrive´e de Hitler au pouvoir, le temps, le pouvoir des SA passe aux mains de la SS, monde de l’industrie est e´galement mis au pas dans dont Himmler s’attache a` faire l’instrument essentiel de le cadre d’une nouvelle structure dirige´e par Krupp 2 et la police du re´gime. Thyssen, les deux grands patrons de la side´rurgie alle- Un mois plus tard, Hindenburg meurt. Hitler devient mande, et des liens d’inte´reˆts sont e´tablis entre le chef de l’E´tat avec le titre de Fu¨hrer et cumule tous les re´gime et les industriels au sein de « la Fondation dona- pouvoirs. La Reichswehr preˆte de´sormais serment trice Adolf Hitler de l’e´conomie allemande ». Toutefois d’obe´issance, non plus a` la constitution, mais a` la per- les industriels, qui accordent une aide financie`re subs- sonne du Fu¨hrer. Elle devient a` son tour complice tantielle au Parti, soutiennent la politique de re´ar- consciente de la dictature. Le peuple allemand ple´- mement et appre´cient l’orientation anti-syndicale du biscite a` 84 % les nouveaux pouvoirs de son Fu¨hrer. re´gime, parviennent a` conserver une certaine inde´pen- dance. Leur complicite´ avec le re´gime dans ces entrepri- Jusqu’en 1937, Hitler donne l’impression de demeu- ses les plus criminelles n’en est que plus frappante. rer une sorte d’arbitre entre les forces traditionnelles et Par e´tapes successives l’Allemagne est donc mise au les forces totalitaires incarne´es par le Parti, obtenant pas. Plus aucune forme d’opposition le´gale ne s’exprime meˆme de nombreux ralliements graˆce au redressement et toutes les organisations politiques, sociales ou e´cono- e´conomique de l’Allemagne et aux succe`s de sa politique miques passent sous le controˆle du Parti et de l’E´tat : exte´rieure. A` partir de 1937, le ve´ritable visage du une dictature s’installe partout aux commandes. re´gime se re´ve`le a` travers les changements intervenus dans le commandement de l’arme´e et dans la diplomatie, Seule l’arme´ e, monarchiste et traditionaliste, a` travers l’intensification de la pre´paration e´conomique e´chappe encore a` ce controˆle. Elle s’appuie sur le vieux de la guerre (plan de 4 ans confie´ a` Goering), ou la mare´chal Hindenburg, qui peut mettre son veto aux disparition de tous e´gards envers l’ancienne administra- de´cisions aventureuses du nouveau chancelier. Entre tion, enfin du fait de l’e´dification de l’E´tat SS et des l’arme´e et Hitler se pose de surcroıˆt le proble`me e´pi- bases du syste`me concentrationnaire. La mise au pas de neux des SA*,tre`smalperc¸us par l’arme´etradition- la culture permet de remodeler un pays, de´sormais inca- nelle : en effet, Ro¨hm, officier et ancien combattant de pable de se reprendre et de re´fle´chir. la Grande Guerre, chef des SA, ne dissimule pas sa Le Fu¨hrerprinzip, c’est-a`-dire la soumission absolue volonte´ de se de´barrasser du corps des officiers de la et discre´tionnaire a` l’autorite´ du Chef, s’impose partout. Reichswehr (arme´e impe´riale), conside´re´ comme re´ac- Prive´ de liberte´, le peuple allemand est alors appele´ a` tionnaire et re´trograde, et veut cre´er une arme´e popu- trouver compensation a` sa soumission dans l’exploita- tion des peuples dits « infe´rieurs ».

1. Kommunistische Partei Deutschland (parti communiste d’Allemagne) I.3. Le nouvel E´tat nazi 2. En 1945, lors du proce`s des grands industriels nazis, Alfred Krupp von Bohlen de´clarait : « La nation toute entie`re a adhe´re´ aux principes On assiste a` la de´composition des structures tradi- fondamentaux suivis par Hitler. Nous les Krupp, nous ne nous tionnelles de l’E´tat, avec en particulier a` partir de 1938, sommes jamais pre´occupe´ de la vie. Nous voulions seulement un syste`me qui fonctionne bien et qui nous donne l’occasion de travailler sans eˆtre de´range´s. La politique ne nous concerne pas... Quand on m’a questionne´ sur la politique antijuive des nazis et qu’on m’a demande´ ce que j’en savais, j’ai dit que je ne savais rien de l’extermi- 3. A` la suite de « la Nuit des longs couteaux », le syste`me concentra- nation des Juifs et j’ai ajoute´ : Quand on ache`te un bon cheval, il faut tionnaire tombe sous la coupe des SS et la responsabilite´ de Hein- aussi prendre en compte ses de´fauts.» rich Himmler, chef supreˆme de la SS (Reichsfu¨hrer SS).

3 SPE´CIAL ME´MOIRE VIVANTE memoire-vivante-special2006 - 20.10.06 - page 4

RAPPEL HISTORIQUE

la cessation des re´unions du conseil des ministres. Le l’origine, la *, police politique d’E´tat, est cre´e´e parti national-socialiste met en place un re´seau serre´ par Goering en Prusse dont il est ministre-pre´sident. de petits chefs, depuis les chefs d’ıˆlots d’immeubles jus- Elle est ensuite e´tendue a` l’ensemble du Reich, et qu’aux responsables des re´gions (les Gauleiter), soit deux confie´ea` Himmler*, qui obtient en 1929 la direction de millions de personnes environ au moment de l’entre´een la SS et se voit, de`s 1933, confier toutes les polices du guerre, e´chappant a` tout controˆle de l’E´tat. L’Allemagne Reich. A` travers lui s’ope`re la jonction entre des servi- se transforme en un peuple de Fu¨hrer qui pre´tendent ces qui rele`vent du Parti, la SS et le SD 1, et les services tous a` un poste de commandement. Et comme les qui rele`vent de l’E´tat (la police). re´formes administratives n’inte´ressent pas Hitler, ce Organise´e en police de protection (ORPO) et police dernier laisse libre cours a` l’incompe´tence et a` la cor- de se´curite´ (SIPO), la police d’E´tat confie´ea` Heydrich* ruption, son autorite´ permettant parfois de dissimuler est elle-meˆme divise´e en une police secre`te d’E´tat (Ges- des conflits internes, jamais de les re´soudre dans le tapo) et une police criminelle (Kripo). La fusion du SD fond. et des services relevant de Heydrich donne naissance, Sa me´fiance vis-a`-vis de ses subordonne´s, qu’ils soient avant la guerre, au RSHA 2 qui devient l’instrument par ou non assermente´s, militaires ou civils, comme la excellence de la politique de terreur, de re´pression et me´fiance farouche de tous les grands nazis les uns pour de perse´cution du syste`me nazi. les autres, entraıˆne, sous une apparente simplicite´, une E´galement mise au pas, la justice est re´forme´e complexite´ certaine dans le fonctionnement de l’E´tat- par Hans Frank, futur gouverneur de la Pologne, nomme´ Parti, les attributions des uns empie´tant sur celles des ministre de la Justice, qui noyaute les magistrats au sein autres, jouant parfois les unes contre les autres, au point de l’association des juristes nationaux-socialistes alle- que des ordonnances officielles se trouvent annule´es par mands, puis re´forme le droit criminel en aggravant les d’autres, secre`tes. peines et en diminuant les garanties de l’accuse´. Il cre´e le fameux tribunal du peuple (Volksgerichtshof) dont les Ce chaos favorise l’e´mergence d’un E´ tat SS, qui se jugements sont sans appel. Les affaires relevant des tri- situe hors de toute le´galite´.E´tat dans l’E´tat, la SS rele`ve bunaux ordinaires sont confie´es a` des tribunaux spe´- directement du Fu¨hrer et obtient de lui une entie`re ciaux, les avocats doivent eˆtre agre´e´sparlePartiet liberte´ d’action. Elle cre´e ses propres tribunaux pour risquent eux-meˆmes, en cas de prise de position mar- juger ses membres, elle a son « code d’honneur », ses que´e en faveur d’ennemis du re´gime, l’envoi en camp de lois, ses finances, sa mystique. Son recrutement au concentration. sommet provient parfois des classes e´leve´es de la Sous une fac¸ade le´galiste, l’E´tat national-socialiste dis- socie´te´, de l’arme´e, de la diplomatie ou des finances, simule donc la toute puissance d’un gouvernement et mais le plus souvent de classes moyennes en marge de d’un Parti qui recourent sans cesse a` la violence et a` la la socie´te´ traditionnelle. Elle compte des membres terreur. Pour couronner ce dispositif, l’ordonnance du d’honneur choisis parmi les personnalite´s influentes de 10 fe´vrier 1936 retire aux tribunaux administratifs tout la science (von Braun, pe`re des fuse´es V2, est membre controˆle des actes de la Gestapo. L’arbitraire devient d’honneur de la SS). Tout SS suit une formation spe´ciale la norme. destine´ea` lui inculquer le gouˆt du combat et de la vio- La dictature policie`re qui s’abat sur le pays entraıˆne lence, le sens de l’obe´issance absolue, l’absence de pitie´ un effondrement de toutes les valeurs intellec- et de sentiment humanitaire, le me´pris des dites « races tuelles et la mise au pas de l’intelligence. Le sys- infe´rieures », le culte du Fu¨hrer et de la camaraderie. La te`me scolaire et universitaire re´forme´ ne laisse plus de SS devient la cellule centrale de la puissance nationale- place a` la re´flexion critique. Pour les ge´ne´rations socialiste. Son activite´ principale porte sur l’administra- concerne´es, l’ordre, la discipline, l’obe´issance et le tion des camps de concentration et l’e´limination des culte du Fu¨hrer deviennent les valeurs fondamentales. Juifs. Le peuple allemand est maintenu dans un e´tat second, Un regroupement de la police et du corps des SS entre terreur policie`re et exaltation (ce´re´monial somp- s’ope`re par ailleurs sous l’autorite´ de Himmler.A` tueux, grandes parades nazies, etc.).

II. L’E` RE DES CAMPS DE CONCENTRATION

II.1. La gene`se du syste`me concentrationnaire Une circulaire du 14 octobre 1933 autorise « la de´tention provisoire illimite´e 3 ». Les premiers camps, Le camp de concentration est la forme d’application une cinquantaine environ, sont administre´s par les SA*, la plus aboutie de l’ide´ologie nazie. L’existence de tels sauf Dachau confie´ de`s l’origine aux SS. Prisonniers camps re´sulte du de´cret de la Schutzhaft (28 fe´vrier politiques et condamne´s de droit commun y sont meˆle´s 1933) ou de´tention de se´curite´,applique´e aussitoˆ t apre`s l’incendie du Reichstag aux communistes, puis e´tendue aux membres influents des anciens partis de gauche et de centre gauche, ce qui, avec les communis- 1. Sicherheitdienst ou service de renseignements du parti. tes de´ja` interne´s, repre´sente environ 30 000 personnes 2. ReichSicherheitHauptAmt ou office central de se´curite´ du Reich, dans les camps en avril 1933. Ennemis du re´gime, ils dont Heydrich puis Kaltenbrunner assument la direction. 3. On remarquera l’alliance significative des qualificatifs « provisoire » doivent eˆtre re´e´duque´s ou, au besoin, e´limine´s. et « illimite´e »...

SPE´CIAL ME´MOIRE VIVANTE 4 memoire-vivante-special2006 - 20.10.06 - page 5

RAPPEL HISTORIQUE

(Les Juifs, conside´re´s comme « non allemands », en sont moyen estime´ de de´tenus pre´sents pendant cette initialement exclus). pe´riode avoisinant 500 000. Il s’agit d’institutions de « redressement », par le tra- vail, le sport et l’hygie`ne, conc¸ues pour les citoyens de´voye´s, en re´alite´ destine´es a` briser toute volonte´ II.2. La « question juive » propre et tout re´flexe d’homme libre chez les de´tenus,e´ventuellement a` les e´liminer discre`te- La perse´cution des Juifs en Allemagne ou` ils repre´- ment. sentent moins de 1 % de la population, est ante´rieure a` Sur ces points, le syste`me re´ussit au-dela` des espe´- 1939. Des actes de violence commencent de`s l’arrive´e rances. Les effectifs de´cime´s attestent que le mot de Hitler au pouvoir. Goebbels* lance une campagne de «ane´antissement » a toujours e´te´ mieux compris par boycott contre les magasins juifs de´but avril 1934, les SS Totenkopf 1, affecte´sa` la garde des camps de tandis que sont e´dicte´es les premie`res lois interdisant concentration, que le mot « travail ». Theodor Eicke, aux Juifs d’importants secteurs d’activite´ et limitant l’ac- commandant du camp de Dachau, e´labore un « re`gle- ce`sdese´tudiants juifs a` l’universite´.Enseptembre ment » des camps de concentration, comportant des 1935, les lois de Nuremberg « sur la citoyennete´ du chaˆtiments corporels, des arreˆts et dans bien des cas la Reich » et « sur la protection du sang et de l’honneur peine de mort. A` la suite de la « Nuit des longs cou- allemand » consacrent « la mort civile » des Juifs dans la teaux » a` laquelle il participe, il est nomme´ inspecteur nation allemande. Cependant des Juifs sont interne´sen ge´ne´ral des KL*. camps de concentration avant 1938 parce que commu- Sorte de monde clos, qui e´volue selon sa logique nistes, libe´raux, socialistes... ou pour avoir un casier propre, le syste`me concentrationnaire connaıˆt judiciaire, y compris pour non-conformite´ avec la le´gis- deux grandes pe´riodes : la premie`re dite « alle- lation antise´mite. D’autres Juifs, polonais immigre´s, sont mande » de 1933 a` 1939, avant la guerre, la seconde, refoule´sa` l’automne 1938 vers la Pologne, elle-meˆme dite internationale, qui commence avec la guerre et se antise´mite, qui leur refuse l’acce`s. Si bien que quelques caracte´rise par l’afflux de ressortissants de toute l’Eu- milliers de personnes se trouvent ainsi a` la frontie`re rope, les inflexions lie´es a` l’e´volution de la guerre et entre les deux pays dans un abandon total et conside´- surtout le re`glement de la « question juive » avec la re´s comme apatrides 4. mise en œuvre du processus d’extermination. Dans ce contexte survient le 6 novembre 1938, l’as- Dans les anne´es 1936-1937, le nombre d’interne´s sassinat du conseiller diplomatique allemand Von Rath, a` politiques de´croıˆt, celui des marginaux, des tziganes, Paris, par un jeune Juif polonais, Heschel Grynspan, qui des homosexuels, des Bibelforscher (te´moins de Je´hovah), entend justement protester contre l’expulsion d’Alle- allant croissant, notamment a` l’approche des jeux Olym- magne des Juifs polonais. Qualifie´ de provocation du piques de 1936 a` Berlin. A` partir de 1938, les arresta- «judaı¨sme international », cet assassinat est suivi en tions politiques reprennent a` grand rythme dans tous les Allemagne du gigantesque pogrom* de « la Nuit territoires nouvellement annexe´s, re´gion des Sude`tes de cristal » (9-10 novembre 1938), au cours de laquelle (au nord de la Tche´coslovaquie) et Autriche, qui sont 91 Juifs sont assassine´s, 280 synagogues bruˆ le´es, mises au pas a` leur tour. En novembre 1938, 30 000 Juifs 7 500 entreprises juives de´truites, 30 000 personnes sont interne´s pour la premie`re fois parce que Juifs, en juives de 18 a` 80 ans arreˆte´es et la communaute´ juive camps de concentration, a` la suite de « la Nuit de cris- d’Allemagne condamne´ea` verser un milliard de marks a` tal ». Mais la plupart sont relaˆche´s contre ranc¸onnement l’E´tat. Les dirigeants nazis de´cident d’organiser l’e´migra- et promesse d’e´migration. tion des Juifs, confie´e au « bureau central du Reich pour De 1939 a` 1945, la guerre entraıˆne l’extension des l’e´migration juive » dirige´ par Adolf Eichmann. Toutefois territoires occupe´s par le Reich en Europe et le syste`me la plupart des E´tats refusent d’accorder des visas d’en- prend alors une ampleur de´mesure´e. Dans son exten- tre´e aux Juifs allemands candidats a` l’e´migration. Hitler, sion finale, il comporte une vingtaine de camps cen- dans un discours prononce´ au Reichstag le 30 janvier traux 2 dont rele`ve une multitude de Kommandos 3 disse´- 1939, de´clare « si une guerre devait survenir, le re´sultat mine´s selon les besoins de l’e´conomie nazie a` travers ne serait point une bolchevisation de l’Europe ni une tout le Reich. La capacite´ des camps centraux varie de victoire du judaı¨sme, mais l’extermination de la race 2000a` plus de 100 000 de´tenus, le nombre global juive en Europe ». L’e´limination des Juifs reste en effet au centre de l’ide´ologie nazie. Pour Hitler la pre´occupation principale 1. Ou « teˆte de mort », arborant l’insigne emprunte´ a` la tradition ´ ´ prussienne des « hussards de la mort ». reside dans la preservation de la race allemande. Le 2. Ce sont les camps de Dachau, Oranienburg, Buchenwald, Sachsen- projet criminel d’ensemble e´voque´ a` la veille de la hausen (sie`ge de l’Inspection ge´ne´rale des camps et PC du monde guerre entre en action a` la faveur de celle-ci sous l’ex- concentrationnaire, jumele´ a` Oranienburg), Flossenbu¨rg, Mauthausen, pression code´e de « Solution finale ». En 1941, Heydrich Neuengamme, Ravensbru¨ck (camp de femmes), Stutthof, Auschwitz (vaste complexe de trois camps incluant le centre d’extermination de est charge´ « de prendre toutes les mesures pre´paratoi- Birkenau), Natzweiler-Struthof, Theresienstadt, Aurigny-Alderney, res requises pour re´soudre la question juive dans les Bergen-Belsen, Gross-Rosen, Hinzert, Maı¨danek, Dora-Mittelbau ´ (voir carte p. 6). territoires europeens sous influence allemande ». Dans 3. E´quipe de travail et par extension camp annexe de`s lors qu’un camp est ame´nage´ pre`soua` l’inte´rieur du lieu de travail. L’effectif de ces Kommandos varie de quelques unite´sa` plusieurs dizaines de mil- liers de personnes. 4. Sans patrie.

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les pays conquis a` l’Est, les Einsatzgruppen (unite´s Du de´but de 1942 a` l’automne 1944, les proce´de´s spe´ciales d’action) ont mission, a` mesure de la progres- d’euthanasie mis au point dans certains instituts pour sion de la Wehrmacht, d’exterminer, directement ou e´liminer les incurables sont transpose´s dans des « cen- indirectement, les populations juives. tres de mise a` mort », active´sa` Chelmno, Belzec, Maı¨- Apre`slaconfe´rencedeWannsee(dans la ban- danek, Sobibor, Treblinka et Auschwitz-Birkenau (le plus lieue de Berlin) du 20 janvier 1942, le « service juif » du important de tous, vers lequel convergent des convois RSHA dirige´ par Adolf Eichmann organise la de´porta- venus de toute l’Europe). Environ 11 millions de Juifs tion des Juifs de toute l’Europe occupe´e. Des rafles sont potentiellement vise´s. Entre 5 et 6 millions sont ont lieu avec l’appui plus ou moins empresse´ des auto- victimes de la « Solution finale », soit du fait des massa- rite´s locales (comme celle du 16 juillet 1942 a` Paris), cres perpe´tre´s par les Einsatzgruppen, soit dans les ghet- les ghettos sont vide´s de leur population, non sans tos, soit dans les centres d’extermination, soit dans les re´sistance, comme a` Varsovie, ou` un combat de qua- transports. Une partie de cette population, juge´eapte rante jours, en avril 1943, suivi du dynamitage de au travail, est toutefois « se´lectionne´e » et exploite´e toutes les maisons, est ne´cessaire pour venir a` bout de dans des travaux e´puisants, qui ne lui permettent de la re´volte. survivre que quelques mois.

