b) Sêrie remestriotle : - Gkhgie LE BASSIN D'AMBÂLAVAO INFLUENCE URBAINE ET ÉVOLUTION DES CAMPAGNES (sud Betsileo ) TRAVAUX ET DOCUMENTS DE L’O.R.S.T.0.M. No 33

Michel PORTAIS Géographe de L’O.R.S.T.O.M.,

LE BASSIN D’

INFLUENCE URBAINE ET ÉVOLUTION DES CAMPAGNES

(sud Betsileo Madagascar)

0. R. S.T. 0. M. PARIS 1974 ...... « La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alin&as 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une uti- lisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute reprkentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1” de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal ». ..,...,...

@ O.R.S.T.O.M. 1974

ISBN 2-7099-0330-X Avant-propos

L’étude que nous présentons ,ici est le résultat d’un travail effectué au cours de notre premier séjour à Madagascar en 1969 et 1970. Elle a été réalisée sous la direction scientifique et avec les conseils de M. le Professeur J. DELVERT, de l’université de Paris-IV. Nous avons également largement bénéficié de ceux de M. le Professeur G. SAUTTER président du Comité Technique de Géographie de l’O.R.S.T.O.M. Avant d’en exposer les résultats, qu’il nous soit permis de les remercier très sincère- ment ainsi que : - M. Kléber RAKOTONIAINA, notre assistant malgache dont la conscience profes- sionnelle et la bonne humeur ont été constantes et qui a mené à bien des enquêtes souvent délicates. - Les paysans du Bassin d’Ambalavao qui ont toujours répondu de bonne grâce à nos questions et qui ont montré pour nous un sens parfait de l’hospitalité. Nous pensons spécialement à M. RAHOVALAHY Albert, notable du village d’Ambalafananarana, - Les autorités et personnalités d’hmbalavao qui nous ont toujours assisté au mieux de leurs possibilités, et spécialement les directeurs et enseignants des écoles secondaires. - M. Justin RABEMANANTSOA, dessinateur de la Section de Géographie du Centre O.R.S.T.O.M. de Tananarive. - Nos collègues de la Section de Géographie, et spécialement M. Jean-Pierre RAISON dont les conseils, à chaque période décisive de notre travail, ont été particulièrement précieux.

Cet ouvrage a fait l’objet d’une thèse de 3e cycle, soutenue le 6 Février 1971. U.E.R. de Géographie, Université de Paris IV-Sorbonne. VIII AVANT-PROPOS

- Route revëtue Praticable - Route non rrvëtw 1 touta l’annEc )

JI

Fig. 1. - Carte de localisation. Introduction

L’évolution actuelle des campagnes d’Afrique Noire et de Madagascar est le résultat du contact entre les civilisation traditionnelles de ces régions, presque exclusive- ment rurales, et la civilisation avant tout urbaine qu’ont apportée avec eux les colonisateurs de l’Europe occidentale. Cette évolution est donc principalement le résultat de contacts entre des villes et des campagnes. Ce sont ces contacts qui ont fait naître de nouveaux besoins dans le monde rural, parfois imposés, comme l’argent qu’il fallait trouver pour payer l’impôt, le plus souvent suggérés, comme les besoins en biens de consommation ou ceux d’ordre culturel. La création de besoins nouveaux, quelle qu’en soit la nature est en effet la source de toute évolution. L’organisation de l’espace n’est que la traduction géographique, à la suite d’une certaine évolution historique, de l’organisation d’une société cherchant à répondre à ses besoins. Lorsque ceux-ci se modifient ou que de nouveaux apparaissent, cette organisation peut être amenée à se transformer. Les contacts entre villes et campagnes, dans les régions qui nous préoccupent, doivent donc être parmi les facteurs les plus importants de changement dans l’organisa- tion de l’espace et, à ce titre, intéresser directement le géographe. La volonté de diffuser l’infrastructure administrative, les services sanitaires et scolaires, et de faire pénétrer l’économie monétaire auprès de toutes les populations rurales ont été et sont encore à l’heure actuelle, en Afrique Noire et à Madagascar, à l’origine de la multiplication de petites villes. Si l’on a relativement souvent étudié le rôle des grands centres africains et certains des aspects de leurs contacts avec les campagnes, en particulier c.eux concernant leur approvisionnement vivrier et leur rôle attractif sur les populations de Gbrousse D, plus rares ont été les études portant sur l’influence de ces petites villes. Or, par suite de leur multiplication, c’est finalement par l’intermédiaire des petits centres que la majorité des ruraux sont à l’heure actuelle en contact avec le fait urbain. Ainsi, à Madagascar, les sous-préfectures ayant pour chef-lieu 2 MICHEL PORTAIS

une ville de 5.000 à 25.000 habitants sont peuplées de 3.200.000 ruraux, alors que celles qui ont pour chef-lieu une ville dépassant 25.000 habitants ne comptent que 850.000 ruraux. Or, le chef-lieu de sous-préfecture concentre pratiquement toutes les fonctions urbaines dont le paysan peut avoir besoin, tant sur le plan administratif que wolaire ou commercial. Notre étude du Bassin d’Ambalavao a donc tout d’abord été entreprise dans une optique bien déterminée : évaluer l’influence d’une petite ville sur son environnement rural. La région étudiée, peuplée d’environ 45.000 habitants et qui, grâc.e à son cadre physique bien individualisé et à l’homogénéité relative de sa population forme une petite unité bien définie, était en 1815, lors de la conquête du roi de Tananarive Radama Ier, une région purement rurale, peuplée de paysans Betsileo. Au cours du XIX~ siècle, les Merina y installèrent leur domination en faisant d’Ambohimandroso, village fortifié, un petit centre militaire et commercial qui devint bientôt un centre d’évangélisation. Mais vers 1865, ce centre ne comptait guère que 150 cases. Peu après la conquête française, le site d’Ambohimandroso fut abandonné et Ambalavao devint chef-lieu de district. La croissance de la ville fut lente, mais régulière de 1900 à nos jours. Bien que de création doublement extérieure - merina et française - le fait urbain a toujours été ici intimement lié à son environnement, et presque tous les faits qui ont marqué sa croissance ont eu pour fondement une action sur le milieu rural. Au départ, le but de l’administration était d’assurer une présence, une sécurité du milieu, d’y lever un impôt, d’y faire pénétrer le commerce et l’argent. Les missions et les écoles, dont le point de rayonnement était la ville, avaient un message à faire pénétrer dans les campagnes. Les artisans installés à Ambalavao travaillent depuis toujours les productions des villages environnants, et les quelques petites industries qui s’y sont installées, comme la manufacture de tabac, ne transforment elles aussi que les matières premières venues du milieu rural. Le commerce s’alimentait lui-même en achetant les productions paysannes et, amenant de l’argent, pouvait proposer aux ruraux ses produits manu- fac.turés. Enfin, les facteurs les plus récents de l’expansion urbaine, d’origine administra- tive, ont pour but la diffusion de techniques et de cultures nouvelles dans les campagnes par la vulgarisation agricole et l’animation rurale. Ainsi, parler de fonctions urbaines, à Ambalavao, c’est presque toujours faire allusion à des faits directement en rapport avec le milieu rural. Au fur et à mesure de la réalisation de notre travail, et principalement dans la phase de dépouillement des résultats et de rédaction, il nous est apparu qu’à côté de l’influence directe de la petite ville qui nous a toujours semblé réelle et importante, nous ren- r.ontrions certaines innovations, comme l’introduction de la culture attelée, -pour lesquelles l’influence réelle d’Ambalavao n’était pas évidente. La question n’était-elle pas plutôt de déterminer dans l’évolution des campagnes la part de l’influence urbaine et la part des conditions naturelles et des conditions d’aménagement traditionnel des terroirs ? En fait cette opposition n’est pas valable, car l’influence urbaine est dynamique alors que les conditions naturelles et d’aménagement traditionnel sont structurelles et statiques. La réalité est qu’il existe un dynamisme des innovations qui doit entraîner des changements dans l’organisation de l’espace. Les facteurs naturels et l’organisation traditionnelle des terroirs sont les conditions dans lesquelles s’exerce ce dynamisme, INTRODUCTION 3 qui y rencontrent des obstacles plus ou moins importants, plus ou moins surmontables, ou au contraire des facilités. Mais si ce dynamisme des innovations n’a pas son unique origine dans la petite ville d’ambalavao, il l’a en réalité dans un processus général de diffusion géographique des innovations, des valeurs, des comportements, des organisations et des institutions urbaines, qui est la définition de ce que J. FRIEDMANN (1) appelle Gl’urbanisation B )) par opposition à une o urbanisation A u qui serait purement o la concentration géo- graphique de population et d’activités non agricoles dans un milieu urbain de formé et de taille variables 8. En fait, ce n’est pas à la simple influence d’hmbalavao que l’on doit le dynamisme des innovations dans les campagnes du Bassin et l’évolution de l’organisation de l’espace qui en résulte, mais au processus général (Cd’urbanisation B 1) dont la force initiale se trouve en un ou plusieurs centres d’émergence des innovations, Tananarive principale- ment, et dont la petite ville d’Ambalavao ne constitue que le relais local. Il est donc nécessaire de bien préciser que chaque fois que nous parlerons de l’influence d’dmbalavao, il s’agira en fait d’un Ambalavao-relais et donc plus généralement d’une influence urbaine générale, c’est-à-dire dont le foyer n’est pas nécessairement la petite ville. A propos de cette petite région, et en considérant les modes d’évolution du,milieu rural, voici donc les questions que nous nous sommes posées et auxquelles désire répondre cette étude : - Dans quelle mesure la ville d’Ambalavao est-elle facteur d’évolution de son environnement rural ? Lui reste-t-elle étrangère ou contribue-t-elle réellement à y sus- citer des besoins nouveaux? - Si l’influence urbaine sur le milieu rural peut être établie, quel en est le bilan? Se contente-elle d’en drainer les éléments les plus dynamiques et leurs biens, tout en désorganisant ses anciennes structures, ou bien les fonctions urbaines ont-elles suscité des innovations dans les campagnes voisines propres à satisfaire ces nouveaux besoins? - De ces transformations, et spécialement de l’introduction d’innovations, qu’en résulte-t-il sur le plan de l’organisation de l’espace ? Les relations villes-campagnes s’exercent différemment d’un village à l’autre par suite de l’influence diversifiée des facteurs naturels et agronomiques, des variations de densité d’occupation du sol d’un terroir à l’autre et surtout des divers degrés d’isolement par rapport à la ville. Tout cela n’est-il pas à l’origine d’une nouvelle micro-régionalisation du Bassin? Et qu’en résulte-t-il au niveau des villages et de leur terroir? - Enfin, la petite ville est-elle capable de réinvestir sur place le bénéfice en hommes et en biens qu’elle tire de ses échanges avec la campagne, ou bien n’est-elle que le relais de villes plus importantes, comme ou Tananarive, favorisant ainsi le drainage de toute sa région vers l’extérieur? L’exposé que nous faisons par ailleurs sur nos méthodes d’étude indique de quelle façon nous avons cherché à répondre à ces questions. Nous avons choisi avant tout d’appréhender l’influence urbaine en nous plaçant du côté de la campagne et spécialement

(1) J. FRIEDMANN, E. Mac GLYNN, B. STUCKEY et CHUNG-TONG WV, 4 Urbanisation et développement national : une étude comparative r). Reuue Tiers-Monde, t. XII, no 45. Janvier-mars 1971, pp. 13 A. 44. 4 MICHEL PORTAIS

à part.ir de onze villages répartis dans tout le Bassin (1). Deux études de terroirs, dans deux villages très opposés quant SI leur ouverture à 1’influenc.e urbaine, ont en outre étb: effectuées, de fason à mieux comprendre l’influence des données naturelles et humaines et d’appréhender au niveau des terroirs l’évolution de l’organisation de l’espace. Des enquètes ont enfin été menées sur tous les marc.hés de la région et spéciale- ment c.elui d’ambalavao, ainsi que sur les diverses fonctions de la petite ville.

(1) Sur le choix de ces villages, voire en annexe les méthodes d’enquêtes. 1

Les anciens facteurs de l’organisation de l’espace

La région étudiée et ses limites.

La petite ville d’Ambalavao est située sur la route nationale 7, Tananarive-Tuléar, à 55 km au sud de Fianarantsoa, au centre d’une cuvette topographique ample et bien indiviclualisée. La (Crégion d’Ambalavao D constitue l’ext$me-sud de cet ensemble vaste et bien peuplé du centre de 1’Ile appelé traditionnellement Grégion des Hauts Plateaux )) qui bénéfic.ie d’un climat tropical d’altitude. Elle correspond également à l’unité historique la plus méridionale du GPays betsileo )). La région étudiée est plus précisément celle que nous appelerons, tout au long de ce texte, le GBassin d’Ambalavao D (fig. 2) constitué par la cuvette topographique d’ambalavao, située à une altitude moyenne de 950 m, ainsi que des vallons affluents de l’est et de la haute vallée de la Mananantanana, directement ouverte sur cette cuvette. Au nord, le Bassin est limité par le col d’Ambalavao (1.309 m) qu’emprunte la R.N. 7 ; au nord-est par le massif du Lakera (1.950 m) ; à l’est par la grande forêt primaire qui recouvre la ligne de partage des eaux entre le canal du Mozambique et l’océan Indien, et qui isole le pays betsileo du pays tanala ; au sud, la limite du Bassin est constituée par les seuils rocheux dépeuplés barrant à l’aval les hauts bassins de la Rfanandriana (canton de ) et de la Manombolo (canton de ) ; à l’ouest, les limites sont plus imprécises, mais jalonnées par une suite de hauteurs granitiques orientées nord-sud : 1’Ifaha (1.4% m), le , le Sosamena (1.307 m), l’hmindra- bary (1.367 m), pour rejoindre le seuil d’Ambatomanga, en aval de Betorabato, où la Mananantanana quitte le Bassin par une série de rapides ; au nord-ouest, enfin, le massif du Yohibe forme une puissante muraille culminant à 2.065 m d’altitude. La région ainsi délimitée correspond aux cantons d’Ambalavao, d’, d’Ambohimandroso, d’ et d’une grande partie du canton d’Iarint- 6 MICHEL PORTAIS

Fig. 2. - Le Bassin d’amhalavao. Présentation gbnérale. sena, c’est-à-dire a la partie la mieux peuplée de la sous-préfecture, coïncidant à peu près exactement à l’aire de rayonnement du marché hebdomadaire cl’Ambala\-ao (1). Dans ce Bassin vivent environ 45.000 habitants sur une superficie voisine de 1.000 km2.

* c ‘I

1. LE PEUPLEMENT. Le milieu rural du Bassin d’Ambalavao est presque exclusivement peuplé de Betsileo.

A. L’origine. Il ne saurait être question de revenir ici sur les hypothèses de l’origine des ethnies malgaches, sur lesquelles ethnologues et archéologues ont encore beaucoup à dire. A quelle époque les hommes sont-ils venus s’installer dans le Bassin d’Ambalavao? L’état de nos connaissances ne permet pas de le dire avec certitude. Toujours est-il que l’actuelle population betsileo n’est pas le résultat d’une immigration brutale ou même

(1) Voir fig. 11. ANCIENS FACTEURS DE L’ORGANISATION DE L’ESPACE 7

étalée de gens ayant la même origine, mais qu’ellë est l’aboutissement d’unions locales de groupes arrivés successivement. Pour prendre un exemple, le village de Manambelo, dans le canton d’Anjoma, est constitué de deux groupes lignagers : les Bongo et les . Les Bongo ne connais- sent pas leur origine et prétendent que leurs ancêtres, depuis toujours, vivaient ici. Le terme Bongo, aux yeux des Betsileo, désigne les gens des forêts ou des montagnes, évoquant les populations primitives de l’île (1). Les Mahaditra considèrent les Bongo comme des naïfs, croyant à des légendes dont ils plaisantent, et savent que leur ancêtre à eux est venu du Nord, de la région de Mahaditra dans l’actuel district de Fianarantsoa, dans le courant du siècle dernier. En fait, les alliances matrimoniales qui ne sont pas exceptionnelles entre les deux groupes lignagers, par l’intermédiaire des unions avec les villages voisins, nous montrent bien que dans ce cas, la population actuelle est l’aboutissement d’un métissage local entre gens venus du Nord et population très anciennement établie dans la région. Cependant, c’est l’immigration originaire du Nord, et qui n’a pas cessé depuis deux siècles, qui a imprimé ses traits fondamentaux à la population de la région. Le peuplement s’est fait lentement et plus tardivement que dans le reste du pays betsileo. Aujourd’hui encore, le Bassin d’Ambalavao reste plus faiblement peuplé que les autres bassins du pays, entre Ambositra et Fianarantsoa, et son peuplement se poursuit encore de nos jours par immigration, du moins dans sa partie occidentale. Dans les villages que nous avons étudiés, les chefs de famille qui connaissent l’origine de leurs ancêtres les font tous venir des régions betsileo au nord d’Ambalavao, de Fianarantsoa et d’Ambositra principalement. En fait, ces régions n’ont souvent constitué qu’une étape d’une ou deux générations entre la côte est et Ambalavao. Les anciens du village d’ambalafananarana, près de , en’ ont une réelle connaissance et se savent d’origine Antaimoro. Dans le village d’hndohavolo, le plus à l’ouest de ceux que nous ayons étudiés, dans la partie la moins peuplée du Bassin, 6 chefs de ménage sur 22 sont nés dans le district de Fianarantsoa et 7 sont issus de villages de la partie centrale ou orientale du Bassin. Des familles viennent donc encore, à l’époque actuelle, des régions les plus peuplées du Betsileo pour s’installer dans la partie occidentale du Bassin d’ambalavao.

B. La civilisation agraire.

Les populations betsileo qui ont peuplé la région d’Ambalavao, ont apporté avec elles une civilisation agraire qui a profondément marqué le paysage rural et dont les fondements sont la riziculture et l’élevage des zébus. La société était divisée en de multiples petits Groyaumes o sans unité réelle. La véritable unité territoriale était celle du village ou d’un groupe de hameaux reposant sur un lignage d’origine dont l’assemblée des anciens, le fokonolona, organisait les travaux utiles à toute la communauté villageoise tels que la construction et l’entretien des barrages et des canaux d’irrigation. 11n’y a jamais eu dans la partie sud du Betsileo une unité politique comparable à celle que créèrent les rois merina du XVIII~ siècle et qui eût été capable d’entreprendre des travaux d’hydraulique sur de vastes ensembles.

(1) DUBOIS (H. N.), Monographie des Beitsileo. Insfifuf d’EfhnoZogie. Paris, 1938, 1610 p. 8 MICHEL PORTAIS

Nous décrivons ic.i, très brièvement, la civilisation agraire des Betsileo telle qu’elle existait au siècle dernier, avant l’installation du fait urbain et la mise en présence d’une civilisation nouvelle. La plupart de ses traits se sont gardés à travers les transformations récentes, mais il est utile de se la rappeler afin de bien comprendre quels étaient aupa- ravant les grands fac.teurs de l’organisation de l’espace. La culture du riz était la préoccupation majeure du paysan, et, hors de ses loisirs au village, c’est sur la rizière qu’il passait la quasi-totalité de son temps. Certes, le cycle complet de la culture, de la préparation de la pépinière à la moisson en passant par les labours, la mise en boue, le repiquage et les sarclages, ne prend jamais plus de 8 mois, mais le reste du temps était souvent owupé à l’entretien des diguettes, la réparation des barrages et des c.anaux, et à la construction de nouvelles rizières, souvent en gradins, dans des conditions extraordinaires et parvenant à façonner des c.ollines entières. Le Betsileo aime sa rizière et les soins qu’il lui apporte le font c,onsidérer comme Irl meilleur paysan de l’ile. La culture traditionnelle du riz, sur des rizières cultivées chaque annke et qui ne reçoivent pratiquement auc.un engrais en dehors des déjec.tions des bovins lors du piétinage, donne des rendements de l’ordre de 2 tonnes de paddy & l’hectare (1). Les beufs constituaient le deuxième objet de préocwpation du paysan. Pourtant, les t,roupeaux du Betsileo sont parmi les plus petits de l’île, et l’on compte dans les campagnes du Bassin d’ambalavao, à l’exception des villages les plus à l’ouest, moins d’un zkbu par habit.ant. Cette proportion a lentement décru depuis le début du siècle, et enc‘ore actuellement, le nombre de zébus reste à peu près stationnaire alors que la population augmente. Pour le paysan, le bœuf zébu a trois fonctions : la premiè.re est de servir à la mise en boue de la rizil.rc, lors du o piétinage v qui préc%de le repiquage, et pour laquelle l’entraide se pratique largement. La deuxième est de constituer une sorte dc caisse d’épargne du paysan, et à ce titre, il doit pouvoir s’engraisser sans créer de soucis à son propriétaire. La disposition de vastes pSturages naturels est donc néc.essaire, et lorsque la saison sèche se fait longue, ce qui est presque toujours le cas à Ambalavao, la pratique des feux de brousse est fréquente. Elle permet. de profiter des repousses qui suivent les premikres pluies, et contribue à la dégradation du paysage végétal et, des sols dans de tristes proportions. Enfin, la troisième. fonction du bœuf est d’assurer le rang social des propriétaires et de permettre l’organisation des fetes familiales (circoncision, fama- dihana (2)). L’attachement du paysan à ses bœufs est proverbial et c’est souvent la rechewhe de meilleurs pâturages, plus que la recherche de nouvelles rizières, qui a été à l’origine d’import.antes migrations. Ainsi, la c.ivilisation agraire du payL;an betsileo s’est-elle traduite, sur le plan de l’organisation de l’espace, par la recherche, par de petit.s groupes familiaux, de terroirs rassemblant les conditions naturelles favorables à la riziculture et à l’élevage des bovins : des vallons bien drainés et faciles à irriguer, et de vastes pàturages que l’on fasonnait au besoin par le feu. Le village, rassemblant les membres d’une ou de plusieurs familles auprès du ou des tombeaux familiaux, satisfaisait ainsi à ses principaux besoins. Le reste était. secondaire et ne constituait jamaiy> un impératif. Ainsi la proximité dc la forêt

(1) Rkdtats des sondages de l’opération Productivité Rizicole sur les cultures traditionnelles dan; cette rbgion. (2) CBrérnonie traditionnelle d’exhumation des ancêtres. ANCIENS FACTEURS DE L’ORGANISATION DE L’ESPACE 9 permettait de se procurer quelques produits de cueillette comme le miel, et la pratique de la pêche, la culture de quelques légumes, de quelques plants de tabac ou de canne à sucre et la fabrication du rhum, permettaient d’ensoleiller un peu l’existence. L’histoire allait se charger d’imposer un impératif supplémentaire : celui de la défense des villages. Avant d’examiner les implications de l’histoire sur l’organisation de l’espace du Bassin d’Ambalavao, voyons maintenant de quelle façon s’est traduit le contact entre l’homme betsileo et le milieu naturel de cette petite région. * 1 * 2. LE MILIEU NATUREL. A. Le climat. L’originalité du climat (1), par rapport au reste de la partie bien peuplée des Hauts Plateaux malgaches, est sans doute le point le plus fondamental, par ses conséquences humaines, de toutes les données naturelles du Bassin d’hmbalavao.

Courb. des précip;t&ms

Courb, dc, trmp;r.tur..

IIIIIlII Piriod. ic&.giq”rm.“t .ich* ( Pmn L 21-c)

Fig. 3. - Diagramme ombrothermique (type : Bagnouls et Gaussen), d’après F. S~UBIES : Sol et pédogenése dans la cuvette d’Ambalavao.

(1) Les chiffres indiqubs ici sont calcu!és pour la pkiode 1936-1960 et 1963-1968 pour les pluies et 1963-1968 pour les températures.

2 10 MICHEL PORTAIS

Cette région constitue une véritable marche climatique entre les Hautes Terres centrales et les pays du Sud et de l’Ouest plus secs et plus chauds. La moyene nannuelle des précipitations à Ambalavao est de 987 mm, alors qu’elle est de 1.221 mm à Fianarantsoa, et qu’elle tombe à 820 mm à Ihosy. Le nombre de jours de pluies de plus de 0,l mm est de 106 à Ambalavao contre 167 à Fianarantsoa et, 72 à Ihosy. Durant les 7 mois de la saison sèche (avril à octobre), la région ne reçoit que 140 mm de précipitations. Près de la moitié du total de celles-ci tombent en décembre et janvier (453 mm sur 987) et sous forme de violents orages. Il n’est pas exceptionnel qu’un mois soit entièrement sec. Inversement, durant le mois de décembre 1948, il est tombé 563 mm d’eau et le record pour 24 heures appartient au 7 février 1945 avec 149,3 mm. Comme beaucoup de régions malgaches, celle-ci est fréquemment affectée par des perturbations cycloniques. On en compte à peu près une tous les dix ans qui ait de

TABLEAU 1 DonnEes mlt?oorologiques xi Janv. IFBvr. 1hlars 1Aval ./ Mal .j Jum . / Juil. . 1 Août 1 Sept. 1Oct ++~*) hfoyennes mensuelles (en mm)... . 234,6 145,7 139,O 26,3 16,3 15,O 13,6 12,6 15,4 37,7 112,4 218,S 987,4 -p-p------Maxima mensuels ! (en mm)...... 452,2 431,7 338,3 151,7 57,2 82,6 32,7 56,O 100,2 101,4 242,5 563,6 1724,6 : ------, ! Minima z mensuels : ! fen mm)...... 22,6 38,0 60,3 1,5 0 0 0 0 0 2,l 15,s 52,5 733,7 .l --w------Nombre maximum de jours de pluies 24 22 24 11 13 15 12 10 10 9 19 25 131 jours --~~--~~~~~- I Nombre minimum de jours de pluies 8 8 6 1 0 0 0 0 0 2 5 6 59 jours

Moyennes mensuelles (en oc). . . . . , . . . 2306 2305 2203 2104 1803 1601 1504 1600 1809 2103 2104 2204 20005 -~-~--~--~~~ 2f Maxima moyens ; (P ouï- I’annbe 1968) u: (en oc)...... 3202 33”5 31”5 3103 2901 2105 2001 2300 2607 2900 2408 2805 2706 4 ~~~----~-~~~ Minima moyens pour l’anni%) 1968) (en oc)...... , 1301 1209 1102 907 605 707 705 605 901 604 1206 1403 908 ANCIENS FACTEURS DE L’OTGANISATION DE L’ESPACE 11

graves effets. Cependant, durant la durée de notre étude, deux dépressions tropicales ont ravagé la région, GDany )) en février 1969, et (l Jane )) en février 1970. Les dégâts ont été très importants par suite des inondations qui en ont résulté : ponts coupés, maisons effondrées par l’humidité, et surtout, dans certaines zones, rizières ensablées. La sécheresse relative du Bassin d’AmbaIavao est sans doute due à sa position topographique : bien encaissé, il se trouve abrité des influences orientales. De plus, on peut remarquer sur place la sécheresse plus nettement marquée du centre du Bassin, qui est peut-être due à un léger phénomène de foehn.

Le régime thermique. / 11 est particulièrement intéressant de le comparer à celui de Fianarantsoa.

Moyenne annuelle Moyenne des maxima Moyenne des minima

Fianarantsoa...... 1805 2308 1303

Ambalavao ...... 20005 (1) (27O6) (2) P08) (2)

Ihosy ...... 2107 2709 1506

La continentalité est donc bien marquée, l’humidité et la nébulosité sont beaucoup moins fortes qu’à Fianarantsoa, ce qui explique la plus grande amplitude entre minima et maxima. L’absence de toute observation hygrométrique suivie nous empêche d’en apporter la preuve chiffrée, mais les impressions de tous les observateurs vont dans ce sens. Enfin, les gelées blanches ne sont pas inconnues à Ambalavao. La moyenne des maxima en 1968 - seule année pour laquelle nous disposions de chiffres - fut supérieure à 300 durant trois mois et ne fut jamais inférieure à 200. La moyenne des minima ne monta jamais au-dessus de 150 et resta inférieure à 100 durant sept mois. L’élévation des températures et l’abaissement des précipitations par rapport à Fianarantsoa entraînent une aridité nettement plus importante que sur le reste du pays betsileo. AI+-& Ainsi, si l’on calcule l’indice d’aridité corrigé de E. de Martonne i = 2 P où A1 est l’indice d’aridité annuel - T-I-10 et A, l’indice d’aridité du mois le plus sec - 12P tt10

(1) Moyenne pour la période 1963-1968. (2) Moyenne pour l’année 1968. Ces donnees proviennent de la Mission des Tabacs d’Ambalavao. La différence des sources entre (1) et (2) explique que pour Ambalavao, la moyenne annuelle ne corresponde pas a la moyenne des maxima et des minima des deux autres colonnes. Pou~ Fianarantsoa et Ihosy, les donnees proviennent de 1’~ atlas méteorologique I) de l’IRSh1, Station agronomique du lac Alaotra, 1958. 12 MICHEL PORTAIS

on obtient : A1 = 32,9 A, = 9,6 i = 21,2 (1) Si l’on admet avec Ch. P. Péguy que pour les zones semi-arides, cet indice est compris entre 5 et 20 on voit que la région d’Ambalavao est à la limite du domaine semi-aride. Ceci d’autant plus que le climat de cette région, du moins du point de vue des précipitations et à cause des phénomènes cycloniques, est un climat de paroxysmes, avec de nombreuses années beaucoup plus séches que les moyennes ne l’indiquent. Ces caractères du climat sont de grande importance sur le plan de I’éc.onomie agricole. Dans le cadre du système traditionnel, reposant sur le riz et le bœuf, il est plus défavorable que sur le reste des plateaux mieux arrosés et moins sujets à d’aussi grandes irrégularités. En revanche, si l’on se place dans le cadre d’une économie d’échanges, ce climat au printemps plus précoce, aux précipita.tions moins abondantes et surtout à l’ensoleillement plus grand que sur le reste des hauts-plateaux du centre, fait bénéficier les cultures fruitières et une partie des cultures légumières d’un avantage c.ertain. C’est à l’exploitation de cet avantage que devraient tendre les efforts actuels de promotion économique.

B. Le relief. Le Bassin d’Ambalavao est le plus ample de tous les bassins du Betsileo. La vue que l’on a en arrivant de Fianarantsoa par le Gcol d’Ambalavao )) sur la R.N. 7 ne laisse pas de surprendre. Lorsque l’on vient de traverser tout le Betsileo, depuis Ambositra au nord, c’est la première fois que la vue s’étend si loin et que l’on a devant soi une véritable plaine, parsemée de reliefs résiduels et faiblement modelée par des vallons aux versants convexes. Au sud et à l’ouest, on découvre des re!iefs vigoureux aux formes beaucoup plus vives que plus au nord et qui évoquent déjà des régions plus sèches et des formes de relief de pays semi-arides. Aux yeux de tous les voyageurs, Ambalavao est la porte du sud. Le plancher de ce Bassin s’abaisse faiblement d’est en ouest, et la Mananantanana qui le traverse du sud-est au nord-ouest passe ainsi de 980 m aux environs d’Ambohi- mahamasina à 915 m à Betorabato, distant de 45 km à vol d’oiseau, mais de 90 km environ si l’on suit le cours de la rivière qui, au centre de la cuvette, très plate, décrit de nombreux méandres. Les reliefs-rkiduels qui parsèment le fond de la cuvette comme les spectaculaires Grochers D d’Ifandana (1.107 m) et de Vohitroso (1.142) où ceux, aux formes moins vigoureuses qui ont longtemps servi de site d’habitat fortifié, comme MaropaFasy, l’hndroka, ou Ambohimandroso, correspondent (2) à des barres rocheuses, migmatites granitoïdes, gneiss, gneiss granitoïdes, qui, soit par leur composition minéralogique, soit par leur structure, sont moins facilement altérables que les migmatites qui emballent l’ensemble des reliefs du Bassin et en constituent l’essentiel du matériel rocheux.

(1) Les donnbes de tempbrature étant calculées pour la période 1963-1968. (2) Pour tout ce qui concerne l’explication morphologique de ce paysage, il convient de se réf&er au récent ouvrage de F. S~UBIES, Sols et p8dogenése dans la cuvette d’Ambalavao. Tananarive. O.R.S.T.O.M. 1969. Et la thése de M. PETIT, Contribution à l’Btude morphologique des reliefs granitiques a Madagascar. Chez l’auteur, 1971, 305 p., plus croquis. ANCIENS FACTEURS DE L’ORGANISATION DE L’ESPACE 13

Les lames rocheuses de granite andringitréen qui forment l’écrin de la cuvette d’Ambalavao et dont les plus beaux exemples sont les magnifiques dômes de Iandram- baky (1.428 m) (photo n 0 1) sont constituées de granites homogènes. Ce sont des inselbergs, car la rupture de pente, parfois sous éboulis, est très marquée à leur base. Toute influence tectonique étant exclue, la présence de tous ces reliefs doit faire considérer ce Bassin comme un alvéole d’érosion différentielle.

A. Alluvions anciennes -&&-- 8. Alluvions ricmtra mbaib&or* Granit., Andringitrém. (rynt.ctonip*) E Mipatitr~ granitoïdw Ppxino- l nphibolitr* E Hipatitcr @g Migmallt~~ œill&. du vieux nocI=

Fig. 4. - Coupe géologique schématique à travers le Bassin d’Ambalavao, d’après S~UBIES F. : Sol et p6dogen8se dans la cuvette d’hmbalavao.

Les cours d’eau permanents, comme la Mananantanana ou la Manambolo sont encaissés de 10 à 20 m et de plus en plus d’amont en aval, dans des alluvions anciennes qui semblent être d’origine climatique, le seuil de Betorabato, exutoire de toutes les eaux du Bassin excluant une explication eustatique. Enfin, le relief de détail est dominé par l’abondance des vallons qui, bien développés dans la partie orientale du Bassin, sont très peu encaissés dans la partie centrale et occidentale. Ils sont très ramifiés et, dans la partie centrale de la c.uvette, ont une morphologie semblable à ceux rencontrés dans le Moyen-Ouest de I’Imerina. Leurs versants sont convexes et leur aménagement en rizières accentue encore l’aspect de platitude de leurs fonds. Ces vallons de recreusement récent semblent être les témoins d’un encaissement sur place du réseau hydrographique effectué sous un climat plus humide que l’actuel et sous couvert végétal plus dense, par un système d’érosion où l’altération l’emportait sur les phénomènes mécaniques. L’érosion actuelle se manifeste sur le plateau migmatitique occupant le fond de la cuvette par des processus d’érosion en nappe, comme en témoignent les petites accumulations sableuses que l’on trouve derrière les touffes de graminées, tandis que les éléments fins sont entraînés, engendrent l’appauvrissement de la partie supérieure des profils. Sur les pentes, en revanche, l’érosion actuelle est linéaire et ravinante, dégénérant localement en ((lavaka 0, surtout dans la partie nord de la cuvette où des reboisements - devraient être pratiqués d’urgence. 14 MICHEL PORTAIS

Ainsi, reprenant les propos de F. S~UBIES, on peut dire que l’alvéole d’érosion d’Ambalavao présente une morphologie composite où l’on retrouve le témoignage de c,limats plus secs (grandes étendues planes, reliefs résiduels) et plus humides (vallons encaissés) que I’ac.tuel.

Cl. La végétation. Pour compléter ces remarques à propos de l’influence des climats, disons qu’en ce qui concerne la uégélalion, P. MORAT a trouvé ici des espéces de l’est et du sud-ouest de l’île, toutes à la limite de leurs aires climatiques respectives. La quasi-totalité du Bassin, hors des zones cultivées OLI reboisées en eucalyptus est recouverte d’une savane herbeuse où Aristida et Heleropognon contortrrs (danga) sont les espèces les plus souvent remarquées. Signalons dans cette savane la présence du Snkon, arbre typique du sud-ouest de Madagascar, qui semble avoir été récemment introduit par l’homme et qui se régénère bien, montrant, s’il en était encore besoin, que le c.limat du Bassin est bien plus proche de celui du Moyen-Ouest du sud que de celui des Hauts-Plateaux. La for& primaire, quant à elle, ne se rencontre qu’en lambeaux dans les endroits les plus inaccessibles à l’homme. Elle semble avoir été détruite par le feu à une époque où elle était déjà en déséquilibre avec le climat. Cette destruction remonte peut-être a 600 ans environ dans le centre de la c.uvette si l’on en croit la datation au C.14 d’horizons t,ourbenx ent.errés. Elle est trés récente sur les marges, si l’on en juge par la fraîcheur des versants pyramidaux. Sa disparition brutalc a dfi enkaîner une vague d’érosion catastrophique.

Nous ne décrirons pas en détail les sols du Bassin d’ambalavao, puisque ce travail vient d’etre fait par F. S~UBIES auquel nous renvoyons le lecteur. Nous nous bornerons à donner quelques aspec.ts essentiels des grands types de sols classés selon les différents sites topographiques où on les rencontre. - Les sols h~ydromorphcs de fonds dc &Ion. Bien que. ne couvrant pas de très grandes surfaces, ce sont eux qui sont les plus intensément utilisés par les paysans betsileo, puisque c.e sont lrs sols de rizières. Presque t.ous sont en effet utilisés à cette fin. Relative- ment riches en azote mais assez pauvres en bases échangeables, ils sont capables de donner de bons rendements en culture traditionnelle, de l’ordre de 2 T/ha, grâce à une bonne maitrise de l’eau et à des fagons culturales minutieuses. Une meilleure utilisation du fumier, l’application d’engrais phosphocakique et potassique et un engrais vert ou plantes fourragères cultivées en contre-saison les amélioreraient facilement. - Les baihohos ou sols de berges, d’alluvions récentes, constitués de limons et de sables fins, recouverts chaque année par les crues et culti\-és en contre-saison, constituent la deuxième catégorie de sols très recherchés par les paysans. Utilisés depuis longtemps

(1) Cf. S~UBIES (F.!, op. cit. - RIQUIER (J.), fi Notice explicative de In carte d’utilisation des sols d’Ambohi- mandroso. District d’Ambalavao 10.Mém. IRSM. SGrie D, t. VII, 1956. - VIEILLEFON (.J.); u Notice sur les certes d’utilisation des sols. Feuille de la hlananantnnana * IRSM. Tananarive 1959. Auxquels nous devons l’essentiel de notre information sur cette partie. ANCIENS FACTEURS DE L’ORGANISATION DE L’ESPACE 15

___ sont linr B Alluvions anciennes

RP 5015NUgrS OU jaunes pulvérulent5 m ,I ricenks (baiboho) Ape 5.4s pu~vbrulen~s érodés

Fig. 5. - Les sols du bassin d’hmbalavao. Coupe schématique. pour la culture du tabac et plus récemment pour celle des tomates et des oignons, ces sols ont malheureusement une faible extension, en bordure des cours d’eau permanents, et leur topographie tourmentée et instable les rend quelquefois dificilement utilisables. - Sur les alluvions anciennes, en bordure immédiate des baibohos des vallées alluviales, et spécialement dans les méandres de la Mananantanana, se sont développés des sols jaunes ferrallitiques. Leur extension est faible. Ils sont extrêmement pauvres en éléments fertilisants et notamment en bases échangeables. Heureusement, leur structure est bonne et les plantes y souffrent peu de la sécheresse, en outre ils ne craignent guère l’érosion. Convenablement enrichis en matière organique et en engrais potassiques, ces sols donneraient de bons résultats pour des cultures très variées. - Les colluvions de basses-pentes, au niveau du contact des bas-fonds rizicoles et des flancs de vallons, constituent des sols particulièrement sableux et sujets à une intense érosion. Fréquemment annexés par planage aux rizières de bas-fonds, ils sont souvent plantés de bananiers ou de goyaviers. Particulièrement pauvres (les éléments fins vont à la rizière) ces sols trouvent leur meilleure utilisation dans la culture fruitière. Mais les plantations ne devraient être faites que sur des banquettes préalablement aménagées, car ces sols très érodables risquent toujours d’ensabler les rizières établies en aval, ce qui s’est notamment produit pour nombre d’entre elles à la suite des cyclones de février 1969 et février 1970. - Sur les versants des reliefs résiduels on trouve en général des sols rouges ou jaunes ferrallitiques, les sols jaunes étant surtout fréquents au voisinage des lames de granites. Ces sols sont très acides, la graminée Aristida y est particulièrement bien représentée et leur meilleure utilisation est le reboisement. Ce travail a déjà été entrepris en eucalyptus principalement et depuis peu en pin d’Indochine, dans la partie nord du Bassin, où les . lavaka sont déjà très nombreux. - Sur les plateaux, enfin, de très vastes étendues de sols ferrallitiques, rouges ou jaunes pulvérulents, pauvres en azote, - sauf dans les 20 premiers centimètres - et en bases échangeables, fortement acides, ont en outre l’inconvénient de voir leur horizon 16 MICHEL PORTAIS supérieur (0 à 15 cm) très appauvri en argile par suite de l’érosion en nappe qui se manifeste à leur surface. Leur structure est convenable dans les 20 premiers centimètres puis devient très massive jusqu’à 70 cm et le caractère pulvérulent n’apparaît qu’en dessous. Ces grandes surfaces sont principalement le domaine des troupeaux, mais elles sont surpâturées et abîmées par le feu comme en témoigne la présence d’Aristida. Leur mise en culture est fréquente autour des villages, et c’est le manioc qui s’en accommode le mieux.. L’arac.hide vient bien elle aussi mais, dénudant trop le sol, elle favorise l’érosion en nappe. Des culture en courbes de niveau et en bandes alternées seraient évidemment souhaitables, ainsi qu’une bonne fumure et des apports d’engrais adaptés aux cultures souhaitées, faute de quoi ces sols seront voués à un épuisement rapide.

