Biblioteka U. M. K. Toruń 193049 'j r i : c » /

i; Ą : r CHOIX

D E S I E S POLONAISES

r t t PRECEDE ' - : ■ t D’UN DISCOURS'SUR L’ORIGINE DE LA POLOGNE,

SUR LA LANGUE ET LA POESIE DE CETTE NATION: SUR LES IDIOMES' SLAVES . ET SURt LA, GEO- I GRAPHIE ANCIENNE DU NORD.

RECUEILLI, ECRIT ET TRADUIT E N FRANÇAIS

** * * * P A R O

------!------— ------Parce...... et propius res aspice nostras.,

A e n e i d . I. 530.

GOTTINGÜE,

CHEZ VANDENHOECK ET R u FREGHT.

i 8 1 6. AUX MANES

DE SAMUEL WHITEBREAD

M e m b r e d e l a c h a m b r e d e s ç o m m u h e s .

ï_Jorsque je consacrai mes veilles au tra­ vail que j’ose rendre public, je formai le projet d’en faire hommage à l’illustre ora­ teur qui par les généreux discours qu’il a prononcés au sein du Parlement, s’intér­ essa' le plus vivement au sort de la Polo­ gne. Mais avant que mon ouvrage fut terminé, je l’ai baigné de mes larmes à la triste nouvelle que ce généreux défen­ seur de ma patrie était devenu par sa mort l’objet de la douleur publique.

Ilelas ! fallait - il que le flambeau d’une vie si chère à toute l’humanité fut éteint par une désolante précipitation! Orateur vertueux, sur lequel toute une parti du joug honteux la patrie de Solon, de genre humain fixait avec joie ses regards Licurgue, et celle d’ Epaminondas, étant attendris, devais - tu abandonner la carrière poursuivi par les satellites ftroces d’ un ty­ où l’honneur et les vertus sociales t’ac­ ran barbare, abandonna sa dépouillé mot- compagnaient sans cesse ? Fils d’une patrie telle au pied des autels profanés Non il aussi illustre que fortunée, sur la quelle n’était pas dans la déplorable situation du veille un Prince, élevé dans le berceau d’une > dernier des Romains libres qui trop noble sage liberté, tu n’ as vu au-tour de toi que pour servir d’ornemens au char triomphal le bonheur’, en vivant sous les loix que de l’ambitieux César et du dissolu Marc- l'Humanité paraît seule avoir dictées. Antoine, alla joindre les mânes de Socrate et de Platon dont le génie lui avait indiqué Pardonne, aine généreuse, ce n’ est pas un avenir plus consolant. a. moi a juger lesn^otiis qui t’ ont eleve au- dessus des terreurs des hommes ordinaires. Ces âmes divines auront sans doute re­ Souvent l’enveloppe grossière destinée à la çu avec respect l’ombre plaintive de Samuel mort, meme dans le sein maternel, n’est Whitebread: il surpassa Caton etDémoftlie- que trop étroite pour les âmes sublimes que nes en quittant librement tout ce qui flatte s’ elanceut hors de cette sphère environnée les âmes attachées à la terre. Samuel White­ d’ élemeus ténébreux où l’on n’ entend que bread ne respirant que l’amour de 1 huma­ les gemissemens de P infortune, ou le rire nité et celui de sa patrie, voyant inutiles d’ une joie sauvage. Oui, trop souvent le ses nobles efforts en faveur de la Patrie de coeur se brise sous la main de fer du sort Sobiesld, de Doria et des enfants de Witi- impitoyable. hind, abandonna la terre et laissa des milli­ ers d’ hommes reconnaissans dans le cÎeuil L ’Orateur du Sénat d’Albion n’é­ et dans les larmes. Ses vues politiques et tait pas dans la douloureuse alternative tous ses voeux pour le genre humain < tal­ de son modèle de ce grand orateur de la ent dignes d’un Anglais : il desirait que sa Grèce, qui ayant vu tomber sous un

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sîi pallie ioitunee au milieu cle son bonheur fit pencher en faveur des “opprimés le poids de la supériorité qu’ elle avait justement ac­ quise; et tout illustre sénat a honoré sa mé­ moire. v i - - '' , Mânes de Samuel Whitebread recevez TABLE DES MATIERES. cet hommage que je déposé avec vénération sur le tombeau où repose sa cendre re­ spectable. DISCOURS.

PREMIERE PARTIE.

O.... Polonais ■»■»•>■

I. Dénomination primitive de la Pologne. II. La Nevride et la Scythie. III. La Nevride au Sud et les rivières de ce pays. IV. La Nivride an Nord et la guerre de Darius, roi de * i Perse contre les Scythes. V. Marche des troupes alliées et celle des Perses, VI. Continuation du sujet, touchant la Nevride au Nord.

Vil. Renseignemens tirés d’ Ovide, de Virgile, d’ Horace, de Denik le Periégète, de Strabon et d’autres auteurs. VIII. La Nevride d’ après des écrivains Romains, la riviè­ re Neris ou Wiiia: Pa-neris en Lithuanien. Lechos

ou Lech. . , 1 II.III.IV.V.VI.*VIII.IX.X. IX. La Nevride à l’Ouest. Les Nevridiens et les Germains:

Les Polonais et les Allemands,

X. Sur la langue Polonaise et les dialectes de la langue

Slave ou slavonne. XI. Continuation du même sujet. Les traductions de la Sainte Ecriture en idiome Lusacieu, Bohémien, Ca- rinthien, Slavique parlé en Hongrie, en Roxolano- Slavicfue, Busse, Lithvanien: Lettique, Estonien et Polonais. Poésies du Professeur Palkovic. XII. Antiquité des idiomes slaves, leur analogie, leur dif­ férence, leur point central.

XIII. Idiomes Slaves sur les bords d’ Odey. Strabon. Na­ tions des Luii, des Butones, du Mugilones , des lier- DISCOURS PRELIMINAIRE. munduri et c. c. d apres Strabon et Philippe- Cluver. - .. , Albis, Wedtava, Hercynie, inonts carpates. PREMIERE PARTIE.

XIV. Veleius Paterculus. Albis, Marcomans, Hercynie d’après cet historien. Pomponius Mêla: Limite entre la Germanie et la Sarmotie, d’après ce Géographe. Visula, Vistula. Bisula d’après Mêla et Amrnien Mar­ L ’origine, la langue et la Poësie d’un cellin. , ( peuple ont entr’ elles une liaison écessaire. XV. C. Pline et C.Tacite, — .Séries (Reihe) établies par M. Elles s’éclairent l’une par l’autre et toutes les Bredow. Semnons, Longobardi. , Albis trois contribuent à faire connaître une na- Weltava. Marsigni, Gothini, Burii, Osi, leurs Noms slaviques. tion. Tel est le sujet de ce discours pré­ XVI. Peucini, ou , Venedi et Fenni. liminaire relativement à la Pologne,

XVII. Sur les voyages dés Anciens dans le Nord par l’O­ céan septentrional. Histoire de Pline, relative à ce I r » ______—— _____ sujet,

N v XVIII. Claude Ptoloméc et sa Cosmographie. Périple de C h a pitr e I. Marcian Héracléote par Hudson. Mot Velikon kolpon, mal corrigé et changé en Venedikon kolpon par DENOMINATION PRIMITIVE Hudson, 1 DE LA POLOGNE.

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, L a ge'ographie de l’ ancienne Grèce présente deux noms sur lesquels on prend la liberté de fixer l’attention, On voit

\ io CuÀpiter I. Chapitre I. 11

dans le sinus de Corynthe.un port, nom­ embrassé la religion chrétienne, deux prin­ me par Pline „Lee h a e u m navale— et ces de la famille des Piastes , portèrent le 'A exatov entveiov par Claude Ptôlom e. même nom: on ne le trouve cependant On trouve aussi dans l’ancienne Istrie, sur pas dans la légende ecclésiastique et on rie la mer Adriatique, une ville, appellee Pola le donnait pas à des particuliers. On peut dont Pomppnius Mêla fait mention en ces faire aussi la même remarque à l’ égard de termes. — „Ultra s un t A p o 1 I o n ta S o- Pola, ancienne ville d îstrie. lona, sinus Polaticus et Pola, quon- ' Il est vrai que les mots latins Polo­ d a ni a C o 1 c h i s, ut f e r u n t h a b i t a t a nia, Polo nus, Polo ni paraissent diffé­ in quantum res transeunt! nu ne rer de celui de Pola, Polaticus Pola- B o m a n a c o 1 o n i a”. — Ces deux noms sont tici. - Mais aussi dans la langue du pays singulièrement remarquables pour l’histoire le nom Polonus, Poloni est Polak au nom­ de la Pologne. En effet, il est difficile de ' bre singulier et Polacy- ou Polaki au plu- découvrir pourquoi un de ses chefs qu’on rier, comme s’ils étaient précisément les icgarde comme le premier, se nommait habitans de Pola. De même ceux qui ha­ Le ch us, Le ch os ou Lecli par une a- bitent la ville de Kracovie s’appellent Iüa- breviatiôn, usitée dans la langue du pays. kowiak, Krakowiacy. Les liabitans de la Ce fût lui qui, selon une tradition géné­ Lithvanie qu’on nomme en Polonais Lit- ralement reçue fit bâtir la ville, appellée w a, sont Litwak, Litwacy. Il est vrai que Gniez.no ou Gnesne, autrefois capitale de l’on dit bien au singulier Krakowianin, Lit- la Pologne. Dans les siècles qui suivirent win: Krakowianie Litvvini au pluriel; mais 1 epoque de ce Lechos, deux souverains, on ne dit vguère Polanin, Polanie. portèrent ce même nom dont on ne voit Le nom que les habitans de Pologne d analogie dans ancune langue, pas même donnent à leur pays est Polska, comme dans l’idiome Polonais, excepté dans la si c’était îe nom adjectif, dérivant du sub­ langue Grecque. Lorsque la nation eut stantif Pola. Cependant plusieurs auteurs . JHT.1 . . . -V. . } - !

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12 Chapitre I. Chapitre. I9 15

assignent pour origine à la dénomination On dit aussi, particulièrement dans le de Pologne le terme Pôle qui veut dire: style poétique ou plus élevé , Lechita pour cliamp ou terroir à cultiver: mais de le Polo 11 us, Lecliici, Lecbitovvie pour ce nom ne peut jamais venir Polak, Po- les Polo ni: Lechia en place de Polska, lacy, Polska. On peut consulter les diction­ Polonia. Dans les Poètes latins on trouve % , naires où sont marqués les dérivatifs du qu’il est parlé deLechaeus, Lecliiq. Ainsi mot Pôle, champ, on n’y trouvera nul­ Properce a dit dans son élégie XXI. liv. lement Polak. Il est difficile de croire qu’une III. nation tire son nom appellatif des prés, des ,,Magnum iter ad doctas proficisci cogor bois, des champs; d ailleurs tous Ces trois Atbenas. objets, pres-qu’en égale partie, composent ,,Cogar et undisonos nunc prece adiré , » A les pays de Pologne. Il est meme a pré­ deos. sumer que dans des tems anciens les forets ^Deinde per Jonium vectus, cum fessa couvraient une étendue plus considérable L e c b a e o de ce pays, puisqu’après tant de siècles la ,,Sedârit placida v.ela phaselus aqua. 'y , \ V Pologne ne cesse pas encore de fournir De meme Stace fait mention de Lechia par fa Yistule, la Warte et le Niemen des au livre IL. Sylv. 5. vers 5g. bois à beaucoup de nations, quoique pres­ Hic parvus nisi Lechiae vetarent que tous les villages et la plupart des Incus fréta miscuisset Isthrnus. bourgs y soient aussi conftruits en bois. •j Ce n’est pas cependant mon intention En un mot on ne trouve les termes Le- . de tirer de ces observations quelques con­ cliaeum, Lee b os, Pola, Polis, P ol- séquences ridicules : ce ne sont que des lakis que dans la langue grecque; ainsi remarques littéraires. 1 Lech, Polak Polacy, Polaki, Polska n’ont pour étimologie d’autres mots qu’eux-mé- m esetils sont uniques dans ces deux langues.

1 Chapit iie II. Chapitre II.

,,Après le port des Borysthènites qmi occupent justement le milieu des côtes ma­ Chapitre II. ritimes de toute Ja Scythie les premiers LA NEVftlDE ET LA SCYTHIE. peuples qu’on refüDntre, sont les Callipides/ ce sont des Graeco - Scythes. Au dessus d’ eux sont les Alazons. Ceux-ci et les Cal- plusieurs auteurs ont parlé de 1 ori­ lipides observent en plusieurs choses les gine des Polonais : mais le fait est plutôt mêmes coutumes que les Scythes; mais ils obscurci qu’éclairé. Les_ Scythes, les for­ seroent du bled, et mangent des oignons, mates , ensuite les Vénèdes et les Slaves de l’ail, des lentilles et du millet. Au-des­ sont l’objet de leurs recherches. C’est de sus des Alazons, habitent les Scythes la­ ces peuples qu’on fait communément sortir boureurs, qui seraient du bled, non pour les polonais. Mais ce sont des idées trop en faire leur nourriture, mais pour le ven- générales, j’ose présenter des notions plus die. Par delà on trouve le s Nevridiens. particulières. Je m’attache aux traces des Autant que nous avons pu le savoir, la anciens auteurs et je commence avant tout partie septentrionale de leur pays n’est à suivre celles d’Hérodote. point habitée. Voila les nations situées le En narlant des Scythes et des Sauro­ long du fleuve Hypanis à l’Ouest du Bo- nt ates ce célébré historien parle dans sa rysthenes,,, — Melpom §. X¥JT.(î7J Melpomene d’une nation, nommée la Ne- Une relation si détaillée d’un témoin oculaire vridè, Neep/ç, qui n’était ni Scythe, ni démontre indubitablement que’n remontant Sauromate. Il faut bien observer les paro­ vers la source de i’Hypanis, c’était les Nevri­ les d’Hérodote et l’etendue du pays où il diens qui avaient là leur patrie ; que vers le place cette nation. Je commence par la ré­ Nord, il n’y avait qu’un désert. Hérodote s’en gion Orientale et la rive droite de l’ancien informa avec la sollicitude qui lui était pro­ Borysthénes» Voici les paroles de i Histoire» pre, puisqu’il dit : — „autant que j’ai pu le sa- , 1 6 Chapitre IL Chapitre. IL *7 voir. — „ Il est aussi évident que les Ne- avons pu le savoir, — Melpomene vridiens s’ étendaient depuis les bords de §. XVIII. l’Hypanis jusqu’aux bords du Borysthenes, „ l’Est de ces Scythes agricoles et au- car s’il avait eu un autre peuple, Hérodote, delà du Panticapes vous trouvez les Scythes . ce diligent observateur, ne manquerait pas „nomades, qui ne sement, ni labourent. d’ en faire mention. En partant dè la Jsl’e- .,Ces nomades occupent à l’ Est une éten- vride, il se rend sur la rive gauche du Bo- ,,due de quatorze jours de chemin jusqu’au rysthènes, plus vers l’Orient et dit: — „ „fleuve Gerrhus. — Melpomene XIX. — ,,Quand on a passé ce dernier fleuve, on „Au-delà du Gerrhus est le pays des Scythes rencontre d’abord l’Hylée, vers les côtes de „royaux. Au nord, au-dessus des Scythes la mer nommée le Pont-Euxin. Au-des­ „royaux, on rencontre les Mélanchlaenes, sus de ce pays , sont les Scythes Agricoles. „peuple qui n’est point Scythe. Au-delà Les Grecs qui habitent les bords de PHy- „des Mélanchlaenes autant que nous pou­ panis , les appellent Borysthénites ; ils se v o n s le savoir, il n' y a que des marais et donnent eux - memes le nom d’Olbiopoli- „des terres sans liabitans. — „ Melopo- tes. Le pays de ces Scythes agricoles a, mene § XX. à l’ est, trois jours de chemin, et s’ étend Par un témoignage, si bien détaillé, il jusqu’ au fleuve Panticapes : mais celui qu’ils est prouve jusqu’ à l’évidence que le£ Scy­ ont au Nord est de onze jours de naviga­ thes agricoles, nomades, royaux, et autres; tion, 'en remontant le Borysthenes. Plus que les Androphages et les Mélanchlaeues avant on trouve de vastes déserts, au-delà étaient situés au delà du Borysthenes vers desquels habitent les Androphages, nation P Orient et vers le Nord. Il est donc bien particulière et nullement Scythe. Au-des­ clair que c’ est attaquer une autorité sanc­ sus des Androphages il n’ y a plus cjue de tionnée par des siècles que de placer, comme véritables déserts, du moins n’y rèncontre- on le voit sur plusieurs cartes géographi­ t - on aucun peuple, autant que nous ques, un de ces peuples en deçà de ce grand B

( l'HlWERSYTEQKA J V w * T C R B KI 13 Chapitre. II. fleuve. Cette erreur se trouve même sur la carte que l’estimable Major Rénell a jointe à son ouvrage, très-précieux du reste sous tous C h a t i t r e III, les rapports. — „ The geographicaî System LA NEVRIDE AU SUD ET {LES RI­ ,,of Herodotus. ■— ,, On y voit les An- VIERES DE CE PAYS. drophages, placés sur la rive droite du Bo- rysthénes dans le pays de Lithvanie: tan- A près avoir démontré la situation de disqu’ Hérodote, étant sur la rive gauche la Nevride vers l’Est, il faut indiquer les de ce fleuve dit: — „mais celui quils ont limites méridionales de cette nation. Le ,,au Nord est de onze jours de navigation même Hérodote en parle ainsi: — „ LTster „en remontant le Bory Aliènes. Plus avant est donc un des fleuves qui coulent en Scy- „on trouve de vastes déserts; au-delà des thie. On rencontre ensuite le Tyrès, il „quels habitent les Androphages. -— „ Si vient du Nord et sort d’ un grand lac qui ce peuple avait eu son emplacement dans sépare la Scythie de la Nevride. Les Grecs la Lithvanie; Hérodote l’aurait dit quand qu’ on appelle Tyrites, habitent vers son il parlait de la Nevride, avant de passer embouchure. — Melpomene §. 50- le Borysthènes. C est â peu près au quarantième de­ gré et 50 minutes de longitude, et au qua­ rante-huitième, 50 minutes de latitude sep­ tentrionale que l’ancien Tyrès ou le Nie- ster moderne sort d’ entre les montagnes, nommées Beskit qui forment une, chaî­ ne des Carpathes ou Krapach, en descen­ dant vers la ville de Léopol. C’ était donc là qu’ au Sud touchaient les limites de la Nevride. Une ligne tirée de ce dernier en- B 2 Chapitre 21 20 Chapitre III. III.

droit vers l’Orient aux bords des Boryst- cette rivière. Mais comme l’Europe à l’oc­ liènes servirait de bornes entre les Tyri- cident n’ a été connue que par les Romains tes, les Scythes laboureurs, les Alazons, et particulièrement dans le premier siècle ltis Callipides d’une part, et la Nevride de l’ ère Chrétienne je me reserve donc de de l’autre. traiter cet objet, quand je parlerai de 1' Hérodote parle encore d’un peuple, époque postérieure. Actuellement je vais sous le nom d’ Agathyrses qu’ il a trouvés parler du Nord de la Nevride. aux bords de la riviere. Maris, il dit : — Les peuples pasteurs ou nomades ha­ ,,Le Maris coule du pays des Agathyrses bitaient par préférence les bords des riviè­ et mêle ses eaux avec celles de Pister. -— „ res et des grands fleuves, c’est-là qu’ ils Melpomene §.40. Ce Maris est appelle trouvaient plus facilement pour eux mê­ aujourd’hui Maros, traverse le pays de mes et pour leur troupeaux leur subsistan­ Transylvanie et se joint au Théis, ancien ce journalière. Les rivières favorisaient Tibice, vis-à -vis de Ségédin en Hongrie. leur vie errante, et leur servaient aussi de Les Agathyrses occupent donc le pays où remparts, suivant la remarque d’Hérodote. la Transylvanie moderne est située au sud Plus un fleuve augmentait pendant son de la Nevride. Quelles devaient être les cours et s’ approchait de la mer, plus les limites de cette derniere nation vers l’ Oc- peuples qui en habitaient les bords étaient cideut?. le grand historien, Hérodote, n’en nombreux. Les rivières et fleuves leurs fait aucune mention. Cependant ses paro­ servaient de guide pendant leurs courses: les, concernant le Tyrès, — ,, il sort du sur- tout dans un pays couvert de bois et grand lac qui sépare la Scythie de la Ne. de grandes forets, ils ne pouvaient autre­ , vride, — „ ces paroles font clairement voir ment s’ orienter que par ces signes naturels. que ce n'était que le commencement de la Si l’ on considère avec attention la Ne­ partie occidentale de ce pays, situe pies vride d Hérodote, on y voit des rivières les monts Crapach ou Carpathes d’ où vient plus remarquables qui la traversent dans

1 Chapitre III. 23 3 a CHAPITRE III. cet ordre: celles qui vont vers l’Orient se réunit quatre lieues plus bas, à la Vi­ sont le Tyrês ou Niester et l’ Hypanis stule près de Modlin, pour aller ensem­ ou Boh en langue Slavonne: vers l’Occi­ ble à la mer Baltique. dent, le San dont les sources paraissent Dans l’arc dont le sommet s’approche de à très-peu de distance de celles du Tyrès, la rive gauche du Tyres, dans lare, dis- va joindre la Vistule auprès de la ville de je que forme la distance comprise entre Sandomir. Un peu plus en avant on voit les sources de Boh et celle du Bng, on la W i s 1 o k e qui décharge ses eaux dans voit au Nord plusieurs petites rivières se la meme Vistule. Plus loin vers l’occident joindre l’une à l’ autre, comme Slucz et on trouve le Poprad qui se joint au Duna- Plorin, Ikwa et Ster, Turia et Stochot, yec et tous deux se jettent dans la Vistule, Pripec' , Pina et d’autres qui, prises en­ Celle-ci à l’ouest sort des monts Krapach semble forment une espèce de ramification ou Carpates, et dans son passage ayant re­ et réunissent leurs eaux au quarante ■ cin­ çu cinquante rivières dont quelques-pnes quième degré de longitude septentrio­ sont navigables, elle entre dans la mer nale. Cette réunion d’ eaux, qui ressem­ Baltique près de Danzic. Si l’ on revient ble à une tige d’ arbre, est une grande ri­ sur la rive gauche du Tyrès et se place vière navigable, nommée Pripec, ou Pri- dans la direction verticale de l’Hypanis piat qui parcourt l’ancienne Nevride et se jette dans le Borysthènes au-dessus de ou Boh, on verra les sources du B u g en langue Polonaise qui donnent V existence â Kiyovie ou Iiiiew, ville de la petite cette meme rivière. Mais tandis que Russie. l’Hypanis, Boh, dirige son cours vers ÎO- Si l’on prenait pour le centre le point rient pour se joindre au lac du Liman en­ où se coupent le quarante - deuxieme de­ tre Cherson et Oczakof, le Bug va au gré de longitude et le 50111e de latitude, Nord; et après avoir joint ses eaux à cel- 011 construirait avec un rayon de deux de­ les de Narewe près ¿ village de Sirock, il grés et demi un cercle qui embrasserait

' ' - r ? -- 24 Chapiter III. Chapitre IV. 25 toutes les sources des rivières de la Ne- vride, lesquelles serpentant en differentes directions coulent, comme il est dit plus C h a p i t r e IV. haut, de la maniéré suivante: Vers LA NEVRIDE AU NORD ET LA GUER­ 1 Orient le Tyrès, l’ Hypanis et Pripee': RE DE DARIUS, ROI DE PERSE, vers le Midi le Tibiscus ou Tyssa: vers .CONTRE LES SCYTPIES. l’Occident; le San, la Wisloke, leiPoprad et la Dunayec: vers le Nord; la Vistule, le Bug et la Nareve, L e s guerres, ce fléau, cet opprobre Un tel cercle formant une espèce d’é­ du genre hnmain, quand elles sont décri­ toile, serait meme nécessaire pour s’orien­ tes par un bon historien , servent au- ter dans la connaissance de la situation moins à faire connaître les pays et les des Scythes, des Sarmates, des Nevridiens peuples qui en souffrent. Hérodote excelle des peuples Carpathiens ou habitants des dans les tableaux des malheurs qu’il met monts Krapach et des bords de lester. sous les yeux des Grecs dans son histoire Après ces remarques on peut avancer avec et il est remarquable sur-tout dans sa re­ plus de certitude vers le Nord de la Ne- lation de- la guerre que Darius, roi de vride, mais toujours Y histoire d’Hérodote Perse, avait faite aux Scythes cinq-cent- à la main. huit ans avant l’ ère chrétienne. Ces pays sont connus depuis cette époque dont Hé­ rodote parle en ces termes: — „Les Scythes ayant fait réflexion qu’ils ne pouvaient pas, avec leurs seu­ les forces, détruire en bataille rangée, une armée aussi nombreuse que celle de Darius envoyèrens des ambassadeurs à 26 Chapitre IV. Chapitre IV. 27

leurs voisins. Les rois de ces nations, nent (l’Asie) était passé dans le leur sur s’étant assemblés délibérèrent sur cette ar- un pont de bateux, qu’il avait fait con­ mee que venait envahir le Scythie. Ces struire â l’endroit le plus étroit du Bos­ rois étaient ceux des Taures, des Agathyr- phore ; qu’il avait ensuite soumis les ses, des Nevridiens des Androphages, Thraces, ' et traversé l’Ister sur un pont * , des Mélanchlaeiles, des Gelons, des Bu- à dessein de se rendre maître de leur dins, et des Sauromates.,, — Melpo- pays. „11 ne serait pas juste, ajôuterent- m è n e §. CLII. ,,ils, que, gardant la neutralité, vous nous On voit d’ après ce témoignage de „laissassiez périr par votre négligence: l’historien que la Nevride était une na­ „marchons donc unanimement audevant tion différente de celles des Scythes, des „de l'ennemi qui vient envahir notre Pa- Sauromates et des autres peuples dont Hé­ ,,trie. Si vous nous refusez, et que nous rodote fait l’énumeration. La Nevride „nous trouvions pressés , nous quitterons avait son propre roi et possédait un pays „le pays, ou si nous y restons, ce sera séparé. „aux conditions que nous imposeront les La délibération de ces chefs, étant „Perses: car enfin que faire à cela, si un monument qui offre le connaissances „vous ne voulez pas nous donner de se- politiques et ¡les lumières de ces peuples „cours. Ne vous flattez pas que votre si anciens, elle doit naturellement trouver „sort en soit meilleur, et que contens de ici sa place. Hérodote en parle en ces: „nous avoir subjugués, les perses vous termes : „épargnent. Leur invasion vous regarde — ,,Les Ambassadeurs des 'Scythes, , autant que nous. En voici une preuve ayant été admis à l’ assemblée des pl0is , a laquelle vous 11’avez, rien à opposer des nations, dont nous venons de parler, „Si les Perses 11’avaient, point d'autre in­ apprirent à ces Princes que Darius, après tention que de venger l’assujettissement avoir entièrement subjugué l’autre conti­ où nous les avons tenus précédemment,

1 23 Chapitre. IV. Chapitre IV. ~9

„ils se seraient contentes de marcher con- „permis; et aujourdhui que le même ,,tre nous, sans ^attaquer les autres peu- „Dieu suscite les Perses contre vous, ils ,,ples; et par là, ils auraient fait voir à „vous rendent la pareille. Pour nous, „tout le monde qu’ ils n’ en voulaient „nous ne les offensâmes point alors, et „qu’aux Scythes Mais a peine sont-ils „nous ne serons pas aujourd’hui les pre- „entrés dans ce continent, qu’ils ont fa­ „miers aggresseurs. Si cependant ils vien­ ço n n é au joug tous les peuples qui se n e n t aussi attaquer notre pays, s’ils com- sont rencontrés sur leur route, et déjà ils „mencent des hostilités contre nous, nous ont soumis les Thraces et les Gétes vos „saurons les repousser. Mais, jusqu’ à „voisins. Melpomène §. ngi. ,,ce moment, nous resterons tranquilles: Le discours des Ambassadeurs fini, „car ils nous paraît que les Perses n’ en ces Princes délibérèrent sur leur proposi­ „veulent qu’ à ceux qui les ont insultés tion: les avis furent partagés. Les roi „les premiers Melpom. 119, des Gelons, des Budins et des Sauroma- ;,Les Scythes, ayant appris, par le rap­ tes promirent unanimement du secours port de leurs ambassadeurs, qu’ils 11e de-* aux Scythes. Mais ceux des Agathyrses, vaient pas compter sur le secours des Prin­ dès N evres, des Androphages, des Mé- ces leurs voisins résolurent de ne point lanchlaenes, et des Taures leur firent cette présenter de bataille, et de ne point faire réponse: „Si vous n’aviez pas fait les de guerre ouverte : mais de céder à V en­ „ premiers une guerre injuste aux Perses, nemi, dé se retirer toujours, de combler „vos demandes nous paraîtraient équita- les puits et les fontaines qu’ils trouve­ ,,bles; et, pleins de déférence pour vous, raient sur leur route, de détruire l’herbe, „nous prendrions en main vos interets. et pour cet effet de se partager en deux „Mais vous avez envahi leur pays sans corps. On convint aussi que les Sauro- „notre participation, vous l’avez tenu sous mates se rendraient dans les Etats de „le joug aussi long-teins que le Dieu l’a Scopasis; que si les Perses tournaient de 50 Chapitre IV. C hapitre IV. 3i.