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III. LE TRAVAIL FORCE´ AU PROFIT DU REICH

Le travail concentrationnaire e´volue dans le temps et Une e´tape est franchie avec le pillage et l’exploitation dans l’espace entre 1933 et 1945. Jusqu’a` la guerre, soit syste´matique de la partie occupe´edel’Europe,au six ans apre`s l’instauration des camps de concentration, cours de laquelle la premie`re taˆche incombant aux ce travail rele`ve de la brimade ou concerne la cre´ation et forces d’occupation est d’imposer aux populations des l’entretien des camps. Il n’a encore aucun caracte`re pro- territoires conquis ou occupe´sdenourrirlepeuple ductif. A` partir de 1937, les de´tenus commencent a` eˆtre allemand et de contribuer a` son armement, c’est-a`-dire employe´s dans des travaux de cultures ou dans les entre- de travailler pour lui. D’autant qu’une e´volution se des- prises de la SS, notamment dans les carrie`res et sablie`res sine fin 1941 du fait de l’e´chec du Blitzkrieg (« guerre- de la DEST 1, mais, e´tant encore susceptibles d’eˆtre libe´- e´clair », terme de´rive´ de la the´orie de la guerre rapide) re´s, ils ne doivent rien connaıˆtre des pre´paratifs secrets en Russie, qui conduit Hitler a` de´clarer le 31 octobre du Reich. Aucun d’eux n’est encore employe´ dans la 1941 que « la pe´nurie de main-d’œuvre devient un obs- production industrielle ni dans les travaux d’enfouisse- tacle de plus en plus dangereux pour l’avenir de l’indus- ment des usines. trie allemande de guerre et d’armement [...] ». Cette de´claration est a` l’origine d’une ve´ritable chasse a` l’homme organise´e sous l’impulsion de Goering 2, 1. Trois ans avant de passer du RSHA au VWHA (voir note 4 p. 7), l’administration SS est assez puissante et structure´e pour cre´er ses propres firmes : de`s 1940, la Deutsche Erd und Steinwerke (ou DEST), entreprise des terres et carrie`res, s’approprie des terrains et carrie`- res et les met en exploitation en utilisant la main-d’œuvre concentra- 2. Mare´chal du Reich responsable du plan de quatre ans de de´velop- tionnaire pour la construction et l’agrandissement des camps ou en pement e´conomique et industriel. Ancien pilote de chasse pendant la vue des grands travaux du Fu¨hrer. guerre de 1914-1918.

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Speer 1 et Sauckel 2, dans les territoires occupe´sou Rien dans les archives existantes du WVHA ni du annexe´s, afin de pourvoir en main-d’œuvre l’industrie RSHA ne permet d’appre´cier la productivite´ de cette de guerre allemande. mise´rable main-d’œuvre. Le WVHA ne dispose d’aucun La conqueˆte de territoires nouveaux devient source e´le´ment permettant d’e´valuer la productivite´ des de´te- d’exploitation intensive des forces humaines devenues nus chez Siemens, Krupp, IG-Farben, ou dans les usines captives 3.Toutre´fractaire, tout individu manifestant du complexe Hermann Goering, auxquels ils sont loue´s. d’une manie`re ou d’une autre de la mauvaise volonte´, Seuls sont comptabilise´s les journe´es travaille´es et les ira grossir les rangs des de´tenus du syste`me concentra- revenus tire´s de la location des de´tenus (3 a` 5 marks tionnaire qui n’e´chappe pas a` la re`gle ge´ne´rale, sous par teˆte et par jour). l’impulsion de Himmler et de Oswald Pohl. De`ssep- tembre 1941, Pohl indiquait aux commandants des La responsabilite´ de l’exploitation des de´tenus des camps de concentration que la mise au travail des de´te- camps de concentration incombe aux instances nazies, nus passait sous la responsabilite´ du WVHA 4 et qu’a` civiles et militaires au plus haut niveau, sans qu’aucun partir du 1er octobre 1941, la charge de tous les pro- responsable ne se sente pleinement concerne´. Goering, ble`mes e´conomiques de la SS et la responsabilite´ directe responsable du Plan et tous les chefs militaires (Raeder de l’Arbeitseinsatz (Organisation de la mise au travail) des pour l’aviation, Keitel pour la Wehrmacht, Do¨nitz pour de´tenus dans les camps de concentration lui revenait la marine), exprime des exigences sans que nul ne se directement. En clair, le syste`me re´pressif est appele´ a` soucie de l’origine ni du statut des travailleurs. contribuer a` la production de guerre du Reich. Speer, ministre de l’armement, fixe les priorite´s. Il Une re´organisation de l’administration des camps en revient a` Sauckel, commissaire du Reich a` la main- de´coule et qui inte`gre l’inspection des camps (IKL) dans d’œuvre, de fournir la main-d’œuvre et pour cela il le WVHA, dirige´ par Pohl. Ce dernier e´crit dans une lance « ses rabatteurs » sur l’Europe. note destine´ea` l’IKL : « [...] L’internement des prisonniers L’emploi de la main-d’œuvre concentrationnaire pour les seules raisons de se´curite´, d’e´ducation ou de pre´ven- reste l’affaire d’Himmler qui s’en de´charge sur Pohl, tion, n’est plus la condition essentielle : l’accent de´sormais est lequel transmet aux commandants de camps, et ainsi de a` porter sur le coˆte´ e´conomique. Ce qui est maintenant au suite. Dans cette exploitation a` grande e´chelle, nul diri- premier plan et ce qui le devient de plus en plus, c’est la geant n’e´prouve le moindre e´tat d’aˆme a` l’e´gard de ce mobilisation de tous les prisonniers capables de travailler, trafic humain, conside´rant, comme le dit Himmler, que d’une part pour la guerre actuelle, d’autre part pour les « seul compte l’impe´rieux besoin qu’a le Reich de leur taˆches de la paix futures. [...] » travail ». A` partir de 1942, le syste`me concentrationnaire se trouve implique´ directement dans l’e´conomie de guerre L’emploi des de´tenus au service de l’industrie de (armement, infrastructure militaire, maritime, ae´rienne) guerre couvre la pe´riode de mai 1942 a` janvier 1945, et ge´ne´rale (industries strate´giques, publiques ou prive´es). date a` laquelle l’e´vacuation des camps de Pologne para- Mais, contrairement aux autres cate´gories de travailleurs lyse les transports et contribue a` de´traquer la machine qui font l’objet de « contrats », qui, pour beaucoup sont en gonflant les effectifs des camps et Kommandos a` suivis par des services d’assistance de leurs pays d’origine, l’Ouest, ou` les conditions sanitaires se de´gradent et qui rec¸oivent des colis, du courrier et sont ge´ne´rale- inexorablement et acce´le`re une mortalite´ de´ja` galo- ment re´mune´re´s, les de´porte´s, eux, en revanche, n’ont pante. plus aucun droit et constituent simplement « des hommes Seule l’arrive´e des arme´es allie´es libe´ratrices, a` partir a` de´truire, mais de fac¸on rentable... ». d’avril 1945, met fin a` ce monstrueux engrenage.

Une chronologie ge´ne´rale de la pe´riode 1917-1945 est propose´e sur le CD-rom associe´ a` ce dossier, en comple´ment du rappel historique.

1. Ministre de l’armement. 2. Nomme´ Commissaire ge´ne´ral a` la main-d’œuvre le 21 mars 1942. 3. En avril 1942, d’apre`s le compte rendu d’une confe´rence tenue chez le Commissaire du Reich aux prix, il y aurait dans le Reich un million cinq cent mille prisonniers de guerre et quatre millions de travailleurs civils e´trangers. (En avril 1943, 30 % des prisonniers de guerre russes sont employe´sa` la production, le chiffre passant a` 40 % de l’ensemble des prisonniers de guerre en 1944). 4. Wirtschaftsverwaltungshauptamt (office central d’administration e´conomique de la SS).

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CAHIER ME´ THODOLOGIQUE NO 1 LeLe travail travail dans dans un un camp camp de de concentration concentration

ORIENTATIONS ME´ THODOLOGIQUES

A` partir de l’exploitation de documents ou de te´moignages recueillis, sur un camp de´termine´ ou un Kommando : A) E´tudier l’organisation ge´ne´rale d’un camp de concentration et de´terminer qui fait quoi dans l’affectation des de´tenus au travail. B) Dresser une liste des travaux auxquels les de´tenus peuvent eˆtre astreints dans le cadre de la vie et du fonction- nement quotidien d’un camp en distinguant ceux qui pourraient s’apparenter a` des corve´es, ceux qui concernent l’e´dification du camp, enfin ceux qui contribuent a` l’administration. Tenter d’e´valuer les conse´quences que ces travaux pouvaient avoir dans les relations entre de´tenus. C) Comprendre ce qui peut rendre un emploi ou un Kommando plus dur qu’un autre. D) De´crire la journe´e de travail d’un de´tenu et ce qui plus ge´ne´ralement concourt a` rendre cette vie intense´ment e´prouvante. E) E´tudier le sort des malades et si possible faire des comparaisons entre les pratiques et les possibilite´s de diffe´rents camps ou Kommandos. F) Trouver d’autres facteurs ayant pu jouer sur le sort de de´tenus malades.

Avertissement : Les documents pre´sente´s ne constituent qu’une base de de´part et une initiation. Ils n’e´puisent pas le sujet et ne sont pas destine´sa` eˆtre copie´s dans les travaux collectifs. Rechercher d’autres sources reste donc indispensable.

Rappel historique succinct Les premiers camps de concentration sont organise´s imme´diatement apre`s la prise du pouvoir par les nationaux- socialistes en 1933. Ils rec¸oivent des prisonniers juge´s dangereux pour le re´gime et en premier lieu les opposants ou suppose´s tels : communistes, socialistes, libe´raux... puis aussi des criminels et tous ceux que le re´gime veut mettre a` l’e´cart. Le syste`me mis au point dans tous les KL a avant tout une fonction re´pressive et le travail impose´ aux de´tenus a un but punitif, qui se cache derrie`re un objectif de soi-disant « re´e´ducation ». A` partir de 1939, avec la guerre, la population des camps s’internationalise mais le syste`me reste le meˆme. A` partir de 1942 la guerre se prolonge, devient totale, la main-d’œuvre manque en Allemagne alors que l’effort de guerre s’intensifie. Le service e´conomique du Reich de´cide d’utiliser la main-d’œuvre concentrationnaire a` des fins plus rentables, voire ne´cessaires. Pour autant les formes de travail re´pressif se poursuivent paralle`lement jusqu’a` la fin de l’existence des camps en 1945. Les conditions du travail dans le syste`me concentrationnaire nazi sont donc a` la fois uniformes et infiniment varie´es. « Quand on parle d’un camp, il ne suffit pas d’en donner le nom... il ne suffit pas de donner les dates : les de´tenus vivaient sur des plane`tes diffe´rentes selon le travail qu’ils devaient faire. » (Benedikt Kautsky, cite´ par Hermann Langbein dans Hommes et femmes a` Auschwitz, Fayard, 1975.)

Document no 1(Te´moignage) Jean-Claude Dumoulin, ne´ en 1923, entre dans la re´sistance en 1940 (dans l’Organisation Secre`te, ou OS, puis dans l’Arme´e A` mesure que le camp se de´veloppait, qu’on construisait de secre`te, ou AS), est arreˆte´ et envoye´ a` Compie`gne en avril nouveaux baraquements, des corps de me´tier nouveaux appa- 1944, de´porte´ a` Mauthausen en avril 1944, matricule 6257, raissaient dans la masse des de´porte´s : cordonniers pour affecte´ au Kommando de Melk, puis d’Ebensee. A` son retour de «re´parer » des claquettes (ou travailler le cuir pour les SS et de´portation, il devient journaliste de politique e´trange`re. les Prominente*, les cadres allemands du camp), cuisiniers pour les SS et le tout-venant de la pie´taille, e´lectriciens pour entretenir le courant dans les barbele´s, secre´taires pour l’ad- Document no 2(Te´moignage) ministration inte´rieure, * bonnes a` tout faire Stubendienste La journe´e dans le camp e´tait place´e sous le signe du travail des Blocka¨lteste* (de´tenus chefs de blocks) [...], a` mesure s’instaurait une vision du travail qui multipliait les « planques » force´. Il donnait son empreinte a` la vie des prisonniers. plus ou moins salvatrices. Il avait fallu moins de quatre semai- De´ja`, le choix de la main-d’œuvre avait lieu d’une fac¸on tout a` nes pour que le camp passaˆt de la socie´te´ artisanale a` une fait caracte´ristique. Au lendemain de leur arrive´e, les nouveaux ve´ritable socie´te´ industrielle et commerciale. venus devaient de´filer devant le bureau du chef du service du travail. En file, puis demi-tour et la se´ance commenc¸ait : « Les Jean-Claude Dumoulin, Du coˆte´ des vainqueurs (Au cre´puscule des ´ ´ cre´matoires), Tire´sias, Paris, 1999, pp. 42-43. specialistes hors des rangs ! » Les inities avanc¸aient d’un pas,

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CAHIER ME´ THODOLOGIQUE No 1

meˆme s’ils n’avaient qu’une vague ide´e d’un me´tier manuel. faibles, aux malades, a` ceux qui n’ont pas de de´fense, les Mais peu nombreux furent ceux qui eurent suffisamment de travaux les plus durs. Car il existe des kommandos plus durs courage et de pre´sence d’esprit pour dire aussitoˆt qu’ils e´taient les uns que les autres, selon le travail qui leur est assigne´ et des spe´cialistes et pour surmonter, graˆce a` leur audace et leur l’encadrement qui surveille son exe´cution ; des kommandos imagination, les difficulte´s qui surgissaient par la suite. Les maudits [...]. Les vides y sont plus nombreux qu’ailleurs et, ouvriers spe´cialistes e´taient dirige´s sur les usines, ce qui e´qui- chaque jour, les sortants du Revier* ou du Schonung*, sou- valait, en tout cas, a` une premie`re assurance sur la vie. En vent si mal gue´ris, sont immanquablement dirige´s vers « Wal- effet, tous les autres, sans la moindre conside´ration pour les brecht Grube » ou « Dany ». Ces kommandos sont toujours aptitudes physiques, les dispositions et les connaissances ante´- dirige´sparlesKapos* et Vorarbeiters* les plus mauvais, rieures, e´taient dirige´s, suivant les besoins du moment, vers les souvent des triangles verts sadiques, trouvant une compensa- divers kommandos et affecte´s, sous les coups de gourdin, aux tion a` faire souffrir. Ainsi fonctionne la technique d’extermina- travaux pre´cise´ment les plus pe´nibles, tels que les kommandos tion des hommes par le travail. A` longueur de journe´e, de des carrie`res et des puits. Les membres des professions intel- pauvres garc¸ons fame´liques doivent porter des rails, pousser lectuelles, en particulier ceux qui portaient des lunettes, des wagons, charrier des moellons. Lorsqu’ils s’e´croulent, sous e´taient pousse´s de prime abord dans la voie de l’ane´antisse- l’effort ou la maladie, le kapo est sur eux et les roue de coups ment, terrible et grotesque « se´lection des meilleurs ». de « gummi* ». Beaucoup sont atteints de dysenterie et gravis- sent un calvaire. Chaque jour la fatigue augmente, l’effort Eugen Kogon, L’E´tat SS, Seuil, Paris, 1970, p. 87. devient plus pe´nible, la faim se fait plus lancinante ; chaque Eugen Kogon, ne´ a` Munich, fils d’un diplomate russe, est journa- jour, les forces diminuent et l’inlassable vague du de´sespoir liste dans le milieu conservateur catholique en Autriche jusqu’a` vient miner notre moral. l’annexion de cette dernie`re par le Reich. Oppose´ au nazisme, il ˆ ´ ` ´ est arrete a plusieurs reprises, remis en liberte entre 1936 et Aime´ Bonifas, De´tenu 20801 dans les bagnes nazis,FNDIRP, ´ ` ´ ´ 1938 puis finalement envoye a Buchenwald en 1939. Libere en Paris, 1985, pp. 70-71. 1945, il s’engage dans la reconstruction politique de l’Allemagne, Aime´ Bonifas, pasteur de l’E´glise re´forme´e de , re´sistant ´ mais finalement dec¸u par la vie politique, il se retire pour se du mouvement Combat, re´fractaire au STO, est arreˆte´ en juin ` L’E´tat SS consacrer a la sociologie. En 1946, il publie . Il meurt 1943, envoye´ a` Compie`gne puis de´porte´ a` Buchenwald en sep- en 1987. tembre 1943. Il a e´te´ affecte´ dans les Kommandos Laura, Mac- kenrode, Wieda, Osterhagen puis a` nouveau Wieda, de´pendant de Buchenwald. Il quitte un train d’e´vacuation abandonne´ par les Document no 3(Te´moignage) SS le 11 avril 1945 et est recueilli par les Ame´ricains le 15 avril.

Le lendemain, j’ai e´te´ affecte´ au de´blayage [de l’usine bom- barde´e]. J’y ai travaille´ durant deux ou trois jours Et c’est a` o partir de ce moment-la` que ma chance a tourne´, car j’ai e´te´ Document n 5(Te´moignage) envoye´ dans un nouveau commando, au Wa¨scherei, c’est-a`- Emploi du temps dire a` la laverie du camp. Je dois dire que c’e´tait une planque, 4 h 30-5 h : Re´veil, rangement des paillasses, distribution des d’autant plus que le chef m’a fait monter au deuxie`me e´tage « cafe´s », controˆle dans les Blocks. 5 h 30-6 h : Rassemble- de la baraque pour y e´tendre le linge sur un fil, en compagnie ment devant les Blocks, dortoirs (au Tunnel), appel, les SS d’un politique hollandais [...] Nous faisions les poches des comptent et recomptent, les Kapos e´galement. 6 h 30 : habits que nous devions e´tendre, nous y trouvions du fil, des De´part pour le travail. 7 h : Mise au travail. 12 h 30-13 h : aiguilles, des choses utiles. [...] On finit par avoir des senti- Pause. 19 h : Arreˆtdutravail,controˆle des Kommandos. ments un peu e´goı¨stes. J’e´tais au chaud, a` l’abri, nous avions 19 h 30-20 h 30 : Appel ge´ne´ral ; une heure si tout se passait parfois un peu de rabiot de soupe. Je dois vraiment la vie aux bien, sinon plus. 21 h : Blocks dortoir ; distributions de la soupe Ame´ricains. Sans le bombardement [de l’usine], je serais reste´ et du pain. 22 h : Possibilite´ de s’endormir. Ce sche´ma the´o- aux planches et je ne serais pas probablement pas la` aujour- rique du de´but de Dora subira des variantes [...] Les tracasse- d’hui. ries sans nombre empeˆchaient toute de´tente. Pire, apre`s l’appel certains kommandos repartaient faire du transport ou Vicente Torres Ruiz, re´fugie´ espagnol, prisonnier de guerre en du de´chargement et ne retournaient au Block que vers 23 h. 1940, libe´re´ puis arreˆte´ comme re´sistant en juin 1943 et de´porte´ a` Buchenwald en janvier 1944. Te´moignage recueilli Dora la mort par Patrick Coupechoux et transcrit dans son livre Me´moires de Andre´ Pontoizeau, , Tours, 1947. de´porte´s. Histoire singulie`re de la de´portation,LaDe´couverte, Andre´ Pontoizeau, re´sistant, est arreˆte´ en octobre 1943, Paris, 2003, pp. 323-324. de´porte´ en de´cembre a` Buchenwald (matricule 38475), trans- fe´re´ a` Dora en janvier 1944.

Document no 4(Te´moignage) Document no 6(Te´moignage) La reprise du travail de terrassement est une e´preuve, car j’ai Une journe´e comme tant d’autres perdu l’entraıˆnement et je ne sais plus ce qu’est la longueur d’une journe´e sur le chantier avec le froid. Par malheur, on [...] Le Kommando passe la porte, encadre´ de SS chiens, m’envoie dans un des kommandos les plus durs : « Wehrbrecht bourreaux inamovibles pour la journe´e. [...] Grube », qui travaille douze heures alternativement une Pour les Kommandos exte´rieurs, c’est dur, tre`s dur. semaine de jour, une de nuit. Nous sommes occupe´s dans la Hiver, e´te´, par tous les temps. mine aux travaux les plus e´puisants et dangereux. Ce kom- [...] Durant des heures, il faudra re´sister, lutter contre la boue, mando est vraiment lamentable, compose´ de tous les pauvres la neige, le froid, la pluie, le vent, la chaleur, la poussie`re, la types qui ne se sont pas de´brouille´s pour aller ailleurs. [...] ce soif et toujours la faim. [...] sont des loques humaines, a` bout de forces, traıˆnant leurs Les Kommandos dits « inte´rieurs » sont moins e´prouvants. guenilles et leur mise`re, de´ja` brise´es moralement. Une des Contre les rigueurs du temps, la protection des baˆtiments me´thodes du Syste`me est pre´cise´ment de re´server aux plus rend la situation moins cruelle.

