(43) Rivières Qui Arrosent Darnétal
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(43) Rivières qui arrosent Darnétal. - Sources et cours de Robec. - Etymologie du nom de Robec. - Robec et le cardinal d’Amboise. - Le sacristain de Saint-Ouen. - Usines établies sur Robec. – Anciens droits de pêche. - Le droit de planche et le marquis de Seignelai. - Cannetons de Darnétal. De toutes les villes du département , Darnétal est (44) certainement l’une des mieux partagées sous le rapport des cours d'eau, avantage précieux que cette ville doit à sa position, mais dont ses habitans n’ont peut être pas encore su tirer tout le parti qu'il est possible d’en obtenir. Sans les rivières de Robec et de l'Aubette qui coulent dans ses murs, Darnétal n'aurait jamais été qu’un simple village dont le nom serait peut-être à peine connu. Nous devons donc regarder ces deux rivières, sur lesquelles nous allons donner quelques détails, comme l'origine et le fondement de la prospérité de cette ville. La rivière de Robec prend sa source à Fontaine -sous-Préaux, village à une lieue et demie, au nord de cette ville, et au pied d'une côte très-escarpée dont le sommet dépend du Mesnil-Rouge-Terre, hameau d'Isneauville. L'on voit sortir cette source d'entre les racines d'un très-vieux if, par cinq filets assez forts dont la disposition, due au hasard, représente assez bien les cinq doigts de la main, Cette rivière prend son cours à la droite du chemin, traverse une cressonnière assez considérable, fait quelques sinuosités, et, à peu de distance de sa source, elle a déjà suffisamment d'eau pour faire marcher un moulin à blé ; elle poursuit son cours le long de Fontaine-sous-Préaux, de Saint-Martin-du-Vivier, coule tantôt à droite, tantôt à gauche du chemin, et entre sur le territoire de Darnétal, à une centaine de pas au-dessous du moulin de Ronche- rolles. Parvenue à la rue de Préaux, elle se détourne un peu sur la gauche, passe au milieu des propriétés de M. Angran, revient par la rue à-Faire, traverse la rue de l’Avalasse, prend par derrière la rue Maraisquet, jusqu’à la rue du Mont-Roti qu’elle traverse aussi dans sa largeur ; (45) coule ensuite entre les rues de Longpaon et du Chaperon, Pavée et Maugendre, détourne par la chaussée de Car- ville, prend alors son cours parallèlement avec l’Aubette, jusqu'au moulin du Choc où cinquante pas au-dessous elle, quitte le territoire de Darnétal, pour entrer sur celui de Rouen. Cette rivière suit alors la belle vallée de Saint-Hilaire, le quartier de Robec, la rue Malpalu, et va se perdre dans la Seine, un peu au-dessus du Pont-Neuf. Il est difficile d'assigner au juste l'époque où l'on creusa le canal dans lequel coule, depuis un grand nombre de siècles, la rivière de Robec. D'après ce que nous avons avancé au commencement de cette Notice, nous persistons à croire qu'on doit fixer cette époque à celle où l'on jeta les fondemens de Darnétal, car pourquoi aurait-on tracé un canal a cette rivière, si le pays n'avait pas été habité ? Un écrivain, généralement estimé, don Toussaint Du- plessis, dans sa Description historique et géographique de la Haute-Normandie, prétend que Rothomagus, nom latin de Rouen, est dérivé de Robec ou plutôt de Rotbec, ainsi qu’on l’écrivait anciennement. Il veut même plus, il veut que cette rivière soit regardée comme l’origine de Rouen. Nous sommes loin de partager l’opinion de cet écrivain ; nous pensons, au contraire, qu’à tort il applique à Rouen, ce qu’avec plus de raison l’on doit rapporter à Darnétal. Citons d’abord le passage, nous essaierons ensuite de prouver ce que nous venons d’avancer. « Rot veut dire rouge, et mag signifie magasin, provision, » en latin emporium. Le Robec, ou, comme on l’écrivait » anciennement, le Rotbec, en latin Rotobeccus ou Rodobecus, (46) » petite rivière qui se joint à la Seine dans Rouen même, » tire son nom de là. Il fut appelé rouge, de la couleur » que lui donnait apparemment la qualité des terres qu'il, » arrosait, comme on a appelé Rougemare un quartier » proche de Rouen, qui depuis a été enfermé dans la » ville » (1). .» Or, soit que, par le mot Rothomagus, on ait » voulu dire le marché sur le rouge, c'est-à-dire sur le » Robec, soit qu'on ait voulu exprimer simplement la » nature du terrain sur lequel ce marché était situé, c'est » toujours de Rot, dans la signification de rouge, que ce » marché, qui depuis a donné naissance à une grande » ville, tire