ce cote, ils se retireraient peu - a peu ré, ce parti leur paraissait avantageux. droit au Tanais, le long du Palus-Maeo- Melpomène' §. 120. tis, et que, loisque 1 ennemi retournerait „Cette résolution prise, les Scythes sur ses pas, ils se mettraient à lors à le allèrent au-devant de Darius, et se firent poursuivre. Tel était le plan de défense précéder par des coureurs, l’élite de la que devait suivre cette partie des Scythes cavalerie. Ils avaient fait prendre les de- royaux. . y vans à leurs chariots, qui tenaient lieu de maisons à leurs femmes et à leurs enfans Quant aux deux autres parties des et leur avaient donné ordre d’avancer Scythes royaux, il avait été décidé que la toujours vers le Nord. Ces chariots é- plus grande, sur laquelle régnait Idanthyr- taient accompagnés de leurs troupeaux, se, se joindrait à la troisième dont était dont ils ne menaient avec eux que ce qui Roi Taxacis, et que toutes les deux, réu­ leur était nécessaire pour vivre. M el­ nies avec les Gelons et les Budins, au­ pomène §. 121. raient aussi une journée d’ avance sur les Perses, qu’ elles se retireraient peu-à peu, et en exécutant les résolutions; prises dans le Conseil, et sur-tout qu’elles attireraient les ennemis droit sur les terres de ceux qui avaient refusé leur alliance, afin de les forcer aussi à la guerre contre les Per­ ses , et de leur faire prendre les armes malgré eux, s’ils ne voulaient pas le faire de bonne volonté» Elles devaient ensuite retourner dans leur pays, et meme atta­ quer Vennemi, si, après en avoir délibé­ Dhapitrk V. C hapitre V. 33

„Les Perses ne purent causer aucun dégât, tout le teins qu’ils furent en Scy- C h a p i t r e V. thie et dans le pays des Sauromates, les MARCHE DES TROUPES ALLIEES ET habitans ayant détruit tout ce qui était CELLE DES PERSES. dans les campagnes; mais, quand ils eu­ rent pénétré dans le pays des Budins, ils trouvèrent la ville de Gelonus qui était bâtie en bois. Gomme elle était entière- i • ' , , T andis que les * chariots avançaient ment déserte, et que les habitans en a- vers le Nord, les coureurs découvrirent vaient tout emporté, ils y mirent le feu. les Perses environ trois journées de l’Ister. Cela fait, ils allèrent en avant, marchant Comme ils n’en étaient éloignés que d’une sur les traces de l’ennemi: enfin après journée, ils campèrent dans cet endroit, avoir parcouru le pays des Budins, ils ar­ et détruisirent toutes les productions de rivèrent dans un désert par-delà ces peu­ la terre. Les Perses ne les eurent pas ples , où l’on ne rencontre pas un seul plutôt apperçus, qu’ ils les suivirent dans homme. Ce désert a sept journées de leur retraite. Ayant ensuite marché droit chemin; 011 trouve au dessus le pays des à une des trois parties des Scythes royaux Tyssagetes, d’où viennent quatre grandes ils la poursuiverent à l’Est jusqu’ au Ta- rivières, le Lycus, POarus, le Tanaïs et naïs. Les Scythes traversèrent le fleuve, la Syrgis qui se jettent dans îe Palus- et les Perses, l ’ayant passé après eux, ne Maeotis après avoir arrosé les terres des cessèrent de les suivre, que lorsqu’ après Màeotes. Melporrténe §.123* avoir parcouru le pays des Sauromates, ils *»Larius, étant arrivé dans ce désert, furent arrivés dans celui des Budins. — s arrêta sur les bords de l’Oarus, où il Melpomène §, 122. 1 / 1 - ■» ' ^ campa avec son année. Il fit ensuite con­ I struire huit grands châteaux, à soixante C

\ 34 C h a p i t r e Y . ' Chapitre V. 55 / " • *: ; ,7 - stades ou environ l’un de l’autre, dont semé le trouble et l’épouvante, ils les con­ les ruines subsistent encore maintenant. duisirent chez les Nevres, qui furent éga-1 Tandis quil s occupait de ces ouvrages, lement effrayés : enfin ils se sauvèrent du les Scythes, quil avait poursuivis, firent côte des AgatliyrseSd Mais ceux-ci, vo­ le tour par le haut du pays, et retournè­ yant leurs voisins allarmés prendre la rent en Scythie. Comme ils avaient en­ fuite, envoyèrent aux Scythes un héraut, tièrement disparu, et qu’ils ne se mon­ avant qu’ils eussent mis le. pied dans leur traient plus, il laissa ces châteaux à de- pays, afin de leur en interdire l’entrée; mifaits, et dirigea sa marche à l’Occident, les menaçant de leur livrer bataille, en persuadé que ces Scythes formaient toute cas qu’ils y dussent. Après ces menaces, la nation, et qu’ils s’étaient sauvés de ce les Agathyrses portèrent leurs forces sur côte'. Comme il marchait à grandes jour­ leurs frontières, pour les en écarter. nées, il arriva en Scythie, où il rencon­ „Les Mélanchlaenes, les Androphages tra les deux corps d’armée des Scythes. et les Nevres, voyant les Scythes se jet- Il ne les eut pas plutôt trouvés, quil Se terf, avec les Perses, sur leurs terres, ne mit à les poursuivre ; mais ils avaient soin se mirent pas en devoir de les repousser. de se tenir toujours à une journée de lui. Saisis de crainte à cette vue, ils oubliè­ Melpomène §.124. rent leurs menaces, et s’enfuirent dans „Ils s’enfuyaient, suivant les conven­ les déserts vers le Nord. Quant aux Aga- tions faites entr’eux, chez les peuples qui tbyrses, comme ils refusaient aux Scythes avaient refusé leur alliance, et Darius 1 entrée de leur pays, ceux-ci 11e cher­ les suivait sans relâche. Ils se jetterent chèrent plus à y pénétrer, mais au sortir premièrement sur les terres- des Mélanch- de la Nevride, entreront dans leur Patrie, laenes, qui furent allarmés à leur vue et où les Per$es les suivirent. Melpomène à celle des perses. De là ils attirèrent les §. 125.. Perses chez les Androphages, où’, ayant , e 2 36 Chapitre. V. Chapitre V. 37 , Darius, s étant apperçu que les Scy­ „puis qu’elles ne sont point cultivées, thes tenaient sans cesse la meme conduite „nous n’avons pas de motifs pour nous envoya un cavalier à tdantliyrse leur Roi, „hâter de donner bataille. Si cependant avec ordre de lui parler en ces termes. — „tu veux absolument nous y forcer au ! ,0 le plus misérable des hommes! pour­ „plutôt, nous avons les tombeaux de nos q u o i luis-tu toujours, lorsqu’il est eh „pères, trouve les et essaye de les ren- \ v / * ' „ton pouvoir de t’arrêter et de me livrer „verser tu connaîtras alors si nous com- „bataille, si tu te crois assez fort pour me , batrons pour les défendre. Nous ne te „résister. Si au contraire, tu te sens trop „livrerons pas bataille auparavant, â moins „faible, cesse de fuir devant moi; entre „que quelque bonne raison ne nous y „en conférence avec ton maître, et ne „oblige. C’en est assez sur ce qui regar- „manque pas de lui apporter la terre, et ,,de le combat. Quant à mes maitres, je ,,1’eau, comme un gage de ta soumission. „n ’en reconnais point d’autres que Jupi- Melpom. i 26, „ter, l’un de mes ancêtres, et Vesta, Reine „des Scythes, Au lieu de la terre et de ,,Roi des Perses, répondit Idanthyrse, „ l’eau, je t’enverrai des présens plus „voici ï’etat de mes afFaires: la crainte „convenables. Pour toi, qui te vantes „ne m’a point fait prendre ci-devant la ,,d être mon maitre il suffit, tu m’entends.,, „fuite, et maintenant je ne te fuis pas. Telle est la réponse des Scythes que le „Je ne fais actuellement que ce que j’avais Herant alla porter à Darius. —- Melpo- „coutume de faire aussi en terris de paix. mene §.127. „Mais je vais le dire pourquoi je ne t’ai „pas combattu sur le champ. Comme C’étaient sans doute de pareilles rai­ „nous ne craignons ni qu’on prenne nos sons qui avaient fait prendre aux Nevri- „villes, puisque nous n’en avons point, diens le parti plus prudent de se retirer „ni qu’on fasse le dégât sur nos terres, dans des solitudes septentrionales au lieu 59 C h a p i t r e Y. C h a p i t r e V. o.9 • * '' • ,, ’ ' > I -•1 de s’opposer à une invasion subite des dernier peuple habitait seul vers l’Orient Scythes et des Perses ce qui aurait en- et le Sud ces vastes pays depuis le Bo­ traîne des pertes immenses. Les manoeu- rysthènes, jusqu’au lac ou plutôt jus­ vres des Scyjthes, employées contre Da- qu’ aux sources du Tyrès où com­ lias eurent le résultat que ce roi fut for* mencent les limites occidentales de la ce de fuir des pays qu’il avait envahis. Nevride. Les peuples dont il avait troublé le re- pos rentrèrent dans les limites qu’ils oc* cupaient avant cette invasion.

Cette relation de l’historien est un des pltis certains témoignages que les Sau- romates, les Budins, les Gelons posse* daient les terres vers l’Orient sur les bords du Tanais, du Panticapes, du Gerrhus et d’autres rivières qui coulent en diver­ ses directions au-delà du Borysthènes, Il a e'té prouvé plus haut par les paroles de ce meme historien que les Mélanchlae- nes et les Androphages habitaient les {pays au - delà du meme fleuve vers le Nord, ce que prouve aussi l’histoire de cette guerre momentanée. Les Scythes et les Perses , en sortant du pays des Andropha- ,ges, entrèrent immédiatement dans la Ne- vride. U est donc bien évident que ce 40 Chapitre VI, Chapitre VI. 4 l

„marche. Or je compte deux cents stades „pour chaque journée de chemin Ainsi C h a p i t r e VI* „la Scythie aura quatre mille stades à CONTINUATION DU SUJET TOU- „prendre droit par le milieu des terres.,, CHANT LA NEVRIDE AU NORD, Melpom.ène §.51, Voilà donc une ligne de vingt jour­ nées qui passe du midi au Nord, depuis L ’etendue septentrionale de ce pays n’est les bords du Pont-Euxin jusqu’au pays déterminée par Hérodote qu’en termes gé­ des Melanclilaenes : l’autre va suivre. néraux: il parle seulement de déserts Qu’on se rappelle ce qu’ Hérodote j du Nord: où ces déserts devaient - ils après avoir passé le Borysthénes, a dit: commencer? l’iiistorien ne le pouvait point „Le pays de ces Scythes agricoles savoir. Mais en parlant de la Scythie, „a, à l’Est, trois jours de chemin ... mais il dit; / , „celui qu’ils ont" au Nord est de onze — „La Scythie étant tétragone et , jours de navigation, en remontant le „deux de ses cotés s’étendant le long de „Borysthénes, Plus avant on trouve de „la m er, l’espace qu’elle occupe vers le „vastes déserts, au-delà desquels habi­ „m ilieu des terres, est parfaitement égal tent les Androphages, nation particuliè- „à celui qu’elle a le long des côtes. En ,,re et nullement Scythe. Au - dessus des „effet, depuis l’Ister jusqu’au Borysthénes „Androphages il n’y a plus que de vèri- jj.il y $ dix journées de chemin; du Boryst-1 „tables déserts.,, — Melpom, §. 18. „hènes au Palus-M aeotis, il y en a dix Il parait donc que la distance entre „autres, et depuis la mer en remontant les limites méridionales du pays des An­ „par «le milieu des terres jusqu’au pays drophages et les bords du Pont - Euxin, „des Mélanclilaenes qui habitent au-des­ était au - moins la même que celle entre s u s des Scythes, il y a vingt jours de ces mêmes bords et le pays des Mélanch- /j.2 Chapitre VI. Chapitre. VI. 43

laenes, c’est à - dire au - moins de vingt La Nevride était sans doute beau­ journées de chemin. L ’étendue de pays coup plus vaste vers le Nord où elle n’a­ que possédaient les Androphàges et les vait personne pour voisin, que vers l’o­ Mélenehlaenes, ainsi que l’étendue des dé­ rient, le sud et l’occident où d*autres serts qui étaient au Nord de ces deux peuples nombreux pouvaient l’empécher peuples, n’etait point connue du temps de s’étendre. Mais heureuse par sa posi­ d’Hérodote. Supposons cependant qu’elle tion géographique, elle était tranquille eût aussi l’espace de vingt journées de avec ses voisins; elle n’avait point de chemin. On peut donc en conclure que guerres à soutenir. Les Scythes n’osaient les Melanchiaenes et les Androphàges n’é­ point l’attaquer, ils craignaient les Nevri- taient pas autrefois trop éloignés des diens dont Hérodote parle ainsi; bords du Ladoga moderne et de ceux de ,,11 paraît que ce peuples sont des en­ la mer Baltique. La Nevride ayant ses chanteurs; En effet, s’il faut en croire limites à côté de celles du pays des An- „les Scythes et les Grecs en Sçythie, cha* drophages par où les Scythes et les Per­ „que Nevridien se change une fois par an ses l’avaient envahie, il n’y aura donc „en loup pour quelques jours, et reprend rien d’extraordinaire à prétendre que par ,,ensuite sa première lorme. Les Scy- ses déserts elle se rapprochait aussi des „tlies ont beau dire, ils ne me feront bords de la mer Baltique. Mais la déter­ „pas croire de pareils contes, ce n’est mination exacte des limites appartenant „pas qu’ils ne les soutiennent et même particulièrement à la géographie, n’entre ,,avec le serment,, — C’était une fable à point rigoureusement dans ces remarques la vérité que cette métamorphose en loup littéraires. En parlant cependant d’une mais elle était très - salutaire aux Nevri- rivière, nommée Neris ou la Wilia mo­ diens pour intimider leurs voisins : car il derne, et des montagnes P a -néris je ne serait dangereux d’attaquer des enchan­ manquerai pas de rappeller ce même sujet. teurs. Hérodote ajoute. — Les Nevri- 44 Chapiter VI. Chapitre. VII. 45 diens observent les memes usages que les Scythes. — mais il dit aussi: — ,,Les ,,Scythes ont un prodigieux éloignement Chapitre VII. „pour les coutumes étrangères: les habi­ ta n ts d’une province ne veulent pas mê- R ENS EIGNE MENT TIRES D’OVIDE, ,,me suivre celles d’une province voisine. DE VIRGILE, 1 HORACE DE DENIS Melpomène §. 76. LE PERIEGETE, STRABON ET Tels sont les détails qu’ Hérodote a D’AUTRES AUTEURS. laisses sur la Nevride dans l’histoire im­ mortelle par le récit de la quelle il en­ chantait la Grèce aux jeux Olympiques D ans les temps postérieurs à Hérodote jus­ environ 450 ans avant l’ère chrétienne. qu’aux jours ou parut le divin auteur de C’est donc aussi depuis cette époque mé­ notre salut, on ne trouve aucune mention morable que l’existence de la Nevride a delà Nevride. Elle était séparée, par un été connue parmi les nations méridionales. vaste espace, de ces peuples civilisés qui fa- saient souvent le malheur de leurs t » voisins qui, du reste le leur ren­ daient. La Nevride n’avait rien à démê­ ler avec les Grecs et les Romains policés; elle n’a donc point trouvé de place dans leurs sanglantes annales. Même le célé­ bré exilé, l’infortuné Ovide ne dit point de mal de ses liabitans quoique, dans sa colère il en ait tant dit des Gètes et des Sarmates: \ ( ' ■ ,

.. " , , ) l ' ■ .N ** ' ■' * Y ' •- 46 Chapitre VIL CHAPITRE Vil. 47

„Talia succensent propter rnihî verba au pied des quelles sortent les sources du Tomitae Tyrès. Mais c’était des Sarmates et des Iraque carminibus publica mota meis«, Gètes qu’Ovide parlait sans cesse pendant Ex Ponto lib. IV* ep. 14, ver. 15. Son exil. Il est vrai qu’il a retracte les sarcas­ Horace peint en traits flatteurs les mes qu’il avait lances contre ces peu­ peuples de ces contrées; il dit: — ,,Les ples : „Gètes que mènent une vie si rude et „les Scythes dont les maisons errantes „ In loca non liomines verissima cri- „sont toujours trainées sur des charriots min a dixi, „vivent avec bien plus de tranquillité! Culpatis vestrmn vos quoqne saepe solum. „L a terre sans être marquée par des bor­ gnes, leur prodigue les dons de Gérés. ibid. ver. 29. 50. „Ils la cultivent les uns après les antres, Mais dans le fait il parait qu’Ovide „leur travail ne dure jamais qu’un an, et n’a connue que les Sarmates, les Besses et „celui qui vient d’achever son année ne les Gètes en deçà de lister: „manque point d’être rélevé par un suc­ „Sarmatae cingunt, fera gens, Bessique, cesseu r qui vient à son tour prendre sa Getaeque „place.,, Ode 24 livr. III. Quam lion ingenio nomina digna meo. Virgile fait dans ses élégantes géorgi- Trist. lib.III. el 10. ques une mention des Gelons en termes Ces B es si avaient sans doute leurs caractéristiques, — „pic tique Gel oui. etablissement dans les environs des Car- Il connaissait aussi les Gètes : pates entre les Tyrigètes et les Agathyr- ses. On appelle aujourd’hui Biessades Gradivumque patrem G e t i c i s qui praesidet arvis. ou Beslïites une chaîne de montagnes, , ’ - ' . . , . »• ; Y ' ' ' , - y ' - i

43 C hapitre VIL ' C hapitre VII. 49 Ce chantre'fait pleurer les Gètes sur ,,se réunissent les eaux du Borysthènes à la mort d’Euridice: ,,1’Euxin vis-à-vis le front-du-bélier „venant de la région de Cyanéens. C’est ...... » Flerunt Rodopaei arces. „là aussi qu’ entre les monts Riphéns, mur- Atque Getae, atque Hebrus, et „murent les eaux d’Aldescée et de Panîi- Actias Ûrithyïa. „capes près les sources desquelles est la Georg. liy. IV. ve. 461. i,mer glaciale, vers 502 et sequ. I ' \ . ' ■ ,, v i... , „J, _ V, Mais ces beaux esprits de l’ancienne Rome ne connaissaient pas bien la Géo- Denis a renversé un peu l’ordre de graphie de ces pays trop éloignes de leur ces peuples dont les établissements avaient » 1 patrie. Denis le Périégéte qui vivait été rangés par Hérodote dans une série à peu près dans le meme teins, en savait différente. Ce pourrait être pour la me­ davantage, c’est ce que prouvent ces vers: sure des vers que le Poète, par cette trans­ position, a délogé les peuples des pays „Lès bords de l’Ister, vers le Nord qu’ils possédaient du tems de l’Historien jusqu’au Palus - Maeotis, sont habités par qui les a vus pour la plupart dans son „des peuples très - nombreux, les Ger- voyage. Il est à observer que Denis fait „mains , les Samates, les Gètes, les Ba­ mention des deux peuples, Samates et tta n tes les D'aces» les Alains et les Tau­ Bastarnes* il les range sur la rive gau­ pes qui possèdent la lice d’Achille. che de l’Ister dans le voisinage des Ger­ „Au-dessus de ceux-ci, s’étend ïa Na- mains. Les Samates de Denis 11’é- „tion Aîane, riche en chevaux. Là sont taient point les Saûromates d’Hérodote: ,,les Mélanchlaenes et les hommes qui ceux - ci sont placés par Denis sur les „traient lès jumens ccvspeç iwtto po à 7 0/, bords du Tanaïs, quand il dit: — „L’Eu- „les Nevridiens les Ippodes, les ,Gé- ,,rope est séparée de l’Asie par le Tanaïs »,lon$ et les Agathyrses, chez les quête nqui foule ses eatfx par les terres des S aura- ’/ P 50 Chapitre. VII. C hapitre VII. 51 \ # > i,

„mates et se traîne vers la Scythie au placer entre ce pays et les Bastarnes les „Palus-Maeolis.,, vers 14. > Ya,zIges, les Roxolani ou quelques Mais il est tems de prendre pour guide autres peuplades de9 Amaxa eci. Nous un géographe aussi judicieux que sévère ignorons également, si ces peuples s’éten­ dans ses observations. Strabon s explique dent jusqu’à l’Océan dans toute la lon­ en ces termes : gueur des côtes, ou s’il y a, entre ceu x-ci — , Les Germains qui sont au-delà et l’océan, des pays que le froid ou quel­ de l’Albis près de l’Océan, nous sont to­ que autre cause a rendus inhabitables, talement inconnus : car aucun des anciens ou si des hommes d’une autre race sont que je , sache, 11a fait le tour des côtes placés entre la mer et la Germanie orien­ vers la mer Caspienne, et les Romains ne tale. Nous sommes dans la meme igno­ sont pas encore avancés au-delà de l’Al­ rance à l’égard des autres peuples septen­ bis : aucun voyageur par terre n’a non plus trionaux dont j’ai parlé: car nous ne con­ pénétré dans ce pays. Nous savons, à la naissons ni ies Bastarnes, ni les Sauro- vérité, par les climats et par les distances males, en un mot, aucun des peuples, si­ parallèles, qu’en longeant les côtes vers tués au - dessus du Pont - Euxin : nous l’Orient, on arrive aux environs du Bo- ignorons à quelle distance ils sont de la rysthènes et à la partie septentrionale du mer Atlantique; ou s’ils s’étendent jusqu’ Pont - Euxin: m a is jl ne nous est point à cette mer même.,, facile d’indiquer les peuples et les pays qui se trouvent au-delà de la Germanie,,, Voilà un aveu qui montre un peu de La Nevride était donc tout-à-fait incon­ négligence dans les recherches géographi­ nue à Strabon; il continue sa narration: ques: Strabon né eu Cappadoce, vivait — Nous ne savons s’il faut appeler ces plus près des pays dont il parle et que peuples Bastarnes comme la plupart des immortel Hérodote a visités. Strabon qui géographes le soupçonnent, ou s’il faut résidait sans doute à Rome, et à Athènes D 2

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C u a iu t r e ^ 2 ClIAPITER VIL VIL 53 avait plus de ressources pour s’instruire“ 3,nent aux Taurisci le nom de Tyrisci ou car depuis'le siècle d’Hérodote jusqu’au Tauristae.,, — tems de Strabon les connaissances géogra­ Strabon appelle pe tite Scythie cette phiques avaient été portées très-loin par vaste contrée en disant, — „tout ce pays, Eratostheiies, Possidonius, Arternidore et „ y compris même celui qui est au - delà d’autres hommes laborieux. Cependant „de 1 Isthme (la Chersonèse) jusqu’au Bo- Strabon est très-estimable sous d’autres „rysthèues portait le nom de petite Scy- rapports pour la géographie ancienne. Il „thie. Et comme un grand nombre de parait aussi que de son tems les peupla­ ,,ces habitans passait le Tyrès et l’Ister des qui habitaient les rivages de l’Euxin „pour aller occuper les terres au-delà de près l’embouchure du Tan aïs, du Borys- „ces fleuves, le nôm de petite Scytliie s'é­ ‘thènes, de iTfypanis, du Tyras, de lister tendit à une bonne partie de la Thrace.,, — s’.étaient associées les unes aux autres. — Voilà donc cette partie des Scythes bien „C e sont, dit - il * les peuples, nommés à déterminée. La grande Scythie s’étendait „la suite qu’ Homère joint aux Mysi, les vers l’Orient au-delà des Tanaïs et de la „Hippomblgi, les Galactophagi, et les Abii, mer Caspienne. „qui sont les Scythes Amaxaei et les Sau- La Nevride n’appartenait à aucune „romates : car aujourd’hui tous ces peuples des deux Scytliies : elle n’était pas connue ,,ainsi que les Bastarnes, sont mêles* piin- à Strabon; il ajoute: — „Les plus sep­ „cipalement avec les Thraces d’au-delà de tentrionaux sont les Roxolani: ils occu­ „lister, mais aussi avec ceux d’erï-deçà* pent la plaine qui est entre le Borysthè- „ C ’est encore parmi ces derniers qu3on „nes et le Tanais. Car toute la partie „trouvé les peuples Gaulois connus sous „septentrionale depuis la Germanie jus- ; „le nom de Boii, de S cor dis ci et de „qu ’a la mer Caspienne n’est qu’une plai­ „Tau ris ci. Quelques-uns prononcent gne d’après connaissance' que nous avons *,Scordiscae au lieu de Séordisci et don« „acquise. Mais s’il existe d’autres peu- *

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Chapitre. VilL 54* ' Chapitre N * VU. \ .* • 9 \ 55 „pies audessus des Pioxolani, c’est ce que „nous ignorons „ —

Ce célèbre écrivain n’en sçavait donc C h a p i t r e VIII. - » ■ ' • ; pas autant que le Poète Denis. Même sur les bords du lac ou plutôt rès les NEVRIDE D’APRÈS DES ECRIVAINS sources du Tyrès où du tems d’Hérodote ROMAINS. NÉRIS, PANÉRIS EN étaient les Nevridiens, Strabon place d’au­ LITHVANIEN. LECHOS ET tres peuples. — „Plus avant dans les ter­ tres on les Bastarnes qui confinent d’un LECH. „côté avec les Tyrigètes de l’autre avec '—

,,1’Hypanis prend sa source, par les Ne? Le précurseur de Marcellin, le celé-! „vridien, chez qui nait le Boryst- bre Pline', assure la même chose.