E. Les ressources en eau. Des quelques pages qui précèdent sur l’étude du milieu physique, il nous semble que l’essentiel, du point. de vue du paysan, est constitué par tout ce qui se rapporte aux ressources en eau. Cela est si vrai qu’à la question (( que faudrait-il faire, d’après vous, pour améliorer le sort des paysans de la région? 1) 165 chefs de ménage sur les 270 que nous ayons interrogés dans les 11 qillages étudiés, ont répondu (( d’abord améliorer l’irrigation )). Le problème de l’eau pour les rizières reste donc, pour la majorité des paysans, le plus grave problème à résoudre, et ce, malgré les efforts des communautés locales, en particulier des communes. Dans le cadre de l’économie traditionnelle, reposant sur la rizière, les problèmes de ressource en eau et de maîtrise de l’eau sont donc absolument primordiaux. La culture du riz peut se faire selon deux calendriers différents en fonc.tion des ressources dont on dispose pour alimenter les rizières. Le premier cas est celui des rizières irriguées, bénéficiant d’une alimentation en eau qui peut être permanente. On y pratique une culture dite de lie saison ou vary aloha, ensemencée, dans la région d’ambalavao, en (cvary lahy )). La préparation des pépinières a lieu dès la fin du mois de mai ou en juin, les repiquages se font de la fin août à la mi-octobre et la moisson peut commencer en janvier, se prolongeant souvent jusqu’en mars. Le cycle long de c.e riz est dû au fait que tout le début de sa croissance a lieu en hiver. Le second cas est celui des rizières ne bénéficiant que d’une irrigation irrégulière ou devant se contenter des eaux de pluie. On y pratique alors la culture de 2e saison ou vakiambiaty, ensemencée ici en (( vary angiky )) espèce un peu moins appréciée que le (1vary lahy 1) mais qui résiste bien à la sécheresse et dont le cycle de maturation se déroulant entièrement en été, est plus court que le précédent. Le repiquage se fait de décembre à la mi-février et la récolte d’avril à juin. Ces calendriers nous montrent que sur une rizière irriguée il serait possible de pratiquer dans la région d’Ambalavao deux cultures la même année. Quelques rares exploitants, sur les conseils des moniteurs du G.O.P.R. (1) en ont entrepris l’expérience. L’idéal serait bien sûr d’utiliser la rizière en contre-saison pour une culture différente et régénérante.

(1) Groupement des Opbrations de Productivitb Rizicole. ANCIENS FACTEURS DE L'ORGANISATION DE L'ESPACE 17

En l’absence de cette double culture, si le paysan se donne la peine d’irriguer toutes les rizières qui le peuvent être, c’est que la culture de 2e saison, qui doit se contenter des eaux de pluie, est souvent très aléatoire. En effet l’irrégularité des pluies que nous avons signalée, d’une année sur l’autre, oblige souvent le paysan à repiquer très tard. Le riz connaît alors une fin de maturation pénible sous la sécheresse, les effets du vent et de la moisson entraînant sur des épis desséchés un égrenage important. En outre, certaines années connaissent des étés où les pluies font considérablement défaut et d’autres où les cyclones noient, en janvier ou février, les jeunes pousses qui viennent d’être repiquées, ou encore les ensablent de fason catastrophique, ce qui fut le cas, c.omme nous l’avons déjà signalé, pour de nombreuses rizières en février 1969 et février 1970. Ainsi les paysans ont témoigné leur intérêt aux rizières irriguées en cherchant avant tout des sites favorables à une bonne maîtrise de l’eau. Ces sites sont évidemment les fonds de vallons aux sols hydromorphes et les têtes de vallons situées le plus près possible de sources abondantes, c’est-à-dire sur les versants du Bassin, les vallons affluents des grandes vallées, et, plus en amont, le haut bassin de la Mananantanana. En fait, les sources abondantes et alimentées en permanence sont rares dans la région, tant sont longues certaines saisons sèches, et tant les formations géologiques du pourtour du Bassin, très compactes, laissent ruisseler les eaux sans les retenir. Les cours d’eau draînant le Bassin d’Ambalavao sont abondants mais deux seulement ne sont jamais à sec : la Mananantanana, qui a fait l’objet d’un aménagement important du génie rural permettant l’irrigation de 700 ha de rizières sur la rive droite de la rivière, en amont d’Ifandana (l), et la Manambolo, qui a inspiré un important projet de mise en valeur portant sur plusieurs milliers d’hectares à irriguer et qui est aujourd’hui dans l’oubli, provisoirement espérons-le. Inversement, se pose le problème du drainage pour certains petits vallons comme celui du Sihanaka, affluent de la haute Mananantanana, au sud d’Ambohimahamasina, et pour de vastes secteurs du centre et de l’ouest de la cuvette à la morphologie incertaine, parsemés de petites dépressions que ne parvient pas à drainer la rivière. L’impossibilité pour de petits groupes villageois d’entreprendre des travaux de drainage, toujours délicats, et parallèlement, d’irriguer les grandes vallées, explique en grande partie la relative faiblesse du peuplement du centre du Bassin pourtant parsemé de riches terres de (cbaiboho 1)(2).

3. LES MARQUES DE L’HISTOIRE SUR LA RBPARTITION DU PEUPLEMENT.

Le pays betsileo est traditionnellement divisé en trois régions ou Qroyaumes )), le , I’ISANDRA et au sud I’ARINDRANO. L’histoire de ce dernier qui englobe le Bassin d’Ambalavao (3), est beaucoup moins connue que celle des deux autres, sans doute à cause de son peuplement et de son organisation plus tardifs. Les historiens du Betsileo, Henri RANJAVOLA ou le Père DUBOIS n’ont recueilli que peu de traditions

(1) Voir fig. 25. (2) Cf. carte de répartition de la population fig. 7. (3) Voir fig. 6. 18 MICHEL PORTAIS

---_ Limite daa anciens pays Betrilec Lnmite de l’actuelle PriFecture de hnanntcoa

-,E xpCd,tion de RAOAMA IV (1815)

Avant. frrnpaiae (1897) -4-

Fig. 6. - Le sud du pays Betsileo. Carte historique. ANCIENS FACTEURS DE L’ORGANISATION DE L’ESPACE 19 lointaines à son sujet. (( Il faut attendre jusqu’au siècle dernier, lorsque se fit l’occupation imérinienne, pour trouver à ces régions figure personnelle et authentique o écrit le Père DUBOIS (1). Les guerres que se faisaient continuellement les seigneurs locaux - appelés o Hova )) en pays betsileo - avaient dès l’origine fait choisir des sites d’habitat défensifs : sommets de collines ou terrasses protégées de tous côtés par de profonds fossés aménagés par l’homme. Ces villages fortifiés sont du même type que ceux qui ont été décrits en Imerina par de nombreux auteurs (2). Dans ces conditions, la grande plaine occupant le fond de la cuvette d’Ambalavao était peu faite pour attirer des populations nombreuses et les sites d’habitat les plus recherchés étaient les vallons de l’est, affluents de la Mananantanana, où les versants découpés en collines offrent des sites voisins de ceux qui, dans les conditions de civilisation agraire et de ressources en eau telles que nous les avons étudiées, étaient les plus favorables à l’établissement des rizières. Il est cependant un relief, près de la Mananantanana, qui joua un rôle essentiel dans l’histoire de la région : c’est le Grocher d’Ifandana D où le roi d’Imerina, RADAMA Ier, au début du siècle dernier, vint assiéger (1toute la population )) de la région, rétive à son autorité, et rassemblée là pour se défendre. L’armée merina affama bientôt les assiégés qui durent capituler. La version merina de l’histoire veut que les malheureux se précipitèrent du haut du rocher plutôt que de se rendre. La version betsileo affirme que tous les assiégés furent passés par les armes hormis 300 ou 400 femmes et enfants qui furent emmenés comme esclaves. Un grand gisement de crânes et d’ossements se trouve encore à Ifandana et la tradition évalue à plusieurs milliers le nombre des morts, ce qui voudrait dire, pour l’époque, une grande partie de la population de la région (3). Le sud betsileo ayant donc été soumis à l’autorité des rois de Tananarive, les soldats merina occupèrent une petite garnison à Ambohimandroso, au centre du Bassin, qui devint ainsi le chef-lieu de la région. Les commerçants merina les suivirent bientôt et plus tard les missionnaires protestants. Au sud, 1’Andringitra formait une barrière d’où ne pouvait venir aucun contact humain, En revanche, le pays est ouvert à l’ouest et au sud-ouest où s’étend le domaine de la tribu des Bara. Ceux-ci ont de tout temps été considérés comme le grand peuple éleveur et semi-nomade du sud. Race dure et fruste dont les hommes se livraient traditionnellement, et presque rituellement, au vol des bœufs, de ‘troupeau à troupeau. Les contacts entre riziculteurs et éleveurs devaient être ce qu’ont toujours été, sur terre, les contacts entre agriculteurs et pasteurs. Heureusement, une grande zone vide, commentant à l’ouest du Bassin, servait de frontière entre les deux peuples. Pourtant, peu à peu, les Betsileo, qui disposaient eux aussi de troupeaux, cherchèrent des pâturages plus à l’ouest, jusque dans la région d’Ankaramena. Ils avaient alors à craindre les incursions périodiques des Bara, qui ne se contentaient pas de voler des bœufs mais emmenaient aussi les habitants comme esclaves. Ainsi en témoigne le récit de E. F. KNIGHT, un missionnaire anglais voyageant dans la région en 1895 (4). Sa

(1) DUBOIS (H. RI.), op. cif., p. 219. (2) Voir par ex. : DECARY, Contribution à l’étude de l’ancienne fortification malgache. Bull. Ac. mal. Nouvelle série, t. XxX11, 1954. (3) Cf. GATAT (Dr. L.), Voyage à Madagascar 1889-90 Paris 1895. (4) KNIGHT (E. F.), A journey in Southern Madagascar paru dans The Anfananarivo Annual, 1896, pp. 400- 401. 20 MICHEL PORTAIS desc.ription fait état d’un rapt de 500 bovins et 300 hommes et enfants dans les villages au nord d’Ambohimandroso. Dans la partie ouest du Bassin, les sites défensifs étaient plus rares ou difficilement aménageables, et les villages s’entouraient, de très épaisses protections de cac.tées qui ont frappé les premiers voyageurs européens. A l’Est, la grande forêt, limitait beaucoup les échanges avec le pays tanala et les peuples de la côte, Antaimoro principalement. Un peu de riz, des zébus, et quelques lamba (1) de soie tissés dans la région, voilà ce que le pays offrait en petite quantité aux populations de l’Est. Ainsi, c’est du Nord, par le col d’ambalavao, que se firent surtout les principaux contacts avec l’ext&ieur. Pendant que les immigrés venus du reste du pays betsileo continuaient à peupler la région, les commerçants merina arrivèrent à Ambohimandroso et furent les premiers à organiser de véritables courants d’&hanges, important le sel, les cotonnades, et organisant la collec.te des lamba de soie et du tabac. à mâcher pour les vendre vers la c0te et à Tananarive. Ils jouèrent un rôle décisif dans l’extension de la culture du tabac. à chiquer autour d’Ambohimandroso et, inc.itant les Betsileo à l’échange, ce sont eux qui introduisirent les premières fonctions urbaines dans le pays et il n’est pas étonnant qu’aujourd’hui encore ils représentent l’élément le plus important de la ville d’Ambalavao.

4. LE DJ!XELOPPEMENT DU FAIT URBAIN. C’est la colonisation française qui allait faire d’Ambalavao une ville. Jusque-là, Ambohimandroso, sitube à 7 km au sud d’hmhalavao sur un promontoire entouré de fossés et de fortifications ne pouvait guère prétendre au titre de ville, malgré sa petite garnison, son gouverneur et ses quelques commerçants. En 1889, un voyageur fransais, le docteur Louis GATAT (2) y relève la présence de 150 cases, et en 1893, E. F. KNIGHT (3) revenant d’un long voyage dans le sud s’émerveille en rencontrant cette petite bourgade : (cAmbohimandroso, with its churches, schools and brick houses, looked astonishingly civilized to my unaccustomed eyes D. L’examen des cartes anc.iennes nous montre l’évolut*ion qui se fit au profit d’Amhalavao aprés la conquête française. En 1886, quelques années avant celle-ci, la carte du capitaine S. PASFIELD Oliver, éditée à Londres chez MACMILLAN indique Ambohimandroso comme seule Gville 1)de la région du sud betsileo, alors qu’Ambalavao figure r.omme simple village. Quelques années avant la conquête, la mission catholique ouvrit une école à Ambalavao, tenue par un père jésuite, mais en 1899, l’(t Atlas des colonies fransaises » édité à Paris chez A. COLIN, trois ans après l’annexion, indique comme chef-lieu de district Ambohimandroso vers lequel convergent tous les (( chemins muletiers o figurés sur la carte. Ce n’est qu’en 1900 qu’Ambalavao devint chef-lieu de district. A cette date, la pac.ification de la région est achevée et l’on recherche l’accès facile de préference aux positions fortes. Ambalavao, premier village important de la (( plaine de Tsienimparihy D au débouché du col qui la relie à Fianarantsoa, alors grande capitale du sud, fut naturellement choisie par l’administration coloniale, et, préférée

(1) Pi&es de tissus. (2) Op. cil. (3) Op. cif. ANCIENS FACTEURS DE L’ORGANISATION DE L’ESPACE 21

à la vieille cité forteresse, merina et protestante, qui, dans les premiers temps de la colonisation, semble avoir mal accepté le cho

(1) Ces renseignements proviennent de la consultation des ( annuaires de Madagascar b. (2) Tkmoignage de hfme MATHIEU, propribtaire actuelle de la fabrique. (3) D’aprés le recensement d’Ambalavao par l’Institut National de la Statistique et de la Recherche Économique. 22 MICHEL PORTAIS

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!. 0’ \ -F -0 .- - 0-0 TF--i/ ‘-0 -0 .- -..J ANCIENS FACTEURS DE L’ORGANISATION DE L’ESPACE 23 et artisans et que plus de 100 femmes se livraient régulièrement au tissage traditionnel des lamba de soie ou de coton. Sur le plan démographique, en 1956, le recensement administratif évaluait la population de la commune d’Ambalavao à 7.500 personnes. Le recensement intégral de 1964 donnait 10.936 habitants, et l’évaluation administrative de 1968 faisait état de 12.000 habitants. Mais ces chiffres comprennent les paysans de la partie rurale de la commune dont l’augmentation est plus faible que celle des urbains. En fait, lors du recensement de 1964, 60 yo des actifs appartenaient au secteur agricole ou ne s’employaient que temporairement à une autre activité. Ce pourcentage a dû Iégèrement diminuer depuis, et en 1968 la population Qagglomérée u était évaluée à 6.900 personnes. La croissance de la ville n’a donc rien de spectaculaire, mais elle est régulière, et rien ne peut laisser supposer d’importants fléchissements dans les années qui viennent, car la ville reste très dépendante sur le plan économique, de son environnement rural. Nous disons que la ville est étrangère à sa région. En effet, au recensement de 1964, sur 5.000 personnes vivant d’une activité proprement urbaine (secondaire ou tertiaire) 2.500 étaient des Merina et 150 des étrangers (Indiens, Chinois, Français). Tous ces étrangers au milieu betsileo détiennent la plus grande partie des postes importants de l’administration et de l’enseignement, la quasi-totalité du commerce, et toutes les entreprises industrielles. On dénombrait en outre, en 1964, 200 Antandroy gravitant principalement autour du commerce des boeufs ou étant employés dans les quelques fabriques de la ville. Nous disons également que la ville reste très dépendante de son environnement rural. Elle y est. intimement liée, et les commerça&, qu’ils soient collecteurs ou détaillants, les petits industriels, qui ne traitent que des produits locaux - tabac, rizerie, pâte à papier, briquetteries, distillerie, poudre à récurer - et les artisans qui font de même, tous ne vivent que des échanges qu’ils ont avec le milieu rural. * + i CONCLUSION. Dans ce premier chapitre, nous avons présenté les facteurs principaux de l’organisa- tion de l’espace dans le cadre traditionnel. De l’action de ces facteurs résulte en particulier la répartition des populations dans l’ensemble du Bassin, et c’est pourquoi le moment nous semble venu d’observer les cartes de densité et de répartition de la population rurale (fig. 7 et 8). De leur examen nous est venue l’envie de réaliser trois coupes selon trois parallèles passant par Ambalavao, Anjoma et Ambohimandroso et d’en tirer le profil des variations de densité de population le long de chacune d’elles (fig. 9). Si l’on essaie de les analyser, on constate que ces trois courbes ont exactement des allures semblables. Le sommet de chacune d’entre elles se trouve à peu près exactement à la longitude d’Anjoma, c’est-à-dire dans une position très excentrée par rapport à la cuvette. Hormis la haute vallée de la Mananantanana qui ne constitue qu’un appendice au reste du Bassin, l’Est est bien la partie très nettement la plus peuplée de notre petite région. Nous avons vu dans tout ce premier chapitre que des raisons naturelles (maîtrise de l’eau) et historiques (recherche des sites défensifs, crainte des Bara) expliquent ce fait. Si l’on quitte cette ligne longitudinale de densité maximale pour aller vers l’Ouest, la population décroît très régulièrement, et ce, quelles que soient les conditions naturelles 24 MICHEL PORTAIS ANCIENS FACTEURS DE L’ORGANISATION DE L’ESPACE 25 générales rencontrées : vallée de la Mananantanana, centre de la cuvette, rebord des lames granitiques, etc. Le peuplement de toute la partie ouest du Bassin semble donc s’être fait très progressivement, tardivement, et uniquement en fonction de données historiques. Enfin, la ville d’Ambalavao ne semble avoir jusqu’à présent à peu près aucune influence sur la répartition de la population rurale, puisque sa présence n’affecte aucunement la pente de la courbe qui la concerne. Ce fait confirme bien le caractère étranger de cette ville au moment de sa création, par rapport au reste de la région.

.*..... Pcc5s ank par AMBALAVAO

- 11 ru Ahi MAN DR050 et ANJOMA

---- II $1 Ah-’ MAHAMASINA

80.

70.

60.

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40. - \ I 30. i I I . 20. 1

10. I

40 50 kms .

Fig. 9. - Variation des densités de population le long de trois parall&les.

Tout au long du XIXe siècle, et dans une bien moindre mesure jusqu’à nos jours la réputation dont jouissait la o plaine du Tsienimparihy i, aux paysages magnifiques et au climat merveilleux, attira vers elle un grand nombre d’immigrants. Ces nouveaux venus eurent à supporter, dans la plus grande partie du Bassin, la crainte perpétuelle des expéditions bara et la faiblesse des ressources en eau (1). Certaines traditions orales

(1) Ces ressources ont-elles décru par suite de l’extension des riziéres et des reboisements d’eucalyptus ? Aucune donnée skieuse n’a pu être recueillie à ce sujet, bien que les vieux paysans I’affkment.

3 26 MICHEL PORTAIS témoignent du fait que beaucoup de ces nouveaux venus ne tardèrent pas à quitter la région, qui, dans le cadre de la riziculture traditionnelle betsileo, était bien moins favorisée que les régions des plateaux situées plus au nord. Aujourd’hui, les facteurs essentiels de l’organisation de l’espace sont en train de se modifier profondément. Mais le poids de ce qui fut, demeure encore de nos jours et constitue une donnée fondamentale de la géographie du Bassin. 2

La diffusion de nouveaux besoins parmi les ruraux

L’organisation traditionnelle de l’espace, expression de l’adaptation d’une société au terroir occupé, avait pour but la satisfaction de certains besoins économiques, religieux et culturels. Une nouvelle civilisation, introduite peu à peu par l’intermédiaire de la ville, a dû créer au monde paysan de nouveaux besoins. Notre propos est maintena*nt de montrer qu’il en est bien ainsi en étudiant en particulier l’état de pénétration de l’économie monétaire, sous l’influence urbaine, et en cherchant ensuite de quelle façon s’effectue cette pénétration.

1. LE RÔLE MAJEUR DE L’INFLUENCE URBAINE.

A. L’analyse des dépenses monétaires. La pénétration de l’économie monétaire dans le milieu rural du Bassin d’Ambalavao est une conséquence, et. donc un signe, témoignant de l’apparition de besoins nouveaux. Elle se manifeste clairement à l’examen du chapitre (( dépenses 1)des budgets familiaux. Nous avons expliqué dans notre partie méthodologique (1) la façon dont nous avons retenu 43 ménages pour établir le montant détaillé de leurs dépenses au cours d’une année. Le tableau 2 résume les résultats que nous avons obtenus. D’après ceux-ci, le- montant des dépenses monétaïres atteindrait 24.550 FMG par foyer, c’est-à-dire près de 5.000 FMG par individu. En ce qui concerne l’autoconsomma- tion, l’enquête de 1962 (2) a montré qu’en pays betsileo, celle-ci pouvait être ramenée

(1) En annexe, p. III. (2) Enquête CINAM-INSRE sur les budgets et l’alimentation des ménages ruraux. 28 MICHEL PORTAIS a une valeur de 6.2.00 FMG par individu. Ainsi, le paysan du Bassin d’Ambalavao se procure en moyenne plus de 40 y0 de ce dont il a besoin grâce à ses ressources monétaires. Sur les 25.000 FMG qu’a dépensé un ménage, en 1968, 29 o/. sont allés à des dépenses alimentaires, 35,s o/. à l’habillement et aux besoins de la maison, 7 o/. seulement ont 6t.é consacrk à l’exploitation agricole, 3 o/. aux fêtes et coutumes, 12 o/. ont servi à payer l’imp&, qui reste pour beaucoup une lourde charge et l’incitation majeure à se procurer de l’argent (1), enfin 11 yo des dé.pensessont allés à des services que l’on pourrait

TABLEAU no 2 Depense par mtknage (2) en FMG (3)

Dans les 5 villages Dans les 6 villages Ensemble des étudi&a les plus étudiés les plus isol& 11 villages Nature proches de la ville (23 mbnages) (43 ménages) (20 mCnages)

%

Alimentation ...... 9.860 5.150 dont : riz...... : ...... (5.950) (2.900) 6.925 28,5 viande-poisson...... (1.510) (430) sel-sucre...... (1.015) (1.025)

Habillemenf...... 5.900 5.280 5.580 23

Équipement minager (savon, pétrole, etc.)...... 2.210 2.050 2.120 9

Case (Construction, rkparation)...... 280 (4) 1.390 (4) 875 335

Exploitation agricole (non compris achat d’animaux)...... 1.680 630 1.120 4,5 Achats d’animaux ...... 555 680 625 295

Scolarisafion...... 1.550 1.150 1.330 5

Sa& (médicaments, hopitaux, maternité)...... 750 850 800 3

Voyages...... 1.160 370 770 3

Tradition (fêtes, tombeaux)...... 1.260 (4) 380 (4) 800 3

Impôt.~ ...... 2.600 2.950 2.800 12

Dioers...... 500 1.070 800 3

TOTAL ...... 28.300 21.900 24.545 100

(1) Depuis 1972, l’imp6t de capitation (I.M.F.) a ét& supprimé à Madagascar. (2) Taille moyenne des menages pour l’ensemble des 11 villages : 5,25 individus. (3) 1 franc = 50 FMG. (4) L’khantillon considérk est trop faible pour que les chiffres se rapportant & ces dépenses, qui ne sont pas des dépenses annuelles, puissent être estimBs représentatifs. DIFFUSIONDE NOUVEAUXBESOINS PARMI LES RURAUX 29 qualifier de modernes : taxi-brousse, frais (( d’écolage ))des enfants, et services de santé. Notons que la faiblesse des sommes consacrées aux fètes et coutumes ne doit pas faire illusion, car la plus grande partie de ces frais, à la campagne, se font en nature et non en argent. D’autre part, l’année considér.ée, consécutive à une récolte médiocre, n’a pas connu autant de fêtes qu’une année normale. Il suffit de comparer la structure des dépenses familiales dans les villages proches de la ville avec ce qu’elle est dans les plus éloignés pour se rendre compte du rôle de l’influence urbaine dans la pénétration des besoins monétaires parmi les ruraux. Si l’on prend, parmi les 11 villages que nous avons étudiés, d’un côté les 5 villages les plus proches de la ville, et de l’autre les 6 villages les plus éloignés ou les plus isolés (1), on aboutit aux résultats indiqués au tableau no 2, dans les deux premières colonnes. La moyenne des dépenses monétaires serait donc de 28.300 FMG par ménage dans les villages les plus en contact avec la ville et de 21.900 FMG dans les plus isolés. Le total des dépenses de type moderne que sont les frais de scolarisation, de médicaments, d’hôpital et de voyages en taxi ou taxi-brousse s’élèvent à 3.460 FMG dans les villages proches contre 2.370 FMG seulement dans les plus éloignés. Pour les frais de l’exploitation agricole, les chiffres sont respec.tivement de 2.235 et 1.310 FMG, ils sont de 1.680 et 630 FMG si l’on exclut les achats d’animaux. Les achats de viande et de poisson sont également plus importants dans les villages proc.hes de la ville : 1.810 FMG contre 430 dans les plus éloignés. Seules les dépenses depuis longtemps traditionnelles concernant les y&ements, le sel, le sucre, et, bien sûr, les impôts, sont à peu près équivalentes pour les villages proches et les villages isolés. Ainsi, l’examen de ce tableau nous indique que l’influence urbaine semble avoir un rapport direct avec l’accroissement des besoins monétaires. La c.ourbe de distribution (2) de ces 43 budgets familiaux fait apparaître un fort maximum entre 10 et 20.000 FMG, un bon nombre de budgets entre 2.0 et 40.000 FUG et une très rapide diminut.ion ensuite. Par ailleurs, rares sont les budgets inférieurs à 10.000 FMG (un sur sept). Comparée à la courbe de distribution de l’ensemble des budgets ruraux de Madagascar, celle du Bassin d’Ambalayao est plus concenkzée, le taux de variante est plus faible et la proportion de très petits budgets (moins de 10.000 FMG) est beaucoup plus réduite, puisqu’elle atteint 30 yo pour l’ensemble malgache en 1962. Cela se traduit par les chiffres suivants (3) :

Budgets familiaux (dépenses monétaires en FMG) Ménages ruraux

Ensemble de Madagascar...... I 30.680 16.435 I I

(1) Les 5 villages les plus proches sont tous accessibles, au moins en saison séche, aux camions des collecteurs ou aux taxis, alors que 4 des 6 autres sont inaccessibles à tout vkhicule. (2) Fig. 10. (3) Source pour l’ensemble de Madagascar : enquête CINAM-INSRE 1962. 30 MICHEL PORTAIS

nombre

P

Fig. ICI. - Courbes de distribution des budgets familiaux (mhages ruraux). 1. Ensemble de Madagascar (enquête C.I.N.A.>I.-I.N.S.R.E. 1962) II. Ménages du Bassin d’Ambalavao DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 31

B. Le facteur prépondérant du développement de l’économie monétaire.

Il apparaît logique de penser que si l’introduction de l’économie monétaire s’est faite par l’intermédiaire de la ville, c’est celle-ci qui constitue le facteur déterminant de l’évolution des campagnes. Ainsi, dans l’ordre du développement, les facteurs géo- graphiques les plus importants doivent être ceux qui favorisent la croissance de flux équilibrés entre la ville et la campagne, tels que la proximité urbaine ou les facilités de communications. Il reste à savoir si malgré tout, dans le cadre d’un développement qui passe encore obligatoirement par l’agriculture, les conditions naturelles, telles que la valeur traditionnelle des sols, les possibilités d’irrigation, les facilités d’expansion des cultures ou l’absence de surcharge démographique ou pastorale, ne gardent pas un poids supérieur aux facilités de relations avec la ville. Pour que ce classement des facteurs de développement ne reste pas subjectif, nous avons établi, pour les besoins de cette étude un ( où, pour un facteur géographique donné f. qui peut être par exemple le degré d’isolement, S représente la moyenne, par ménage, des recettes ou dépenses monétaires pour un poste considéré, dans les villages étudiés les plrrs favorisés par le facteur f, et S la moyenne, par ménage, des recettes ou dépenses monétaires, pour le même poste, dans les villages les moins furrorisés par ce même facteur. C. est un cœfficient variant avec les éléments pris en compte. Le tableau 3 indique les calculs effectués et les résultats obtenus pour 7 facteurs considérés. On s’aperçoit que 1 est maximum en ce qui concerne la proximité urbaine (6,77) et le degré d’accessibilité (6,55). Cet indice reste élevé, non pas pour le facteur <(valeur des potentialités naturelles )), déterminé en fonction de la qualité des sols, des ressources en eau, des possibilités d’expansion des cultures et de la faiblesse des pentes des terres de 4 tanety r) où 1 tombe à 1,68, mais pour le facteur Qmeilleure productivité traditionnelle )), c’est-à-dire traduisant ce que les groupes villageois ont tiré de ces potentialités naturelles, où 1 est égal à 5,78. Cela montre, s’il en était besoin, le rôle capital des individus ou des familles, c’est-à-dire des facteurs personnels, dans l’ordre du développement. La proximité des marchés de brousse ne semble pas jouer un rôle bien déterminant (1 = 0,79), et moins encore les variations de densité de population (1 = 0,68). 11 est vrai que ces variations de densité sont relativement faibles, les extrêmes allant de 20 à 100 hab/km2. Enfin, pour un seul facteur, 1 devient négatif : dans le cas des villages où la pratique de l’artisanat rural reste une des sources importantes du revenu monétaire (1 = -1,67). En effet, à l’heure actuelle, l’artisanat apparaît le plus souvent comme la ressource de ceux qui n’en ont pas d’autre. Devant la concurrence des textiles modernes, la quantité de travail fournie par une tisseuse est disproportionnée avec le peu d’argent qu’elle en retire. TABLEAU no 3 Déiermination de l’indice factoriel de dh~eloppement de l’économie moncitaire pour divers facteurs Facteurs considkres

Faiblesse Proxiniite Accessibilité Proximité de la densité Productivite Potentialites Pratique de la ville d’un marché population traditionnelle naturelles de l’artisanat

Élements du calcul de 1 S-S’ S-S’ S-S’ s-s S-S’ S-S’ S-S’ S-S’ S-S’ S-S’ S-S’ S-S’ S-S’ s-s c -C--- -c- -- C- -c- -C-- c- ~&..--.- s+s s+s’ s+s’ s+s’ S-+-S’ s+s’ S-f-S’ s+s’ s+S’ SSS’ s+s’ s+S’ S+?I’ s+s ----p---p------Achat de viande...... 1 0,62 0,62 0,60 0,60 -0,06 -0,06 0,25 0,25 0,26 0,26 0,18 0,18 -0,02 -0,02 -~-----~~--~-~~ Investissement agricole...... 1 0,45 0,45 0,32 0,32 -0,24 -0,24 0,28 0,28 0,50 0,50 -0,15 -0,15 -0,14 -0,14 --P------P--- Scolarisation. Sante. Voyages.. . . . 0,19 0,19 0,16 0,16 0,34 0,34 0,lO 0,lO 0,40 0,40 0,19 0,19 0,os 0,os / l ~-~~------~-~~ Revenus des salaires...... 2 0,42 0,84 0,35 0,70 -0,Ol -0,02 0,13 0,26 0,43 0,86 -0,25 -0,50 -0,09 -0,lS ------Revenus des principales productions agricoles de vente (arachide-tabac- porcs)...... 2 0,41 0,82 0,67 1,34 0,Ol 0,02 0,Ol 0,02 0,52 1,04 0,50 1,oo -0,59 -1,18 ------Revenus des productions agricoles de vent.e ayant la plus recente expan- sion (fruits-legunies)...... 3 0,71 2,13 0,56 1,68 0,19 0,57 -0,14 -0,42 0,50 1,50 0,012 0,66 -0,33 -0,99 m------P Dépenses totales (43 ménages)...... 3 0,13 0,39 0,07 O,?l 0,13 0,39 0,04 0,12 0,29 0,87 0,17 0,51 0,09 0,27 ------P-P--- Revenu total (270 menages)...... 7 0,19 1,33 0,22 1>54 -0,03 -0,21 0,Ol 0,07 0,05 0,35 -0,03 -0,21 0,07 0,49 ------I(f)...... ,. $77 0,55 0,79 O,fX? $78 1,68 -1,tx I I I I DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 33

11semble donc bien que les faits de relations avec le centre urbain soient déterminants dans l’introduction de nouveaux besoins parmi les ruraux et dans l’introduction de l’économie monétaire.

2. L’ADMINISTRATION ET L’IMPÔT.

Dans un premier temps, c’est l’organisation administrative, par l’impôt qu’elle levait et qui était sa préoccupation principale, qui a imposé à la plus grande partie du’ monde paysan son entrée dans l’économie monétaire. Reprenant ce qui, en fait, existait déjà mais avec un moindre degré d’organisation sous la monarchie merina, un décret du 11 décembre 1895 signé de GALLIENI fixe comme imposition individuelle, pour tout homme de 16 à 60 ans, une prestation de service de 50 jours au maximum, avec indemnité de 0,20 F par journée pour la nourriture. Certaines catégories, notamment les fomtionnaires et les employés des colons pouvaient, selon ce décret, racheter leur prestation au tarif de 0,50 F par jour. Peu de temps après, la prestation de service fut réduite à 30 jours et rachetable pour 5 francs. En 1901, cette Gcorvée )), source de conflits et d’abus fut supprimée et remplacée par une taxe personnelle dont le montant variait selon les régions. Dans le district d’ambalavao, comme sur la quasi-totalité des plateaux, elle se montait alors à 20 F mais elle n’était que de 10 F pour certaines zones côtières considérées comme pauvres, par exemple la région de Farafan- gana, et tombait à 5-F dans les régions incomplètement soumises, et notamment le pays bara. En fait, si les plateaux connurent alors une imposition aussi élevée, c’est parce que l’administration y disposa très rapidement d’une infrastructure suffkante et que cette région, considérée comme la plus civilisée et la plus riche, bénéficia des premiers grands travaux d’équipement réalisés dans la colonie. Ces différences d’impositions entraînèrent immédiatement des mouvements de populations qui, loin d’être contrariés par l’administration, furent au contraire encou- ragés, par exemple par des exemptions complètes d’impôts dans les villages de colohisation sur les terres du moyen-ouest. Dans la région, le colonel LYAUTEY (1) favorisa l’installation de Betsileo en pays Tanala. Cette brusque généralisation de la taxe personnelle avait pour but, dans l’esprit de GALLIENI, d’encourager les paysans à travailler et de les faire entrer dans le cadre de l’économie monétaire pour le plus grand bien économique de la colonie. Or, dans un premier temps il fut loin d’en être ainsi car les paysans ne découvrirent pas immédiate- ment le moyen de répondre à ce besoin d’argent, et la taxe personnelle porta un coup très dur au commerce dans le sud betsileo, et à Fianarantsoa en particulier, où les transactions commerciales s’étaient trouvées artificiellement accrues entre 1897 et 1900 alors que la ville était le siège du gouvernement militaire du Sud, centre de pénétration et base arrière des troupes de pacification. En 1904 (2), la taxe personnelle qui restait fixée à 20 F dans le Betsileo fut complétée par une imposition frappant les rizières, uniquement sur les plateaux, et fixés à 3 F par ha en Betsileo et Vakinankaratra, contre 4 F par ha en Imerina. En 1905 (3) vint s’y

(1) Colonel LYAUTEY, Dans le Sud de Madagascar. Pénétration militaire, situation politique et économique. 1900-1902, Paris. H. Charles-Lavauzelle, 1903, 398 p,, pp. 276. (2) Arr&+ du 30 octobre. (3) ArrêtB du 8 dkcembre. 34 MICHEL PORTAIS ajouter un impôt sur les maisons qui frappa lui aussi principalement les plateaux. Enfin, une taxe de 0,5 F par bovin fut appliquée, elle, à l’ensemble de l’île, du moins théoriquement. A titre de comparaison, signalons qu’à cette époque (1) un manœuvre était payé 0,70 F à 0,130F par jour et qu’un bœuf valait environ 30 F. Dans une rkgion comme celle d’hmbalavao, où les villages kchappaient très diffkilement à la surveillance de l’administrat.ion on imagine combien la levée de telles taxes, brusquement introbuites, a dû pro\-oquer de bouleversements. En 1920, la taxe personnelle était passée à 25 F soit une bien modeste augmentation, et la taxe sur les rizières, responsable de l’abandon de certaines d’entre elles, demeura fixée à 3 F/ha. Cette très faible augmentation de l’impôt témoigne sans doute de la cllarge excessive qu’il représenta au moment de sa wéation. A l’heure actuelle, la taxe personnelle, dite du minimum fiscal, est de 3.300 FMG clans la c.ommune d’Ambalavao et de 3.450 FMG pour les communes rurales. Elle est réduite de 1/4 à partir du 4e enfant à charge et diminue jusqu’à être supprimée à partir du 7e (2). La taxe sur les bœufs est de 148 FMG pour la commune urbaine et de 178 FJIG pour les communes rurales. L’impôt sur les rizitres, enfin, prélevé de façon trks approximati\-e, est de 115 FMG par ha. Pour reprendre notre comparaison, disons_ qu’un manceuvre est actuellement payé de 150 à 200 F par jour et qu’un bœuf vaut à peu près 10 à 12.000 FMG au marc.hé d’Amhalavao. Par ménage, lu charge moyenne dc I’impdt représente près de 3.000 FMG clans les villages du Bassin, ce qui constitue, nous le rappelons, l’incitation majeure à se procurer de l’argent. pour un bon nombre de paysans. L’état continlw à justifier cette taxe tle capitation a\-ec. 16 ni6mtls arguments qui furent avancés lors de son établissement,. IYoilà un souci bien pesant pour les paysans, et pourtant cet impôt rapporte d’autant. moins au Trésor qu’il coute cher gkprélever car il const.itue l'objet prat.ique principal de toute l’administration lo~alr nu niveau du canton et garde un rdle majeur à celui de la sous-préfec,turc. Si la collecte de l’impôt a été le fait principal par leql~el l’ncllninist,rat,ion, a imposé des besoins nouveaux au monde paysan, clic a eu, par la sinlple présenw dans le milieu rural du (cfonc.tionnairck )), un autre r01e, plus diffwile ti mcsurpr. mais qui existe néan- moins. Le chef de canton et le gendarme sont les seuls agents du 0 Fanjakana 0 (3) en contact avec toua les \-illageois. A\.ec, le missionnaire, ce sont. les seuls personnages étrangers au monde paysan qui fréquentent assidhment celui-ci. Ce sont eux qui, en général, ont été lcc: premiers Nalgachcs if porter l’habit européen, à se déplacer en bicyclette puis en vélo-moteur, les premiers fréquemment à avoir eu un poste de radio. C’est souvent leur position fwviée qui a incité les parenk h en\-oyer leurs enfants poursuivre des études cn yillr, ctt. tr’ost, à leur situation que rêvent parfois les fils de paysans.

