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Fiche n° 858 pu être ridicule, mais le cinéaste Oncle Boonmee l’humanise avec son récit. Car le 1er - 13 septembre 2010 réalisateur est avant tout un conteur. Les histoires simples de chacun se mêlent aux angoisses contemporaines http://cinemateur01.com de ses prochains. Le racisme envers les Laotiens, l’obsession de l’argent, la quête spirituelle dans un monde individualiste, la paix intérieure à Oncle Boonmee trouver… On se rassure en allant prier pour les défunts et les fantômes (celui qui se souvient de ses vies antérieures) confortent les croyants en affirmant de Apichatpong Weerasethakul que les offrandes sont bien reçues. En faisant dialoguer les vivants avec les avec Jenjira Pongpas, Sakda Kaewbuadee, Thanapat Saisaymar... morts, en mélangeant le passé et le présent, il s’amuse à tisser un dialogue qui révèle davantage les âmes que les Fiction | Thaïlande | 2010 | 1h53 | VO ambitions. Sortie : 01 septembre 2010

L orsqu’on évoque un film être grotesque et qui s’avère Le réalisateur n’a pas évolué sur la d’Apichatpong Weerasethakul (AW, ce magnifique. Ou encore ces clichés forme mais sur le fond. Son film est Synopsis : Souffrant de problème rénaux sévères, l'oncle Boonmee a choisi de sera plus simple), il faut s’attendre à photographiques tournés en dérision plus léger et plus réaliste. Il conserve passer ses derniers jours à la campagne, entouré de personnes aimées. Soudain, le une œuvre étrange. Et Oncle Boonmee où de jeunes hommes, militaires, se son style, et ses obsessions. Au bout fantôme de son épouse décédée fait une apparition surprise pour prendre soin de l’est assurément. Mais ce conte laissent prendre en photo avec un d’une heure et quart, il enfonce sa lui, et son fils surgit également sous une forme non humaine. Boonmee et sa famille fantastique, poétique, romantique et homme singe, tour à tour trophée de troupe dans une jungle. Jusqu’à la s'enfoncent dans la jungle jusqu'à une grotte au sommet d'une colline, qui s'avérera mystique n’a rien d’hermétique, pour chasse et complice sympathique. grotte originelle, source de vie là où les être le lieu de naissance de sa première vie. une fois. Ses audaces le singularisent, On est surpris par l’inventivité du poissons chats naissent avant d’aller mais sa limpidité le rend accessible. Il scénario, glissant des personnages engrosser des Princesses, où va faut même se laisser envoûter par les venus d’ailleurs, des présences pouvoir mourir l’un de ses dernières scènes, qui contrastent avec surnaturelles, et par sa simplicité. Nous descendants, l’Oncle Boonmee. le reste du film, pour accepter la part voici même fascinés par la beauté Chargée de symboles, la séquence Bien que cette Palme d'or fut contestée par certains le soir de son attribution, de mystère et de questionnement. visuelle de certains plans, rappelant le annonce aussi une rupture de ton, le Cinémateur a choisi de vous proposer ce dernier opus du thaïlandais Oncle Boonmee traitant des vies Douanier Rousseau et sa peinture avec un épilogue coloré et musical, antérieures et de résurrection, il ne naïve : à commencer par ce prologue libre d’interprétation, rempli du kitsch Apichatpong Weerasethakul pouvait se conclure sur une vérité, une entre chien et loup, entre jungle et thaïlandais qui démarque ce cinéma de en SORTIE NATIONALE ! certitude ou des explications. prairie, où une vache se libère de ses celui des pays voisins. Il y apporte une attaches, court pour échapper à sa sensualité, moins palpable que dans AW a su nous séduire avec cette condition d’animal esclave. Les ses précédents films, mais n’hésitant histoire de fantômes. La mort n’a rien animaux ont une importance pas à déshabiller les jeunes hommes. e réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul tant, oncle Boonmee décide de délaisser ses travaux d'api- de triste. Le réalisateur s’amuse, et essentielle dans le propos. Moustiques Et un talent certain à construire des est au Festival de Cannes comme à la maison. culteur pour faire à travers la jungle l'ultime voyage jus- nous tire quelques sourires, avec des électrifiés, abeilles corvéables, chien scènes longues et minutieuses (comme L séquences oniriques et ami et surtout les singes… cette armée les gestes y sont précis), avec une Révélé dans la section en 2002 avec qu'au lieu de sa naissance. En chemin, dans la stridulation fantasmagoriques. Quand ce vieil oncle d’Hommes Singes, aux silhouettes caméra