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CAHIER ME´ THODOLOGIQUE No 1

[...] La pose repas donne juste le temps d’engloutir prompte- dans la fesse. Le sang, suppose´ malade, sert de vaccin. On ment ce qui est notre de´jeuner. « s’auto-vaccine ». Ce qui ne me fait pas grand-chose. Mon cas Amorcer le syste`me salivaire produit plus qu’avant la sensation s’aggrave ; mes camarades n’y peuvent rien. Je suis transfe´re´ de faim, incessante faim qui jamais, jamais ne s’e´teint. au Block 8, re´serve´ aux contagieux, aux e´rysipe`les. Puis le travail reprend. Corve´es longues, harassantes, qui e´pui- C’est encore pire que ce que j’ai vu jusqu’ici. Un grouillement sent autant nos forces que notre courage. de cicatrices purulentes, de pansements de papier, de corps a` Cependant, il faut tenir et bien se tenir. Il faut e´viter les coups, meˆme le sol, de lits surcharge´s ; partout, les malades sont a` les toquades et les injures des gardiens en de´mence. trois par lit [...]. J’entre et je dois enjamber quelques corps Eviter les Aufseherinnen*, les SS, leurs chiens et les lubies de pour atteindre le « re´duit » du chef de block, un Polonais, chacun d’eux. [...] grand, fort, solide. Je me pre´sente. Il parle un franc¸ais correct La journe´e est de plus en plus pesante. Pour les SS aussi, leur et semble heureux de le faire. Geste sans doute de grandeur, humeur en te´moigne. il va de´loger, du troisie`me e´tage du lit le plus pre`s de la porte, Fin du travail, la colonne repart. un pauvre garc¸on qui tombe sur le sol pour se traıˆner vers Se tenir, se cramponner a` la troupe sur le chemin du ceux qui couchent par terre. retour [...]. « – Ton lit ! » Nouvelle ce´re´monie de fin de journe´e. Comptage a` l’entre´edu Je grimpe sans beaucoup de force et me retrouve le troisie`me camp, inde´pendamment de l’appel du soir. larron, ma teˆte pre`s du jour et de la porte ouverte, la teˆte de mon compagnon sur la gauche et les deux pieds du troisie`me Liliane Le´vy-Osbert, Jeunesse vers l’abıˆme, 1940-1945, EDI, Paris, occupant, dont j’ignore le visage, sous le nez. 1992. Le soir, c’est la course aux toilettes, les « aborts ». La` encore, il Liliane Le´vy-Osbert, ne´e en 1919, re´sistante juive, est arreˆte´een faut enjamber les corps. Comme on ne leur ferme pas les novembre 1941, incarce´re´e dans diverses prisons franc¸aises, yeux, on ne sait pas qui est mort et qui est encore vivant. On envoye´eentantquejuiveaucampdeDrancyende´cembre entend parfois le bruit caracte´ristique d’un mort qui tombe du 1943, puis de´porte´ea` Auschwitz en 1944 et transfe´re´ea` lit d’ou` ses voisins l’ont rapidement exclu laissant apparaıˆtre Ravensbru¨ck, lors d’une « marche de la mort » en janvier 1945. – et sentir – ses vomissements, ses de´jections, vaguement nettoye´es dans un papier a` pansements. [...] Des soins, aucun ! Si, un peu de pommade noire. Je sombre Document no 7(Te´moignage) dans un demi-sommeil pendant plusieurs jours. C’est peut-eˆtre Le nouveau Revier de Dora c¸a, mourir tranquille ?

(Expe´rience d’un de´porte´ du nom de Fliecx, premie`res Bob Sheppard, Missions secre`tes et de´portation 1939-1945. Les semaines de l’anne´e 1944 a` Dora.) roses de Picardie, Heimdal, Bayeux, 1998, pp. 376-377. Le Revier est une baraque en haut du camp. On y acce`de par Robert dit Bob Sheppard, agent britannique du re´seau Buckmas- d’affreux bourbiers ou` l’on patauge lamentablement. Une fois ter, est arreˆte´ en France, dans les Pyre´ne´es Atlantiques, en arrive´, on attend devant la porte par n’importe quel temps, les fe´vrier 1943, alors qu’il s’appreˆte a` regagner l’Angleterre apre`s fie´vreux a` 40 oC aussi bien que les autres. E´videmment, ce une mission. Incarce´re´ a` Perpignan puis a` Fresnes, il est de´porte´ sont toujours les plus forts qui repoussent les autres et s’in- au camp de Saarbru¨ck-Neue Bremme, puis a` Mauthausen en troduisent de`s que la porte s’ouvre. Les malades, les impotents septembre 1943, transfe´re´ ensuite au camp de Natzweiler-Stru- restent plusieurs heures a` grelotter dans la bise et la neige. thof en mai 1944, puis a` celui de Dachau en septembre 1944, ou` ´ ´ Quelques-uns s’affalent e´puise´s par terre. [...] Des soins ? Oui, il est libere fin avril 1945. excellents si on a la chance a` la visite d’eˆtre envoye´ au Revier, reˆve de tous les de´tenus. Pour mon bonheur, le me´decin, Allemand politique, apre`savoirtaˆte´ sans douceur les deux œufs de pigeon qui muˆrissent sous mon bras, m’y envoie. Il est recommande´ de comparer les documents 7, 8 Avant de pe´ne´trer dans la chambre, quelques instants de´li- et 9. cieux. Je suis de´shabille´ et baigne´ dans une vraie baignoire avec de l’eau chaude. Dans la chambre 8, c’est un me´decin franc¸ais qui commande ; l’infirmier est russe. Ici c’est un chan- gement cent pour cent avec le reste du camp. Tout est propre, Document no 9(Te´moignage) chacun a un lit de bois, un drap, un oreiller et un couvre-pieds. Melk annexe de Mauthausen Nous sommes une vingtaine. Beaucoup d’Italiens. [...] La nour- riture, on ne sait plus qu’en faire ici. [...] Le matin, je me Coı¨ncidence ou phe´nome`ne de cause a` effet ? Il a fallu atten- re´veille naturellement, pour la premie`re fois depuis longtemps. dre l’installation du Revier (infirmerie) pour qu’il fuˆtne´cessaire * Tout est calme. [...] Ici on est bien soigne´, dorlote´ meˆme, et de construire le cre´matoire . On y entrait par la porte, on en demain on vous rejettera avec la meˆme indiffe´rence dans la ressortait par une autre pour s’e´vaporer a` l’air libre. Les vie infernale du KL [...]. me´decins amis l’avaient compris les premiers, qui se de´brouil- laient pour faire sortir des me´dicaments afin d’e´viter autant que possible des entre´es qui se transformaient la plupart du Andre´ Sellier, Histoire du camp de Dora,LaDe´couverte, Paris, 1998, p. 87. temps en sorties de´finitives impalpables. Andre´ Sellier, re´sistant, arreˆte´ en aouˆt 1943, de´porte´ a` Buchen- wald en de´cembre 1943, matricule 39570, transfe´re´ a` Dora en Jean-Claude Dumoulin, Du coˆte´ des vainqueurs (au cre´puscule des fe´vrier 1944, a` Ravensbru¨ck en avril 1945. cre´matoires), Tire´sias, Paris, 1999, p. 42. Jean-Claude Dumoulin, ne´ en 1923, entre dans la re´sistance en 1940 (dans l’Organisation Secre`te ou OS, puis dans l’Arme´e secre`te ou AS) est arreˆte´ et envoye´ a` Compie`gne en avril o Document n 8(Te´moignage) 1944, de´porte´ a` Mauthausen e´galement en avril 1944, matricule 6257, affecte´ au Kommando deMelk,puisd’Ebensee.A` son Je suis transfe´re´ au Block 3 pour y subir des « auto-he´mo- retour de de´portation, il devient journaliste de politique e´tran- injections ». On pre´le`ve du sang dans le bras pour l’injecter ge`re.

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CAHIER ME´ THODOLOGIQUE No 1

billons de poussie`re ; mais au moins e´tait-on assise et abrite´e o Document n 10 par un toit. D’eˆtre a` « l’Union » e´tait de´ja` beaucoup mieux ; seulement pouvait-on accepter de travailler dans une usine d’armement ? Enfin, le reˆve c’e´tait le Canada*. Il s’agissait de de´charger les wagons ayant amene´ des malheureux qu’on avait somme´s de tout abandonner ; ainsi pour peu que l’on euˆt la main habitue´ea` « l’organisation* », on pouvait ramener le soir, a` condition d’en bourrer ses ourlets et doublures, des tre´sors tels que bijoux, veˆtements, nourriture, servant eux- meˆmes de monnaie d’e´change. [...] Il y avait, a` Birkenau, deux e´quipes travaillant au Canada*, une de jour et une de nuit. C’e´tait e´videmment merveilleux de pou- voir y acce´der, mais en ge´ne´ral apre`s quinze jours, un mois au plus, on e´tait chasse´ sans pitie´ et remplace´ par d’autres. Il y avait e´galement d’autres emplois inte´ressants, comme celui de travailler aux cuisines ; l’inte´reˆt de la chose se voit imme´diatement. Mais il existait aussi le Scheiss-Komm- mando, [...] Dans ce Kommando on transportait les ordures me´nage`res et humaines d’un point a` l’autre du camp dans de petites brouettes [...], de´bordant elles laissaient une traıˆne´e Lavis de Maurice de la Pintie`re re´alise´ en 1945. infecte derrie`re elles et e´claboussaient les malheureuses char- Le´gende : Courbe´s sous le poids de leur fardeau puant. ge´es de les conduire. Puis le soir [...] elles venaient se coucher contre leurs compagnes de nuit, lesquelles ne pouvant suppor- Ce kommando, appele´ le Texte accompagnant le dessin : « ter une pareille odeur rejetaient hors de la coı¨alapauvre ‘‘kommando de la merde’’, (ou e´tait Scheisskommando) femme... [...] re´serve´,enge´ne´ral, a` ceux qui avaient essaye´ de s’e´vader et En revanche, une bonne planque e´tait d’eˆtre infirmie`re au que l’on pouvait reconnaıˆtre par un rond de tissu rouge sur . Mais les mieux partage´es e´taient les femmes me´de- fond blanc cousu sur l’habit de bagnard. L’engrais en question Revier cins, qui au bout de quelques semaines e´taient ge´ne´ralement e´tait destine´ en principe a` fumer le jardin SS. » autorise´es a` exercer leur profession. [...] Un Waffen-SS* puis deux ou trois kapos passe`rent devant Maurice de la Pintie`re, ne´ le 6 juillet 1920, en Vende´e, re´sistant, chacune de nous pour choisir les femmes les plus fortes ou ˆ ´ ´ ` ˆ ´ ` arrete en 1943, interne a Bordeaux au Fort du Ha, est envoye a les jeunes filles les plus belles et les affecter au Canada. [...] Compie`gne en octobre 1943 puis de´porte´ a` Buchenwald, en novembre 1943 et de la` au camp de Dora. Transfe´re´ au printemps On prit ensuite quelques personnes pour « l’Union », puis diffe´- 1945 au camp de Bergen-Belsen, il y est libe´re´ le 15 avril 1945. rents emplois dont aucun n’e´tait parmi les plus pe´nibles. Il restait finalement environ trois cents personnes qui furent divi- se´es en deux groupes, l’un affecte´ a` la Weberei,l’autrea` l’Aussenkommando*. C’est dans ce dernier que nous e´chouaˆ- Document no 11 (Te´moignage) mes, maman et moi. »

Apre`s cette longue quarantaine, on nous ordonna un beau Nadine Heftler, Si tu t’en sors... Auschwitz 1944-1945,LaDe´cou- matin de partir avec toutes nos affaires. [...] verte-te´moins, Paris, 1992, pp. 50-55. L’apre`s-midi on nous fit rassembler [...]. Nadine Heftler, ne´e en 1928, est arreˆte´e avec ses parents a` Nous nous doutions de´ja` depuis un certain temps qu’il s’agis- Lyon par la Gestapo en mai 1944. Elle et ses parents, identifie´s sait de nous faire passer dans le Lager B, le camp de travail, comme juifs, apre`s un passage a` la prison de Montluc, sont et qu’on allait nous affecter a` diffe´rents genres d’occupations. envoye´sa` Drancy et de´porte´sa` Auschwitz-Birkenau par le Il y avait la` une grande question de chance, car certains convoi no 75 du 30 mai 1944, arrive´ le 2 juin. Elle rec¸oit le e´taient moins durs que d’autres. Parmi les plus matricule A7128. Elle est e´vacue´e d’Auschwitz au cours d’une Kommandos ` ` durs, on pouvait citer l’Aussenkommando* ( tra- premiere marche de la mort qui la conduit a Ravensbru¨ck en Kommando janvier 1945. Seule rescape´e de sa famille, elle est finalement vaillant aux champs) dont tout le monde avait la hantise, et libe´re´e en mai 1945 au cours d’une autre marche d’e´vacuation dont on disait qu’on n’y faisait pas long feu. Il y avait aussi la qui conduisit son de´tachement en zone d’action ame´ricaine. Elle Weberei, ou atelier de tissage : on y travaillait dans des tour- devient me´decin, profession qu’elle exerce jusqu’a` sa retraite.

Usine Siemens

Tours qui tournent, roues qui roulent, Et toujours ce bruit de houle Que coupe l’e´clair des sifflets Feu sourd qui court et qui couve, Feu sans flamme et sans reflet, Manivelle aux bras e´gaux, Fer qui soude, vis qui vibrent, Presse qui sans cesse foule Le noir en ses longs tuyaux Clairouin Denise De´porte´ea` Ravensbru¨ ck, transfe´re´ea` Mauthausen ou` elle meurt le 11 mars 1945

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DOCUMENTS ANNEXES AU CAHIER ME´ THODOLOGIQUE No 1

LE WVHA Wirtschaftsverwaltungshauptamt (Office Principal d’Administration et d’Economie de la SS)

Bureau W Amt A Amt B Amt C Amt D Réalisation Office A Servcesécoques Constructions Camps de Concentration des projets Administration des troupes SS et bâtiments économiques des SS

Groupe DI Groupe D II Groupe DIII Groupe D IV Services centraux Emploi des détenus Affaires sanitaires Administration Section 1 pb généraux Section 1 exploitation Section 1 protection Section 1 habillement Section 2 sécurité du travail concentre médicale des SS Section 2 alimentation Section 3 transports Section 2 formation Section 2 protection Section 3 bâtiments et Section 4 armement et Section 3 statistiques médicale des détenus infrastructure équipements Section 3 hygiène Section 4 aff. juridiques Section 5 formation Section 5 gestion des SS financière du camp

Nota de 1934 à 1942, c’est l’Inspection des camps de concentration (IKL) qui assure le gestion depuis Oranienburg Sachsenhausen. En février 1942 l’IKL est intégrée au WVHA dont elle devient l’office D dans le but d’exploiter au mieux la main- d’œuvre pour l’effort de guerre.

LE RSHA Reichssicherheitshauptamt (Office principal de sécurité du Reich)

Amt I et II Sicherheitspolizei (ou SD) (ou SiPo) Questions (Organisme de la SS) (corps d’État) administratives Service de sécurité générales (renseignements)

Amt IV Amt V Amt III Amt VI GESTAPO KRIPO (Bureau III) (Bureau VI) (Geheime (Kriminal SD Inland SD Ausland Staatspolizei) Polizei) Police Police Bureau VII Service Service secrète Judiciaire Bureau de de de d’État documentation Sécurité SS Sécurité SS (politique) (pour (pour l’intérieur) l’étranger)

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DOCUMENTS ANNEXES AU CAHIER ME´ THODOLOGIQUE No 1

Organisation fonctionnelle de la hiérarchie d’un camp de concentration

Lagerkommandant Arbeitdienst- (commandant du camp) führer responsable du travail Kommandantur des détenus (État-major)

Service I Service III Service IV Service V Service de Gestion des Direction du camp (Verwaltung) Sce de garde des personnels des détenus Administration santé détenus Moyens de Schutzhaftlager- économie (Standort- (Wacht- communication führer Entretien arzt) du camp gruppen ou transports responsable Médecin de détachements de l’ordre, la garnison de la discipline de SS « têtes de du « logement » mort » à effectif du courrier, variable de l’organisation des kommandos Pour chaque Block est désigné un SS ou Blockführer

Zone de détention délimitée par une clôture électrifiée

Arbeitstatistik Lagerältester Secrétariat établissant Doyen de camp les listes et procédant à (correspondant du la tenue à jour Schutzhaftlagerführer) des écritures relatives aux kommandos

Blockältester Blockältester Blockältester Kommando Doyen (ou chef) Doyen (ou chef) Doyen (ou chef) intérieur de Block de Block de Block Kapo et correspondant du correspondant du correspondant du Vorarbeiter Blockfürher Blockfürher Blockfürher

détenus Schreiber et Kommandos Stubendienst extérieurs (secrétaire de détenus Block) Kommandos d’entretien détenus du camp Kapo

détenus détenus Revier Kapo détenus Infirmiers détenus détenus malades

four crématoire

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CAHIER ME´ THODOLOGIQUE NO 2 LeLe travail travail dans dans ses ses aspects aspects re re¤¤pressifpressif (punitif),(punitif), re re¤¤ee¤¤ducatifducatif (conditionnement (conditionnement desdes esprits), esprits), e e¤¤liminateurliminateur ou ou inversement inversement dansdans certains certains cas, cas, protecteur protecteur

ORIENTATIONS ME´ THODOLOGIQUES

A` partir de l’exploitation de documents ou de te´moignages recueillis, sur un camp ou un Kommando : A) Rechercher comment le travail a e´te´ utilise´ comme moyen de conditionnement des esprits ; B) Rechercher les diffe´rences entre les prescriptions « the´oriques » du re`glement et l’application qu’en font SS et Kapos*. C) Travaux « utiles » et « travaux inutiles » : ces sortes de travaux ont e´te´ impose´s aux de´tenus. Trouver des exem- ples, comparer et tirer les conclusions de telles observations. D) Rechercher ce qu’e´taient les Kommandos disciplinaires, les Strafkompagnien dans diffe´rents camps de concentra- tion, pre´ciser leur fonctionnement, leur but et leurs diffe´rences e´ventuelles. E) Rechercher comment le travail a pu servir d’instrument de´libe´re´ de crime pour se de´barrasser de nombreux de´tenus. F) E´tudier comment, a` l’inverse, le travail a permis a` certains de´tenus, juifs ou non, d’e´chapper a` la mort.

Avertissement : Les documents pre´sente´s ne constituent qu’une base de de´part et une initiation. Ils n’e´puisent pas le sujet et ne sont pas destine´sa` eˆtre copie´s dans les travaux collectifs. Rechercher d’autres sources reste donc indispensable.

Document no 1 ou le travail, qui incitera d’autres aux meˆmes actes, qui quit- Extraits du re`glement du camp d’Esterwegen tera une colonne en marche ou un lieu de travail sans ordre (Pe´riode dite « allemande » ou` les camps ont une double ou permission, qui, pendant la marche ou le travail, hurlera, vocation, de redressement et de re´pression) criera, ameutera ses coprisonniers... [...] 1. Le but 26. Les non amendables Chaque prisonnier en de´tention de protection a la liberte´ de Sera conside´re´ comme non amendable celui qui se soustraira re´fle´chir sur le motif pour lequel il est venu au camp de concen- au travail qui, sans raison ou sans permission, ne prendra pas tration. Ici, l’occasion lui est offerte de changer de sentiments part aux appels de distribution du travail, aux appels du intimes a` l’e´gard du peuple et de la patrie et de se de´vouer a` la camp, qui se portera malade sans raison valable aupre`sdu communaute´ populaire sur la base national-socialiste, ou bien me´decin ou du dentiste, qui ne partira au travail, qui invo- s’il y attache plus de prix, de mourir pour la sale Deuxie`me ou quera des infirmite´s physiques, se conduira d’une fac¸on lente Troisie`me Internationale 1 juive d’un Marx ou d’un Le´nine. et paresseuse... [...] signe´ de T. Eicke, 8. Obligation au travail pour l’Inspection des Camps Les prisonniers, sans exception, sont astreints au travail phy- de Concentration sique. La condition, la profession et la naissance ne sont pas (01/08/1934) prises en conside´ration. Celui qui refuse le travail, qui s’y sous- trait, ou qui, pour ne rien faire, invoque de pre´tendues infirmi- te´s ou maladies, est conside´re´ comme non amendable. Il sera puni. La dure´e du travail est de´termine´e dans tout le camp Document no 2(Te´moignage) exclusivement par le commandant [...]. Selon les ne´cessite´sdu camp, le travail peut eˆtre exige´, avec l’autorisation du com- La nature du travail que les prisonniers devaient effectuer e´tait mandant, a` toute heure en dehors des heures de´termine´es, et un autre facteur de re´gression vers l’enfance. Les nouveaux les dimanches et jours de feˆte. prisonniers, en particulier, devaient accomplir des taˆches par- ticulie`rement absurdes, comme transporter de lourdes pierres [...] 23. Les re´volte´s d’un endroit a` l’autre pour les ramener ensuite a` leur point de Sera conside´re´ comme re´volte´ celui qui attaquera ou raillera de´part. Ou alors on les obligeait a` creuser des trous les mains une sentinelle ou un membre des SS, qui refusera l’obe´issance nues, bien que des outils fussent disponibles. Ils souffraient de cette activite´ de´nue´e de sens, meˆme si cela aurait duˆ leur eˆtre indiffe´rent. Ils se sentaient avilis d’eˆtre contraints a` des activi- te´s pue´riles ou stupides, et pre´fe´raient souvent un travail plus 1. Le re`glement fait ici re´fe´rence aux organisations issues du mouve- dur s’il produisait quelque chose qui pouvait eˆtre qualifie´ ment ouvrier dans lesquelles se reconnaissent alors les socialistes et d’utile. Ils se sentaient plus humilie´s encore lorsqu’on les les communistes des divers pays.