(1) Cf. Annuaire officiel de Nadagascar 1905. \ (2) Ces lignes ont été Ccrites pn 1970. La taxe personnelle du minimum fiscd a et6 supprimée en juin 1972. 11 sera trks intéressant d’ittudier, d’ici quelque temps, les conséquences de cette suppression sur le plan des budgets familiaux -et de l’Économie paysanne. (3) L’administration. DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 35

Il est diffkile d’évaluer tout ce que cela représente mais il est certain que ça n’est pas peu et que les fonctionnaires locaux jouent un autre rôle, dans l’esprit des paysans betsileo que celui qui leur est strictement dévolu.

3. LE RÔLE DE LA FONCTION COMMERCIALE DANS LA DIFFUSION DE BESOINS NOUVEAUX.

L’obligation de payer l’impôt a été une cause déterminante de l’introduction de l’économie monétaire. Cependant, bien avant cela, au cours du XIX~ siècle, l’usage de la monnaie avait peu à peu supplanté la pratique du troc en pays betsileo, et l’usage d’employer les cocons de ver à soie comme intermédiaire dans les transactions commer- ciales s’est perdu très progressivement entre 1900 et 1940. Comme on le sait, ce sont les Merina qui ont été les premiers véritables commerçants de la région, et aujourd’hui encore la quasi-totalité du commerce de la région est tenue par des étrangers au pays betsileo. La question pour nous est de savoir à quel point ce commerce (( étranger )), qui demeure spécifiquement urbain, a pénétré le milieu rural, et dans quelle mesure il a pu y susciter des besoins nouveaux. Cette pénétration se manifeste à des degrés divers dans les différents villages du Bassin en fonction principalement des inégales facilités de communications. C’est à travers ces différences d’importance des échanges commerciaux que l’on persoit le mieux les différents degrés de pénétration de l’influence urbaine. De ce point de vue, il est manifeste que le pôle à partir duquel tout s’organise est constitué par le marc.hé hebdomadaire du mercredi ti Ambalavao.

A. Le marché d’Ambalavao. Il ne sera pas question ici du (( Tsenan’omby )) (marché aux bœufs) qui se tient chaque semaine du mercredi midi au jeudi matin et qui a un rôle beaucoup plus inter- régional que local. 11 faut cependant se souvenir que le développement considérable de ce marché a été l’une des causes principales du développement de la ville et du marché local. L’ac.t,iGté du Gmarc.hé aux bœufs )) continue à retentir largement sur celle de celui-là, et chaque mercredi, à Ambalavao, c’est un va-et-vient incessant entre l’un, situé au cœur de la cité, et l’autre se tenant sur une colline dans un cadre magnifique à la sortie sud de la ville. a. LA ZONE D’ATTRACTION DU MARCHÉ. Si l’on examine la carte de l’origine des vendeurs de produits locaux au marché du 33 avril 1969 (fig. 11) c’est-à-dire au début de la période de l’année où les marc.hés ont leur plus forte activité, au moment de la collecte, on s’apercoit que, si l’on excepte le canton d’Ambohimahamasina avec la haute vallée de la Mananantanana, l’aire d’attrac- tion du marché, pour les produits locaux, correspond à peu près exactement à l’aire d’extension du Bassin d’Ambalavao. Cette carte, bien sûr, ne tient pas compte de tous les paysans venant vendre directement à la rizerie ou à certains collec.teurs, où vendant leurs volailles discrètement à l’entrée de la ville. Elle ne tient pas compte non plus des simples badauds, et un sondage réalisé auprès de 300 personnes présent.es sur la place du marché laisse entrevoir une 36 MICHEL PORTAIS

.N.’ I *.-. ‘1

II çe ./ ./ Ê I.’ DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 37 extension encore un peu plus grande de son aire d’attraction. Ambalavao a donc une influence commerciale directe sur la presque-totalité de sa région avec, bien entendu, une zone d’attraction maximum à proximité de la ville, dans le centre de la cuvette où les communications sont particulièrement aisées. Le jour du marché, les 114 taxis (Renault 4 principalement), taxi-be (404 familiales) ou taxi-brousse (petits cars) recensés à Ambalavao relient à la ville chaque village accessible du Bassin et même du sud de la sous-préfecture de Fianarantsoa, enune ronde très largement anarchique et que nous n’avons pu, pour cette raison, cartographier. b. LA FRÉQUENCE DES DÉPLACEMENTS VERS AMBALAVAO. C’est principalement et presque exclusivement le jour du marché que les paysans se rendent en ville. Or, la fréquence des déplacements vers Ambalavao dans les 11 villages que nous avons étudiés se traduit de la façon suivante :

Frkquence moyenne des déplacemenfs à Ambalavao des chefs de mknage

1 fois/sem. 1 fois/mois 1 fois/an Plus jamais Total

chefs chefs chefs chefs chefs de % de y0 de y0 de y! de y0 ménage ménage ménage mknage ménage P-P------Dans les 5 villages étudiés les plus proches de la ville...... 52 46 50 44 12 10 0 0 114 100 ------m Dans les 6 villages les plus bloigntb.. 10 6,5 53 34 80 51 13 8,5 156 100 ~~~-~~-~-- TOTAL...... , ...... 62 23 103 38 92 34 13 5 270 100

Dans les deux villages les plus proches, la presque-totalité des paysans se rend au marché chaque samedi (30 sur 34). Certes, comme on le remarque à propos de tous les marchés, celui d’limbalavao joue autant un rôle social qu’économique et les achats ne consistent souvent qu’en un peu de sel, de pétrole et de viande. Néanmoins, le marché constitue un pôle d’attraction absolument capital pour tous les paysans du Bassin.

C. LE COMMERCE DES PRODUITS LOCAUX. Vers la fm de l’été, rares sont les paysans qui, se rendant au marché, n’en profitent pas pour vendre quelque produit, les uns sur le carreau du marché, mais beaucoup d’autres à la rizerie ou à des collecteurs installés en ville. La raison essentielle en est qu’à Ambalavao, on vend toujours un peu plus cher. Ainsi, alors qu’on obtient facilement 6 oranges pour 5 FMG sur les marchés de brousse, on n’en a que 4 ou 5 à Ambalavao. L’arachide, en 1968, était achetée 19,5 F!G le kg au marché d’hmbohimahamasina, et moins chère encore collectée dans les villages, mais 20,5 FMG à Ambalavao. Par ailleurs, on a moins de chance de se faire voler avec des balances faussées à Ambalavao qu’à la campagne. C’est également au marché que l’on vend les productions artisanales, nattes, soubiques, chapeaux, poteries, ferblanteries, et que les couturières - elles étaient 69 38 MICHEL PORTAI§ le 23 avril 1969 - viennent s’installer, acroupies devant leurs petites mac.hines à manivelle, pour executer des travaux à faSon (photo 17). d. LE CENTRE DE DI.STRIBTlTION. Si l’on s’en tient à la valeur monétaire des produits exposés au marché d’Ambalavao, nul doute que l’importance des marchandises offertes à la consommation par les commer- Gants y tenant un étal est sans commune mesure avec c,elle des produits locaux.

TABLEAU no 4 Importance des Marche% hebdomadaires du Bassin d’Ambalavao (Psriode d’enquête : avril-juin 1970)

Ambina- Ambohi- Amba- nindo- Anki- maha- Anjoma Betora- Sami- lava0 voka rioka masina bato masim ----- Nombre de vendeurs 36 12 4 7 7 7 4 3 Tissus-Confection Valeur des produits 3.014.200 561.000 385.000 445.000 178.500 370.000 105.000 33.000 WfG) --P-P- NV 10 14 7 6 7 3 3 4 Épicerie-Bazar VP 251.050 231.450 247.500 60.500 46.500 53.000 20.500 27.000 ------!z NV 25 7 1 7 2 $ Productions artisanales - - - tG VP 174.600 105.750 8.500 126.650 14.000 4 ------5 NV 53 3 8 3 1 6 2 2 Commerce alimentaire (boucherie, pâtisserie, etc.) VP 677.000 17.000 21.200 11.850 2.000 23.000 8.000 10.000 ------NV 13 7 6 Divers - - - - - VP 439.000 124.950 65.000 ----- NV 147 43 20 16 28 16 9 11 Total VF’ 4.556.350 1.040.150 662.200 517.350 418.650 446.000 133.500 84.000 =- ~- -= s-m- - NV 290 199 96 30 108 85 68 35 Produifs agricoles ;2 VP 150.000 70.400 p----p31.800 11.500 29.350 20.500 22.200 8.400

2c NV 127 26 11 14 27 9 5 8 2 Artisans 0 VP 264.000 10.800 4.300 2.500 22.000 1.500 1.500 2.000 2 ----- NV 417 225 107 44 135 94 73 43 Tofal VP 414.000 81.200 36.100 14.000 51.350 22.000 23.700 10.400 = -- -- -P-s= ~ -- NV 564 267 127 60 163 110 82 54 TOTAL GENERAL VP 4.970.350 1.121.350 698.300 531.350 470.000 468.000 157.200 94.400 DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 39

Sur le plan purement économique, le marché d’Ambalavao est le grand centre de distribution de la région, puisque la valeur des marchandises exposées par les commer- çants est environ le double, pour une semaine considérée, de celle de tous les autres marchés de brousse hebdomadaires du Bassin réunis (cf. tableau 4). C’est par cette fonction de distribution que le marché d’Ambalavao joue un rôle capital dans la diffusion de besoins nouveaux parmi les paysans. Sur le plan de la valeur monétaire, les commerces de tissus et de confection occupent une place prépondérante, ce qui correspond d’ailleurs tout à fait à la structure des dépenses des paysans. Les plus importants des marchands de tissus sont les Indiens - v karana B - de Fianarantsoa, d’Ambalavao, et même de Tananarive. Puis viennent les (

TABLEAU no 5 Provenance des commerçanfs au marchi d’dmbalavao du 23 avril 1969 (non compris ceux de la Sous-Préfecture d’ambalavao)

Valeur des produits exposes Provenance Nature des produits vendus Nombre WG)

Tissus. Confection 5 750.000 Tananarive Divers 1 100.000

Antsirabe Produits artisanaux 3 110.000

Ambositra-Fandriana Produits artisanaux 6 80.000

Tissus. Confection 12 960.000 Produits artisanaux 9 115.000 Fianarantsoa Bazar. Épicerre 1 25.000 Divers 10 225.000 l Talata-Ampano Tissus. Confection 1 25.000

B. Le commerce sédentaire à Ambalavao. 11ne saurait être question d’étudier en détail cette forme de commerce, ce qui nous éloignerait de notre propos, mais il est tout de même révélateur de connaître l’état de son dynamisme.

(1) Bêche malgache, instrument de iabour. 40 MICHEL PORTAIS

En 1969, 107 commerçants tenaient boutique à Ambalavao, répartis de la façon suivante : Marchandises générales : 26 Gargottes : 23 IXpiceries : 23 Hotely : 7 Tissus, confection : 10 Débits de boisson : 5 Succursalistes ((( M )) et ((Bata B) : 2 Boucheries : 9 Divers (dépôt pharm. librairie) : 2 Et en outre, un commerçant français faisant à la fois Hôtel, Restaurant, fipice- rie, Quincaillerie, et Dépôt de pharmacie. L’éventail c,ommercial est donc assez complet, et il inclut la vente de postes de radio, de machines à c,oudre, de bicy$lettes, d’accordéons, de charrues et autre matériel agricole. Toutes les boutiques présentent un aspect rustique et sont principalement concentrées autour de la place du marché, montrant par là la part capitale que joue pour elles la clientèle rurale. La clientèle urbaine plus aisée se fournit elle-même fréquemment à Fianarantsoa. En fait, sur le plan économique, les 18 magasins tenus par des étrangers (Indiens, Chinois et Français) et les 2 magasins succursalistes, réalisent l’essentiel du chiffre d’affaire du commerce sédentaire d’Ambalavao. Comme ailleurs dans toutes les régions de l’île où se côtoient Indiens et Chinois, ceux-ci sont épiciers ou vendent des (cmarchandises générales 1)c’est-à-dire à peu près tout c.e que l’on peut imaginer, et ceux-là sont marchands de tissus. Les uns et les autres sont assez dynamiques, les Indiens (en fait indo-pakistanais et musulmans) en particulier, sont jeunes (moyenne d’âge des chefs de ménage : 34 ans) et se sont installés ici récemment, depuis l’indépendance, venant de la côte ouest. Les Chinois (et métis sino-malgaches) sont plus âgés (moyenne d’âge 41 ans) et résident en général à Ambalavao depuis plus longtemps, la majorité venant de la côte est. La communauté commerçante merina est la plus nombreuse (69 sur 107) et ses membres sont en général les plus anciennement installés. Ceux qui sont nés à Ambalavao ou dans la région (22) sont les descendants des premiers commerçants merina venus au siècle dernier, 15 sont nés à Tananarive ou dans ses environs et 27 sur le reste des plateaux, spécialement dans la région de Sambaina, en Vakinankaratra. Quant aux Betsileo, ils témoignent de leur peu d’aptitudes au c0mmerc.e en formant une petite communauté de 22 très petits commerçants, souvent simples gargotiers (cf. Photos 13 et 14). A la question (( si vous disposiez subitement d’une grosse somme d’argent (par exemple égale à la valeur actuelle de tout ce que vous possédez) qu’en feriez-vous? 1) Les Chinois et les Indiens répondent qu’avant tout ils investiraient dans leur commerce, alors que les Merina pensent d’abord à faire poursuivre des études à leurs enfants et ensuite à se faire construire une belle maison ; quant aux Betsileo, ils citent également ces deux réponses, en troisième lieu (( acheter des terres 1)et ce n’est qu’en quatrième lieu qu’ils pensent à leur commerce. Le diagramme d’organisation du commerce (fig. 21) montre d’ailleurs comment cette inaptitude se traduit en subordination. Le Betsileo reste avant tout un paysan. Ce sont les commerçants venus de l’extérieur qui ont suggéré c.hez lui des besoins nouveaux, mais il n’a jamais été initiateur en matière commerciale. DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 41

C. Ambalavao, centre de distribution de tout le Bassin.

Le tableau ci-après résume l’importance d’Ambalavao comme centre de distribution de l’ensemble du Bassin, à la fois par son marché hebdomadaire et par son commerce sédentaire. Ces chiffres sont tirés de notre enquête sur les dépenses monétaires auprès de 43 ménages tirés au sort dans les 11 villages étudiés.

Part des achats effectu& (i Ambalavao

Dans les 5 villages étudiés Dans les 6 villages BtudiBs Ensemble les plus proches de la ville les plus isol8s des (20 mfkages) (23 ménages) 11 villages

Habillement...... 100 % 118.000 68 % --82.505 84 % 118.000 121.440

Équipement du mkage.. . . . 86 % 37.920 51 % 24.030 63 % 44.200 47.170

Alimentation...... 79 % 155.805 29 % --34.715 60 % 197.200 118.450

En ces domaines, la plus grande Part?e de ce qui n’est pas acheté à Ambalavao l’est sur les marchés de brousse.

D. Les marchés de brousse.

En dehors de celui d’ambalavao, 9 autres marchés se tiennent de façon hebdo- madaire dans les limites du Bassin. En fait, deux d’entre eux (Anato et Ambohimandroso) ne méritent guère le nom de marché vu l’extrême faiblesse des transactions qui s’y opèrent, et sont plut& ce qu’on appelle parfois là-bas des Gcentres de nivaquinisation R, occasion de se rassembler et de vendre quelques produits surtout aux collecteurs. En réalité, sur le plan de la distribution, seuls 5 d’entre eux (, Ankirioka, Besoa, Ambohimahamasina, et Anjoma) ont une réelle importance, comme en témoigne le tableau no 4. Les commerçants qui se rendent sur ces marchés viennent pour la plupart d’Ambalavao et on peut donc dire qu’en ce qui concerne la distribution, les marchés de brousse ne constituent que des relais au rôle d’Ambalavao, surtout dans les parties du.Bassin éloignées de la ville. La carte de la fig. 13 nous montre pourtant que leur rayonnement est important. De tous les villages voisins, les paysans affluent le jour du marché, mais ce rassemblement a davantage un rôle social qu’économique. Un poste de la Croix-Rouge et parfois de consultation médicale est adjoint au marché ; c’est aussi le jour où les chefs de secteur des opérations de vulgarisation agricole rassemblent leurs moniteurs. Presque tous les notables du quartier ou du canton se retrouvent, et c’est l’occasion pour les jeunes gens et les jeunes filles de se rencontrer. 4 42 MICHEL PORTAI5 DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 43

Seul, le marché d’hmbinanindovoka, qui draine la région de la haute Mananan- tanana, possède une importance réelle, due à sa situation en un lieu de convergence de pistes suffisamment éloigné d’Ambalavao. Les marchés de brousse n’ont qu’une influence extrêmement faible dans la diffusion de besoins nouveaux. Sur le plan économique, la modicité de leur rôle est attestée par le fait que moins de 2 yo du revenu monétaire des paysans provient de la vente de productions sur les marchés de brousse (cf. ch. III, tabl. 6) et que d’autre part, pour les 43 ménages dont nous avons étudié les dépenses monétaires, seulement 18 yo de celles-ci s’étaient faites sur les marchés de brousse : 10 o/. dans les 5 villages étudiés les plus proches de la ville et 25 yo dans les 6 autres villages. Enfin, signalons qu’un très petit commerce de distribution existe en brousse, dans de petites boutiques réparties dans les chefs-lieux de canton et par l’intermédiaire de quelques marchands ambulants. Ces très petits commerçants, tous malgaches, travaillent principalement comme collecteurs de produits locaux et à quelques exceptions près, la distribution n’est pour eux qu’un à-côté.

Tant par la variété des marchandises proposées que par son rayonnement, le marché d’Ambalavao, associé aux commerces sédentaires qui l’entourent, constitue le pôle du commerce de distribution de toute la région. C’est lui qui met véritablement en contact le monde rural avec les marchandises que lui propose le commerce moderne. Les produits les plus nouveaux y sont offerts dans un cadre où le paysan se sent à l’aise. Au fur et à mesure que se développent les facilités de communications, il enlève aux marchés de brousse la plus grande partie de l’intérêt économique qu’ils auraient pu avoir et les réduit au rôle de dernier relais de l’influence urbaine.

4. Sk!OLARISATION ET BESOINS NOUVEAUX. La scolarisation, elle aussi, constitue un facteur fondamental de transformation des besoins du milieu rural. Elle s’est diffusée de façon relativement précoce dans le Bassin d’Ambalavao, et est à peu près générale à l’heure actuelle, si bien que, directement ou par effet induit, elle pèse de façon importante dans le volume des dépenses monétaires des paysans.

A. Ancienneté de la scolarisation. Le Betsileo a la réputation déjà ancienne d’être un pays très scolarisé. Les missions protestantes et catholiques avaient déjà couvert le pays d’écoles dès la fin du siècle dernier et ses habitants se sont montrés très réceptifs à leur entreprise. Pour les 11 villages du Bassin que nous avons étudiés, le graphique de la fig. 14 donne l’état de la scolarisation des chefs de ménage par tranche d’âge. On s’aperçoit à son examen que c’est vers 1930 que l’alphabétisation a fait des progrès décisifs dans la région, et que depùis 1950, 90 yo environ des enfants sont scolarisés. Le nombre des illettrés parmi les chefs de ménage reste de 24 o/. (27/114) dans les 5 villages étudiés les plus proches de la ville, et de 34 yo dans 6 autres villages (53/156). MICHEL PORTAI§

Fig. 14. - Influence urbaine et scolarisation secondaire. Proportion d’eléves inscrits dans les classes de 6e a 3e des Ecoles d’ambalavao, par > Nombre rapport à la population totale selon la distance à la ville (graphique etabli à partir de deux Fig. 13. - L’alphabetisation selon Page dans les 11 villages étudies. cartes par points).

B. Btat actuel de la scolarisation.

a. ITTAT GÉNÉRAL. A l’heure actuelle, la quasi-totalité des enfants en âge scolaire, dans l’ensemble du Bassin, sont inscrits dans un établissement. Cela ne veut pas dire que tous fréquentent regulièrement l’école, car le pourcentage des absents atteint parfois 50 o/. dans les petites écoles de brousse. Mais dès maintenant, plus de 90 yo des jeunes de 20 ans savent au moins lire et écrire. En 1967 (l), 134 enseignants assuraient, dans les limites du Bassin, la scolarisation de 7.357 élèves. Sur c.e nombre, 3.374 étaient inscrits à Ambalavao, où l’importance de la fonction sc.olaire se manifeste par la place qu’y occupent les écoles, et 3.983 en zone rurale, dont 1.544 dans les 4 chefs-lieux de canton. La dispersion géographique des écoles est assez satisfaisante et seule la partie ouest du Bassin où les villages sont plus isoles semble un peu défavorisée (cf. fig. 15). . Les établissements des missions (catholique et protestante) recevaient 4.269 élèves dont 2..332 à Ambalavao, et disposaient de 97 enseignants. Les écoles publiques recevaient 3.085 inscrits dont 1.042 à Ambalavao, mais ne disposaient que de 37 ensei- gnants. En brousse, il n’est pas rare qu’un instituteur doive s’occuper de plus de 100 élèves. Beaucoup d’enfants de paysans se rendent à l’école primaire à Ambalavao, logés chez des cousins ou des oncles et tantes. Sur les pistes convergeant vers la ville, on les voit arriver le lundi matin avec leur provision de riz et de bois pour la semaine.

b. L’ÉCOLE SECONDAIRE. Au cours de l’année scolaire 1968-69, la petite ville d’Ambalavao comptait 764 inscrits dans les classes de 6e à la 3e de ses 4 écoles (3 religieuses, 1 publique) préparant au B.E.P.C. Il y avait environ 300 inscrits dans les classes de 6e et 120 dans les classes de 3e.

(1) Renseignements puisés dans la documentation de la sous-préfecture d’Ambalavao. DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 45

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2 : 46 MICHEL PORTAI§

.f ---NJ! .4. / ( DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 47

Sur ces 764 élèves (1), 157 venaient de la ville même, 251 de la partie rurale du Bassin, 107 du reste de la sous-préfecture, et 249 venaient d’autres districts, principale- ment de Fianarantsoa (109), de la côte est, et même de Tananarive (24). Les déplacements dus à la scolarisation sont très importants, comme en témoigne la carte de la fig. 17. A l’inverse, au cours de l’année scolaire 1969-70, on comptait 259 élèves de la sous- préfecture d’Ambalavao dans les écoles secondaires de Fianarantsoa (1). Pour mesurer l’importance de ces chiffres, disons qu’il y a actuellement, pour l’ensemble des villages du Bassin, environ 350 inscrits dans les classes secondaires dont 110 en 6e, ce qui correspond à 10 yo des enfants de 14 ans. Le graphique de la fig. 18 montre par ailleurs que les villages proches d’Ambalavao sont plus touchés que les plus éloignés par cette scolarisation secondaire. Dans beaucoup de ces villages la proportion d’enfants entrant en classe de 6e est de l’ordre de 25 %.

C. Les besoins entraînés par la scolarisation. L’école jouit actuellement dans le milieu rural d’un prestige assez extraordinaire, comme en témoignent les efforts faits par les paysans pour construire, dans les villages les plus reculés, des écoles qui attendront souvent plusieurs années leur premier instituteur. Le paysan découvre peu à peu, par la fréquentation de la ville et l’écoute du poste à transistors, l’existence d’un autre mode de vie, auquel il ne veut pas que ses enfants restent étrangers. En même temps, il se rend compte qu’autour de lui seuls les secrétaires de mairie, les employés du canton, les instituteurs et les moniteurs de la vulgarisation agricole, c’est-à-dire tous les jeunes qui ont pu aller à l’école jusqu’à un certain niveau, peuvent se permettre d’avoir un pied dans ce monde nouveau et d’acquérir les biens indispensables à cela. Incapable d’imaginer qu’un paysan instruit puisse lui aussi s’élever par ses propres moyens et dans le cadre de son village à une autre condition, il rêve pour son fils des études qui en feront un autre que lui. Si celui-ci réussit effectivement, ce sera pour lui une promotion assurée, à la fois sociale et matérielle. Nous avons rencontré dans les villages plusieurs de ces hommes heureux dont les fils étaient devenus instituteur ou gendarme et qui s’étaient faits construire une belle case à toit de tôle et à <(varanga )) (2) avec l’argent envoyé par l’enfant et qui, à 50 ou 60 ans, ne faisaient pratiquement plus rien en dehors de la culture du riz et l’élevage traditionnel des bœufs. Pour arriver à ce but, le paysan est donc prêt à de lourds sacrifices afin d’envoyer ses enfants à l’école. Parfois, c’est toute la grande famille qui se cotise pour un sujet un peu brillant. Sur les 43 budgets familiaux dont nous avons étudié les dépenses de façon détaillée, les frais d’(<écolage 1) représentaient 6 yo des dépenses monétaires totales, soit environ 1.500 FMG par ménage, atteignant jusqu’à 20 yo dans certains cas. Plus de la moitié des enfants sont en effet inscrits à l’école privée où l’écolage va de quelques centaines de francs par an à 1.000 FMG par mois pour un élève de 3e. Dans les écoles publiques, le droit d’inscription est minime, mais quelle que soit l’école, les cahiers, les crayons, les vêtements et parfois les voyages coûtent chers et viennent s’ajouter aux stricts frais d’écolage. N’oublions pas non plus le montant du loyer ou de

(1) Chiffres recueillis auprés des Etablissements intkressés. (2) Grand balcon couvert. 48 MICHEL PORTAIS

- Limite de Province ----- Limite de Prlfec~ure

Fig. 17. - Origine des Blèves des classes secondaires d’Ambalavao. Élèves domicili&s hors de la Sous-Prefecture. DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 49 la pension pour ceux qui vont à l’école à Ambalavao et sont lpgés chez l’habitant, dans la famille, ou au pensionnat religieux. Tout compte fait, c’est plus de 10 yo des revenus du paysan qui sont absorbés par la scolarisation. A cela, il faudrait encore ajouter la part de l’impôt qui revient au fonctionnement de l’école publique et surtout le fait de se priver du travail des jeunes gens. N’ont-ils pas fréquemment plus de 20 ans en classe de 3e? Ainsi les besoins, en croissance régulière, lié& à la scolarisation, pèsent d’un poids déterminant dans les préoccupafions des paysans du Bassin d’Ambalavao. Le moment n’est pas venu de répondre à la question de savoir si un tel investissement est rentable pour le milieu rural. Il apparaît cependant que c’est là l’une des questions fondamentales que l’on doive se poser au sujet d’une telle région.

5. ACCROISSEMENT DdMOGRAPHIQUE ET BESOINS NOUVEAUX.

L’awroissement démographique est certainement à l’heure actuelle, le facteur essentiel d’augmentation des besoins parmi les paysans du Bassin d’Ambalavao. Il est difficile de réunir une documentation précise sur l’acc.roissement démo- graphique. Les données administratives pouvant être parfois assez approximatives, les deux sources de renseignements les plus exactes que nous possédions en ce domaine sont, d’une part le rec.ensement de la commune urbaine d’Ambalavao par l’I.N.S.R.E. effectué en 1964, et d’autre part les fiches démographiques que nous avons pu établir nous-mêmes dans les 11 villages que nous avons étudiés, mais qui ne portent mal- heureusement que sur 1.456 individus.

A. L’accroissement démographique d’aprés les données administratives.

Bien que manquant souvent de rigueur, les données administratives peuvent tout de même nous fournir des indications intéressantes sur la croissance démographique. Le rapprochement entre les documents de l’administration et les résultats obtenus par le recensement des exploitations agricoles effectué par le G.O.P.R. dans cette région, où tous les villages sont accessibles avec un minimum de marche à pied, nous ont d’ailleurs convaincu qu’au niveau global du’ Bassin ces renseignements étaient suffisamment exacts (marge d’erreur inférieure à 5 %). Les chiffres nous indiquent ainsi que de 52.950 en 1954, la population de la sous- préfecture est passée de 76.280 en 1968. Pour les 6 communes qui sont presque entière- ment inscrites dans le Bassin d’ambalavao, on obtient respectivement, pour les m8mes dates, 33.160 et 46.720 habitants, soit un accroissement de 42 yo en 14 ans correspondant à une augmentation annuelle moyefine légèrement supérieure à 2,5 %. D’après ces mêmes sources et au cours de la même période, l’accroissement aurait été de 50 yo pour la commune d’Ambalavao (qui, s’étendant sur 113 km2 compte plus de 50 yo de paysans), de 43 yo pour les trois communes où la densité reste faible (Ambalavao-Nord, Ambohimahamasina, Iarintsena) et de 30 o/. seulement pour les deux communes d’Anjoma et d’Ambohimandroso, au centre du Bassin, où la densité moyenne est supérieure à 60 hab/km2. 50 MICHEL PORTAIS

a5 80 15 16 65 60 55 50 L5 LO a5 30 25 20 15 10 5 0 800 608 400 180

Fig. 18. - Pyramide des Qges : 1, pour 11 villages du Bassin d’Ambalavao (1969) ; II, pour la ville d’Ambalavao (1964). DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 51

On distingue donc nettement une région centrale déjà bien peuplée, où la population progresse par simple croît naturel, et subit même, comme nous le verrons plus loin, une petite émigration, et des communes qui continuent à s’accroître non seulement naturelle- ment mais aussi par immigration, ce qui est le cas principalement d’ambalavao. L’ancienne répartition de la population, due aux contraintes que nous avons évoquées dans le chapitre 1, tend donc petit à petit à se modifier, la ville formant le pôle attractif de cette population.

B. Structure démographique et état sanitaire. La pyramide des âges de la population d’Ambalavao en 1964, et celle établie pour les 1.456 habitants des villages étudiés en détail en 1969, ne sont pas très différentes l’une de l’autre (fig. 19). Toutes les deux représentent une population très jeune en rapide accroissement démographique, avec un certain déficit d’adultes, et principalement d’hommes, entre 20 et 40 ans. La pyramide villageoise, établie 5 ans après celle de la commune urbaine, présente un certain rétrécissement à sa base, les moins de 5 ans étant moins nombreux que les 10 à 15 ans. S’agit-il réellement d’une baisse de la natalité, d’une recrudescence de la mortalité infantile ou d’une sous-estimation dans les déclarations de tout petits enfants? Nous ne le savons pas. _ Le déficit des hommes par rapport aux femmes dans la tranche d’âge de 20 à 40 ans est sensiblement identique pour la commune d’Ambalavao et pour les villages : environ 20 %. Redisons d’ailleurs que la commune d’Ambalavao est rurale à plus de 50 %. Cela traduit surtout le manque de ressources de cette région où une partie des hommes doit émigrer pour chercher du travail. 55 y0 de la population dans la commune d’Ambalavao en 1964, et 56 y0 dans les villages en 1969 ont moins de 20 ans. Les plus de 65 ans n’étaient, à ces mêmes dates, que 4,5 y0 à Ambalavao et 6,5 y0 dans l’environnement rural. Ainsi s’accroît très rapidement une population très jeune, mais qui ne trouve pas toujours sur place le travail dont elle a besoin pour vivre. L’examen des pyramides des âges laisse pressentir une rapide amélioration de l’état sanitaire entre 1950 et 1960, se traduisant par une brusque ((explosion Q des classes d’âge ayant actuellement entre 10 et 20 ans. C’est en effet à cette époque que le plus d’efforts ont été accomplis dans le domaine sanitaire, tant pour enrayer les grandes endémies (pulvérisation de DDT, distribution de nivaquine) que pour généraliser l’emploi des antibiotiques ou faire en sorte que la grande majorité des naissances se fasse en maternité. La ville d’Ambalavao fut dotée dès sa création d’un poste médical, alors qu’hmbohi- mandroso possédait déjà un dispensaire tenu par des missionnaires protestants. Plus tard, Ambohimahamasina fut dotée d’une maternité et d’un poste médical et plus récemment c.e fut le tour d’Anjoma. Enfin, une maternité vient d’être inaugurée cette année dans le village de pour la commune d’Ambalavao-Nord. Tous les marchés hebdomadaires, en brousse, sont accompagnés d’un (( centre de nivaquinisation B tenu par la Croix-Rouge. Pour assurer le fonctionnement des services de santé on ne compte pourtant que deux médecins résidant à Ambalavao, tir q infirmiers et quatre sages-femmes, ce qui est notablement insuffisant. Ainsi le nouvel et très bel hôpital d’Ambalavao reste disproportionné avec les possibilités d’entretien qu’autorise le personnel actuel. 52 MICHEL PORTAIS

C. Les migration de population. En elles-mêmes, il est diffkile d’affirmer que les migrations de populations aient un rapport direct avec l’accroissement des besoins. Cependant,, puisque nous parlons de demographie il serait dommage de ne pas les évoquer et il est de toute façon utile de savoir quel rôle elles peuvent jouer dans l’évolution de la population. La région d’Ambalavao n’a pas cessé de connaître des migralions de population depuis les premiers temps de son peuplement. Nous avons évoqué certains de ces mouvements qui étaient d’émigrat.ion tels que les départs vers le pays tanala à la fin du siècle dernier, favorisés par les inégalités dans le prélèvement. de l’imp0t. Mais le mouvement le plus constant, depuis le début de c.esiècle, est certainement le peuplement progressif des terres de l’ouest, qui se poursuit enc.ore à l’heure actuelle. Ces mouvements d’émigration sont en général la conséquence de la croissance des besoins et ce n’est donc pas le moment de s’y attarder. Quoiqu’il en soit, sur les 270 chefs de ménages que nous avons interrogés, 88 sont nés hors de leur village actuel de résidence, dont 40 dans un autre canton, la plupart du temps de la sous-préfecture de Fianarantsoa. Actuellement, le facteur principal de migrations semble être la scolarisation secondaire et il s’agit, bien sûr, principalement d’une émigration.

D. Les conséquences de l’accroissement démographique. L’accroissement démographique assez spectaculaire que connaissent actuellement les villages du Bassin d’Ambalavao, est. devenu à l’heure actuelle le facteur le plus eficac.e d’awroisscment des besoins et par là même d’évolution de campagnes. Après un temps où la brusque introduction de l’impôt avait entrafné l’entrk massive du monde rural dans le cadre de l’économie monétaire, et un t*emps où les tentations du commerce ont suggéré aux paysans de nouveaux besoins, ce sont désormais les conséquencrs de l’accroissement démographique qui pksent d’un poids très lourd dans 1~s pr&occupations des ruraux. Il faut en effet accroitre les productions vivriéres, c’est ce qui apparaIt* le plus urgent, et ensuite ac.corder à ces nouveaux enfants ce qu’on a pris l’habit.udr de donner à leurs aînés et si possible plus encore, que ce soit l’enseigne- ment, le vêtement, voire quelques distractions. L)ès lors, la stagnation, qui semble absolue, du revenu monétaire par habitant dans les campagnes d’ambalavao, si l’on compare les résultats obtenus par l’enquête CINAM- INSHE en 1062 et nos propres résultats, ne doit pas faire oublier que la taille moyenne des ménages s’é.tant agrandie, passant de 4,G à 3,25 personnes, il a bien fallu, pour maintenir vaille que vaille le revenu par t.Gte, que la productivité du chef de ménage s’accroisse, comme en témoigne le tableau ci-dessous :

Depenses annuelles par hab. (FMG). 4.675 4.590 -2 TI”

Dépenses annuelles par mén. (FMG) 21.700 04.790 +14 Y3 DIFFUSION DE NOUVEAUX BESOINS PARMI LES RURAUX 53

Notons que le coût de la vie a relativement très peu augmenté dans les campagnes entre 1962 et 1969 et qu’en tous cas le prix de la main-d’œuvre et des productions agricoles est resté stable. D’autre part, certains revenus extérieurs comme les pensions versées aux anciens combattants ou les retraites des militaires ont diminué. Ainsi, dans l’ensemble, l’augmentation de 14 yO des dépenses familiales correspond bien à une augmentation réelle de la production paysanne par personne active. * + *

CONCLUSION. Sous l’influence des diverses fonctions urbaines et de l’accroissement démo- graphique, un grand nombre de besoins nouveaux se sont récemment manifestés dans le milieu rural du Bassin d’ambalavao. L’apparition de besoins nouveaux se fait souvent de façon assez brutale tandis que l’adoption des innovations qui permettent de les satisfaire se réalise plus lentement. Ce décalage constitue sans doute l’une des raisons de la stagnation actuelle du niveau de vie dans les campagnes, puisqu’il apparaît qu’à l’heure présente, l’accroissement démographique; en un temps où de plus en plus de jeunes sont soustraits au travail de la terre par une scolarisation qui se prolonge fort tard, semble un facteur essentiel de l’accroissement des besoins. Pourtant, tout au long de ces dernières décades, d’importantes innovations ont parfois été adoptées, qui ont permis de répondre à bien des besoins nouveaux, qui ont profondément modifié l’économie paysanne, et dont les effets commencent à transformer l’organisation de l’espace. Reste à savoir si l’influence urbaine, dont le rôle est déterminant dans l’intro- duction des besoins nouveaux, se montre aussi effkace à favoriser l’adoption des innovations par l’environnement rural. 3

L’adoption des innovations en milieu rural et le rôle de l’influence urbaine

Pour répondre aux besoins nouveaux, tant monétaires que vivriers, des solutions nouvelles, des innovations, ont dû être adoptées par le milieu rural du Bassin d’Ambalavao. Tour à tour, certaines solutions ont été introduites puis abandonnées. Ce qui était nouveauté voilà 60 ans est devenu, dans certains villages, signe d’archaïsme. Certaines de ces innovations sont dues à des initiatives privées et locales, d’autres le sont aux pouvoirs publics. Elles ont connu des fortunes diverses, mais presque toujours, ce sont les villages les plus touchés par l’influence urbaine qui se sont montrés les plus réceptifs à ces nouveautés.