immobile et une lumière très Blissfully Yours , il y grandit en 2004 avec , en entêtante de la nuit tropicale et dans les plans infinis qui la malade se croit punit pour avoir tuer inquiétantes, aux yeux rouges perçant douce. compétition (Prix du jury) puis, après un détour par la scrutent, ses vies antérieures reprennent forme. des communistes et des insectes, par dans la nuit, aux couleurs d’un gorilles Mostra de Venise, en 2006, avec , Est-ce lui, ce buffle gracieux détaché sur le vert sombre exemple. Est-ce l’acte ou la sincérité et aux allures d’un homme. Oncle Boonmee , entre naturalisme et revient à Cannes avec son film le plus étrange et radical. du crépuscule, dont les gémissements nous semblent une de l’intention qui influe sur le Karma ? surnaturel, est, de loin, son œuvre la langue connue ? Est-ce lui encore, cette princesse dé- Ou ce poisson chat qui va butiner C’est ainsi que revient le fils disparu. plus maîtrisée et la plus séduisante. Cinéaste et artiste plasticien, Weerasethakul occupe sur la pouillée de son or et fécondée dans un lac par un pois- l’entrecuisse d’une Princesse En homme singe. " Je n’aurai pas voulu carte du cinéma la zone des confins. Un endroit où la ma- son-chat ? Ecran noir.fr narcissique regrettant la beauté de sa vivre ainsi si je ne m’étais pas uni avec gie, le dépaysement, la promesse ou le retour de l'au-delà jeunesse. Scène culte qui aurait pu un homme singe" . Là aussi, cela aurait reprennent leurs droits. Voilà un artiste qui, à tous les Épopée animiste. sens du terme, ne fait pas d'histoires, mais qui invente des mondes, ouvre la porte avec naturel au surnaturel. C'est au spectateur à en décider, face à cette splendide Oncle Boonmee... ne fait pas exception à cette règle. épopée animiste qui lui fait rudement éprouver le prix de du 1er au 6 septembre du 8 au 13 septembre L’illusionniste de Sylvain Chomet When you’re strange de Tom DiCillo sa liberté. Car c'est bien de cela qu'il s'agit.

Boonmee est un homme atteint d'insuffisance rénale qui Oncle Boonmee... fait partie d'un projet au long cours sur la À la fin des années 50, une révolution agite l’univers du music-hall : le succès phénoménal du rock, dont les jeunes vedettes attirent les A l'origine, il y a Les portes de la perception, le livre d'Al- se retire à la campagne pour y passer ses derniers jours. région natale du réalisateur, l'Isan, foyer de l'insurrection foules, tandis que les numéros traditionnels – acrobates, jongleurs, dous Huxley sur son expérience de la mescaline et d'autres ventriloques – sont jugés démodés. Notre héros, l’illusionniste, ne drogues hallucinogènes. Entouré de sa belle-sœur, de son fils et d'un immigré lao- qui déchire aujourd'hui la Thaïlande. peut que constater qu’il appartient désormais à une catégorie d’artis- tien qui s'occupe de lui, il est en proie au retour amical de Il comporte d'autres travaux, notamment une installation tes en voie de disparition. Les propositions de contrats se faisant de La citation de William Blake, qui lui a fourni le titre de ce plus en plus rares, il est contraint de quitter les grandes salles pari- livre, inspira également Jim Morrison et Ray Manzarek fantômes familiers : sa femme, incrustation pâle qui vient (photos et films) qui a été montrée récemment au Musée siennes et part avec ses colombes et son lapin tenter sa chance à pour le nom du groupe - The Doors - qu'ils fondèrent en Londres. Mais la situation est la même au Royaume-Uni : il se rési- se greffer dans la profondeur de la nuit, son fils, devenu d'art moderne de la Ville de Paris. gne alors à se produire dans des petits théâtres, des garden-parties, 1965 à Venice Beach avec John Densmore et Robby des cafés, puis dans le pub d’un village de la côte ouest de l’Écosse, Krieger. grand singe noir et velu aux yeux rouges phosphorescents. Le Monde où il rencontre Alice, une jeune fille innocente qui va changer sa vie Ils allaient devenir l'un des groupes les plus importants et En compagnie de ce petit monde, plus tendre qu'inquié- à jamais . les plus influents du rock américain. la censure, les cinéastes thaïlandais évitaient de toucher à des sujets U n grand bravo à Api- sensibles comme la politique et se rabattaient sur les films d'action chatpong Weerasethakul, ou les comédies. Q uelques heures avant l'annonce du palmarès cannois, le film le premier cinéaste thaïlan- Apichatpong n'est pas le seul à lutter contre la censure. Nak-Prok, dais à avoir remporté la un film thaïlandais racontant l'histoire de trois bandits déguisés en qui allait recevoir la Palme d'or n'avait pas encore de prestigieuse Palme d'Or du moines, avait déjà failli ne pas sortir sur les écrans. Le film contenait distributeur français. Il y a quelques années, une telle situation Festival de Cannes. des scènes où les protagonistes se comportaient d'une manière indi- eût été impensable. Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies Oncle Boonmee (qui se gne de membres du clergé. Les spectateurs sont pourtant assez antérieures ne sort pas, en effet, de nulle part. souvient de ses vies anté- grands pour comprendre que de telles scènes ne sont que de la C'est le cinquième long métrage d'A. Weerasethakul, cinéaste rieures), un film sur la fiction. En dépit du système de classification censé protéger les thaïlandais élu par une grande partie de la critique internationale croyance en la réincarna- spectateurs, le Comité de censure thaïlandais est particulièrement comme l'un des plus grands de son temps, remarqué d'abord au tion, est arrivé en tête du intransigeant quand il s'agit de sélectionner des spectacles qui se- palmarès 2010 grâce au ront donnés dans des lieux publics. Mais il ferme les yeux sur la vio- Film international du documentaire de Marseille en 2001 avec style narratif propre à son lence explicite de certains soap operas que jeunes et moins jeunes Mysterious Object at Noon , célébré ici même dès sa première réalisateur. Cependant, peuvent voir librement sur leur petit écran. De surcroît, ces arbitres sélection à Cannes, en 2002, quand Blissfully Yours fut présenté avant que le ministère de désignés par l'État viennent le plus souvent des forces de sécurité. dans la section Un certain regard, puis auréolé deux ans plus la culture thaïlandais n'en- Ce ne sont ni des cinéastes ni des gens issus de l'industrie du ciné- tard du Prix du jury cannois pour Tropical Malady, et de treprenne de récupérer ma, qui pourraient fournir des commentaires raisonnés sur la classi- nouveau encensé en 2009 pour son exposition "Primitive" au arriver. Le scénario de ce film-ci m'a beaucoup plu. Ce qui m'a l'événement, il serait peut- fication d'un film. Musée d'art moderne de la Ville de Paris. retenu d'investir à ce stade, ce sont les chiffres, très faibles, de être utile de rappeler les Le ministère de la Culture et les autres agences concernées de- commentaires d'Apichat- vraient se montrer suffisamment ouverts pour permettre aux cinéas- La société Ad Vitam, qui avait distribué Tropical Malady , la Tropical Malady (le film avait réalisé 25 573 entrées). Après la pong sur la censure du tes d'explorer de nouveaux thèmes et de nouveaux champs de créa- société Pyramide, qui a finalement acheté les droits d'Oncle projection, à mesure qu'avançait le Festival, l'envie de l'acheter a cinéma dans notre pays. tivité. Même si la plupart des scénarios relèvent de la fiction, les Boonmee..., s'étaient vu, avec d'autres, proposer d'investir dans le mûri. Le dimanche après-midi, quand on a signé, on ne savait La sévérité des censeurs nuit à des réalisateurs tels que Apichatpong interprétations des réalisateurs peuvent permettre aux spectateurs film au stade du scénario. Mais elles ont toutes deux décliné, pas s'il aurait la Palme. Mais on savait que sans elle, on prenait en les décourageant d'explorer des thèmes novateurs. de se familiariser avec certaines questions. Les gens peuvent ainsi préférant attendre de voir le film terminé. 100 % de risques." Oncle Boonmee raconte l'histoire d'habitants du nord-est du pays mieux comprendre la société dans laquelle ils vivent et mieux se Charles de Meaux, l'un des coproducteurs du film, n'est pas A l'étranger, la situation est plus dure encore. Le film a pour qui croient dans les esprits et en la réincarnation. Comme dans ses comprendre eux-mêmes. surpris : "Je produis les films de Joe (le surnom d'Apichatpong l'instant été vendu en Russie, au Portugal, en Grande-Bretagne films précédents, Apichatpong recourt au style fantastique qui lui est Les films produits par un pays reflètent souvent le degré de maturité propre. A travers ce voyage visuel et sonore, il fait découvrir la vie de sa société. On peut se féliciter du nouveau souffle du cinéma Weerasethakul) au forceps depuis dix ans. J'ai sorti Mysterious et en Israël. Le vendeur international, The Match Factory, est en quotidienne des Thaïlandais au monde entier. thaïlandais, dû en partie à la capacité de ses réalisateurs