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CAHIER ME´ THODOLOGIQUE No 2

attelait a` de lourds wagons et qu’on les obligeait a` galoper Willy Langhoff, ne´ en 1901, acteur et metteur en sce`ne au comme des chevaux. The´aˆtre de Du¨sseldorf, est l’un des premiers interne´s. Arreˆte´ De meˆme, beaucoup de prisonniers de´testaient chanter des au lendemain de l’incendie du Reichstag, en fe´vrier 1933, il est chansons de marche sur ordre des SS, plus qu’ils ne redou- incarce´re´ dans une prison puis envoye´ au camp de Bo¨rgermor, taient d’eˆtre battus. l’un des premiers camps ouverts en 1933, dans la re´gion mare´- Les SS assignaient fre´quemment des taˆches plus raisonnables cageuse de Papenburg (pre`s de la frontie`re nord ouest) ou` ae´te´ ´ Chant des Marais aux « anciens ». Cela montre que les activite´s absurdes infli- compose le . ge´es aux autres faisaient partie d’une entreprise de´libe´re´e pour acce´le´rer leur transformation d’adultes, conscients de leur dignite´, en enfants dociles. Il n’y a pas de doute que ces travaux, de meˆme que les mauvais traitements, contribuaient Document no 4(Te´moignage) a` la de´sinte´gration de leur amour-propre et ne leur permet- Kommando disciplinaire taient plus de se voir eux-meˆmes ou les autres comme des personnes pleinement adultes. Appele´ aussi Straffkommando, cette section de 30 hommes ne contenait que des punis, et e´tait charge´edetoutesles Bruno Bettelheim, Le cœur conscient, Robert Laffont, Paris, 1972, taˆches les plus lourdes ou les plus difficiles, en particulier de pp. 185-186. transporter des e´le´ments d’avion M.E. 109 d’un atelier a` un Psychologue et psychiatre, Bruno Bettelheim, Juif allemand, est autre, sans autre moyen de transport que les bras de ces interne´ un an a` Dachau puis a` Buchenwald. Finalement libe´re´,il condamne´sa` la mort plus ou moins bre`ve. En principe, re´ussit a` gagner les E´tats-Unis en 1939 et re´dige une e´tude compte tenu des conditions atmosphe´riques du mois de fe´vrier qu’Eisenhower fera lire a` tous ses cadres, « comportement indivi- o * duel et comportement de masse en situations extreˆmes » 1945, la neige et le froid – 30 , des coups du Kapo qui . En 1944, il ope´rait avec un manche de pioche incassable, les camarades prend la teˆte de l’Institut Sonia Shankman de l’universite´ de Chicago. tombaient les uns apre`s les autres et e´taient acheve´s au sol. Le Kapo qui e´tait du block V e´tait un fou de´moniaque, de`s qu’il avait donne´ un ordre, le baˆton tombait sur les teˆtes et sur les dos, que l’ordre soit exe´cute´ ou pas. Est-ce que c’e´tait parce qu’il me connaissait ? Il ne me toucha jamais ! Document no 3(Te´moignage) Nous e´tions charge´s de pie`ces de dimensions diverses, comme des baudets, quelquefois nous e´tions plusieurs pour porter des Le matin, a` six heures et demie, nous de´filons en colonne par e´le´ments d’avions trop lourds tels que des ailes ou des carlin- quatre devant le hangar aux outils et on nous remet les gues d’avion, mais ou` nous souffrıˆmes le plus ce fut pour beˆches... « Gare a` celui qui brisera une beˆche ! On lui cassera transporter des e´chafaudages sur lesquels on construisait la les morceaux sur la teˆte ! »... Par groupes espace´s de trente a` carlingue des M.E. 109, ces baˆtis pesaient plus de deux cinquante me`tres, nous nous mettons a` e´ventrer la lande. Tout tonnes, et il fallut les de´placer de plus de 500 m du baˆtiment d’abord, il nous faut creuser un fosse´ large de 1 m. 10 et Delta a` un autre atelier. Le sol e´tait verglace´ et il tombait une profond de 80 cm a` 1 m 30 [...]. Les beˆches sont neuves et pluie froide qui se gelait au sol, nous patinions sous ces mau- n’ont pas e´te´ aiguise´es. Nous avons beaucoup de mal a` les dites ferrailles et les coups de manche de pioche du « Fou » enfoncer dans l’encheveˆtrement de racines que constitue le sol nous tombaient dessus (je ne voyais pas autrement l’enfer de de la lande[...]. Les entourent en une longue chaıˆne tout le SS Dante). Des craˆnes fendus, le sang giclait ; c’est un SS qui champ. Ils ne nous quittent pas des yeux et ne cessent de passait qui arreˆta le « Fou » et qui nous fit prendre quelques nous bousculer... La pie`ce de terre que nous avons a` beˆcher repos, toujours sous la pluie. De`scemomentjememisa` a environ dix-sept a` vingt arpents 1 [....]. Le travail se poursuit tousser et je fus, comme il fut constate´ me´dicalement par la jusqu’a` six heures. Le soir, j’ai des mains pleines d’ampoules. suite, atteint de tuberculose, avec trois cavernes aux poumons. Les muscles me font mal. Chaque pas que je fais est une Je l’ignorais bien suˆr, mais arrivant a` la fin du mois fatidique, souffrance [...]. Telle est notre existence quotidienne. Nous je ne donnais vraiment plus cher de ma peau... Mais comme peinons des semaines, a` cinq ou six cents, sur un morceau dans un roman, tout cela s’arrangea le soir meˆme, apre`s vingt- de terre dont on viendrait a` bout avec deux charrues a` cinq jours de Straffkommando. Car, le soir, je continuais a` vapeur. Ils appellent cela du « travail productif » ! Nous l’appe- donner mes cours de franc¸ais a` mon camarade allemand lons du « travail d’esclaves », du « travail de serfs corve´ables ». pre´nomme´ Willy et le secours vint de son coˆte´. Les instructeurs disent que ce sol mare´cageux ne sera bon que En effet, me trouvant une mine de de´terre´ car j’e´tais tre`s dans dix ou quinze ans [...]. Le vent coupant, qui souffle de la fatigue´, il me dit : mer, pe´ne`tre a` travers nos veˆtements comme des pointes de – Tu as une droˆle de teˆte ce soir, tu es malade ? couteaux et rend le marais gele´ dur comme du roc... Nous Je lui re´pondis : travaillons pendant des mois dans le marais. Souvent, nous – Non je ne suis pas malade, mais je suis au Straffkom- nous enfonc¸ons jusqu’aux genoux dans la vase... ajoutez a` mando depuis vingt-cinq jours et je suis tre`s fatigue´. cela les harce`lements perpe´tuels, les insultes, le sentiment – Tu es fou, je t’avais dit de me pre´venir quand tu aurais un humiliant de n’eˆtre plus des hommes mais des espe`ces de proble`me. Attends-moi, dans un quart d’heure je suis la`.Je beˆtes qu’on me`ne en troupeau, qu’on parque dans dix longues vais voir ce que je peux faire. e´curies, qu’on pourvoit d’un nume´ro et que leurs gardiens Le temps pour lui d’aller jusqu’au block I (Administration du pourchassent et frappent selon leur bon plaisir. Nous nous Camp) et de revenir au block V, il me tendit un bulletin de faisons l’effet d’eˆtre, inte´rieurement, sales et souille´s comme mutation inte´rieure et me dit : nos mains et nos veˆtements le sont du travail dans le marais. – Demain tu te pre´senteras au Kommando Altenhamer, c’est un bon Kommando, tu verras. Extrait du te´moignage de Willy Langhoff, Soldats des Marais,e´crit ´ et publie en Suisse puis en France, Plon, 1935. Pierre Beuvelet, Soixante anne´es ont passe´ !... Un quart de sie`cle... Une tranche de vie ! Tome II, La Droˆle de Guerre – Re´seau Brutus – Prison Saint Michel – Auschwitz – Buchenwald – Flossenbu¨rg, Guerre 1939-1945 1. Environ 200 m6400 m. , Nice, mars 1989.

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CAHIER ME´ THODOLOGIQUE No 2

Les font la chasse a` l’homme. Certains jours, les sentinelles, o SS Document n 5(Te´moignage) pour se distraire, font des paris a` savoir qui, dans sa journe´e, abattra la plus grande quantite´ de « gibier humain ». Un des pires exploits a lieu le dimanche de Paˆques 1944, qui Depuis trois ans, 45 000 immatricule´ssontde´ja` passe´s par doit eˆtre, en principe, un jour de repos. L’appel du matin se les fours cre´matoires, sans parler de ceux qui, gaze´sde`s leur termine et de´ja` nous laissons nos pense´es divaguer quand, arrive´e, n’ont jamais figure´ sur les listes du camp. apre`s l’ordre ge´ne´ral de dispersion, un second commandement Il paraıˆt que depuis Stalingrad on tue moins qu’auparavant, nous fige. Le doit rester sur place. [...] Baukommando mais il ne faut pas espe´rer sortir vivant de ce bagne. Nous sortons du camp et marchons dans la campagne. Nos L’homme qui me parle est un antifasciste allemand que j’ai gardiens semblent calmes. [...] Au de´but, tout va a` peu pre`s connu a` Paris avant-guerre. Cet homme a vu tuer des milliers bien. Calmement, les * indiquent le travail : pren- Vorarbeiter d’hommes. dre un pave´ a` tour de roˆle et, a` la queue leu-leu, aller le de´poser deux cents me`tres plus loin, revenir et recommencer. Ceux qui vivent ´ Pendant que les deux files a` sens unique s’allongent entre Jean Laffitte, , Paris, les Editeurs franc¸ais re´unis, l’ancien et le nouveau tas, les SS prennent position tout 1958, pp. 123-124. Jean Laffitte, ne´ en 1910, re´sistant, est arreˆte´ en mai 1942 et autour, mais nous n’y attachons gue`re d’importance. incarce´re´ a` La Sante´,a` Fresnes puis au La premie`re heure se passe presque sans anicroche. Les (1943), de´porte´ dans la re´gion de Tre`ves en tant que NN*, puis Vorarbeiter se contentent d’activer un peu ceux qui choisis- a` Mauthausen (mars 1943), transfe´re´ au Kommando d’Ebensee sent les pave´s les moins lourds. Tout a` coup, le chef des SS en mars 1944, ou` il est libe´re´ par les Ame´ricains le 6 mai 1945. appelle le responsable des Vorarbeiter, qui s’adresse a` son tour a` ses gardes-chiourme. Il faut aller plus vite, plus vite ! Les hurlements bien connus commencent a` retentir, ponctue´s de bousculades, puis de coups. Quelques SS viennent a` la rescousse, manient la crosse. Un Document no 7(Te´moignage) de´tenu tombe, c’est la cure´e: il est frappe´ a` mort. Les gummis* jaillissent et font courir ceux qui ne le voudraient Des transports arrivent sans cesse en renfort pour combler les vides qui se creusent. Ils viennent de Mauthausen, de Steyer, pas. Deux Vorarbeiter campent devant le premier tas de pave´s et obligent chaque de´tenu a` en prendre maintenant un de Gusen I, de Melk ou d’autres Kommandos de´pendant de sous chaque bras. Un pave´ est de´ja` e´reintant a` porter sur Mauthausen. deux cents me`tres pour des eˆtres sous-alimente´s, e´puise´s par Plus tard, ce seront ceux que l’avance russe chasse devant elle. la fatigue et la terreur, souvent malades, mais deux pave´s Comparativement a` nous, ils sont dans un excellent e´tat phy- c’est tre`s difficile et bientoˆt dans la colonne oscillante se mani- sique. Nous leur trouvons un air de sante´ qui a, depuis long- festent les premiers abandons. Les coups redoublent. Les SS et temps, disparu dans notre camp. leurs auxiliaires s’en donnent a` cœur joie. Chacun d’eux veut Ils sont frappe´s de notre e´tat de maigreur. Nous devons les avoir sa part. Quand un SS en a assez, un autre prend sa mettre en garde contre les rigueurs de la vie du camp dont ils place. Malheur a` ceux qui n’ont plus la force de porter leurs ne semblent pas percevoir toutes les menaces. deux pave´s, qui ne peuvent plus suivre la cadence de cette Nous les revoyons au bout d’une semaine, de quinze jours. Ils ronde infernale : sont marque´s. Beaucoup sont morts, de´ja`. En peu de temps, Combien de victimes tombent au cours de cette journe´e ? [...] l’usine souterraine les a broye´s. Les bourreaux du camp ont Au retour, tout est morne. Ceux qui en ont encore la force fait le reste. soutiennent les plus faibles. [...] Certains s’interrogent quand meˆme : pourquoi cela ? Nous ne le saurons jamais. Moins Bernard-Aldebert, Chemin de croix en 50 stations,Arthe`me qu’une corve´e ou une punition, il est vraisemblable qu’il faut Fayard, 1946, p. 104. en chercher la raison dans l’imagination de´moniaque de nos Bernard-Aldebert, dessinateur humoristique, re´sistant, est arreˆte´ en novembre 1943, emprisonne´ a` Montluc¸on, transfe´re´ tortionnaires, de´sireux en ce jour de feˆte de s’offrir une dis- a` Compie`gne en de´cembre 1943, de´porte´ a` Buchenwald en traction a` nos de´pens. janvier 1944 (matricule 42008), puis a` Mauthausenenfe´vrier 1944 (matricule 53628), envoye´ ensuiteaucampannexede SACHSO au cœur du syste`me concentrationnaire nazi (extraits) par Gusen en avril, puis a` celui de Gusen II. l’Amicale d’Oranienburg Sachsenhausen, Plon, Minuit, Coll. Terre humaine, Paris, 1982, pp. 181-182. Le dessin de B. Aldebert ci-dessous repre´sente le travail de percement du tunnel de Gusen II.

Document no 6(Te´moignage)

– Tu sais ou` nous nous trouvons ? – Je sais que je suis entre les mains de mes ennemis. – Nous sommes dans un camp de destruction. Un camp nazi. Un camp ou` l’on tue les hommes quand ils ne meu- rent pas assez vite. Le re´gime alimentaire et les conditions de travail sont calcule´sdetellefac¸on qu’un homme qui entre ici en pleine force ne puisse pas y vivre plus de six mois. Ceux qu’on e´limine sont en premier lieu les Juifs et les communistes. Dans les carrie`res que nous verrons peut-eˆtre, onapre´cipite´ des Juifs par milliers du haut des rochers immenses qui surplombent les fouilles. Quelquefois, on les oblige a` rester au moment des explosions et des grappes humaines sont projete´es, de´chiquete´es au milieu des e´boule- ments de granit.

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CAHIER ME´ THODOLOGIQUE No 2

Hundert Vierundsiebzig Fu¨nf Hundert Siebzehn c’est bien moi, o Document n 8(Te´moignage) pas de doute possible. Je fais partie des trois e´lus. Le nous toise avec un rire hargneux. Un Belge, un [...] nous vivions dans une atmosphe`re de terreur [...]. Kapo Roumain et un Italien : trois Franzosen en somme. Possible Il y a de ces jours au cours desquels la fureur, la fe´rocite´ que ce soient juste trois Franzosen, les e´lus pour le paradis atteignent les dernie`res limites : la Toussaint, notamment [...] du Laboratoire ? Les coups pleuvent avec une si grande violence qu’on a l’im- [...] J’ai en poche un billet de l’Arbeitsdienst ou` il est e´crit que pression d’assister a` un massacre ge´ne´ral [...]. Les de´tenus le Ha¨ftling 174517, en tant qu’ouvrier spe´cialise´, a droit a` une s’effondrent : on entend des cris de douleur et de re´volte, des chemise et a` un calec¸onneufs,etdoiteˆtre rase´ tous les raˆles, des ge´missements. Le nombre des blesse´s s’accroıˆt ; il y mercredis. adesmorts...Te´me´raire celui qui se croirait assure´ d’une [...] Nul ne peut se flatter de connaıˆtre les Allemands. heure de vie... Terreur... Terreur... [...] Ainsi, il faut croire que le sort, par des voies insoupc¸on- On nous avait dit que Husum e´tait un discipli- kommando ne´es, a de´cide´ que nous trois, objet d’envie de la part des dix naire, particulie`rement dur et redoutable. En re´alite´,c’e´tait mille condamne´s, nous n’aurions cet hiver ni faim ni froid. Ce bien cela, car on ne peut rien imaginer de pire. Pourtant, qui veut dire aussi que nous avons de fortes chances de n’at- l’effectif du n’e´tait pas constitue´ par des de´porte´s kommando traper aucune maladie grave, de n’avoir aucun membre gele´, spe´cialement marque´s d’infamie. Nous e´tions ou des re´sis- de passer a` travers les mailles des se´lections. Dans ces condi- tants, ou des de´porte´s civils... Mais le choix des * impli- Kapos tions, quelqu’un de moins rompu que nous aux choses du quait une volonte´ formelle de nous faire une vie terrible, un Lager pourrait eˆtre tente´ d’espe´rer survivre et de penser a` la dessein arreˆte´ d’extermination... liberte´. Nous non ; nous, nous savons comment les choses se « Vous venez ici pour eˆtre extermine´s », avait de´clare´ un SS, a` passent ici ; tout cela est un don du destin, et a` ce titre il faut notre entre´ea` Neuengamme. Cette parole se ve´rifiait a` en jouir tout de suite et le plus intense´ment possible ; mais Husum plus qu’ailleurs. Au reste, il est clair qu’aux yeux des demain, c’est l’incertitude [...]. Boches, nous n’e´tions que du be´tail humain enchaıˆne´ a` un [...] Les camarades du Kommando m’envient, et ils ont raison ; travail de forc¸ats. ne devrais-je pas m’estimer heureux ? Pourtant, tous les matins, je n’ai pas plus toˆt laisse´ derrie`re moi le vent qui fait Les camps de la mort. Husum... ici on exter- Pierre Jorand (Abbe´), rage et franchi le seuil du laboratoire que surgit a` mes coˆte´sla mine ´ ´ , 1947. Reedition de l’Amicale Franc¸aise de Neuengamme, compagne de tous les moments de treˆve,duK.B.etdes 1996, pp. 16-17. Abbe´ Pierre Jorand, cure´ de Vouxey (Vosges), re´sistant FFI est dimanches de repos : la douleur de se souvenir, la souffrance arreˆte´ en juin 1944, interne´ a` Nancy, envoye´ a` Compie`gne en de´chirante de se sentir homme, qui me mord comme un chien juillet 1944, de´porte´ a` Neuengamme (matricule 36223), affecte´ a` l’instant ou` ma conscience e´merge de l’obscurite´. Alors je aux Kommandos Salzgitter, Husum, transfe´re´ a` Dachau (matri- prendsmoncrayonetmoncahier,etj’e´cris ce que je ne cule 136808) en de´cembre 1944, libe´re´ en avril 1945. pourrais dire a` personne. [...]

Primo Levi, Si c’est un homme, Julliard pour la traduction fran- c¸aise, Paris, 1987, pp. 147-150. Primo Levi, ne´ en juillet 1919 a` Turin, Juif re´sistant, est arreˆte´ en de´ cembre 1943 apre` s l’occupation de l’Italie par Document no 9(Te´moignage) l’Allemagne, puis de´porte´ en tant que Juif a` Auschwitz, en fe´vrier 1944. Chimiste de profession, il est affecte´ a` l’usine de ` ´ [...] Le Kapo* dit : « Le Doktor Pannwitz a communique´ a` Buna-Monowitz (Auschwitz III) et survit a sa deportation. * * Libe´re´ au printemps 1945, il re´dige le re´cit de sa de´portation l’Arbeitsdienst que trois Ha¨ftlinge ont e´te´ choisis pour le Si c’est un homme Laboratoire : 169509, Brackier ; 175633, Kandek ; 174517, dans , qui est publie´ en 1947, sans rencontrer une grande audience. La renomme´e ne vient que plus tard et le Levi. Pendant un instant mes oreilles bourdonnent et la Buna texte est traduit et e´dite´ en plusieurs langues. Primo Levi tourne autour de moi. Au Kommando 98, il y a trois Levi, mais meurt en 1987.