1. LES SOLUTIONS ANCIENNES. A. Le tissage de la soie. A la fin du siècle dernier, la seule ressource importante de la région du Tsienimparihy était constituée par le travail de la soie, depuis l’élevage du ver jusqu’au tissage des (( lamba D. 11semble bien que l’actuel Bassin d’Ambalavao était alors, et de loin, la plus grande région productrice de cocons de tout Madagascar. Une grande partie des collines, autour des villages, était alors couverte d’embrevades (Cajanus indicus Spreng), amberivaty en malgache. Bien d’autres espèces permettaient l’élevage des vers, comme les tapias, souvent utilisés à cette fin dans la région d’ambositra, le goyavier ou le rafy (sorte d’Hibiscus), mais c’est sur embrevades que se faisait la plupart des élevages de la région d’Ambalavao. 56 MICHEL PORTAIS

Certaines traditions rapportent que le travail de la soie aurait été importé du pays bara. Aujourd’hui que la région ne produit plus de cocons, c’est en partie de la région d’Ihosy que continuent de lui venir les cocons dont elle a besoin. Les Anciens du village d’ambalafananarana et ceux de Manambelo que nous avons interrogés à ce sujet se souviennent que dans leur jeunesse, les tanety proches du village étaient couvertes d’embrevades. Or, il n’en reste aujourd’hui dans toute la région que des souvenirs et quelques plants, notamment autour de la ville d’ambalavao. II nous semble bon d’insister sur la rapidité avec laquelle ont ainsi disparu un trait essentiel du paysage et une activité qui, si l’on s’en réfkre à la description que fait le père DUBOIS (1) des soins minutieux nécessités par cet élevage et par la préparation des cocons, devait tenir une place prépondérante, à côté de la culture du riz, dans les occupations des habitants. Ces anciens que l’on a tendance à regarder comme figés dans leur tradition ont connu, en fait, des transformations extrêmement profondes de leurs moyens d’existence. Les cocons de ver à soie avaient, bien sûr, pour première utilisation, la préparation de la soie, mais ils servaient en outre de monnaies d’échange pour les transactions de petit volume. Ainsi, à la fin du siècle dernier, toujours selon le père DUBOIS (2), la valeur de 100 cocons était d’environ 0,5 F et il fallait en donner 40 pour avoir l’équivalent d’une tasse de sel et 100 pour une plaquette de sucre. Avec un pouvoir d’achat aussi faible, on conçoit que l’utilisation des cocons comme monnaie d’échange ait rapidement disparu. La soie, teinte avec des produits locaux, principalement en rouge, en noir, en jaune et en vert, était tissée en lamba de différentes tailles et qualités selon les usages. Le plus remarquable de ceux-ci était celui de linceul. Pour les famadihana (3) des familles les plus riches, les prix atteints par les plus beaux lamba étaient et restent fabuleux (jusqu’à 60.000 FMG), la soie de bonne qualité restant imputrescible durant de longues années. Les commerc,ants merina qui s’installèrent dans la région au cours du siècle dernier, permirent à cette fabrication, qui jusque-là se faisait à usage local, de devenir une source de revenus pour les habitants de la région en organisant le commerce des lamba, se faisant pourvoyeurs de travail, un peu à la façon des soyeux lyonnais. Mais si les commerçants merina firent des lamba une source de revenus, en intro- duisant dans le pays les cotonnades importées de l’étranger ils allaient être en même temps, et parallèlement, à l’origine du déclin du tissage de la soie. Peu à peu en effet ces cotons importés et bon marché allaient se substituer à la soie pour le vêtement. Ainsi déclina peu à peu la soierie locale, alors que les écheveaux de soie brute importée allaient peu à peu remplacer ceux produits à partir des cocons locaux. A l’heure actuelle, l’ancien artisanat des lamba dans la région d’ambalavao, se cantonne en deux positions géographiques : dans la ville d’Ambalavao et ses environs immédiats d’une part, et dans le canton d’Ambohimahamasina d’autre part, alors qu’autrefois dans tous les villages que nous avons étudiés les femmes tissaient la soie. Dans le canton d’ambohimahamasina, le maintien du tissage est un signe d’archaïsme. Les femmes achètent les écheveaux de soie ou de coton (celui-ci s’étant

(1) Op. eit., pp. 283 a 285. (2) Op. cif., p. 610. (3) Cérémonie d’exhumation. INNOVATIONS EN MILIEU RURAL ET INFLUENCE URBAINE 57 peu à peu imposé), ou parfois-les cocons bruts, sur les marchés d’ambinanindovoka et d’hmbohimahamasina aux périodes où les travaux des rizières sont les moins absorbants, et spécialement durant l’hiver, préparent leurs teintures, et tissent les lamba sur un métier assez rudimentaire (photo n 0 12). Travaillant deux par deux, elles mettent moins d’une semaine pour tisser un lamba sur lequel elles feront entre 300 et 500 FMG de bénéfice. Une fois le travail achevé, elles vont vendre leurs lamba aux deux mêmes marchés à des collecteurs, commerçants merina d’Ambalavao pour la plupart, qui sont généralement les mêmes auxquels elles avaient acheté leur matière première. Cependant, une petite partie en est vendue en pays tanala et sur la côte est par quelques hommes de la région. Dans les deux villages du canton d’ambohimahamasina que nous avons étudiés, dans 57 ménages, 44 femmes ont tissé, de mars 1968 à mars 1969, 1.116 lamba, soit près de 20 par ménage en moyenne. L’activité qui en découle n’est donc pas négligeable, mais le bénéfice qui en est retiré est devenu dérisoire. Il constitue néanmoins 50 yo des ressources monétaires du village de Maromanana et près de 20 o/. de celui d’Andrano- mangitsy (cf. tableau no 7). Au contraire de la région d’Ambohimahasina qui ne tisse plus guère que des petits lamba destinés à être vendus sur les côtes, aux habitants du sud ou aux bouviers de passage au marché aux bestiaux d’Ambalavao, dans cette dernière ville et dans son voisinage immédiat se maintient l’activité plus noble du tissage des grands lamba de soie pure destinés à envelopper les morts. Au recensement de 1964, 104 femmes déclaraient faire profession de tisseuses à Ambalavao, mais ce chiffre ne tient pas compte des femmes tissant occasionnellement pour leurs propres besoins. Ce sont des femmes de commerçants merina qui, pour la plupart, dirigent cet artisanat. Elles se procurent la soie, achetée filée à des grossistes, ou en cocons venus du pays bara, de la région d’Ihosy. Dans ce dernier cas, ce sont elles qui dévident les cocons et préparent le fil, faisant elles-mêmes les teintures. Ensuite elles distribuent la soie à des tisseuses, betsileo pour la plupart, qui recevront un salaire d’environ 2.000 FMG pour une pièce nécessitant près de deux semaines de travail à deux. Cette production de lamba destinés aux cérémonies de famadihana est celle qui a le plus de chance de subsister dans les années à venir. C’est en effet une production de luxe qui donne un produit de grande qualité dont on ne peut se passer pour honorer la mémoire des ancêtres. En revanche, si la production de petits lamba ‘de la région d’Ambohimahamasina ne se reconvertit pas, elle risque de diminuer de faSon irrémédiable. Une reconversion possible serait d’apprendre aux femmes à faire des lamba de couleurs plus gaies OU plus adaptées aux goûts nouveaux et de tisser des services de table dont les étrangers sont très amateurs, comme on le fait déjà dans la région d’hmbositra. 11 devrait être utile également, et ce pourrait être le rôle de l’hnimation Rurale (l), de suggérer aux

(1) Le t Secrétariat & 1’Animation Rurale s posséde dans la plupart des sous-préfectures un centre chargé d’animer des P Associations villageoises hjaux activités a la fois sociales et économiques. Dans le Bassin d’Ambalavao, seules les communes d’hnjoma et d’Ambohimahanïasina possédent de telles associations. Leur activitb principale est l’alphabétisation mais elles ont aussi créé des greniers collectifs et réalisé quelques petits barrages. Un projet était % l’étude en 1970 qui devait faire de la rbgion d’ambohimahamasina une zone pilote de 1’Animation Rurale. Cqtte note a Bt.6 rédigée en 1970. L’Animation Rurale a Bté complètement réorganisée h partir de 1972.

5 MICHEL PORTAI§ .

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Fig. 19. - L’artisanat traditionnel. femmes de grouper leurs achats et leurs ventes en une petite coopérative de façon a éviter un intermédiaire à l’achat de la soie et un autre à la vente des lamba. Leur bénéfice se trouverait augmenté en de notables proportions. D’autres productions artisanales existent dans la région, notamment la fabrication des poteries les plus usuelles dans la région d’Anjoma, le tressage des nattes un peu partout, et même la forge, pour la fabrication des outils agricoles les plus répandus comme l’angady (1) dans quelques villages situés an sud d’ambohimahamasina principalement. Mais tout cela ne constitue qu’un apport monétaire très modique ou limité à quelques villages (cf. fig. 19).

B. L%migratiom et l’emploi temporaire. C’est essentiellement pour payer l’imp0t que les paysans se sont employés comme salariks. On l’a vu, l’impôt en espèces a remplacé ce qui était auparavant une prestation de service. L’impot a donc été dès l’origine assimilé à un travail obligatoire hors de chez soi. Il est resté quelque chose de cette assimilation dans l’esprit des gens et l’argent retiré

(1) Petite b8che allongke, instrument de labour. INNOVATIONS EN MILIEU RIJRAL ET INFLUENCE URBAINE 59

du travail salarié n’est encore u$lisé, dans beaucoup de cas, que pour payer l’impôt (1). D’ailleurs il est déshonorant cle s’employer dans son propre village comme salarié et beaucoup ne s’embauchent que dans des villages où leur famille n’est pas connue. II semble bien que dans le passé, les emplois les plus originaux des paysans de la région aient été ceux de convoyeurs de bœufs, pour les troupeaux venus du Sud et de l’Ouest. Parmi les Anciens rencontrés dans les villages, on trouve aussi quelques tireurs de pousse-pousse qui travaillèrent autrefois à Tananarive. La construction des routes et celle du chemin de fer de Fianarantsoa à Manakara qui utilisa une main-d’œuvre abondante permirent à beaucoup de payer leurs inipôts durant bien des années. Les concessions agricoles ont toujours été très rares dans cette région et ont fourni très peu de travail salarié. Les Betsileo refusant presque toujours de s’employer pour plus de deux ou trois mois n’ont fourni que très peu de main-d’œuvre aux quelques usines d’Ambalavao qui ont plutôt fait appel à des Antandroy et à des Antaimoro, et ce sont principalement des Bezanozano, ethnie localisée dans le fossé du Mangoro à l’est de Tananarive, qui ont toujours cultivé le tabac sous forme dc métayage sur la concession (t Ny Ambaniandro )) (2), près de Iarintsena. En fait, les deux sources de travail salarié les plus constantes ont été d’une part le travail dans les cantons voisins, par exemple pour les travaux des rizières dans le canton de Mahazony où le froid, dû à l’altitude, décale légèrement dans le temps la période des labouis et des moissons, et d’autre part le travail du bois, des rizières et la récolte du café chez les Tanala de la forêt et sur la côte est, entre Mananjary et Farafangana. Aujourd’hui encore, le pays tanala attire de nombreux travailleurs du canton d’Ambohimahamasina au moment où les rizières demandent le moins de soins, corres- pondant à la période de récolte du café (mois d’hiver). Dans les villages d’Andran?- mangitsy et de Maromanana, en 1968, 11 hommes sont partis chez les Tanala travailler près d’un mois en moyenne (38 semaines au total) c’est-à-dire le temps moyen nécessaire à gagner l’argent pour payer Gla carte u (impôt du minimum fiscal). En ce qui concerne l’emploi temporaire, on peut regrouper les villages étudiés en 3 ensembles. Le premier de ceux-ci comprend les trois villages qui sont les plus éloignés, dans I’Est du Bassin, qui sont aussi les plus archaïques, Ià où l’artisanat s’est le mieux maintenu. C’est parmi eux que l’emploi temporaire est le plus souvent pratiqué. Plus d’un chef de ménage sur deux pratique cette forme de travail, pour se procurer l’argent nécessaire à payer l’impôt. C’est parmi ces villages que l’on trouve ceux qui partent le plus loin, essentiellement en pays tanala, mais également dans la région d’Ihosy, et même dans la plaine de Marovoay (région de Majunga). Le deuxième groupe de villages comprend ceux qui sont les plus proches d’Amba- lavao. L’emploi temporaire y semble également une pratique assez courante, mais dirigée uniquement vers la ville, ou vers deux concessions viticoles et un centre d’essais agricoles. Le troisième groupe enfin rassemble tous les autres villages. Si un peu plus du tiers des hommes y pratiquent l’emploi temporaire c’est toujours pour un minimum de temps (une semaine en moyenne) et presque toujours dans le voisinage.

(1) Cela est vrai dans beaucoup de régions. Voir & ce sujet G. ALTHABE, Oppression ef fibhfion dans f’ima- ginaire, Paris, Maspero 1969. (2) SociétB malgache & capitaux tananariviens. La concession s’Atend sur 32 ha et emploie une trentaine de familles de mbtayers le temps de la culture. 60 MICHEL PORTAI§

Au total, sur 270 ménages étudiés, on trouvait en 1960, 112 hommes ayant occupé un emploi salarié temporaire, 4 semaines en moyenne, c’est-à-dire le temps nécessaire ti acquérir les 3.000 FMG que représente approximativement le montant de la (( carte 1). Si les déplacements longs et lointains semblent se raréfier, c’est en grande partie parce que de nouvelles cultures, introduites peu à peu, obligent le paysan à rester plus souvent, parfois presque en permanence, sur ses terres. Un seul type d’emploi (( salarié u tend à se développer, c’est celui de possesseur de charrues labourant les champs des autres.

C. Les pensions. Les pensions (( d’anciens combattants B ou plutôt de militaires retraités de l’armée francaise ne sont aujourd’hui que la conséquence de ce qui fut une sorte d’émigration temporaire. 11 vaut la peine d’en parler puisque dans les 11 villages étudiés, 9 pensions de militaires ou de gendarmes retraités ont rapporté un peu plus d’un million de FMG soit 17 ‘$6 du revenu monétaire total. Presque autant que les salaires (19 %) ou que l’élevage (18 %) et davantage que l’artisanat (13 %). Pour l’ensemble de la sous-préfecture d’hmbalavao la paierie de France verse chaque annke 46.400.000 FMG à près de 200 pensionnés. La masse d’argent assez importante dont disposent les pensionnés et retraités pourrait être une source d’investissements. Malheureusement, il en est rarement ainsi. Les (( anciens combattants )) comme on les nomme, consomment beaucoup et investissent peu. Leur consommation, souvent villageoise, permet une certaine redistribution sur place. Beaucoup possèdent à Ambalavao une ou plusieurs cases qu’ils louent ou gardent pour leurs enfants, petits-enfants, ou neveux poursuivant des études en ville. D’ailleurs tous cherchnnt à faire poursuivre des études à leurs descendants. Enfin ce sont eux qui possèdent en gknéral les plus beaux troupeaux de bœufs, les maisons à (( varanga 1)(1) et à toit de tôle et ont les premiers, parmi les paysans, acheté poste de radio et machine à coudre. Ils font également une forte consommation de rhum, et la population féminine profite largement du circuit monétaire qu’ils engendrent. Enfin, ils servent fréquemment de (( banque )) au village et font de-nombreux dons à leur proche famille.

2.. LES PROBUCTIQNS AGRICOLES. COMMERCIALISATION ET INNOVATIONS.

L’influence de la ville, restée faible en ce qui concerne l’emploi salarié temporaire, a été beaucoup plus déterminante pour transformer partiellement l’agriculture du Bassin d’Ambalavao en une agriculture spéculative. Si l’on s’en tient à l’agriculture en effet, la première façon pour le paysan de satisfaire les besoins nouveaux qu’entrainent pour lui les contacts avec la ville, est de commercia- liser, au moins partiellement, la production qui, jusque-la, lui permettait de vivre en

(1) Grand balcon. INNOVATIONS EN MILIEU RURAL ET INFLUENCE URBAINE 61 autarcie. Cela suppose que parallèlement il soit capable de disposer de surplus dont il pouvait autrefois se passer.

A. L’influence de la ville. Dans le tableau ci-après et son expression graphique (fig. 20) on a groupé les villages Mudiés en deux parties : d’une part les 5 les plus proches d’ambalavao, d’autre part les 6 les plus isolés de 1’influenc.e urbaine. De leur examen, on peut tirer les remarques suivantes : 10 Les revenus tirés de l’agriculture et de l’élevage sont nettement plus importants dans les villages proches de la ville et ce, bien que les conditions de sols, de climat, et de densité d’occupation humaine soient parfaitement comparables en moyenne pour chacun des deux groupes de villages. 20 Les productions traditionnelles - riz, bovins - procurent pour chaque groupe de villages des revenus faiblement différents. La différence s’accentue pour le tabac et surtout pour l’arachide et l’élevage porcin, dont la commercialisation est plus récente et qui connaissent actuellement des aléas et une certaine stagnation. Enfin, la différence est trks grande pour les productions légumières et fruitières, très liées au marché urbain et qui connaissent une expansion continue, et même très rapide en ce qui concerne les oranges.

REVENUS EN FMG

Dans les 5 villages Dans les 6 villages Etudiés Etudiés les plus proches les plus isolés d’Ambalavao (114 ménages) (156 menages)

Total Par Total Par ménage mknage -1 Riz (paddy et riz) 110.000 ( 970 1 94.500 1 610 Comm. Prod. trad. ancien ,Bovins...... 430.000 ) 3.780 1 407.500 ) 2.610

Tabac (l)...... 1 189.000 ) 1.660 1 118.000 1 760 Productions Autres Arachide...... 279.000 stagnantes Comm. 2.450 149.000 950 aprés guerre productions Porcs.. . , . . . . , . , . . . 109.500 960 66.000 420

Volailles...... 94.000 820 48.300 310

Comm. cn /Légumes...... 260.000 1 2.280 40.000 260 Productions rapport avec en progrès le march8 urbain

(1) La fraude est trés importante sur le tabac et la rbalité doit être voisine du double des chiffres obtenus. N.B. L’agriculture et 1’Blevage ne fournissent dans l’ensemble des villages étudies que 43 % des revenus. Le reste revenant au travail salari (19 %), ti l’artisanat (13 %), aux pensions (17 %) et divers (8 %). MICHEL PORTA>S

BOVIN3 TABAC ARACHIDE PORCS VOLAILIES LEGUMES FRUIT5

Dans lor 5 villoger Ad& I~)plw yg~ Dons I~~~~~~~~sges étudiis les plus proches do 10 ville Fig. 20. - Influence mhaine et revenus agricoles.

Tal?a. I mport - e XPOlk Fabrique , 0 GWi

Fisnar.

Demi - c~rc38

j@ n Détaillant / Collecteur n” I 1 / / / \ F Français \ I / / 1 Indien \ \I c Chinois Campagne Cané cospi. M Merina 6 seta\lco ’ i ‘\ ’ Marchandises \\ Produits locaux P-

Fig. 21. - Organisation du commerce. TAULEAU no 6 La vente des produits agricoles selon les acheteurs ou les lieux de vente

Pour les 5 villages Pour les 6 villages Etudies les plus proches d’hmbalavac etudies les plus éloignés / I- ?--_~ZZZZ-~ _- Marché Marche Collecteurs Entre voisins ou Marché Marche Collecteurs Entre voisins or d’Ambalavao de brousse Coopératives villages voisins d’hmbalavao de brousse Cooperatives villages voisins

TOTAL y0 TOTAL y0 TOTAL y! TOTAL yO TOTAL 1-1 TOTAL I"/- yO TOTAL yO TOTAL yO

Riz-Paddy.. . . 9.300F 8,5 7.8OOF 7 66.110F 42 46.750 F 42.5 21.77521.775F F 1-I23 5.400F /y 6 33.300 F 36 32.550 F 35

Arachide.. . . . I 100 1 1 4.!50 1 1,51278.605 I98,5 1 - / - 1 1.500 1 1 1 13.800 1 9 128.675 1 84,5 8.450 5,;

Legumes...... 1+9;&6;, /“liii136.670 a/ 77377,5 /1 13.495 1 7957,5 j( 25.750 /( 14,5 /( 600 (/ 0,s0,5 ( 8.450 ( 18,5 ( 23.090 j 50 3.000 6,5 11.330 ’ 25 1 Fianar. 1 1 I I I I / I - I hlanioc...... 1 3.050 1 2 1 - - 25.725 20 100.800 78 - - - - 2.500 10 24.300 1 90 - - Fruits...... 31.830 .1 26,5 5.110 4,5 79.250 65,5 4.150 3,s3,5 2.470 9 16.725 61 1.900 7 6.325 23 I - - I- Cafe...... 2.000 71 800 29 - - - - 7.035 37 9.650 51 350 2 1.800 10 - TOTAL...... 182.950 22 31.355 1 4 455.440 55,5 152.300 18,E18,5 41.320 11 68.665 19 169.725 47 84.755 23 +92.500 Q Fianar. I I I

w TABLEAU 110 7 Origine des ressources monétaires dans les villages étudies - Samima- Xmbala- 4ndrano- Vondro- Tsiandc Antani- Ambat.o sina Mana- Andoha. Maronia- mangit- fanana- Anjaky Tambo- ENSEMBLE ltely hany soa IühY velo VO10 nana SY rana hobe . .--- *; .. Revenu total déclare. 987.000 142.000 842.000 1.050.000 536.000 301.000 639.000 310.000 438.000 972.000 237.000 6.454.000 . .-y- . . _. Revenu moyen par personne...... 9.400 1.900 4 730 6.960 3.770 2.600 4.100 2.480 5.625 5.410 2.200 4.570 . .--- . . .. Revenus agr. 25 % TOTAL...... 74.350 59.200 146.270 587.830 245.740 55.400 188.000 59.400 70.000 61.100 53.170 1.600.480 par personne ...... 710 800 820 3.890 1.620 480 1.200 475 900 340 490 1.130 . .--- . . .. Élevage 18 % TOTAL...... 76.375 36.900 135.690 291.000 117.450 16.450 92.800 65.900 259.550 69.100 20.765 1.181.980 par personne...... 730 500 760 1.930 830 140 595 530 3.310 385 190 840 . .--- . . .. Artisanat 13 % TOTAL...... 73.000 4.800 2.800 29.000 36.920 4.050 111.000 119.000 6.400 479.800 47.200 813.970 par personne.. . . 695 65 116 190 260 35 140 950 82 2.660 435 575 .-- _ _ Salaires 19 % TOTAL. . . . . 123.275 26.900 462.200 62.YOO 110.000 17.100 144.900 61.050 15.750 117.600 87.100 1.228.675 par personne.. . . . 1.170 360 2.600 420 775 145 930 490 200 650 810 870 --- . - ._ Pensions et graiiflcat. 17 yh TQTAL...... 245.000 14.000 95.000 80.000 25.260 208.000 80.000 - 87.100 224.000 29.265 1.087.625 par personne...... 2.340 190 530 530 180 1.790 510 - 1.120 1.250 270 770 _--P . _ ._ Divers 8 “’10 TOTAL...... 395.000 - - - - - 122.400 5.000 - 20.000 -. 542.400 par personne...... 3.760 - - - - - 780 40 - 1 110 - 383 INNOVATIONS EN MILIEU RURAL ET INFLUENCE URBAINE 65

Les villages proches d’Ambalavao semblent donc les premiers touchés par la diffusion de nouvelles productions, la commercialisation étant largement dépendante des facilités de relations avec la ville.

B. La commerciahation des productions traditionnelles. 11 s’agit essentiellement du riz et des bovins, qui restent encore aujourd’hui les deux productions fondamentales de la région. Le riz est cultivé par la totalité des paysans, avant tout pour l’autoconsommation. Il suffit d’un demi-hectare de rizières produisant une tonne de paddy pour fournir l’essentiel de la nourriture à un ménage de 5 personnes (1). Dans les 11 villages étudiés, la taille moyenne des rizières, calwlée d’après le temps passé à leur repiquage est de 0,X ha, la taille médiane de @,60ha. 32 yo font moins de 0,5 ha et 8 yo plus de 1,5 ha. Cependant, le paddy reste, avec l’arachide, le principal produit de collecte. En année normale (les deux dernières ont été perturbées par des cyclones) le Bassin commer- cialise environ 1.200 T et l’ensemble de la sous-préfecture 2.300 T, achetées par des collec.teurs travaillant pour les rizeries d’Ambalavao et de Fianarantsoa (2). Une grande partie de ce riz usiné est revendue sur place. Organisant la collecte (fig. 21) la ville favorise la production, mais le prix payé aux paysans - 15 FMG en moyenne le kg de paddy - plus faible que pour n’importe quelle autre culture, si ce n’est le manioc, ne les incite pas à en faire une spéculation. LES BOVINS. - Ils restent, en moyenne, la principale ressource monétaire du paysan, avec un rapport de 840.000 FMG dans les 11 villages étudiés. Mais ce chiffre global cache des inégalités trés marquées. Ainsi, les deux villages situés les plus à l’Ouest comptent à eux seuls pour plus de la moitié de cette somme. En effet, les troupeaux tendent à s’awroître dans la partie Ouest du Bassin, où ils sont importants, et à diminuer dans la partie centrale et l’Est du Bassin (3) où les pâturages s’appauvrissent par suite des brûlis excessifs et d’une certaine surcharge pastorale, et s’amenuisent par suite de l’extension des cultures sèches. Par ailleurs, le bœuf ayant toujours été considéré comme la (( caisse d’épargne 1) du paysan, le rapide accroissement des besoins monétaires, tel que nous l’avons constaté au chapitre II amène à puiser dans les réserves que constitue le troupeau. Au moment de payer l’impôt, si vraiment on n’a aucune autre possibilité il reste à vendre un bœuf, cela en fin de soudure, c’est-à-dire à un moment où ils se vendent bon marché. Déjà, 117 ménages sur 270 ne possèdent aucun bœuf et 35 n’en possèdent qu’un. La quasi-totalité des bœufs est vendue au marché d’Ambalavao qui, en 1968, a permis la commercialisation de 1.500 bovins venus des villages du Bassin. Le prix de vente moyen du bœuf est de 11.000 FMG atteignant 14 à 15.000 pour une très belle bête.

(1) L’enquête CINAM/lNSRE de 1962 a montré que la consommation de riz etait de 418 g par personne et par jour soit pour 5 personnes, 680 kg de riz par an fournis par 1 T de paddy environ (compte tenu des petits enfants). (2) Chiffres recueillis auprès des riziers et du service du ravitaillement. (3) Ainsi, entre 1965 et 1968, le troupeau bovin officiellement. dénombré est passé de 15.880 à 17.710 dans ’ le canton de Iarintsena, le plus occidental, et est tombé de 18.660 a 18.040 dans les quatre autres cantons. Sources : Monographies de canton, Sous-préfecture d’Ambalavao. 66 MICHEL PORTAI§

. f ‘\.;/ ‘\ .-. i ‘\ ( i ‘\ . ‘: A,’ i ,A’ =.. . l . /’ ,F’--- . l .-.k’ INNOVATIONS EN MILIEU RURAL ET INFLUENCE URBAINE 67

C. Les principales productions commercialisées.

Il s’agit du tabac, de l’arachide, et dans une bien moindre mesure, du café. LE TABAC. - Comme pour le tissage des lamba, c.e sont les commercants merina qui ont véritablement fait de la culture du tabac dans cette région une spéculation. La variété cultivCc ti Ambalavao est le fnbnc corsé, à feuille épaisse, gommeuse, à taux de nicotine élevC, et utilisé uniquement comme tabac à mâcher. Le tabac est d’introduction très ancienne à Madagascar. Sa présence est signalée par Flacourt en 1661 (1) et on ne sait si ce sont les Portugais ou les Francais qui l’intro- duisirent par la région de Fort-Dauphin. Les Malgaches sont très amateurs de tabac à chiquer et il est probable qu’il soit cultivé dans la région d’hmbalavno depuis très longtemps. Toujours est-il que cc sont les Merina qui en organisèrent la collecte dans la région d’Ambohimandroso, qui reste le grand centre de production du Bassin (voir cartes fig. 22 et 23). Le tabac devait être vendu vers la c.ôte est et surtout vers le sud, régions qui absorbent encore aujourd’hui la plus grande partie du tabac vendu en fraude. La culture du tabac c.orsé fut reglementée en zones autorisées à partir de 1932. Dés lors, le SEITA (Régie francaise) se chargea dc la collecte, de la préparation (fermenta- tion), du c.onditionnement clu tabac, ct de l’approvisionnement des manufactures. En 1962, la procluction malgache de tabac corsé était de 920 T, dont 230, soit 25 y0 provenaient de la région d’Ambalavao. La production du Bassin est passée de 80 T en 1952 à 120 en 1953, 180 en 1956 pour atteinclrc 330 en 1962. Depuis, la production se maintient à peu près au même niveau malgré les efforts cles services officiels qui cherchent à concentrer dans la région d’Ambalavao, pour la mieux surveiller, la production de tabac corsé. Tout paysan, dans le Bassin, a le droit de ‘demander à planter 1.000, 2.000, 3.000 pieds ou même plus. Lorsque les plants sont faits, le controleur vient compter lc nombre dc pieds cffectiwment plantés. Peu avant la récolte, il reviendra compter les pieds effectivement en charge. En fonction de ce nombre, le paysan sera tenu de livrer une certaine quantité minimum à la Mission des Tabacs (50 kg pour 1.000 pieds). La fraucle s’établit à peu prés à. tous les niveaux cle la culture (plants, inventaires, livraison) et tous les avis concordent à dire qu’cllè rapporte :lu moins autant aux paysans que les livraisons officielles avcS un poids bien moindre. Mission et manufactures se plaignent que les meilleures qualités re\-iennent à la fraude. En fait, depuis 1957, le prix moyen psy” au producteur n’a pas T-arié.et reste inférieur a 100 FMG le kg, s’étalant de 40 à 125 FMG selon la qualité. Deux cycles de cllltures ont lieu, l’un sur les terres de tanet‘. ;I\*N semis d’août h décembre, transplantation cl’octobrc à février et récolte de mars à juin, et I’autre sur terres de baiboho, en c.ulture de décrue, avec semis de février à mai, transplantation d’avril à juillet et récolte d’août à novembre. Compte tenu de la fraude, fa\-oriséc par le marché aux bœufs qui amène en ville quantité de bouviers, marc.hands ct acheteurs venus du sud, cle l’ouest et du sud-est,

(1) Bulletin de Madagascar no 229, juin 1965, pp. 131441. 68 MICHEL PORTAIS

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\ \ .‘k .,..=. ZZ- k. 0 ‘i J /- r :: . r . . INNOVATIONS EN MILIEU RURAL ET INFLUENCE URBAINE 69

et par l’importance du trafic des (( taxi-be )) à Ambalavao, on peut estimer que le tabac est la culture qui, encore actuellement, rapporte le plus d’argent aux paysans du Bassin, et spécialement à ceux du centre de celui-ci. Dans le cadre de ses opérations de diversification, le G.O.P.R. a I?ntention de participer à l’intensification de la production tabacole du Bassin d’Ambalavao. En 1968 (1), dans l’ensemble du Bassin, 1.887 paysans ont planté du tabac en campagne (( tanety )) et, en 1966, 1.582 en ont planté en campagne (( baiboho 1). Dans les deux cantons d’Ambohimandroso et d’Anjoma, c’est-à-dire au centre du Bassin, plus d’un paysan sur deux se déclare planteur de tabac. La moyenne par planteur est d’environ 1.500 pieds c’est-à-dire 6 ares de culture, donnant une production moyenne livrée de 60 kg. La production de tabac, au même titre que le travail salarié temporaire est très souvent considéré comme le moyen de s’acquitter de l’impôt. La production de 1.000 pieds de tabac suffit en effet généralement à payer (( la carte 1). L’ARACHIDE. - C’est à partir de la ville, par l’intermédiaire de maisons de commerce, que s’est répandue dans le Bassin d’Ambalavao la culture de l’arachide à des fins spéculatives. Avec le tabac, celle-ci est devenue la principale culture de vente de la région, procurant à peu près le quart des ressources monétaires tirées de l’agriculture (cf. fig. 20). C’est sous l’influence de deux commerçants d’Ambalavao et de Fianarantsoa, de la zone paysanale d’Ambalavao, et des CRAM (2) d’Anjoma et d’Ambohimandroso, qui en diffusèrent les semences, que la (( Valencia )), arachide de bouche, se répandit à partir de 1950. La collecte se faisait dans le but d’exporter une grande partie de la production par le port de Manakara. Dès le départ, un bon prix fut offert aux producteurs : 25 FMG par kg, aussi, dès 1955, 1.500 T étaient-elles collectées pour l’ensemble du district. Un essai d’huilerie et de savonnerie par un colon d’Ambalavao, en 1953, accompagna la diffusion d’une variété d’arachide à huile. Les villages du Bassin, qui connaissent déjà une variété locale auto-consommée, furent touchés par la vogue des nouvelles semences avec une rapidité surprenante. En 1960, on en trouvait dans la quasi-totalité des villages. Puis les cours baissèrent, tombant à 20 FMG par kg en 1966-1967 et la production déclina, d’autant que les coopératives 0fXcielles voulurent accaparer la collecte, commettant maintes erreurs et payant très irrégulièrement les paysans, sans faire l’effort, comme le faisaient les collecteurs, de venir chercher la production jusque dans les villages. A l’heure actuelle, le cours est remonté à 22,50 FMG, le Syndicat des Communes collecte principalement l’arachide à huile et les collecteurs la valencia. LE CAFÉ. - Peu après les débuts de la colonisation, il y eut dans le Bassin d’Ambalavao quelques essais de plantations de caféiers arabica sur de petites concessions européennes. De ces plantations il ne reste rien, mais peu à peu, les caféiers se répandirent dans les villages les mieux doués pour cette culture, c’est-à-dire ceux de l’Est du Bassin, plus frais et plus humides que ceux du centre. Par ailleurs, le café est un produit cher et supportant n’importe quel type de transport. Sa production se maintient donc partout où les difficultés de transport ne

(1) Source : Mission des tabacs, Ambalavao. (2) Collectivités Rurales Autonomes Modernisbes, An&tres des actuelles communes. 70 MICHEL PORTAIS

permettent pas une évacuation facile de cultures fruitières plus rémunératrices mais plus fragiles comme l’oranger. A l’heure actuelle, la production reste faible et n’a quelque importance, dans les 11 villages étudiks, qu’à Maromanana et Andranimangitsy, dans le canton isolé’ et plus frais d’Ambohimahamasina. La produc.tion du Bassin n’excède pas une dizaine de tonnes pour la vente, et peut-être un peu plus pour la consommation familiale, importante dans certains villages où l’on offre volontiers le café aux étrangers de passage. Un effort est tenté actuellement par les services de l’agriculture pour augmenter la production. A c.ette fin, deux moniteurs s’occupent de la surveillance de deux pépi- nières, à Ambohimahamasina et Anjoma et nous avons pu voir, auprks de certains villages, s’édifier de petites terrasses pour la plantation dc jwnes cafeiers. L’ÉLEVAGE DES PORCS. - Le porc est connu dans la région depuis très longtemps bien que sa présence soit Gfady )) (1) dans de nombreux villages. L’administration en avait imposé l’élevage au début de la première guerre mondiale dans les villages les plus proches de la ville, mais c’est surtout à partir de 193C) qu’il se répandit dans les villages du centre du Bassin. Malgré quelques épizooties, le troupeau s’accrut jusque vers 1950 où la maladie de teschen fit de gros ravages. Les premiers essais de vacc.ination ne furent pas très heureux et le troupeau oscilla jusqu’à maintenant. Pour l’ensemble du district (2), le nonlbre de porcs est passé de 6.000 en 10~9 à 1.735 en 1953 pour remonter progressive- ment à 4.400 en 1956, 4.000 en 1959. Pour le seul Bassin d’Ambalavao, en 1968 on dénombrait offwiellement 3.200 porcs, soit à peu près le même nombre qu’en 1966, dont 50 o/. dans le seul canton d’Ambalavao. Dans les villages les plus proches de la ville, le porc rapporte cieux fois plus que dans les plus éloignés. En effet, les marchands venus souvent de Tananarive ne collectent les bêtes que dans leLq villages les plus accessibles à partir de la ville, et ce sont les mknes villages qui, actuellement, bénéficient le plus fréquemment des vaccina- tions effectuées par les services vétérinaires. Si une épizootie s’y déclare, il est plus facile de les en avertir. Ainsi, ent?e 1966 et 1968, le troupeau porcin a-t-il augmenté de 7 yo dans le canton d’Ambalavao et régressé de 10 yo dans les autres cantons du Bassin (3).

D. L&g.mees, fruits et volailles. Les productions les plus dépendantes du marché urbain. C’est la présence de la ville et leur commercialisation ainsi assurée qui a provoqué le développement des cultures légumières. Au début, seuls les Européens établis à Ambalavao étaient consommateurs de cette production dont les missions, en particulier, avaient favorisé le démarrage en introduisant de nombreux plants. Mais peu à peu, la population malgache d’arribalavao, et spécialement la catégorie des fonctionnaires est devenue largement consommatrice, de même que les Chinois et les Indiens installés en ville. D’après les témoignages recus dans les villages les plus gros producteurs de

(1) Interdit coutumier. (2) Sources : a La province de Fianarantsoa et son programme g6n6ral de développement économique *. Bull. de Madagascar, no 133, 1957, pp. 464-493 et Monographies du district d’ambalavao. (3) Sources : Monographies cantonales. Sous-préfecture d’ambalavao. INNOVATIONS EN MILIEU RURAL ET INFLUENCE URBAINE 71 légumes, c’est même depuis 1960 que la consommation légumière s’est le plus rapidement développée. Les terres légères et fraîches des baiboho, sous ce climat, sont particulièrement favorables à la production légumière. En dehors du haricot (5 y0 des revenus de la production légumière) qui. est une production traditionnellement associée au maïs, des patates douces cultivées pour l’auto-consommation, et des 4 brèdes t) (1) (20 %). C ‘est en effet sous l’influence de la ’ demande du marché urbain que les légumes se sont peu à peu répandus, spécialement les oignons et aulx vers les années 50 dans la région d’Ambohimandroso, qui donnent 25 y0 des revenus de la production légumière, et surtout les tomates (40 %) qui permettent aux paysans possédant des terres de baiboho et qui sont suffisamment proches de la ville pour que leur production soit facilement évacuée, d’obtenir les plus gros revenus à l’ha : près de 400.000 FMG à l’ha dans le village de Manambolo (non compris dans les 11 villages étudiés) sur les baiboho de la rivière du même nom où les tomates font l’objet de soins minutieux et sont arrosées à la main très régulièrement. Les services agricoles et les missions ont un peu partout répandu des semences de pommes de terre, notamment vers 1960. Apparemment ce fut un échec. En fait, peu à peu, la pomme de terre trouve son terrain d’élection. Ayant échoué dans les villages du centre du Bassin, elle se diffuse actuellement sur les versants plus frais les plus proches d’Ambalavao et notamment dans le village d’Antanisoa. Dans les 5 villages étudiés les plus proches d’Ambalavao le revenu monétaire tiré de la vente des légumes est plus de 8 fois ce qu’il est dans les 6 autres villages. Le marché urbain représente en effet le principal débouché pour les légumes, et depuis peu, certains des plus Ggros )) producteurs des villages proches d’Ambalavao n’hésitent pas à aller vendre une fois par an leurs oignons et tomates en taxi-brousse à Fianarantsoa, alors que des collecteurs de Tananarive commencent à découvrir ces mêmes villages et viennent sur place y acheter les tomates aux paysans. Par ailleurs, la région d’Ambalavao étant la région produc.trice la plus méridionale, c’est elle qui devrait alimenter la région de Tuléar, actuellement approvisionnée par Tananarive et Fianarantsoa. , La commercialisation des fruits est, elle aussi, infiniment plus importante dans les villages proches de la ville. 60 y0 du revenu tiré de la vente des fruits provient des plantations d’orangers qui rapportent plus du décuple dans les 5 villages étudiés proches de la ville que dans les plus éloignés. Depuis quelques années, des collecteurs de l’usine STAR (2) d’Antsirabe viennent acheter les oranges au marché d’Ambalavao et dans les villages les plus accessibles. La demande reste forte et de nombreux paysans vendent leur récolte sur pied à des collecteurs de Tananarive. L’un de ceux-ci rencontré au village d’Anjaky, nous a déclaré venir depuis 4 ans dans la région et y récolter 20 tonnes chaque année. Sur pied, les oranges sont achetées moins de 5.000 FMG la tonne soit 200 à 1.500 FMG par arbre. Le paysan, tout heureux de voir un arbre auquel il n’a donné aucun soin lui rapporter

(1) Terme créole regroupant diverses vari.%% de feuilles et légumes verts locaux utili&s quotidiennement pour accompagner le riz. (2) Brasserie et boissons gazeuses. 72 MICHEL PORTAIS de l’argent, ne cherche guère à discuter les prix et commence à planter de nouveaux arbres, achetés à la pépinière du chef-lieu de canton. A Anjaky, les premiers orangers datent de 1910 environ, mais ce n’est qu’en 1932 qu’on a c.ommencé à vendre des oranges et c’est seulement depuis 1968 que les collecteurs passent au village. D’ici quelques années, lorsque les plantations récentes commenceront à donner et si les prix se maintiennent, l’oranger sera la principale ressource monétaire du village. Les services agricoles ont installé depuis peu à Ambohimandroso un moniteur c.hargé de la diffusion des arbres fruitiers, et spécialement des orangers. Le climat du centre du Bassin est en effet particulièrement bien adapté aux productions fruitières, spéc,ialement aux pêches et aux agrumes. Ce qui est le plus à craindre, c’est, sur des petites plantations familiales, le développement, des parasites (mouches des fruits) qui se multiplient à partir du moment OU les arbres atteignent une certaine densite. Pour mémoire, signalons qu’aux portes d’Ambalavao deux colons européens et un Chinois, à la suite d’essais heureux, ont entrepris de planter en vignes plusieurs dizaines d’hectares sur sols rouges ferrallitiques. On rencontre parfois dans les villages du centre du Bassin des petit.s plants de vigne, donnant quelques raisins et n’ayant eu aucune peine à survivre malgré l’absence de soins. Pour terminer, disons quelques mots des volailles qui constituent désormais une ressource non négligeable, surtout pour les plus pauvres (cf. fichier-image, fig. 47). C’est la demande du marché urbain qui, C$ommepour les fruits et légumes, a favorisé la diffusion de cet élevage, principalement dans les villages proches où il rapporte près de trois fois plus aux paysans que dans les villages plus isolés. C’est encore plus vrai de la vente des œufs qui reste cependant encore très faible. Certains commerçants de Tananarive, attirés par les bas prix pratiqués sur le marché d’Ambalavao viennent y acheter des volailles et. l’intérêt pour cet élevage se manifeste dans les villages par le fait qu’à plusieurs reprises on nous a demandé pourquoi le vétérinaire, contrairement à ce qu’il faisait pour le bétail, ne donnait pas de conseils pour l’élevage des volailles et ne les vaccinait pas. Ainsi, le revenu agricole des paysans du Bassin d’Ambalavuo apparaï’t désormais comme le résultat d’un nombre très varié de productions. Sous l’influence de la demande du marché urbain et de l’organisation commerciale d’Ambalavao, de Fianarantsoa et même de Tananarive, c’est une véritable polyculture qui, de proche en proche, se répand dans les villages du Bassin. Le rayonnement du marché d’Ambalavao, la viabilité des pistes et la diffusion des taxi-brousse joueni en cela un rôle capital. De nouvelles cultures sont sans doute destinées à faire leur apparition et à se répandre dans le Bassin. Ainsi, alors que nous faisions nos enquêtes, furent semés dans la région les premiers plants de SO~U.Cette fois, c’est la propagande radiophonique qui est intervenue. En cette prernière année, 5 exploitants dans les 11 villages étudiés, ont déjà semé la plante nouvelle et 16 autres manifestaient le désir d’en planter l’année suivante, tous habitant dans les 6 villages qui possèdent au moins un poste de radio. Si commercialisation et utilisation sont assurées, le soja deviendra peut-être une richesse de demain. INNOVATIONS EN MILIEU RURAL ET INFLUENCE URBAINE 73

3. INNOVATIONS EN MATIaRE DE COMMERCIALISATION.

En matière de commercialisation, deux points retiennent l’attention : l’organisation des coopératives et l’amélioration des transports.