,,henes, par les Gelons, les Thussagètes, 1 . ♦ ^ ,,les Budins, les Basilides, les Agathyr- Dicuil, moine Anglais qui a écrit son ses.„ . . . livre IY. ch. 26. édit. Bi- ouvrage — de Mensura Qrbi s - - au pont, a verbo, Per Maeotim autern. commencement du neuvième siècle, fait 11 faut à présent résumer les témôigna- mention de la Nevride en ces termes. — ges qu’ont laissés ces écrivains si renom­ „Àpud Nevros pascitur Borysthènes llu- més touchant la Nevride. ,,men in quo pisces egregii saporis et qui- [; Du tems d’Hérodote elle s’étendait sur ,,bus ossa nulla sunt, nec aliud quam car- la live gauthe du Tyrés dont le sommet „tilagines tenerrimae. Verum Nervi ut la séparait de la Scythie. Elle passait par „accipimus, aestatis temporibus in lupos le haut de l’IIypanis jusqu’au Borysthé- „transfigurantur . . . nef>; vers le Nord elle était bornée par ■ légat. De Mensura Orbis. Didot. Pa- les déserts. risiis 1897? Denis le Périégètes la place à ’ peu-prés dans le meme indroit. Il est donc plus que probable que la Pomponius Mêla connaissait les Nevride occupait l’espace de terres traver­ terres de la Nevride: le Tyrés en sortait sé par une diagonale, depuis les Carpa- comme à l’époque d Hérodote. ' thes jusqu’au sommet du Borysthènes. Ammièn Marcellin dit positivement G’est précisément, dans cette direction que que le Borysthènes prenait sa source clans jusqu’à ces jours, malgré tant de change­ le pays des Nevridiens. Ce témoignage ment politiques règne parmi ces peuples n’est pas contraire à celui d Hérodote quoi­ une seule langue. Une autre langue com­ qu’il n’ait pas connu les sources de ce mence depuis la rivière de Wilia qui grand fleuve. passant près la ville, appelée Wilno ca-

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58 Chapitre VIII. .<«'• Chapitre. VHî. 59

pitale de la Lithvanie, va se joindre à vaniens et les Polonais sont devenus frè­ la rivière de Niémen près la ville de res à l’époque où le prince Jagellon fut Kowno. C’est la langue Lithvanienne élu pars les Polonais, pour être leur Pioi dont je parle. Elle est tout - à fait diffé­ et l’époux de leur princesse Edvige de rente de celle qu’on appelle, Slavique, sla- 1 ancienne famille des Piastę s. Je re­ vonne ou esclavonne et que j’appellerai viens à la Nevride. ici Slaviniq?ue du mot SI a vi n ou Slo- Il n’est point du tout extraordinaire v i a n i n. qu’elle eût une circonférence si étendue. La rivière Wilia en polonais est Les Nevridiens, environ 450 ans avant nommee Neris dans l’idiome Lithvanien. l’ère chrétienne, époque ou Hérodote fit Les montagnes Ponary en polonais, si­ son voyage, formaient déjà une nation; tuées près de Wilno, le long de Wilia, Ces enchanteurs n’avaient point de guer­ s appellent en Lithvanien Pane ri s. Ce res à soutenir, ils les fuyaient. Les Scy­ mot est composé : le Lithvanien P a, et le thes, les Androphages, leurs voisins les polonais po, est une préposition qui veut craignaient. Les Nevridiens, établis dans dire en latin a d , penès, en français jus­ un pays assez fertile, arrpsé d’un grand qu’à. On pourra donc traduire le Pane- nombre de rivières, très, - favorable à la ris en français jusqu’à-Neris, en la­ vie pastorale s’occupaient à garder leurs tin ad Neridem,: comme si c’était jus­ troupeaux, à chercher du gibier dans de que là que s’étendait l’ancienne Nevris grandes forets, ou à cultiver la terre qui ou Neyris, Uev?lç en grec, et il est leur donnait tout en abondance, Si l’on permis de croire qu’elle avait dans cet en­ voulait les attaquer; ils se retiraient dans droit ses limites, avec le peuple Lithva- des solitudes entourées de lacs, de marais nien qui possédait et possède le pays situé de fleuves, et défendues par de vastes fo­ plus au Nord vers la mer Baltique, et in­ rets. Les Scythes, les Sarmates, les peu­ connu à Hérodote. On sait que les Lith- ples Germaniques, quand ils faisaient la

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guerre, allaient chercher des nations plus ' pour pa nation. On n’attribue rien d ex­ riches et clés pays plus agréables au Midi. traordinaire ni de mythologique à •Lech, Ils ne s’enfoncaient pas dans le Nord. si ce n’est, qu’il était venu d’une province Qu’est-ce qu’ils y auraient trouvé? Des dè la Grèce appelle© Is trie, qu’il s’arrêta Bestiaux! ils en avaient asseez chez eux. sur les bords de la Vistule, y bâtit la pre­ Des terres? ils aboridannaient celles qu’a­ mière ville, et établit un gouvernement vaient possédées leurs pères sous un ciel chez un peuple pasteur. , , plus serein que celui de la Nevride, pour Le mot grec A s e traduit aussi aller s’établir sous un climat plus doux en latin pàr sors, A«%sA, sortitum esse: dans les contrées charmantes de la Grèce, , sortitus : il dérive de l’ancien ver­ de l’Italie, de l’Espagne et même de l’A­ be A n % .w. On sait bien que les Polonais frique Les Nevridiens n’attaquaient point choisissaient des princes étrangers pour leurs voisins, ils respectaient leurs limites leurs chefs. Serait - il donc si étonnant et leurs propriétés. Depuis Hérodote jus- qu’un jeuLe homme de Pola, doué d’un qu’ à Cassiodore et Jornandes, aucun des génie entreprenant, après s’étre associé de écrivains Grecs et Latins, qui dans leurs jeunes compatriotes, Polatici, sur - tout ouvrages nous ont transmis les actions quand leur malheureuse Patrie fut asservie héroïques ou barbares de tant de peuples, par les Romains ou d’autres étrangers, et au­ n’a fait mention des Nevridiens. Leurs près être devenu par le sort le chef de noms étaient inconnus et meme celui de leurs cette association de jeunes gens eût été chefs, Ils en avaient cependant, comme chercher de nouveaux établissements dans l’atteste Elérodote. Il n’y eut que le nom ' des pays plus tranquilles, comme était ce­ de L e ch qui devint fameux dans ces con­ lui de la NeVride. Cette conjecture pa­ trées. Est - il fabuleux ce personnage? yait être un peu romanesque: mais elle Mais ce nom, transmis par une tradition Û’est pas assez invraisemblable pour être tyès - ancienne, est devenu comme sacré impossible* En effet on essaya d’enibëi*

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V 4 hapitre Chapitre VIÎÏ. C YlII. <55 'V- 1 \, ' .. ■ îir cette tradition par des images poéti­ de beaux .morceaux: mais le tout n’a pas ques. Casimir Sarbiewski, célèbre réussi; il parait trop fantastique. J’avoue par ses poésies lyriques, écrites en latin a que j’ose m’occuper de ce sujet. Quel en composé un poëme épique egalement en sera le sort? je n’en sais rien, je suis latin, en prenaht pour son héros ce même loin de porter trop loin mon espérance, 3Léchos. Il ne reste de ce poëme qn’un mais je ne cesse pas de travailler. fragment du chant XI, le tout est malheu­ Après ces digressions littéraires, après reusement perdu. L’imagination de Casi­ des cqnjectures historiques, que je sou­ mir, était brillante, mais il était Prêtre mets á la décision des hommes plus in­ et Je suite et il mourut avant que son struits, je vais parler des limites occiden­ Poëme, quoique tout- à - fait achevé, pût tales de la Nevride. être publié. Ses confrères auront sans doute fait disparaître ce charmant ouvrage mais trop profane pour son siècle et pour son état, d’après ce qu’on peut voir par lé fragment que le teins a épargné et que l’on publia en 1743 avec d’autres poésies de Casimir. Un autre Jésuite, nommé Skorski fit un poëme en vers latins, intitulé. — Lç- chus carmen heroïcum, qu’il dédia à Saint Jean Nepomucene. Cet ouvrage, en douze chants; parnt en 1745. L ’au­ teur avait sans doute profité de quelques fragment manuscrits de son confrère Casi­ mir. On trouve dans ce dernier poëme

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1- m Chapitre IX. Ciiapitbe IX. 65

tes hordes vint se briser contre la Po­ logne; mais des milliers de Polonais ont C h a p i t r e IX# péri en luttant contre elles. Us s’opposè­ LA NEVRIDE Nevp/fi A L’OUEST: LES rent aux bandes de Gengiskan, de Tamer- lan, et des Musulmans* Souvent la plus NEVRïDIENS ET LES GERMAINS: LES grande partie de’ la Pologne fut mise à POLONAIS ET LES ALLEMANDS/ leu et à sang par les barbares. Quel spectacle de carnage et de désolation n’of- irait que trop souvent la Pologne, tandis C ’est en tremblant que je m’approche des qu’elle couvrait ’le reste de l’Europe et frontières de l’ancienne Germanie. Lim- les pays ¿’Occident contre les îlots de bar­ mortel historien de Rome, Tacite a dit: bares qui venaient les inonder! Les fils Ger mania oronis . . . a S a r ni a t i s des anciens Germains reconnaîtrons sans Dacisque mutuô mètu, aut montibus doute cet important service et tant d’au­ separatur. Il est vrai que les Nevridiens tres qu’atteste l’histoire. Ils n’ont aucune ne furent jamais en guerre avec les Ger­ raison de se plaindre des Polonais. Ar­ mains: aucun auteur n’en fait mention. tiste, marchand, fabricant, agriculteur, ou­ Les Polonais successeurs de ces Nevri- vrier, chaque Allemand était bien reçu en dieos, u.ont jamais non plus depuis envi­ Pologne. S’il se fixait dans une des vil- ron huit-ceiits - ans, infeste les frontières les, il y jouissait bientôt de tous les pri­ de 1 Allemagne. Au contraire ce dernier vilèges accordés aux nationaux# Avait - il pays a reçu quelques services de ses voi­ des talens,1? il pouvait prétendre aux Ma­ sins. Depuis que les Polonais eurent bâti gistratures. Ce qui paraîtra meme plus la ville de GnesnO et celle de Cracovie, singulier, c’est que pour donner toutes les hordes de l’Orient cessèrent de porter les libertés possibles aux Allemands, for­ là désolation en Allemagne* La rage de més en communes, 011 leur a permis de E 1 \ * J ' " fi 6 6 Chapitre IX. C h a p i t r e IX. 67 se régir par leurs propres loix, nommées de Contracts de location les soumettaient les loix de Magdebourg ou 'Saxonnes. Les aux loix Teutoniques, et les individus Allemands estaient jugés en Pologne sui­ qui venaient s’établir dans ces ville« ou vant leurs propres lois et par les juges bourgs jouissaient des libertés et des pri­ qu’ils avaient choisis entre eux. L’appel vilèges que ces lois accordaient. De? vil­ de leurs sentences était porté aux Tribu­ lages mêmes étaient fondés sous Panto- naux de Magdebourg et de Halle en Saxe. ' rite et avec les franchises des lois Teu­ Ce ne fut qu’en 13 36 que le roi de Po­ toniques. logne Casimir le Grand, pour diminuer Les habitans de ces villes de ces bourgs les frais de iustice et rapprocher les Tri­ et villages étaient gouvernés par leurs pro­ bunaux, établit à Cracovie un Tribunal pres Magistrats et formaient t de petites municipal en dernier ressort, compose' de républiques au sein de la mère commune. membres que les habitans des villes a- Comme la Noblesse polonaise était seule vaient nommes à leur volonté. C’est de droit obligée d’aller à la guerre, les pourquoi la noblesse et la' bourgeoisie communes municipales en étaient exemptes; avaient en Pologne leurs loix ci nies sé­ elles ne payaient qu’une rétribution in­ parées. Quant aux agriculteurs, lorsque signifiante. Ce n’était que dans les cas quelques familles Allemandes venaient en d’un danger extraordinaire que les villes Pologne, et s’étant associées prenaient à et les villages fournissaient pour la dé­ bail emphythéotique un terrein à cultiver, fense commune une quantité d’hommes le contract fait avec le propriétaire était proportionnée. Lorsqu’un individu s’était sacré poùr les parties contractantes. Des enrolé de sa propre volonté et rendait seigneurs qui possédaient de vastes terres, quelque service à l’état il en recevait en séparaient une certaine étendue pour pour -recompense le titre de noble, alors. former des villes et des bourgs, dressaient toutes les places lui étaient ouvertes. Ain- des baux érophythéotiques sous le nom ! si la carrière militaire fournissait les mo­ lí 2 i

/ Chapitre IX. 69 ,v i T ‘ (53 C hapjtre IX. limites entre l’ancienne Germanie 'et la yens de s’élever1 à tous les Iionneurs dans Sarmatie. Cette opinion est consacrée par 3a république de Pologne. C’est pourquoi les travaux géographiques des savans d’Al­ on trouve dans ce pays dés familles no­ lemagne et par ceux d’autres nations» bles portant des noms d’une origine e- J’ose affirmer que cette opinion est fon­ trangère. dée sur une erreur : mais en l’affirmant, Si un noble venait se fixer en' Po­ je tremble quand je pense au grand nom­ logne ; il obtenait facilement de la Diète bre de savans et de littérateurs distingues la naturalisation sous le nom d’ïndigénab dont, à jùste titre, s’honore l ’Allemagne. Je Par cet acte il participait à toutes les pré­ soumets mon ''opinion au jugeûient de cet rogatives de la noblesse indigène. Tou­ illustre Aréopage et je suis sûr de son im­ tes ces lois et privilèges furent en vigueur partialité. Heureux, si par mes faibles jusqu’à l’époque de l’anéantissement de la observations je contribue à détruire les im­ Pologne. Les Puissances qui l’ont parta­ pressions peu favorables que peut avoir gée, introduisirent leurs codes et un autre conçues une illustre nation contre sa mal­ ordre de choses selon leurs volontés. heureuse voisine. Voici les bases sur les­ C’était donc ainsi que les Polonais trai­ quelles je fonde mon opinion. taient et les Allemands et les étrangers' 1. Entre la Germanie d’une part et la qui venaient chez eux; et ils abandon­ Sarmatie de l’autre, il y avait d’anciens naient tout le commerce entre leurs mains, peuples mixtes ou parlant les langues de car la noblesse croyait follement déro­ deux nations limitrophes l’aliemande et la ger à son état, si elle s’en mêlait. Je de­ sarmate. Ces peuples sont les Burii, les mande pardon de cette digression histori­ Lygü, les Vénèdes, les Penni ou Fenni que; je reviens aux limites occidentales de Tacite. de l’ancienne Nevride. 2. Les bords de la riviere, appelée Il est une opinion depuis long - tems Oder formait la limite «ntre ces peuples accréditée, c’est que la Vistule faisait les

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hapitre 70 Chapitre IX. C X. 71

mixtes et ceux que l’on a coutume de nommer Sarmates et Slaves, qui n’é­ » taient cependant autre chose que les an­ C h a p i t r e X. V| ' >' J\ ■ ' ■ ; , ,\ > : ' ' . * r ,',v. ' * yv " ciens habitans de la Nevride, DE LA LANGUE POLONAISE ET DES Ces propositions paraissent être hasar­ IDIOMES SLAVINS OU ESCLAYONS. dées au premier apperçu: mais qu’on veuille bien en peser les preuves. Pour les rendre plus évidentes ces preuves, je me vois force' de les faire précéder par des Je passais un jour par la petite ville de Hoyerswerda dans la basse'Lusace : c’elait remarques sur les idiomes des peuples qui habitent les bords de lO d er, de la un dimanche et le son des cloches appel- Vistule, du Niemen, du Dnieper ou TBo- lait au service divin ; je m’y rends. On rysthênes, et ceux d’une partie du Danube entre dans lâ Cathédrale par deux ^portes. jusqu’à la mer Adriatique. Je pris, sans y penser celle qui est a gauche. Un homme qui entrait également me dit — „ce n’est pas ici que l’on pre- ,,che en allemand. Vous devez entrer par „là,,, — en me montrant la porte adroite En quelle langue prêche - t - on donc ici, lui demandai-je „si c’est là qu’on preche „en allemal? Ici on prèehe autrement: „fut sa réponse, Comment? — autrement, c’est comme à la campagne. — „E st-il per- ' niis à un chrétien d’y entrer? pourquoi non . Eh bien je veux entendre prêcher au­ trement« Mon étonnement fut extrême * 7 & Chapitre X. Chapitré X. .75 d entendre pour la première fois une lan­ d’autres Lusaciennes avaient la tète enve­ gue qui ne m était pas tou t-à-fait étran­ loppée d’une espèce de .shall, étroit mais gère, On 1 appelle vandaîique. Mais elle long, en toile fine et blanche dont un est tellement differente de la langue po­ bout passe sbus le menton et l’autre de­ lonaise qu’à peine j étais en état d’en com­ scend ^ur l’épaule gauche. C ’est la mode prendre la quatrième partie. Le costume de l’ancienne Pioxolanie, dans les palati- des liabitans attira aussi mon attention. nats de Yolhinie, de Podolie, et de Bra- Les hommes portent une espèce de sur­ clavie. La plupart des femmes portaient coûts, laits à l’allemande, mais cet habit aussi des shalls très-amples et très-larges est ^aî£e’ iong. et ample: ce qui semble en toile blanche fortement amidonnée. Cés rappeler les mots de Tacite:., — Lo- shalls leur couvrent toute la taille, et les ? • • • • ( cupletissimi () veste distin- deux bouts, passés sur les bras descen­ guuntur non Huitante, sicut tSarmatae, sed dent par devant. Une telle mode se voit s{nicta et singulos artus exprimente.,, —- dans le Palatinat de Cracovie. La langue Le costume des Lusaciennes est plus frap­ dans laquelle on prêchait la parole divine pant. Les plus âgées portent des bonnets et cette variété de costumes que présen­ founçs en castor, comme en portaient an­ tait une société rassemblée dans une seule ciennement les femmes Polonaises. D’au­ église excitèrent en moi des sensations tres avaient une espèce de diadème de ve­ qu’il n’est pas facile de peindre Voilà lours noir, haut de cinq à six pouces qui donc m’écriai-je le reste d’un ancien peu-, leur ceignait la tète: des rubans de diffé­ pie qu’il t’a plu, o Providence, de réu­ rente ^couleur qui liaient leurs cheveux, nir avec une partie de la Pologne sous le tombaient par derrière. C’est l’ornement sceptre d’un des meilleurs et des plus ju­ que les femmes * Polonaises dans la pro­ stes Princes! .... vince de Podlachie et dans celle de Ma- Ce qui est aussi très étonnant c’est sovïe portent encore à présent. Enfin que ce bon père de ses peuples, quoiqu’

V 74 Chapitre X* C hapitre X . 75

issu d’une des plus anciennes et des plus ici de ma langue maternelle de rendre illustres familles Allemandes, unit à la hommage au Monarque qui s’est plu à connaissance de la langue de ses ancêtres l’apprendre parfaitement. celle des peuples d’une origine si diffé­ rente. Elle restera à jamais dans le sou* Le sermon du Pasteur de l’église de venir des polonais, cette séance solemnelle 1 ' Ployerswerda.fit naître en moi l’envie de de la Diète de 1509, quand ce virtueux chercher quelques livres dans cet idiome«* Prince, comme ¿>uvèrain du Duché de Mais a cause du jour de fête, je ne pus Varsovie, s’étant assis pour la première trouver qu’un catéchisme. J’eus moins fois sur le Trône des Piastes, se fit en­ dè peine à comprendre cette langue en tendre en langue Polonaise au milieu des la lisant que je n’en avais eu en enten­ Etats assemblés. Le choix des mots du dant l’orateur. La prononciation et la discours, la pureté de la prononciation, la construction que j’entendais pour la pre­ dignité du ton avec lequel ce Prince par­ mière fois, me rendaient cette langue lait causèrent une admiration générale g plus étrangère et plus difficile, qu’elle tous les Polonais qui eurent le bonheur n’est réellement. La manière de prononcer de l’entendre. On était pénétré du plus tendre respect pour ce Monarque vénéra­ les mots jette sur une langue pour ainsi ble,, on le regardait vraiment comme le dire, dne sorte de voile à travers lequel père de cette Patrie dont il s’était donné on la comprend et juge avec plus ou la peine d’apprendre la langue si difficile, moins de facilité. Un etranger qui aura, dans l’intention de comprendre mieux les appris la langue Allemande en Saxe trouve expressions de ses enfans. Il était vrai­ une différence sensible lorsqu’il lni arrive ment consolant de parler a son Souverain d’entendre les liabitans de Westphalie, et de recevoir ses repenses dans la langue des bords du Rhiii ou ceux de la Suabe Polonaise. Il m’est bien doux, en parlant parler la meme langue. A la lecture des

i 76 Chapitre X. Chapitre XL 11

ouvrages cette différence disparait; c’est WW ce 'qui m’a rendu plus intelligible l’i­ diome Lusacien dans lequel était le C h a p i t r e XI. petit livre imprimé dont je viens de parler. CONTINUATION DU MEME SUJET. LES TRADUCTIONS DE LA S™ ECRI­ TURE EN IDÏOME LUSACIEN BOHE­ MIEN, CARINTHIEN, SLAVIQUE DE HONGRIE, ROXOLANQ SLAVIQUE, RUSSE, L’THVANIEN, LETTI- QUE L’ESTONIEN ET PO­ LONAIS.

E ta n t a Gottingue, quand je fréquentais la Bibliothèque Royale j’y ai trouve par l ’aimable complaisance et la bonté obli­ geante des hommes illustres, aux soins des­ quels elle est confiée et auxquels j’ai voué pour la vie une respectueuse reconnais­ sance, j’ai trouvé dis-je, dans cette Biblio­ thèque justement célèbre un trésor inap­ préciable pour la langue Slave dans les traductions de la Sainte - Ecriture faites dans l’idiornes des diffe'rens peuples qui i - la parlent. Ces traductions sont: /

Chapitre X I. 79 78 Chapitre IX. 5) Une belle et première édition du ï ) Lé vieux et nouveau Testament en vieux et nouveau Testament en idiome idiome Lusacien, imprimé à Budissin ou. Slave, faite aux frais et par le zèle du BatUzen chez Richter en 1723. • A ' ' ]• * S ". Duc Constantin Ostrogski Sénateur Polo­ 2) Ce meme Quvrage, en idiome Bohé­ nais, imprimée en 1581 dans sa ville mien, imprimé à Prague 1577. d’Ostrog, située dans l’ancien Palatinat de Volhinie sur les bords de la riviere, 5) Une Bible appelée Palmatine paree- appellée Horÿn. Cette Bible est dans l’i­ que la traduction en a été faite par Geor­ diome qui se conserve parmi le peuple ge Dalmatin à l’aide d’Adam Bohoritsch de l’ancienne Roxolanie entre les Bory- dans l’idiome que parlènt les peuples de sthénes et le Tyrès dans la province de Stirie, Carinthie et Carniole, imprimée à la Pologne que l’on nomme Ukraine ou .Wifetenberg en Saxe l’an 1534. la Piussie polonaise. 4) Une Bible dans l’idiome qui est pro­ pre au peuple Slave de Hongrie imprimée Le Duc Ostrogski se donna toutes les à' Prefsboürg en 1308 par les soins de Mr peines possibles pour retrouver l’ancienne le professeur Palkovic. Version de Saint - C yrille, faite dans le neuvième siècle. Il n’épargna dans cette J ai eu aussi le plaisir d’y lire dans le vue ni les frais ni les soins. Il reste ce­ meme idiome une collection de Poésies pendant à savoir si toute la Sainte - Ecri­ de cet estimable Professeur, intitulée —. ture fut traduite par cet Apôtre des Slaves, Muse des montagnes Slaviques — Elle et si un manuscrit en a pu être conser­ renfeime ses belles compositions origina­ les et les traductions des auteurs classi­ vé sans être altéré, pendant l’espace de sept-cents ans à peu près jusqu’à à l’épo­ ques sur tout de l’Iliade d Homère. . Je que de la première impression, due au lue propose de traduire quelques morceaux de ces poésies agréables» fcèle du Duc Constantin. 80 * C j-UPITPiE XL Chapitîrje. XI. si » ; i , ' ' . - ' ' ’ .» , ’ Il se trouve dans cette meme Koxo- louais. Ces archives serviront donc de lanie tni depot singulier pour la laiigue monument pour la langue slave. Il est slav^. Ce sont de grandes archives publi­ vrai qu’une grande partie en a péri pen­ ques, qui existent dans les villes, nom­ dant les guerres terribles des cosaques, des mées Zytomir, Owrucz, Winmtça.s Lu* tartares et des turcs • qui ont mis, sur­ ceorie, Kreniieniec et Leopol. C ’est dans tout au milieu du dix - septième siècle, ces archives que les habitaos de cette Pro­ ce beau pays à feu et à sang , et ont b rû ­ vince ont Consigne et enterriné leurs actes lé en partie ces archives. Cependant on privés concernant leurs affaires de famil­ a sauvé beaucoup de ces livres manuscrits. les et des procès judiciaires, H s’y trou­ Je reviens aux Bibles que j’ai 'trouvées ve des manifestes, des plaintes en ma­ dans la bibliothèque royale de Gottingue. tière civile et criminelle, des transactionV- 6) Le vieux et nouveau Testament en des contracts de tout genre, des sentence,? langue Kusse, imprimé à Moscou par les dès Tribunaux, et des privilèges accordés ordres du Tsar Alexis Michałowicz sur par les princes et les rois. Ces archives l’exemplaire de la Bible d’Ostrog avec des étaienttrès exactement surveillés par les corrections appropriées à l’idiome Russe, Notaires, les grefiers et les juges qui rece­ CJne autre édition plus élégante et sans vaient ces pieèes, apportées par les cito­ doute plus correcte, faite en 1751, dediée yens, et les îlabitans, et les faisaient tran­ par le Synode Russe à l’Impératriçe Eli- scrire eu caractère slavitjue sur des li- ' sabeth. vies que l’on garde avec grand soin. Ces 7) Une Bible dans l’idiome Lettique actes ont été écrits pendant plusieurs sié« qu’on parle en Livonie. Cette Bible fut clés en langue Slave de Pioxolanie ce qui imprimée pour la première fois à Riga et continua jusqu’à peu prés au milieu du dediee par Jean Fischer Surintendant du dix - septième siècle. Depuis ce tems - là Duché de Livonie à Charles XI roi de on les dressa et les dresse encore en po- Suede, souverain de ce Duché, Elle fut F

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V • ( / 7; ' ' ; \ . *'• • > i X:' • : • ' • • x ; • . /; ' : # 82 ' Chapitre XI. C h a p i t r e X I- 83

réimprimée en 1759 et dediée à l’Impéra­ nien. L ’idiome Litlivanique est renferrné trice Anne par Jacques Benjamin Fisclier. dans l’espace compris entre les bords de On voit dans cette traduction une lan­ la mer Baltique , le pays de Prusse et de gue tout-à-fait différente de l’Idiome slave Lithvanie, depuis à peu près la rivière dont on n’y* apperçoit que rarement par-ci de Passarge jusqu’à la Duina. Il est par-là quelques mots changés dans leur cependant à observer que les babitans de forme primitive. la Samogitie et ceux "de la Lithvanie qui 8) Un autre idiome voisin du Lettique demeurent entre la rive droite du Nié­ est r.Estonien. vJ’ai vu une belle édition men et celle de la Wilia ou Néris par­ de la Bible dans ce dernier idiome, im­ lent cet idiome et ne different entr’eux primée en 1772 in 4to., On n’y trouve que par un accent peu sensible, tandisque plusx de mots de la langue slave, ou ils l’idiome Litlivanique sur la rive gauche sont tout a fait changés. , du Niémen vers la Passarge en Prusse, s’éloigne très - évidemement du premier, 9) Le meme ouvrage dans le viel idiome quoiqu’il ait sans aucun doute la meme Lithvanien, imprimé à lionigsberg en origine; il parait même être plus cultivé. 1735» dédié au ftoi de Prusse'par J. J. Avant que la Lithvanie fut unie à la Quandt. Pologne, les Ducs de la première avaient Cet idiome est remarquable par sa conquis, le long du Borystliënes une gran­ précision; il p’offre pas ce fréquent con­ de partie de l’ancienne Pioxoîanie et l’a- / > y cours de plusieurs consonnes à la fois ce vaient incorporée à leurs états. Mais par qui rend si pénible pour les étrangers la une singularité remarquable les conqué­ prononciation des idiomes slaves. Le Lith- rait s se sont approprié l’idiome du peuple vanique n’a avec ceux-ci ni ressemblance conquis c’est-à-dire Iloxolano-slave, et ni analogie. Il est aussi beaucouç diffé­ cet idiome devint langue de la cour et rent du Lettique et sur-tout de l’Esto- des Tribunaux Lithvaniens. Lorsque dans » . F a CHAPITTiE XL 85 Chapitre. XI. ; .« / , 84 y ' [ / ' . ‘ \ - / / , 'k' ■ la suite, Jagellon Duc de Lithvarsie fut à l'église Grecque, dissedente de l’Eglise élu roi de Pologne et unit son Duché à Catholique, le Prince Rodziwill l’a rendu celle-ci, depuis cette époque la langue à une autre partie des peuples, parlant le Polonaise devint celle des Lithvaniens et Polonais, qui professent la? doctrine de leur idiome national ne se conserva que l’Egliçe'réformée. Ce prince, ayant réuni parmi le peuple qui le parle à présent. chez lui des hommes profonds dans la Les leçons dans la religion, les chants, les connaissance des langues Hébraïque, Grec­ prières les sermons se font dans l’idiome que, latine et polonaise, les chargea de Lithvanien. Cet idiome est riche, expres­ la traduction du vieux et nouveaux Testa­ , harmonieux, bien propre à rendre ment, leur fournit une somme suffisante dans la traduction les beautés des auteurs d’argent pour les frais, les aida lui-meme classiques t ses mots ont une prosodie dans ce travail, récompensa les collabo-' comme la langue grecque et latine, maïs rateurs, fit imprimer à ses frais toute la Bible, à la tète de laquelle il mit une in- il est injustement abandonné et peu cul­ 1 1 tivé. v troduction faite par lui - meme avec un 9) Le vieux et nouveaux Testament, discours adressé au roi, et alors il la ré­ traduit en Polonais, imprimé en 1580, pandit en public. C ’est dommage que dans dédié par le Prince Radziwill Palatin de cette traduction l’harmonie de la langue \ » Wilna à Sigismond Auguste roi de Po­ Polonaise ne soit pas assez soigneusement logne dernier de la famille des Jagellones. observée Cette traduction est faite conformement L’impression de la Sainte - Ecriture à la doctrine de l'Eglise reformée. pour les Catholiques de la langue Polo­ Le grand service que le Duc Qstrogski naise précéda celle du Prince Radziwill: inspiré par son zèle religieux a rendu, en elle lut faite en 1551 et 1561 sur une tra­ faisant imprimer la Bible, à une partie duction et un manuscrit que l’on prit soin des peuples parlant l’idiome slave, attachés de faire vers l’an 1590 à l’usage de la reine /