Hanka

Hanka de´blayait, de´blayait le sable, Comme tant de femmes de´tenues, Qui, telles des esclaves, de´frichent, construisent Une larme coule sur la main. Thury Elisabeth De´porte´ea` Ravensbru¨ ck

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CAHIER ME´ THODOLOGIQUE NO 3 LeLe syste syste''meme concentrationnaire concentrationnaire exploite exploite¤¤ aa''desdes ¢ns ¢ns e e¤¤conomiquesconomiques et et industrielles industrielles etet pour pour la la production production de de guerre guerre

ORIENTATIONS ME´ THODOLOGIQUES

A` partir de l’exploitation de documents ou de te´moignages recueillis, sur un camp de´termine´ ou sur des Kommandos : A) Repe´rer et noter les travaux paraissant relever clairement d’un souci d’exploitation « e´conomique » des de´tenus. B) Rechercher ce qui est source de profits pour la SS. C) Identifier, parmi les Kommandos connus d’un camp central plus particulie`rement e´tudie´, ceux qui paraissent participer plus directement a` la production industrielle ou a` l’effort de guerre du Reich. D) Lorsque c’est possible, essayer de faire un rapprochement entre l’e´volution ge´ne´rale de la guerre et la date de cre´ation des Kommandos lie´sa` la production de guerre. En tirer quelques conclusions. E) De´terminer en quoi l’implication des camps de concentration dans l’e´conomie de guerre a pu influer sur le sort des de´tenus et de quelle manie`re. F) Rechercher des indices permettant de montrer l’existence de tensions ou de rivalite´s au sein de la SS du fait de la mise au travail des de´tenus. G) Population concentrationnaire et population allemande : noter des indices de rencontres et de contacts montrant que la seconde ne pouvait ignorer comple`tement le sort de la premie`re.

Avertissement : Les documents pre´sente´s ne constituent qu’une base de de´part et une initiation. Ils n’e´puisent pas le sujet et ne sont pas destine´sa` eˆtre copie´s dans les travaux collectifs. Rechercher d’autres sources reste donc indispensable.

Rappel historique En aouˆt 1943, un raid ae´rien de´truit la base secre`te de recherche et d’essai allemande situe´ea` Peenemu¨nde. La de´cision est alors prise de mettre la fabrication des fuse´es V2 a` l’abri des bombardements dans une usine souterraine au sud du Harz, et de n’y employer, en dehors des civils allemands, que des de´tenus de toutes nationalite´s, venant des camps de concentration. C’est le camp proche de Buchenwald qui va les fournir, Dora, nom de code du nouveau camp.

Une usine et une zone secre`te La re´gion autour de Dora, Nordhausen et Harz constitue un ensemble couvert par le secret. C’est le Mittelraum*,ou` se trouve le complexe Mittelbau*, comprenant la socie´te´ Mittelwerk* qui a e´te´ cre´e´ea` Berlin le 21 septembre 1943 pour produire les fuse´es V2. La SS, sous la direction du ge´ne´ral SS Kammler, s’est engage´e dans un vaste programme d’ame´nagement des tunnels et de la production des V2 avec la main-d’œuvre concentrationnaire de Buchenwald. Ces Kommandos formeront Dora, un camp de concentration devenu autonome le 28 octobre 1944. Kammler, qui a en charge le Mittelbau, une zone d’un rayon de 30 a` 50 km autour de Nordhausen, constitue un Sonderstab,e´tat major spe´cial, charge´ de s’occuper des chantiers du Mittelraum et d’enterrer l’industrie ae´ronautique pour la prote´ger des bombardements allie´s. Son e´quipe ge`re les travaux des camps voisins de Dora comme Ellrich et Harzungen.

Document no 1(Te´moignage) de long et d’environ un me`tre cinquante de diame`tre. [...] On ne sait comment saisir ce fardeau. [...] Les civils alle- Les plus malchanceux transportent des e´le´ments de la fuse´e mands nous injurient et cognent. [...] Un SS est la` qui depuis l’exte´rieur jusqu’au lieu de montage. Ils appartiennent cogne a` coup de pied, a` coup de schlague. [...] Je ne sais aux Transportkolonnen. Celles-ci sont constitue´es de manœu- plus combien j’ai fait de voyages. Nous sommes incons- vres de nationalite´s russe et ukrainienne en majorite´,mais cients de fatigue et de coups. » aussi franc¸aise, belge ou italienne. Charles Sardron te´moigne : « Notre travail est simple : nous devons transporter a` l’inte´rieur Andre´ Sellier, Histoire du camp de Dora,LaDe´couverte, Paris, de l’usine les gros re´servoirs qui, remplis d’air liquide ou d’al- 2001, pp. 150-151. cool, forment le corps des torpilles. [...] Chaque re´servoir vide Andre´ Sellier, re´sistant, arreˆte´ en aouˆt 1943, de´porte´ a` Buchen- pe`se pre`s de 150 kilos. C’est un cylindre de pre`sde3me`tres wald en de´cembre 1943, matricule 39570, transfe´re´ a` Dora en fe´vrier 1944, a` Ravensbru¨ck en avril 1945.

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CAHIER ME´ THODOLOGIQUE No 3

Document no 4(Te´moignage) Carrie`re de Mauthausen

Pour le moment nous sommes accroupis sur les pierres que nous faisons le geste de soulever sans les bouger de place. Nous sommes fermement de´cide´sa` travailler le moins pos- sible, et cela nous ne nous apparaıˆt pas si difficile. Une pierre lance´ea` toute vole´e froˆle la teˆte d’Andre´ et vient frap- per le wagonnet. Je le`ve les yeux et, la`-haut, sur hauteur, Re´servoirs de fuse´es V2 j’aperc¸ois un SS qui nous observe... Je vois le Kapo* venir tout sur la chaıˆne de montage (photo SS). droit sur Simon qui ne l’a pas remarque´... La matraque de caoutchouc s’est abattue sur ses reins. Simon doit prendre la pierre qu’on lui de´signe et la porter en courant dans un o Document n 2(Te´moignage) wagonnet. Puis recommencer sans arreˆt. Octobre 1943, les halls 43 a` 46 sont ame´nage´s en dortoirs. Le Kapo le frappe sans relaˆche et lui fait accomplir des efforts Cette installation durera jusqu’en mai 1944 pendant plus de surhumains. De´ja` notre ami n’a plus la force de soulever les sept mois. Les quatre halls concerne´s sont sur la droite a` pierres a` la hauteur du wagonnet. La sce`ne recommence, l’extre´mite´ du Tunnel A dont le creusement se termine. Ils toujours au pas de course. Elle ne se termine qu’a` l’extreˆme sont re´serve´s au logement des de´tenus alors que les Halls limite, lorsque Simon e´puise´ tre´buche et s’affale sur le sol. Son pre´ce´dents constituent l’usine. Apre`s la disparition des dortoirs tortionnaire nous regarde avec un sourire sardonique et nous en e´te´ 1944, la fabrication des V1, ces avions au pilote auto- crie, en guise d’avertissement : « la prochaine fois... mort ». Et matique, y sera assure´e. Apre`s l’entre´e du Hall 46 commence le travail continue. le chantier du creusement qui se poursuit 24 heures sur 24 en deux e´quipes de 12 heures. C’est aussi le rythme de l’usine, Jean Laffitte, Ceux qui vivent, les E´diteurs franc¸ais re´unis, Paris, de telle sorte que les dortoirs sont occupe´s en permanence. 1958, pp. 135-136. Lesdortoirsn’e´chappent pas a` la poussie`re, au bruit des Jean Laffitte, ne´ en 1910, re´sistant, arreˆte´ en mai 1942 et incar- ce´re´ a` La Sante´,a` Fresnes puis au fort de Romainville (1943), perforatrices, aux explosions, a` la circulation des wagonnets * charge´s de pierres. Pendant cette pe´riode, il n’y a pas d’eau de´porte´ dans la re´gion de Tre`ves en tant que NN , puis a` Maut- hausen (mars 1943), transfe´re´ au Kommando d’Ebensee en mars courante dans le Tunnel. Cela signifie l’impossibilite´ de se laver 1944, ou` il est libe´re´ par les Ame´ricains le 6 mai 1945. ou de boire autre chose de liquide que la soupe. Il n’y a pas plus de latrines ou de sanitaires. Les de´tenus ont recours a` des demi-fuˆts avec une planche installe´s dans le Tunnel A, devant o les dortoirs. Un Kommando spe´cial est charge´ de faire les Document n 5 tinettes (latrines) au risque d’attraper le typhus ou la dysente- rie. Au premier trimestre 1944, sur 12 000 de´tenus a` Dora, 10 000 logent dans le Tunnel. Les quatre dortoirs comportent donc en permanence 5 000 de´tenus au moins. Les dortoirs avaient 120 me`tres de long sur 12 me`tres de large et 9me`tres de haut. L’entassement qui en de´coule y est a` peine imaginable dans cette atmosphe`re confine´e et humide propice aux maladies, aux poux.

Andre´ Sellier, Histoire du camp de Dora,LaDe´couverte, Paris, 2001, pp. 69-70. Andre´ Sellier, re´sistant, arreˆte´ en aouˆt 1943, de´porte´ a` Buchen- wald en de´cembre 1943, matricule 39570, transfe´re´ a` Dora en fe´vrier 1944, a` Ravensbru¨ck en avril 1945. La carrie`re de Mauthausen apre`s une explosion (e´te´ 1941). Photo SS tire´e de l’ouvrage Album Me´morial Mau- thausen,deLeCae¨r, Paul et Sheppard, Bob, Heimdal, Bayeux 2000, p. 49. Document no 3 Comparer le te´moignage pre´ce´dent et la photo ci- dessus destine´ea` la propagande SS.

Document no 6 (Historique)

Le Kommando Holleischen est un des 33 satellites du camp de concentration de Ravensbru¨ck qui passe sous la tutelle du camp de Flossenbu¨rg a` partir de septembre 1944. Cette photo peut eˆtre rapproche´e Holleischen est le nom germanise´ du village tche`que de des te´moignages pre´ce´dents sur Dora. Holysov situe´ a` 30 km de la ville de Pilsen sur la frontie`re sude`te. Dix de´porte´s travaillant au montage des fuse´es V2 a` Dora. Environ 600 de´porte´es de plusieurs nationalite´s (Russes, Photo en couleur prise par Walter Frentz, photographe officiel, Polonaises, Franc¸aises principalement) travaillent a` diver- pour Albert Speer, ministre de l’armement, mars-juillet 1944 a` ses taˆches dont les principales sont la production de des fins de propagande. munitions pour la DCA (artillerie anti-ae´rienne), pour le

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compte de l’entreprise Metallwerke, destine´es au front e´tions, nous avions une joie fe´roce a` leur voir manifester italien. Certaines sont employe´es a` des travaux exte´- leur puissance. rieurs. La libe´ration du camp a lieu le 5 mai 1945 par des soldats Te´moignage d’E´liane Jeannin-Garreau, Muse´edelaRe´sistance et polonais qui avaient e´te´ enroˆle´s de force dans l’arme´e de la De´portation de Besanc¸on. ´ allemande et qui ont de´serte´ et rejoint un Eliane Jeannin-Garreau entre dans la Re´sistance de`s 1942. Elle se tche`que. Les de´tenues franc¸aises restent au camp jusqu’a` lance dans l’action clandestine : faux papiers, he´bergement d’e´va- ´ ´ ´ l’arrive´e des troupes allie´es. des, de refractaires, de pilotes, de resistants... et fait partie de l’Organisation Civile et Militaire (OCM), des re´ seaux « Navarre » et « Centurie » des Forces Franc¸aises Libres. Arreˆ- te´e en 1943, elle est de´porte´ea` Ravensbru¨ck puis envoye´eau Te´moignage Kommando d’Holleischen. [...] Nous allons toujours fabriquer des obus de DCA, mais dans un autre local. Toujours dissimule´ en foreˆt mais dont le mate´riel est moins obsole`te : de belles presses circulaires His- Document no 7 (Re´cit) pano-Suiza, qui ont de´ja` bien des anne´es mais qui tournent L’entretien des esclaves encore, quand elles ne tombent pas en panne, aide´es ou non... L’usine est baˆtie dans une foreˆt de pins. Elle est plus vaste que Les frais d’entretien d’un camp e´taient faibles, car il s’entrete- la pre´ce´dente. Un grand hall qui a vraiment l’air d’une vraie nait entie`rement lui-meˆme, ce qui re´duisait au minimum les usine, avec ces machines luisantes bien range´es ; tout le long de´penses : ame´nagement du sol, asse`chement des mare´cages, des murs, des re´cipients garnis de poudres diverses dont la culture des rutabagas, jardinage, menuiserie, plomberie, fabri- machine effectuera elle-meˆme le dosage avant de les compri- cation des robes d’uniforme et des sabots, tout e´tait l’œuvre mer. Dans le prolongement de ce hall, une petite salle ou` des prisonnie`res. Graˆce a` des camarades qui travaillaient a` la s’effectuera le controˆle des obus et leur rangement me´tho- comptabilite´, j’avais obtenu le chiffre de 35 pfennigs comme dique dans les noires caisses de munitions [...]. prix de notre entretien par jour. [...] Quant a` moi, manutentionnaire, j’ai e´te´ charge´e du controˆle et de l’emballage des obus finis, [...] ensuite les aligner soigneuse- Suhren [chef du camp de Ravensbru¨ck] (interrogatoire du ment dans une caisse a` munitions – qui pesait, remplies, 6de´cembre 1949) de´clara : quatre-vingt kilos, et que nous devions, a` deux, empiler bien « [...] Les firmes reversaient au camp pour la nourriture des rectilignement sur le tas de caisses qu’un camion viendrait enle- de´porte´es une somme forfaitaire et journalie`re de 70 pfennigs ver, lorsque le tas aurait le volume ne´cessaire et suffisant. [...] par de´porte´e, et a` maconnaissancelemeˆme taux est Ces femmes de toute provenance, soudain transforme´es en employe´ aujourd’hui en Allemagne dans les prisons. » ouvrie`res d’usine, responsables de machines dangereuses, e´taient, plus que des professionnelles, expose´es aux accidents Eugen Kogon, qui au moment de la libe´ration de Buchenwald du travail. Il y fallait une grande dexte´rite´ manuelle, un rapide a pu imme´diatement avoir acce`s aux archives du camp, nous coup d’œil, un sens pre´cis du rythme me´canique. Autant de donne une comptabilite´ e´tablie par la SS et repre´sentant le proprie´te´s que ne laissaient pas intactes les trop longues be´ne´fice moyen qui pouvait eˆtre tire´ d’un de´porte´.Jele heures de travail, le manque de sommeil, la faim, le froid et re´sume ci-dessous : la coercition. Aussi, plus d’une y a laisse´ une main ou un doigt. L’une de nos Location journalie`re (entre 6 et 8 marks) proches [...] a eu un doigt broye´ sous une presse. A` Ravens- Moyenne : 6 marks ` bru¨ck, elle euˆte´te´ gaze´e. Ici, on lui a coupe´ le doigt (pas A de´duire : question de microchirurgie a` l’e´poque, et cet art euˆt-il existe´ – Nourriture : 0,60 que les prisonniers ne me´ritaient pas ces frais). Une jeune – Amortissement des veˆtements : 0,10 Russe y a laisse´ sa main droite, et je ne sais pas ce qu’elle est 0,70 marks devenue. Ces mutilations e´taient la hantise des machinistes. 5,30 marks Il y avait aussi l’intoxication chronique due a` la manipulation de poudres. [...] Il n’y avait ici ni masques ni lait, ce qui ce qui, pour une dure´ moyenne de vie de neuf mois donnait : donnait a` mes compagnes un teint gris-vert et des le´sions du 5,306270 = 1 431 marks. foie dont certaines souffrent encore aujourd’hui. [...] Un certain nombre de prisonnie`res e´taient absorbe´es par ces [...] Il y avait un Kommando de jeunes Russes, le Kommando travaux ; les autres e´taient loue´es a` des chefs d’entreprise a` no 11, c’est-a`-dire Elf en allemand, qui travaillait dans la scheelite (poudre particulie`rement toxique). Sans aucune pro- proximite´ du camp ou dans le camp meˆme. tection. [...] Quand nous les apercevions de loin, comple`tement Le camp meˆme abritait une cite´ manufacturie`re e´conomique- vertes, peaux, cheveux et veˆtements, du vert des effets spe´- ment inde´pendante. [...] ` ciaux des films de terreur, nous disions « voila` les Elfes », car A coˆte´ du camp, il y avait l’usine Siemens, qui payait davan- elles ressemblaient plus a` des cre´atures mythologiques qu’a` tage. [...] Il en re´sultait qu’au Revier (infirmerie) la consigne des eˆtres humains. e´tait de ne soigner que les prisonnie`res employe´es chez Sie- A` chaque alerte ae´rienne, aux cris de « Flieg Alarm », nos mens. [...] gardiennes e´taient prises de panique, se ruaient vers les abris Les archives allemandes conservent de nombreuses pape- lorsque c’e´tait possible, en nous abandonnant a` notre sort, et rasses administratives qui mentionnent les e´normes revenus souvent cherchaient une se´curisation aupre`s de notre sang- dont disposa la WVHA, service responsable de l’exploitation froid. Car pour nous, malgre´ la frayeur naturelle, une chose e´conomique des de´tenus par l’interme´diaire de socie´te´s spe´- nous re´jouissait : c’e´taient nos amis qui travaillaient a` de´truire cialise´es. les nids des monstres nazis sur la terre allemande. Aucun [...] signe ne leur indiquait la pre´sence de de´porte´s, c’euˆte´te´ leur Si l’on se donnait la peine de calculer [...] les be´ne´fices de de´signer les fabriques d’armement. Et pour terrifie´es que nous Ravensbru¨ck [...] en aouˆt 1944, on pouvait constater qu’a` cette date, 58 000 femmes avaient e´te´ enregistre´es, sur

