Le Pays Du Non-Dit Regards Sur La Nouvelle-Calédonie Réédition
Louis-José Barbançon Le pays du Non-Dit Regards sur la Nouvelle-Calédonie Réédition 2 La maison de mon enfance « J’ai passé ma petite enfance dans cette maison du Faubourg Blanchot. Elle était tout pour moi : un château fort, un bateau pirate, un fortin de tuniques bleues. Je revois encore la chambre tapissée de papier jaune, le petit salon, la salle à manger, le garde-manger grillagé, la glacière, le fourneau à pétrole Perfection et les vases de nuit. Il y avait une véranda avec une balustrade en bois, une cave pleine de mystères et d’humidité, un jardin avec des pêchers et des pieds de citrons, une cour où trônait un vieux fourneau à bois Dover de couleur verte, puis un caniveau et un poulailler. Mais surtout, il y avait Mémé ; petite, comme toutes nos grands-mères, toujours vêtue de sombre. J’entends encore sa voix qu’elle rendait aiguë pour appeler la volaille : « piti, piti, pitiii… » et la basse-cour se bousculait vers les grains de maïs ou les restes de repas. Je n’arrive pas à imaginer ma grand-mère sans un poulailler. D’ailleurs, pour moi, Nouméa est devenue une grande ville quand je n’ai plus entendu les coqs chanter ; mais cela, ma grand- mère ne l’a jamais connu. Nous avons quitté le Faubourg Blanchot en 1957 et, depuis, je ne suis plus jamais entré dans cette maison. J’y retourne à l’occasion. Je m’arrête, je l’observe, nous nous regardons et, à chaque fois, c’est toujours la même pensée qui s’impose : la certitude, qu’ici, dans ce pays et nulle part ailleurs, je suis chez moi.
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