- ■ , '• . » I . - , . . , . * , / ' . '< , | Chapitre XL Chapitre XI. 87

Edvige, épousé de Jagellon. L ’historien Mes recherches sont .semblables à polonais, Jean Dlugosz ou Longinus celles d’un voyageur qui, ayant rencon­ fait mention de .cette traduction en par­ tré de vastes ruines, en observe les lant de la reine Edvige. colonnes éparpillées, . en ramasse les fragmens dispersés, les compare les L ’Idiome slave est répandu sur les uns aux autres, déchiffre, en gémissant bords de la mer Adriatique en Istrie, en leurs caractères effacés, tronques ou chan­ Morlaquie, en Daîmatiej on le parle en gés : et en mesurant d’un oeil Iiumide Bosnie et dans cette infortunée Servie que leur ensemble, s’efforce à deviner l’épo­ la fureur des Musulmans ne cesse pas de que de l’existence du grand édifice qu’ils couvrir des tombeaux de ses liabitans in- composaient. trépides mais peu nombreux. Par rap­ On voudra bien observer que je vais port à tous ces peuples je n’ai à présent dire quelques mots des idiomes tant des sous la main que l’estimable voyage en pays qui forment la L u s a ce, la Bohême, Dalmatie de Mr l’abbé Fortis dans la Moravie, la Stirie, la Carintliie, 1’[strie, lequel ce savant Voyageur parle de la lan­ et la Morlaquie, que des pays habités gue et la littérature des Morlaques et où. par les familles de la même origine sur il a inséré des morceaux de poësies en les bords de la Save , de la Drave, d’une leur langue slave. partie du Danube, de Theïss, de ceux C ’est donc sur ces monuments sacres arrosés par le T yrés, l’Hypanis, les Bo- et littéraires que j’ose établir mon opinion rysthènes, la Vistule, la Warte, la Netze sur l’analogie et la différence des idiomes qui composaient autre fois la Pologne, je des peuples Slaves et remarquer chez le hasarderai quelques, mots sur la langue lequel de ces peuples en particulier, cette et la littérature Russe et celles des Lith- langue à conservé son type originaire et vaniens. se trouve à présent plus cultivée. v * f \ . S ■* '< • . ’ ' t <■ ! „ ï Ç .1 ' ■ '■ ' ;;

sa C hapitre XII. C h â p i t r e XII. 89 ' . ‘ X ' l * / / ✓ imeur Vogel. Une telle question pourrait se résoudre facilement chez les nations

Chapitre XII,4 dont la langue vient, plus ou moins di­ rectement de la langue latine, car il en ANTIQUITE DES IDIOMS SLAVES, existe un immense' trésor qui servirait de LEUR ANALOGIE, LEUR DIFFEREN­ point de comparaison et dissiperait les CE, LEUR POINT CENTRAL, doutes. Les peuples slaves n’ont pas le bonheur de posséder une mine de littera- ture aussi pr’ecieuse. Cepenciant leur idio­ j l est hors de doute que les peuple^ de me est très riche par lui-meme et il est ces pays, excepte' l’ancienne Litlivanie, né parlé dans une vaste partie du globe ter­ parlent que les idiomes qui ont la meme restre. Il se forma par lui - même sans origine radicale: mais qui sont différera* s’emparer d’une autre langue et se conser­ ment modifies ou par la succession de ve par ses propres ressources. Ce qui est siècles, ou par des causes extérieures ou encore bien remarquable , c’est qu’il n’a­ par la culture de l’esprit. Les seuls sa­ vait pas même jusqu’au neuvième et di­ vants . de Russie ont ouvert entre eux xième siècle des signes ou caractères pour sur la question, si la langue de leur na­ aider la mémoire et pour communiquer tion a pour sa source l’idiome slave, une ou transmettre la pensée par écrit. discussion qui ne parait pas être défini* Ce langage remonte sans doute aussi tivernent terminée. On peut lire sur ce baut que l’origine des peuples de ces va­ sujet une dissertation intéressante de Mr. stes contrées. Cette origine se perd dans A,, Scliischkov , Numéro VI de la bel­ les siècles et l’époque du commencement le collection de morceaux de littéra­ de la langue est ignorée. On n’en peut ture Russe que Mr. Severin Vater vient; rien connaître que par la combinaison de faire imprimer à Leipsic chez Fimpri* des laits postérieurs qn’ atteste 1 histoire. , C hapitre XII. , . , . • , > ■ ' ' ' - question : les preuves pragmatiques n’en PerGoime n’a mis en doute ni la tentative existent pas. Quelques mots, conservés de Darius roi de Perse contre les Scythes» ni la délibération des princes de sept na­ par Strabon ont rapport a la langue d au­ tions limitrophes de la Scythie, dans mie tre pays. Dans ce doute il faut essayer assemblée dont parle Hérodote et à laquelle le chemin que se tracent les mathémati­ s’etaient présentés les envoyés Scythes pour ques, celui de procéder autant qu il est demauder du secours contre les Perses, possiblè du connu à l’inconnu. Ce fait n’arriva que cinquante et quelques L ’histoire apprend assez clairement années avant l’époque à laquelle ce grand que les pays où Hérodote plaça les Sauro- historien a lu publiquement dans la Grèce mates, les Gelons, les Budins, ceux, de la son immortel ouvrage: ce fait est donc Scythie, située, vers les bouches du la­ avéré. Les demandes des envoyés et les mas, du Borysthènes, de l’Hypanis, de délibérations des Princes se firent de vive Tyrès, du Danube, furent depuis l’ère voix sans l’assistance des interprètes. Ce chrétienne çontinùellement inondés par les fait prouve donc que la langue qu’ils par­ hordes de l’Orient. Pendant l’espace de laient, leur était familière, et peut-être huit à neuf siècles une horde en chassait elle était commune à tous ces peuplés. une autre et se fixait dans ces pays cruel­ Hérodote ne manqua pas d’indiquer la di­ lement ravagés. Enfin les Tartares s’em­ versité de langage des autres Scythes orien­ parèrent de l’ancienne Scytlfie qui ayait taux et le nombre d’interprètes qu’il fal­ perdu son nom primitif et qu’ils tinrent lait avoir k la foire de Dioscurias où ils très- long -teins sous leur domination ter­ faiseaient leur commerce. Quelle était la rible. Il est donc humainement impossi­ langue dés peuples et des princes qui dé­ ble que les anciennes races de Sauioma- libéraient sur les demandes des Scythes? tes» de Scythes, de Gelons, de Budins, où a-1-elle pu se conserver? Il est im­ même de Melanchlaenes et d’Andiopliages possible de repondre avec certitude à cette avec leur langue s’y soyent conservées. 9 2 Chapitre XII. - C h a p i t r e XIÎ 9 5 t /* ' » • , : • , ■ ' -, v ’ / / . • 1 - - r , ( < Au contraire la plupart de ces peuples Germanie qui étendait ses limites jus­ changèrent leurs établissements et se por­ qu’aux bords de la Vistule et que par con­ tèrent au-paravant sur les bords du Da­ sequent c’était la langue Germanique qui nube et de la Drave. On peut donc affir­ y était parlée. On pourra aussi ajouter^ mer que depuis les .émigrations des anciens que ce ne fut qu’après ¡’emigration des habitans et l’invasion des barbares la lan­ Vandales et des Bourguignons, ce qu’au gue originaire s’est perdue dans ces con­ testent les historiens modernes, que les co­ trées. lonies slaves y entrèrent et qtie par con­ Mais le cas est bien différent par rap­ sequent l’idiome Slave n’y était pas indi­ port aux peuples de l’ancienne Nevride. gène. De telles objections, si l’on en fait Les pays qui sont arrosés par le B u g, ' la ne seraient nullement fondées. Pour les V is tube et la Warte ne furent jamais en­ prévenir et redresser les erreurs qui se vahis depuis la guerre passagère de Da- ; sont répandues d’après plusieurs auteurs rius. Ces pays composent le centre de la modernes je vais ici établir les proposi­ Nevride et des pays que l’on indiqua à tions que j’ai suspendues dans le chapitre Hérodote sous le nom de déserts du Nord, IX et prouver que les limites de l’ancien­ lis devinrent sans doute l’asylé dés restes ne Germanie n’ont jamais été portées aux inloitunes des peuples voisins qui avaient 1 bords de la Vistule. fui la tyrannie de leurs farouches conqué- rans, et la langue de ces réfugiés y resta intacte. Ces memes pays composent aussi la pologne qui fait le centre , dey tous les peuples qui parlent aujourd’hui la langue Slave en Europe. On pourra faire l’objection que d’à- près Claude Ptolomée c’était l’ancienne , . 1 . ' ■ i ' - ■ , - ‘ • 1 t ..... ; > é ; -..... , . •; ; * " r .>

\ ,Chapitre XIIf. 35 g i Chapitre XIII. t \ ^ \ , lion premièrement que Strabon dans cette foule de peuples ne regarde les Her- nionduri, les Luii, lés Longobardi que Chapitre XIII. comme une partie des Suévie: en se­ IDIOMES SLAVES SUR LES BORDS cond lieu *que la foret d^Hercynia da- DE L’ODER. SRABON. NATIONS DES près cet écrivain s’étendait le long des LUI DES BUTONS, DES MUG1LONES, monts Carpathes, aux quels il ne donne DES HERMUNDURI etc. pas leur nom: en troisième lieu si l’on - ’■ l ' distingue bien les Gètes, les B'astarnes, ■■ ■ ■■<§> j») <$>!»■ _, • | \ \ ) ' , V ■ ■ ' ■ les Tyrigètes dont il confond souvent les possessions. Je soumets ici à l’attention Jf faut commencer d’abord par Strabon ses propres paroles, tirées de la traduction apx ouvrages duquel on assigne pour épo­ faite par Mr Corai: Strabon dit: — „En­ que le commencement du régné de Tibère. tre ces deux fleuves, (lé Rhin et l’Albis Les connaissances de ce géographe sont en on trouve encore d’autres fleuves naviga­ général très- étendues ; mais elles, parais­ sent bornées, comme il l’avoue lui-même, bles, tels que l’Amasis sur lequel Drus us à Fégard du Nord de l’Europe. Il'est très défit les dans un combat naval. Tous ces fleuves, dirigés du M idi au Nord difficile d'établir avec précision, d’après cet se déchargent dans, 1 Océan. Dans ce me­ écrivain, les limites qui séparaient les me pays, sont aussi la forêt Hercynia Germains de leurs voisins à l’Orient. Ces et les peuples composant les Suevi dont difficultés naissent en partie- du grand nombre des peuples qu’il confond les uns une partie habite dans la foret meme, tels avec les autres , et en partie de ce qu’il que les Coldui, chez les quels est Boiae- ne détermine pas avec justesse le cours de mum, résidence du roi Marobudus qui l’Albis. Elles,deviendront cependantbeau- transporta dans ce pays, entre autres peu­ ples, les Marcomani, ses compatriotes.,, — coüp moindres si* l’on observe avec atten- ' s ) s ■■ ' > i 1 pG 1 - C h a p i t r e XIII. 1 —* „Get homme d’abord simple parti­ Or thilippe Cluver met f ces Lemovii^ culier, parvint à s’emparer de l’Admini­ , Burgundiones aux bords de la stration des affaires, après son séjour de Vistule; par ce trait il a étendu la domi­ Home, où, dans sa jeunesse, il avait fait nation de-Marobudus jusqu’à cette rivière son séjour, et. joui dè la bienveillance où elle 11’alla jamais* Strabon continue sa d’Auguste. Devenu le souverain de son narration: pays, il augmenta sa puissance par la — j’ai dit qu’une partie des Suevi occu­ conquête des Lui! peuple considérable, pait la forêt Herçynia même, le reste ha­ des Z u m i, des Bu to n e s , des Mugi lo­ bite /hors de cette forêt sur les frontières ues, des Sibini et du nombreux peu­ des Gêtes. De toutes ces nations, ils sont ple des Senones qui fait partie des Sue­ la plus considérable, car ils s’étendent de­ vi.,, — p a g 5 et 6, cbap. IX livre'VII puis le H h in jusqu’à l’Albis et il en vol III. avait' qui s’étendaient jusqu’au - delà de ce A l’egard des Luii, des Zumi, des Bu- fleuve comme les Hermonduri, et les Lan- tones, des Mugilones, des Sibini, le tra­ gobardi. Aujourdh’hui les derniers ont été ducteur de Strabon observe que Philippe même forcés de passer tous de l’autre co­ Cluverius a fait des corrections et traduit té de l’Albis. — „pag 7. voll III de la ces passage ainsi: — „il augmenta sa puis­ Trad. de S tr a b. ; sance par la conquête des , peuple Presque tous les écrivains et les Géo­ considérable, des Lemovii, des Guto- graphes qui parlent de l’ancienne Germa­ nes, des Burgundiones, des Sebini et nie , sont d’accord que les Longobardi 00 du nombreux peuple du Senones qui fait eupaient, jusqu’à l’époque de leur émigra­ partie des Suevi. — voir la note 5 pag. <5 tion le pays aux environs de la rivière de ibidem, et l’ouvrage intitulé.,, — Philippi Havele, ns rie sortirent cependant pas de Cluverii Germaniae antiquae libri très: la Germanie pour aller chercher de nou­ edit. Elzevir. 1716, pag, 119, cap. 31* veaux établissements sur les bords de la libro III. G C hapitre XIII* 98 Chapitbe XIII. 99 Vistule, mais ils se rendirent au midi et ensuite il s’élargit vers le nord jusqu’aux firent la conquête d’une partie de l’Italie „Tyrigètes. Néanmoins il ne nous est pas où ils fondèrent un royaume, générale­ »,possible d’indiquer au juste les limites de ment connu sous leur nom, devenu as­ „ce pays, et c’est aussi à cause de l’igno- sez célébré. „rance où l’on est à ce sujet, qu’on a é- Les Coldui qui étaient sous le gouverne­ „couté ceux qui débitaient les fables des ment de Marobudus, les Marcomani ses ^>monts -Riphées et des hyperboréens.,, — compatriotes, comme aussi les Luii, les Traduc. de Strab. Voll. III. pag. Zumi, et les autres peuples mentionnés, On voit par cet extrait que Straboii que Marobudus avait soumis à son sceptre, place les Gètes aux bords de l’Ister vers le ne sont pas rangé par, Strabon au nombre midi, et au septentrion sur les montagnes de ceux qui avaient passé l’Albis et s’e- de la forêt Hercynia. Au nord de taient fixes sur la rive droite de ce fleuve. l’Ister il n’y a que les monts Carpates ou — „Le reste (des Suevi) habite hors Tatry en polonais* de cette forêt — ces paroles de Strabon de­ Le pays des Lrèteâ — ■ ^occupé', d’a* viendront plus claires étant unies à celles près Strabon, u n e partie de ces mon* qui suivent chez cet auteur. tagnes, ensuite il s’élargit vers le — ,,Quant à la partie méridionale nord jusqu’aux Tyrigètes.,, — 11 est „de la Germanie au-delà de l’Albis, le pays impossible de marquer plus ¡clairement Ieâ „qu i succède à la rive de ce fleuve est en­ Carpathes qui, par leur chaîne * nommée core aujourd’hui occupé par les Suevi. Beskidi ou Bieschadi en polonais „Immédiatement après, est le pays des dont il est parlé plus haut au chapitre III „Gètes : d’abord étroit, il s’étend au midi de ce discours, s’abaissent et descendent „le long de Pister, et au Septentrion le long Vers la Nevride qui, d’après Hérodote, e- „des monts de la forêt Hercynia, il oc­ tait séparée des Tyrigètes par un lac d’où cupe même une partie de ces montagnes, Sortait le Tyrés. La Germanie touchait .G 2

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JLOO C h a p i t r e XIII. „ Chapitre " . . • x / .. ' V 7 ?'■11; • , XIII. îot par les limites méridionales à une partie pays des Gètes: — car il aurait fallu du pays des Gètes qui était d’abord rétréci que Strabon eut demeuré dans la Lusace , entre les montagnes et l’Ister, ce qui ré­ moderne quand il écrivait ses livres géo­ pond au pays qu’arrose la riviere de Mo- graphiques, et il était alors probablement ‘ rave lorsqu’elle descend pour entrer dans à Rome. Mais le doute et la faute pré­ lister. tendue u’auront pas lieu, si l’on admet — ,,Quant à la partie méridionale de que les anciens comprenaient ce qui est la Germanie au-delà de TAlbis.,, — Phi­ bien vraisemblable, sous le nom de ri- lippe Cluverius trouve ici Strabon en faute. ' viére Albis la Moldave ou Weltawa d’au­ Il regarde cette rivière, comme tous avec jourd’hui, ce que l’on trouvera plus pro­ lui, sortant des montagnes appelées Rie- bable par un passage de Tacite dont je sengebirge, à la quelle les habitans parlerai bientôt. de Bohème donnent le nom slave de Labar. Celle-ci descend de ces montagnes ou plutôt d’une vallée nommée Teufels- V grund d’après Ph, Cluver, va un peu vers le midi jusqu’à Iionigsgràtz, tourne après à droite vers l’occident, et après avoir décrit un arc, elle se joint près de Melnik à la rivière de Moldau, en Bohé­ mien Wltawa D ’après ce cours de l’Elbe des modernes, on ne peut dire comme le fait Strabon — „au-delà de lAlbis, le „pays qui succède à la rive de ce fleuve „est encore aujourd’hui occupé par les 3 uevi. „Immédiatement après* est le

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îoj 102 CttAriTRE XIV. Chapitre XIV, I fines perfluit, Romanis cum signis per- ductus. exercitus. H b, fl. c. 106. La derniere phrase — ad fl uni en C h a p i t r e XIV, Albim qui Semnonum Hermundo­ VELLEIUS PATERCULUS, rumque fines per fluit. — Cette phrase , . * 'in- y veut objecter. Velleius ne dit pas ici „haerentium oculis ingeniorum, juxta fines, dans le sens que ce géogra­ „inter quae maxime nostri aevi e- phe lui prête, mais per-fluit-fines c. „mihent princeps carminum Vir- à. d. per fines fluit. Dans sa relation de „gilius. . . Tibullusque et Naso la guerre des IVIarcomans, le même Vel­ „perfe ctissimi in forma operis sui, leius parle ainsi de leurs frontières: liv. II. ç. 36, _ 5îpraeter gentem Marcomanorum, quae Cet historien, militaire qui combattit „Marobuduo duce excita sedibûs suis, at- sous Germanicus, donne quelques notions ,,que in interiora refugiens, incinctos Her- sur l’ancienne Germanie lesquelles sont „cyniae silvae çampos incolebat» Maro- d’autant plus estimables, car il y vint, et „buduus genere nobilis, corpore praeva- vit de ses propres yeux ce qu’il dit : — , lens, animo ferox. , . . Occupatis, ut Quanti voluminis opéra insequenti aesta- „praediximus, locis, finitimos omnes aut ,}te, sub duce Tiberio Caesare, gessimusl „bello domuit, aut conditionibus juris sui „Perlustrata armis ta ta Gerinania est. fecit, lib. IL icg. — „Erat etiam eo ti- „Victae gentes, . . f\eceptae Chaucorum „mendus quod, cum Germaniam ad „nationes. . . Fracti Langobardi. ...» de- laevam et in fronte, Pannoniam unique. . . a Rheno usque ad flumen ad dextram, a tergo sedium suarum Albim qui Semnonum Hermundorumque fiaberet Noricos, tanquam in omnes Chapitre, XIV. Chapitre XIV. 105 J . V. ✓ semper venturus ab omnibus time, champ autant à ^instruction qu’aux discus­ batur. lib. IL c. îqcj. On voit donc ici sions sur Pancienne géographie. Il em­ que le royaume de Marobudus ne s’éten­ brassa d’un coup d’oeil rapide le monde dait pas jusqu’à ia Vistule Polonaise, quoi­ tel qu’il était connu vers le milieu du que le savant Çluver lui donnât les Ly- premier siècle de Père chrétienne et il en §}üj les Guttones, les Lemovii et traça un tableau plus lumineux qu’étendu, C. c. Son opinion est donc réfutée par Il montra sous un aspect plus distinct l’Eu­ Velleius Puterculus. Celui-ci finit le mê­ rope, il détermina les frontières de la me chapitre. : Sarmatie qu’il place à coté de La Germa­ Sentio Saturnino mandatum, ut per nie. Il fut aussi le premier qui fit men­ Cattos, e'xcisîs continent ibûs Here y- tion d’une riviere qu’il nomma la Visu­ niae silvîs legiones Boioiioemmn duceret; ie, Visula que l’on traduit par la Vistu­ ipse (Tiberius Caesar) a Carnunto, qui le de Pologne, Quoique je n’aie en vue locus Norici régni proxitnus ab hac parte que les frontières entre les anciens Ger­ erat, exercitum qui in Illyrico merebat, mains et les Sarmates, et plus particulière­ ducere in Marcomanos orsus est. lit, c% ment encore les pays que parcourt la- Cette relation de Paterculus confirme véritable Vistule, pour atteindre ce but presque tout ce que Strabon avait. avancé avec plus de facilité, je me vois forcé de a l’egard de la riviere d’Albis, des limites dire ce que Pomponius Mêla entend par de la Germanie méridionale et des posses­ l’Océan septentrional? et d’indiquer sions de Marobudus; voyons ce qu*en a la ligne qu*il se trace pour arriver à la dit un ancien écrivain peu de teins après. Sarmatie. — Europa . . ♦ ce sont les paroles de Pomponius Mêla cet écrivain ... Europa terminos liabet.... «e' en Espagne, auteur de l’ouvrage inti­ ab occidente Atlanlicum a Septentrion© tule ne situ Orbis pre'sente uu vaste Britanniçum Oceanum. lib. I. c, 4, 1

1 . .i- . 306 ' Chapitre [XIV. ’C hapitre XIV. 107

Avant d’arriver à la Sarmatie, Pom- Il entend la mer entre l’Angleterre d’une ponius Mêla continue la description de part et de l’autre entre les pays qui vien­ l’Espagne, des Gaules et de la Germanie. nent d’étre mentionnés ; habet Europa ą — Haec Hispania, in occidentem, diu- septentrione Britannicum Oceanum. que etiam ad septentrionem diversis fron- Ayant terminé la description du Rhin, tibus vergit. Deinde rursus G allia est, Pomponius Mêla poursuit ainsi; longe a nostris littoribus liuc usque pro- hinc ripis ejus (Piheni) us­ missa. Ab ea Germa ni ad Sar matas que ad Alpes, a meridie ipsis Alpibûs, ab porriguntur, illi ad Asiam, lib. I. c. 4. oriente Sarmaticarum confinio gentium : La côte de l’Europe vers le Nord est qua septentrionem spectat oceanico destinguee ainsi ; ,,Europa ♦ . . , , extra fittorç obducta est. lib. III. cap. 3. „iietupi (Gaditanum) ad occidentem inae- A la plącę, de, confinio geutiu’m* „qualis admodum, praecipue media, pro- |1 parait plus convenable de mettre con- , „ currit: ad Septentrionem, nisi ubi finiô montium. La première locution semel iterumque grandi recessu abducitur, ne détermine pas les frontières, puisqu’on „paene ut dirseto limite extenta est. lib. T. demanderait toujours où sont donc ces ç. 4. — „Grandi recessu, cela paraît confins? Il est vrai que Tacite dit aussi;— „être çe grand arc que décrit la mer de Germania omnis ..... a Sarmatia ...m u-, „Biscaye* tuô me tu. . . . Une singulière limite La limite septentrionale de l’ Eu­ que celle de, mu tuô mętu, mutua se- rope n est donc, d’après Mêla autre chose curitate... mutua amicitia.,. Mais que la ligne de cotes qui commence à Tacite a eu garde d’ajouter — aut mon- l’Espagne, longe les. côtes de la France, tibûs; — ainsi çette phrase, appuyée d’un de la Hollande, du Dannemark, de la signe naturel, forme déjà physiquement Norvège et finit vers le Cap du Nord. une frontière entre deux peüples. C’est Tandis que par l’Océan septentrionale ^ une remarque que je me permets et non

1 /

- 1CB Chapitre XIV#

pas uns critique contre ces grands écri­ midi et l’orient par les montagnes des Gè- vains. tes, ce qui veut dire par les monts Il faut observer que l’expression de Carpates ou Sarmatiques. P. Mêla telle quelle est, sarmaticarum con- Les paroles de Pomponius Mêla sont : fmio gentium, ¡ne veut pas dire bornée — Amnium in alias gentes exeuntium Da­ par la Vistule. L’auteur latin continue: nubius et Rhodanus, ip Rhenum Moenis Paludum S r e s i a, Estia et Meltia- et Luppia in Oceanum Amisius, Visurgis gum maximae: sylvarum Hercynia et ali- et Albis clarissimi. lib. III. c. 3. quoi sunt quae iiomen habent, sed ilia Ni le Guttalus, XOder ; ni la Vistule dierum sexaginta iter occupans. li b. III. 0.5. ne sont mis par cet auteur au nombre Le savant Bredôw a joint à sa tra­ des fleuves de la Germanie. F. Mêla parle duction — Taciti de Morib. Gerrnan. à la vérité d’une Visula mais c’est par une carte géographique sur la quelle il erreur qn’on la prend pour la Vistule place la foret Hercynia dans une direction Polonaise. qui prend depuis les bords du Rhin près — „Sarmatia intus,' quam ad mare, de Bâsle, passant par la Bohème jusqu’à latior, ab bis quae sequuntur, Vistula, la Vistule vers la ville de Thorn. Mais d’apres l’édition de Mr. Tscuche, et d’après V. Paterculus cette foret était dans d’après les autre ¡s, Visulà amne discre- le pays des Cattés: et ce fut par cette ta, qua rétro abit usque ad Istrum flumen foret que Tibère César ordonna de immittitur. Gens liabitu armisque Parthi- couper le chemin, mandatum ut cae proxima. lib, III. c. IV. per Cattos excisis continentibus* On prétend que d’après cette phrase. Hercyniae sylvis, pour faire pas­ — Sarmatia . . . ab his quae requuntur ser Tannée dans les pays de Marobu- Vistulà. Visula, amne discreta . . . Ciiis qui étaient ceints, par cette foret, la­ Pomponius Mêla porte les frontières de la quelle, d après Strabon s étendait vers le Germanie aux bords de la Vistule de Po­ Chapitre XIV. n i i io Chapitre XIV. fred, toutes ces dénominations chez les logne. Mais il ne le dit nullement. Il géographes modernes ne sont qne Syno­ connaissait l’existence d’une Visula; si nymes de la Vistule Polonaise. elle faisait la frontière entre ces deux peu­ Ce n’est pas ici lieu d’ouvrir une ples, il n’aurait pas oublie de l’indiquer discussion à se sujet; elle viendra dans expressément pour limite, ce qui serait son ordre. Mais il est de mon devoir de beaucoup plus convenable que de dire —* rapporter à présent quelques mots d’A- confiniô gentium. mien Marcelin qui, sans doute, avait lu Ce fut après avoir fini îa description Strabon, Pline, Tacite, Ptolomée et Pom- de l’Espagne, des Gaules, de la Germanie ponius Mêla, avant qu’il ait écrit son ou­ que Mêla, en parlant tout de suite après, vrage Il parait meme copié ceux qui de la Sarmàtie, a e'crit la phrase quae se* l’ont précédé et sur-tout le dernier. Il quuntur qui suivent, pour les distin* peut donc servir de guide pour éclaireir guer de ceux dont il venait de parler c. nos doutes. à. dire des Germains. Le sens de cette Marcellin, après avoir fait l’énuméra* phrase deviendra plus clair si l’on con* tion des peuples qui habitaient les bords sidéré les différens noms, trouvés dans du Pont-Euxin et la Tauride, se rend les anciens, et que l’on attribue à la V» vers les monts Riphéens et dit: stule moderne. — ,,Ergo in ipso hujus compagis ex- Quand C. Pline nomme le Vistilîuê* ordio, ubi Riphaei defficiunt montes, ha* on dit faussement qu’il parle de la Vistu® bitant Arimpliaei, justi bomines, placi- le: quand Tacite parle des Venédes, oil ditateque cogniti, quos amnis Cbronius les place en son nom aux bords de cette et Bisula perfluunt: juxta Massage- Vistule, quoique Tacite ne l’ait pas nom­ tae, Aiani et Sargetae, aliique plures ob- mée Une seule fois. Une Vis cl a de Jor* '$curi quorum nec vocabula nobis sunt no* iian&es, une Îîisüla d’Ammien Marcellin» U nec mores» înterjectu deinde non me® Une H u i s t a de D écuil, un W e s 1 e d\AU \ > ■ ■ \ -■ . . , , J-- '»/ 'A.' „* y ; ’c , !