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lesquelles 300 ou 400 avaient e´te´ libe´re´es au cours des 1940 (dans l’Organisation secre`te puis dans l’Arme´e secre`te), deux premie`res anne´es, tandis que les 18 000 absentes est arreˆte´ et envoye´ a` Compie`gne en avril 1944, de´porte´ a` e´taient loue´es a` des usines lointaines. Ou mortes. Sur les Mauthausen e´galement en avril 1944, matricule 6257, affecte´ au 40 000 esclaves pre´sentes, on calculait alors les be´ne´fices Kommando de Melk, puis d’Ebensee. A` son retour de de´porta- quotidiens, mais il fallait pour cela de´compter les « prison- tion, il devient journaliste de politique e´trange`re. nie`res non rentables », assez nombreuses. Par « prisonnie`res non rentables », il faut entendre celles qu’on o utilisait dans les services du camp. [...] De fait, transporter de Document n 10 (Te´moignage) la boue, entretenir des routes, cela ne rapportait rien... Les sentinelles les font avancer d’un pas trop rapide pour leurs sabots. E´troitement encadre´s, les mille de Buchenwald gravis- Ravensbru¨ck Tillion Germaine, , Seuil, Paris, 1988, pp. 217-222. sent durement l’e´troite route rocailleuse menant au village Germaine Tillion, ne´e en 1909, ethnologue et chercheuse, re´sis- ´ ` tante, est arreˆte´e en aouˆt 1942, incarce´re´ea` Fresnes, de´porte´e accroche a flanc de colline. [...] par Aix-la-Chapelle (Aachen) en octobre 1943 puis, quelques Dans la traverse´e de Flossenbu¨rg, Le´on Hoebeke aperc¸oit des jours apre`s, a` Ravensbru¨ck (matricule 24588) en qualite´ de visages amuse´sderrie`re les vitres des feneˆtres. Pour Henri NN*, libe´re´e en avril 1945. Margraff, l’attitude des habitants refle`te davantage l’indiffe´- rence que l’animosite´.Seulere´action d’hostilite´, les pierres jete´es par les enfants sur les derniers rangs. Fort heureuse- ment, les projectiles n’atteignent personne. Le bourg passe´,la Document no 8 (Re´cit) perspective du camp apparaıˆt avec ses baraquements a` flanc Kommando des usines de l’avionneur Heinkel de coteau. [...] au camp de Sachsenhausen Andre´ Bessie`re, D’un enfer a` l’autre. Ils e´taient d’un convoi pour [...] Si des travailleurs de la me´tallurgie retrouvent leur spe´cia- Auschwitz, Buchet-Chastel, Paris, 1997, p. 111. lite´ ou une taˆche avoisinante, beaucoup d’autres, doue´s par Andre´ Bessie`re, ne´ en 1926, est arreˆte´ en janvier 1944 dans les ailleurs de qualite´s remarquables (universitaires, cultivateurs, Pyre´ne´es en tentant de rejoindre l’Afrique du Nord, incarce´re´ a` tailleurs, etc.) doivent affronter une besogne qui leur est e´tran- Perpignan, envoye´ a` Compie`gne en avril 1944, d’ou` il est ge`re. Les Allemands ont certes pense´ a` cette main-d’œuvre de´porte´ a` Auschwitz (matricule 185074) le 30 avril 1944, trans- non qualifie´e. A` de nombreux stades de la fabrication du fe´re´ a` Buchenwald (matricule 52625) puis a` Flossenbu¨rg (matri- Kommando He-177, le travail se fait a` l’aide de gabarits ou` les pie`ces a` cule 9377) en mai 1944, affecte´ au Flo¨ha en juin, assembler s’emboıˆtent comme un jeu de construction. Mais les transfe´re´ enfin a` Theresienstadt en mai 1945, d’ou` il est libe´re´. perceuses, les pistolets a` river qui tressautent au bout de leurs tuyaux d’air comprime´, sont souvent des outils capricieux entre des doigts inexperts. Il suffit de la moindre maladresse obser- o ´ ve´e, du plus petit incident enregistre´ pour attiser la fureur des Document n 10 (Etude historique) tdeladoublehie´rarchie du hall : celle des civils alle- SS e ´ mands, du (chef du hall) aux contre- Pohl estimait que l’internement des detenus aux seuls Hallenleiter Meister ( ˆ ´ ´ ´ ´ maıˆtres) et celle des de´tenus, du aux motifs de surete, d’education ou de securite ne devait pas Hallenvorarbeiter ˆ * aux , qui commandent les etre la fonction essentielle des KL . Pour lui, au contraire, Vorarbeiter Vorma¨nner Kolonnen ´ (e´quipes). Plus d’un Franc¸ais apprend ainsi sous les coups que, l’exploitation du travail des detenus devait primer sur ´ ´ pour faire semblant de travailler ou pour saboter intelligem- toute autre consideration. Devant l’evolution du conflit ` ment, il est ne´cessaire d’avoir assimile´ un minimum technique mondial, Himmler se rapprocha tres nettement du point ´ et pratique, et que le plus dangereux est souvent de ne rien de vue defendu par Pohl. Ce dernier tenait ainsi l’opportu- ´ ´ ` faire. nite de faire definitivement triompher ses conceptions, a l’inte´rieur de la Reichsleitung-SS, sur celles de´fendues par SACHSO au cœur du syste`me concentrationnaire nazi Heydrich et le RSHA. Les de´tenus des KL devaient eˆtre (extraits) par mobilise´spourlestravauxdeguerreet,a` plus long l’Amicale d’Oranienburg Sachsenhausen, Plon, Minuit, Coll. Terre humaine, Paris, 1982, p. 175. terme, pour les taˆches du temps de paix futur. [...] Le 30 avril, il envoya une lettre a` Himmler pour lui soumettre les principes qu’il envisageait d’appliquer. Il promulgua le meˆme jour une ordonnance adresse´eauchefdel’Amts- gruppe Document no 9(Te´moignage) D, a` tous les commandants des KL et a` tous les directeurs d’e´tablissements industriels qui de´pendaient de Il avait fallu moins de quatre semaines pour que le camp la SS. Le texte de cette ordonnance pre´cisait notamment : passaˆt de la socie´te´ artisanale a` une ve´ritable socie´te´ indus- l. La direction d’un camp de concentration et de toutes les trielle et commerciale. Des contingents de Russes et de Polo- entreprises e´conomiques SS, qui sont du ressort de son adminis- nais e´taient venus renforcer les effectifs a` majorite´ franc¸aise tration, revient au commandant du camp. De´sormais, lui seul des premiers jours. [...] est e´galement responsable du rendement maximum des entre- A` l’usine, c’en e´tait fini du temps des remblais et des de´blais, prises e´conomiques. de la pose des voies de chemin de fer. Les galeries de mine 2. Le commandant du camp s’en remet au directeur d’entre- avanc¸aient a` deux de front et deux autres superpose´es qui prise pour la gestion des affaires e´conomiques, celui-ci doit devaient former une vaste nef sous une vouˆte de plus de dix informer le commandant du camp s’il redoute que l’exe´cution me`tres de porte´e. Des trains entiers devaient y pe´ne´trer pour de ses ordres n’entraıˆne des risques ou des inconve´nients e´co- de´charger la ferraille et l’acier et charger les roulements a` nomiques. [...] billes destine´s aux chars et aux camions. 4. Le commandant du camp est seul responsable du travail de la main-d’œuvre. Jean-Claude Dumoulin, Du coˆte´ des vainqueurs (Au cre´puscule des Ce travail doit eˆtre e´puisant au sens le plus exact du terme, cre´matoires), Tire´sias, Paris, 1999, p. 43. pour atteindre le rendement maximum. La re´partition des Jean-Claude Dumoulin, ne´ en 1923, entre dans la re´sistance en travaux est centralise´e par le chef de l’Amtsgruppe D. Les

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commandants des camps eux-meˆmes ne doivent accepter, de des installations destine´es a` la production de de´tona- leur propre autorite´, aucun travail d’une tierce personne ni teurs. [...] entamer des ne´gociations a` ce propos. [...] 5. Le temps de travail n’est pas limite´, sa dure´ede´pend de la Danuta Czech, Kalandarium der Ereignisse im Konzentrationslager structure de fonctionnement du camp et de la nature des tra- Auschwitz-Birkenau 1939-1945, Rowohl, Hamburg 1989. [1943, vaux exe´cute´s. Elle est fixe´e par le seul commandant du camp. p. 372] (traduit de l’allemand a` la Fondation pour la Me´moire de [...] la De´portation). (Le Kalandarium d’Auschwitz retrace, jour apre`s ´ ` L’objectif principal de Pohl [...] e´tait de sensibiliser les jour, les evenements survenus aux camps d’Auschwitz et Birke- nau.) Lagerkommandanten a` la fonction e´conomique des KL, de´sormais pre´ponde´rante [...]. Or les Lagerkommandanten restaient plus sensibles aux conceptions politico-pe´nales de Heydrich qu’aux conceptions e´conomiques de Pohl. En fai- Document no 12 (E´ tude historique) sant d’eux les responsables des entreprises e´conomiques de la SS situe´es dans la de´pendance de leurs KL, Pohl [...] A` l’issuedelase´lection, a` l’arrive´e d’un convoi du espe´rait faire e´voluer les mentalite´s [...]. Ces instructions RSHA en provenance de Hongrie, 217 Juifs rec¸oivent les n’eurent, finalement, que peu d’effets. matricules A-17235 a` A-17451, et six sœurs jumelles rec¸oivent les matricules A-8735 a` A-8740 ; ils sont interne´s Mauthausen Camp de concentration national- Michel Fabre´guet, , dans le camp en tant que de´tenus. Vraisemblablement, une socialiste en Autriche rattache´e (1938-1945) ,Honore´ Champion, partie des personnes en bonne sante´ sont place´es dans le Paris, 1999, pp. 78-81. camp en tant que de´tenus « en de´poˆt». Michel Fabre´guet est historien. 1 000 Juives jeunes et en bonne sante´ que le me´decin SS, le Dr Mengele, avait se´lectionne´es dans le camp des familles BIIb1, le 2 juillet, sont conduites au « Sauna ». Apre`s avoir Document no 11 (E´ tude historique) be´ne´ficie´ d’un bain dans le « Sauna », elles sont rase´es et reveˆtues de l’uniforme raye´ des de´tenus puis on les fait La victoire de l’Arme´e rouge a` Stalingrad, les pertes en monter dans un train en attente sur la rampe qui doit les mate´riel et en hommes de la Wehrmacht et la bataille de conduire a` Sachsenhausen. De la` elles seront amene´es au Koursk en aouˆt 1943 [...] aboutissent a` une augmentation camp annexe de Schwarzheide pour travailler dans une de la demande de main-d’œuvre de la part de l’industrie de usine de constructions ae´ronautiques. guerre. Ceci oblige la SS a` vendre la force de travail des Danuta Czech, Kalandarium der Ereignisse im Konzentrationslager de´tenus aux usines d’armement. En Sile´sie, la SS construit Auschwitz-Birkenau 1939-1945 ´ ` ` ˆ ´ ´ , Rowohl, Hamburg, 1989. [1944, des camps rattachesaAuschwitz, a cote d’usines metallur- 7 juillet, p. 815] (traduit de l’allemand a` la Fondation pour la giques, de mines de charbon et de carrie`res. Ainsi sont Me´moiredelaDe´portation.) (Le Kalandarium d’Auschwitz construits les camps d’Eintrachthu¨tte a` Schwientochlowitz, retrace, jour apre`sjour,lese´ve`nementssurvenusaucamp de Neu-Dachs a` Jaworzno, de Fu¨rstengrube a` Wessola, a` d’Auschwitz.) coˆte´ de Myslowitz, de Janinagribe a` Libiz. [...] On construit pour la firme Krupp, sur un terrain appartenant au camp, 1. nume´rotation des subdivisions de l’immense camp de Birkenau.

Dachau-lied

[...] Le`ve la pierre et tire le chariot, aucun fardeau ne doit eˆtre trop lourd. Celui que tu e´tais, en un passe´ ancien, tu ne l’es plus, aujourd’hui, depuis fort longtemps. – Plante la beˆche dans la terre. – Enfouis-y profonde´ment ta pitie´ – et deviens toi-meˆme, dans ta propre sueur, acier et pierre.

Nous avons appris cependant la devise de Dachau Qui nous a durcis comme de l’acier. Demeure un homme, camarade. Sois un homme, camarade. – Fais tout le travail, – vas-y camarade : Car le travail, car le travail rend libre, car le travail, car le travail rend libre ! [...] Soyfer Jura De´porte´ a` Dachau puis a` Buchenwald ou` il meurt le 16 fe´vrier 1939

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CAHIER ME´ THODOLOGIQUE NO 4 LaLa re re¤¤sistancesistance dans dans le le travail travail au au sein sein dudu syste syste''meme concentrationnaire concentrationnaire

ORIENTATIONS ME´ THODOLOGIQUES

A` partir de l’exploitation de documents ou de te´moignages recueillis, sur un camp de´termine´ ou sur des Kommandos : A) Analyser l’e´tat d’esprit des de´tenus amene´sa` travailler a` la production de guerre et en de´duire les raisons qu’ils avaient de « re´sister » ou de « ne pas » re´sister. B) Examiner les formes que pouvait reveˆtir la re´sistance dans (ou par) le travail. C) E´tudier et de´crire diffe´rents processus de sabotage, de l’initiative individuelle a` la complicite´ collective. D) E´valuer les conse´quences que pouvaient avoir les actions de re´sistance tant sur les de´porte´s eux-meˆmes que pour les nazis et leur potentiel de guerre.

Avertissement : Les documents pre´sente´s ne constituent qu’une base de de´part et une initiation. Ils n’e´puisent pas le sujet et ne sont pas destine´sa` eˆtre copie´s dans les travaux collectifs. Rechercher d’autres sources reste donc indispensable.

Document no 1 au stand de tir. Les tireurs d’e´lite e´taient essentiellement des militaires (SS ou non) disponibles, mais il y eut cependant des de´tenus appele´sa` ce travail, dont deux Franc¸ais, nos camarades N. et M., qui re´ussirent un gros travail de sabo- tage simplement en faussant le tir. Apre`scetteope´ration, chaque fusil recevait sa cible portant cinq balles : des civils allemands effectuaient une se´lection. Les bons fusils (d’apre`s la cible) e´taient range´s sur des chariots et les mauvais sur d’autres, mais tous les chariots passaient ensemble dans le grands atelier du hall ou` s’effectuaient le graissage, le controˆle, l’emballage des « bons fusils » et la re´vision des mauvais, lesquels, apre`sre´paration, retournaient a` nouveau sur les chariots au stand de tir, etc. Ce transbordement de chariots, effectue´s seulement par des de´tenus, entraıˆnait un va-et-vient incessant et un encheveˆtrement de « bons » et de « mauvais » chariots, d’ou` de tre`s grandes possibilite´sde sabotage et de freinage. Il n’e´tait pas rare qu’un meˆme cha- Lettre du chef du service D du WVHA* aux comman- riot fasse inutilement huit a` dix fois le voyage dans les deux dants des camps de concentration, 11 avril 1944, Proce`s sens et que de bons fusils finissent par devenir mauvais ou de Buchenwald, IV, document no 1056. vice-versa.

Traduction La Re´sistance des Franc¸ais a` Buchenwald et a` Dora ´ Pierre Durand, , Concerne : sabotage par les detenus dans les usines d’arme- Messidor, Paris, 1991, p. 116. ment. Secret. Pierre Durand, re´sistant FTPF*, arreˆte´ en janvier 1944 a` Besan- Le nombre de demandes de´pose´es par les commandants des c¸on, incarce´re´ a` Besanc¸on puis Dijon, envoye´ a` Compie`gne, camps en vue d’infliger la bastonnade aux de´tenus coupables de´porte´ en mai 1944 a` Buchenwald (matricule 49749), libe´re´ le de sabotages dans les usines d’armement augmente conside´- 11 avril 1945, journaliste a` son retour. rablement. A` l’avenir, je demande, en cas de sabotages prouve´s (un rap- port de la direction de l’entreprise doit eˆtre joint), que l’exe´cu- tion ait lieu par pendaison. Elle devra se de´rouler devant tous Document no 3 les de´tenus du Kommando de travail concerne´, et le motif en eˆtre donne´, afin qu’elle serve de moyen d’intimidation. Lettre du ge´ne´ral SS Kammler, en re´ponse a` un rapport Signe´ : Maurer e´voquant le soule`vement des de´tenus d’un Kommando tra- SS-Obersturmfu¨hrer vaillant pour les usines Erla pre`s de Zwickau, date´edu2 mai 1944.

D’ordinaire, des faits de ce genre arrivent lorsque des gens ont Document no 2 (Re´cit) remarque´ qu’ils ne sont plus traite´sassezse´ve`rement. Par mesure spe´ciale, j’ai pendu trente personnes. Depuis qu’elles Au hall 11, les fusils arrivaient sur des chariots-raˆteliers par ont e´te´ pendues, tout est rentre´ dans l’ordre jusqu’a` un certain vingtaines. Ils e´taient entie`rement monte´spreˆts pour l’essai point. C’est toujours la meˆme chose : lorsque les gens

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CAHIER ME´ THODOLOGIQUE No 4

s’aperc¸oivent qu’ils ne sont plus traite´s aussi se´ve`rement d’une « travailleuse volontaire » 1, ouvrie`re de me´tier, devenue qu’auparavant, ils prennent toutes sortes de liberte´s. sympathisante a` notre action et particulie`rement experte en la matie`re). Re´sultat : vingt-quatre heures d’arreˆt de travail pour Cite´ par Walter Bartel, Gutachten u¨ber Rolle und Bedeutung des re´paration de la presse en panne. KZ Dora-Mittelbau und die Funktion des SS bei der A4 Produktion, De´traquer les machines de´ja` en mauvais e´tat, par manipula- Francfort, 1970, p. 25. tions ou par des moyens divers peu susceptibles d’eˆtre de´cele´s par les techniciens, mais efficaces au bout d’un certain temps, tels que substituer a` l’huile de nettoyage l’eau savonneuse du nettoyage des salles, enfouir un boulon essentiel dans le seau Document no 4(Te´moignage) de sciure de bois, etc. Une certaine re´sistance Certaines de nos camarades, sur un rendement exige´ de [...] Ce jour la` – c’e´tait le 6 juin 1944 – notre « Meister » douze mille cartouches par machine, n’en re´alisaient que [contremaıˆtre] silencieux, passant silencieusement pre`sde quatre mille cinq cents, leur re´sultat minimum e´tant meˆme nous comme d’habitude, a marmonne´ ces bizarres syllabes : descendu a` trois mille cinq cents. « Barquement vrai. » Tout cela, graˆce a` l’unanimite´ de la volonte´ qui animait les Nous nous sommes regarde´es avec e´tonnement, Cotte et moi, re´sistantes de saboter a` tout prix et par tous les moyens le d’abord parce qu’il avait parle´, et ensuite : mais qu’est-ce qu’il rendement des ateliers. Aucune de´nonciation, meˆme de la a voulu dire ? Barquement vrai ? Mais... et tout a` coup l’e´clair, part de celles dont les SS avaient voulu faire des mouchardes De´barquement, le De´barquement, c’est vrai ! Ils ont de´barque´ et qui partageaient sans re´criminer nos punitions, n’a jamais en Normandie ! La joie ruisselle au-dedans de nous, mais il trahi notre complicite´. faut le dire, le faire savoir, et Cotte trouve un pre´texte pour Bref, le rendement de plus en plus minable des Franc¸aises joindre les autres camarades, et trouve la meˆme e´bullition, il d’Holleischen n’a cesse´ de faire l’objet de rapports des controˆ- l’a de´ja` dit ! Nous le savons, et nos gardiens ne le savent pas ! leurs, si bien que le Commandant de Flossenbu¨rg avait meˆme Alors un mot d’ordre circule de salle en salle : manifestation envisage´ de demander notre changement pour Auschwitz, afin silencieuse. Tout le monde au pas dans un silence total. Cela de nous remplacer par de meilleures ouvrie`res. va tellement les changer qu’ils vont paniquer. Des manifestations, nous en avions de´ja` faites, ce´le´brant a` II) Sabotage des munitions : notre fac¸on le 14 juillet, le 11 novembre, par de vibrantes Il s’agissait de : Marseillaises re´prime´es a` grands cris et a` grands coups. Mais a) de´grader la poudre en l’humidifiant par tous les moyens (en des Franc¸aises au pas cadence´ et totalement silencieuses, c¸a, crachant dans les cartouches, en laissant tomber a` l’inte´rieur ils ne l’avaient jamais vu. quelques gouttes de l’huile destine´e aux balances de pre´cision, Comme nous l’avions pre´vu, ils [les gardiens] ont en effet en incorporant a` la poudre des cheveux, des miettes de notre panique´. D’abord, ils ont machinalement pousse´ leurs cris pain moisi, en l’aspergeant avec l’eau de nettoyage des salles, habituels : en rangs, au pas, en silence, sans s’apercevoir que etc. [...] c’e´tait fait. Peu a` peu, malgre´ leur e´paisseur, ils ont senti la b) glisser parmi les coupelles contenant les charges de poudre, densite´ de ce silence inexplicable, le rythme impeccable de ces mesure´es au milligramme, des pese´es errone´es. pas bien accorde´s, et ils n’ont pas compris. La peur les a c) en fin de chaıˆne, apre`sve´rification du gabarit des charges des gagne´s. Alors qu’ils s’e´chelonnaient d’habitude le long du cartouches, dans la salle meˆme ou` se tenaient, en dehors de convoi, un homme arme´ devant, un homme arme´ derrie`re, et leurs rondes, SS et techniciens, et apre`s avoir acquis leur les femmes grises [les gardiennes] re´parties a` espaces re´gu- confiance par un certain temps de travail impeccable, me´langer, liers, ils se sont regroupe´s, toutes les femmes autour des deux lors de la mise en caisse, les mauvaises cartouches aux bonnes. soldats. Etonne´s de ce soudain changement d’attitude, de d) a` l’atelier de peinture, la couche de celle-ci sur chaque cette force que de´gageait notre cohe´sion, ils avaient peur. La cartouche devant eˆtre parfaitement e´gale, recouvrir d’une route a duˆ leur paraıˆtre longue ce soir-la` [...]. couche uniforme ce qui avait e´te´ subrepticement double´ en e´paisseur en haut et en bas de la cartouche. Si bien que les E´liane Jeannin-Garreau, Ombre parmi les ombres, chronique d’une de´ceptions cause´es par les munitions pre´leve´es au hasard re´sistance (1941-1945), Muller, Issy-les-Moulineaux, 1991. pour eˆtre expe´rimente´es sur le champ de tir, avant leur expe´- dition, e´taient de nature a` nous faire pre´juger de leur effica- cite´ sur le front italien auquel elles e´taient destine´es...