A. L’organisation de coopératives. A l’heure actuelle, aucun succès véritable n’a été enregistré sur ce plan-là. - Il ne convient pas de s’arrêter longtemps sur les premiers essais de coopératives officieIles. Peu après l’indépendance, 7 coopératives communales furent créées selon le vœu du gouvernement. Le manque de cadres et l’inorganisation d’ensemble ne leur permit pas de durer plus de 3 ans au bout desquels, devant l’échec complet, il fallut les dissoudre. Ce qui est grave c’est que les paysans en retirèrent une grande méfiance qui pèse toujours aujourd’hui sur toutes les initiatives économiques du (( fanjakana D. - Depuis trois ans, la création des {( Syndic.ats de Communes )) au niveau des préfectures cherche à relancer le mouvement coopératif. Dans le Bassin d’l-lmbalavao, la seule activité réelle du Syndicat des Communes de la préfecture de Fianarantsoa est la collecte de l’arachide dans chaque chef-lieu de canton. Le paysan doit lui-même amener sa récolte et sera payé, souvent ultérieurement, par le chef de canton, à un prix théorique parfois légèrement inférieur à ceux pratiqués par les collecteurs qui pourtant se déplacent jusque dans les villages. Aussi, malgré les pressions officielles, le Syndicat des Communes n’a-t-il récolté en 1968 dans I’ensemble du Bassin que 54 T d’arachides à huile. - Une autre tentative de mouvement coopératif a eu un peu plus de succès, c’est celle lancée en 1960 sur l’initiative de la mission catholique d’Ambohimandroso (1) dont l’organisme dénommé (( union des coopératives agricoles Tanindrazana )) rayonne sur 3 communes : Ambohimandroso et, au sud du Bassin, Sendrisoa et Mahazony. Le nombre des membres, sur la seule commune d’Ambohimandroso, est passé de 60 en 1963 à 120 actuellement. Ayant fonctionné un temps avec l’aide de l’organisation allemande (( Misereor )), elle a aujourd’hui une activité réduite et se contente, en fait, de faire la collecte des produits locaux et de faire un peu de stockage de paddy revendu au moment de la soudure. En 1968, l’Union a collecté 200 T de paddy, 50 T d’arachides et un peu de manioc. Le seul mérite de cette coopérative est d’exister et donc de constituer un cadre possible à une action éventuelle.

B . L ‘amélioration des transports. La multiplication des taxis, taxis-be (404 familiales) et taxis-brousse (2) à Ambalavao est quelque chose de surprenant, mais ce qui nous semble mériter davantage l’attention ici, c’est l’apparition, dans le Bassin, d’un moyen de transport qui jusque vers 1960 était exceptionnel : la charrette, tirée par une paire de bœufs. Il s’agit d’une petite charrette semblable au modèle si répandu en Imerina et surtout dans le Vakinankaratra

(1) Par le PBre BOLTZ. (2) 54 taxis (des Renault 4 pour la plupart) et 24 taxis-be et taxis-brousse sont stationnés B Ambalavao.

tl IMPDRPANCE DES VILLAGES

100 à 150 - 11-

Fig. 24. - Charrues et charrettes. INNOVATIONS EN MILIEU RURAL ET INFLUENCE URBAINE 75 et encore peu connu dans le pays betsileo en général. Dans les villages que nous avons étudiés, la première charrette est apparue à Ambalafananarana en 1945 chez un paysan particulièrement évolué (1) et dont le père avait eu une des premières charrues du Bassin en 1925. Mais c’était là une exception. En 1952, un groupe d’immigrants venu de la région d’hmbohimahasoa, au nord de Fianarantsoa était arrivé avec une charrette et s’installait à Anaody, près d’Anjoma, dans une région où la terre est rare. Voyant l’attrait des gens pour leur charrette, ces simples paysans, ne trouvant pas de terre à cultiver, se mirent à transporter les récoltes de leurs voisins et en vécurent bientôt, achetant une deuxième charrette peu après. Peu à peu, l’exemple aidant, les paysans les plus aisés achetèrent à leur tour ce moyen de transport fort pratique dans une région où les pistes sont nombreuses. Dans les 11 villages étudiés, on trouve aujourd’hui quatre charrettes, mais dans la région d’Anjoma, à l’exemple des charretiers d’Anaody, les charrettes se sont multipliées. Une enquête rapide portant sur 60 villages répartis dans le Bassin nous y a révélé la présence de 31 charrettes (cf. fig. 24). En 1968, deux charrons, venus de la région d’Antsirabe se sont installés à Ambalavao, la ville n’en possédait pas auparavant. Leur présence aura certainement un effet bénéfique sur la diffusion de ce moyen de transport. Voilà donc une innovation qui s’est propagée absolument sans aucune influence externe ou ofkielle et qui peut avoir un effet bénéfique, faisant gagner du temps aux paysans, et de l’argent aussi puisque, vendues à Ambalavao, les productions rapportent toujours un peu plus qu’achetées sur place par les collecteurs. La diffusion des charrettes se trouve favorisée par l’extension de la culture attelée qui a multiplié le nombre des bœeufsdressés. * * *

4. L’INTRODUCTION DE TECHNIQUES NOUVELLES. Commercialiser une production sous-entend la nécessité de posséder des excédents. Par ailleurs, l’accroissement de la taille des ménages et du nombre de ceux-ci implique déjà un accroissement de l’auto-consommation. Ainsi, la seconde façon pour le paysan d’augmenter sa production est donc de tendre à une meilleure utilisation du sol. Pour cela, il existe deux solutions : étendre les cultures, ou améliorer les rendements. Dans le premier cas, compte tenu des techniques traditionnelles du travail à l’angady (petite bêche aIlongée) qui limitent extrêmement les possibilités du travail personnel, le paysan doit ou bien avoir recours au travail salarié, ce qui n’est permis qu’à ceux qui disposent de suffkamment d’argent, ou bien avoir recours à des techniques nouvelles qui permettent de gagner du temps en économisant le travail. C’est ainsi que s’est répandue la culture attelée.

A. La culture attelée. C’est semble-t-il vers 1925 que les premiers labours à la charrue tirée par des bœufs dressés, furent pratiqués par des paysans betsileo dans le Bassin d’ambalavao. Au sujet de la culture attelée, des données générales ont été recueillies dans

(1) M. Albert RAHOVALAHY. 76 MICHEL PORTAI§

60 villages, et les résultats en sont exprimés à la figure 24. Sur ce croquis, on voit claire- ment l’influence de la proximité de la ville sur la diffusion des labours à la charrue. Ainsi, à l’intérieur d’un cercle de 8 km de rayon centré sur Ambalavao, sur 11 villages, il n’en existe que 4 qui disposent de moins d’une charrue pour 10 ménages ou exploitations agricoles, et en revanche 1% en ont plus d’une pour 5. Au-delà, sur 39 villages, 27, soit les 2/3 disposent de moins d’une charrue pour 10 ménages ou exploitations, et 4 seulement en disposent d’au moins une pour 5. Apparue vers 1923, la charrue ne se diffusa qu’à quelques exemplaires avant la guerre, d’autant que les modèles alors proposés étaient adaptés aux concessions euro- péennes et non aux petites exploitations. Une première vague de diffusion se fit peu après la guerre, mais ce n’est qu’en 1955, avec la création de la zone paysanale d’Ambalavao (1) que des démonstrations de travail à la charrue et à la herse furent entreprises. Le (Cgroupement de collectivités 1)mis en place à Ambalavao en mai 1956 vendit cette année-là 10 charrues aux paysans de la région. La zone paysanale, passée sous le contrôle du ministère de l’agriculture après l’instauration de la République malgache continua l’action entreprise, et quelques commerçants d’Ambalavao vendent également des modèles légers, exposés chaque mercredi à la convoitise des paysans venus au marc.hé. A elle seule, la zone paysanale d’Ambalavao a vendu 126 charrues entre 1964 et 1969. Ainsi, entre 1962 et 1969, pour 7 villages, dont nous connaissons les chiffres respectifs (2) le nombre des charrues est passé de 6 à 16. Un des obstacles à la diffusion des charrues est c.onstitué par l’absence de traditions en ce qui C$oncernele dressage des bœufs de travail, aussi la zone paysanale d’Ambalavao possède-t-elle un petit centre de dressage et a, en 5 ans, vendu 60 paires de bœufs dressés. 11n’est pas rare en effet de voir dans les villages des charrues inutilisées faute d’attelage. Si certaines charrues restent ainsi sous-employées, d’autres en revanche deviennent rapidement rer?tables car beaucoup de possesseurs de ce matériel s’emploient pour labourer les champs des autres, gratuitement parfois, dans le cadre de l’entraide, mais le plus souvent contre un salaire. Dans les 5 villages étudiés les plus proches d’Ambalavao, on trouvait ainsi 21 charrues, mais 54 exploitants en louaient ou en empruntaient. Ainsi, dans cet ensemble de villages, 66 y0 des paysans pratiquaient-ils, au moins partiellement, la culture attelée. Par contre, dans l’ensemble des 6 autres villages, on trouvait 16 charrues et 39 exploitants en louaient ou en empruntaient ; ainsi 35 y0 des paysans, deux fois moins que dans le groupe des villages proches, pratiquaient, au moins partiellement, la culture attelée. C’est en grande partie par suite de l’expansion des cultures riches, et tout spéciale- ment de l’arachide, que s’est répandu cette technique nouvelle. Quant aux autres matériels agricoles, ils sont encore ignorés de la plupart : on ne comptait en effet que 5 herses et 3 sarcleuses sur les 270 exploitants étu’diés, toutes, à. l’exception d’une herse, dans les 5 villages les plus proches de la ville.

B. L’amélioration des rendements. La deuxième façon d’accroître la production est d’améliorer les rendements. En ce qui concerne la culture du riz, c’est le parti qu’a adopté dans un premier temps de son action le G.O.P.R., en essayant de diffuser dans les principales zones rizicoles de l’île

(1) Financement : FIDES, (2) Les chiffres de 1962 proviennent d’une enquête agricole effectube par I’INSRE. INNOVATIONS EN MILIEU RURAL ET INFLUENCE URBAINE 77 les méthodes de riziculture améliorée imit.ées des techniques japonaises et adaptées en particulier dans les stations d’essais de la région de Marovoay, incluant le repiquage en ligne, l’emploi d’engrais, un mode rationnel de préparation des pépinières, etc. (1). A Ambalavao, cet organisme a mis sur pied une zone d’Expansion Rurale, dont le siège est en ville, et qui dirige dans le Bassin 5 secteurs c.omprenant c.hacun un chef de secteur, un magasin d’approvisionnement et 5 à 6 moniteurs (cf. fig. 25). Son action, qui vise à un encadrement effectif de tous les paysans, a débuté en 1967 et ses deux premières campagnes n’ont pas donné, ici, de résultats bien satisfaisants. En effet, le riz n’est dans cette région, du moins en année normale, ni en pénurie, ni en excédant sufisant pour que le paysan conçoive sa production comme une importante source de revenus monétaires. Pour la campagne 1968-69, un paysan sur trois (2) a cependant suivi les conseils d’un moniteur, au moins sur une parcelle de rizière, à titre d’essai, ou pour la préparation des pépinières. Pour l’ensemble du Bassin, cependant, 226 ha de rizières seulement, sur environ 4.000, ont été repiqués en ligne. Notre enquête personnelle, portant sur la campagne 1967-68 auprès des 270 ménages des 11 villages étudiés nous avait appris que 58 exploitants avaient tenté un essai avec emploi d’engrais et 58 autres sans emploi d’engrais. En fait, les paysans ne trouvent guère de motifs pour suivre les conseils des moniteurs, et la proximité urbaine, dans ce cas, ne semble avoir d’influente que pour rendre le paysan plus méfiant et plus rebelle à une technique venue du (( fanjakana )) et qui, en fait, lui est plus ou moins imposée. C’est le canton le plus éloigné, Ambohi- mahamasina, qui a donné le plus de satisfaction à la ZER d’Ambalavao (20 o/. des paysans y ayant repiqué en ligne 150 ha de rizières). Sans doute en aurait-il été autrement si l’on était intervenu à propos d’une culture spéculative comme l’arachide ou des cultures légumières et fruitières. Le G.O.P.R. a d’ailleurs clans la région d’Ambalavao choisi de lancer des opérations de diversification sur le tabac et l’élevage des porcs. De 1967 à 1969, des expérimentations ont été faites de cultures de contre-saison sur les rizières avec du blé, des tomates, du maïs et des fourrages. Ces essais ont été encourageants sur le plan théorique. Mais si l’on s’en tient aux rizières, le paysan ne comprend pas que l’on fasse tant d’efforts pour repiquer en ligne ou que l’on dépense tant d’argent pour ac.heter sarcleuses, herses ou engrais, alors que pour lui, la première, l’indispensable facon d’améliorer le rendement des rizières est de se pencher sur le problème pour lui capital des ressources en eau en améliorant l’irrigation. Comme nous l’avons dit au chapitre 1, sur les 270 chefs de ménage répartis en 11 villages auxquels nous avons posé la question (cque faudrait-il faire, d’après vous, pour améliorer le sort des paysans de la région? 11,165 ont répondu en premier lieu (( d’abord améliorer l’irrigation )). Certes, le G.O.P.R. a aidé à la réalisation d’un certain nombre de petits barrages, et les communes en ont construit sur leurs fonds propres (3), mais il y aurait encore beaucoup à faire.

(1) Lire à ce sujet DOBELBIANN(J.-P.), Manuel de riziculture amkliorée. Tananarive 1961. (2) Source : Zone d’Expansion Rurale d’Ambalavao. (3) La municipalité d’ambohimahamasina a fait construire 6 petits barrages en 9 ans, et celle d’iinjoma en a fait édifier 20 en 6 ans, dont 3 avec subvention de l’État. 78 MICHEL PORTAIS

w C’?. , . . . i /’ b’ . . a. * *.* I / ,A.<. . . , . . . @ . . r.2. ~.. / . ./ ...... * . < (. . .-’ I INNOVATIONS EN MILIEU RURAL ET INFLUENCE URBAINE 79

C. Les grandes opérations d’irrigation, réalisations et projets.

Dès les lendemains de la dernière guerre mondiale, les populations densément rassemblées du centre du Bassin (région d’Anjoma) entrevirent les possibilités que pourrait offrir, pour l’irrigation de leurs rizières, l’aménagement de la vallée de la Mananantanana. Avec l’accord de l’administration coloniale, elles décidèrent l’édification d’un barrage en amont d’Ambinanindovoka (cf. fig. 25), là où la rivière traverse un seuil rocheux. Les travaux commencèrent en 1951, à la charge des populations, mais très vite il devint évident que les travaux dépassaient largement les possibilités des collectivités locales. Il était déjà trop tard (1), d’interminables tronçons de canal avaient déjà été ouverts, et l’administration s’est sentie dans l’obligation d’assumer ses responsabilités vis-à-vis des populations. Les charges qui en résultèrent dépassèrent largement l’intérêt économique de l’ouvrage. Les travaux s’étalèrent de 1952 à 1963. Le canal principal, qui a nécessité la construction de nombreux ouvrages et notamment d’un aqueduc en béton de plusieurs centaines de mètres, mesure 34 km de long. Le débit en tête est de 1.100 l/s et la superficie dominée est de 1.135 ha, sur lesquels existaient .au départ 380 ha de rizières appartenant à 788 ménages répartis dans 56 villages (3.925 habitants). La création du canal permit de porter la surface des rizières à 700 ha. Pour arriver à cela, 92.000.000 FMG avaient été dépensés, et l’entretien permanent des canaux par le Génie Rural n’est pas assuré par le rendement des taxes perçues auprès des utilisateurs. La partie actuellement irriguée ne concerne que la rive droite de la rivière. Un projet de canal, à partir du même barrage, existe qui permettrait l’irrigation d’une superficie sensiblement égale sur la rive gauche. Enfin, il existe un très grand projet, actuellement à l’étude, d’irrigation de la vallée de la Manambolo en amont de Iarintsena, qui permettrait l’aménagement d’environ 2 à 4.000 ha de rizières, mais qui ne serait sans doute vraiment rentable que pour leur utilisation, en contre-saison, par des cultures plus riches telles que les tomates, autres légumes, ou cultures fruitières.

D. L’amélioration de l%levage bovin. Les communes d’Ambalavao rurale et de Iarintsena ont financé depuis quelques années l’aménagement de 3 élevages de bovins de race (( brahmane R dans le but de les croiser avec les races locales. Chacun peut y amener ses vaches. Les naissances femelles restent la propriété de l’élevage et les naissances mâles reviennent au pro- priétaire de la bête. En fait, ces élevages n’ont eu qu’un succès insignifiant. Les paysans trouvent que les brahmanes, qui donnent une viande abondante, sont peu robustes, résistent mal aux maladies, doivent être l’objet de soins particuliers et surtout sont incapables de servir au piétinage des rizières. Voici donc une initiative de l’administration qui, elle aussi, s’est soldée jusqu’à présent par un demi-échec.

(1) Lire à ce sujet u Études des méthodes de gestion du périmétre de la Mananantanana *, BDPA, 1963, 100 p. ronéo. 80 MICHEL PORTAIS

Pourtant, un effort sanitaire est accompli pour le troupeau bovin. Les services vétérinaires d’Ambalavao, qui emploient un responsable de l’élevage et deux vaccina- teurs, ont installé dans toute la région des couloirs de vaccination et les paysans viennent volontiers faire piquer leurs betes. Ils réclament même des soins plus constants pour leurs bovins, mais aussi pour les porcs et même, comme nous l’avons signalé, pour les volailles. Mais ces mêmes paysans ne sont prêts ni à l’installation d’étables fumières (il en fut installé près de 200 en 1955-56 sur les conseils des services agricoles de la zone paysanale et des CRAM, on compterait sur les doigts de la main celles qui subsistent), ni à la production de cultures fourragères, qui permettraient pourtant une meilleure integration de l’élevage à l’agriculture.

Nous le voyons, de nombreuses innovations ont été introduites dans le milieu rural du Bassin d’Ambalavao. Il convient maintenant d’en faire le bilan pour savoir si réellement ces innovations ont permis aux paysans de satisfaire leurs besoins nouveaux.

5. BILAN DES INNOVATIONS EN MILIEU RURAL. A. Réussites et échecs. Lrs essais d’introduction d’innovations dans le milieu rural ont été marqués par un certain nombre de réussites mais aussi par des échecs OLI demi-échecs. Au nombre des succès, il faut compter l’introduction de cultures nouvelles ou leur commerc,ialisat.ion, qu’elles soient anciennes, comme le tabac, ou plus récentes comme l’arac.hicle ou certaines cultures légumières ou fruitières. 11 faut f?galement. compter l’adoption rapide de la culture attelée, à peu près inexistante voilà 15 ans et maintenant adoptPe par au moins 50 yo des agriculteurs de la région, et qui, par la diffusion de la pratique du dressage des bœufs a permis, tout récemment, et sans auc.une incitation ou appui officiel, le développement progressif du transport par c.harrette. En revanche, les essais de diffusion des étables fumières, des croisements des races locales avec des brahmanes producteurs de viande, dans une certaine mesure aussi la diffusion de la pomme de terre et, actuellement, les pratiques de riziculture améliorée ainsi que tolls les essais de coopératives se sont soldés au moins par des demi-échecs. Ce qui est remarquable, c’est que tous les échecs sont consécutifs à des initiatives extérieures, et spkcialement des servic.es ofHciels (fanjakana), que ce soit du temps de la colonisation 021 depuis l’indépendance. En revanche, les succès sont dus à des initiatives Privé;es (commercialisation du tabac par les commrrcants merina, diffusion de nouvelles espèces d’arachides c:t leur commercialisation par tics commerçant,s francais, diffusion progressive des charrettes après l’arrivée d’immigrants venus du Nord) ou à un accord tacite entre les besoins des paysans et l’aide apportée par les services officiels (petite irrigation, diffusion de la culture attelée et également diffusion de semences ou de plants nouveaux de c-ultures déjà adoptées). Ainsi, il apparaît évident que toute initiative des services oficiels, même si techniquement elle apparait comme particulièrement satisfaisante et rentable, est INNOVATIONS EN MILIEU RURAL ET INFLUENCE URBAINE 81 vouée à un échec certain si elle ne répond pas à un besoin évident des populations auxquelles elle s’adresse. Que de dizaines de millions de FMG ont été gaspillés parce que l’on estimait mieux connaitre que les paysans leurs propres besoins ! Après un échec on incrimine toujours la tradition et le respect des fasons des ancêtres. Celle-ci constitue parfois un frein, mais elle n’est jamais un obstacle insurmontable dans cette région dont les populations, descendant pour la plupart d’immigrés assez récents, ont l’esprit beaucoup plus ouvert qu’il n’est dit parfois.

B. L’expression des besoins des paysans. Les paysans ont des idées précises sur les cultures qu’ils souhaiteraient entre- prendre, sur leurs besoins personnels, et sur les équipements nécessaires à leur région. Ainsi en témoignent les fig. 52 et 53 du fichier-image. Sur le plan des CU~~UPC’S,tout d’abord, on peut s’attendre dans les années à venir à voir se multiplier les orangers, les caféiers arabica (sous l’influence d’une propagande assez active), diverses autres cultures fruitières, et d’assister, si les cours sont favorables, au développement de la culture du soja, de l’arachide, mais aussi de la pomme de terre et d’autres cultures légumières. Tout cela témoigne d’un attrait certain pour les nouveau- tés puisque 133 chefs de ménage sur 270 ont déclaré vouloir entreprendre de nouvelles cultures. En ce qui concerne les ambitions personnelles, à la question (1si vous disposiez de 100.000 FMG, qu’en feriez-vous ? D 119 chefs’ de ménage sur 270 répondent en premier lieu qu’ils achéteraient des bœufs, 33 qu’ils achèteraient du matériel agricole (charrue principalement), 36 qu’ils achèteraient des terres ou paieraient des ouvriers pour augmenter leurs superficies cultivées én cultures sèches, 35 (( consommeraient 1) leur bien (viande, poste de radio, etc.) et les autres font des réponses diverses et tout spécialement 0 faire poursuivre des études à mes enfants D, ou bien ((monter un petit commerce 1). L’examen de la fig 53 (fichier-image) nous révèle que ceux qui ont des ambitions d’équipement sont souvent les plus riches, et qu’ils cultivent largement les cultures sèches de vente (arachide, tabac). Que ceux-ci même et ceux qui désirent étendre leurs cultures, c’est-à-dire tous ceux qu’eMeure davantage la notion d’investissement agricole, ont en général des contacts plus fréquents que les autres avec la ville (voir colonnes 0 isolement 1)et (( contacts avec la ville 0). Ceux qui pensent avant tout à consommer sont en général plus âgés, ont des revenus plus faibles et ont moins de contacts que les autres avec la ville. Comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, les paysans entrevoient avant tout comme équipements nécessaires ci la région l’irrigation, en second lieu (53 réponses) ce qui touche aux questions de commercialisation (organisation de la vente, aménagement des pistes) et en troisième lieu l’équipement socio-culturel (écoles, postes médicaux : 25 réponses), les 415 de ceux ayant cité I’irrigation en premier lieu, ont indiqué l’amélioration des conditions de commercialisation en second.

C. Inégalités d’ouverture aux innovations. Nous avons déjà à maintes reprises montré que la proximité et les facilités de communications avec la ville constituaient un facteur primordial d’ouverture aux innovations et de leur adoption: Les fig. -17 à 50 présentant des c.lassements divers du s2 MICHEL PORTAIS fichier-image nous montrent un certain nombre de relations plus ou moins évidentes. Parmi celles-ci, notons en particulier qu’il y a une relation réelle entre l’adoption simultanée des diverses innovations (cultures nouvelles, techniques nouvelles) et que d’autre part il y a un lien certain entre celles-ci et l’importance du revenu monétaire (fig. 47). Par ailleurs, les grandes familles, nécessité oblige, sont plus ouvertes que les autres aux nouveautés (fig. 50), mais l’âge du chef de ménage, aussi surprenant que cela puisse paraître, ne semble pas intervenir. Les jeunes, même s’ils sont parfois plus tentés que les anciens par les méthodes nouvelles ont en effet moins de moyens pour les appliquer. Enfin, le fait d’être allé ou non à l’école ne semble avoir à peu près aucune influence sur l’ouverture aux techniques nouvelles, ce qui laisse entrevoir le degré d’inadaptation de l’école aux nécessités locales.

CONCLUSION.

Ainsi, la création de besoins nouveaux, sous l’influence primordiale de la ville, a-t-elle incité, à des degrés divers, les paysans de la région à adopter des solutions nouvelles pour se procurer l’argent et les biens vivriers nécessaires à leur satisfaction. L’influence urbaine, par de nombreux facteurs, a par ailleurs été déterminante dans la diffusion de ces innovations. Il n’est donc pas surprenant que les villages les plus en contact avec la ville soient ceux qui aient connu, depuis plus d’un demi-siècle, les transformations les plus importantes. Connaissant les diffkultés économiques générales du milieu paysan, liées à l’amenui- sement très progressif de la valeur relative des productions agricoles ou artisanales - cf. l’évolution du prix du tabac et de l’arachide qui sont ici les deux principales cultures de vente, et l’effondrement progressif de la rentabilité de l’ancien artisanat de la soirie - on comprend que si l’on désire ne pas voir diminuer le pouvoir d’achat du milieu rural, il faudrait que l’adoption d’innovations s’y fasse à un rythme plus rapide encore que celui de l’apparition de nouveaux besoins. Il ne semble pas en être ainsi, en de nombreux villages en tout cas, ne serait-ce que parce qu’un oranger ne pousse pas en six mois, mais aussi, parce qu’entre autres raisons, des contraintes géographiques existent qui gênent ou empêchent, ici et là, l’adoption de t,elle culture nouvelle ou de telle innovation technique. De là l’apparition de nouvelles différenciations régionales à l’intérieur du Bassin et parfois d’un village à l’autre, et qu’il nous faut maintenant examiner. 4

Conséquencedes innovations sur l’organisation de l’espace

Les différentes innovations proposées au milieu rural et destinées à lui fournir de nouvelles ressources pour équilibrer la croissance de ses besoins, rencontrent dans le Bassin d’Ambalavao un espace aménagé hétérogène. Les conditions naturelles, ainsi que l’acquis des terroirs et des populations, y sont divers, et les facteurs d’incitation à l’adoption des nouveautés croissent différemment en fonction des variations de l’influence urbaine. Il nous faut maintenant étudier cette diversité des conditions et en examiner l’application dans deux terroirs très opposés l’un à l’autre pour comprendre l’émergence actuelle de micro-régions à l’intérieur du Bassin.

1. LE R&E DES CONDITIONS GEOGRAPHIQUES. A. La topographie. Le rôle de la pente, en regard des innovations proposées aux paysans du Bassin, est très important. Souvenons-nous tout d’abord que jusqu’à la fin du siècle dernier, les villages s’établissaient toujours dans des sites défensifs, le plus souvent sur le sommet d’une colline ou sur un replat diffkilement accessible. Peu à peu cependant ces sites furent abandonnés, mais il en reste quelques-uns, tel Ambohimandroso qui est le plus typique. Si les pentes fortes sont rares dans le centre et à l’ouest du Bassin, on peut considérer que tous les villages établis sur sa bordure est, depuis le col d’Ambalavao jusqu’à Ambohimanhamasina, possèdent la plus grande partie de leur terroir en pente forte (pentes supérieures à 15 %). Ainsi en est-il des villages d’Antanisoa-Manamisoa, de Manambelo et d’andranomangitsy qui tous possèdent des rizières en gradins de flancs de 84 MICHEL PORTAIS

tanety. Le village de Manambelo a même dû édifier des terrasses pour une partie de ses cultures sèches (tabac, patates douces, auprès du village). Durtint notre séjour, nous avons vu la construction d’une de ces terrasses, et dans les villages voisins de Vohipotsy et de Soaherenana de telles terrasses ont été édifiées récemment pour la culture des caféiers, auprès des villages. A Antanisoa-Manamisoa, tout un flanc de tanety a été l’an dernier transformé en une rizière d’un demi-hec.tare environ dont les gradins n’ont jamais plus de 2 m de large. Dans ces villages, l’extension des wltures sèches est forcément très difficile, d’autant que l’absence de cultures en courbes de niveau ruine rapidement les sols. Les labours à la charrue sont plus diffkiles qu’ailleurs, même sur les rizières, constituées de parcelles minuscules le plus souvent. Sur les 3 villages étudiés que nous avons classés dans cette catégorie, seul celui d’Antanisoa-Manamisoa, proche de la ville, possède plus d’une charrue, et aucun ne possède de charrette. Les nouveautés qui seraient les plus facilement adoptables par ces villages, sont sans doute les cultures fruitières ou l’élevage des porcs, le manioc dont on les nourrit étant, avec la patate, la culture sèche qui s’accommode le mieux des pentes fortes et des sols médiocres. Par ailleurs, ces villages sont en général, de par leur situation, plus favorisés que les autres en ce qui concerne la maîtrise de l’eau. Les sources y sont captées facilement et de petits canaux permettent une irrigation qui favorise très nettement la culture du riz de première saison. Mal desservis par les pistes, les plus éloignés d’Ambalavao de ces villages sont sans doute destinés dans les années à venir à c.onstituer les zones les plus archaïques du Bassin, d’autant que leur peuplement est relativement dense (cf. fig. 8).

B. Les vocations des sols. Dans notre chapitre 1, nous avons brièvement décrit les sols du Bassin et leurs qualités. La carte de F. S~UBIES (1) en donne la répartition. Il semble bien qu’en dehors des baiboho, particulièrement recherchés pour leur légèreté, leur fraîcheur et leur fertilité renouvelée c.haque année, sur le plan agronomique, la plus grande partie des sols du Bassin se ressemblent par leur médiocrité. Ce qui les différencie le plus, c’est l’état de leur horizon supérieur (20 premiers centimètres) dont la structure est plus ou moins abimée par les brGlis successifs et en certains endroits par les passages des troupeaux. Ainsi, dans le c.entre du Bassin, près du terrain d’aviation d’Ambalavao, un petit détac.hement de militaires a essayé de mettre en culture un grand c.hamp sur terrain à peu près plat. Deux années de culture de manioc et d’arachide leur ont donné des résultats dérisoires. C’est un endroit qui fut longtemps ravagé par les feux de brousse et le sol a besoin d’être retourné plusieurs saisons avant de commencer à Grevivre B. Rappe.lons en outre que les cultures répétées d’arachide, sans courbes de niveau, sur ces sols alors découverts et en pente douce, entraînent rapidement les éléments fins de la partie superficielle. Pour connaître la valeur d’un sol, le paysan regarde avant tout les herbes qui y poussent. Il recherche ainsi les endroits où vient le 0 danga » (Heferopognon conforfus) qu’on ne trouve d’ailleurs jamais dès que la pente devient un peu forte.

(1) Communicafion personnelle. INNOVATIONS ET ORGANISATION DE L’ESPACE 85

Insistons une fois encore .sur la qualité des cultures fruitières dans cette région, en partic.ulier sur les sols de bas de pente qui pourraient être systématiquement amendés par le fumier et les déjections des villages. Enfin, disons que la petite charrue utilisée ici est mieux adaptée aux cultures sèches qu’aux rizières, car elle ne permet pas de labours profonds, ce qui est préférable pour des sols dont la structure favorable est peu profonde, mais dommageable pour des rizières qui sont, en fait, labourées plus profondément à I’angady.

C. Micro-climats et hydrographie. A cet égard et compte tenu des généralités décrites au chapitre 1, nous pouvons sommairement diviser la région en deux zones. La première est constituée par la partie centrale et l’ouest du Bassin, au micro- climat sec et chaud. L’altitude y est plus basse, les pluies plus rares (1) et un effet de foehn vient renforcer cette sécheresse. En outre, à cause des pentes incertaines et de l’éloignement des sources, se pose le double problème, souvent impossibIe à résoudre par les paysans, de l’irrigation et du drainage. Ainsi en est-il du village d’hmbalafananarana ou les rizières irriguées sont rares et où toute une partie du terroir est inutilisée parce qu’inondée une grande partie de l’année (2). La seconde zone est constituée par le versant est du Bassin, la haute vallée de la Mananantananna et les vallons aCents. Là, la température est légèrement plus fraîche, les pluies plus fréquentes, les sources abondantes, et la pente permet tout à la fois drainage et irrigation. Seule, une petite .région au sud d’Ambohimahamasina, oh la topographie ressemble à celle du Moyen-Ouest, dite en Gbois de renne )), est handicapée par un mauvais drainage. Dans cette seconde zone, les innovations qui ont le plus de chances de réussir sont les cultures de café arabica, de pornme de terre, de maïs et’la multiplication des petits ouvrages d’irrigation.

2. L’ACQUIS RaGIONAL. Les contacts entre l’homme et le milieu ont procuré à l’un et à l’autre un acquis qu’il est impossible de négliger si l’on veut connaître leurs réactions face à l’introduction éventuelle d’innovations.

A. L’acquis des terroirs. Au niveau des terroirs, le fait dominant est la densité d’occupation du sol. Nous avons vu au chapitre 1 que les densités rurales variaient à peu près de 20 à 100 habitants ruraux au kilomètre carré. En fait, jamais le terroir n’est aménagé dans sa totalité. Partout, même dans les vallons de l’est fortement peuplés (région d’Anjoma) demeurent

(1) En l’absence de pluviométre, cette affirmation ne peut être prouvée, mais notre fréquentation du terrain et l’avis des familiers de cette rbgion nous permettent de l’avancer avec certitude. (2) Les zones non drainées ont au moins l’avantage d’offrir au bétail une nourriture verte de fin de saison séche, ce qui freine l’extension des feux de brousse. pistisable

1 t c Q f .-/’

Fig. 26. - Praticabilité des routes et des pistes. INNOVATIONS ET ORGANISATION DE L’ESPACE 87

de vastes espaces inaménagés, ce qui ne veut pas d’ailleurs dire inutilisés. Dans cette zone très peuplée, si tous les vallons où des rizières peuvent être aménagées le sont effectivement, les tanety donnent le plus souvent une impression de vide et d’abandon. Théoriquement, et avec les réserves qui s’imposent compte tenu de ce que nous avons dit au sujet des pentes, il y a donc pratiquement partout de la place pour étendre d’éven- tuelles cultures de tanety. Cependant, au fur et à mesure que les cultures sèches se développent, une appropria- tion plus stricte des tanety tend à se produire et il devient difficile à certains ménages, dans les villages les plus densément peuplés, d’emprunter des terres. Ainsi, les seuls cas de métayage appliqués à des terres de tanety, dans les villages étudiés, ont été ren- contrés à Samimasina, village situé dans la zone la plus densément peuplée, tirant un gros revenu de la vente des arachides et du tabac, et possédant déjà 7 charrues pour 31 ménages. Ceci reste une exception et l’extension des cultures sèches demeure possible à peu près pour tous. Dans l’état actuel d’occupation du sol, la véritable surcharge, pour certains terroirs, n’est pas culturale, comme en témoignent les longues années de jachère pratiquées encore actuellement, mais elle est pastorale. Cela est évident pour presque tous les terroirs du centre et de l’est du Bassin où, d’ailleurs, le nombre de bovins diminue très régulière- ment (1). La qualité des pâturages, sous l’effet des feux de brousse et de la surcharge, est de plus en plus médiocre comme en témoigne à peu près partout dans ces régions la présence d’Aristida. En fin de saison sèche, la tentation est grande pour le paysan, malgré les interdits, de mettre le feu à la prairie pour obtenir quelques pousses vertes. On réussit presque toujours à échapper aux amendes, aussi, dès septembre, de larges plaques noires parsèment le paysage. Déjà, il ne reste plus que 65 bovins pour 100 habitants ruraux dans les cantons d’Ambalavao et d’Ambohimandroso, 50 pour 100 dans le canton d’ambohimahamasina et environ 45 pour 100 dans le canton d’Anjoma, contre plus de 200 pour 100 dans le canton de Iarintsena. La diminution du troupeau oblige à demander aux bêtes un travail de plus en plus grand lors des opérations de piétinage des rizières, d’autant qu’une partie du troupeau est maintenant constituée de bœufs dressés. Une opération d’amélioration des pâturages et de culture de fourrages verts devient de plus en plus urgente à entre- prendre (cf. les essais entrepris par 1’ODEMO (2) dans la région de la Sakay).

B. Les équipements régionaux. Relativement à la plupart des régions de Madagascar, et même du pays betsileo, le Bassin d’Ambalavao possède un bon équipement en voies de communications, point capital pour tout ce qui concerne la commercialisation. Le réseau des pistes carrossables (fig. 26), nous montre une région bien desservie, surtout en son centre, et peu de pistes sont impraticales à la saison des pluies. En outre, la région est reliée à tout le reste des Hauts-Plateaux par une route bitumée, et par une piste bien entretenue aux régions de Tuléar et de Fort-Dauphin. Par Fianarantsoa, elle est en contact facile avec la côte est.

(1) Cf. p. 120. (2) Ofice de Développement du Moyen-Ouest. 88 MICHEL PORTAIS

Les marchés hebdomadaires, autre facteur essentiel de l’équipement commercial, forment, eux aussi, un réseau satisfaisant, comme le montre la carte de la fig. 13. En dehors de la partie ouest et du nord du Bassin, peu de secteurs se trouvent éloignés à plus d’une heure de marche d’un~marché hebdomadaire.

C. L’acquis des populations. L’adaptation de l’homme au milieu, les habitudes, les techniques et l’organisation du temps qui en découlent, ont procuré aux paysans un acquis qui détermine en grande partie leurs réactions face aux innovations qui leur sont proposées. - En ce qui concerne l’introduction de cultures nouvelles, l’acquis des populations est essentiel. Le Betsileo est souvent considéré comme le meilleur paysan de l’île. En effet, les soins qu’il apporte à sa riziére sont méticuleux et peu d’autres que lui pratiquent les sarclages et la maîtrise de l’eau avec autant de conscience. En outre, dans le Bassin d’knbalavao, le paysan est habitué depuis longtemps à pratiquer d’autres travaux délicats. C’était autrefois l’élevage du ver à soie, ce fut ensuite et jusqu’à maintenant la culture du tabac, qui demande des précautions et des opérations nombreuses, avec la préparation de la pépinière sous ombre et que l’on fume, et la transplantation. Le paysan du Bassin n’a donc pas de mal à adopter certaines cultures légumières demandant un minimum de soins. En fait, ce qui pourrait davantage, pour certains, constituer un handicap, c’est le problème du temps. En multipliant les opérations culturales, certains paysans sont arrivés à une certaine saturation, comme en témoignent les tableaux ci-après indiquant les temps de travaux pour deux familles moyennes, l’une représentant assez bien les paysans du centre du Bassin, l’autre ceux de l’est, du canton d’ilmbohimahamasina.