1Ï2 CiïAPITKE XIV. ' ■ ' ; ' * ' ' » ;■ 1 ; ; * ■ \ Chapitre XIV. , 113 diocri Carcinites. Dein BorySthenes. — a-tiï pas deux rivières très-distinctes que l i b. J22. cap. 3. l’on appelle la Du in a? Les noms de La Bisula d’après l’orthographe Grec Bog et de Bug, celui de Dniester Tyrés et et Visula d’après le latin était donc, de Dnieper Borysthènes sont très-peu dif- comme on le voit, dans les environs des lerents, mais les rivières qui les portent monts Riphéens dans le pays des Arym- sont très éloignées l’une de l’autre. Aux phaei, au - delà de la rive gauche du Bo- rysthènes. C’est donc avec raison qu’en dénominations de Visula, de Bisula, de suivant la ligne depuis l’Espagne jusqu’à Vistillus, de Viscla, de Wesle, on doit en­ l’Asie, Pompo'nius Mêla dit ; — Sarraa- core associer celle de Vislas, nommée ,par tia .. . a b bis quae sequuntur, id est Constantin Porphyrogénète . . . Zachiu- gentibus Asiae. 11 n’a pas ajoute' ces der­ morum principis filii a non baptizatis ac- niers mots : il n’en avait pas besoin, puis­ colis flumiiïis Vislas : siç rwv BtcKcnç. qu’il avait dit plus haut, Germa ni ad D e admin. Imper, c. 35. Sarmatas porriguntur, i 1 li ad Ce dernier Vislas ressemble beaucoup A si am. plus à la Wisla Polonaise, et cependant la Ayant fini la description de la S arma» Vislas de Poryphrogénèîe coule dans l’Il- tie, Pomponius Mêla commence tout de Jyrie Slave. Mais c’est parler trop long- suite celle de l’Asie en ces termes:8 •— l tems d’une rivière: je reprends les auteurs In Asiatico litore primi Hyperborei, su­ classiques. per Aquilonem Riphaeosque montes. Lib, III. cap. 5. Ces primi sont donc ceux qu’il voulait désigner par la phrase, ab iis qui sequuntur. Donc il y a deux rivières, me dira- t-on, qui se nomment la Vistule ou la Visulel . . . , eh! pourquoi non? N’y : ' ’ . P ’ . ' ' I , , ' . H V-., , , I * '• > , ; s. • . > \ ' ' \ r 1 . 9

i i/j. Chapitre XV, Chapitre. XV. *35

teraires, et ceux de leur modèle dont ils

i ■ * pleuraient la mort, fv

C h a p i t r e XV. L’ouvrage de Tacite, outre son pro* pre mérite, a, cet avantage qu’il est posté­ C. GORNEli TACITE F,T PLINE. SE­ rieur et fut comparé par son auteur avec RIES, REIHE, ETABLIES PAR MR. BRE- ¡’histoire de Pline. Ce qui se trouve de DOW SEMNONS, LONGOBARDS. HER- réel dans celui - ci à l’égard des Germains M UNDURI, ALBIS, W ELTAW A etc. et leurs voisins Sarmates, est nécessaire­ ment ïdaiis Tacite, qui avait plus de tems pour faire ¡des recherches et corriger son Suivant l’ordre il eut fallu prendre Thi- travail avec' la sagacité lumineuse qui lui stoire de Pline qui mérité sa juste célébri­ attire une admiration générale. té. Mais 1 immortel, liistorograplie des Tacite a eciit, de in o ri b üs Ger- Germains, Cornel Tacite a survécu à son manorum, Pan de Père chrétienne illustre compatriote dont il connaissait et 1 ✓ SI ce que démontre évidemmeiiient le digne méditait sans doute les vastes travaux et traducteur de ce monument antique Mr. é sur tout ceux concernant la Germanie, ce Bredo\v; par conséquent tout ce que qu’atteste le passage suivant: ,,Tradit G. Strahon, Velleius Paterculus, Pomponius 1 | Plinius Germanieorum bellorum , i '• ' ./.» Mêla, Pline et ses autres devait- 1 ? script or. Annal. I. - t ciers avaient laissé sur l’histoire ou la Après la mort déplorable de C Pline, géographie, if aura pas échappé à ce grand j geme ; il est bien honorable de ce mettre son neveu se lia d’une intime amitié avec I ' , s Tacite ce que prouve sa correspondance, sous son autorité. connue de tout le monde. Ces amis se Il faut d’abord observer que Tacite , ' commuhiquaient meme leurs travaux lit- diffère un peu de Pomponius Mêla en ce H 2 ♦ J

1 , ii 6 Chapitre XV. Chapitre XV. 117 ' ' ■' - . ' ; ” * . - . ; * ' qui regarde la désignation de la plage cidentale de la Ger- Westseite Deutsch­ septentrionale: la raison en était que l’un manie comme le lands, wie auch * • ' / vivait en Espagne et l’autre à Rome. Voici marque Strabon VII, Strabon, VIÎ, p. les paroles de Tacite . . . IJsque ad Ocea- 290. 290. * ( 'a : ( V ' J I . ' i ' -> • y' num Rheno praetexuntur...... Hac- 2. Ceux qui habi- 2/Die um Weser tenus in occidenteni, Germaniam novimus. teht les environs de und Elbe durch die In septentrionerti, ingenti flexu Weser et de l’Eibe Mitte Deutschlands redit. Ac primo statim Chauco- à travers le milieu bis an die Dopau rura gens quanquam incipiat a F r i- de ¡’Allemagne jus- wohnen, und siis, ac partem litoris occupât, omnium qu’au Danube. quas exposai gentium lateribus obteriditur donec in Cattos usque sinuetur. 3. Les peuples Sue- 3. Die Suevi- ves à l’Est de l’Elbe sehen » Völkerschaf- Le » savant traducteur Mr. Bredow a ^ ' \ jusqu’aux montag- ten, ostwärts der très bien observe' que Tacite avait divisé nés Sarmatiquesqui Elbe bis zu den la Germanie en trois séries; il dit: ' forment frontière. SarmatischenGrànz- Dans renuméra­ Bey der Aufzäh­ gebirgen. /■ - \ , ‘ ■ ' , • " J v/ ^ ’ tion des peuples de lung der Völker Ger- Il me semble que cette dèrniere série ' la Germanie Tacite maniens macht Ta­ est trop générale: il faut la diviser en observe trois sériés. citus sichtlich drey deux sections et ranger les peuples comme Reihen: < le fait Tacite lui- meme j il dit: 1. Les peuples qui 1. Die Völker die — „Maintenant il Nunc de Suevis habitent le long du längs des Rheins faut parler des Sue- dicendum est, quo­ Rhin et ceux qui wohnen und die ves qui ne forment rum non una ut leur sont limitro* ihnen zunächst au­ pas comme les b at­ Cattorum Téucto- plies, la partie oc- gränzendeli, dio tes ou les Teuçtres rumque gens, majo- V 7 \

US Chapitre XV. C hapitre XV« 119

une seule nation, rem enim Germa- c) Les Reudignes, c) de- car ils occupent la niae partem obti- qu’on trouve ensui­ inde et Aviqnes, et plus grande partie nent, propriis ad- te, les Aviones, les Angli, et Varini, et de la Germanie, et liuG nationibus 110- Anglais, les Varins, Eudoses et Suardo- ils sont divises en minibusque discre- les.Lucloses les Suar« nes et diff rents peuples ti, quanquam in dones, et les Nui- fluminibus aut syl- particuliers qui ont commune Suevidi- thones, sont défen­ vis muniüntur. chacun leur nom ; céatür. dus par des fleuves cap, 40. quoiqu’ils soient çap. 38, et des forets, c 4°® ' ' compris sous le nom, „et cette portion des Et liaec quidem général de Sueves, „Sueves s’étend jus- pars Suevorum in ; chap. sa. ,,que dans la partie secretiora Germa- niae porrigitur. Première Division ,1a plus intérieure, cap. 41. Elle renferme les , les Longo- 9 de la Germanie. hardi, les Pieudigni, les Aviones, les An- Mr Bredow place les Warins aux gli, les Varini, les Eudosii. bords de Warna qui est le Suevus d’après IVÎannert et coule dans le Grand-Duché a) Les Semnones a) Vêtus tissimos de Mecklenburg; les Eudoses et les Suar- se vantent d’ëtre les se nobilissimosque dones aux environs d’Eutin et de Schwar- plus nobles et les Suevorum Semno- tau, non loin de Lubeck; les Nuithones plus anciens parmi nes memorant, c. 59. aux bords de la rivière Nutlie dans le les Sueves, Duché de Zerbst. A l’égard des Reudi- b) Leur petit nom«« b) Contra Longo- gnes Mr. Bredow parait adopter l’opinion bre au contraire fait bardos paucitas no- de Philippe Cluver qui les prend pour les la gloire des Longo- bilitat, Thüringes. Bred. Germania vonTa- bards. citus. i 8°9 p -93.

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. / f / > . * „ x { 1.20 Cha pi Tbe XV. Chapitre XV. izi ¿! J ' ”;.V ' . , • . • Ici doit suivre la seconde division qui source T Albis lieu- olim, nunc tantum comprendra l’espace depuis le Danube et ves célébré jadis, auditur. cap. 43. les pa^s des Heimonduri en longeant la maintenant connu Moldaw. Mais pourque cette division re­ seulement par oui- çoive plus de clarté, il %ut la séparer en dire.,,\ * * — ' • ' - ' ' - I * N I ♦ * ' . deux sections qui répondront/ strictement aux expressions classiques de Tacite: di- Cette indication des sources de l’Àlbis rimit, scmditque Sueyiain continuum inon- répond à celle de Strabon. L’auteur po­ tium jugum. stérieur à ces deux écrivains Claude Pto- 1 ornée, dans sa géographie, si elle n’est pas Première section de la seconde Division. apocryphe, désigne le même endroit pour A cette section appartiennent les ¡Her- l’origine de cette rivière. Mais le savant monduri, les Narisci, les Marçomani, les Philippe Cluver prétend que Strabon, Ta­ , les Marsigni, les Gothins, les Osii, cite et Ptolomée se sont trompés. Il dit les Buriî. — 4 - a l’égard de ce dernier : a) Plus près de a)Pro‘pior, utquo — „Cette erreur 'Ceterum eadem nous, d it Tacite, modo paulo ante a entraîné aussi Ptp- errandi ratio Pto- (car maintenant je Khenum, sic nunc vais suivre le cours lomée sur la source îomaeum quoque Danubium sequar, de l’Albis, car si au Danube, comme seduxit a vero Al­ Hermondurorum ci. vous observer atten­ bis ortu: etenim si auparavant celui du vitates. Hhin,) sont les Her- tivement la carte de tabulam Germania© inondures. . . . la Germanie, vous bene perspicias fon-1 y trouverez l’origi­ tem amnis ejus esse — „ C ’est dans le In Hermunduris ne de cette rivière, deprehendes qui a pays des Hermon- Albis oritur, Humen venant du Sud, la­ meridie exoriens dures que prend sa inclytuni et notum quelle n’est pas pro- Woltawae flumi-

\ 122 C hapitre XV. Ch a Pt t u e XV. 1 2 :

très rivières comme prement que la sour- nis fous est genui- 1 f » '* \ * t • .1 la Sazava, laLuz- çe de Woltawa. nuai. German. ant. : k 1 liber III. c. 23. nice, le Mzi et la Labe. Il faut remarquer ici que dans le pays qui répond a celui des Hermondures de Or si les habitans de. Boheme, contrePu- Tacite, trois rivières, appellées Luznitsa, sage reçu des géographes étrangers, don­ nent à une séule et meme rivière le nom Mo Ida w a, et Woltawa prennent leurs , / sources. Elles s’unissent après dans les en­ de Woltawa au lieu de celui de MoldaKva, pourquoi veut - on disputer le nom d’Af* virons de la ville de Klingenbçrg et for­ flis que les anciens auteurs avaient appli­ ment un fleuve que presque tous les géo­ qué à la rdviere de Moldave? Si de­ graphes appellent. M o 1 d a w , tandis que puis l’emboucliure de l’Elbe 011 remonte les babitans de la Bohème qu’elle traverse par la rive gauche, on parvient insensi­ la nomment Woltawa. Ce dernier nom blement jusqu’aux sources de Moldave dans se trouve dans la chronique de Martin1 le pays des Hermondures, sans même ap- Kuthen, publiée en langue Bohémienne perçvoir la petite Labe, venant des mon­ par Gabriel de Welesîawina en 1535. tagnes de géans R ie s en gebir ge pour L auteur,, après avoir fait la d e-‘ çe joindre à celle - là près la ville de Mel- scription -des rivières Orlice, Ohrej ou ‘ nik, U est même plus raisonnable de croi­ Eger ajoute; re que ce premier cours soit l’Albis que

„Mais la Wolta­ Ale te wlfecky wa surpasse toutes reky prewylluge L’ancien mot Alp servait de nom à ces rivières; elle W 11 a w a , k teraz des montagnes, propres au pâturage et traverse la ville ca­ skrze Prahu hlawny peu couvertes d’arbres. Peut - etre une pitale de Prague et mesto tece .... de ces trois rivières descend d’une telle prend avec elle d’au- montagne, on la nomma donc Alpis ou

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à i \ 'P / ISA Chapitre XV. C hatitre XV.

Albis. Iî est singulier qu’un érudit mo­ ,,pour Sueves les gua coarguit non derne ait la prétention que suivant sou „Marsignes et les esse Germanos, opinion les auteurs classiques ont dû pren­ „Buriens. La lan- dre pour la source d’une rivière, celle ,,gue gauloise que ‘ ; qu’il' leur indique après dix - sept siècles „parlent les , Go- révolus ! Les trois rivières, plus haut men­ 9,thins, la- Panno- tionnées comme aussi le cours de Molda­ „nienneque parlent ve, et de l’Elbe moderne se distinguent ,,les ,Oses prouvent parfaitement sur la Carte Orographique „.que ce ne sont pas A , > d Allemagne, imprimée à Weimar i 8 J7* „des Germains. D e moribus G e r m a nor c. 43. b) Les Na ri s c i, les Marcomani, les Qua- Les Marsigiles habitaient probablement des étaient trop éloignés des bords de la dans les environs de la rivière de Marc, Vistule Polonaise. Mardi Morave, qui font une partie de la Moravie moderne. Dans la langue Sla­ c Les Marsignes, b) Retro Marsigni, ve de Bohème, les Mpraviens sont appel- leS/Gothins, les O- s Gothini, Osi, Bu- les M a r h y au plurier: Chronique de ses et les Buriens rii: terga Marcoma- K ut h en Martin feuille B. A ce mot sont situés en arriè­ . norum Quadorum- de Marlty on aura ajouté un mauvais grec re, iis enclosent que claudunt. E 7 g v 0 z , on en a fait M a p x 1)7 sv ci ou Màp- pour ainsi dire, les quibus Marsigni et xvysévi. Les Romains 1 auront prononcé pays des IViarco- Burii sermone cul- court Marcigni ou Marsigni, die Màhren, mans, et des Qua- tuque Suevos refe­ ce qui veut dire dans l’idiome Slave les des* ,, A leur lan­ ran t.„ liabitens de Marc, Marea, Mardi. gage à leur coéfïu- Gothinos galłica, Les Oses, Osi avaient probablement „re on reconnaît Osos Pannonicalin- dans leur possessions la rivière O Isa qui 1 2 0 C h a p i t r e XV. Chapitre 'XV. jsy ' ' i i . \ • * 4Êm i \ i a ses sources dans le voisinage des sour* Le mot de Gothini se déduit aussi ces de la Vistnle. Olsa, en descendant de l’idiome Slave. On sait comment on les Carpates, traverse la haute Silésie près prononce en grec et en Anglais la syllabe l a ville de Têts ch en et reçoit l’Oder plus thi: le son approche de tsi labial. On bas. Il était difficile aux Boinains de pto- peut traduire par Gorcy ou Horcy en uoncer Olsi, les habitans des bords d Ol­ slave, les montagnards, les habitans sa: ils les appelèrent donc plus court les des montagnes. Un Grec ou un Piomain Osi. Mais c’est toujours, le nom slavique lie pouvait rendre le son véritable des d un arbre. Olsa veut dire l’aulne, et mots slaves que par Tcp-Sb et Gorthi. On Osa, le tremble, dont le nominatif plu­ rejetta r un peu dure; on en fit Gothi et riel est Olsi, Osi. Ces arbres couvraient Go thi ; enùn par une augmentation erro­ vraisemblablement les rives, de la riviere née on déclina au plurier Gothini. ou meme la surtace du pays: ou en aura Ces Gothini pouvaient même parler formé le nom de cette riviere et des habi­ fidiom e gallique. On sait que la làngue tans. • celtique a quelque rapport avec la langue B u r i i , les Buriens, On appelle! en Scythique et par conséquent sarma- sla von une foret, Bor, avec l’accent ai­ tique. Les Sarmathes habitaient les gu sur o. Cet accent indique qu’il faut monts Carpates. Les Gothini pour­ piononcer le mot comme en français Be- raient être un mélange de Sarmates ,et de a u r ou Boj p en grec. Le nominatif du ces Gaulois qui avaient autre fuis envahi pluiier en est Bory. Les montagnards la Macédoine, et qui en ayant été re­ sarmatiques qui habitaient une partie de poussés dans la suite, furent obligés de l’Hercynia étaient appelles Borii, avec l’ac­ repasser le Danube, cent sur o (approchant le son d’ou) ce que . les Pipmains prononçaient et écrivaient Je soumets ces remarques non comme Burii au lieu de sylv.ani. une preuve, mais comme une probabilité,

V 128 C h a p i t r e XV.' / - , / , Chapitre XV./ 129 ' . • ' aux, lumières des savants qui connaissent „deux rois auraient' immixti turbarent, la langue slave. „pu, par leur me- Danubium ultra in- /Ces Gaulois - Sarmates ou Gothini ex­ ,,lange, mettre le ter flumina Marum ploitaient, ce qui était honteux aux yeux „désordre dans des et Cusum locantur, d’un romain, le fer dans les montagnes „provinces paisibles dato rege Vanniô qu’ils occupaient „G oth in i quo ma- „on les établit au- gentis Quadqrüm. gis pudeat, ferrum effodiunt: „delà du Danube . ' Touts ces peuples n’habitaient que des fo­ I % ’ . 7 1 „entre le Marc et rêts et les sommets des montagnes et ne „le Cuse: on leur v possédaient que très peu de plaines . . . „donnav pour roi / „omnesque hi populi pauca campestrium, „Vanni us de la na- ceterum saltus et vertices montium ju- „tion des Quades. gumque insederunt,,. . „ . C ’est ce qui Les Marcomans occupaient les pays prouve qu’ils étaient très-loin des plaines entre la Moldave et l’Elbe moderne. Les immenses qui composent la Pologne. Buriens, les Oses, les Gôthins, les Mar- Les. Hermunduri et lesï^arisci, étaient domiciliés sur les bords du Danube. Les cignes les enfermaient par derrière, ter-' ga claudunt, étant eux - mêmes répan­ Quades s’approchaient des embouchures dus sur la crête des monts Sudeti et près du Marc et de Cusus,- Vag d’aujourd’hui, des sources d’Olsa et du Marc. La carte ce que prouve le passage des Annales de Orogràpbique d’Allemagne ci - dessus men­ lacite, concernant les Marcomans, réfu­ tionnée peut servir des guide pour ces gies a Piome avec Marobudus et Ca- observations. ' tualde, lems chefs i ils s exprime ainsi i » Deuxieme section de la seconde Di­ „Mais comme les Barbari utrum- vision , »barbares qui ac- que comitati, ne dans laquelle sont renfermés les Lygii, les „compagnaient ces provincias quietas Gothoni, les et les Lemovii. . I ' ; : ' * H ■ .. , ■ '• / , , v C hapitre XV. 131 150 Chapitre XV. a) I es peuplades de Lygieris habi­ slaves Luzici; on le voit dans la Chro­ taient les pays vers le nord tout de suite nique de Kutlien: au-delà des montagnes qui coupaient les’ 1 ,,Sasy, Slezy, Les , les pays des Sueves. — „Dirimit scinditque ,,Luzicy, Rakav- Silésiens, les Lusa- ,,$ueviam continuum montium jugum S,sy. — ciens, les Autri- ,.ultra quod plurimae gentes agui>t. Ex ■ ' chiens.' „quibus latissime patet Lygiorum no- C lir. de.Kuth. préf. f. B. „raen. — 1 , Ces deux syllabes, Lu-zi, se pro­ Cette topôgraphie de Tacite répond noncent véritablement comme on pronon­ au pays des deux Lusaces. 11 faut croire ce en français Lugi: en allemand on s’en que les montagnes dont parle Tacite, e- approche par Luschi. On ne sait, pas taient couvertes de forets. Elles le sont encore positivement si les Piomains pro­ encore en grande partie. nonçaient gi comme le font les Italiens, Dans la langue slave le mot Lug ou les Français et les Anglais, ou comme les huh veut dire une foret d’une moindre peuples du Nord qui disent ghi. Le son éfendue, lucus en lalin. Voyage en, du déritatif Lugici, Luzici est en faveur Daimatie par l’abbé Fortis 'fora. J. des premiers. Letre II. S ec. 2.* Ces Lygii, Luzici, Lusaciens ne sont i, , donc autre chose que ce qu’ils étaient à Le mot Lug fait au nominatif plurier Lugi, prononce plus mollement Luhi: ce l’époque de Tacite et de Strabon, comme dernier parait répondre aux Luii de Stra- le prouve leur nom appellatif, dérivant bon. Lugi, étant latinisé, offre un dé­ de l’idiome slave, Lug, Lugi, Luhi. rivatif Lugicus, et Lugici au plurier. Les Un Canton faisait chez, les Grecs et les Lusaciens d’aujourd’hui s’appellent eux- Romains une république, Polis, Civi- mèmes et sont appelles par les peuples tas. De même le pays des Lygiens, L u - î « «

/ c I ,132 C hapitre XV. r - C hapitre XV. 133 zici, avait obtenu un pareil honneur die préposition qui signifie super, in, su­ la part de Tacite qui dit — „patet Lygio- pra. Du tems de Tacite la ville 11’existait rum nomen in multas civitates difFu- pas: mais une peuplade de Luzici qui sum. . . ♦ Les peuplades appellees par cet possédait la montagne était nommée éN a- horanié oa Naliarvati. C’est encore écrivain les Helvecons, les Manimes, les ^ * A / Elysiens, les ISÎaharvales, possédaient pro­ une supposition, mais il est, sur que ce bablement le revers septentrional, formé latinisme a pour origine le mot slave. par les montagnes de Lusace et des Géants, „Par-delà des Lygiens sont les Go* Lausitzer und Riesengebirge. C’est „tirones, gouvernés plus sévèrement que de ces montagnes que descendent les ri­ ^ les autres nations germains, cependant vières d’Èlster, de Sprée, de Neisse, de ils jouissent de la liberté. Queisse aux bords des quelles ces peupla­ „Plus prés de T.vans Lygios re- des avaient leurs demeures à la maniéré ,,1’OceaU sont les gnantur Gothones des Germains. Coîunt discreti ac di- ,,Rugii et les Le- paulo adictius quam versi, ut fons, ut campus, ut nemus pla- ,,movii.,» ceterae Germano- cuit. ... I^e nom d’Elster, en latin Elistera rum gentes, non donna l’Origine a la dénomination des Eli- dum tamen supra stériens ou Elisièns. Le mot jNTahar va le é, ' ' libertat-em. 11’est ni,grec, ni latin, ni allemand, il Protiñus ab Ocea- vient de l’idiome Slave, très-peu latinisé. , no Piugii atque Le- La ville en Lusace que l?on appelle Gor- movii. litz est dans cet idiome Gorlice ou H or- Taciti Germaiiia capite45- lice, et dérive de gora ou h or a mon­ Les uns placent les Gothones près de tagne. Si cette ville eût été bâtie sur le l’embouchure de l’O der, et les autres près sommet de la montagne, on l’aurait ap- des bouches de la Vistule Polonaise, Tout pellée Nahorlice. La syllabe 11 a est une cela est contraire à Tacite. Celui-ci les Chapitre XV. ' 135 3 34 C hapitre .XV. • , '■ i ; ' renferme dans la série,ou ligne droite qui des marins veut dire les écueils. Le commence aux bords du Danube, va le mot Buda une cabane, barraque, die long des bords de la Moldave ou Weitave, Ilütte: Budinek un édifice quelconque de l’Elbe, se dirige sur la rivière de War- d’une grandeur médiocre; Budnik, celui now, et plus loin vers le Daiiiiemarc et la qui habite un barraque ou Buda. De ces Suede méridionale, four s’en convaincre mogila molli la, buda, gorka au sin­ il ne faut que lire attentivement le cha­ gulier, 011 aura fait au plurier mougilai, pitre 44 dé Tacite où il parle des Suio- 7/ÀMv, budai psW , goykai 7 cpwv, en nes. On y voit aussi que les Gothones latin gorthae, gortliones ou gotîhones. étaient intermédiaires entre les Lygiens ït faut aussi observer que tous les cl une paît, et de 1 autre entre les Rumens dont parlent les écrivains Grecs ve­ et les Lemoviens. Ceux-ci demeuraient naient des montagnes Carpathes et de conjointement dans un seul et même can­ Sudeti pour fondre sur les pays meri- ton p r o l in u s a b oceano, non loin de dionaux. J I ocean. I acite ne Fait pas mention, des Bout on es et des Mougilones de Stra- Les bords de la mer entre Wismar, bon. Il semble les remplacer par les Go­ Stralsund et les rives* de File de Piugben, thones Je vais expliquer ces trois déno« sont liérrissées de ces proéminences angu­ minations, laires, nommées Rogi, et Rohi qui ralen­ Les mots Mogiła ou Mali il a de tissent la navigation des côtes. On appel- Fidiome slave a la signification de coline la donc ces Rogi, Rohi en mauvais la­ ou mamëllon. Leur synonyme est gór- tin le pays de Rugii ou Ruliii. Je ùe- l.a pelitę monticule. Les R u g i dans l’an­ mande pardon pour ces ennuyeuses ana­ cien Polonais signifient les obstacles: le logies ; mais je les soumets aux lumières mot Rogi, rohi, les cornes, ou tout de philologues qui connaissent les idio­ proéminence angulaire, et dans le langage mes slaves. Je reviens à Tacite, 1 1 ■ ' A" ~ ; \

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■/ 1 f* \ \ 1 3 6 Chapitre XV. C hafitrjë XV. 137 Les Romains n’entendaient par Océan Ap rès ces divisions ou séries que l’ou­ que la mer qui baigne les cotes occidenta­ vrage de l’estimable Bredow m’a fournies, les de la Norvège, du Dannemarc et de j’ose en ajouter une encore qui consti­ l’Allemagne, et ils l’appellaient Océan sep­ tue les vraies limites orientales de la tentrional; ils y distinguaient le mare Germanie, pi’grum. Les Romains venaient en Ger­ manie en traversant le Rhin et rarement le Danube: à peine s’approchèrent - ils dç l’A ï b is : ils ne connaissaient pas du tout la mer Baltique. Leurs découvertes ne s’étendirent pas que jusqu’au Cattegat mo­ derne, entre le promontoire Cimbrique et celui de.la Norvège méridionale, qu’ils ap- . pellaient sinus Codanus. L ’ile de Ru- ghen leur était inconnue. Le pays des Rugii et des Lemovii était un canton sur le Continent, situé probablement près de' Wismar, de Rostock, et Stralsund. De là si Ion regarde vers le Séeland, on n’est pas loin de l’Océan, protinüs a b Océa­ no. Tacite ne connaissant par le Sund, et ignorait que le Séeland fut séparé de la Suede par le Sund. Je soumets aussi ces remarques avec confiance aux hommes \ quij sans partialité, ne cherchent que la vérité dans l’histoire. ' \ ,V i-'íA Chapitre XV. GWriTRE XV. , 1 1Z Q

, Les Venèdes en Venedi multum tiennent beaucoup ex moribus traxe- C h a p i t h e XVI. dans leurs moeurs: runt: nam quid- QUATRIEME SERIE. ils parcourent les quid inter Peucinos \ ' - J • montagnes et les fo­ Fennosque sylva» rêts, situées, entre rurn aut montium i ; ' ' i-lîe renferme les Feucini ou Bastarnae, les Peucins et les erigitur .... perer-^ les Venèdes et Jes Fenni. Fermes,,. •— rant. \ ' ' Tacite parle de ces peuples dans les „On les doit plu­ Hi tamen?’potius termes suivants: tôt compter parmi inter Germanos re- feruntur. „Je ne sais , si je Peucinorum Ve- les Germains.,, dois mettre les Pieu- nedorumque et Fen- • , Les Fennes sont Tennis mira fe- ci» s, les Venèdes et J '' \ f ' f norum nationes Ger- très - sauvages et ritas, foéda paujper- les Fennes au nom­ manis an Sarmatis très - pauvres, sans tas, non arma, non bre des peuples Ger­ adscribam, dubito: armes, sans chevaux equi, non penates; maniques ou des quanquam Peucini et sans aucun réduit; victui lierba, vesti- Sarmates, quoique quos quidam Ba- l’herbe leur sert de tui pelles, cubile les Peucins aux quels starnas vocant, ser­ nourriture, les pe­ humus. Sola in sa- on donne le nom de mone, cultu t sede aux, de velemens; gittis spes, quos 33astarr.es ressem­ t , ' i / ' ’ ac domiciliis ut et la terre, de lit* inopia íerri ossibus blent aux Germains Germani agunt, Leur seule ressour- asperant. Idem ve- par leur langage, n * f . . ■ * x çe est la flèche qu’ils natus viros pariter leurs moeurs, leurs arment d’os au de­ ac foeminas alit. demeures, et par faut de fer. Les leurs habillements. hommes et les fem-

i. T 40 Cha fi TBE XVI.

mes ne vivent que l’eau. Je rapporte s :s propres expressions. de leur chasse.,, — Wand, Wend est Wand,'Wend ist On doit observer ici que les Peucins un ancien mot com­ ein, mehreren Spra­ e^ les Fennes ne paraissent pas avoir été mun à plusieurs lan­ chen gemeinschaft­ trop éloignés les uns des autres _ qnid- gues qui signifie liches Wort, wel- quid sylvarum aüt niontium erigitur . l’eau et les riva­ f dies Wasser, Küste pererrant. Les écrivains modernes assig­ ges. C’est pour­ bedeutet. Daher gab nent aux premiers les monts Carpates ce quoi il y avait des es Veneten an -der qui est très-juste; niais ils relèguent les Venètes en Bretagne Küste von Bretagne Fennes jusque dans la Finlande, Suédoise. dans les Gaules, des in Gallien ; Veneter Cette espace fait au moins deux-cent cin­ Venèdes et des Ven­ am Adriatischen quante milles!! des sur la mer Bal­ M eere, W eii e der v- / ' 1 7 1 On place les Venedes et les Fennes tique : et lès Venè­ und Wenden an den* aux bords de la mer Baltique. On ge tes Hénète, Enètes Ostsee und Wene* trompe. Les Venèdes, armés de boucliers d’après les Grecs sur ter, Heneter, £ne- à la maniéré des Germains parcouraient les cotes de l’Asie ter nach Art der les montagnes .et les forets en y cherchant mineure. Les.Van- Griechen, an der leur subsistance comme les chasseurs. Les dales (de mot Wand Küste Klein-Asien. Fennes ne vivaient que de leur chasse et avec une syllabe el) Auch die deutsche non pas de leur pèche. Ils étaient donc olit tiré leur nom Vandalen ( W a n d loin de la mer. de leurs établisse­ mit der Deutschen On recherche avec soin l’origine des ments primitifs sur Ableitungssylbe el) mots de Venedes et des Fennes. Le sa­ les bords de la mer haben ihren Kamen vant Adelung daprès le savant Cranzius orientale ou Balti- von ihren ersten Sit­ pense que le nom de \fenede, de Validai que. ' ' > zen an der Ostsee. est dérivé de W end, Wand et qui désigne Ffirectoriitm v. J.Chr.j delungiöosp.XXVIil.