d'analyser Object at Noon en vidéo. Pour Blissfully Yours , Pascal Caucheteux pourparlers avec des Américains également. "Mais en Italie par Mais le cinéaste a eu toutes les peines du monde à faire en sorte des sentiments humains ou des questions telles que les relations (producteur, distributeur et exploitant) m'a mis à disposition sa exemple, il ne sera jamais vu en dehors des festivals, parce que que ses idées et ses interprétations atteignent son public. Il y a entre les hommes et les femmes, l'histoire et les croyances spirituel- salle parisienne du Panthéon. Pour Tropical Malady , Ad Vitam a dans ce pays, assène Charles de Meaux, il n'y a tout simplement deux ans, il a dû batailler ferme contre le Comité de censure thaïlan- les. Mais il y a encore beaucoup à faire pour renforcer la liberté acheté le film, mais a eu beaucoup de mal à trouver des salles. plus de cinéma." dais pour que son œuvre demeure intacte. Les censeurs voulaient d'expression et la créativité des cinéastes. La Thaïlande a une Les distributeurs sont de plus en plus oppressés par la Malgré l'hostilité d'une partie de la critique française, au premier couper certaines scènes relatives à la religion, une question jugée culture et une tradition qui inspirent ses artistes. Et les réalisateurs concurrence de films massifs ; ils n'ont plus d'espace de survie. rang de laquelle on trouve Le Figaro, qui a conduit une sensible en Thaïlande. Lors d'une conférence de presse qui s'est thaïlandais ne demandent rien d'autre que d'avoir la possibilité de tenue à Cannes, Apichatpong a déclaré qu'à cause de la sévérité de mettre leurs idées en scène. Moi, je pensais que c'était le film le plus génial du monde, mais campagne vigoureuse contre le film, dont Eric Lagesse ne The Nation, journal de Bangkok je me suis heurté, lors de la projection pré cannoise, à un accueil s'explique pas la violence, Pyramide espère, grâce à la Palme, extrêmement négatif." élargir le public français du cinéaste. Le distributeur souhaite Chez Ad Vitam, Grégory Gajos explique : "J'ai aimé le scénario, communiquer, notamment, sur le bouddhisme, la réincarnation, mais le film n'a pas été à la hauteur de nos attentes. Les films le mysticisme. "Il faut que nous expliquions aux gens qu'ils vont Huay, son ex-femme, sœur de Jen, sous De ce film très abouti, profond tout au- d'Apichatpong Weerasethakul sont massivement soutenus par la faire un voyage extraordinaire. Je pense honnêtement que le a plongée dans l’univers d’Api- son apparence normale, puis Boonsong, tant que frais et malicieux, représentatif L critique, mais le lien avec le public est beaucoup plus difficile. film peut plaire à une bonne partie des lecteurs du Figaro." chatpong Weerasethakul, plus simple- son fils, en singe noir aux yeux rouges d’un genre de cinéma extraterrestre et Pour les distribuer, il faut vraiment avoir le feeling." Hors des sentiers battus et rebattus, il n'y aurait donc plus de ment appelé Joe, est immédiate, via la luminescents. Ils sont venus le chercher sensoriel particulièrement attendu dans Eric Lagesse, qui dirige Pyramide Films, dit avoir finalement salut sans la Palme. Ha Ha Ha , qui a remporté cette année le scène d’ouverture, époustouflante, nous et l’accompagner. une sélection officielle qui en fut quel- signé le dernier jour du festival, en début d'après-midi, quand il prix Un certain regard, et dont l'auteur, le Coréen Hong Sang- livrant à la sereine méditation d’un buf- Gommant la différence entre l’homme que peu avare, Blissfully yours en 2002 et devenait clair qu'à moins d'une mauvaise surprise, le film serait soo, est lui aussi un des favoris de la critique, n'a pour sa part fle majestueux. et l’animal, le réalisateur peuple la Tropical malady en 2004 avaient chacun à au palmarès. "J'ai découvert le travail d'Apichatpong avec toujours pas trouvé de distributeur en France. Vécu comme une aventure collective grande et envoûtante traversée qui, à leur tour donné l’indescriptible goût. Blissfully Yours , qui m'a emballé, lorsque j'étais jury à la Ciné Isabelle Regnier unissant l’équipe du film, les acteurs et travers la forêt, emmène Boonmee vers fondation. J'ai ensuite voulu distribuer deux de ses films, sans y Le Monde le public, le cinéma selon Joe et sa ca- la grotte qui fut la source de sa vie, de méra exploratrice se font machine à fantômes, d’esprits errants et de créatu- Sur le plan strictement anecdotique et remonter le temps, à créer des vies anté- res