TABLEAU no 9 Calendrier agricole et temps de travaux pour les principales cultures (en journées de travail) 1. EXPLOITATION DU CENTRE DU BASSIN (Canton d’Ambohimandroso)

J F M A M Jn Jt A S 0 N D -~~~--~--~~- 20 ares...... M.B. Pe L P.R. S S Rizl...... 7 195 4 7 3 3 ------40 ares ...... P.R. S S M.B. Pe L Riz2 ...... 14 4 4 12 2 8 ------20 ares...... S R C L Pl Arachide ...... 2 7 2 4 195 -c_----A----- 20 ares ...... B s R R R.L. Manioc...... 2 1 1 1 l-4 ~~~~~------10 ares...... R(h) R(m) L-P1 s Mais.Haricot...... 2 2 3 1 -----eV----- 1.000 pieds tabac ...... LTS S S s 8 R.C. Pe (Baiboho)...... 7 2 2 2 3 2 ------Divers...... (Jardin. Élevage, etc.) ...... 4 6 4 4 2 2 5 5 4 4 5 5 ,------A-- TOTAL Journees de travail ...... 29 19 11 14 19,5 4 9 15 10 8 17 17,5 INNOVATIONS ET ORGANISATION DE L’ESPACE 89

II. EXPLOITATION DE LA HAUTE MANANANTANANA (Canton d’Ambohimahamasina)

40 ares...... M.B. Pe L Riz I...... 14 2,5 8 P--M-- . . 25 ares...... P.R. S S MB. Riz2...... 9 2 2 7 P--M-- . . 10 ares ...... , . S R C Arachide...... 1 3,5 1 ------. . 30 ares...... B S Manioc.. . . , . , ...... , . . . . 3 195 ------. . Divers (Jardin. Élevage)...... 3 3 3 3 2 2 2 ------. . TOTAL...... ,.... Journées de travail...... 27 5 8 8 12,5 2 10

Pe : Pépinière Pl : Plantation L : Labour B : Bouturage P.R. : Piétinage, repiquage R : Recolte S : Sarclage, soins (tabac) C : Conditionnement M.B. : Moisson, battage T : Transplantation (tabac)

NOTE : Repiquage et sarclage sont exécui& par les femmes.

L’emploi du temps relativement chargé du paysan, surtout si l’on tient compte de l’existence de jours CCfady D (l), est sans doute I’une des causes de refus des méthodes de riziculture améliorée qui, en l’absence d’un équipement plus important (herse, sarcleuse), demande plus de temps que la méthode traditionnelle, tant pour la préparation des pépinières que pour le repiquage. Voilà en fait une raison supplémentaire de prôner l’extension des cultures fruitières qui, au moins.dans un premier temps, et tant que l’on pourra se contenter à peu près des méthodes actuelles de o culture contemplative o sont celles qui encombreront le moins le calendrier agricole. Par ailleurs, un autre point touchant aux innovations culturales, mérite d’être noté. Malgré l’échec des étables fumières, le paysan d’ambalavao n’ignore pas certains principes d’association de l’élevage à la culture. Le purin des parcs à bœufs par exemple est évacué par un orifice qui permet de fumer les champs situés en contrebas. Vers la fin de la saison humide, certains villages pratiquent la fauche des pâturages et engraissent ainsi (cf. photo no 9) les bovins demeurés au parc. La paille du riz est également donnée au bétail au début de la saison sèche. Le paysan a besoin de bêtes, tant pour le piétinage des rizières que pour sa sécurité, et désormais pour l’attelage. Il ressent avec inquiétude la diminution du troupeau dans le centre et l’est du Bassin, mais il constate également qu’il nourrit ses bêtes avec plus de difficultés. .4 condition de tenir compte de l’actuel calendrier agricole et des possibilités agronomiques, il ne devrait donc pas être très difficile d’intéresser les paysans à l’améliora- tion des paturages et à la production de fourrages artificiels. Pour l’heure, la seule

(1) De nombreuses familles, parfois des villages entiers ont des interdits de travail coutumiers (fady) certains jours de la semaine, en plus du dimanche, chôme de fagon assez genérale depuis la christianisation.

7 90 MICHEL PORTAI§ possibi1it.é qui s’offre à lui, et il la pratique largement, est de nourrir, en fin de saison séche, les bêtes avec du manioc. - Face aux innovations techniques, l’acquis le plus intéressant des populations concerne l’enseignement. Certes, nous avons eu l’occasion de dire combien l’inadaptation de l’enseignement se manifestait par le fait que les paysans non scolarisés ne pratiquaient ni plus ni moins que les autres la culture attelée et la riziculture améliorée (cf. fig. 48 fichier-image), mais le fait d’avoir affaire à une population qui, dans sa majorité n’est pas illettrée, sait c,ompter, et surtout manifeste son ouverture aux nouveautés par son goût évident pour l’école depuis de longues décades, est tout de m6me un facteur important quant aux possibilités d’introduction de techniques nouvelles, de prévisions budgétaires, ou de notions d’investissements par des organismes comme l’animation Rurale. - La scolarisation pourrait &re également un facteur favorable au développement d’entreprises coopératives. Nous avons vu que jusqu’à présent, les coopératives ont à peu près toutes été des échecs. Les traditions de (1fokonolona 1)et d’entraide auraient pourtant dû apparemment constituer un acquis favorable à leur développement. A y regarder de plus près, on s’apercoit que la solidité de ces traditions n’est pas parfaite. Ainsi, les pratiques traditionnelles d’entraide sont en train de disparaître dans les villages les plus proc.hes de la ville, sous l’influence en particulier de la culture attelée. 17 des 18 chefs de ménage nous ayant déclaré avoir abandonné l’entraide pour les travaux des champs se trouvent dans deux des trois villages les plus proches de la ville et presque tous pratiquent les labours à la c.harrue (cf. fig. 51 fichier-image). - Enfin, le système foncier qui joue en certaines régions des pays tropicaux un role de frein considérable aux transformations agricoles, ne constitue pas ici, du moins actuellement, un obstacle au développement. Ce système est d’ailleurs très souple et pourrait subir dans les années à venir de profondes transformations. Actuellement, les rizières seules font l’objet d’une appropriation généralisée. Elles peuvent étre vendues, mais ces ventes sont très rares, les prix pratiqués variant de 20.000 FMG à l’hectare pour une rizière médiocre à 100.000 FMG à l’hectare pour une rizière hien irriguée. En fait, le mode d’acquisition traditionnel des rizières est l’héritage qui se pratique, théoriquement, à parts égales entre tous les enfants. Les terres de tanety sont, elles aussi, appropriées de façon traditionnelle. Mais alors qu’autrefois leur peu de valeur pratique faisait que leur utilisation par des nouveaux venus, immigrés ou, à la fin du siècle dernier, anciens esclaves recouvrant leur liberté, ne posait auc.un problème, prêts et dons se pratiquant sans diflicultés, leur utilisation nouvelle par l’extension des cultures sèches leur a donné une valeur qui tend à poser un petit problème foncier là où la densité humaine est la plus forte. Depuis 30 ans, on assiste à un mouvement d’enregistrement des terres qui s’applique surtout à la région très peuplée d’Anjoma (cf. fig. 44) (1). Si l’on exclut les concessions agricoles européennes, qui occupent ici d’ailleurs moins de 200 ha, on s’aperçoit que de 1925 à 1959 la moyenne annuelle d’enregistrement des terres a été de 18 ,2 ha dans les villages du Bassin, et qu’elle a été de 45,5 ha entre 1959 et 1969. Mais l’enregistrement néc.essite une procédure longue et coùteuse, et le seul fait de planter des eucalyptus ou des arbres fruitiers sur son champ est déjà un signe d’appropriation.

(1) Le mbtayage qui est extrémement rare pour l’ensemble du Bassin, ne prend de l’importance que dans cette rhgion (cf. (ifig. 40).

t INNOVATIONS ET ORGANISATION DE L'ESPACE 91

C’est souvent lorsque l’un des héritiers, devenu par exemple fonctionnaire, quitte le village, que l’on se résout à faire enregistrer les terres. Pour l’instant, les cas de vente de terre de tanety sont exceptionnels, mais dans une génération, lorsque les enfants de ceux qui quittent actuellement les villages se seront détachés de ceux-ci, on risque d’assister à des ventes importantes et peuf-être ainsi à la création d’une classe de paysans aisés qui, actuellement, est à peu près inexistante. Cela pourrait alors introduire dans le milieu rural des transformations inédites.

Les conditions naturelles, et l’acquis des terroirs et de la société rurale, constituent donc les facteurs venant en réaction, favorable ou non, à l’introduction des innovations. Reste à savoir quelles ont été les conséquences principales de ces réactions sur le plan de l’organisation de l’espace de l’ensemble du Bassin.

3. L%VOLUTION DES TERROIRS. Le terroir villageois constituant la cellule de base de l’organisation de l’espace, c’&t à son niveau que nous chercherons tout d’abord à percevoir les transformations de cette organisation. Pour cela, nous ferons la comparaison entre deux terroirs pris parmi les 11 villages étudiés. Le premier, Ambalafananarana, peut être considéré comme le plus ouvert aux innovations et le second, Manambelo, comme l’un de ceux où se présentent le plus d’obstacles à leur introduction.

A. Les deux villages témoins.

10 LE VILLAGE DE MANAMBELO, qui compte 134 habitants, est situé sur un versant de la petite vallée de Iavomalaza, af’fluente de la Mananantanana et descendant de la bordure est du Bassin (cf. fig. 2). Son site est typique de ceux que recherchaient autrefois les habitants de la région : un vallon où l’aménagement des rizières est facile, oti la maîtrise de I’eau est possible, et où des collines permettent la résidence dans un site défensif. Le village ne peut être atteint qu’à pied après 15 minutes de marche à partir de la piste la plus proche. La vallée a une densité moyenne de près de 100 habitants au km2, c’est-à-dire l’une des plus fortes du Bassin, et le terroir de Manambelo lui-même, occupant environ ’ 100 ha présente une densité de 134 hab/km2, ce qui est beaucoup compte tenu de l’importance des pentes. Le village de Manambelo est situé sur une colline d’interfluve, entre deux petits vallons et dominé par des reliefs importants où se nichait autrefois, jusqu’en 1886 si l’on s’en réfère aux déclarations des anciens, le village fortifié (rova) d’Ankazosoaravina d’où est issu le village actuel. Le nom de cet ancien village veut dire ((le bois des belles feuilles u ce qui laise supposer l’existence récente d’une forêt aujourd’hui totalement disparue. Le groupement de la population n’est pas intégral puisque quatre écarts d’un ou deux ménages chacun sont dispersés sur l’étendue du terroir. w-m Village

- Piste c--( Arachide \ M Riviere IIIUIIU Manioc ; -_-_ Canal WJ Maïs Em - Pont Le’gumes et tubercules diverses

- Barrage -1 Tabac .<.‘~-., :.. :: tulkurss Fruitières et caFéiers .. . ..: Ancien rova Cultures mélangées

Fig. 27. - Le terroir de Manambelo. Les cultures. INNOVATIONS ET ORGANISATION DE L’ESPACE 93 94 MICHEL PORTAIS

Arachide 4- en culture unique I 2. en culture m&lang&e Manioc

Jachka

Fig. 29. - Manambelo. Cultures d’arachide et de manioc, jachbres: INNOVATIONS ET ORGANISATION DE L’ESPACE 95

I m .$ E 96 MICHEL PORTAIS

Tabac 4 _ culture unique Maïs {2- culture mélangie 1. culture unique Arbres Fruitiers et caféiers L- culture mélangée (

Légumes et tubercules diverses (2: ~,$~ T’rn:+,

0 100 200m L I

Fig. 31. - Manambelo. Cultures secondaires. INNOVATIONS ET ORGANISATION DE L’ESPACE 97

z

t II

‘; 98 MICHEL PORTAIS

m Champs de tanety cultivés à I’angady m Champs de taneti cultivés a la charrue

0) 100‘ ¶y

Fig. 33. - Manambelo. Culture a 1’Angady et culture attelée (champs des cultures sèches). INNOVATIONS ET ORGANISATI,ON DE L’ESPACE _ 99

- :::*:* .-z-. %-.- 0 / 100 MICHEL PORTAIS

Village

Piste

Rivière I:::::::::I Canal Héritage ou don du père

Pont Dan d’un tiers

Barrage m Mise cn valeur personnelle

Bois IIEI Rizière appartenant è des habitants d’autres villages

0 400 zoom

Fig. 35. - Manambelo. Mode d’acquisition des terres. INNOVATIONS ET ORGANISATION DE L’ESPACE 101 MICHEL J?ORTAIS 102

Vdlage Pi$te Rivière Faire velofr direct

banal

Pent Barrage Bai6

y ,y mm(

Fig. 37. - Vanambelo.. >Iode de faire Valoir. INNOVATIONS ET ORGANISATION DE L’ESPACE 103 104 MICHEL PORTAIS

Deux groupes lignagers, les Bongo et les Mahaditra, dont il a été question au c.hapitre 1, composent la population. Au total, 24 ménages se partagent 13,34 ha de rizières (moyenne : 0,56 ha par ménage) dont une grande partie sont amenagées en gradins sur le versant des collines et, en 1970, 10,l ha de champs de tancty effectivement cultivés (moyenne 0,42 ha par ménage). L’irrigation des rizières est assurée par deux canaux principaux, venant l’un d’une source et l’autre d’un petit barrage situés sur les flancs de la montagne voisine, et entretenus par le fokonolona. En année normale, ces canaux permettent d’irriguer la quasi-totalité des rizières durant toute la saison de vary aloha (riz de première saison). Les sols ferrallitiques, rouges et jaunes pulvérulents, sont pauvres et la plupart du temps squelettiques, se dégradant rapidement sur ces pentes fortes soumises fré- quemment aux brfilis de fin de saison sèche, comme en témoigne la présence de quelques petits lavaka au nord du terroir. Cependant, de nombreux petits alvéoles sur des replats rocheux possèdent une terre noire très recherchée des paysans. Il s’agit d’endroits où la forêt est demeurée en reliques jusque très récemment et où des alluvions fines ont pu s’accumuler. Par ailleurs, des aménagements anti-érosifs ont été faits sur les pentes fortes autour du village sous forme de terrasses de cultures sèches. L’une d’elles a été 6difiée en 1970 pour y planter des patates douces et du maïs. 2.0 LE VILLAGE D'AMBALAFANANARANA, qui compte 152 habitants, est situé au pied des d6mes du Iandrambaky, près du confluent de la Manambolo et de la Mananantianana, dans la partie ouest du Bassin. Une piste praticable relie le village a la route nationale 7 qui c.onduit à Ambalavao, située à 9 km. La région est relativement peu peuplée, comptant environ 30 hab/km2. Le terroir occupé par le village lui-m&me, en excluant les domes granitiques, s’étend sur 300 ha, ce qui donne une densité de 50 hab/km2. Le village d’Ambalafananarana fait partie d’un ensemble de 9 hameaux tous issus, par le m6me lignagc, d’un village fortifié, Tanomby, situé au nord de la route N. 7 et clui fut abandonné au début de ce siècle. C’était le village d’une famille noble, d’origine antaimoro et, qui possédait ses esclaves. Si les rizières de ces différents hameaux, par suite des alliances matrimoniales, sont extrêmement enche\-i%rées, les tanety sont restées strictement0 divisées et localisées. Trois chefs de menage sont nés hors de ce cadre, immigrés récents venus du district de Fianarantsoa, et un descendant d’esclave, voilà quatre ans, s’est installh à l’écart du village auprès de sa riziPre. Le terroir se compose de trois parties (cf. fig. 37) : d’une part, :i l’ouest, le piP:mont du Iandrambaky, descendant CII pente assez douce, occupé par des cultures s&ches, par quelques rizières de vallon et par le village ; d’autre part, une petite vallée, le Jimy, occupée à sa partie amont par des rizières et à sa partie aval, mal drainée, par des marécages ; enfin, un petit interflw-e, entre le Jimy et la Manambolo, elle-même bordée d’étroits champs de baiboho et de quelques rizières édifiées dans de minuscules affluents. Si l’on excepte les premières pentes du Iandrambaky, on peut estimer que la quasi- totalit@ du terroir possède une topographie plane ou en pente douce, ne présentant pas d’obstac.les g la mise en wlture. Seule la partie mal drainée du Jimy est actuellement inutilisable, sinon comme pSt.urage lors de la décrue, et comme rCtserve de pêc.he. En ce qui concerne l’irrigation, seules les rizières établies en amont du Jimy et celles qui sont installées dans les vallons du pied du Iandrambaky, où existent quelques sources, sont suffisamment alimentées pour être cultivées en riz de première saison. INNOVATIONS ET ORGANISATION DE L’ESPACE 105

Les sols sont ici principalement des sols jaunes pulvérulents établis sur granite et dont la structure superficielle est légère, facile à travailler mais, comme à Manambolo, très pauvres en éléments fertilisants. La vallée de la Manambolo ne présente pas ici un épanouissement suffisant pour offrir une belle zone de baiboho comme il en existe au nord du. village, en bordure de la Mananantanana sur la concession tabacole (( Ny Ambaniandro o. Ici, les baiboho ne couvrent que 0,9 ha en minces filets que les paysans cherchent à élargir en sapant les berges de la rivière. Sur ce terroir, 27 ménages disposent de 18 ha de rizières (et à peu près autant sur les terroirs des hameaux voisins) et, en 1970, de 25,l ha de champs de culture sèche effectivement cultivés, soit 0,93 ha par ménage, le double de Manambelo.

B. Les terroirs et l’évolution de l’économie rurale. Ces données, confrontées aux besoins des occupants du sol, ont abouti à deux images de terroirs très différents. - En ce qui concerne les rizières, nous venons de voir que leur extension à Ambalafananarana est très satisfaisante. En 1968 (année médiocre), le village a pu vendre 6 T de paddy à l’extérieur et il est encore possible d’y étendre les surfaces en rizières, ce qui a été fait en 1970, à la suite des crues cycloniques qui ont ravagé toutes les rizières de bas-fond. Manambelo, moins bien pourvu, dispose tout de même d’une surface rizicole suffisante, en année normale, pour satisfaire ses besoins. La quasi- totalité des rizières est en effet irriguée par canaux alimentés correctement. Si l’accroisse- ment démographique devait se poursuivre - mais un mouvement d’émigration se dessine - le village devrait avoir recours aux méthodes de riziculture améliorée pour continuer à assurer son riz quotidien. Il est toujours possible d’édifier de nouvelles rizières en gradins, mais alors se poserait le problème de l’eau, déjà insuffisante certaines années. - Dans le domaine de l’élevage bovin, Ambalafananarana possède un troupeau de 147 têtes ce qui donne une proportion de 97 pour 100 habitants contre 56 bêtes et 42 pour 100 à Manambelo. Ainsi, la vente des bœufs a rapporté, durant la saison 1968-69, 215.000 FMG dans le premier village et seulement 50.500 FMG dans le second. En effet, le problème des pâturages ne se pose pas à Ambalafananarana où les terrains de parcours sont encore vastes et où les marécages du Jimy donnent encore un peu de nourriture verte à la saison sèche. En revanche, à Manambelo, les prairies sont rares et les bœufs parcourent, en contre-saison, les rizières qu’ils fument ainsi, et où ils trouvent quelques repousses. On les nourrit aussi au parc (cf. photo no 9) avec de l’herbe fauchée en fin de saison humide lorsque l’on veut les engraisser, mais aussi en saison sèche, avec du manioc, de la paille de riz, et des feuilles de patate douce. La difficulté de nourrir les bêtes ajoutée aux besoins d’argent ont abouti entre 1962 et 1969, à faire tomber le troupeau de 71 à 56 têtes. - Mais c’est surtout sur le plan des cultures sèches (culture de tanety et baiboho) que la différence éclate entre les deux villages, comme en témoigne la comparaison entre les fig. 29 à 32. Ce qui frappe tout d’abord, ce sont les différences de dimensions des parcelles, beaucoup plus petites à Manambelo. L’image est suffisamment significative sans qu’il soit besoin de recourir aux chiffres. De plus, en dehors de quelques champs de manioc, la plupart des parcelles à Manambelo portent des cultures conjointes, ce qui diminue

8 106 MICHEL PORTAIS enc.ore l’importance des parcelles de culture. Dans ce village, même les cultures légumières et fruitières sont réparties un peu partout sur le terroir, notamment sur les bordures des rizières qui ressemblent ainsi à de tout petits jardins où se melent bananiers, manioc, quelques plants d’arachides, patates douces, maïs et haricots. Au contraire, à Ambala- fananarana, de nombreux champs ne portent qu’une seule culture et les cultures légumières et fruitiéres ainsi que le tabac de tanety, sont plus strictement rassemblés autour des habitations. Les raisons de ces différences doivent être recherchées d’une part dans l’influence de la topographie, et d’autre part dans l’influence des techniques de culture. Les fig. 33 et 34 nous montrent en effet qu’à une exception près, tous les champs de tanety de Manambelo sont cultivés à l’angaQ, alors que plus de la moitié des surfaces en culture sèche à Ambalafananarana, est cultivée à la charrue. L’adoption de celle-ci a donc permis, sur un vaste terroir, une extension importante des cultures sèches. Les cartes des cultures (fig. 27 et 28) nous montrent sur ces deux terroirs la pratique d’une véritable polyculture. Cependant, deux cultures, le manioc et l’arachide, viennent aujourd’hui à peu près à égalité et occupent environ les 2/3 des surfaces à Ambala- fananarana et la moitié à Manambelo. Voilà quelques années, le manioc dominait seul largement toutes les autres cultures sèches. Puis viennent le maïs (10 yo des surfaces à Ambalafananarana), en accroissement régulier mais qui reste surtout auto-consommé par les hommes et les bêtes, et diverses cultures fruitières et légumières. Le tabac n’occupe que des surfaces dérisoires, sans proportion avec son importance économique, et en 1970, chacun des deux villages avait fait un petit champ de soja. Les jachères occupent une place importante, surtout à Ambalafananarana où la rotation type est celle-ci : - 2 à 3 années d’arachide - 1 culture de manioc (18 à 24 mois) - 1 année de maïs ou d’association maïs-haricot - 3 années de jachère. Les systdmes fonciers sont théoriquement les mêmes dans les deux villages. La très grande majorité des rizières, dans l’un comme dans l’autre village, a été héritée et se trouve cultivée par le propriétaire lui-même. On note un seul cas de métayage à Manambelo, mais la variété des situations est plus grande à Ambalafananarana avec une rizière achetée, et plusieurs cas de prêts et de métayage. Pour les terres de tanety, on ne note aucun cas de métayage, mais de nombreux prêts, et à Ambalafananarana seulement, plusieurs cas de dons de terres de tanety, à des descendants d’esclaves notamment. En fait, la variété des situations, à Ambalafananarana, est due principale- ment à la présence d’un propriétaire qui, sans être vraiment un gros propriétaire (il n’a que 5 ha de rizières environ et un grand champ immatriculé qui n’est pas encore mis en valeur) dépasse cependant nettement les autres et donne une partie de ses rizières en métayage. Depuis que des innovations se sont introduites dans les campagnes du Bassin, Ambalafananarana a toujours été en avance sur Manambelo. Ainsi, l’arachide de vente fut introduite en 1950 à Ambalafananarana et seulement en 1962 à Manambelo. Dans l’un, la première charrue a fait son apparition en 1925 (ce fut la première du canton) il y en a 7 maintenant, et dans l’autre il n’en existe encore aucune et ce n’est que depuis 1962 que quelques rares exploitants y font labourer leurs rizières par des propriétaires INNOVATIONS ET ORGANISATION DE L’ESPACE 107 de charrues du voisinage. Ambalafananarana compte déjà 3 herses, 3 sarcleuses et 3 charrettes alors que ce matériel reste inconnu à Manambelo. Ainsi, à Ambalafananarana, d’après notre enquêt.e, le revenu monétaire moyen par individu serait de 6.960 FMG sur lesquels 85 yo proviennent de l’agriculture et de l’élevage, alors qu’à Manambelo, le revenu moyen par individu serait de 2.480 FMG dont 48 o/. pro- viennent de l’agriculture et de l’élevage. Le reste y est fourni d’une part par les revenus de l’artisanat féminin (tressage de nattes et confection de paniers) qui procure 35 yo des revenus monétaires, et d’autre part par les salaires d’emplois temporaires. Pour terminer, citons un dernier exemple opposant les deux villages. Il s’agit de l’emploi de salariés temporaires. Alors qu’à Manambelo, l’entraide suffit à peu près au travail nécessaire et que seuls 3 chefs de ménage ont employé des salariés temporaires pour un total de 18 jours et 3.200 FMG au planage et aux labours des rizières, à Ambalafananarana l’entraide, qui reste pourtant pratiquée plus ou moins par tout le monde, est devenue insuffisante et 15 chefs de ménage ont dépensé 62.550 FMG (1) pour payer des salariés temporaires, sur les tanety autant que sur les rizières.

C. Conclusion sur l%volution de ces deux terroirs.

Grâce à un certain nombre de facteurs originels - absence de contraintes physiques trop marquées, abondance du troupeau et des rizières, facilités de communications avec le marché urbain, ouverture d’esprit de certains individus dont l’un, devenu instituteur, est revenu à la terre - le village d’ambalafananarana a pu entrer dans le processus d’adoption accélérée des innovations. Disposant d’argent et étant incités à l’investir utilement, les paysans y sont ouverts à toute innovation capable d’améliorer leur pouvoir d’achat et de satisfaire leurs besoins. D’aucun n’y envisage-t-il pas l’achat, particulier ou collectif, d’une pompe diésel ou d’un motoculteur ? Au contraire, le village de Manambelo dont les données d’origine étaient moins heureuses est aujourd’hui incapable d’adopter les innovations qui lui auraient été favorables. La faiblesse de son revenu monétaire ne lui permet pas d’adopter les innova- tions techniques dont les difficultés naturelles rendraient d’ailleurs la rentabilité incer- taine, et l’éloignement du marché urbain ajouté aux difficultés de communications que lui confère son site, constituent un handicap certain à l’adoption de cultures légumières ou fruitières et même à l’élevage porcin. La seule solution consiste alors, au fur et à mesure que les besoins augmentent, à recourir à l’émigration temporaire ou définitive. Ainsi, en cinq ans, trois ménages ont-ils quitté le village pour s’installer dans l’ouest de la sous-préfecture (région d’ankaramena) et une jeune fille est partie comme institutrice en pays tanala. Trois enfants poursuivent des études secondaires à Fianarantsoa, ce qui coûte cher au village. Les besoins grandissant plus vite que les ressources, on puise sur la réserve que constitue le troupeau bovin. Des solutions sont pourtant techniquement possibles. Les surfaces en tabac pourraient être augmentées sans difficultés et des cultures de contre-saison, fourragères par exemple, pourraient être faites sur les rizières. Enfin, le café arabica est bien à sa

(1) Ce chiffre est I rapprocher de celui qu’a procur8 l’emploi temporaire a l’extbieur pour ce même village : 62.800 FMG. 108 MICHEL PORTAIS INNOVATION5 ET ORGANISATION DE L'ESPACE 109 place ici et les paysans, comme ils commencent d’ailleurs à le faire, ont toutes facilités pour accroître leurs plantations. Ramassés sur leur colline, dans leur joli village, les habitants de Manambelo ne semblent pas avoir besoin qu’on leur apprenne à faire autre- ment. Ils accueillent volontiers les (

4. MICRO-RfiGIONALISATION ET NOUVELLE ARTICULATION RBGIONALE.

A. L%mergence de zones à vocations diverses. Alors que l’ancien système de culture, reposant presque exclusivement sur la rizière et l’élevage bovin avait conduit à un aménagement assez uniforme du Bassin, l’adoption d’innovations, pour les raisons évoquées plus haut et explicitées par l’examen de deux terroirs types, s’est faite de façon très diverse selon les différents villages. On aboutit ainsi, peu à peu, à l’émergence de petites régions aux systèmes de cultures et aux ressources économiques différentes, entraînant une certaine diversiflcation de l’organisa- tion de l’espace et des paysages ruraux. Facteurs naturels, densité de population et influence du marché urbain aboutissent ainsi à la détermination de micro-régions (cf. figs. 39 et 40). Numérotées sur notre croquis d’est en ouest, elles peuvent être décrites de la façon suivante : - LES RÉGIONS 1 ET 2 : elles correspondent à l’appendice du Bassin que représente la haute Mananantanana et l’ensemble du canton d’Ambohimahamasina. Zone à micro- climat plus humide et plus frais, la plus isolée de l’influence urbaine, on peut la diviser en deux parties en fonction du modelé de surface. La région 1 correspond à la partie la moins peuplée (environ 25 hab/km2), c’est une zone de topographie indécise, correspondant à la surface de transition entre la grande falaise et les reliefs granitiques. Sa topographie en Gbois de renne 1)au drainage mal assuré, nécessiterait un minimum d’aménagement hydraulique pour être colonisée. Elle constitue ainsi une sorte de réserve pour les populations voisines. Au-delà, vers

(1) Visiteurs. 110 MICHEL PORTAIS

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i i i \ / ’ INNOVATIONS ET ORGANISATION DE L’ESPACE 111 l’est, et sur le même type de topographie, s’étend la grande forêt et le rebord de la grande falaise se trouve à 15 km environ (1). La région 2 correspond principalement à la haute vallée de la Mananantanana proprement dite, jusqu’à son débouché dans la cuvette, se frayant un passage entre deux môles granitiques et franchissant une petite zone de rapides où a été édifié le barrage d’Andreanambo. Toute une série de petites vallées et vallons affluents ont été colonisés par les populations. L’eau y est abondante, le drainage ne pose pas de problème et l’irrigation y est aisée. Le paysage de rizières betsileo y domine et les champs de culture sèche, encore rares, ont commencé à coloniser les tanety très récemment pour permettre, outre la culture du manioc, pratiquée depuis longtemps mais qui progresse au fur et à mesure qu’il est plus difficile de nourrir le bétail sur les pâturages naturels, la culture de l’arachide apparue depuis peu. Ce pourrait être la grande zone de culture de la pomme de terre de la région et aussi celle du café arabica, déjàfbien répandu autour des villages. En outre, c’est dans cette région qui reste une zone d’émigration temporaire importante surtout vers le pays tanala, que s’est maintenu le tissage des lamba de soie. Région isolée, aux besoins encore plus faibles qu’ailleurs et qui possède les plus faibles revenus monétaires, mais où les tanety, qui commencent seulement à être mises en valeur, constituent une réserve importante compte tenu du faible encombrement du calendrier agricole des paysans. - LA RÉGION 3 : région des petites vallées aflluentes à l’est d’Anjoma, s’apparente par sa topographie à la région 2, mais déjà la sécheresse y est plus marquée, et surtout la grande densité du peuplement et par suite des rizières aboutit à un manque d’eau pour l’irrigation. La colonisation des tanety est beaucoup plus avancée que dans la région 2 mais par suite des conditions topographiques, les champs y sont minuscules et leur extension plus difficile. C’est dans cette région que Ia surcharge pastorale est la plus marquée et que le déc.lin du troupeau est le plus accentué. La relative proximité de la ville contribue à y introduire des besoins que les ressources actuelles sont incapables de fournir. La densité de population dépasse 100 hab/km2 sur la plupart des terroirs et l’émigration définitive se développe dans cette région qui est l’une des plus jolies et des plus bucoliques du Bassin d’Ambalavao (photo no 2j. Sur la carte de la fig. 40, nous avons distingué une petite zone III bis qui se différencie du reste de cette région par sa moindre densité de population. - LA RÉGION 4 correspond au centre historique du Bassin et à sa partie la plus densément peuplée. Comme dans la région 3, mais sur la presque-totalité de cet espace, la densité rurale dépasse 100 hab/km”. C’est une zone plane d’où émergent seulement les buttes qui servirent d’habitat fortifié, d’Ifandana, de Vohitrosy et d’Ambohimandroso. C’est la région la plus méthodiquement mise en valeur de tout le Bassin, et spéciale- ment les zones de baiboho, le long de la vallée de la Mananantanana (cf. photo no 4). Tabac., tomates, oignons et arachides y procurent d’importants revenus monétaires et, depuis quelques années, les plantations d’orangers s’y font à un rythme accéléré. La région bénéficie de nombreuses pistes, de la proximité d’Ambalavao, d’un long passé de travaux délicats ,(élevage du ver à soie, culture du tabac) et d’une scolarisation déjà ancienne (centre d’Ambohimandroso). L’aménagement, par le Génie Rural, des canaux d’irrigation de la rive gauche de la Nananantanana pourrait permettre encore quelques temps de nourrir une population dont la croissance démographique se poursuit et pour

(1) Dans cette r&gion, la limite de la forêt correspond à peu près à la ligne de partage des eaux entre OcBan Indien et Canal du Mozambique. 112 MICHEL PORTAIS INNOVATIONS ET ORGANISATION DE L’ESPACE 113 qui se pose déjà un problème de terre qui se traduit par un développement - inhabituel dans le Bassin - du métayage (cf. fig. 41). Le développement de la culture fruitière, et notamment des agrumes, favorisé par la création de pépinières et la présence d’un moniteur à Ambohimandroso devrait achever de donner à cette région une allure de vaste jardin. - LA RÉGION 5 centrée sur Ambalavao, englobe les villages les plus proches de la ville. Dans cette région où se posent des problèmes d’irrigation, la densité rurale n’a jamais été forte et reste de 45 hab/km2 en moyenne. C’est là, bien sûr, que les consé- quences de l’influence urbaine sont les plus importantes. La ville y a engendré une croissance des besoins plus forte qu’ailleurs, mais parallèlement, elle a pu apporter des ressources nouvelles. Il y a d’abord l’emploi temporaire sur les chantiers de construction et dans les différentes entreprises, Il y a aussi, pour les femmes, le tissage des lamba tel que nous l’avons décrit au chapitre III. Le marché aux bœufs d’Ambalavao, le deuxième de l’île en importance procure des emplois divers aux villageois du voisinage (gardiens, convoyeurs, et surtout intermediaires dans les transactions entre marchands et paysans). L’accaparement de la population à ces diverses tâches qui leur fournissent l’argent dont ils ont besoin, a laissé peu de temps à une mise en valeur du sol plus systématique qu’ailleurs. Ainsi, cette région semble-t-elle, sur le plan agricole, beaucoup moins riche que la précédente. Il s’agit en fait d’une intensité différente d’occupation du sol. C’est la région oh le maximum de terres sont enregistrées (cf. fig. 44) souvent au profit d’habitants d’Ambalavao qui trouvent difficilement dans cette zone oh la terre ne manque pas, des paysans pour les mettre en valeur. Ainsi se sont développés des petits bois d’eucalyptus au milieu desquels la ville semble nichée. - LA RÉGION 6 comprend l’ouest et le nord-ouest de la cuvette proprement dite. C’est une zone encore assez peuplée (20 à 40 hab/km2) qui semble actuellement la plus favorisée sur le plan de l’économie rurale (cf. photo no 3). Les rizières y manquent d’eau mais elles sont vastes et certaines zones, de topo- graphie indécise, souffrent d’un mauvais drainage. La Manambolo et la Mananantanana y effilent toute une frange de baiboho qui ne sont pas tous encore mis en valeur. La proximité urbaine et la relative facilité des communications y résolvent le problème du débouché des productions agricoles. Enfin, les vastes pâturages qui ne sont pas encore transformés en cultures sèches, offrent une nourriture encore actuellement suffisante pour un troupeau en accroissement, qui constitue une réserve monétaire potentielle permettant l’adoption de certaines innovations techniques telles que la culture attelée ou, depuis peu, le transport par charrette. Ainsi, de vastes champs de cultures sèches, arachide, manioc ou maïs peuvent-ils se développer sans entraves, labourés à la charrue pour une grande partie. Enfin, LA RÉGION 7 correspond à la partie ouest du Bassin. Elle est constituée en fait d’un certain nombre de petits bassins annexes de la cuvette d’Ambalavao et dont le seul bien développé est celui de Besoa. La densité, hormis au voisinage de Besoa, ne dépasse jamais 20 hab/km 2. C’est une zone de ( moyen-ouest B typique, marche entre les territoires bara et betsileo, et colonisée peu à peu et tout récemment par ces derniers. La pratique de l’ancien système de culture reposant sur le bœuf et la rizière y est encore parfaitement possible, la culture de l’arachide, récemment développée, amenant un complément de ressources monétaires. Le village d’Andohavalo, que nous y avons étudié et qui ne compte que 81 habitants pour 22 ménages, possède un troupeau de 244 bovins et la vente des bœufs y procure 55 yo des revenus monétaires, le reste provenant de pensions, de la vente du riz et accessoirement de l’arachide. 114 MICHEL PORTAIS

B. Les relais It 1Wlueuce urbaine. La création de relais à l’influence urbaine tend à organiser, à articuler cette micro-régionalisation. L’émergence de véritables villages-centres comparables aux chefs-lieux de canton de la France rurale n’est pas encore accomplie, et le Bassin ne possède encore que des exemples inachevés de telles bourgades. Les chefs-lieux de canton, dont le rôle administra- tif a été accentué après l’indépendance par la création des communes, tendent à jouer ce rôle. Les écoles primaires en ont fait des petits centres scolaires. Tous hormis Iarintsena sont maintenant pourvus d’un poste médical et d’une maternité et les missions en ont fait des centres de rayonnement. Enfin, l’organisation des entreprises de vulgarisation agricole s’appuie sur eux. Ambohimahamasina et Anjoma qui comptent en outre un marché bien achalandé en sont les exemples les mieux achevés. Ainsi Anjoma, qui fut à l’origine une création dc la mission catholique comprend à l’heure actuelle un bureau du chef de canton, une mairie, une maternité, un poste médical, une école publique et deux écoles privées. Les missions y comprennent deux écoles, une église, un temple et un dispensaire. On compte en outre trois boutiques, deux artisans forgeron et charpentier, un secteur G.O.P.R. avec. son magasin et trois moniteurs d’agriculture ainsi qu’une pépinière de café dépendant de la zone paysanale d’rimbalavao. Près d’une trentaine de ménages, le double d’il y a 10 ans, y vivent ainsi d’activités autres qu’agricoles. Enfin, chaque vendredi se tient sur la grande place du village un marché qui attire les paysans de la plus grande partie du canton.

CONCLUSION. L’examen des variations spatiales des données naturelles et humaines nous permet donc de comprendre l’inégal degré d’adoption des innovations, et par là-même l’origine d’une micro-régionalisation dont la présence peut surprendre sur un si petit espace et dans un miheu ethnique homogène que l’on a coutume de qualifier de traditionnel Mais la naissance de ces micro-régions s’accompagne en fait d’une plus grande unité par suite de leur polarisation par la ville. En permettant peu à P~LI, grâce aux innovations dont elle a favorisé l’adoption, une meilleure utilisation des sols, et en suscitant des relais à son influence, la ville a donc, permis une structuration plus achevée de l’espace. S’il etait dans notre propos d’étudier la ville d’Ambalavao elle-même, nous verrions comment cet apport dont bénéficie le milieu rural se traduit en ville par une diversSc.ation et, un accroissement des activités (1). Malheureusement, la description de ce courant d’influente urbaine reste incomplète et il nous faut maintenant examiner ce qu’il en est des flus d’hommes et parall+lement de biens entre la ville et la campagne.