✓ v i i ' ' • 1 :* , v ,» ' 142 Chapitre XVI. C hapitre XVI.

J’estime infinement les connaissances ques\ des Slaves; Slayen, die Galii* de Mr. Adelung: mais son opinion me pa­ ceux de la Bretagne schen und Adriati- rait ici hasardée. D’après l’analogie qu’il et de la mer Adria- schen Venedi. développe, l’Angleterre aurait du être ap­ tique, étaient des pelle Va 11 d ali a ou Venetia: les Da­ Venétes. nois, les Norvégiens, les Suédois devraient Direct, von Adelung p.XXVIII» être aussi Venèdes. Tous ces peuples ont Après un savant si distingué, il ne une langue dont l’origine est la même et, , 1 reste plus- rien à glaner. Je prendrai seu­ sont entoures par eau Wand. A l’exemple lement la liberté d’ajouter une remarque* des Vénètes ou Hénètes de l’Asie mineure, Dans leur idiome, les Polonais appellent on devrait nommer Venèdes non seule­ tout pays limitrophe lira y ościenny, ment les habitans de la mer Adriatique, ce qui se traduit mot à mot par regio mais ceux de toute la Grèce littorale, car f . parie tali s. Le mot ściana paries au elle est en grande partie baignée d’eau. figuré exprime toute l’étendue des limites: Les commentateur de Strabon, Isaac Ca- o s ci an e ad parietem, ościenny ad-pa- saubon paraît lever ce doute, il dit: _, rietalis. Il me semble que parie t'a lis Genetaeum promontorium te v e T sg a iluvio' regio ne se traduit pas mal par Wand- Genetae esse dictum; Plinius Genetas gen- land, au plurier Wandelânder ou tout tein esse refert. Comment et Cast. in court Wande, Si l’on dit Nieder - Mittel- lib. XII. Strab. «11.1/537. p, Berg - See - Est - land; peut - être du tems Le savant Adelung sépare les Vanda­ des Grecs et des Romains on disait Wam les d’avec les Venedés, il s’exprime ainsi. ,deland; ceux-ci en firent Vandali, Van- ,,Les Vandales é- Die Vandalen wa* deli, et de Wande, Venedi. Le mot Sué­ taîent de vrais Aile- ren àchte Deutsche; dois Wander se traduit en latin desinere » , ' t mands ; les Venedes die Baltisclien We- /mire. Le mot latin circuniagor se tra­ ou Vendes JBalti- neder oder W^enden duit en finois Wândel, en Suédois Wân-

1 /

U4 » Chapitre XVI.

des. Tout ces mots, paries, limes, de­ J’ai lu clans un auteur que le mot sinare , circumagi, W and, W a nder, F e n désigne les marais et les pays maré­ Wandel, w an des ont du rapport aux cageux. Le mot Fiall se traduit par sprr limites et ne présentent qUe ]a même ima­ ¡¿oç? solitude: on le voit dans le ge sous des formes un peu différentes* factionnaire de l’ancienne langue Islandi- Les anciens Germains auront désigné aux que, joint à l’ouvrage: Frctdae filü A- Grecs et aux Romains les peuples limitro­ rii Liber bistor. phes ad parietem Wand, w^nder, ,, Les Fennes de Tacite, pauvres en wandes, ne sachant pas leur autre déno­ comparaison des riches Romains, mais ce­ mination, et ceux-ci leur auront appliqué pendant honnêtes, vivaient dans un pays par corruption celle de W and ali O vetvh- couvert de bois et propre à la chasse, il /<.cî, Wenedi et c. c. ou comme on voit ne s’embarrassaient pas de l’agriculture • sur la table de Peutinger, (seg III) Van- elle est difficile dans, des pays bas} ma ci ul 1, placés - derrière les Marcomans* récageux et boisés. La nourriture des Fen­ Ainsi Tacite a très bien dit: Vene- nes était comme celle des hermites, com­ dorumque et Eennorum nationes Germa- posée d herbes et de legumes avec un peu ms an Sarniatis adscribam? dubito de gibier. La rivière Penne ou Ferme Les peuples limitrophes sont mfxtes par sortant des lac nommé T o i en s e e , ainsi rapport à leurs moeurs et leur idiome. que le pays de Finow près le Canal qui On me dira. . . mais les Fennes ha­ unit l’Oder avec la Havele, environnaient bitaient le pays de la Finlande moderne? sans doute le canton des Fennes de Ta­ eh! non. . . Tacite les range dans la sé­ cite. Les Venedes ou Vanduli habitaient rie et dans la ligne directe qui va du midi les contrées situées entre l’Oder et les pays ' au nord, comme il Je fait dans toute sa des luzicy et des Marcomans, comme le description. Ils étaient donc près des prouve la table Peutingérienne, et s’éten­ Rughiens, daient jusqu’aux Peucins ou Bastarnes.

R \ i 146 Chapitre XVI. Chapitre XIV. » 47 Quiconque lit et examine sans prévention qui peut affirmer que les consonnes P. F. le chapitre XLIII de Tacite, en convien­ p. f. si ressemblant dans l’ancienne écri­ dra facilement. v ture n’ont pas été prises l’une pour l’autre Dans son idiome nationale la provin­ par des copistes? — ,, Serio notet velim ce appellée improprement Finlande, se îdector, dit Mr. Gyarmathi, Germanos et nomme Suomi. Ce nom appellatif pa­ »nationes bis vicinas, uti est Suecica, . . . rait dériver de mot Suo, on, le marais - ,,frequentissime solere litteras sequentes Les habitans que l’on se plaît à prendre ,,secum invicem permutare: p, scribunt pour les Fennes de Tacite n’ont pas mê­ loco bvel f: t, loco d. etc. pag. 58- Gyar. me dans leur alphabet la consonne F, Ui\ Affinitas lin guae Hungaricae Lexicographe dit . . . F, pure Fennis Goettingae 1799. ignota, pronunciatur ut W , in voeabulis Il faut même observer à l’égard des peregrinis. Suomi que la langue de ce peuple est Chaque pays, rempli de marais pour­ tout à fait différente de la langue Suédoise rait être appelle Fen, - Füen ou Fen­ et de F Allemande, excepté dans quel­ nes dans l’ancienne langue du Nord Ger­ ques mots, adoptés ou apportés par les manique. Ainsi une lie de Dannemarc colons. s’appelle aujourd’hui même Fin en, Finnia. Tacite finit la description de la Ger­ Il y avait dans l’ancienne Scandinavie les manie par les Fennes dont il trace l’état Finni, les Skrito - Finni, - les Terfinni dont intéressant en ces termes : —* „Seeuri ad- une partie a pu, en côtoyant la mer près »,versus hommes, seeuri adversus deos, de Tornéo passer dans le pays de Suomi ,,rem difFicilîimam assecuti sunt, ut illis et s’y établir. C ’est par cette raison que ,,ne voto quidem opus sit. En sûreté con- l’on appela cette colonie, Finnia. Mais ,,tre les hommes, (car ils ne possèdent ce peuple n’était pas celui des Fennes ou rien qui puisse tenter leur avidi­ Pennes de Tacite. Je dis Pennes, car té,) en sûreté contre les maîheurs^qui vien- K 2 ■ . „ < j ' . ' ■ . • . . r 1 , . ' * ' 1 **' ' V ‘ - ( ■ : ., - y ■. « ./ \ j , . ' • ' / - f I f y . , ■■ * '

1>Q Chapitre XYL Chapitre XVI.

lus - Maeotis, connaissant la langue des Il en fut autrement avec les pays que peuples voisins faisaient par ces trois fleu­ parcourent la Vistule et le Niemen. Au­ ves un commerce étendu. Sur - tout la cun , attrait n’y invitait les Grecs et les belle fable des mines d’or que se dispu. Romains. Ces pays, sans culture, n’é­ taient les Gryphons et les Anmaspes, fa­ taient couverts que de forets. Meme ble rendue célébré par le Poëme d Aristée de nos jours la Pologne n’offre pas d’ob­ de Proconèse attirait l’avidité des Grecs jets pour le commerce, dont la Grèce et dont l’imagination était exaltée par le chant l’Italie ayent besoin. Les grains, les be­ du poète et par la charmante narration stiaux, les bois coûteraient trop à y être d fférodote On cherchait ce pays de l’an­ transportés. Les Romains, par leurs guer-' cien Eldorado; on parcourrut meme res sur les bords de l’Ister et du Rhin se dans cette vue l’Océan septentrional; onty rendirent ennemis de toutes "ces nations. découvrit une île, nommée Ritarmis. On les craignait trop pour les laisser en­ Les rivières de Tanais et de Piha que l’on trer dans ¡’intérieur des pays. Si quelques croyait sortir des monts Riphéens, lieu marchands y pouvaient pénétrer, ils n’é­ de ces mines imaginaires servaient de di­ taient pas en état d’en dire grand - chose. rection aux avides scrutateurs des ri­ Sur les bords de l’Afrique le commerce se chesses, et les connaissances géographiques fait depuis tant de sièles et cependant la de ces pays furent étendues. On ne trou­ Géographie ne connait pas beaucoup va pas de mines d’or; mais-on a décou­ l’intérieur de cette grande partie du vert au sommet du Rha ou Volga une monde. herbe médicale: Rha vicinus fluvius, !in cujus supereiliis quaedam vegetabiiis ejus- Mais on dira: cependant Pline a lais­ dem nominis gignitur, radix proficiens ad sé des renseignements sur la Vistule, sur usus multipliées medelarum. Ammian v l’île de Baltia, sur l’ambre, sur les hom­ Marcel h mes au pied de cheval et à longues oreil-

r 1¿¡2 C hapitre XVI. C hapitre XVII. i53 les dont ils se couvraient faute de vcte- mens; sur ceux qui ne vivaient que d'a­ voine et d’oeufs d’oiseaux. . . Oui, mais C hapitre XVII. le sage Tacite en dit: „cetera jam fa­ SUR LES VOYAGE DES ANCIENS bulosa. . . , DANS LE NORD. HISTOIRE DE PLINE. 1

jpour saisir le vrai sens des renseigne­ ments que Pline a conservés dans son hi­ stoire à l'égard de l’Europe septentrionale, il faut considérer principalement trois points. Premièrement, Lorsque quelqu’un des Grecs ou des Remains a fait un voya­ ge dans le Nord, en allant de l’Orient à l’occident et vice versa; il ne passait par la mer Baltique, ni par le continent quelle baigne vers le midi, mais il côto­ yait la Chersonese Cimbrique, la Norvè­ ge, la Laponie par 1 Océan arctique jusqu’à la mer blanche, ou en sens opposé depuis cette derniere mer à l’Occident en suivant les memes côtes. Secondement, que la mer Baltique, depuis l’ile de Séeland Cjiaïitae XVI r. 155 *54 Chapitre XVII, „jusqu’au promon­ more nimiô rigen- jusqu’au haut des golfes de Botnie et de toire Cimbrique. tia. Prqpter quod Finlande était inconnue aux Grecs et aux „D e là elle se ren- minime verisimile Romains, En troisième lieu, que le „dit par cette mer est illie maria ,defi- Continent depuis l’embouchure de l’Oder „immense, ou se cere, ubi humoris jusqu’à la mer blanche leur était égale­ „mit à portée de vis superet. Jtixta ment inconnu* Afin de prouver ce que vero a b ortu ex Jii- j’ose avancer ici, je soumets à l’examen „prendre des ren­ seignements sur la dico mari, sub eo- des observateurs les paroles de Pline; les „region Scythique dem sidéré pars to­ voici : „et les parages qui ta vergens in Cas- „On navigue *au- À Gadibus co- „gèlent par une sur pium mare, perna- „jourd hui* sans ex­ lumnisque Hercu- „abondance d’hu- vigata est TVlacedo- cep tio n dans toute lis, Hispaniae et Gal- „midité. Ainsi il num armis Seleuco 5,la mer occidentale liarum circuitu, to- „n’y a aucune vrai­ atque Antiocho ré­ „autour del’Espagne tus liodie navigatur semblance que |la gna ntibuùs. „et des Gaules, de­ occidens. Septen­ „mer manque où il puis Cadix et les trion alis vero Qcea- „ y à surcroit d’hu- „colonnes d’Hercu- nus, majore ex par­ „midité. De l’au- „le, A l'égard de te navigatus est,jau-r ,,tre côté, à l’Orient „l’Océan septentrio­ spiciis divi Augusti. „en deçà de la mer nal les Romains classe circumvecta „de l’Inde toute l’ont parcounu en ad Cimbrorum pro- „cette partie qui „très grande partie montorium: etinde ..soumise à la meme „sous les auspices immensô mari pro­ * * „constellation, s’e­ „d’Auguste: saflot- specto, aut famâ . r ntend jusqu’à la mer „te ayant fait le tour cognitô ad plagam „Caspienne, a été „de la Germanie Scythicam, et hu- 356 C h a p it r e XV II, hàpithe C XVII. 15 7 „visitée par les ar- „jusqu’à Cadix,- nous plures sine nomini- „mees navales de Se- „trouverons en rou** hus eo situ tradun- „leucus. . . „te plusieurs îles tur. Ex quibus an­ C. Plinii Hist. nat. lib. IL cap. „sans nom, parmi te Scytliiam quae 67. Edit. Bip ont. ’„lesquelles cepen­ appellatur Raunonia Ce passage de l’Histoire a Gadi* d a n t on en rernar- imam adesse diei bus. . . . ad Scytliicam plagarn — et „que une en face, cursu, in quam ve­ iiumore nimio rigentia — indique „et à une journée ris tempore flucti- la route, par l’Océan septentrional, qui „de distance de la bus eîectrum eiieia- conduit a 1 Orient. On voit aussi que la „Scythie Piaunoni- tur, Tirnaeus pro dit Ejoite Romaine n’a pas, été sur la mer Bal­ „enne, etsurla^ô- Reliqua littora in­ tique: et il est clair que c’est de l’Océan ,,te de laquelle Ti- certa signata fama. Arctique ou septentrional que Pline a tiré „mee é(crit que les Septentrionalis O- les récits qu’011 lui avait rapportés. Le „flots apportent et ceaiius, Àmalchium passage qui suit, indique aussi la meme „déposent l’ambre eum appéllat Heca- route, mais dans un sens opposé. „au printens. Le taeus, a Paropamiso — Sortons de cette Exeundum dein, „reste de ce rivage amne qua Scytliiam mer [le Pont - Eu- de est ut extra ,,n’a rien dont alluit quod nomen xin] afin de visiter Europae dicantur, „011 puisse parler gentis eius conge- les dehors de l’Eu­ transgressique Ri, „ avec certitude. latum. Philemon rope, et nous trans­ pliaeos montes lit., „Suit l’Océan sep­ Morimorusam a portant au delà des tus Oceani sep- tentrional : l’Histo- Cimbris vocari, us­ monts Riphées cô­ ;tentrionalis in „rien Hecatée, de- que ad promonto- toyons sur la gau­ laeva donee perve- „puis le Paropa- rium Rúbeas, ultra che le rivage del’O- niatur Gades, Jegen- >,misus, fleuve Scy- dein de Cronium. céan septentrional dum. Insulae com. Xenophon Lamps a-

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< C h a p i t r e XVII. 159 5 53 Chapitre XVII. tans se nourrissent Germaniae. Suevo ,,thique lui donne cenus, a littore Scy- d’oeufs et de grains mons ibi immen- „le nom d’Amalk- tharum tridui navi- d’avoine: on parle sus , nec Riphaeis „liie c’est à-dire de gatione, insulam aussi des quelques jugis minor, imma- „glaciale en langue esse immensae ma- autres habitées par nem Cimbrorum, „du pays. Phiîe- gnitudinis Baltiam les Hippopodes , usque ad promonto- ,,mon écrit que les tradit. Eandemque hommes à pieds de rum efFicit sinum, „Cimbres l’appel- Pytbeas Basiliam chevaux, nés avec qui Codanus voca- „îent Morimorusa nominat. Ferun- des pieds pareils, il tur, refertus insu- „jusqu’au promon­ tur et Oonae, in faut joindre les îles lis : quorum claris- t o ir e R u béas et quibus ovis avium Fanésies dont les sima Scandinavia „au-delà mer Cro- et avenis incolae habitans, d’ailleurs est, incompertae „nienne. Xenophon vivant, Aliae, in nuds, ont des oreil­ magnitudinis. „de Lampsaque rap­ quibus equinis pe- les si énormes qu’el­ porte qu’à trois dibus homines nas- les leurs couvrent 1 ’ f „journées de navi- cuntur, Hippopo- tout le corps. Les „gation du rivage des appellati. nations qui suivent ^Scytliique est une Fanesiorum aliae, sont plus connues à „île d’une immen- in quibus nuda a- prendre depuis les ,,se grandeur, ap­ alioquin corpora aux p e lé e Baitia. c’est praegrandes ipso- quels de ce cote „la même que Py- rum aures tota con- commence la Ger­ „théas nomme Basi- tegant. manie. Là est une „lie. Les traditions Incipit inde cla- montagne immense, „font encore men- lior aperiri fama ab nommée Suévon „tion des îles Oones, gente Ingaevorum, qui u est guère „dont les habi- quae prima inde i 6 o Chapitré XVII. Ch api tue XVII. îS i V ;< \ moins considérable tuée dans le meme Océa vis - a - vis les qu,e les monts< Ri- côtes de la Scythie Raunonienne. Cette ' phées : cette mon- . ' t île doit être ou Litarmis de d’Anville, tagne forme du cote ou celle appelée Kalguev au soixante cin­ de ïa mer jusqu’au . ' r quième degre' de longitude et au 65° qo promontoire Ciin- de latitude septentrionale, proche des bou­ brique une vaste si­ ches de Petschora. Les îlots de l’Océan y nuosité qui prend le apportaient de l’ambre au printems. Cette nom de Golfe, Co­ 'notice de Pline a fait naître une idée er- rônée chez des géographes modernes. Com­ dan. On y trouve me c’est non loin de Dançig, sur les cô­ une infinité' dites* La plus célébré est tes de la Prusse., que l’on ramasse actuel­ lement de l’ambre; on a cru que lile in- celle de Scandinavie ¿Rqu00 par Timee et Pline devait etie dans dont on ne connait ' , le voisinage de Danzig. Une telle suppo­ pas la véritable gran­ sition n’est pas juste. L ’historien parle deur. ici de l’Océen Arctique, des îles, situées Plinii Naturalis Histor. lib. IV. c. 27. sur le même Océan, et de l’ambre que ses ed. Bipon. flots apportaient sur Pile qui était à une On voit d’abord par la phrase ,,ex- journée de navigation de la Scythie. De-, eundum deinde est, que Pline se pro* nis le Periégcte en parle aussi : pose de parler ici de ce qui était hors de ...... glaciale prope mare l’Europe continentale, ut extra Euro- jucundo nitore lucens electrum nascitur ve- ' pae dicantur. Il paraît commencer par lut quidem splendor lunae ineuntis: ada- les embouchures du Paropamise, Pet- mantemque pellucentem. .... $ ch or a d’aujourd’hui: Septentrionalis O- versus 316. 317. 3 18* ceanus a Paropamiso amne quâ Scythiam D ’ailleurs, ôn sait et on verra ici plus bas alluit. . . . L’historien parle d’une île, si- L \ i ' ', » _ - ■ ■ , •'

C hapitre 164 C h a p i t r e XVII. XVII. ' 16.5 % V . I ■ » * ; • ' ' * être praticable aux anciens : que le froid tensité du froid va en augmentent en rai­ les aurait empêches d’y pénétrer. Toutes son de l’accroissement de ces corps et la les objections cessent devant un fait, con­ chaleur diminue. servé par lTIistoire. On y voyage à l’épo­ C’est aussi' pourquoi la population de que actuelle; les anciens le pouvaient faire l’ancienne Scandinavie, malgré les fré­ de même. Ils étaient hommes, et plus quentes émigrations de peuples entiers, a instruits dans l’art de manier leurs vais­ été si nombreuse. Meme l’espèce humai­ seaux très-légers. Il est plus que vrai­ ne ne s’y serait pas établie et propagée, semblable qu’il y a deux mille ans, le froid si le froid y eut été si excessif qu’il l’est • n’y était pas tel qu’il est de nos jours. La de nos jours. L’augmentation s’en fait in­ raison en est toute naturelle. On ne peut sensiblement, l’homme n'y fait point d’at­ nier que sous le pôle les glaces et la neige tention: il s’y est acclimaté dès son en­ ne fondent jamais: on ne peut nier égale­ fance: il chérit la patrie dont le climat ment que ces deux matières ou corps aug­ devient plus rigoureux. La Providence se mentent sitôt qu’ils ne diminutent pas par réserve à elle même la connaissance de une cause étrangère qui est la chaleur du l’avenir et des moyens qu’elle fournit à ■ soleil. Si la masse de glaces et de neiges chaque créature pour se conserver et mê­ polaires n’augmente dans toute sa périfé- me pour braver les horreurs dont elle pa­ rie que d’une seule toise chaque année, raît être menacée. Je ne fait que toucher on en peut facilement conclure quelle mas­ ce grand phénomène de la nature: il s’o* se a du se former depuis près deux mille père en quelque sorte sous nos yeux: il ans, époque dont parlent les géographes est digne de l’attention approfondie des de l’ancienne Grèce? On en peut aussi physiciens éclairés et je soumets ces fai­ conclure de combien les glaces du pôle se bles remarques à leurs lumières. sont rapprochées et se rapprochent succes­ En lisant l’histoire des hommes à gran­ sivement du continent septentrional. L in* des oreilles et aux pieds de cheval, on ne • - / \ \ t \ ' v i . ' V ' / J 1 ‘ *

C h a p i t r e XVII» 167 J 66 Chapî'th^ XV IF peut pas s’empêcher de sourire à la cré­ jusqu’à la tète, la frayeur de celui à qui dulité de Pline, Mais un Ambassadeur s’est offert un tel fantôme auront fait croire Français, pendant sa résidence à Varsovie, à une race d’hommes singulière. tL’acci­ n’a-t-il pas écrit quelque chose de sem­ dent meme de cet Ambassadeur 1 aurait blable? — ,,J’étais occupé de lui repon- fait croire aux revenans, s’il avait rencon­ 9,dre, d it M. de Pradt en parlant du tré un tel être dans une foret ou si le „Duc de Bassano, lorsque les portes Duc de Vicenza ne lui eut pas été connu. „de mon appartement s’ouvrent et donnent Je m’arrête ici à l’égard de Pline, et „passage à un grand homme qui marchait me reserve d’ajouter plus bas quelques re­ „appuyé' sur un de mes secrétaires d*Am- marques sur la Sarmatie d’après ce que „bassader — Allons, venez, suivez-moi, cef Historien en a laisse'. Je vais parler „m e dit ce Fantôme. Un taffetas noir en­ d’une géographie dont l’auteur parait avoir veloppait sa tête, son visage était comme commencé sa carrière lorsque le célébré „perdu dans Pepaisseur de la fourrure, Tacite était très-âge. où il était enfonce', sa démarche appesantie „par un double rempart de bottes fourrées: „celait une espace de scène dejrevenans. „Je me leve, je l’aborde, et saisissant quel­ q u e s traits de son profil, je le reconnais s,et lui dis. Ah! c’est vous Caulincour!.. Histoire de l’Ambassade de Po­ logne en rôt2» Paris 1315. p. 208.

Ainsi l’apparation, au milieu des bois* d’un homme dans un accoutrement gro­ tesque, couvert de peau depuis les pieds 163 C hapitre XVIII. Chapitre XVIII. 169 • \ l d’importa'ns services a l’Astronomie com­ me l’avouent des astronomes très - dis­

C h a p i t r e XVIII. tingues.