Document 5 (Te´moignage) Conse´quences du sabotage – Coups. Sabotages – Station prolonge´e debout dans la cour du Kommando alors I) Ralentissement maximum du rendement : que, le ventre creux, nous e´tions de´ja` e´puise´es par nos douze Au de´part de la chaıˆne de l’atelier 137, une minute de retard heures de travail. et autant apre`s chacun des arreˆts du chariot dans les salles de – Incorporation a` la Strassenkolonne des prisonnie`res qui pese´es et aux presses avant de parvenir a` la salle de ve´rifi- avaient e´te´ reconnues n’eˆtre bonnes qu’a` ralentir encore la cation. En tout, six salles a` franchir. Total, cinq a` six minutes cadence des chaıˆnes dans les ateliers. La Strassenkolonne de retard, multiplie´es par le nombre de chaıˆnes de la journe´e e´tait destine´e, meˆme en hiver (par dix, vingt et jusqu’a` et de la nuit. trente-cinq degre´s au-dessous de ze´ro), a` de´gager de la neige Sans jamais ralentir le rythme des gestes, de´vissage des teˆtes les voies d’acce`s, pendant douze heures par jour, sans que des cartouches de´ja` visse´es et revissage... d’ou` diminution les esclaves puissent be´ne´ficier d’un abri pour absorber leur importante en fin de journe´e ou de nuit du nombre des pla- teaux en e´tat d’emballage, dont certains contenaient, sous leurs teˆtes bien visse´es, pas mal de cartouches vides... Faire sauter les presses, soit en mettant charge double de poudre dans les cartouches, soit en desserrant le´ge`rement 1. Les « travailleuses volontaires » s’e´taient porte´es volontaires pour certains boulons de la presse (roˆle remarquable au 137 aller travailler en Allemagne. Celle-ci se retrouvait en camp de concentration pour quelque faute commise sur son lieu de travail.

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CAHIER ME´ THODOLOGIQUE No 4

mise´rable soupe glace´e, et en toute saison, a` construire des Il n’est pas douteux qu’avec celles d’Holleischen, toutes les routes, au moyen de lourdes pioches et pelles... esclaves de Ravensbru¨ck loue´es par les SS aux nombreuses – L’explosion d’une machine de´chiqueta litte´ralement une de usines d’armement de Grand Reich ont accompli le meˆme nos jeunes camarades polonaises qui en assurait le fonction- travail de sabotage, a` leurs risques et pe´rils, en de´pit de leurs nement. dures conditions concentrationnaires, avec toute la te´nacite´ –Enfina` l’atelier 131 A, une presse ayant saute´ pour la invincible de leur re´sistance ; et ont contribue´ ainsi a` amoindrir troisie`me fois en des temps assez rapproche´s, le Directeur et l’efficacite´ du combat allemand contre les Allie´s. l’Inge´nieur en Chef de la poudrerie, furieux, releve`rent les nume´ros de trois responsables et adresse`rent a` Berlin via Flos- Te´moignage de Jeannette L’Herminier de´pose´ au Muse´edela senbu¨rg, un rapport de´nonc¸ant le sabotage effectue´ par : Re´sistance et de la De´portation de Besanc¸on. He´le`ne MILLOT : Vingt-six ans, me`re de quatre enfants – sept Jeannette L’Herminier, ne´e en 1907, re´sistante, est arreˆte´een arrestations dans sa famille (sabotage des voies ferre´es). septembre 1943, incarce´re´ea` Fresnes, envoye´ea` Compie`gne Noe´mie SUCHET : Vingt-cinq ans, me`re d’une enfant de trois puis de´porte´eenjanvier1944a` Ravensbru¨ck (matricule ans, femme de mineur de la re´gion lilloise. 27459), transfe´re´eauKommando Holleischen (matricule 50412) Simone MICHEL-LEVY : trente-neuf ans, dite Franc¸oise dans la ou` elle est libe´re´e le 5 mai 1945 par les Allie´s. Re´sistance. Responsable de la remarquable organisation d’un re´seau (analogue a` Re´sistance-Fer) a` l’inte´rieur de l’Adminis- tration des PTT. Compagnon de la Libe´ration. Elles furent condamne´es a` recevoir chacune cinquante coups de baˆton en pre´sence du Commandant de Flossenbu¨rg et du Commandant du Kommando, devant toutes les prisonnie`res, a` l’exception des e´quipes de jour au travail a` la poudrerie. Tandis que sous la menace des fusils-mitrailleurs, nous nous o ´ efforcions de juguler notre douleur et nos manifestations indi- Document n 6(Temoignage) gne´es, elles subirent leur chaˆtiment sans une plainte et retour- La plupart d’entre nous, arme´s d’une e´norme massue et a` ne`rent a` la poudrerie le soir meˆme avec les e´quipes de nuit. quatre autour d’un bloc d’acier, galbions des plaques de blin- Des semaines plus tard, elles furent emmene´es a` Flossenbu¨rg dage. Deux jeunes de l’Ain crache`rent le sang au bout d’une et pendues le 14 avril 1945, trois semaines avant notre libe´- semaine de ce travail exte´nuant et furent nos premiers ration (5 mai 1945). morts. Ce premier avertissement fut un stimulant pour la mise en route re´elle de la solidarite´.Maisconvaincredes Sabotage des munitions de la poudrerie hommes, enclins a` la peur et a` l’attentisme, du devoir de ne d’Holleischen produire rien qui vaille et saboter au maximum e´tait de´ja` Les munitions qui passe`rent entre nos mains ont nettement difficile [...]. Rapidement, un re´sultat fut obtenu : l’inte´rieur prouve´ leurs de´fectuosite´s. des soudures des carcasses de tanks fut comble´ par des Au de´but de 1946, au chevet de mon fre`re, le Capitaine de copeaux de me´tal et n’eut plus que deux centime`tres au lieu vaisseau Jean L’Herminier, ancien Commandant du sous-marin de quinze. « Casabianca », e´vade´ de Toulon le 8 novembre 1942, j’eus la joie d’apprendre, par l’interme´diaire des Services de Rensei- Te´moignage de Jean Serres, de´porte´ a` Mauthausen, Kommando gnements ame´ricains qu’un pourcentage important des muni- de Linz III, usine de construction de chars de Stahlbau. tions de DCA expe´die´es de Tche´coslovaquie sur le front alle- mand en Italie n’avaient pas fonctionne´. Ceci a e´te´ confirme´ 1. Cite´ par Dominique Dece`ze, L’esclavage concentrationnaire, par des Ame´ricains a` plusieurs de nos camarades. FNDIRP, 1975, p. 239.

[...] Je me souviens du dur travail a` Taucha ou` maigres et he´be´te´s, tout au long de la nuit nous chargions de la terre car on nous avait dit que nous pourrions retrouver notre liberte´.

Tromperie et mensonge et effroyable escroquerie, voici ce qu’a` nouveau nous avions re´colte´. Nous pouvions presque envier ceux qui pendaient a` la potence, libe´re´s de toutes les peines, de tous les tourments. Wemmelund O¨ jvind De´porte´ a` Buchenwald

Femmes aux travaux de terrassement. Ravensbru¨ck. Photo SS.

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GlossaireGlossaire

Aktion T4 convois de Juifs arrive´s au camp de Birkenau et envoye´s Ope´rations d’e´limination des « vies inutiles » dans le a` la chambre a` gaz. (Le terme allemand correspondant cadre d’un programme d’euthanasie place´ sous la res- est Effektenkammer). ponsabilite´ du service T4 (pour Tiergartenstrasse 4, Chambre a` gaz nom de la rue correspondante de Berlin) qui fit pre`s Installation destine´ea` provoquer la mort au moyen de 70 000 victimes dans la population allemande. d’un gaz toxique. Aryen Cre´matoire : voir four cre´matoire. Nom donne´ a` des tribus d’origine indo-europe´enne qui se re´pandirent en Iran et au nord de l’Inde au De´portation XVIIIe sie`cle av. JC, et utilise´ par les nazis pour de´finir Action consistant a` de´porter (transfe´rer, de´placer) une « race pure » et baˆtir une the´orie raciale sans fon- des personnes sous la contrainte, hors de leur pays, a` dement scientifique. les placer en de´tention dans des camps spe´ciaux ou` elles perdent tous les droits attache´sa` la personne humaine. Asociaux Concept assez flou de´signant un ensemble de person- Dictature nes conside´re´es par les nazis comme en marge de la Syste`me politique re´alisant la concentration de tous socie´te´ (vagabonds, mendiants, personne durablement les pouvoirs entre les mains d’un individu, d’une assem- sans travail ou ne supportant pas l’autoritarisme ble´e, d’un parti, d’une classe, mettant fin a` la notion ambiant, parfois homosexuels). Le de´cret du 14 de´cem- d’E´tat de « droit », c’est-a`-dire fondant la relation entre bre 1937 permet de les interner en camp de concentra- gouvernants et gouverne´s sur la contrainte et l’arbitraire. tion pour les « re´e´duquer ». Einsatzgruppen Aufseherin (pl. Aufseherinnen) Formations spe´ciales de SS et Waffen SS, constitue´es Garde fe´minine, auxiliaire de la SS, attache´ea` la sur- pour proce´der au nettoyage racial et politique des popu- veillance des femmes de´tenues en camps de concentra- lations de l’Est europe´en sur les arrie`res de la Wehr- tion. macht. Leur mode d’action est le massacre de masse par armes a` feu, au bord de fosses pre´pare´es a` l’avance, la Aussenkommando plupart du temps par les victimes elles-meˆmes. Elles ont Kommando quittant le camp pour travailler et y ren- e´te´ appele´es e´galement « formations mobiles de tueries ». trant chaque soir apre`s le travail. On estime le nombre de victimes a` environ 1 300 000. Camps d’extermination Espace Vital (ou centres de mise a` mort) (Lebensraum en allemand) The´orie hitle´rienne visant a` E´le´ments du syste`me concentrationnaire spe´cialise´s permettre au peuple allemand de disposer d’un espace dans le processus d’extermination des Juifs et des suffisant (notion floue qui s’affranchit des frontie`res) Tsiganes. Quatre d’entre eux e´taient de simples termi- pour se de´velopper. Cet espace est conquis par la naux de chemin de fer contigus aux installations de mise force, sur d’autres peuples juge´s « infe´rieurs », a` l’Est de a` mort (Chelmno, Belzec, Sobibor et Treblinka), deux l’Europe (Pologne, URSS). ont e´te´ juxtapose´sa` des camps de concentration : celui de Lublin-Maı¨danek et celui d’Auschwitz-Birkenau. Il E´toile juive convient de ne pas les confondre avec les camps de Signe distinctif (e´toile a` six branches reprise de la concentration. rouelle) dont le port fut impose´ par les nazis aux Juifs de`s novembre 1939, dans les ghettos de Pologne occu- Camps de concentration pe´e (appele´e Gouvernement ge´ne´ral), puis a` partir de Camps a` re´gime spe´cial, pre´vus pour la de´tention des septembre 1941, aux Juifs aˆge´s de six ans et plus, dans ennemis suppose´soure´els du nazisme ou du Reich. tous les territoires occupe´s. Cre´e´sa` partir de 1933, hors de toute le´galite´,leur organisation et leur fonctionnement font l’objet d’un Expe´rimentations me´dicales re`glement mis au point par le SS Theodor Eicke, inspire´ Pratiques pseudo-me´dicales, exerce´es de force par les du re´gime des pe´nitenciers en vigueur en Allemagne, me´decins SS sur des de´tenus adultes ou enfants (tests des traditions militaires prussiennes et de l’ide´ologie de vaccins, de gaz de combat, vivisection, tests de raciste du nazisme. de´compression brutale, ste´rilisation par diverses me´tho- Sous la garde de SS spe´cialement forme´s, les camps des, pre´le`vement d’organes ou de tissus musculaires et doivent d’abord faciliter la re´e´ducation des de´tenus (en osseux, inoculation de gangre`ne ou de maladies infec- re´alite´ leur ane´antissement physique et moral), avant de tieuses, etc.). devenir des centres d’exploitation a` mort de la main- Fascisme d’œuvre concentrationnaire. Ils se caracte´risent par Doctrine politique qui s’inscrit en re´action aux ide´es une double hie´rarchie : SS et de´tenus. libe´rales, s’oppose a` la de´mocratie qui de´fend l’individu Canada (ou Kanada) et postule la liberte´ et l’e´galite´, et au marxisme qui fait Appellation donne´e par les de´tenus a` l’entrepoˆtou` de la lutte des classes le moteur de l’histoire. Il se carac- sont trie´setregroupe´sleseffetsre´cupe´re´ssurles te´rise par son refus de la division des partis et re´clame

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GLOSSAIRE

l’unite´ autour de l’E´tat qui doit controˆler et diriger Gummi toutes les activite´s de l’individu. Le fascisme est la doc- Sorte de matraque en caoutchouc arme´,extreˆme- trine adopte´e par Mussolini en Italie. ment dure, avec lesquelles e´taient frappe´s les de´tenus en camp de concentration. Four cre´matoire Installation servant a` bruˆler les cadavres, progressive- Ha¨ftling ment mise en place dans tous les camps de concentra- Mot allemand signifiant interne´ ou de´tenu. ´ tion. Dans les camps d’extermination, les fours crema- Heydrich, Reinhard toires sont associe´s aux chambres a` gaz, l’ensemble Ge´ne´ral de division SS, chef du RSHA (Office central e´tant alors appele´ « Krematorium ». de se´curite´ du Reich), coordinateur de la confe´rence de FTPF Wannsee et co-responsable de la planification de l’ex- Francs-Tireurs et Partisans Franc¸ais, cre´e´s en 1942, termination des Juifs. Il est tue´ en 1942 par des re´sis- regroupant des organisations paramilitaires (Organisa- tants tche`ques. Il est alors remplace´ par Kaltenbrunner. tions Spe´ciales, Jeunesses communistes, MOI), place´es Himmler, Heinrich sous le commandement de Charles Tillon, et rattache´es Reichsfu¨hrer SS (e´ quivalent de mare´ chal), chef aux Forces Franc¸aises de l’Inte´rieur (FFI) en 1944. supreˆme de la SS et toutes les polices du Reich. De Fu¨hrer formation agronome, il adhe`re au NSDAP en 1924. Il devient chef des SS en 1929, chef de la Gestapo en Mot allemand de´signant la personne qui dirige et 1934 puis chef supreˆme de la police allemande en 1936, donne la direction a` suivre aux autres. Hitler devient exerc¸ant un pouvoir conside´rable. Le monde concentra- Fu¨hrer du peuple allemand en aouˆt 1934. tionnaire rele`ve entie`rement de son autorite´. Reconnu Ge´nocide et arreˆte´ par les Britanniques en 1945, il se suicide peu Terme juridique cre´e´ par Lemkin, re´fugie´ aux E´tats- apre`s son arrestation. Unis, pour de´signer la destruction syste´matique d’un Hitler, Adolf groupe humain, comme ce fut le cas des Juifs et des Ne´ le 20 avril 1889 a` Braunau am Inn, en Haute-Autri- Tsiganes par les nazis. Repris en droit pe´nal internatio- che, chef du parti national-socialiste, chancelier en 1933, nal et comple´te´, il s’entend aujourd’hui « de l’un quel- chef d’E´tat a` partir de 1934 (avec le titre de Fu¨hrer), a` la conque des actes commis dans l’intention de de´truire, mort du mare´chal Hindenburg, il fonde son ide´ologie sur en tout ou partie, un groupe national, ethnique ou reli- le racisme et l’antise´mitisme, et sa politique exte´rieure gieux, par meurtre, atteinte grave a` l’inte´grite´ physique sur l’usage de la force. Ses annexions et l’invasion de la ou mentale du groupe, soumission intentionnelle a` des Pologne en 1939, jettent le monde dans le cataclysme de conditions devant entraıˆner sa destruction physique la Seconde Guerre mondiale. Vaincu, Hitler se suicide le totale ou partielle, ou par mesures visant a` entraver les 30 avril 1945 au cours de la bataille de Berlin. naissances au sein du groupe, ou encore transfert d’en- fants d’un groupe a` un autre groupe ». (De´finition Hitlerjugend actuellement en vigueur dans les instances internationa- Jeunesse hitle´rienne. Organisation nationale-socialiste les de l’ONU.) fonde´e en 1926 pour prendre en main et fanatiser les jeunes Allemands, leur donner le gouˆtducombat. Gestapo Baldur von Schirach qui en fut l’organisateur, n’he´sita Abre´viation de Geheimestaatspolizei (police secre`te pas a` e´liminer puis faire interdire les associations de d’E´tat). Cre´e´e par Goering en avril 1933, dirige´epar jeunesse concurrentes. Son e´quivalent fe´minin est la Himmler a` partir de 1934, la Gestapo est charge´edela BDM (Bund Deutscher Ma¨dl ou Ligue des jeunes filles re´pression des opposants au re´gime nazi et des re´sis- allemandes). tants, dans le Reich et les territoires occupe´s. Kapo Ghetto De´tenu de´signe´ par les SS pour encadrer une e´quipe Autrefois quartier d’une ville ou` les Juifs e´taient tenus de travail. Choisis le plus souvent pour leur absence de de re´sider. (Le premier ghetto est cre´ea` Rome en 1555 scrupules et leur brutalite´,lesKapos exerc¸aient leur parlepapePaulIV).Iln’enexistaitplusenEurope pouvoir avec d’autant plus de ze`le qu’ils redoutaient de quand les nazis en constituent dans les territoires de perdre les avantages lie´sa` leur situation, s’exposant du l’Est occupe´s (en Pologne surtout). Les Juifs y sont meˆme coup a` des repre´sailles ou a` des re`glements de regroupe´s, isole´s et affame´s avant d’eˆtre envoye´s vers comptes sans pitie´ de la part des autres de´tenus. les camps d’extermination. KL Goebbels, Joseph Abre´viation de Konzentrationslager (camp de concen- Ne´ en 1897 en Rhe´nanie, docteur e`s-lettres de l’uni- tration). versite´ de Bonn en 1922, il est nomme´ responsable Lager (Gauleiter) ` du parti nazi a Berlin en 1926 puis ministre Mot allemand signifiant camp. de l’E´ducation populaire et de la Propagande en 1933. Il devient « ple´nipotentiaire pour la guerre totale » en juil- Mittelbau let 1944. Fide`le jusqu’au bout au Fu¨hrer, il se suicide avec Nom de code donne´ a` l’ensemble du processus de sa famille le 1er mai 1945, a` Berlin. mise au point et de fabrication des armes secre`tes V2.

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GLOSSAIRE

Mittelraum central d’administration et d’e´conomie (HVW) et du Nom de code de la zone ge´ographique englobant le Bureau central du budget et de la construction (HHB), massif du Harz et le nord de la Thuringe, dans laquelle regroupe´s en 1942 au sein du WVHA (Bureau central sont implante´es et enfouies les principales usines d’administration e´conomique). A` ce titre, il devient l’or- concourant au projet Mittelbau. ganisateur de l’e´conomie des camps de concentration. Apre`slade´faite nazie, il se cache dans les Alpes bavaroi- Mittelwerk ses, puis dans la re´gion de Breˆme. Identifie´ par les Bri- Nom de code de´signant l’usine souterraine de pro- tanniques, il est arreˆte´ en mai 1946, juge´ et condamne´ a` duction des V2 associe´e au camp de concentration de mort par un tribunal de guerre ame´ricain en novembre Dora. 1947. Il est pendu le 7 juin 1951. Musulman (prononcer « mouzoulmane ») Proce`s de Nuremberg Expression du langage concentrationnaire de´signant un de´tenu parvenu a` l’extreˆme limite de l’e´puisement. Proce`s des grands criminels nazis, instruit a` Nurem- berg du 20 novembre 1945 au 10 octobre 1946 par le National-Socialisme Tribunal Militaire International (TMI) conforme´ment a` Doctrine politique et ide´ologique mise au point par l’Accord de Londres du 8 aouˆt 1945 (et au Statut Hitler, inspire´edufascismeetfonde´e sur le racisme, annexe´), conclu entre la France, les E´tats-Unis, le l’antise´mitisme, la pre´e´minence de la race germanique Royaume-Uni et l’URSS. Ce statut de´finissait la compo- dans le monde et une conception du socialisme selon sition, la juridiction et les fonctions du TMI. Vingt-quatre laquelle la nation et la race se substituent a` la lutte des criminels nazis furent juge´s sous l’incrimination de classes. crimes contre la paix, de crimes de guerre, et pour la Ne´gationnisme premie`re fois en droit pe´nal international, de crimes Attitude intellectuelle consistant a` nier la re´alite´ his- contre l’humanite´. torique des crimes nazis, l’existence des chambres a` gaz Au cours de ce proce`s, quatre organisations sont et la re´alite´ du ge´nocide des Juifs. de´clare´es criminelles (c’est-a`-dire que le simple fait d’en avoir faire partie est un crime) : (Nacht und Nebel) Nuit et Brouillard ,ouNN Le NSDAP (le parti nazi), la SS, le SD (Service de Expression de´signant la proce´dure introduite par le Se´curite´ de la SS), la Gestapo (Police politique). de´cret du 7 de´cembre 1941, sous la signature du mare´- chal Keitel, chef de l’OKW (Commandement supreˆme Prominent de l’arme´edeterre),consistanta` entourer du plus Terme du langage concentrationnaire de´signant un grand secret le sort re´serve´ aux re´sistants capture´sa` de´tenu occupant une fonction dans la hie´rarchie paral- l’Ouest, notamment a` l’e´gard de leur famille, et qui le`le mise en place par les SS, ayant autorite´ sur ses sont destine´sa` disparaıˆtre en Allemagne sans laisser de code´tenus et be´ne´ficiant de privile`ges (exemple Kapo). trace. Race Une fois en camp de concentration, ces de´tenus for- Groupe d’individus dont les caracte`res biologiques ment une cate´gorie distincte, marque´e NN, prive´ede sont constants. La notion de race n’a aucun sens pour courrier et qui ne doit avoir aucun contact avec l’exte´- diffe´rencier les eˆtres humains. Il n’existe qu’une seule rieur. (L’expression a e´te´ emprunte´e par Himmler au race humaine. livret de « L’or du Rhin », de Richard Wagner, alors qu’a` l’origine le sigle NN, emprunte´e au latin, signifiait Rafle « sans nom ».) Arrestation de masse pratique´ea` l’improviste. (En NN : voir Nuit et Brouillard. France, sous l’occupation, les deux rafles les plus connues sont celles auxquelles ont proce´de´ les forces Organisation, organiser de l’ordre franc¸aises sur ordre du gouvernement de Expression du langage concentrationnaire de´signant Vichy, les 16 et 17 juillet 1942 a` Paris – rafle connue toutes les formes de de´brouillardise permettant a` un sous le nom de rafle du Vel’ d’Hiv – et les 22 et 23 jan- de´tenu de de´rober ou de se procurer de la nourriture, vier 1943 a` Marseille). des objets ou veˆtements introuvables ou interdits. Revier Pogrom Nom allemand de´signant l’infirmerie (ou ce qui en Mot d’origine russe de´signant les formes d’e´meute tenait lieu) dans le syste`me concentrationnaire. accompagne´e de pillages et de meurtres, dirige´e contre une communaute´ juive sous le re´gime tsariste. Schonung Exemption de service ou de travail exceptionnelle Pohl, Oswald accorde´ea` un de´tenu malade ou convalescent. Ge´ne´ral SS responsable du WVHA. Ne´ en 1892, sert dans la marine pendant la Premie`re Guerre mondiale. Se´lection Apre`ssade´mobilisation, il s’engage dans les corps Nom donne´ a` l’ope´ration consistant pour les nazis a` francs, sortes de groupuscules paramilitaires illicites, trier, a` l’arrive´e des trains de de´portation a` Auschwitz, antire´publicains et anticommunistes. Il inte`gre les SA en les Juifs conside´re´s comme exploitables et envoye´s tra- 1925, le NSDAP en 1926, rencontre Himmler en 1933 vailler en Kommando dans le syste`me concentrationnaire et devient responsable de l’administration aupre`sdu et ceux conside´re´s comme inaptes envoye´s imme´diate- Reichsfu¨hrer SS. En 1939, il est nomme´ chef du Bureau ment a` la chambre a` gaz.