(1) Citons par exemple l’apparition, depuis quelques annbes, d’un artisanat de forgerons rhparateurs de charrues et d’un atelier de fabrication et de réparation des charrettes, ainsi que l’expansion des organismes de vulgarisation agricole. 5

La petite ville, facteur de drainage de son environnement

Si la ville, par les innovations dont elle favorise la diffusion, permet au milieu rural de répondre à une partie des besoins qu’elle a suscités, certaines de ses fonctions, la fonction scoIaire en particulier, sont à l’origine de flux qui drainent hors de la campagne une partie de la substance vitale du milieu rural. Il est en fait extrêmement difficile de juger de la valeur de ces flux et on ne peut, en l’occurrence, apporter une appréciation valable que sur les transferts de valeurs, humains ou matériels, les plus évidents. * * i

1. LE DRAINAGE DES INDIVIDUS.

A. Le rôle attractif d’Ambalavao dans le domaine de l’emploi. En l’absence d’enquêtes détaillées sur les habitants d’Ambalavao et leur origine (1), l’analyse démographique, complétée par nos enquêtes personnelles, nous permet d’avoir une idée du rôle attractif réel de cette petite ville. Entre 1954 et 1968, la commune d’Ambalavao a vu passer sa population de 7.450 à 11.150 habitants, soit une augmentation de 50 o/. en 14 ans. Compte tenu du fait que plus de 50 yo de cette population est paysanne et vit dans les villages proches de la ville, on peut estimer que la croissance de la population urbaine proprement dite dépasse largement 50 yo pour ces 14 années. Or, en 1964, d’après le recensement de l’I.N.S.R.E., le taux de natalité était de 35 O/oo. Le taux de mortalité moyen étant alors de 10 Oloo environ, on peut estimer le

(1) Le recensement de 1964 ne demandait l’origine qu’au niveau de la sous-prbfecture. CG~- sume

9 LieUX de naissance

Etranger : 24 e.ch. 0 488 288b l- ! 4

Fig. 42. - Ville d’Ambalavao. Origine des habitants, lieux de naissance (1964). DItGO- SUARIZ

Horondava k 0 Commcrfnnts 0 Artisans

50km. 0 100 Zmkm

Fig. 43. - Ville d’Ambalavao, origine des commerçants et artisans, lieux de naissance par Sous-Préfecture (1969). 118 MICHEL PORTAIS taux d’accroissement naturel à Ambalavao de l’ordre de 2,5 yo par an, soit en 14 ans une augmentation de 40 Oh. Pour parvenir à une croissance supérieure à 50 oh il a donc fallu une balance migratoire positive de près de 1.000 individus. Or, la pyramide des ages d’Ambalavao (fig. 19) montre un déficit d’hommes entre 25 et 40 ans puisque pour cette tranche d’age, le taux de masculinité n’atteint que 77 yo. La ville d’Ambalavao connaît donc un double mouvement migratoire : une émigra- tion, en grande partie temporaire, qui frappe surtout les jeunes adultes masculins, et une immigration qui, en chiffres globaux, annule et même dépasse largement cette émigration. Les cadres administratifs, les artisans et les commerçants, fournissent un courant d’immigration venu principalement d’autres régions, et spécialement de Fianarantsoa et du reste des plateaux (cf. fig. 43). - Ainsi, sur 51 artisans, 12 sont natifs d’hmbalavao, 7 du reste de la sous-préfecture et 32 d’autres districts. - Sur 114 commerçants, 22 seulement sont natifs d’ambalavao, 11 du reste de la sous-préfecture et 81 d’autres districts. En fait, la zone rurale du Bassin alimente une émigration de main-d’œuvre non qualifiée, temporaire, mais qui ne tarde pas à quitter la petite ville elle-meme pour des régions d’emploi plus importantes. Les emplois salariés ne sont pas très nombreux en ville. On ne comptait, en 1964, que 507 salariés dans le secteur privé et 226 dans l’administration. En dehors de l’administration et du commerce, les professions les plus courantes sont celles de chauffeurs pour les hommes ($8 en 1964) et de tisserandes (105) et couturières (68) pour les femmes. La manufacture de tabac et la (( Mission des Tabacs )) emploient actuellement en permanence environ 130 employés (50 o/. de femmes) ; la rizerie et les maisons de commerce en emploient également quelques dizaines. Parmi les 270 ménages que nous avons questionnés dans les 11 villages étudiés, sur la famille qu’ils pouvaient avoir à Ambalavao, on a trouvé 26 enfants, 48 frères et sœurs (ce terme englobe les cousins germains) et 66 autres parents, soit un total de 140 personnes, à peu près également réparties pour les villages proches et les villages éloignés de la ville. De très nombreux villageois possèdent donc de la famille en ville, ce qui constitue un facteur décisif d’attraction. En fait, le plus souvent, Ambalavao constitue la première étape d’une émigration définitive. Celui qui cherche à quitter son village se rend tout d’abord à Ambalavao, accueilli par des parents. Là, il fait venir sa propre famille s’il en a, l’installe, et, n’arrivant pas à la faire vivre décemment se décide par la suite à émigrer, temporairement d’abord, et définitivement s’il trouve dans une autre ville une place stable. Ainsi, la ville d’Ambalavao se comporte-t-elle comme un petit centre attractif de main-d’œuvre du premier degré. Elle constitue un relais à l’émigration vers des centres plus importants.

B. Les effets de Ia scolari Ce role de relais à l’émigration est particulièrement bien mis en évidence dans le cas des jeunes scolarisés. Nous avons examiné au chapitre II l’ampleur de la scolarisation dans le bassin d’Ambalavao et plus particulièrement de la scolarisation secondaire, qui compte LA PETITE VILLE ET SON ENVIRONNEMENT 119

764 inscrits, en 1968-69 dans les classes des quatre écoles d’Ambalavao préparant au B.E.P.C. Plus d’une centaine de jeunes gens et jeunes filles y ont passé cet examen en 1970 et ce chiffre croît d’année en année. / Or, les enfants qui ont fait des études secondaires acceptent rarement de revenir travailler la terre, d’autant que leur moyenne d’âge est très élevée. Lorsque l’on est resté à l’école jusqu’à 19 ou 20 ans pour essayer d’avoir le B.E.P.C., il est devenu à peu près impossible de retourner au village, d’autant que la famille qui a dû consentir de lourds sacrifices pour que le jeune homme en question puisse avoir un poste en ville avec un bon salaire ne l’accepterait que très difficilement. Lorsqu’ils quittent l’école, les jeunes gens commencent par chercher du travail à Ambalavao, continuant quelque temps à se faire entretenir par leur famille. Nous avons mené une enquête auprès de ces jeunes chbmeurs, en juin et septembre 1969. Pour ceux qui n’ont pas eu la chance de continuer leurs études ou de trouver un emploi, voici les résultats auxquels nous sommes arrivés : L’enquête porte sur 48 jeunes gens dont : - 16 avaient moins de 20 ans - 27 avaient entre 20 et 25 ans - 5 avaient plus de 25 ans. On comptait parmi eux 22 fils d’agriculteurs, 12 de fonctionnaires ou d’instituteurs, 10 de commerçants ou d’artisans et 4 n’avaient plus leurs parents. Leur niveau d’instruction était assez élevé puisque 8 seulement n’avaient fait que des études primaires, 17 étaient allés de la 6e à la 4e, 19 jusqu’en classe de 3e dont 6 avaient obtenu le B.E.P.C. et 4 avaient même continué à Fianarantsoa en seconde ou en première. Cependant, 3 d’entre eux seulement avaient une petite formation artisanale (menuiserie, bijouterie), aucun autre n’ayant reçu une quelconque formation profes- sionnelle sinon, pour 11 d’entre eux, en ayant travaillé temporairement à des emplois divers. Si 15 d’entre eux n’exprimaient aucun choix particulier quant au métier souhaité, 21 désiraient devenir employés dans l’administration ou le commerce, 5 voulaient devenir chauffeurs, 4 faire des métiers divers (gendarme, chef de chantier, manœuvre), 1 seul désirait faire un métier manuel (menuisier) et 2 seulement voulaient devenir moniteurs d’agriculture. Enfin, presque tous envisageaient de quitter Ambalavao pour chercher du travail. S’ils ne l’avaient pas encore fait, c’était en général à cause de leurs parents qui les retenaient (10) ou parce qu’ils n’avaient pas d’argent (11). Quant au lieu de destination souhaité, - 25 désiraient partir pour Fianarantsoa - 20 pour Tananarive - 8 pour les villes de la côte est - 3 pour des destinations diverses I - et 11 acceptaient d’aller n’importe où. (Certains exprimant plusieurs souhaits, le total dépasse donc 48.) Ainsi, les jeunes scolarisés, s’ils ne trouvent pas de travail sur place, sont attirés par les plus grandes villes et désirent pour la plupart devenir fonctionnaires ou employés. L’enseignement qu’ils ont reçu, ainsi que l’influence familiale, ne leur a absolument pas donné le goût de revenir à la terre ou d’apprendre un métier technique. i .I

Fig. 44. - L’enregistrement des terres.

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Fig. 45. - L’emprise foncière des citadins, d’aprbs l’enregistrement des terres dans les villages du Bassin. LA PETITE VILLE ET SON ENVIRONNEMENT 121

Il existe bien à Ambalavao, depuis 1928, un atelier scolaire où actuellement 26 élèves reçoivent d’un contremaître une formation de menuisiers ou charpentiers étalée sur trois années. Parmi les 26 élèves, 12 sont d’Ambalavao même, 3 du reste du Bassin, et les autres viennent surtout de la sous-préfecture de Fianarantsoa. Cela est vraiment très peu et il existe un projet d’école professionnelle du ler cycle qui se heurte, bien sûr, au problème du financement. Cette quasi-absence de formation professionnelle, face à l’afflux grandissant de jeunes ayant acquis une formation générale qui leur donne une certaine ambition, est donc une raison de s’inquiéter gravement pour l’avenir. Certes la région, ville et campagne, absorbe un certain nombre de scolarisés comme fonctionnaires, instituteurs ou agents des services de vulgarisation agricole ; les entre- prises d’Ambalavao en emploient également quelques-uns. Mais l’accroissement des dépenses de fonctionnement du budget public est désormais très limité et les engagements risquent de se faire rares. Ce flux dû à la scolarisation apparaît nettement déficitaire pour la campagne qui se voit et se verra plus encore dans les années à venir spoliée de ses nouvelles élites. Ce qui est grave, c’est que la petite ville elle-même est incapable de les retenir, et c’est donc la région dans son ensemble qui subit ce déficit woissant.

2. L’INFLUENCE DU DRAINAGE DES HOMMES SUR LE MOUVEMENT DES BIENS. ’ A. Les mouvements d’argent. Nous avons pu estimer, au chapitre II, que 10 yo environ du revenu monétaire des paysans était, directement ou indirectement, absorbé par la scolarisation et spécialement par l’école secondaire. A cela, il faut ajouter le mouvement de capitaux vers la ville qui résulte des placements d’argent de pensionnés ou de paysans aisés dans des maisons achetées à Ambalavao. Nous en avons rencontré plusieurs cas dans les villages étudiés et spéciale- ment les plus proches de la ville. La scolarisation secondaire en est responsable car ceux qui le peuvent envoient une partie au moins de la famille accompagner les enfants qui vont à l’école à la sous-préfecture. L’année scolaire coïncidant ici avec la grande période des travaux à la campagne, on confie alors les rizières à la famille restée au village ou à des métayers. De nombreux 4 anciens combattants D font aussi construire ou achètent des cases en ville, mais il faudrait mener une enquête systématique pour connaître l’ampleur de ce mouvement car peu de cas font l’objet d’un enregistrement aux services du canton. Il nous semble cependant très lié aux progrès de la scolarisation secondaire et devrait donc aller en s’amplifiant.

B. L’emprise foncière des citadins. 11 ne s’agit pas d’un mouvement inverse du précédent mais plutôt de son complément. Le graphique de la fig.%57.rous renseigne sur l’évolution de l’enregistrement des terres du Bassin par des propriétaires non agriculteurs, qu’ils soient d’Ambalavao ou

9 122 MICHEL PORTAI§

d’ailleurs. Les chiflres restent faibles mais ils s’accroissent rapidement et cette accéléra- tion devrait s’accentuer dans les années à venir. La moyenne annuelle d’enregistrement, par des non-agrkulteurs, de terres des villages du Bassin a triplé pour la période de 1959-69 par rapport à la période 1942-59. Désormais, ce sont les fonctionnaires qui ont ,la plus belle part de ces enregistrements. Autrefois, entre lW5 et 1943, c’était les c,ommerçants d’ambalavao. II s’agissait alors de régularisations de propriétés de commerçants merina installés dans la région depuis trés longtemps. Autre fait remarquable, ce n’est pas la ville d’Ambalavao qui tend à accroitre son rmprise foncière sur la campagne, mais bien plutôt des émigrés ayant quitté la région. T,a ville d’Ambalavao n’a qu’une emprise foncière extrêmement réduite sur son environne- ment. C’est ainsi que sur le5 51 artisans que nous avons questionnés, 4 seulement possèdent des rizières dans le Bassin, et 16 y ont quelques terres de tanety. Sur 114 commerçants, on n’en trouve que 16 qui possèdent quelques terres, le plus souvent aux environs immédiats de la ville et sous forme de jardins. Quelques fonctionnaires, cependant, cherchent à tirer profit de domaines plus importants. TXsormais, ce sont surtout des wolarisés qui, ayant quitté leur village, y font enregistrer les terres héritées des ancêtres. Les investissements effectués sur ces terres sont. exceptionnels et elles ne constituent guère une rente foncière pour les citadins qui les posskdent. La plupart ayant été acquise par héritage, elles témoignent rarement d’un placement d’argent à la campagne. Au contraire, nous pensons que beaucoup de ces terres seront vendues au bout d’une ou deux générations aux paysans disposant d’un peu d’argent et qu’ainsi elles donneront plut& lieu à un transfert, de capitaux des ruraux au,x citadins, conséquence lointaine de l’exode des jeunes scolarisés.

On pourrait penser que pour les villages, l’envoi de jeunes gens en ville pour y poursuivre leurs etudes doive finalement &tre une opération rentable financièrement, puisque l’on attend d’eux une sorte de rente future. Ce pourrait Ptre vrai si tous les enfants réussissaient dans leurs études mais ce n’est pas le c,as. De plus, la possession du B.E.P.C. ne procure pas automatiquement une place intéressante et les portes de la fonc.tion publique, et même de l’enseignement, sont de plus en plus diffkiles a forcer. Ce qui est, grave, si l’on se place au niveau global de la région que nous étudions, c’est que ce flux nitgatif pour le milieu rural n’est que très partiellement capté par la petik ville d’Ambalavao qui en est à l’origine. Cc flux d’hommes et de biens quitte en grande partie la ri’gion, drainé par des villes plus importantes, Fianarantsoa et Tananarive, et nGme il se trouve gonflé par ce que lui apporte la petite ville. En effet, les Merina et les étrangers qui la peuplent envoient de plus en plus leurs enfants poursuivre kurs ktudes dans les grandes villes, et ce qu’ils épargnent en capitaux, c’est rarrmc:nt à Alnbalavao qu’ils le réinvestissent car leurs attaches restent faibles avec le milieu. Au terme de ce chapitre, la question se pose de savoir s’il peut réellement y avoir un dk-eloppement régional, dès lors que les faibles investissements en hommes et en capitaux réalisés à partir de l’extérieur dans cette petite région, se trouvent contrecarrés par un mouvcmcnt inverse qui va s’accélérant. 6 Bilan et perspectives

1. BILAN DE L’INFLUENCE D’AMBALAVAO SUR L’fiVOLUTION DE SON ENVIRONNEMENT.

Le moment est venu de dresser le bilan de cette étude, et donc de répondre aux questions que nous nous posions dans notre introduction. - La petite viIle d’dmbalavao, de création étrangère et aujourd’hui encore presque entièrement dirigée et animée par une population sans attaches avec le milieu rural betsileo et qui n’est donc que le relais d’un processus général d’urbanisation dont le foyer se trouve ailleurs, ne vit pourtant que de ses rapports avec les campagnes voisines. Chacune de ses fonctions est créatrice de besoins nouveaux pour les paysans, soit qu’elle les impose soit qu’elle les suggère. Plus les contacts avec la ville sont fréquents, plus ces besoins augmentent. - La petite ville est effectivement un facteur capital d’évolution des campagnes sur lesquelles s’exerce son influence. C’est en effet par l’intermédiaire de la ville et surtout de ses fonctions d’échanges que les diverses innovations, tant c.ommerciales que techniques, se sont répandues dans les campagnes. Ainsi la ville a-t-elle pu c,ontribuer à satisfaire les besoins qu’elle tend à répandre. Son influence a permis un accroissement du revenu monétaire, plus sensible dans les villages proches de la ville que dans ceux qui sont plus isolés, toutes conditions naturelles mises à part. Son influence bénéfique, conséquence des innovations qu’elle suscite, se traduit également par une meilleure utilisation de la diversité des sols, par la mise en place d’une micro-régionalisation et l’émergence de villages-centres, qui tendent à devenir des relais de la ville. Il en résulte ainsi une certaine structuration, une organisation de l’espace du Bassin, que l’influence des seuls facteurs naturels n’avait pas su engendrer. L’unité due à la polarisation autour d’Ambalavao a pris le pas sur l’unité naturelle. Ambalavao dépendant étroitement de Fianarantsoa, tant sur le plan administratif que commercial (1) c’est tout le Bassin qui se trouve en fait rattaché à un ensemble de

(1) Tous les commerçants d’Ambalavao se fournissent auprès des grossistes de Fianarantsoa. 124 MICHEL PORTAI§ plus vastes dimensions. Seul le marché aux bœufs donne a Ambalavao une dimension inter-régionale, mais qui a très peu d’influente sur les campagnes, et la transformation du tabac ne lui donne qu’une fonction industrielle extrêmement limitée. Mais aujourd’hui, cet aspect équilibré des relations ville-campagne semble remis en question. En effet, Ambalavao, principalement par suite d’une scolarisation secondaire disproportionnée et inadaptée aux besoins de sa région, stimule un flux d’hommes et de biens de la campagne vers la ville, qu’elle est incapable actuellement d’arrêter à son profit, qu’elle alimente elle-même, et qui se dirige vers des centres plus importants. Cette accentuation du drainage des campagnes de ses éléments les meilleurs se produit en un t.emps où l’accroissement des besoins semble s’accélérer sous l’effet conjoint de l’accroissement démographique, de la diffusion des moyens de communication et, bien sur, de la scolarisation secondaire. L’équilibre qui s’était réalisé dans le cadre du Bassin d’hmbalavao et qui pourrait être sur le point de se rompre devrait alors être retrouvé dans le cadre d’un ensemble plus vaste où existerait un véritable pôle de développement.

2. PER3PECTlYE$. En effet, posons-nous la question : à l’heure actuelle qu’est-ce qui entrave le développement économique du Bassin d’Ambalavao ? - Les besoins existent. Certes encore assez modestes, mais ils sont suffisants pour qu’il y ait incitation au développement. La croissance démographique y suffirait, mais en outre, les réponses données à la question (( si vous disposiez de 100.000 FMG, qu’en feriez-vous? H montrent que des besoins précis existent, en particulier d’achat de matériel agric.ole. Si les gens n’avaient pas eu de besoins précis ils auraient répondu ; je vivrais en paix, sans soucis, en achetant ce qu’il me faut pour vivre et en payant mes impôts. Or, ce genre de réponse a été exceptionnel et le fait d’anciens. Le matériel agricole tend à se répandre et seul le manque d’argent en empêche une plus large diffusion. De même certains biens de consommation sont de plus en plus recherchés par les paysans, surtout par ceux qui sont les plus en contact avec la ville, comme en témoigne le tableau ci-dessous :

Dans les 5 villages étudi& i Dans les 6 villages étudik les plus proches les plus isol& Dans 7 de ces 11 villages d’Ambalavao en 1969 d’Ambalavao en 1969 en 1961 (1)

1 bicyclette pour...... 19 mknages 31 mbnages 67 mknages I 1 poste de radio pour.. . . 8 - 26 - 135 - 1 1 machine & coudre pour, 7 - 13 - 22 -

(1) Enquête de PIN§RE : 3 de ces 7 villages figurent parmi les 5 villages de la Ira colonne et les 4 autres parmi le86 de la 2” colonne. BILAN ET PERSPECTIVES 125 126 MICHEL PORTA51

L’éc,ole surtout est un gouffre 0-U l’on est prêt à engloutir le maximum de ce que l’on possède. - Il n’existe pas d’obstacle social ou foncier au développement agricole, pour le moment en tous cas. Les inégalité5 de propriété foncière, qui ne sont pas considérables, n’ont pas de conséquences tant que la terre ne manque pas. A l’heure actuelle les prêts de terres de tanety se font sans diffkultés, du moins dans la plus grande partie du Bassin. Le métayage est encore peu répandu et on s’aperçoit (cf. fichier-image fig. 47) que ceux qui prennent des terres en métayage ne sont pas les plus pauvres mais parfois les plus dynamiques. Il ne semble pas non plus y avoir d’endettement excessif. Ce que nous avons pu savoir a ce sujet nous montre qu’en cas de besoin, c’est à la famille proche et aux (

(1) Cf. DUMONT (R.) qui remarque dans son rapport D Les principaux problémes ‘orientation et de moder- nisation de l’agriculture malgache 8, Q propos de 1’@admirable d systéme d’irrigation ïT&res du Betsileo, que celui-ci comporte bien des faiblesses (p. 44). BILAN ET PERSPECTIVES 127 bien sûr, que cet élargissement vienne de la petite ville d’Ambalavao elle-même, mais il ne faut pas en attendre beaucoup. Ce pourrait être également l’ouverture à de nouveaux marchés, Tuléar par exemple, puisque la région d’Ambalavao est la zone productrice de fruits et légumes tempérés la plus proche de cette ville ; ou bien la cote Est, le jour où les 30 km de piste nécessaires à relier Ambohimahamasina à Ankarimbelo en pays Tanala seraient réalisés, reliant Ambalavao à Vohipeno et Farafangana. Mais surtout, ce pourrait être l’extension du marché de Fianarantsoa, le jour où les grands projets d’usine de pâte à papier, d’aménagement hydro-électrique des chutes de Namoroma et de création d’industries annexes se réaliseraient. A la limite, ce pourrait être également la croissance d’Antsirabe et de Tananarive puisque déjà des collecteurs d’oranges et de volailles de la capitale viennent acheter dans le Bassin d’Ambalavao auquel son originalité climatique donne un avantage particulier, sur le plan du calendrier du marché des fruits et légumes. On voit qu’il est ainsi impossible de retirer cette petite région du contexte économique général de la Grande Ile. Cela est vrai de bien d’autres régions en particulier des Hauts Plateaux et du Moyen-Ouest, dont on peut dire que les campagnes sont prêtes à suivre le développement économique général, industrie1 ou commercial. Mais encore faut-il que celui-ci ait réellement lieu. En se plaçant dans ce contexte, il est du devoir impératif des pouvoirs publics de ne pas décevoir les paysans par des actions mal adaptées à leurs besoins réels. A ce sujet, deux faits par exemple nous semblent inquiétants dans un avenir proche : - Le G.O.P.R. doit organiser des opérations de diversiflcation portant sur d’autres préoccupations que le riz. Pour le Bassin d’Ambalavao, il semble qu’on ait choisi l’élevage des porcs et le tabac corsé. Or, actuellement, le tabac rapporte autant par la fraude que par les ventes officielles. Si l’on engage une opération tabac, il y aura fatalement une surveillance accrue et les paysans se fermeront un peu plus aux moniteurs et aux techniciens. Il ne s’agit pas pour nous de défendre la fraude, mais de prévenir une opération qui s’avère délicate. - Par ailleurs, une intense propagande a été faite à la radio pour le développement de la culture du soja. Nous avons vu avec quelle rapidité de nombreux villages s’étaient lancés dans cette culture, au moins sur quelques parcelles d’essais et avaient l’intention de la développer l’année suivante. On sait par ailleurs que le soja est une plante providentielle pour une alimentation équilibrée grâce à sa richesse en protéines. Grâce à lui on peut également engraisser les porcs, etc. Mais son utilisation nécessite alors une transformation, or jusqu’ici rien n’a été fait en ce sens et il faudra sans doute encore attendre plusieurs saisons avant qu’une utilisation rationnelle du soja soit entreprise. Pendant ce temps, les paysans en auront produit de grandes quantités et les cours se seront effondrés face à une demande minime. Quoi qu’il en soit, en se plaçant dans l’optique favorable d’une croissance économique générale du pays, et compte tenu des données naturelles et de l’acquis des terroirs et des populations, il semble bien que le développement des cultures fruitières (agrumes, pêches et abricots principalement) et, sur les baiboho, des cultures légumières, soit ce qu’il faille prôner avec le plus d’insistance. A cela, il faudrait ajouter, partout où l’irrigation le permet, la pratique de cultures de contre-saison sur les rizières, et notamment de cultures fourragères (l), de façon à permettre la conservation d’un

(1) A condilion que cette pratique soit adoptée & l’unanimité par des petites communautés, sinon l’habitude de laisser vaquer librement les troupeaux -ur les rizières après les moissons s’y opposerait. 128 MICHEL PORTAIS troupeau bovin d’une certaine importance et la pratique d’un véritable élevage. Mais compte tenu de l’état d’esprit des paysans, le développement des cultures fruitières et Iégumières sera plus facile à favoriser. L’existence d’une c,onserverie pas trop spécialisée, traitant à la fois les fruits, les légumes et les volailles, du type de celle d’hmbohimahasoa (1) serait évidemment extrcmement favorable à ce développement. Pour l’instant, les capitaux privés locaux s’investissent soit dans la viticulture et la vinification ce qui semble pour eux évidemment beaucoup plus rentable, mais qui se trouve entièrement coupé de l’économie paysanne (2) ou soit, en ce qui concerne la société manufacturière de tabac, vers son usine de Tananarive. Enfin, la mise en place d’un organisme de wédit agricole pratiquant une politique souple et prudente, permettrait de favoriser la diffusion du petit matériel agricole, notamment des charrues et des charrettes. Faute de c.es transformations, la stagnation économique s’installera. L’argent, de plus en plus rare, accompagnera un nombre de plus en plus grand de scolarisés vers l’extérieur et fera de plus en plus défaut à l’introduction d’innovations techniques et à l’investissement agricole. Dans ce cas, la ville, qu’elle se nomme Ambalavao ou Fiana- rantsoa, ne jouerait plus le rôle positif qu’elle a pu jouer jusqu’à présent et deviendrait essentiellement un facteur de drainage du milieu rural. C’est cc processus, qui semble malheureusement le plus fréquent dans les pays du Tiers-monde, qu’il convient avant tout d’éviter.

(1) Usine Lachaize, cf. HARDEL (D.), Essai sur quelques types de relat.ions Agriculture-Industrie, ORSTOM. Tananarive, 1966, rondo. (2) A l’issue d’une étude du BDPA sur le périmétre de la hlananantanana, des techniciens ont préconist? la culture de la vigne par la paysannerie traditionnelle. Cela nécessiterait un encadrement trés important. En cas d’échec ce serait. catastrophique pour des actions futures et en cas de succés, ce pourrait être inquibtant sur le plan sanitaire.,. si l’on ne peut fournir un produit de qualité exportable. Conclusion générale

Au terme de cette étude quel enseignement principal pouvons-nous retenir? Les paysans du Bassin d’Ambalavao, comme de beaucoup d’autres régions des plateaux et du Moyen-Ouest malgaches, placés dans des conditions naturelles qui ne sont pas trop défavorables en général, s’ils ne semblent pas prêts du jour au lendemain - mais quels paysans du monde y seraient? - à transformer radicalement leurs systèmes de culture, sont étonnamment ouverts à un grand nombre de nouveautés et prêts à intégrer spontanément celles qui, effectivement, leur sont les plus utiles à moindre frais. Leur contact avec les fonctions urbaines leur a créé des besoins nouveaux, mais il ne leur a pas toujours donné la possibilité de les satisfaire. Pourtant, le seul élargisse- ment des marchés de consommation suffit en général à favoriser l’introduction des innovations dans les campagnes. Dans ces conditions, à quel type d’action donner la priorité : - lancer de vastes et coûteuses opérations de transformation des systèmes de culture ? - détruire les anciens réseaux de distribution, certes peu rationnels mais somme toute assez bien adaptés aux conditions locales, pour les remplacer par des systèmes coopératifs coûteux en cadres et dont l’expérience a montré qu’ils ne sont efficaces que dans les pays déjà bien développés? - ou bien dépenser le maximum d’énergie et d’astuce pour favoriser des investisse- ments industriels qui seuls sont capables d’élargir les marchés et d’accroftre les dispo- nibilités financières ? Le problème est alors de localiser judicieusement ces investissements afin qu’ils ne favorisent pas le drainage des régions périphériques au profit de la capitale. 80 yo de la population du Bassin d’Ambalavao est paysanne et la proportion est sensiblement la même pour l’ensemble de Madagascar, mais l’amélioration économique de leur sort est conditionnée par le progrès des autres secteurs actifs de la popul.ation et d’une urbanisation judicieusement dirigée. Les actions d’intervention en milieu rural sont nécessaires, mais elles doivent avant tout chercher à comprendre les besoins des paysans, afin d’être effkaces avec le minimum de moyens.

Tananarive, novembre 1970. Bibliographie

1. Généralités.

ROBEQUAIN (C.), 1958. - Madagascar et les bases dispersées de l’Union Française. Paris. PUF, 586 p. DUBOIS (R. P.), 1938. - Monographie des Betsileo. Paris. Inst. d’Ethno., 1.510 p. I.N.S.R.E.-C.I.N.A.M.-FnANçom (P.), 1965. - Budgets et alimentation des ménages ruraux en 1962. Tananarive. INSRE. I.N.S.R.E., 1966. - Enquête agricole. Tananarive. I.N.S.R.E., 1966. - Recensements urbains. Ambositra-Ambalavao-Mananjary-Mana- kara-Farafangana. Tananarive. La Croissance urbaine en Afrique Noire et à Madagascar (1972). Colloque international du C.N.R.S. Paris. 1109 p.

2. Geographie physique.

CHANTRAINE (J.), 1968. - Etude géologique de la feuille d’ambalavao, no 54 (Rapport annuel du Service géologique de la République malgache). KILIAN (J.), 1963. - Etude des sols cultivés en tabac dans la région d’ambalavao. Tananarive, IRSM. PETIT (M.), 1970. - Contribution à l’étude morphologique des reliefs granitiques à Madagascar. Tananarive. Nouvelle Imprimerie Centrale. 307 p. et une plaquette de 112 croquis. Thèse de doctorat. RIQUIER (J.), 1956. - Notice explicative de la carte d’utilisation des sols d’Ambohiman- droso. Mémoires IRSM. Sériè D, t. VII. S~UBIES (F.), 1969. - Sols et pédogenèse dans la cuvette d’Ambalavao, t. 1 et 2. Tananarive. ORSTOM, 281 p. multigr. VIEILLEFON (J.), 1959. - Notice sur la carte d’utilisation des sols. Feuille de la Mananantanana. IRSM. Tananarive. 132 MIGHEL PORTAIS

3. Ouvrages et articles portant au moins en partie sur la région d.9Ambalavas.

AIVCIAN (G.),1955. - La vie des Betsileo à Madagascar. Bulletin du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques. Section Géo., pp. l-75. CATAT (Dr L.), 1895. - Voyage à Madagascar (1889-90). Paris. KNIGHT (E. F.), 1896. - A journey in Southern Madagascar. The Antananarivo Annal., pp. 400-401. LYAUTEY (P.), 1933. - Lettres du Sud de Madagascar (1900-1902). Paris. ANONYME : 1957, - La Province de Fianarantsoa et son programme général de développement économique, Bulletin de Madagascar, no 133, pp. 464-493. - 1965. - Le Tabac. Bulletin de M’adagascar, no 229, pp. 431-441. - (sans date.) - Etude B.D.P.A. sur la Mananantanana (Périmètre de mise en valeur rurale). Tananarive, mulfigr.

4. Articles de méthode et étmIes dyintérêt comparatif.

Deux articles de l’ouvrage (

ANNEXE 1

NOTES SUR LES MÉTHODES D’ENQUÊTES ET DE TRAITEMENT DE L’INFORMATION

1. DGROULEMENT DE LA RECHERCHE ET MÉTHODES D’ENQUÉTE

1) Au lieu d’examiner l’influence de la ville en partant de celle-ci, nous avons préfére nous placer tout d’abord du côté de la campagne. Onze villages, groupant 1.456 habitants répartis en 270 ménages, soit 4 y0 de la population rurale totale du Bassin ont ainsi éte étudiés. Sept d’entre eux avaient été tirés au sort et étudiés en 1961 dans le cadre d’une enquête nationale sur les budgets et l’alimentation des ménages ruraux et d’une enquête agricole. Les quatre derniers ont Bté ajoutés pour tenir compte de la diversité des situations géographiques et etudier plus spécialement un village aux portes de la ville (Vondrokely), un autre dans la partie la plus peuplee du Bassin (Samimasina) et un dernier dans la partie la moins peuplée, c’est-à-dire a l’ouest (Andohavalo). Chaque famille fut interrogée au moyen d’un questionnaire détaillé (1) comportant 8 pages de questions dont la plus grande partie étaient objectives et souvent vérifiables. Comme pour tout le reste de notre travail, nous avons bénéficié pour mener cette enquête de la collaboration d’un assistant malgache, M. RAKOTONIAINA Kleber. Notre tache a été facile dans les 7 villages déjà enquetés en 1961. En effet, les paysans avaient le souvenir de cette précédente enquete, et de ce fait, ont répondu volontiers à nos questions. Le fait de travailler en pays Betsileo nous a aussi été favorable, le paysan de là-bas étant en effet particuliérement accueillant et bien moins méfiant que le paysan merina. Un seul village, Imigo, pour des raisons internes, s’est montré partiellement hostile à notre enquete et nous l’avons remplacé par Andohavalo, situé dans des conditions géographiques semblables. 2) Dans chaque village, à la fin de notre enquête, nous tirions au sort, devant tous les chefs de famille, une liste de quatre ménages qui devaient faire l’objet d’un questionnaire rétrospectif (1) sur les dépenses effectuées par le ménage durant une année, c’est-à-dire, en fait, depuis la précédente période de récoltes. Au cours de I’enquete de 1961, 28 ménages, répartis dans les sept villages alors étudiés avaient fait l’objet d’un semblable questionnaire. Cela nous fournit, malgré la petitesse de l’échantillon, un élément de comparaison pour avoir une idée de l’evolution de la nature des dépenses depuis 8 ans.

(1) Voir ci-aprés. 134 MICHEL PORTAIS

3) Au cours des vacances scolaires de Pâques 1969, en collaboration avec les enseignants, nous avons pu bénéficier de l’aide des élèves de 3e des différentes écoles d’Ambalavao. Nous leur avions donné a chacun à realiser une petite enquete sur leur village d’origine. Sur une centaine de petites études ainsi menées, nous avons pu en retenir une cinquantaine dont la qualité, au moins pour certaines questions, était jugée satisfaisante. Cela nous a fourni un certain nombre de renseignements sur la commercialisation des produits agricoles, l’introduction de la culture attelée, les pratiques de l’artisanat rural et. les migrations et nous a ainsi suggéré quelques enquêtes personnelles. 4) Enfin, pour mieux comprendre de quelle façon l’acquis des terroirs avait une influence sur les transformations actuelles, nous avons entrepris l’étude de deux terroirs pour lesquels nous disposions de photographies aériennes au 1/25.000e. Les deux villages considérés sont tout à fait dissemblables. L’un peut être estimé comme étant le plus dynamique des 11 villages que nous avons étudiés. 11est situé sur la frange ouest du Bassin, proche d’ambalavao, dans une zone où la densité reste assez faible, où les riziéres sont abondantes et où de vastes espaces libres permettent à la fois un élevage bovin important et une extension sans problémes des cultures sèches, ce qui incite à la généralisation progressive de la culture attelée. Ce village compte en outre plusieurs familles d’immigrés. Au contraire, le deuxiéme village se situe dans une zone où la densité, malgré l’abondance des pentes fortes inutilisables dépasse 100 habitants au km *. Les riziéres y sont exiguës et les cultures seches, sur Gtanety U, sont elles-mêmes difficiles à étendre. Faute de pâturages, l’élevage reste très limité, et les habitants, isolés sur leur colline et a l’abri de certains besoins créés par l’influence urbaine, doivent pourtant chercher un complément de ressources dans l’artisanat rural ou l’émigra- tion, temporaire ou définitive. La confection des plans de terroir a été réalisée en octobre 1969 et janvier-février 1970, à la planchette ((topochaix )j pour les champs de culture seche et d’aprés photos aériennes pour les rizières. 5) En dehors de cette étude du milieu rural proprement dit, complétée par des enfret,iens avec les responsables et les moniteurs des services de vulgarisation agricole, nous avons procédé a l’étude détaillée du marché d’Ambalavao et des 7 autres marchés hebdomadaires qui se tiennent dans la région étudiée. Nous l’avons fait en pleine période de collecte, en mai et juin 1969, alors que les marchés connaissent les plus fortes transactions. L’origine des vendeurs, celle des clients, la nature et la valeur des marchandises apportées ont fait l’objet de nos enquétes. 6) Nous nous sommes également tourné vers la ville, où nous avons systématiquement et directement enquêté tous les commerçants et. tous les artisans pour connaître leur origine, leurs fournisseurs, les attaches qu’ils gardent avec le milieu rural, leur état d’esprit sur le plan écono- mique, etc. (1). Nous avons enfin réalisé une enquete auprés des jeunes chômeurs d’hmbalavao, auprés de l’importante corporation des transporteurs et chauffeurs de taxi et, bien sur, auprés des collecteurs locaux. 7) En dehors de ces enquetes directes, nous avons obtenu, par des sources variées, des renseignements sur les sujets suivants : - la culture du tabac, grâce aux archives de la Mission des Tabacs à Ambalavao ; - l’enquête o Budgets et alimentation des ménages ruraux u et l’enquéte agricole 1961, à l’Institut National de la Statistique et des Recherches Economiques ; - la vulgarisation agricole, grace aux renseignements communiqués par les Services de l’Agriculture et le (

(1) Voir questionnaire d’enquête ci-aprbs. ANNEXES 135

II. CRITIQUE DES INFORMATIONS REÇUES

L’introduction dans les villages étudiés s’étant faite sans difficulté, il n’y a pas lieu de suspecter la sincéritk de la plupart des réponses au questionnaire d’enquete. En outre, bien des vérifications étaient possibles qui nous ont permis certaines rectifications et presque toujours des confirmations. Ainsi, dans deux villages (Tsianindohany et Ambatolahy) à plusieurs mois d’intervalle, nous sommes revenus poser la même question, sous une autre forme, concernant la taille des riziéres (nombre de repiqueuses). Or, nous n’avons pu constater entre les deux séries de réponses que des différences insignifiantes. Le seul point douteux aurait pu être celui des ressources monétaires. Or, la moyenne des dépenses déclarées par 43 ménages tirés au sort a été de 24.790 FMG et la moyenne des recettes déclarées des 270 ménages a été de 23.800 FMG. 11est vrai que nous avons dans ce dernier chiffre quelques gros revenus que nous avions écartés du tirage au sort concernant les dépenses. Malgré cette réserve, la différence entre les deux n’exckde pas 10 y0 dont près de la moitié doit être imputée à la fraude sur la culture du tabac qui, bien sStr, nous a été cachée à nous aussi.