son étymologie, et il ne faut pas la chercher » ailleurs. » Nous ne pensons pas qu'on puisse raisonnablement admettre une semblable supposition. Un marché peut exister dans une ville, dans un bourg, même dans un village, si l'on veut, mais il n'est pas croyable que l’on n’en ait jamais établi un en pleine campagne, dans un endroit entièrement isolé des habitations. Si un marché ainsi que l'affirme Duplessis, a réellement existé sur la rivière de Robec, l'on doit penser qu'il existait au même endroit, soit un village, soit un bourg ; l'un on l'autre devait avoir un nom : quel était-il ? On l'ignore. Quoi qu'il en soit, la ville, le bourg ou le village auquel ce marché a donné naissance, ne peut pas être (1) La place de la Rougemare à Rouen ne doit pas son nom à la nature du sol, mais au sang qui y fut répandu dans divers siège, notamment à celui de l'an 949, où l'armée de la triple alliance fut taillée en pièces, à cet endroit même, par Richard-sans-Peur, troisième duc de Normandie. (47) Rouen, car cette ville existait déjà comme ville, plusieurs siècles avant que Robec ne coulât le long de ses mu- railles ; d'ailleurs, l’on sait qu'elle portait le nom de Ro- thomagus, lorsque les romains s'emparèrent des Gaules. En supposant que ce soit ces conquérans qui aient donné le nom de Rothomagus à la ville de Rouen, il n'est pas probable qu'ils aient pris celui d'une petite rivière, tandis qu'ils avaient sous les yeux, au pied même de cette cité, un fleuve magnifique dont il eût été plus naturel de lui donner le nom. Si l'on ne peut raisonnablement admettre que ce soit le marché établi sur le Robec qui ait donné naissance à la ville de Rouen, ne peut-on pas, avec plus de vraisem- blance, regarder ce marché comme l’origine de Darnétal, ville plus voisine de la source de Robec, et qui de tout tems a été traversée par cette rivière. Cette supposition rendrait plus probable l'opinion de Toussaint Duplessis, et confirmerait celle que nous avons émise sur l'ancien- neté de Darnétal, ville qui, s'il en était ainsi, aurait porté dans origine le nom de bourg de Robec. Il demeure constant que la rivière de Robec n'a coulé dans l'intérieur de Rouen que dans le treizième siècle. Il est bien vrai que, dès le quatrième, il est fait mention de la porte de Robec, mais cette porte était située aux en- virons de la rue des Savetiers et, de ce côté, Robec ser- vait alors de fossés à la ville. Sous le règne de Richard- le-Bon, quatrième duc de Normandie, cette rivière cou- lait encore dans les faubourgs, car nous voyons dans Farin, qu'en 996 ce prince donna au chapitre de Notre- Dame deux Moulins, proche la ville de Rouen. Or, ces (48) moulins existent encore aujourd’hui, et sont tous les deux rue Malpalu, l'un au pied du mont Saint-Denis, l'autre près le passage de la Tuerie. L’église de Saint-Maclou n'ayant été comprise dans la ville qu'en 1228, Robec n’a pu y entrer qu'à la même époque. De tous ces faits il résulte que, si réellement il a existé un marché sur la rivière de Robec, on doit le placer à Dar- nétal et non à Rouen. En partant de la rivière de Robec, plusieurs écrivains modernes ont avancé à tort que c'est le cardinal Georges d' Amboise, premier du nom, qui a conduit les eaux de cette rivière à Rouen (1). Tout en rendant justice aux vues bienfesantes et philanthropiques de ce ministre, l'ami du peuple et de son roi, l'on ne peut cependant lui faire honneur d'un fait auquel il est absolument étranger, puisque cette rivière, ainsi que nous venons de le voir, coulait à Rouen plusieurs siècles avant la naissance de ce prélat. Georges d'Amboise a rendu assez de services réels à la ville de Rouen, sans qu'on ait besoin de lui en prêter d'imaginaires. Si ces écrivains, au lieu de s’en rapporter à une tradition populaire répandue, il est vrai, généralement à Rouen, avaient consulté nos anciennes chroniques, ils n'auraient pas commis une semblable er- reur. L'anecdote du sacristain de Saint-Ouen, rapportée dans le roman de Rou, est encore une preuve à ajouter aux autres. La voici telle que Robert Wace la raconte : (1) Bulletin de la Société d'Émulation, année 1807.- Essai historique sur la ville de Rouen, par Dornay, page 8.- Description historique de l'Église cathé- drale de Rouen, par Gilbert, page 22.- Annuaire statistique du Département, année 1806, page 7.- Itinéraire de Rouen, première édition, page 178.- Journal de Rouen, 4 janvier 1829, etc., etc.