surnaturelles, celles de l’enfance qui local, on peut déplorer que la municipa- C'est désormais une vérité péremptoire, un fait établi, presque une loi : le cinéma d'Apichatpong Weerasethakul est l'un des plus inventifs et rieures et des mondes parallèles, à solli- ressurgissent au seuil de la mort. lité, bien que mue par les meilleures les plus beaux qui soit. Pour peu qu'on fournisse l'effort d'adhérer à son univers si particulier, à la mélodie visuelle de la poésie qui se citer des forces mystérieuses, à recycler Après le buffle, c’est dans la figuration intentions du monde et de toute évi- dégage imperceptiblement de ses plans, à sa singulière modernité. l’énergie qui sommeille en chaque être de la réincarnation que le réalisateur dence par la peur de la salle vide, ait Dans la droite lignée de ses précédents opus, Blissfully yours et Tropical Malady , Oncle Boonmee l'homme qui se souvient de ses vies antérieures est vivant. En commettant ainsi une œuvre accomplit les visions les plus envoûtan- créé une mauvaise "bonne" surprise en son film le plus accessible et à la fois le plus réussi à ce jour. Puisant dans les forces tutélaires de la nature, il explore la culture animiste de de pur cinéma avec ce film prodigieux, tes, comme celle, hallucinante, de cette décidant à la toute dernière minute de son pays à travers le dernier voyage d'un homme souffrant d'une insuffisance rénale. il s’attache également à la sauvegarde princesse et de ce poisson-chat entre- priver d’une expérience cinématogra- Derrière des séquences en apparence simples, construites pour la plupart à partir de plans fixes, une sensible poésie se tapit, teintée de de tout un pan du patrimoine culturel prenant, laissant toutefois toujours à phique rare et magistrale les deux-tiers mysticisme. Dans le cinéma de celui qu'on surnomme Jo, les décors jouent un rôle prépondérant, avec lequel communiquent les personnages. On est loin de la capitale bruyante, en proie à la guerre civile. Loin des clichés de la mégalopole, avec ses voies rapides thaïlandais et de ses légendes qu’il voit l’imaginaire du public sa totale liberté du public traditionnellement invité à aériennes, ses touristes en mal de plaisir, ses centres commerciaux gigantesques et ses clubs insomniaques. Chez Jo, la nature occupe le et sent disparaître irrémédiablement, à d’errer où bon lui semble. visionner le film palmé en post-clôture. devant de la scène: les poissons chats font l'amour aux princesses défigurées dont la beauté se reflète sur la surface fugace de l'eau, et les l’instar de son personnage. Du scénario à l’écran, il accomplit un esprits s'invitent au dîner, non pour glacer le sang, mais pour accompagner les êtres chers à la veille de leur mort, même si ils apparaissent Atteint d’une urémie au stade terminal, génial grand écart qui passe nécessaire- Ceux-là, en lieu et place, auront vu Des sous les traits d'une sorte de Chewbacca au poil noir et aux yeux incandescents. Ces mêmes esprits, pour lesquels les Thaïlandais érigent une Oncle Boonmee a rejoint la maison cam- ment par l’énigme et le mystère, la fas- hommes et des dieux , qui, début septem- maison sous leur propre toit, rappellent que les forces de la nature nourrissent le cinéma de Jo, en dressant des ponts entre les vivants et pagnarde et familiale de Jen, sa belle- cination pour une faune et une jungle bre, sera certainement accueilli par un l'au-delà. Ils s'invitent à la table des vivants comme un membre de la famille vous rendrait une visite impromptue. sœur, qui avec l’aide du fidèle Jaai lui fabuleuses des zones les plus reculées beaucoup plus grand nombre de salles A.Weerasethakul croit en la transmigration des âmes entre les hommes, les plantes, les animaux et les fantômes. Jamais ridicules, dispense soins et dialyses. À l’heure du de la Thaïlande, la perception prémoni- que ce cher Oncle Boonmee… faussement naïves et simples, les scènes dégagent une beauté intrinsèque qui relève de la magie. Cette même magie à l'écran qui encourage dernier voyage, des revenants familiers toire d’un futur peuplé de "chemises l'imagination du spectateur. Car dans ce film, aucune vie antérieure de Boonmee n'est explicitement racontée, au contraire, des éléments de ces vies se confondent avec le récit : ici un buffle, là une princesse. Autant de représentations du cinéma lui-même, cette machine à fabriquer s’invitent à sa table en toute simplicité : rouges" Cinemasmag.org des mondes parallèles, d'autres vies. Plumenoire.com