III. LE TRAITEMENT DE CERTAINES INFORMATIONS

1. LE FICHIER-IMAGE.

La somme des renseignements retirés des questionnaires concernant les 270 familles réparties dans 11 villages nous a incité à retenir, pour leur t.raitement, la méthode utilisée déjà à plusieurs reprises sous le nom de (1fichier-image )) par le laboratoire de cartographie de l’École Pratique des Hautes Études sous la direction de M. BERTIN (cf. Annales, Économie Société Civilisation, 1969, no 1, pp. 77-79). Son intér&t réside principalement dans le fait que, permettant une analyse rapide et une mise en relation de toutes les informations, il stimule la curiosité sur des points qui auraient pu rester dans l’ombre. L’évidence de certaines relations, grke à l’image, permet également d’éviter des calculs statistiques fastidieux. Par ailleurs, l’examen de l’intégralité de l’image par l’œil permet une critique des faits que l’on désire mettre en évidence, alors qu’un calcul statistique cache plus aisément une partie de la réalité. Enfin, la p~ésentat.ion photographique du fichier-image au lecteur permet de lui fournir le résumé intégral de foutes les informations recueillies, ce qui serait impossible autrement sans lui présenter tous les questionnaires d’enquêtes. Pour mémoire, rappelons que le fichier-image est constitué par une série de bandes de carton d’une certaine épaisseur (1 à 2 mm) sur la tranche desquelles on porte une série d’indications par des traits noirs de différentes longuems. Chaque ménage est ainsi représenté par une fiche sur la tranche de laquelle sont résumées toutes les indications que nous a fourni son questionnaire d’enquete. Les fiches sont ensuite accolées les unes aux autres selon un classement choisi qui peut t?tre par exemple : l’âge décroissant des chefs de ménage, l’importance de leurs rizières, l’importance des revenus des ménages, etc. Les images du fichier qui sont représentées dans cette étude (fig. 47 à 53) sont des photographies de ces divers classements. La légende qui précède donne la clef de la lecture de ces diverses images.

2; L'INDICE FACTORIEL DE D~ELOPPEMENT DE L’Écowonmx MONÉTAIRE.

Un certain nombre de fa-teurs sont supposés avoir une influence sur l’accroissement des besoins des gens, sur la rapidité et la facilité avec laquelle ils adoptent les innovations, sur l’efficacité de ces innovations pour apporter des revenus nouveaux, bref sur cet ensemble de faits objectivement observables que l’on a coutume d’appeler (t développement de l’économie monétaire )j. 136 MICHEL PORTAIS

Nous avons donc commencé par faire un catalogue de ces faits les plus Evidents, du moins ceux qu’on a pu observer. Ce sera : - le volume du revenu monétaire - l’adoption de certaines cultures nouvelles - les depenses de type moderne (achat de viande, frais d’école, de médicaments, de transports) - l’investissement agricole. Ensuite, nous avons dressé une liste de facteurs pouvant avoir, éventuellement, une influence sur ces faits de développement. Nous avons ici choisi : - la proximité de la ville - l’accessibilité aux véhicules (isolement) - la proximité d’un marché - la variation des densités d’occupation du sol - l’aspect favorable ou non des facteurs naturels (réputation de ces facteurs dans le cadre du systéme de production traditionnel : valeur des pentes, possibilités d’irrigation, présence de sols recherches comme les baiboho, etc.) - l’acquis économique dans le cadre du système traditionnel (variation des productivités dans le cadre traditionnel) - la présence d’activités artisanales. Le principe d’établissement de l’indice est alors le suivant : Pour chacun des facteurs que nous venons d’énumérer, nous opposons les villages qui ont fait l’objet de nos enquetes en deux groupes : - d’une part, ceux qui sont les plus favorisés par le facteur considéré, par exemple les 5 villages les plus proches de la ville, - et d’autre part,, ceux qui sont les plus défavorisés, par exemple les 6 autres villages. On prend alors successivement chaque fait de développement, par exemple l’importance du revenu monetaire, et l’on fera le rapport entre la valeur du revenu moyen par ménage dans le groupe des villages le plus favorisé et la valeur correspondante dans le groupe des villages le moins favorisé. Plus sera grand ce rapport 2 plus le facteur considéré aura un rôle important. Pour que ce rapport devienne négatif lorsque S’>S on utilise l’artifice qui consiste à prendre, en fait, le rapport S-S’.

Par un jeu de coefficients qui, lui, est adapt.é à notre étude, on aboutit ainsi & la formule : I(f) = g qui, développée, devient :

dont la complication apparente est due simplement au jeu des coefficients affectés aux différents faits significatifs de développement. Par ordre décroissant, voici le classement que nous avons fait de ceux-ci : - Sr : Revenu monétaire total : coef. 7 - Sd : Dépenses monétaires totales : coef. 3 (cela parce que notre information reposait sur un Echantillon plus réduit que pour le revenu). Autres faits : - S6 : Revenu tiré des productions agricoles les plus récemment commercialisées : coef. 3 - s, : Revenu tiré des autres productions-agricoles : coef. 2 - s, : Revenu tiré des salaires : coef. 2 - s, : Investissement agricole (dépenses d’équipement, salaires versés, achat d’engrais) : coef. 1 (a cause de la faiblesse de l’échantillon) - s, : Achat de viande et poisson : coef. 1 - s, : Dépenses de scelarisation, santé, voyages : coef. 1. ANNEXES 137

3. L'ÉTABLISSEMENT DE LACARTE DES DENSITÉS DE POPULATION ET DES COUPES DE DENSITÉS. Cette carte (fig. 8) a été établie à partir de la carte de répartition de la population (fig. 7) par la méthode des carrés pondérés (P. GOUROU).

La population du carré central (de 3,33 km de côté) est répartie dans ce carré et les 8 voisins selon les proportions indiqués ci-dessus. Les coupes de densité (fig. 9) ont été ensuite établies à partir des valeurs ainsi établies dans ces différents carrés. La carte des densités elle-même a été rectifiée à partir des données brutes obtenues dans les différents carrés, pour tenir compte de la réalité du terrain.

FICHIER-IMAGE

Mani&e de lire le fichier-image. Chaque fiche de ménage comprend les indications suivant.es, formant des colonnes de gauche à droite :

1. VILLAGE. 11 positions de carrés noirs indiquent les 11 villages, distribués selon leur éloignement par rapport à Ambalavao. de haut en bas et de gauche à droite, nous trouvons ainsi : Vondrokely, T§ianindohany, Antanisoa-Manamisoa, Ambalafananarana, Anjaky, Samimasina-Tambohobe, Amba- tolahy, Manambelo, Andohavola, Maromanana et Andranomangitsy.

2. ISOLEhlENT. : vihage situé aux portes de Ia ville (Vondrokely) -- : village situé dans un rayon de 10 km d’ambalavao et desservi par taxi-brousse --- : village situé dans un rayon de 10 à 20 km et accessible aux véhicules ---- : village situé dans un rayon de 10 à 20 km et inaccessible à tout vehicule ----- : village situé à plus de 20 km d’Ambalavao et inaccessible à tout véhicule.

3. HOhfnfES ACTIFS DANS LE MÉNAGE. : 1 homme de plus de 15 ans (ayant quitté l’école) -- : 2 hommes de plus de 15 ans (ayant quitté l’école) --- : 3 hommes de plus de 15 ans (ayant quitté l’école) --__ : 4 hommes de plus de 15 ans (ayant quitté l’école).

4. POPULATION DU AMENAGE.

------: de 1 à 12 selon la taille du ménage exemple : : ménage de 1 personne : ménage de 12 personnes ou plus.

10 138 MICHEL PORTAIs

5. AGE du chef de ménage. : moins de 20 ans -_ : 20 à 30 ans --- : 60 ans et plus.

6. INSTRUCTION. : indique que le chef de ménage est allé à l’école.

7. ORIGINE. : indique que le chef de ménage est né hors du village mais dans le meme canton I- : indique que le chef de ménage est né dans un autre canton (dans la plupart des cas, il s’agit même d’une autre sous-préfecture, Fianarantsoa).

8. RELIGION. : indique que le chef de ménage se déclare de religion catholique -l- : indique que le chef de ménage se déclare de reli@on protestante.

9. RIZII~ES. : indique que les riziéres du ménage ont nécessité moins de 10 journées de repiqueuses (superficie : moins de 0,5 ha) -- : de 10 à 13 journées de repiqueuses --- : de 14 à 18 journées de repiqueuses ---- : de 19 à 24 journées de repiqueuses (superficie voisine de 1 ha) ----- : de 25 à 31 journées de repiqueuses ______: de 32 à 39 journées de repiqueuses --_-_-- : de 40 à 48 journées de repiqueuses (superficie voisine de 2 ha) ------L- : de 49 à 5S journées de repiqueuses ------r-- : plus de 58 journées de repiqueuses (superficie voisine de 3 ha). (N.B. - Attention à la progression géométrique des surfaces.)

10. FAIRE-VALOIR. : indique que le chef de ménage donne des terres en métayage : indique que le chef de ménage prend des terres en métayage : indique que le chef de ménage prête des terres : indique que le chef de ménage emprunte des terres.

11. BOVINS. : le ménage posséde 1 bœuf -- : le ménage posséde 2 ou 3 bœufs _-- : le ménage possede 4 à 6 bœufs ---- : le ménage posséde 7 à 10 bœufs --_-_ : le ménage posséde 11 à 15 bœufs _-_--- : le ménage posséde 16 à 21 bœufs ------: le ménage possède 22 à 28 bœufs ------: le ménage possède 29 à 36 bœufs ______- - - : le ménage posséde 37 à 45 bœufs _----__--- : le ménage posséde + de 45 bœufs.

12. PORCINS. : le ménage posséde 1 ou 2 porcs (non compris les porcelets) -- : le menage possede 3 à 5 porcs (non compris les porcelets) -__ : le ménage posséde 6 à 9 porcs (non compris les porcelets) -___ : le ménage posséde + de 10 porcs (non compris les porcelets). ANNEXES 139

13. ~~QUIPEMENT. : le ménage loue ou emprunte une charrue -- : le ménage posséde une charrue --- : le ménage posséde une charrue + une herse ou 1 charrette j____ : le ménage posséde une charrue + une herse et 1 charrette.

14. RIZICULTURE AMÉLIOREE. : l’exploitant pratique la riziculture améliorée au moins sur une parcelle mais sans emploi d’engrais -- : l’exploitant pratique la riziculture améliorée avec emploi d’engrais.

15. SALAIRES. Montant des salaires versés à des ouvriers agricoles. : - de 2.000 FMG -_ : 2.000 à 5.000 FMG --- : 5.000 à 9.000 FMG ---- . + de 9.000 FMG .l * Un point situé à gauche du trait indique pour ce ménage la disparition des pratiques de l’entraide.

VENTE DE PRODUITS AGRICOLES. 16. Cultures vivriéres (riz, manioc, maïs). 17. Arachide, tabac, café. 18. Fruits et légumes. 19. Volailles (et œufs). Pour ces productions : : le ménage a vendu pour moins de 2.000 FMG -- : le menage a vendu pour - 2.000 à 5.000 FMG l --- : le ménage a vendu pour - 5.000 à 9.000 FMG ---- : le ménage a vendu pour - 9.000 à 14.000 FMG I -_--- : le ménage a vendu pour - 14.000 à 20.000 FMG ----_- : le menage a vendu pour plus de 20.000 FMG.

20. BOVINS ET PORCINS (vente). : le ménage a vendu pour moins de 4.000 FMG _- : le ménage a vendu pour - 4.000 à 10.000 FMG _-- : le ménage a vendu pour - 10.000 à 18.000 FMG .____ . le ménage a vendu pour - 18.000 à 28.000 FMG (_____ ; le ménage a vendu pour - 28.000 à 40.000 FMG i------: le ménage a vendu pour plus de 40.000 FMG.

21. PÊCHE. : la vente des produits de la p@chea rapporté - de 2.000 FMG -- : la vente des produits de la peche a rapporté + de 2.000 FMG.

22. ARTISANAT.

23. SALAIRES,PENSIONS ET REVENUS DIVERS. Ces sources de revenus ont rapporté au ménage : : moins de 4.000 FMG -- : 4.000 à 10.000 FMG : 10.000 a 18.000 FMG ;:::. : 18.000 à 28.000 FMG ----- 1 : 28.000 à 40.000 FMG -__--- : plus de 40.000 FMG. ’ Un point à gauche du trait indique qu’il s’agit du revenu d’une pension ou d’une retraite. 140 MICHEL PORTAIS

24. ÉQUIPEMENT MÉNAGER. : le ménage posséde au moins l’un des éléments (chaise-table, radio, machine à coudre, bicyclette) -- : le ménage posséde au moins 2 de ces éléments -_- : le ménage possède au moins 3 de ces éléments ---- : le ménage possède ces 4 Blements.

25. CONTACTS AVEC LA VILLE. 1) Avec Ambalavao. : le chef de ménage ne se rend plus jamais à Ambalavao : le chef de ménage se rend à Ambalavao une fois de temps en temps. -- : le chef de ménage se rend à Ambalavao au moins une fois par mois m-e : le chef de ménage se rend à Ambalavao au moins une fois par semaine.

2) Avec les grandes villes (Fianarantsoa-Tananarive). : N’y est jamais allé : Est allé au moins une fois à Fianarantsoa -- : Est allé au moins une fois à Fianarantsoa et une fois à Tananarive mm- : Se rend au moins une fois par an à Fianarantsoa.

26. LES SOUHAITS. 1) Généraux. Réponse à la question (1Selon vous, que convient-il de faire pour ameliorer le sort des paysans de la région 7 1) : Améliorer l’irrigation : Améliorer l’organisation de la collecte (ou) les routes et les pistes : Ameliorer l’encadrement agricole et les services vétérinaires : Améliorer l’équipement socio-culturel (écoles, hopitaux) - : Réponses diverses. Le point désigne la réponse indiquée en second.

2) Personnels. Réponse à la question (1Si vous disposiez de 100.000 FMG, qu’en feriez-vous 7 B : Achat de matériel agricole ou de bœufs dressés (bœufs de travail) : Achat de terres, ou payer des ouvriers pour étendre mes cultures : Achat de bœufs (autres que travail) : Achat de biens de consommation ou construction d’une case - : Réponses diverses Le point désigne la réponse indiquée en second.

27. REVENUS MONÉTAIRES. 1) Du foyer 2) Par personne : - de 5.000 FMG : - de 1.000 FMG : 5.000 à 7.500 FMG : 1.000 à 1.500 FMG l-- : 7.500 à 11.OOO FMG -- : 1.500 à 2.200 FMG --- : 11.000 à 16.500 FMG --- : 2.200 à 3.300 FMG ---- : 16.500 à 25.000 FMG ---- : 3.300 à 5.000 FMG ----- : 25.000 à 37.500 FMG ----- : 5.000 à 7.500 FMG ------: 37.500 à 57.5000 FhIG ------: 7.500 à 11.500 FMG ------: 57.500 à 85.000 FMG ------: 11.500 à 17.000 FMG ------: 85.000 à 125.000 FMG --- _---- : 17.000 à 25.000 FMG ------: 125.000 à 187.500 FMG ------: 25.000 à 37.500 FMG --______: Plus de 187.500 FMG ------: Plus de 37.500 FMG (Progression géométrique) m- 4 r- 142 MICHEL PORTAI§

Fig. 48. -- Classement primaire : l’Équipement agricole, -Classement secondaire : l’importance du troupeau bovin. ” 0 <

’ - q’la’l c l 1

r-a r.wp 144 MICHEL PORTAIS

. I -

Fig. 50. - Classement selon l’importance de la population du mhage. ANNEXES 145

Fig. 51. - Classement par village, selon l’éloignement par rapport h la ville d’Ambalavao. 146 MICHEL PORTAIS

L .

. .

- D i- ? : - b : - -;P

Fig. 52. - Classement selon les souhaits gbnbraux.

148 MICHEL PORTAIS

QUESTIONNAIRE No 1

No : No maison :

10 VILLAGE: Nom : Ethnie :

%?OCOMPOSITION DU MÉNAGE.

Profession Lieu de PJiveau Lieu de Situation Sexe Age ou école Religion naissance (lieu) d’instruction naissance des parents -- a) Prfkents --

--

--

--

--

--

b) Absents Lieu de Résidence --

--

--

--

-- ANNEXES 149

30 PROPRIÉTÉ. EXPLOITATION. - Nombre de journées de repiqueuses : riz de ire saison : riz de 2e saison : r En riziére -- = Tanety 3aiboho Vallon Plaine -- - Quel nombre de parcelles possédez-vous (avec votre femme et vos enfants) ?...... - Quel nombre de parcelles cultivez-vous personnelle- ment?...... - Quel nombre de parcelles donnez-vous en mé- tayage?...... - Quel nombre de parcelles prenez-vous en mé- tayage?...... - Quel nombre de parcelles prêtez-vous ?...... - Quel nombre de parcelles empruntez-vous 7...... - Possédez-vous plus de terre qu’il y a 6 ans ?...... L - - Quelle <ure avez-vous abandonné depuis 6 ans ? - Quelle culture nouvelle pratiquez-vous depuis 6 ans 1 - A l’avenir. envisaaez-vous d’étendre vos cultures de tanetv 7 - Si oui, pour faire quelle culture 7

40 ÉLEVAGE. - Possédez-vous plus ou moins de bœufs qu’il y a 6 ans 7 - Cheptel : (nombre). Bœufs de trait : Vaches : Autres bœufs : Taurillons, génisses : Veaux : Porcs :

50 ÉQUIPEMENT AGRICOLE (nombre) : Angady : Herse : Charrue : Sarcleuse : Charrette : Autre : - Avez-vous emprunté ou loué cette année du matériel agricole ? : Si oui, lequel 7 A qui ? 60 Pratiquez-vous la riziculture améliorée, avec emploi d’engrais 7 Pourquoi ? 70 Adhérez-vous à une associat,ion ? Si oui, laquelle ? 80 Quel avantage en tirez-vous ?

80 PRODUCTION.

&antite vendw Rapport Lieu de vente Acheteur

Riz 1...... Riz 2 ...... Manioc...... Maïs ...... Arachide...... Café ...... Tabac...... 150 MICHEL PORTAI§

b)uantité vendue Rapport Lieu de vente .Acheteur

Canne à sucre ...... Saonjo ...... Voanjobory ...... Pomme de terre...... Patate douce ...... Tomate ...... Haricot, ...... Orange...... Banane...... Anana5...... Mangues...... Autres fruits...... Autre5 cultures...... Soja ...... Brèdes...... Pêche ......

- Bétail : Vente de betail durant l’année passée

Nombre Lieu de vente Rapport I I I Porc5...... Volaille5...... CEufs...... Veaux...... Génisses-taurillons. Bœufs, ...... I I

90 Avez-vous employé des salariés au cours de l’année passee 7 - Si oui, à quel travail ? - Combien de journées de travail avez-vous payees 9 - Avez-vous participé à des groupes d’entraide ? .- Si oui, pour quel travail ? - - Combien de journées y avez-vous passees ?

100 RESSOURCES COMPL~MENTAIREB. - Avez-vous travaille comme salarié durant l’année passée ? - Ob? - Combien de journées T - Salaire perpu par jour : - Votre femme et vos enfants ? - Oh ? - Combien de journée5 ? - Salaire pergu par jour : - Avez-vou5, vou5 ou votre femme, pratiqué une activite artisanale l’an passe ? - Laquelle 7 - Ou vendez-vous les produits de votre artisanat ? - Qu’avez-vous vendu l’an dernier 1 - Prix de l’unité : - Touchez-vous une pension ? - De quel montant ? ANNEXES 151

110 Pour ameliorer le sort des paysans de la région d’Ambalavao que souhaiteriez-vous que soit amélioré ?

1’ - rd:- Remarques

- Les routes et pistes. .Y...... - Les écoles.. . . . , ...... - Les hôpitaux et maternités...... - Les lieux de vente...... - L’irrigation...... , ...... - L’organisation de la vente des produits agricoles...... - Lespâturages...... - L’encadrement en conseillers agricoles...... - Les services vétérinaires...... - L’alphabétisation...... - Les groupements, associations, etc...... - Autres réponses...... , ...... * . . . . : . .

120 DEPLACEMENTS. - Fréquence des déplacements au marché le plus proche : - Par quel moyen vous y rendez-vous ? - Fréquence des déplacements a Ambalavao : - Par quel moyen, vous y rendez-vous ? - Dans quel but ? - Vous arrive-t-il de vous rendre a Fianarantsoa ? - Fréquence, dans quel but ? - Etes-vous déja allé a Tananarive ? - Combien de fois ? - Dans quel but 1 - Avez-vous de la famille à Ambalavao 7 (parents, fréres ou sœurs, enfants, oncles, etc.).

130 LA CASE. L'EQUIPEMENT. - Étes-vous propriétaire de votre case ? - Nombre de piéces habitables 1 - Éléments de confort (chaises, tables, fauteuil, etc.). - Équipement ménager (radio, bicyclette, machine à coudre). 140 Si vous aviez 100.000 FMG à dépenser maintenant en plus de vos ressources actuelles, qu’en feriez-vous ? Priorité f >OU~quellf l-2 raison - Achatdeterre ...... Achat de bœufs ...... Achatdematériel...... (preciser) ...... Construction ou réparation d’un tombeau ...... Construction ou réparation d’une maison ...... Voyage ...... Achatdebiensménager ...... (préciser) ...... Autresdépenses ...... - a Je ne sais pas $ 152 MICHEL PORTAIS

QUESTIONNAIRE RETROSPECTIF SUR LES DBPENSES DEPUIS LA PRÉCEDENTE SouDuRE

NOM : VILLAGE : - Quantité Plix Lieu d’achat. achetée Observations .- 10 ALIMENTATION. Paddy ...... Riz ...... Manioc ...... Maïs ...... Pomme de terre...... Autres légumes ...... Fruits...... Beignets...... Mofogasy ...... Pain ...... Viande ...... (Bœuf, porc)...... Poisson...... Sel ...... Sucre ...... Huile ...... Lait condensé...... -- TOTAL......

:= q =

20 HABILLEMENT. V&temenis Homme...... Femme...... Enfants...... Chaussures...... Tissus...... C;hapeaux...... Couvertures...... Linge divers...... Mercerie...... Divers...... -

TOTAL...... ,.. ANNEXES 153

Lieu d’achat. Quantité Prix Observations

P ÉQUIPEMENT Du MÉNAGE. Ustensiles de cuisine (Cuvettes, couverts, casseroles, etc.) Lampe ...... Pétrole, ...... Briquets-allumettes...... Bougies...... Savon ...... Bois...... Piles électriques...... Meubles...... Radio, bicyclette, machine à coudre Réparation...... Divers......

TOTAL ......

CO FRAIS D'EXPLOITATION. Achat de bétail (bovins-porcins-volaille)...... Achat de matériel (angady-charrue, etc.)...... Locat.ion de matériel...... Achat de terre ...... Location de terre...... Salaires versés...... Achat de semences...... Achat d’engrais ...... Divers......

TOTAL ......

Construction, ...... Aménagement...... Réparation de la case...... Réparation d’un grenier...... Réparation d’un poulailler......

TOTAL ......

60 SANTÉ. CULTURE. Médicaments...... Médecin. Hôpital. Maternité ...... Sorcier......

TOTAL à reporter ......

11 154 MICHEL PORTAIS

Lieu d’achat. Quantité Prix Observations

Report ......

Dépenses d’écolage...... Inscription...... Cahiers, livres, ardoises, crayons, location, paddy, etc ...... Cérémonies mortuaires...... Fêtes, distractions...... Réparation d’un tombeau ...... Divers......

TOTAL ......

70 DIVERS. Voyages ...... Taxi, etc ...... Dons, prets...... Remboursement d’une dette...... Cultes...... Cotisations...... Tabac, rhum ...... Impôts, taxes...... Divers......

TOTAL ...... 1

QUESTIONNAIRE. COMMERCANTS

NO du plan : Nationalité ou ethnie (pour les Malagasy) : Date de naissance du patron : Lieu de naissance : Date d’arrivée a Ambalavao : Depuis quand tenez-vous ce commerce ? Nature du commerce : Nombre de peisonnes travaillant régulihement au commerce : Profession du conjoint : (Si les deux ne travaillent pas ensemble au commerce) Vendez-vous sur les marchés ? Si oui, lesquels ? Quels sont vos principaux fournisseurs ? (Pcéciser le nom des maisons de commerce, des grossistes et leur adresse - ville -) A quelle fréquence vous rendez:vous à Fianarantsoa pour vos affaires ? Si vous disposiez subitement d’une grosse somme d’argent (par exemple égale a la valeur actuelle de tout ce que vous possédez) qu’en feriez-vous ? ANNEXES 155

Noter dans l’ordre

1 2 3 -- - Pour moderniser mon commerce...... - Acheter de la marchandise...... - Agrandir ma boutique...... - Vendre ma boutique et aller m’installer dans une ville plus importante. . - Faire construire une maison pour la louer...... - Faire construire une maison confortable pour moi-meme...... - Acheter des terres...... , ...... - Acheter une voiture ou un camion...... , ...... - Faire poursuivre des Etudes à mes enfants...... - Acheter un commerce à mes enfants...... - Autres réponses...... *....*.....,...... *..*...... *..<...... Possédez-vous des terres 7 Si oui, dans quelle région ? Qui les met en valeur ? Possédez-vous une ou plusieurs maisons que vous louez ? Si oui, où ?

QUESTIONNAIRE ARTISANS

Nom: M.-Mme: Profession : Situation professionnelle (Patron, Salarié, Isole) : Date de naissance : Lieu de naissance (Village, Canton, District) : Date d’arrivée à Ambalavao : Où et comment avez-vous appris votre métier ? Votre conjoint. exerce-t-il un autre métier 7 Si oui, lequel ? Possédez-vous des rizières dans la région ? Faites-vous des cultures de tanety ? Si oui, lesquelles 7 Possédez-vous un jardin ? Élevez-vous (vous ou votre femme) des volailles 7 porcs 7 d’autres animaux 7 Vendez-vous les produits de votre culture, de votre jardin, de votre jlevage ? Si oui, est-ce que cela vous rapporte plus ou moins que votre metier ? Employez-vous des ouvriers ? réguliérement 7 irrégulièrement ? Combien 7 Formez-vous des apprentis ? Si oui, d’où viennent-ils 7 D’après vous, que faudrait-il faire pour améliorer le sort des artisans d’Ambalavao ? . créer des associations professionnelles . organiser un enseignement professionnel . organiser la vente des produits artisanaux . ouvrir une agence bancaire pour consentir des prêts aux artisans . autres réponses. TABLE DES ILLUSTRATIONS

Fig. 1. - Carte de localisation...... VIII Fig. 2. - Le Bassin d’ambalavao. Présentation générale...... 6 Fig. 3. - Diagramme ombrothermique (type : Bagnouls et Gaussen), d’après S~UBIES F. : Sol et pédogenèse dans la cuvette d’ambalavao...... 9 Fig. 4. - Coupe géologique schématique à travers le bassin d’ambalavao, d’après S~UBIES F. : Sol et pédogenèse dans la cuvette d'Ambalavao . 13 Fig. 5. - Les sols du bassin d’hmbalavao. Coupe schématique...... 15 Fig. 6. - Le sud du pays Betsileo. Carte historique ...... 18 Fig. 7. - Répartition de la population. Ménages ruraux ...... 22 Fig. 8. - Densités rurales, d’après la répartition des exploitations agricoles .... 24 Fig. 9. - Variation des densités de population le long de trois parallèles...... 25 Fig. 10. - Courbes de distribution des budgets familiaux (ménages ruraux). .... 30 Fig. 11. - Rayonnement du marché d’Ambalavao...... 36 Fig. 12. - Les marchés de brousse (mai-juin 1969). Importance et rayonnement. 42 Fig. 13. - L’alphabétisation selon l’âge dans les 11 villages étudiés...... 44 Fig. 14. - Influence urbaine et scolarisation secondaire. Proportion d’élèves inscrits dans les classes de 6e à 3e des écoles d’hmbalavao, par rapport à la population totale selon la distance à la ville (graphique établi à partir de deux cartes par points)...... 44 Fig. 15. - La scolarisation. Importance et répartition des écoles en 1967...... 45 Fig. 16. - Origine des élèves ruraux des classes secondaires d’Ambalavao. Année scolaire 1968-1969 ...... 46 Fig. 17. - Origine des élèves des classes secondaires d’Ambalavao. filèves domi- ciliés hors de la Sous-Préfecture...... 48 Fig. 18. - Pyramide des âges : 1, pour 11 villages du Bassin d’Ambalavao (1969) ; II, pour la ville d’Ambalavao (1964)...... 50 Fig. 19. - L’artisanat traditionnel ...... 58 Fig. 20. - Influence urbaine et revenus agricoles ...... : .... 62 Fig. 21. - Organisation du commerce...... 62 Fig. 22. - Tabac de Tanety, campagne 1968 ...... 66 Fig. 23. - Tabac de Baiboho 1967, ...... 68 Fig. 24. - Charrues et charrettes...... 74 Fig. 25. - L’action des pouvoirs publics sur l’économie .et la société rurale...... 78 Fig. 26. - Praticabilité des routes et des pistes...... 86 Fig. 27. - Le terroir de Manambelo. Les cultures ...... 92 Fig. 28. - Le terroir d’ambalafananarana. Les cultures ...... 93 Fig. 29. - Manambelo. Cultures d’arachide et de manioc, jachères...... 94 Fig. 30. - Ambalafananarana. Cultures d’arachide et de manioc, jachères ...... 95 Fig. 31. - Manambelo. Cultures secondaires...... 96 158 MICHEL PORTAIS

Fig. Z32. - Ambalafananarana. Cultures secondaires ...... 97 Fig. 33. - Manambelo. Culture à 1’Angady et culture attelée (champs des cultures seches) ...... 98 Fig. 34. --- Ambalafananarana. Culture à l’Angady et culture attelée (champs des cultures sèches)...... 99 Fig. 35. - Manambelo. Mode d’acquisition des terres ...... 100 Fig. 36. -- Ambalafananarana. Mode d’acquisition des t,erres...... 101 Fig. 37. -- Manambelo. Mode de. faire valoir ...... 102 Fig. 38. - Ambalafananarana. Mode de faire valoir ...... 103 Fig. 39. - Les fac.teurs de la micro-régionalisation du bassin d’hmbalavao...... 108 Fig. 40. - Les divisions micro-régionales (se reporter au texte)...... 110 Fig. 41. - l’étayage ...... 112 Fig. 42 - Ville d’Ambalavao. Origine des habitants, lieux de naissance (1964). 116 Fig. 43. -. - Ville d’Ambalovao, origine des commerGants et artisans, lieux de naissance par Sous-Prkfecture (1969) ...... 117 Fig. 44. - L’enregistrement des terres...... 120 Fig. 45. - L’emprise foncière des citadins, d’après l’enregistrement des terres dans les villages du Bassin., ...... 120 Fig. -CG. - Postes de radio en 1969...... 125

FICHIER-IMAGE Fig. 47. -- C:lassement selon l’importance des revenus monétaires. . . , ...... 141 Fig. 48. .-- Classement primaire : l’équipement agricole. Classement secondaire : l’importance du troupeau bovin...... , ...... 142 Fig. 19. - - Classement primaire : pratique de la riziculture améliorée. Classement sec.ondaire : l’équipement agricole...... 143 Fig. 50. - Classement selon l’importance de la population du ménage...... 144 Fig. 51. - Classement par village, selon l’éloignement par rapport si la ville d’Ambalavao...... 145 Fig. 52. - Classement selon les souhaits généraux...... 146 Fig. 53. -- Classement selon 1~s souhaits personnels. . . , ...... , . . 147 Table des matières

AVANT-PROPOS...... INTRODUCTION ......

CHAPITRE 1 : Les anciens facteurs de l’organisation de l’espace...... 5

1. Le peuplement...... 6 A. Origine...... 6 B. La civilisation agraire...... 7

2. Le milieu naturel...... 9 A. Le climat ...... 9 B. Le relief ...... 12 C. La végétation...... 14 D. Les sols...... 14 E. Les ressources en eau...... 16

3. Les marques de l’histoire sur la répartition du peuplement...... c . . . 17

4. Le développement du fait urbain. . , ...... 20 Conclusion...... 23

CHAPITRE II : La diffusion de nouveaux besoins parmi les ruraux...... 27

1. Le rôle majeur de l’infiuence urbaine...... 27 A. L’analyse des dépenses monétaires...... 27 B. Le facteur prépondérant du développement de l’économie monétaire. . . . . 31

2. L’administration et l’impôt...... _ . . . . _ ...... 33 160 MICHEL PORTAI§

3. Le rôle de La fonction commerciale dans la diffusion des besoins nouueaux. .... 35 A. Le marché d’Ambalavao ...... 35 B. Le commerce sédentaire à Ambalavao ...... 39 C. Ambalavao, centre de distribution pour l’ensemble du Bassin...... 41 D. Les marchés de brousse ...... 41

4. Scolarisafion et besoins nouveaux...... 43 A. Ancienneté de la scolarisation...... 43 B. l?tat actuel de la scolarisation...... 44 C. Les besoins entramés par la scolarisation...... 47

5. Accroissement démographique et besoins nouveaux...... 49 A. L’accroissement démographique d’après les données administratives ...... 49 B. Structure démographique et état sanitaire...... 51 C. Les migrations de population...... 52 D. Les conséquences de l’accroissement démographique...... 52 Conclusion ...... 53

CHAPITRE III : L’adoption des innovations en milieu rural et le rôle de 1Whence urba~e...... 55

1. Les solufions anciennes ...... 55 A. Le tissage de la soie ...... 55 B. L’émigration et l’emploi temporaire...... 58 C. Lespensions ...... 60

2. Les productions agricoles. Commercialisation ef innovations...... 60 A. L’influence de la ville...... 61 B. La commercialisation des productions traditionnelles...... 65 C. Les principales productions commercialisées...... 67 D. Légumes, fruits et volailles...... 70

3. Innovations en matière de commercialisation...... 73 A. L’organisation de coopératives...... 73 B. L’amélioration des transports...... 73

4. L’introduction de techniques nouvelles...... 75 A. La culture attelée ...... 75 B. L’amélioration des rendements ...... 76 C. Les grandes opérations d’irrigation ...... 79 D. L’amélioration de l’élevage bovin ...... 79 TABLE DES MATIÈRES 161

5. Bilan des innovations en milieu rural ...... 80 A. Réussitesetéchecs ...... 80 B. L’expression des besoins des paysans ...... 81 C. Inégalités d’ouverture aux innovations ...... 81 Conclusion ...... 82

CHAPITRE IV : Conséquences des innovations sur l’organisation de l’espace...... 83

1. Le rôle des conditions géographiques ...... 83 A. La topographie...... 83 B. Les vocations des sols...... 84 C. Micro-climats et hydrographie...... 85

2. L’acquis régional ...... 85 A. L’acquis des terroirs...... 85 B. Les équipements régionaux...... 87 C. L’acquis des populations...... 88

3. L’évolution des terroirs...... 91 A. Les deux villages témoins ...... 91 B. Les terroirs et l’évolution de l’économie rurale...... 105 C. Conclusion sur l’évolution de ces deux terroirs...... 107

4. Micro-régionalisafion et nouvelle articulation régionale...... 109 A. L’émergence des zones à vocations diverses...... 109 B. Les relais à l’influence urbaine...... 114 Conclusion ...... 114

CHAPITRE V : La petite ville, facteur de drainage de son environnement...... 115

1. Le drainage des individus...... 115 A. Le rôle attractif d’Ambalavao dans le domaine de l’emploi...... 115 B. Les effets de la scolarisation ...... 118

2. L’influence du drainage des hommes sur le mouvement des biens ...... 121 A. Les mouvements d’argent...... 121 B. L’emprise foncière des citadins ...... 121 Conclusion...... ~...... 122 162 MICHEL PORTAIS

CHAPITRE VI : Bilan et perspectives...... , ...... 123 1. Bilan de l’influence d’Ambalavao sur l’évolution de son environnement. . . , , . . 123 2. Perspectives...... , ...... 13-1

CONCLUSION GÉNÉRALE...... 129

BIBLIOGRAPHIE...... 131

ANNEXES 1. Méthode d’enquête et traitement de l’information ...... 133 II. Le fichier-image ...... 137 III. Questionnaires d’enquête...... 148

TABLE DES'ILLUSTRATIONS...... 157 PLANCHES 1. -- Les dbrnes du Iandr:rm)Jalcy.

2. - La rbgion de iUnnamheIo. PLANCHE II PLANCHE 111

6. - Rizières de Manambelo. Le piétinage. PLANCHE IV

-..

il. - _.- ..__------.-. _._ /

8. - Couloir de vaccination.

PLANCHE VI

13. -- Commerce à Amhalavao.

14. - Cummwcr batsilco.

15. - hrtisnn A Ambalnvao. PLANCHE VII

16. - Sur le marcliA d’.\mbnlav:lo.

17. - Couturières le jour du rnarch6, PLANCHE VIII

18. - Transport du paddy au marchB d’h~kiriolia.

10. - i\Iarchand de « mofo gasy u. IMPRIMERIE BONTEMPS

ORSTOM Editeur Fabrication-Coordination H. DARDENNE

D. L. éditeur : 28 trim. 1974 D. L. imprimeur : 8529 les Editisns de I’Ofice de la Recherche Scientifique et Technique Butre-Mer tendent d constituer une docu- mentetion scientifique de base sur les zones intertropicales et méditerranéennes, les pays qui en font partie et sur les pmbhes pos&s par leur dCve/oppement.

CAHIERS ORSTQM.

- Sries p&iodiqoer: entomologie médicale et parasitoiogie: sy&matique et biologie des arthropodes d’int&ët médical et vétérinaire, parasitologie, epidémiologie der grandes endemies tropicales, m&hodea de lutte contre les vecteurs et les nuisances; g&oiogie: études sur les trois thèmes suivants: alteration des roches, géologie marine des marges continentales, tectonique de la r&ion andine; hydrologie : études, m&hodeç d’observation et d’exploitation des donnBes concernarrt les cours d’eau intertropicaux et leurs rhgimes. or&knographie: Sud-Ouest du Pacifique Canal de Mozambique et environs Atlantique Tropical Est,.. hydrologie, physico-chimie, hydrodynamique, écologie, caractBriçation des chaînes alimentaires, niveaux de pro- hydrobiologie: duction, dynamique des stocks, prospection fauniscique. Bassin Tchadien Nouvelle-Calédonfe,,. pédologie: problémes soulev&s par I’btude des sols: morphologie, caract&risation physico-chimique et minéralogique, classification, relations entre sols et g&omorphologie, problèmes Ii& ausc sels, 5 l’eau, à I’&osion, S. la fertilit6; sciences humaines: 6tude.s géographiques, sociologiques, &onomiqueo, d~mog~a~hique~ et ethno- logiques.

.- 56ries ntw p&iodiques: - biologie: &udes consacriees à diverses branches de la biologie v6gétale et animale; agronomie. - g&ophysique: donnkes et études concernant la gravimetrie, le magn&tisme et la sismologie.

MfMOlRES ORSTOM: cansacr& aux 6tudes approfondies (syntheses r&$onales, thirses...) dans les diverses disciplines scientifiques (75 titres parus).

ANNALES HYDROLOGIOWES: depuis 1959, deux sérier sont consacrées: l’une, aux Etatsafricains d’expres- sion française et à Madagascar, l’autre aux Territoires et Diépartements frangais d’ûutre-Mer.

FAUNE TROPICALE: collection d’ouvrages principalement de systématique, couvrant ou pouvant çouvrir tous les domaines géographiques 00 I’QRSTOM exerce ses activités (19 titres parus).

IN~~IATIONS/DUCUMEPJTATIOIWS TECNNI LIES: mises au point et synth8res au niveau, soir de l’enseignement superieur, sait d’une vulgarisation scientifiquement siire (22 titres parus),

TRAVAUX ET DOCUMENTS DE L’OWTOM: cette collection, diverse dans ses aspects et ses possibï- lit& de diffusion, a étk conc;ue pour s’adapter a des textes scientifiques ou techniques tr&s variés quant ?aleur origine, leur nature, leur portée clans le temps ou j’espace, ou par leur degr4 de sp6cialisation (X4 titres parus).

L’Hc4MME D’OUTRE-MER: cette collection, publiée chez Berger-Levrault, est exclusivement consacrk aux sciences de l’homme, et maintenant réservée à des auteurs n’appartenant pas aux structures de I’ORSTOM (9 ouvrages parus).

De nombreuses CARTES THÉMATI6;LUES, accompagn6es de WtXICES, sont éditees chaque annee, inte- ressant des domaines scientifiques ou des r&ions ghographiqueç ~6s mri8es. fPULLE7IN ANALYTIBUE ~‘~~~~M~L~~l~ MÉDICALE ET V~~~RI~AIRE (pkiodicité men- suelle; ancienne d&nomination jusqu’en “1970: &ulletin si naISque d’entomologie m&dicale et vét&rinaire) @Xi~ année}, 6, R.s. Y. 0. M.