CLAUDE PTOLOMEE, SA COSMOGRA- Sans sortir delà ville a’Alexandrie, PH1E. MARCIAN HERACLEOTE. MOT Claude Ptolomee a rédigé vers 1 an 1C0 VELIKON KOLPON MAL CORRIGE' d’après Marin de Tyr et d’autres auteurs ET CHANGE EN VENEDIIiON grecs une Cosmographie qui aurait un KOLPON. grand mérite si cet ouvrage était parvenu jusqu’à nos jours tel qu’il était sorti de sa plume. Mais la Géographie que 1 on con­ XJn écrivain dont le nom est inscrit dans naît sous le nom de Ptolomee et les car­ les annales des Lettres, Louis Auguste tes que l’on attribue à son crayon , mon­ Sclilôtzer a jugé parfaitement la géogra- trent un travail si vaste que si plusieurs i . v t pliie, connue sous le nom de Claude Pto- hommes instruits, nés de son tems en loniée, lorsqu’il dit — ¿in Sammellurium Afrique, en Asie, èn Europe s’étaient u- des unbekannten Zeitalter das man Ptolo- nis ensemble, ils auraient subi a peine 4 maeus nennt. . . pour l’exécuter dans l’espace d’un siècle. Nestor» Lussiscli. Annal. Tom. On ne connaissait ni la boussole, ni les IL f. 56. télescopes, ni ces instrument qui facilitent Claude Ptolomee, Prêtre de Sérapis aujourd’hui les mesures. Cependant Pto­ en Egypte vivait dans le milieu du deu­ lomée dont la géographie embrasse trois xieme siècle et fut préposé à la Bibliothè­ partie du M onde, assigne les degrés de que d’Alexandrie. Il possédait de gran­ longitude et de latitude aux pays, aux des connaissances en Mathématiques. Son villes, aux sources, aux. cours, et aux ’\ ouvrage, intitulé A Image s te a rendn bouches des rivières, aux îles, aux lacs, I

170 C h a p i t r e XVIII. Chapitre XVIII. l'Ji / '' •. - . 7 ' / ## * .. s aux montagnes ce que personne n’a fait vrage, on n’aurait pas eu besoin de tracer ni connu avant ce Ptolomée. tous ces itinéraires et ces tables si la géo­ Si l*on 11e regarde que l’Europe, et graphie et les Cartes de Ptolomee avaient sur-tout l’ancienne Sarmatie et la Germa­ réellement existé. nie, si l’on veut les comparer avec la de­ On est cependant d’accord qu il a scription faite par Strabon, Fomponius laissé un ouvrage cosmographique: Le cé­ Mêla, Pline et Tacite, on conviendra que lébré Cassiodore en avait entre les mains la production attribuée au travail de Pto­ une copie, ainsi que celle de * la géogra­ lomée efface tous leurs ouvrages. En un phie de Jules l’orateur. Il recomman­ mot cet ouvrage est tel que ni le Dicta­ de ces ouvrages aux religieux de Calabre teur Jules Cesar, l’Empereur Auguste et dont.il était fondateur, il leur écrivit: — son gendre Agrippa avant [ce prêtre de ,,Cosmographiae quoque notitiam vobis Sêrapis, ni les Empereurs Antonins et „percurrendam esse non immerito süadea- Thêodose après lu i, n’eussent êtq en état \ mns...... Quod vobis proveniet ab- d'exécuter quelque chose de semblable, ,, soluté, si libellum Julii Oratoris quem quoiqu’ils eussent à leurs ordres des hom­ T,vobis reliqui, studio.se legere festinetis. mes instruits, des trésors, des flottes, les bibliothèques, les bibliothécaires, Alexan­ ,,Habetis Ptolomaei codicem, qui drie, Rome et enfin le Monde presqn’en- ,,sic omnia loca expressit evidenter, ut tier. Les itinéraires des Aqtonins et la* ,,eum cunctarum regionum pene incolain table connue sous le nom de Peutinger fuisse judicetis. . . C on fer. edit, J. que l’on rapporte à l’an 595 ou au règne Garet. anno 1679 pag. 553* vol. II. de Théodose ne sont rien en comparaison Cassiodore aurait pu ajouter encore des cartes et de la description de Claude * v plus à la louange de Ptolomée, s’il avait Ptolomée. Comme on se plait à assigner eu entre ses mains le manuscrit et les l’an 160 pour l’époque de ce dernier ou- , vingt sept cartes géographiques, pareilles 172 Chapitre XVIII. C h a p i t r e XVIII. 173

à ces grands volumes que l’on voit im­ Il y a plus: les six Ecrivains de l’hi­ primés. stoire des Empereurs de Home, connus Il est cependant singulier que dans sous le titre. —* ,,Ilistoriae Augustae les ouvrages de ce même Cassiodore, on scriptores s ex,, — qui sont Aelius ne trouve pas la moindre mention des Spartianus, Vulcatius Galiicanus, Julius nombreuse dénominations de ces peuples Capitolinus, Trebeliius Polio, Aelius Lam- qui devaient, d’après Ptolomée, habiter pridius, Flavius Vopiscus; ainsi que Pro- parmi les montagnes Carpates et sur les cope de'Césarée, Ammien Marcellin ne' bords du Danube, peuples dont, on voit en Grèce, et l’empereur Maurice qui ont une longue énumération dans la prétendue écrit l’histoire des guerres des Piomains Cosmographie de ce Ptolomée, et dont et des Grecs contre lès Sarmates, les Goths Cassiodore avait un Codex entre ses mains. et les Slaves un peu plus tard après Claude Mais au contraire d apres Jornandes et son Ptolomée tous ces écrivains célébrés, par­ histoire des Gètes, on y trouve les noms lant des peuples qui possédaient les me­ des Daces, des Sarmates, des Goths, des mes pays, n’ont cependant laissé aucune Slaves et autres peuples. trace de ces dénominations qu’on lit dans Il est encore plus étonnant, que Jor­ l’ouvrage imprimé comme d’après le sa­ nandes qui parle avec estime de ce Cos­ vant d’Alexandrie. Enfin ni dans les itiné­ mographe. — Claudius Ptolomaeus raires des P.omains ni dans la table de Peu- or bis terrarum descriptor egre- tinger on ne trouve rien de semblable. gius — que le meme Jornandes, dis-je, Ainsi depuis Hérodote jusqu’à Tacite, en parlant des Scythes, des Goths, des depuis celui-ci jusqu’à Jornandes et Mau­ Sarmates et des Slaves ne dise point un rice empereur, c’est-à-dire avant et après seul mot des peuples qu’on trouve dans la Claude Ptolomée aucun des auteurs classi­ géographie qu’il avait cependant sous ses ques dont la série est nombreuse et l’auto­ yeux. rité incontestable, n’avaient fait mention 174 C hapitre XVIII. Chapitre X V Ilt 175

\ de ces’ peuples que la géographie Ptolomée- lOn rencontre, il est vrai, dans cette ne place dans les pays entre l’Oder, la Vi- géographie les dénominations qui sont stule, le Niemen, la Duina, l’Hypanis, le v aussi dans les auteurs qui ont précédé le Tyrès, les monts Carpates, pays où de Phofenicien Marin de Tyr et l’Egyptieii son tems personne n’a pénétré. Claude Ptolomée. Ceux-ci n’en pouvaient Ces peuples sont les Piuticli’, les El- pas savoir davantage que ceux-là : car Stra- vaones, les Omani, les Diduni, les Cogni, bon le Cappadocien, Pline et Tacite v i ­ les Gythones, les Sulones, les Bulanes, les vaient plus près des pays du Nord et a- Phrugundiones, les Avarini, les Ombrones, vaient plus de facilité d’en tirer quelques les Atfactophracti, les Arsiétae les Pingi- renseignemens que les deux savants de tae, les Saboci, les Stavani, les Galindi, ces pays plus éloignés desquels d’ailleurs les Gevini, les Gilones, les Tramontani, ils n’étaient jamais sortis pour faire des les Veltai, les Honii, les Carbones, les observations géographiques. Sali, les Pagiritae, les Savari, les JBorusci. On ne sait pas, à la vérité, ce que ' les Acibi, lesNasci, leslbiones, les Vibio- » contenait le codex donné par Cassiodore nés, les Cariones, les Ophlones et autres aux religieux de Calabre. Mais il n’avait noms aussi imaginaires que ridicules, c’é­ pas sans doute ees villeè, et ces peuples tait là, les prétendus habitans des bords de qu’on voit dans des volumes, postérieure­ là Vistule, du Niémen etc. ment imprimés, On ne peut pas croire On peut déjà trouver dans ce Ptolo- que dans un espace de treize-cents ans un mée meme la Bohême — sub sylvam autem manuscrit autographe de Claude Ptolomée tlercyniarn/,,Quadi sub quibus ferri soit parvenu jusqu’au quinzième siècle, minera et Luna sylva, sub qua gens, époque où cet ouvrage parut par le moyen magna Bemorum usque ad Danubium. ¿e l’imprimerie nouvellement inventée. Edition de Home, 1478» faite dans l’im­ Auparavant on copiait et recopiait à la primerie d’Arnold Buckinck. main* on ajoutait, on corrigeait à volon-

1 176 C h apitre XVIII. C hapitre XVIII. ’ 177

te ce que l'on jugeait necessaire, et Clau- „patria enarravit suprascriptus Pt ex Pto- * de Ptolomee parut consequtivement tel 5,1 om a eus et Philosoplius. Cujus qu’il n’a jamais pu être. „patriae post terga, infra Oceanum supra- Mais il n’était pas encore tel à l’épo­ „scripta insula Scanza invenitur...... que de la renaissance des lettres. On con­ Rav.enuat. anonym. Geographiae li ­ naît l'ouvrage, intitulé — „Ravennatis bri V. anonymi Geographiae libri V. On Il est donc évident que cela a été d’a­ lui asssigne pour date l’an > et pour 787 près la Cosmographie de Ptolomee que auteur un Savant allemand nommé Guido. l’anonyme de Ravenne a placé la Vistule Celui-ci avait également sous ses yeux dans l’intérieur de la Sarmatie et non pas une copie de la géographie Ptoloinéeune» sur les frontières occidentales de cet an­ ' Cependant il a donné à la Sarmatie une cien pays, comme 011 la trouve dans le forme tout-à-fait différente de celle que Ptolomee imprimé. L ’édition de ce der- présente la description du géographe A- y V nier ouvrage, faite par Mercator et Ber- lexandrin, publiée par la voie de l’impres­ tius présente ainsi la position de cette ri­ sion. Or c’est une preuve évidente que vière. l’ouvrage de Ptolomee n’était pas alors tel Vistulae fluvii ostia 450 . 560 qu’on le voit aujourd’hui. Voici les paro­ Fluvii caput — 440 . 520 . '30' les de l’anonyme de Ravenne: I ■ ; '■ 1 • ; „Item juxta Oceanum est patria quae Des auteurs très distingués ont d jà „dicitur Roxolanorum, Suaricum, Sauro- observé que d’après cette désignation, pour ,,matum. Per quani patriam, inter que la Vistule débouchât au cinquante „caetera transeunt Rumina, quae dicuntur, sixième degré de latitude, il fallait „fluvius maximus qui dicitur Vistula, que le Continent s’étendit encore deux „quia nimis undosus in Oceano mergitur, degrés plus loin dans la mer Baltique, „et .fluvius qui nominatur Lutta. Le qua puisque les embouchures de cette riviere M

< Chapitre XVIII. 179 jr-g Chapitre XVIII* autrement. Si l’on réduit en degrés la sont à peu près au cinquante qua­ distance, marquée en stades par Héracleo- trième degre de latitude. te, et comprise entre le promontoire Cim- La Cosmographie imprimée place les brique et la Vistule de Ptolornée, celle-ci., sources delà Vistule au cinquante deu­ devait être plus près do ce piomontoire xieme degre et trente minutes de la­ que ne l’est aujourd’hui l’Oder. Mais qui, titude. C’ést donc à la moitié de la distan­ dans ces siècles anciens, aura mesuré la ce réelle, car les sources de cette, rivière toise à la main, les îles, les rivières, les sont au 49° et 10 lat^uc^e' montagnes, les pays du Nord? On sait IVIais si l’on regarde d’apres la même quel tems et quelles peines a coûté aux édition le degré de longitude, assigné au Mathématiciens français la mesure exacte- cours de la Vistule; elle devait sortir de d’un seul degré du méridien de Paris, la Lithvanie orientale et passer au-delà quand on voulut fixer la base du sistême du fleuve Dvina par les bords occiden­ décimal. .» , • taux du lac de Peipus. A-t-on réellement copié et soigneu­ „Caput Vistulae 440 longit. „Ostia Vistulae 45 long. sement conservé les nombres exprimés en chiffre de l’alphabet grec ou latin des an­ Que l’on regarde la carte VIH de l’Eu­ ciens manuscrits? Qui garantira qu’on 11a rope, carte attribuée à Ptolornée, on» y pas changé, mutilé, effacé, les noms que verra la direction et la figure de la riviè­ les anciens auteurs avaient tracés? Vo­ re, portant le nom de Vistule; elle répond yons-en un simple exemple. à l’Oder moderne. Le Savant éditeur du Périple de Mar­ L’épitomateur du géographe Alexan­ drin, Marcian Héracléote, ne compte pas cian Héracléote, Mr. John Hudson Uouve dans le manuscrit de ce périple une phra­ les distances par degrés,, mais par stades. se — v e 1 i h o 11 k o 1 p Q n. O eXtno v xoK- C était 1 usage des anciens siècles. H est 'rrov: il la corrige en y substituant véné- probable que Ptolomee ne comptait pas M 2 ’ : V / i / \ t r ' '/ ' V. • ‘ \ \ Chapitre XVIII. 331 iqo Ch a pitr e XVIII. ' - fi / . V. ■ '' I , ‘V ’ . •' v v I die on, O vsvsàixov zoKrtov. Quelle gran­ très necessaire et jette un grand jour de différence au premier coup d’oeil, et sur le doute à l’egard des embouchures quelle plus grande encore dans sa signi­ du C hr on us, du Rhubon, du Turuu- fication interne! Le mot véliki, ve ike tus, du Chenisus, rivieres de la géogra­ . en idiomes slàves, et wielki, wielka, wiel- phie Ptoloméenne. La mer blanche est au kie en polonais signifie magnus magna, 50° , 53° , 6b° , — 6o° degrés de longitu­ magnum. Le mot welkes en idiome La- de; et les bouches de ces rivieres, d’après ¡.pon, et Suomic ou finois est albus, blanc la Cosmographie imprimée sont: On connait la m er blanche. 11 aura pu Chroni fluvii ostia 50° longit. 570 latid. y avoir un grand golfe, sinus maguus, I\ubonis iluvii ostia 53° — 57° ainsi appelé de sa forme On aura pu Turunti fluvii ostia 56° — 58° i~— * changer, le mot sarmatico-slave weliki, Chesini fluvii ostia 58° | — 59* — wielki ou le Suomic welkes en mau­ vais'grec et dire o ovehiy*oç xoA'jfoç: ma* Ces rivieres pouvaient déboucher à gqus, aut albus sinus. La conservation cette longitude dans la mer blanche Ous- de ce mot Sarmatico-slave reprondrait à Xixoov ko A TT co v et jamais dans le Véué- celle que Pline a faite de la phrase more­ dikon./ • ' ; ' . . t . in ar use. Mais John Hudson aima mieux Les degrés de latitude sont faux, car le rejetter et y substituer Ven e die on. sous ces parallèles est le continent et non pas la mer. Ce n’est pas ici le lieu d’en Logo, dit-il, O veveiïiKov jcoTwtov, Conféré Periplus Martiani Heracleotae p, discuter la cause. Un savant très distin­ 55. edit Hudsonii Tom. I. an. 1698» gué, Mr. Mannert avait pris la défense Autrefois on n’était pas si sincere. Un de la géographie Ptoloméenne contre les ignorant copiste effaçait le mot qui ne attaques vigoureuses de Mr. Schlotzer. lui plaisait pas et ne disait rien Cepen­ — ,,]Sfon nostri tantas componere li tes: ce n’est pas à moi à prononcer en- dant le mot welikon de Martian y est 1 . * ^

/ v •# V. A•. - . V ' > ' U • > • / V , , N ' • , * ' ,, i . ■ ■ » - ’ ’ '4 182 Chapitre XVIII. C hapitre XIX. IR T 'i tre ces deux grands littérateurs. Je ne discute qu'une très-modique partie de cet­ r* * ’ ' C hapitre XIX. te géographie, touchant les pays des Sar- ' . * - y \ \ . * •• mates. Celle-ci est sans doute une com­ PROCOPE DE CESAREE. PEUPLES position des tems postérieurs. Il n’est pas SUR LA RIVE GAUCHE DE L’ISTER. même difficile d’en deviner la date. SCYTHES, S ARMATES, SLAVES, AN­ Je sais aussi que des »hommes très- TES, GOTHSj, VANDALES, VISIGOTIIS e claires se sont donné la peine de faire ET HUNS. YAZYGES D’APRES OVIDE l’application des nom s, prétendus anciens* ET TACITE. YAZYK, SŁOWO, SŁO­ aux rivières ; aux pays de la Pologne et de WACY, SLAVES, 2HOPOI, SPORY. la Prusse. Je respecte ces travaux, mais ils ne sont pas satisfaisants; la base en est erronée ou plutôt imaginaire. On trouve Dans la première moitié du sixième siè­ des inexactitudes dans le Géographe Alexan­ cle , la géographie du Nord offre un aspect drin à l’égard du Nil et de la mer rouge tout-à fait différent de celui que nous ont qui étaient sous ses yeux. Eh! comment peint les auteurs précédens. pourra-t-on prétendre faire l’application, Procope de Césarée et Jornandes ont de ce qu’on lui fait dire à l’égard de la laissé des renseignemens sur les Scythes, Yistule et de la mer Baltique, situées par les Sarmates et les Gètes; aipsi que sur rapport à ce Géographe au bout de 1 autre les Goths, les Vandales, les Slaves et les partie du monde inconnu, où il n’avait Huns. Ces renseignemens, précieux ptyr jamais été et dont il ne pouvait que très leur antiquité sont plus embarrassants peu avoir entendu, parler ! qu’instructifs. Des savants distingués se sont effor­ cés d’après ces auteurs de désigner le sé- ' . . ; .. "" "■ , y ( /■ Ch a piti\ü XIX. 185 184- Ç h a p i-ïivç XIX. ' V.rj:: '' - ■ » ‘ ■ . ■ . . » / ; , ■ .*'■], 1 , ■ . jour des peuples dont ils parlent, et les „nam illi fuerint et qua illud via perfece- limites de leurs pays dans la vaste plaine, „rint, mox declarabo. Plurimae quidem comprise entre l’Oder, la mer Baltique, 5JjSUperioribus temporibus, liodieque sunt 1 t s • le Borysthèues et les monts carpates. > Ces „nationes gotthicae foT&x* e&n *0^* efforts sont plus ingénieux que concluans. sed inter illas Gotthi, Yandali, Vi- En effet comment après douze siècles ré­ „sigothi et Gepaedes cum numéro tum volus, tracer des limites aux-quelles ne „dignitate praestant. Olim Sauromatae pensaient ni Procope ni Jornandes, quand „dicebantur et M élan cilla eni: qui- ils écrivaient ¡’histoire de ces peuples qui ,,dam etiam Getarum nome» ipsis tri- vivaient dans des cliarriots et sans demeu­ „buerunt, Vocabulis quidem omnes, res fixes? ,,ut dictum est, nu 11 a vero re praeterea Procope confond à la fois les Scythes, „inter se differunt...... •> . les Sarmates, les Mélanchlaenes, les Van­ „Suorum deinde ducum nomini- dales, les Gotha, et ne les regarde que ,,bus discretos fuisse existimem. An- comme habitants des bords du Danube. „tiquae eorum sed es trans flumen Les recherches de cet historien ne passè­ „Istrura. rent pas les monts Carpates. Je vais ra­ D e Bello Vandal. Lib. I. cap. IL masser et joindre ses renseignemens, di­ p. 178. spersés dans plusieurs livres et chapitres ; I ,/ • y- . de sôh histoire des guerres contre Voilà donc les limites et le nom des les Goths et les Vanídales. Je me peuples jadis si diff’érens! Il faut ici ob­ b¿rt pour cet objet de l’édition faite par server que 1 historien parle de ces peuples comme indigènes, antiquae eorum se- Claude Maîtrete, imprimée à Paris 1662. des. •. . / II. vol. en grec et latin. Procope dit: „Imperium occidentale tenente Ilono- Procope, rendant compte des places „riô ditionein ejus invasere barbari: qüi- fortes, bâties par odre de l’Empereur sur i *

C h a p i t r e XIX. 187 J 8$ C h a p i t r e XIX. u " ’ . . i. 1 les bords de ¡lister contre ces nations, kmm ,,Jam enim saepe Hunni, Antae et ajoute: „Sclavinni, trajecto ilumino Romanos pes- ,,sime faedissimeque vexarunt. — ,,,Nimirum talia sunt (aedificia) Procop. de bello Gothi. Vol. I. p. 5q6. ,,qualia postulat fluminis Istri yicinitas, et >,consequens inde nécessitas ob imminen- L’historien parait mettre une différen­ ,,tes illis partibus Barbaros. ce entre les Antes et les Slaves :

% - , \ i - * v ' / , • j '/ > ' v * ' • ' ; • v • ", —* Postea inter Antas et Sclavenos „ht vero instant Hunni Gotthique ortô dissidiô, res ad manus et pugnam „accolae : vim faciunt gentes Tauricae, „Scythaeque S cl ave ni et quicunque venit; qua ab hostibus Antae victi sunt. \ 5,Vel S a u r o 111 a t a c Haraaxobii vel IMe- Il parle aussi du gouvernement et „tanastae ab liistoricis antiquissimis dicti de la religion de’ ces peuples : ,,sutit : acsi «qua alia ferina liominum na- ,,tio ibi don^os habet, aut per pascua va- At vero hi populi Selaveni inquam ,,gas, aut stabiles. et Antae, non uni parent viro, sed ab an- tiquo in populari imperio vitam agunt: ac Procop. de Adif. li. IV. cap. I. Tom. II. p. 66. propterea utilitates et damna apud ipsos in commune vocari. On voit encore dans ce dernier pas­ Unum Deum, fnlgoris efFectorem, do- sage de l’histoire un amalgame de beau­ minum hujus universitatis agnoscunt. . . . coup de peuples, mais qui ne sont ras­ sembles que sur les bords de lister. Fatum minime norunt nedum illi in mortales aliquam vim attribuant...... prae- Dans le livre III et le chapitre XIV terea et fluvios colunt et Nymphas...... « de la guerre Gothique, Procope en parlant Una est utrisque lingua. ... Vitam aéque de la quatrième année du regue de Justi­ ut Massagetae, victu árido, incultoque to­ nien, dit: lérant. . . ♦ Ingeniutn illis nec malignum v > i . ... . » , v, , 188 Ch aîitpe XÏX • CriAPITEE XIX. 189 nec fraudulentumi Noraen etiam quon- H parait d’après Historien de Césa- dam Sciavenis, Antisque uuum eratr.utro- rée que les Slaves étaient séparés de ces que enitn appellavit Sporos antiquitas, Huns et des peuples Gothiques. Mais vou­ ob ici opinor quia crvc^etSinv hoc est spar- loir désigner les limites entre ces nations, sini et rare positis tabernaculis regionem serait un travail qui n’aurait pour base obtiuent: quo fit ut magnum occupent que des suppositions sans preuve. Ulte- spatium. Et verô uîterioris ripae Istri par- rioris Istri partem maximam ha- tem maximam iiabent, Hactenus de g en­ bent, .voilà les limites des Slaves et des te ilia. , Antes. Aujourd’hui m me la Hongrie est Vol. I. pag 498. A. i ■ • > ■ » . * ' habitée par des peuples qui parlent les idio­ D ’apres cette relation, il est bien évi­ mes Hongrois ,< Allemand, et Slave. Ce dent que lés Slaves et les Antes compo­ f dernier idiome y est le plus répandu, comme on le voit dans un ouvrage, com­ saient entre eux un seul £t ancien peuple, nommé auparavant spori. L’ilistorieh posé par le Professeur Palkowic. L’ouvra­ suppose que ce dernier mot est hellénique. ge porte de titre — Znamost W 1 a s ti, La langue Slave a également son nom ad­ connaissance du pays, imprimé à Prefs- jectif spory, spora, spore, numerosus, bourg 1809. On y lit à la page 15 le di­ numerosa, numerosum. stique suivant: > On voit aussi que cette nation nom­ Ulier, Slowan, Nemec, ma zwlaift , breuse avait une langue à elle; langue qui bydlo zdegffi. Slowane wifak gfau snad w n était ni celle des Goths ni celle des Huns, poctu ncysylnegifi: ce qui veut dire: Les 1 Du tems de Tacite, les peuples qui habi­ Hongrois, les Slaves, les Allemands ont taient les revers des monts Carpates, par­ ici leurs possessions; les Slaves sont les laient distinctement’ deux langues, la Sar- plus forts en nombre. 11 faut mettre ici encore un passage matique et la Germanique : les Huns n’é­ ■ / 1 * . taient pas encore en Europe, ; ¿le l’histoire de Procope touchant les Scir- * Jpo C hapitre XIX,. C h a p i t r e XIX. 19 l

res et les Alains : — „Aliquando ante, Pio- L e mot Yazyges au plurier, fait mani Scirros, Alanos et allas gentes Got- Yazyx au singulier d’après Ovide: tliieas in societatem adsciverant, ex quo - »' ' ' illas ab Alarico, Attilaque clades accipe- Ipse vides, onerata ferox ut ducat rarit quas }in superioribus libris descripsi Yazyx D e bello Gothico lib. 1. cap. I. Per médias Istri plaustra bubulcus T o m. I. p. 303. aquas. Toutes ces citations qu’on vient de E n Ponto IV. epist. 7 et 9. lire, tirées de Procope montrent quelle masse de peuples cet auteur a réunie à la Les Yazyges sont aussi connus dans fois pour les placer entre la rive gauche l’histoire de Tacite: — „Principes Sarma- de l’Ister ou Danube et les monts Carpa- ,,tarum‘'Jazygum, penes quos civitatis re­ tes. Il na pas fait mention des \ a z y- chnen, in commilitium adsciti. Histor. ges^des Bessi et des Bastarnes qu’avait lib . III. chantés Ovide dans sa colère: , , 1 \ Solus ad egressus missus septemplicis Le mot Yazyk dans l’idiome Slave \ Istri signifie la langue, langua, 7 K o a ex a , 7 Àorra. Parrhasiae gelido virginis axe premor. Le mot slowo a la signification de pa­ Yazyges et Colchi, Metereaque tur- role, v erb um, vox. Pour exprimer le ba Getaeque mot idiome, 011 emploie sans distinction Danubii mediis vix prohibentur Y a z y k ou slowo, mowa, lingua, ver- aquis. bum, sermo. Ainsi les peuples, parlant la Trist. II. vers 133. meme langue étaient indistinctement ap Au lieu de Metereaque, d’autres pelés Yazycy, Slowacy, Slowianie, en la­ lisent Nevraeaque: ce dernier mot se tin Yazyges, en grec Sclavini. rapporterait à l’ancienne .Nevris.

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192 CriA PITB E XIX.

Voilà ce que j’avais à dire sur l’hi­ stoire de Procope. Il ne connaissait pas les peuples qui habitaient endeça cfés monts Carpates. Jornandés son contem­ porain, en savait davantage; c’est à pré­ sent son tour. POESIES

Fin de la Ire partie du Discours. TRADUITES DE LA LANGUE POLONAISE.

1 —«■«■&»■»...... ' ' 4 . - ' v 1 ■ • . / • 1 ...... Certe nil turpe docetis!