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GLOSSAIRE

Des actions ponctuelles de se´lection ont e´te´ e´gale- compose´e d’opposants politiques au nazisme et de re´sis- ment pratique´es ulte´rieurement et en d’autres circon- tants. stances essentiellement parmi les de´tenus des Revier, Tsiganes (Zigeuner en allemand) dans le but d’e´liminer les malades juge´sincurableset inaptes au travail par les nazis. Appellation sous laquelle sont de´signe´slesBohe´- miens, ou Gitans, ou les gens du voyage, ou Roms, « Solution finale de la question juive » conside´re´s comme des « populations infe´rieures » inuti- Expression code´e utilise´e par les nazis pour de´signer les et inde´sirables dans la future Europe aryenne. le processus d’extermination des Juifs d’Europe, qu’ils cherchent a` dissimuler au maximum, tant a` la population Untermensch (Sous-homme) allemande qu’au monde exte´rieur. Qualificatif donne´ par les nazis a` tout individu ou Cette expression a e´te´ e´galement employe´e s’agissant groupe d’individus n’appartenant pas a` la « race supe´- du processus d’extermination des Tsiganes (Solution rieure », ainsi qu’aux handicape´s mentaux et aux homo- finale de la question Tsigane). sexuels. L’expression ne se comprend qu’en opposition a` la notion de surhomme (re´serve´e au peuple allemand). Sonderbehandlung (Traitement spe´cial) Expression du langage code´ nazi signifiant la mise a` Vorarbeiter mort programme´e ou accomplie d’un individu ou d’un De´tenu d’encadrement adjoint aux Kapos dans les groupe d’individus. Kommandos comportant des taˆches diffe´rentie´es. Son Sonderkommando comportement a` l’e´gard des autres de´tenus est compa- Kapos E´quipe de travail charge´edelare´cupe´ration et de la rable a` celui des . cre´mation des cadavres, a` l’issue des ope´rations de Wannsee Komman- gazage. Cette expression a parfois de´signe´ des Confe´rence organise´e par le RSHA (voir note 2 p. 4), dos charge´s d’une mission particulie`re ponctuelle en rap- le 20 janvier 1942, dans une re´sidence de la banlieue de port ou pas avec le traitement des cadavres. Berlin, pre`s du lac de Wannsee, au cours de laquelle SS Heydrich et Eichmann informe`rent les repre´sentants (Schutzstaffeln ou sections de protection) Milice parami- des administrations, convoque´s et concerne´s, des moda- litaire du parti nazi, cre´e´e en 1923, initialement de´pen- lite´s de mise en œuvre de « la Solution finale de la ques- dante des SA et charge´e de la garde prive´e de Hitler. La tion juive en Europe » et du roˆle de chaque administra- SS est appele´e, apre`s la « Nuit des longs couteaux » (1934) tion dans le processus engage´. ´ ` et l’elimination de la plupart des chefs SA, a jouer un Waffen-SS roˆ le central dans le syste`me re´pressif nazi, dans le Branche combattante de la SS, constitue´e de volontai- syste`me concentrationnaire et tout particulie`rement res allemands et e´trangers, dont les unite´s constitue´es dans la mise en œuvre du ge´nocide des Juifs. e´taient engage´es aux coˆte´s ou en comple´ment de celles Les SS suivaient une formation et un entraıˆnement de la Wehrmacht. (Des volontaires franc¸ais engage´s dans particuliers destine´sa` de´velopper leur gouˆtdela la Waffen-SS ont forme´ la division Charlemagne). guerre, leur fanatisme, leur esprit de corps et leur me´pris a` l’e´gard des « peuples infe´rieurs ». WVHA Stubendienst Sigle abre´ge´ de WirtschaftsVerwaltungsHauptAmt, ou Terme du langage concentrationnaire de´signant le Office principal d’Administration et d’Economie de la SS, de´tenu responsable d’une chambre´e, adjoint au chef de service duquel rele`vent toutes les de´cisions d’ordre e´co- Block (Blocka¨lteste). nomique et budge´taire qui concernent les camps de concentration, la vie et les activite´se´conomiques de la Totalitarisme SS. Syste`me politique caracte´rise´ par la soumission com- ple`te des individus a` un ordre politique que fait re´gner Zyklon B un pouvoir dictatorial. Gaz toxique violent a` base d’acide cyanhydrique, mis au point par les laboratoires de la socie´te´ Degesch, du Triangles verts groupe IG Farben, qui a servi pour les mises a` mort en Cate´gorie de de´tenus identifie´e par un triangle vert, chambre a` gaz a` Auschwitz. Mis au point pour lutter compose´e de criminels de droit commun. contre certains parasites comme les poux, ce produit a Triangles rouges e´te´ de´tourne´ de sa destination, pour eˆtre utilise´ a` des Cate´gorie de de´tenus identifie´s par un triangle rouge, fins criminelles.

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BibliographieBibliographie indicative indicative

(Les titres cite´s suivis d’un double aste´risque peuvent eˆtre acquis aupre`s de la Fondation pour la me´moire de la De´portation 1.)

Multime´dia : Langbein, Hermann, La re´sistance dans les camps de CDROM Me´moires de la De´portation**, actualise´ et concentration nationaux-socialistes, 1938-1945,Fayard, re´e´dite´ par la Fondation pour la me´moire de la De´por- 1981. tation, dans un DVDROM e´dite´ en 2005 (couˆt: 25 e). Le Maner, Yves, De´portation et ge´nocide (1939-1945). DVDROM (29’) Le travail concentrationnaire. Montage Une trage´die europe´enne**, La Coupole, Centre d’His- effectue´ a` partir de te´moignages d’anciens de´porte´s toire et de Me´moire du Nord-Pas-de-Calais, 2005. d’Auschwitz. Disponible gratuitement aupre`s de l’Union des de´porte´s d’Auschwitz – 39 boulevard Beaumarchais, Ruby, Marcel, Le livre de la de´portation. La vie et la mort 75003 Paris, te´l. : 01 49 96 48 48 ou aupre`s du Cercle dans les 18 camps de concentration et d’extermination, d’e´tude de la De´portation et de la Shoah – Amicale Paris, Le Grand livre du mois, 1994. d’Auschwitz, 73 avenue Parmentier 75011 Paris, Sellier Andre´, Histoire du camp de Dora**,LaDe´cou- te´l.:0147009033. verte, 1998. Sofsky, Wolfgang, L’organisation de la terreur. Les camps Films : de concentration, Paris, Calmann-Le´vy, 1995. La liste de Schindler,re´alise´ par Steven Spielberg, Uni- Voutey Maurice, Les camps nazis. Des camps sauvages versal Pictures, 1993. au syste`me concentrationnaire 1933-1945**,Graphein/ Nuit et brouillard,re´alise´ par Alain Resnais, commen- FNDIRP, 1999. taires de Jean Cayrol, Argos Film, 1955. Wormser-Migot, Olga, Le Syste`me concentrationnaire Shoah,re´alise´ par Claude Lanzmann, Les Films d’Aleph, nazi (1933-1945), Paris, Presses universitaires de France, 1985. 1968.

Ouvrages sur les camps de concentration et E´ tudes historiques : les centres d’extermination : Cardon-Hamet, Claudine, Triangles rouges a` Auschwitz. Amicale d’Oranienburg-Sachsenhausen, Sachso. Au Le convoi politique du 6 juillet 1942**, Paris, Autrement, cœur du syste`me concentrationnaire, Pocket, 2005. 2005 (coll. Me´moires). Billig, Joseph, Les Camps de concentration dans l’e´cono- Fabre´guet, Michel, Mauthausen. Camp de concentration mie du Reich hitle´rien, Paris : Presses universitaires de national-socialiste en Autriche rattache´e, 1938-1945, Paris, France, 1973. Honore´ Champion, 1999 (coll. Bibliothe`que d’histoire Billig, Joseph, L’Hitle´rismeetlesyste`me concentration- moderne et contemporaine). naire, PUF, 1967. Le Maner, Yves et Sellier, Andre´, Images de Dora, 1943-1945 : voyage au cœur du IIIe Reich Be´darida, Franc¸ois et Gervereau, Laurent, La de´porta- ,LaCoupole- ´ tion et le syste`me concentrationnaire nazi. Muse´ed’His- Centre d’histoire de la guerre et des fusees, 1999. toire contemporaine, BDIC, Nanterre, 1995. Steegmann, Robert, Struthof – Le KL Natzweiler et ses Kommandos : une ne´buleuse concentrationnaire des deux Browning, Christopher, Politique nazie, main-d’œuvre coˆte´s du Rhin 1941-1945** ´ juive, bourreaux allemands, Paris, Les Belles lettres, 2002. , Strasbourg, Kaleidoscope – La Nue´e Bleue, 2005. L’Esclavage concentrationnaire Deceze Dominique, , Ravensbru¨ck. Un complexe concentra- FNDIRP, 1975 (tome 3 de la se´rie L’Enfer nazi, 1975- Strebel, Bernhard, tionnaire ` 1979). , Paris, Artheme Fayard, 2005. C’e´tait c¸a, Dachau, 1933-1945 Durand Pierre, Les armes de l’espoir. Les Franc¸ais a` Zamecnik, Stanislas, , Buchenwald et a` Dora**,E´ditions sociales, 1977. Paris, Le Cherche-Midi, 2003. ´ Kogon,Eugen, L’Etat SS. Le syste`me des camps de Te´moignages : concentration allemands, Le Seuil, 1970 (1re e´d. 1947, Alizon, Simone, L’exercice de vivre, Paris, Stock, 1996. sous le titre L’Enfer organise´), re´e´dition 1993**,(coll. L’Espe`ce humaine Points Histoire). Antelme, Robert, , Paris, Gallimard, 1991 (coll. Tel). Be´on, Yves, Plane`te Dora, Paris, Le Seuil, 1985. Toute une vie de ´ Chombart de Lauwe, Marie-Jose´, 1. 30 boulevard des Invalides, 75007 PARIS. Tel.:0147058150, ** fax : 01 47 05 89 50, mail : [email protected] re´sistance , Paris, Pop’com/FNDIRP, 2002.

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BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

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EnguisedeconclusiongeEnguisedeconclusionge¤¤nene¤¤ralerale ExtraitsExtraits de de la la De De¤¤clarationclaration universelle universelle desdroitsdel’hommedesdroitsdel’homme

La De´claration universelle des Droits de l’Homme a e´te´ proclame´e par les Nations Unies le 10 de´cembre 1948.

Pre´ambule Conside´rant que la reconnaissance de la dignite´ inhe´rente a` tous les membres de la famille humaine et de leurs droits e´gaux et inalie´nables constitue le fondement de la liberte´, de la justice et de la paix dans le monde, Conside´rant que la me´connaissance et le me´pris des droits de l’homme ont conduit a` des actes de barbarie qui re´voltent la conscience de l’humanite´ et que l’ave`nement d’un monde ou` les eˆtres humains seront libres de parler et de croire, libe´re´s de la terreur et de la mise`re, a e´te´ proclame´ comme la plus haute aspiration de l’homme, Conside´rant qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient prote´ge´s par un re´gime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en supreˆme recours, a` la re´volte contre la tyrannie et l’oppression, Conside´rant qu’il est essentiel d’encourager le de´veloppement des relations amicales entre nations, Conside´rant que dans la Charte les peuples des Nations Unies ont proclame´ a` nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignite´ et la valeur de la personne humaine, dans l’e´galite´ des droits des hommes et des femmes, et qu’ils se sont de´clare´sre´solus a` favoriser le progre`s social et a` instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberte´ plus grande, Conside´rant que les E´tats Membres se sont engage´sa` assurer, en coope´ration avec l’Organisation des Nations Unies, le respect universel et effectif des droits de l’homme et des liberte´s fondamentales, Conside´rant qu’une conception commune de ces droits et liberte´s est de la plus haute importance pour remplir pleinement cet engagement,

L’Assemble´eGe´ne´rale proclame

La pre´sente De´claration universelle des Droits de l’Homme comme l’ide´al commun a` atteindre par tous les peuples et toutes les nations [...]

Article premier – Tous les eˆtres humains naissent libres et e´gaux en dignite´ et en droits. Ils sont doue´s de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternite´.

Article 2 – Chacun peut se pre´valoir de tous les droits et de toutes les liberte´s proclame´s dans la pre´sente De´claration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. [...]

Article 3 – Tout individu a droit a` la vie, a` la liberte´ et a` la suˆrete´ de sa personne.

Article 4 – Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.

Article 5 – Nul ne sera soumis a` la torture, ni a` des peines ou traitements cruels, inhumains ou de´gradants. [...]

Article 23 – (1) Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, a` des conditions e´quitables et satisfaisantes de travail et a` la protection contre le choˆmage. (2) Tous ont droit, sans aucune discrimination, a` un salaire e´gal pour un travail e´gal. (3) Quiconque travaille a droit a` une re´mune´ration e´quitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’a` sa famille une existence conforme a` la dignite´ humaine et comple´te´e, s’il y a lieu, par tous les autres moyens de protection sociale. (4) Toute personne a le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier a` des syndicats pour la de´fense de ses inte´reˆts.

Article 24 – Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment a` une limitation raisonnable de la dure´e du travail et a` des conge´spaye´spe´riodiques.

Article 25 – Toute personne a droit a` un niveau de vie suffisant pour assurer sa sante´, son bien-eˆtre et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins me´dicaux ainsi que pour les services sociaux ne´cessaires ; elle a droit a` la se´curite´ en cas de choˆmage, de maladie, d’invalidite´, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances inde´pendantes de sa volonte´.

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Lavis de Maurice de la Pintie`re re´alise´ en 1945. ’ Association des De´porte´s de Dora, Ellrich et Kdos memoire-vivante-special2006 - 20.10.06 - page 36

La Fondation Charles de Gaulle La Fondation de la Re´sistance La Fondation pour la me´moire de la De´portation Remerciements

e dossier a e´te´ conc¸u et re´alise´ par la commission pe´dagogique de la Fondation pour la me´moire de la C De´portation, pre´side´e par Monsieur Jean Gavard, inspecteur ge´ne´ral honoraire de l’E´ ducation natio- nale, avec la participation de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Ge´ographie (APHG), de la Fondation de la Re´sistance, de la Fondation Charles de Gaulle, du muse´edelaRe´sistance et de la De´por- tation de Besanc¸on, du muse´edelaRe´sistance et de la De´portation de Toulouse, de la FNDIRP (Fe´de´ration Nationale des De´porte´s et Interne´s, Re´sistants et Patriotes), de l’Association franc¸aise Buchenwald Dora et Kommandos, de l’Amicale des anciens de´porte´s, familles et disparus du camp de Mauthausen et Komman- dos, de l’Amicale du Camp de Concentration de Dachau, de l’Amicale de Neuengamme, de l’Association des Amis de la Fondation pour la Me´moire de la De´portation.

La re´alisation de ce dossier a be´ne´ficie´ du soutien du ministe`re de la de´fense (DMPA), du ministe`re de l’E´ ducation nationale, de l’enseignement supe´rieur et de la recherche, du ministe`re de´le´gue´ aux Anciens Combattants, du Comite´ d’Entreprise de la Caisse centrale d’Activite´s Sociales (CCAS) d’Edf, des E´ ditions Tire´sias.

Ont contribue´ a` titre personnel a` la re´daction du dossier : – Mme Danie`le Baron, documentaliste de la FNDIRP, – Mme Maryvonne Braunschweig, professeur d’Histoire-Ge´ographie, – Mme Aleth Briat, repre´sentante de l’APHG, membre du Jury national du Concours, –M.E´ ric Brossard, agre´ge´ d’Histoire-Ge´ographie, membre de l’AFMD, – M. Michel Fabre´guet, ancien e´le`ve de l’ENS Ulm, (lettres 1979), professeur d’Histoire contemporaine a` l’Universite´ de Strasbourg III, Robert Schuman, (IEP, CEG et IHEE), Doctorat d’E´ tat e`s Lettres et sciences humaines, doctorat d’Histoire, – M. Pierre Saint-Macary, de´porte´ a` Mauthausen, ancien directeur du Muse´e de l’Arme´e, pre´sident de la commission Histoire de la Fondation pour la me´moire de la De´portation, – M. le Docteur Andre´ Fournier, Vice-pre´sident de l’Amicale de Dachau, – M. Pierre Jaute´e, professeur d’Histoire-Ge´ographie, – M. Yves Lescure, directeur ge´ne´ral de la Fondation pour la me´moire de la De´portation, – Mme Danie`le Meyer (Amicale de Dachau), – Mme Claude Marmot, professeur d’Histoire-Ge´ographie, Fondation Charles de Gaulle, – M. Cyrille Lequellec, documentaliste a` la FMD, – M. Yann Tissier-Jakubovitch, charge´ de communication a` la FMD, – Mlle Rosella Lowenski, responsable des archives orales a` la FMD.

Direction de la me´moire du patrimoine et des archives

Me¤moire Vivante - Trimestriel e¤dite¤par la Fondation pour la me¤moire de la De¤portation ^ A.S.B.L. reconnue d’utilite¤publique (de¤cret du 17 octobre 1990) Place¤e sous le haut patronage de M. le Pre¤sident de la Re¤publique ^ SIRET 380 616 433 00047 APE 913 E ^ C.C.P. 19.500 23 W Paris ^ 30, boulevard des Invalides ^ 75007 PARIS Te¤l. 01 47 05 81 50 ^ Te¤le¤copie : 01 47 05 89 50 ^ Internet : http ://www.fmd.asso.fr ^ Email : [email protected] ^ Maquette, cre¤ation, re¤alisation : EŁditions Tire¤sias 21, rue Letort ^ 75018 Paris ^ Impression : ACTIS ^ BLG TOUL ^ Logo de couverture : Jeanne Puchol ^ No 49 Spe¤cial concours ^ octobre 2006 ^ De¤po“ tle¤gal : octobre 2006 Directeur de la publication : Marie-Jose¤Chombart de Lauwe ^ Directeur de la re¤daction : Francois Perrot ^ Commission paritaire No 0708 G 88240 ^ ISSN 1253-7535.