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WOYNA CHÛCIMSKA GUERRE DE CHOTSIM POEME EN XII CHANTS PAR IGNACE COMTE KRASICKL

L e sujet du Poème et les talents du Poète sont exposés daps le chapitre XXVIII du discours précèdent. Je regrette de n avoir pQjjjj entre mes mains ces beaux chants héroïques. Ce que je présente dans ce moment, n’est que ce que ma memohe en a retenu. Pour célébrer le courage et le patrio­ tisme, pour faire aimer les vertus civiques et la morale, Ignace Krasicki a choisi un événement mémorable qui répondait à ses vues, et qui était digne de sa lyre. L ’empire des Musulmans était alors au plus haut degré de s £ force, et gouver­ né par un Sultan jeune, fier et ardent. Emporté par la fougue de l’ambition et par le désir d’égaler ses prédécesseurs, Os­ man' conçut un projet vaste et funeste N 2 V •i I

1 3 6 G u e r r e d e c h o t s i m . Guerre de chotsim. > 197 pour la Chrétienté! Avant tout, il prit Le laboureur abandonne la charrue l’idée de détruire la Pologne : le Poëte se „dans le sillon, il abandonne les boeufs, transporte en idée à cette époque; voici la „les compagnons chéris de ses travaux. marche de son poëme, „Les bergers fuient et laissent leurs Gou­ b e a u x quils n’ont pas le tems d’emme- Chant. î. Osman, tourmente' par l’am­ ,,ner. Les pères reçoivent les adieux >e bition, médite l’assujetissement des Chré­ „leurs fils, les épouses de leurs maris ; et tien I.’ombre de Mahomet lui apparait, „la foule, incapable de se défendre, erre exalte ses pensées et ie jeune Sultan, ” au désespoir, ne connaissant pas de lieu „fier de la majesté de son trône, s’é- ” de sûreté. Puissance éternelle! s’écrie ie „leva au - dessus de-la nature humai- „chantre, toi qui daignes arracher le fai- „ne et menaça le Monde. — „ble aux mains sanguinaires, seule tu di- « i % k 1 \ , ' * \ » ' ,,disposes du sort des mortels, et tes sain­ Le Sultan ordonne à ses troupes d’en­ te s paroles nous apprennent que celui trer en Pologne. ” qui met en toi sa confiance n’est jamais Chant. ïï. La triste ^nouvelle de la mar­ „abandonné. . . di- de^ Turcs et des Tartares se répand I,e roi de Pologne Sigismond III, le dans le pays. L ’alarme et la terreur y Sénat et les Nonces assemblés à la Oiète, deviennent d’autant plus grandes que le choisissent le Comte Chodkiewicz, géné­ malheur était inattendu. Le poëte peint ral de Lithva nie, pour commander en l’image d’après la réalité; car les Turcs et chef. On rassemble une armée sur les les Tartares dans leur fréquentes invasions frontières. sans aucune déclaration de guerre, atta­ quaient à l’-mproviste, brûlaient les villes Chant ni. Le Comte venait d'épou­ et les villages, tuaient ou amenaient en ser la ]eune princesse d’Ostrog. O ü lui esclavage les hommes de tout sexe et de apporte l’ordre de partir p ou r, l’armée. tout âge. C’est pourquoi: Les adieux des époux; épisode mâle et

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Guerre de chotsim. 199 198 Guerre de chotsitwu lui remet le bâton de commandant en chef touchant. Le Poète (qui existait alors sous un des gouvernemens qui se sont partagé et ditî la Pologne à 1 époque du premier démem­ „La Patrie dépose ce signe entre tes brement) fait l éloge de la Constitution de „mains. Le Polonais et le Lithvamen, e- son ancienne Patrie. ,,gaiement animés, obéissent à toi seul, „ je te cède l’honneur de commander. Ce- ,,Le Roi est investi du pouvoir su­ „lui qui ne respire que l’amour de la Pa­ prême: à côté de lui, sur le meme tro­ t r i e , 11e ch erc'he pas de prééminence. ène est assise la Liberté. Elle tempère Rangés sous te drapeau de Ljthvame ou „ l’éclat de la majesté du Monarque. Pour " sous le drapeau de Pologne, nous som- „qu’elle nexcède pas les bornes, la Li- „mes frères, nous défendons noue mere ,,berte est liee. par les ioix. Lorsque le „commune,, . * , „ro i, les anciens et les frères (nom q u e »encontre des Turcs et des Polonais. se donnaient les nonces relative­ ment à leurs commettans) décident Combats. „test la Patrie qui veut, c’est la nation Chant. VI. Le CaStellan Sobieslu. et „qui ordonne. . . le Palatin Zorawinski sont envoyés au-de­ Chant IV. La Divinité est touchée vant de Vladislas, prince Royal, qui oit par les larmes du peuple: elle penche amener la levée en masse ou la P o ?p o- l i t é L a n d s tu r m . Les députés s ega- pour la Pologne. L’armée, rassemblée k la bâte est animée du plus ardent cou­ rent dans une forêt: ih sont reçus par un rage. La revue et le tableau des rangs hermite, qui leur apprend leur sort. des combattans, ainsi que des généraux ri,mit VII. Combat entre les Musul- qui Iss commandent, s’oiFrent a nos yeux. ¿JT» 1 « — . » * * * Zawisza tue un general T m c, il es ^ Chant V. L’année Polonaise va au- lui-même. L ’arm ée déplore le jeune héros devant des Musulmans, .passe le Niester: et la perte des plusieurs braves. Obsèques. le Comte Chodkiewicz arrive, Lubomirski ✓ I— ■ * ' w , I 200 Guerre de ckotsim. Guerre de chotsim. 201

Dans le chant suivant, Casimir, Prince ,,A ceux, dit-il, qui sont acoûtumés Jagellon, decede a la fleur de son age et „à des triomphes, il ne reste que deux mis par l’Eglise au nombrexdes saints, ap* „chemins honorables; il faut vaincre ou parait au Prince Vladislas. Episode fort „périr. , . . touchant et très moral* Saint Casimir in® Les Turcs sont encore battus. A la struit le jeune Prince Vladislas de ses de­ nouvelle que le prince Vladislas arrive, le voirs envers la Patrie, et envers ceux sur Grand Visir offre la paix; elle est acceptée. lesquels il doit régner un jour: il lui tra­ Le Poëte, quoiqu’on observe qu’il n’a ce l’instabilité du sort des mortels et corn' pas fait un poëme, rigoureusement épique, ment il faut supporter les malheurs atta­ a cependant atteint 1© but qu il se propo­ chés à toutes les conditions des hommes, sait, celui de chanter dignement les ob­ conditions qui ne sont qu’apparentes, mais jets que la Poésie héroïque se plait à cé­ qui ne sont rien dans la réalité. lébrer. Le Poëte par des épisodes, par des On lit dans les Poésies, connues de tous combats livrés et repoussés, par les de­ le monde, écrites en latin par Casimir Sar- scriptions magnifiques arrive jusqu’à son biewski, une Ode sur cette meme guerre. onzième chant où le chef Polonais bat Elle parait avoir, en quelque sorte animé et contraint Osman à la fuite. Celui-ci la verve d’Ignace Iirasicki; abandonne son armée sous le commande­ Cette Ode porte pour titre — Laure a ment du grand-visir et s’en va à Constan­ chocim ensis anno 1621. Libr.IV.OdelV. tinople. ,

Dans le douzième chant, le chef Po­ lonais meurt. Les Musulmans se rani­ ment à cette nouvelle, ils livrent un des plus furieux combats. Lubomirski anime les Polonais: L e c h o n i d e . 2 0 3 t . v ’ / 1 „ _ % présentait sur ses rivages les plus riantes campagnes. Un espace dont l’oeil étonne \ pouvait à peine atteindre les bornes, of­ f r a g m e n t frait une plaine immense. Des buissons D’ÜN POEME, INTITULE et des bouquets d’arbres épars en déser- l a l e c i i o n i d e dre faissaient son ornement sans la mas­ quer aux regards des passants. ECRIT EN POLONAIS ET TRADUIT EN FRANÇAIS , ^ 1 Ici on voyait jouer sur le gazon des PAR. O . . . . troupeaux de brébis, dont la blancheur — —* 4> égalait celle de la neige; là des milliers de vaches, aux regards fiers et aux cornes REMARQUE. semicirculaires, paraissaient sentir leur prix On voudra Lien observer, que le fait,'qui est le su­ et leur liberté. Dans d’autres endroits de jet de ce poème se rapporte à l’époque, où les divinités mythologiques des Grecs et des Romains cessèrent de jeunes chevaux, qui ne connoissaient pas faire illusion. La religion chrétienne n’étoit pas encore encore le frein, parcouraient, en bondis­ connue du peuple, qui entre ici en scène. Il falloit donc employer d’autres ressorts, qui pussent sè comporter avec sant cette immense étendue. Des myria­ les idées, que l’ancienne philosophie avait laissées. Le des d’oyes1 et de canards, dans un mouve­ héros du poème semble être un sectateur du Platonisme ment continuel, variaient par leur blan­ qui ctoit universellement repaùdu. cheur éclatante la verdure des rivages.

Les, P o lie ns admiraient là une se­ Chant. III. conde Arcadie, lorsque libre et tranquille elle 11e portait pas le joug des conquérans L es vaisseaux, couronnes cio festons d© et ne déplorait pas la destruction de ses fleurs et de brandies de verdure suivaient troupeaux et l’esclavage de ses bergers. lentement le courant silencieux de la Vi- Le soleil n’avait plus que trois pas à stule. Cette fille du Krapach sarmatique faire pour se placer sur le trône éclatant

I. L echonide. 205 204 Lechonide.

du M idi, tandis que les bergers VistulanS à la hâte, conduite par un chef, que des faisaient entendre des airs champêtres sur armes brillantes, l’age et l’expérience di­ leurs chalumeaux à l’ombre des buissons stinguaient. Une troupe d’hommes de i\ touffus, et sur les bords des ruisseaux qui tout âge couvrit bientôt la côte, devant serpentaient en divers sens, en arrosant laquelle l’ancre avait été jettée. les prairies émailliées. Le vaisseau de Aussitôt le chef des Poliens appelle Lechos précédait les autres et' le pavillon âpprès de lui l'homme qui présidait aux amarante, parsème d’étoiles argentées, in­ sacrifices divins et lui dit: ,,va respecta­ diquait le chef de cette république flot­ b le vieillard , demander à ce peuple et à tante. La jeunesse, attirée par le charme „son chef, qu’ils nous permettent de de­ de cette scène de la nature, sortait des scendre sur leur terre, pour rendre hom- cabanes étroites qui voguaient au milieu „mage à la divinité; qu’ils nous laissent de ces bords heureux. Bientôt le chef ap- „ensuite aller librement où nous condui­ perçoit sur le rivage trois chênes, dont les r o n t les ondes de ce fleuve, et la volon- branches se touchaient et formaient un ,,té de celui qui n’abandonne pas l’hom- abri spacieux. Des tilleuls, riches en feuil­ 4,me dans son malheur. les nouvellement développées l’enviroriient en formant un amphithéâtre en croissant. Le vieillard se fait accompagner par Le signe fut donné par le chef; les vais­ deux jeunes Poliens à L’aurore de leur âge, seaux des Poîiens s’arrêtèrent devant cet et s’empresse à répondre a l’invitation de asyle de la tranquillité. Lechos. Aussi vénérable par ses cheveux blancs que par 1 aménité de ses traits, il Cependant les habitans accouraient de n’avait d’autres ornemens, qu’une tunique toutes parts à la vue de ce s vaisseaux et blanche et un manteau amarante ; un ban­ des hommes nouvellement arrivés. Une deau bleu céleste ceignait son front. U élite de jeunes guerriers, armés de lances parut devant l’assemblée, ayant à la main et montés sur des coursiers agiles, arrive une fleur de lys, eu signe de la candeur L echonide. 207 2 0 Ô L eCHONIDE, de ses paroles et de la modestie des de­ „Ce ne serait pas une vertu digne de l’hom- mandes qu’il venait faire au nom de ses ,,me que de se jetler dam? un précipice compagnons. Le silence régnait dans toute exprès pour y finir ses jours, quand il l’assemblée: les regards étaient tournés „ reste d’autres moyens pour remplir les vers cet envoyé', lorsqu’il commença de „devoirs, que la providence a imposés à ,,l’homme en lui donnant la vie et s en ré­ parler : servant à elle-même la disposition. Nous „Valeureux fils de ces contrées fortu­ allons donc où la destinée nous conduit,' nées ! que le ciel daigne vous envoyer „chercher une terre hospitalière que nous „éternellement des jours aussi sereins que „puissions cultiver en paix sans faire de „celui, qui nous amène sur vos rivages; „tort à personne. Nous ne vous deman­ „qu’il féconde toujours vos terres, et ne dons, ô peuples fortunés, que de nous „ cesse jamais de vous rendre heureux vous „laisser ici offrir notre sacrifice à la di- „et votre patrie! — Les vaisseaux que „vinité qui seule créa l’univers et le com- „vous voyez portent les restes d’une 11a- ,,bla de ses bienfaits. La solennité ac- „tion lointaine et jadis fortunée, que des „complie nous continuerons notre voyage „conquérans, aussi ambitieux qu’insatia- „sur l’eau que la providence a destinée „bles ont envahis, et à la quelle ils ont „comme l’air, où planent les oiseaux, pour „imposé un joug déshonorant, après lui „lusage commun des hommes.,, — „avoir injustement fait soufFrir toutp sorte „de malheurs et d’effrayantes désolations. On écouta les paroles de l’envoyé à- „ N ’étant plus en état de résister a leurs vec le sentiment d’une bienveillante at­ ,,forces toujours croissantes, nous jugeâ- tention. Une grande partie de l’assemblée ,,m es, qu’il étoit plus sage de sortir du notait pas contraire aux voeux des Po- „pays, que de rester leurs esclaves ou de liens. Mais un homme, aux regards sini­ „périr misérablement, sans pouvoir ce* stres, se lève et dit: les autels des dieux „pendant repousser nos cruels aggresseurs, „étrangers ne peuvent point être placés 2 C 0 L e c h o n i d e .

„sur la terre consacrée aux Dieux de nos n e sur la terre par un hommage rendu „peres. Ce serait un crime que nos loix „aux puissances célestes, ; Ce serait ôter „punissent avec sévérité, et la religion ,,à l’homme son unique consolation, que „vous en avertit par mon organe. Si la „de lui défendre d’offrir ses prières et de „croyance de ces hommes est aussi pure „présenter ses" actions de grâce à celui, „que la nôtre, qu’ils viennent prendre part „d e ’qüi seul il espère un soulagement dans „à nos sacrifices ; si les leurs different des „son malheur.,, „nôtres, il faut les chasser de ces con­ Les regards de tonte l’assemblée 'é- fié e s .,, taâent fixés sur le chef, dont on attendait ht décision. Il dit; „Si nous leur défen- Ce discours fut entendu par une par­ „dons de venir sur le rivage et de faire tie de rassemblée avec approbation et par „ici leurs sacrifices, ils les feront dans l’autre avec un murmure de mécontente­ ment. L envoyé prend encore une fois la »leurs vaisseaux: nous n’en aurons aucune parole et dit: ♦ . Nous adorons la divinité „connaissance. Il me parait plus sage, de ,,qui seule par sa puissance créa tout, et „les laisser descendre pour qu’ils sacrifient „maintenant le conserve ou le détruit à „en notre présence Nous jugerons par „sa voîontée. Etant l’ouvrage de ses mains „là, cruels hommes ils sont: et'si nous „bienfaisantes, nous lui offrons en hom- „voyons , x quelque chose d’indigne de nos „mage un encens pur et l’adorons par nos „dieux, ou de contraire à nos loix nous „chants. Telles sont nos offrandes et no- „les empêcherons de le faire et même de ,,tre foi; il serait donc trop sevère, ô gé- » poursuivre leur voyage nous les force­ „nereux habitans, de nous empêcher de r o n s de retourner sur leurs pas: la ma­ „rendre grâces à la divinité selon nos cou­ niéré dont l’hompite adore les dieux, fait tu m es, avant que vous les ayez vues* et savoir quel est son coeur quelles sont ses „que vous ayez trouvé, si elles sont con­ >,moeurs. Je ne!/vois rien de contraire à traires aux vôtres. On n’offense person­ »,1a demande de l’envoyé,, — Ces paroles . O , ; C hant III 211 2 1 0 C hant III. „vous gêne dans l’exercice de votre du chef furent reçues avec un assentiment général; il continua: „Vieillardî tu viens „culte.,, Il était bien doux de voir tout ce peu­ „d ’entendre nos discours; si tu es bien sûr, ple s’empresser de nettoyer la place dé­ „que par votre eu»te vous ne risquez pas signée. On mit autour un long ruban „de nous déplaire, vous pouvez remplir jaune, étendu sur des pieux, que des fais­ „vos intentions: Nous respecterons en- ceaux de branches vertes entouraient. Tan­ „vers vous les loix d’hospitalité que nous „observons strictement à l’égard de tout dis que le vaisseau de Lech approche de la rive, contre laquel on avait jette un „étranger.,, pont pour faciliter la descente, tout le L’envoyé répondit: ,Tes paroles, o peuple se rangea hors de 1 enceinte, ou „digne chef d’un peuple généreux, et la ,décision que tu viens de prendre sont le seul chef resta. Bientôt on vit paraître neuf jeunes „dignes de la vraie sagesse; elles sont filles eu robes plus blanches que la neige, „consolantes poiir nous. Je reste auprès chacune portait a la. main une lyre; tou­ „de vous, et je ne yeux envoyer que ces tes tenaient une guirlande tiessee ne îo- „enfans pour inviter mes compagnons à ses, de lys et d’autres fleurs. N euf jeu­ „descendre sur cette rive hospita ière. nes garçons suivaient, ce cortège; ils por­ „Veuillez nous désigner une place pour taient un autel formé d’un disque de mar­ vy dresser l’autel de sacrifice.,, bre de Paros, appuyé sur un tri pied de „ L ’enceinte que forment ces trois chê­ bronze éclatant. Un grand cratère du plus n e s et les tilleuls — repon'dit le chef — brillant albâtre, porté par trois vierges „est le hamp de l’hospitalité, destiné par suivait immédiatement l’autel, ^ingt gar­ „nos peres à la réception des étrangers. çons , jouant de plusieurs instruments mé­ „ C ’est là que vous pouvez faire vos so- lodieux, précédaient un grand drapeau de „lemnités, et je veux la marquer d’un soie bleu celeste', suivi de deux étendards „signe pour que personne n’y entre ni

\ 1 212 • C ha^ t III. C hant III. 213

de couleur amarante. Ils formaient un des deux enseignes on observait une toi­ triangle au milieu duquel on voyait six son d’or, mais déchirée, l’emblème de vierges porter une corbeille d’osier, rem­ l’ancienne fondation de Pola en Istrie par plie de fleurs et d’herbes odoriférantes des Colchidiens et de sa ruine par de fa-, desséchées. Enfin suivait Lecîi, d’une fi­ rouches conquérans. Cette enseigne por­ gure noble, embellie par toutes les grâces tait l’inscription* „tes enfans, ô patrie de la jeunesse, il n’avait vu que'vingt sept „infortunée, «ne t’oublieront ja- printems; il lui restait à parcourir une ,,m ais!„ Sur l’autre enseigne, qui 11’avait encore aucune emblème étaient brodés ces grande carrière, semée d’épines aussi bien mots: à la patrie que nous donnera que de fleurs et beaucoup de travaux à le ciel. supporter. ,Pix foix trente jeunes Poliens, outre ceux qui gardaient les vaisseaux en­ Au sommet de l’éminence fut place touraient leur chef et formaient son brillant l’autel sur lequel on mit le cratère, dans coitège. lequel s’alluma de lui meme le feu. Pen­ Le sacrificateur, étant allé au devant, dant cet arrangement la mélodie des flû­ les conduisit au champ de l’hospitalité ; tes se fit entendre continuellement. Au là on fixa en terre les drapeaux entre les signal donné, il règne un silence général, trois chênes sur une petite éminence, que; et le sacrificateur s’etant approché d’autel la nature avait formée et couverte de ga­ leva les yeux vers le ciel et dit à haute zon fleuri. Le souffle d’un vent leger dé­ voix: Nous te rendons grâces, ô divinité ploya le grand drapeau , sur lequel on li­ bienfaisante, pour les jours que tu nous sait en caractères d’or: „A la divinité, as donnés, et pour les bienfaits, dont tu arbitre des mondes et des hommes, ne cesses pas de combler la terre. Nous ,,1’ouvrage de sa puissance,, Ces te rendons grâces des ce que tu nous mon­ paroles étaient entourées d’un cercle d’étoi­ tras le chemin sans écueil, et nous fis les brodées en argent luisant. Sur une rencontrer des hommes hospitaliers» Dai-

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/ v' : V \ “ ; ' ; _ . ' 214. C hant III* C hant III. ir 5

gne, ô Etre incompréhensible, continuer l’hymne que tous les Poliens chantaient tes bienfaits et nous conduire au but que en ces termes. , , ta providence nous a marque. Daigne ré­ pandre toute sorte de prospérités sur le „Créateur de l’univers, aux ordres du­ peuple qui nous reçoit généreusement, qui q u el sont attentifs les mondes et les siè­ laisse glorifier en paix ton nom adorable. — cles , soit que tu menaces de ta foudre, 11' prit ensuite de l’encens et des herbes, „soit que tu répands tes bienfaits, cest les mit sur le feu, que les trois vierges „de toi seul que dépend la destinée des, ne cessaient pas d’entretenir, et dit aux Po* „faibles mortels. Envain l’ambition eieve liens : approchez vous, ô compatriotes, et „son front audacieux; envain le crime offrez à la divinité votre tribut d’adoration. „dans sa fureur dresse des piégés à la vei- „tu, d’un pôle à l’autre le châtiment trou­ Dans ce moment les filles commencè­ vera le criminel. L’ambition péril a, la vertu et la récompense resteront seules rent à chanter l’hymne, en accompagnant ’’immortelles. Les éflorts de ceux qui leurs voix mélodieuses du son de leurs „gouvernement et de ceux qui obéissent, lyres. L’harmonie était augmentée par des flûtes et d’autres instrnmens dont dou­ '„sont faibles sans ton appui. Les mondes „tombent, si-tôt que tu retires ta main ze garçons, les mieux instruits dans cet „paternelle. Inclinés devant ton trône su­ art, jouaient en cadence. Pendant ce chant blim e, nous implorons ton assistance; le chef des Poliens s’approcha de l’autel; „daigne soutenir nôs eilorts et diriger nos prit aussi de l’encens, et des fleurs quil „pas incertains. Etouffe à jamais la fureur jette sur le feu, ce qui fut exécuté ensuite „de la discorde parmi les mortels ; qu’ils par tous ses compagnons. L’odeur la plus „reconnaissent la source des malheurs suave se répandit et le fumée blanchâtre s’éleva en colonne vers le ciel. La silen­ „dont ils ne cessent pas de s’entretourmen- ce recommença et le sacrificateur entonna „ter. Eloigne le danger des huttes des ^ „bergers et la désolation de toutes con-

i l i s C hant III. C hant III. ¡217

„trees. Daigne envoyer continuellement „ 0 Vous, qui vous montrez si géné­ aux enfans la joie d'être la consolation reux envers les étrangers, recevez les ré- „de leurs parens. Reçois avec' bonté nos mercimens que nous vous faisons du „offrandes et nos prières!,, fond de nos coeurs. Que le ciel, témoin de vos vertus hospitalières, vous comble Ce fut de cette manière que les Po- de bienfaits, vous et votre patrie fortu­ liens rendirent leur hommage à celui, née. Accordez nous encore la permis­ qu'ils reconnaissaient être seul arbitre des sion , de rester ici quelques momens, pour mortels et des mondes. ’L'assemblée du prendre notre nourriture et pour nous pauple fut saisie d’étonnement à la yue désaltérer aux sources de vos fontaines. d’un aigle blanc, qui descendit lente­ Hous avons parmi nos usages sacrés ce­ ment des nuages, et qui plana tantôt au- lui, de faire après les cérémonies reli­ dessus du champ, où les Poliens célé­ gieuses un festin fraternel , et il nous se­ braient leurs sacrifices, tantôt audessus de rait bien agréable, que vous ne dédaignas­ léurs vaisseaux. Ensuite s’étant placé au siez pas de prendre part aux dons que sommet du plus haut chêne, il parut atten­ la providence envoyé au genre hu­ tif à ce qui se faisait en sa présence, et de­ main.,, — meura jusqu’à la fin du sacrifice. Alors il s’éleva en l’air et dirigea son vol, en A ce discours le chef répondit au suivant le courant de la Vistule, jusqu’à nom du peuple: „Etrangers! c’est avec ce qu’il eut disparu à l’oeil du spectateur attendrissement que nous avons vu les étonné. » 7 , • , ' ►' cérémonies que vous venez de finir. El­ • ' ; ' 1 ■ < # i> , - les sont, à la vérité, differentes des nô­ La solem-hite finie, le chef des Poliens tres; mais elles sont dignes de la sa­ adressa la parole au chef et au peuple hospitalier : gesse que les hommes ont reçue en par­ tage. Il faut espérer, que les dieux ne / f ' '

» ! ' ■ r . i K- 213 C hant III. , . • , _ * »* # ' ; ■' • rejettent pas ces sacrifices. Je crois, que nous pourrons être amis et nous acccep- ERRA T A.

tpns vos offres obligeantes.,, — Les T es fautes d’impression les plus considérables vont deux chefs s’étant approchés l’un de être i n d i q u é e s : on voudra bie^i pardonner celles qui sont moins1 importantes. l’autre, s’embrassèrent, et les deux peu­ ples • ••• . • • • D E T I C A C E. page 1 lig,Ae 5 lisez par tout. Wliitbread. é v ■ p 2» 1. 1. parti, mettez, partie - 1, ■- > _ ' ■ '■■■■(■ • • ¡¿s» • ,12. élevé, mettez, élevee ; ! 16/crue , mettez, qui ' 7 ' ' t Jpl. 4. tout illustre, mettez, tout 1 illustre. ■ y , /

y, • ) , ’ .. • 1 d i s c o u r s

n 11 rrne 21 pluriel, mettez, pluiici, ,» ;* 02. Polanie, ajoutez, excepte dans le nom Wielko- “ polanin, mot-âmot, Magnô -polonus ou habi­ tant de la Grande- Pologne«, , ,3, 20. Incus, m. Inous 4 ; 3- Scyclies, m. Scythes.. 13 21. que n m, 20. 14. Tibipe, ni. iibiscus 2r,, 7. Bug, m . Bug 25. 22. envoyèrens, m. envoyeieiat 06, 3. le, m . la . as, f Mais a. m. Mais à ___, 13. r o i , m . r o is 4,11« antres, ni. les autres 9' on Îes/mfon trouve les

IV i des Suèvic, m. des buevi /> loo’ 23 requuhtur, m. seqùuntur I h s l , m i . ce 152., ij. a.la, m, a la , 136, 21. par 5 m. pas 147? 9 k vel £> mettez: yw t. jb’j.j 15. diminutent, 111. diminuent. / s POESIES. * , ( # , ' * 103 10. fiere, mettez: fier, 196, 2. l’idéé, mettez: l’idée

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ig8> 14. nomos, m. nonces 199, 12, Acápite, effacez et mettez1: Rencontre coo, 12., suite, mettez: fuite. 202, 9. sa, mettez, se 204, Í5. formaient, m. fermaient — , 16. spacieux de, m. spacieux qxte des — , 17. développées, ajoutez, environnaient. 205, 19. jeûner, m. jeunes. 206, 22, forcés, mettez, forces 207, 5. finit, mettez, finir.

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B ’UN DISCOURS SUR L’ORIGINE DE LA POLOGNE,

SUR LA LANGUE ET LA POESIE DE CETTE NATION: SUR LES IDIOMES SLAVES ET SUR LA GEO- f\

GRAPHIE ANCIENNE DU NORD.

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RECUEILLI} ECRIT ET TRADUIT EIV FRANÇAIS ■ - ' , i ' ùt :

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Parce...... et propius res aspice nostras.

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GOTTINGUE,

CHEZ V a n d e n h o e c k ET R ü TRECHÏi 1 S 1 6. 'v ' %

DISCOURS HISTORIQUE

SUR L ’ORIGINE DE LA POLOGNE, SUR LA LANGUE ET LA POESIE POLONAISE, SUR L ’IDIOME ET LES DIALECTES SLA- yiNIQUES, AINSI QUE SUR LA GEOGRA­ PHIE ANCIENNE DU NORD.

s e c o n d e p a r t i e , ’ \\''f " ' ■ .

/ * , m >| t , , , V Non illustrare Patriam, cuin possis, nefas, ' ' S /' - v '

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DISCOURS HISTORIQUE

s e c o n d e FARTIE,

/, < ^ V . . Testis tcmporum.

Chapitre “XX.

ÏORNANDES EVEQUE DE RAVENNE. ORIGINE FABULEUSE DES GOTHS, LEUR PRETENDUE EMIGRATION DE SCANZIA. NOM DE GOTHS, HYPO- GOTHS, GORCY. VISTULA, VISLA SCAVENÏ, VIDOARII etc. . . . ■ ■ ■ ■ i i

J\lain de Nation, secrétaire d’un roi Goth* ensuite Evêque de Ravenne^ Joinandèo ou Jordanes a écrit sur l’origine ues Gotlis ou G êtes une histoire qui Finit à 1 au 552 de l’ère vulgaire. Cet ouvrage nest cc"' 22 3 Chapitre XX. C h a p i t r e XX. 221

pendant qu'un abrège' d'un plus grand que rum; Le mot ulme, elme signifie la le célèbre Cassiodore avait fait en douze terre, et les Rugii étaient connus du tems livres, sur les mêmes peuples et leurs de Tacite. Les Gotlis de ces deux vais­ actions. L ’ouvrage de Cassiodore périt il seaux ne pouvaient cependant pas excedei, ii’en est resté que l’abrégé de Jornandes. (les femmes et leurs eàfans y compris,) le L eveque de Ravenne aura sans doute in- nombre de huit-cents ames; car les vais­ scre dans ce dernier ce qu’il aura squ lui- seaux des anciens n’étaient pas si énormes nl,:° 'e ou aPP*'is des Goths avec lesquels que ceux d’aujourdhui. Cependant les il vivait. vainqueurs, s’étant multipliés, abandonnè­ Jornandes> prélat instruit, notait pas rent les pays conquis pour aller chercher Tacite; il aimait les contes: et je crois que un nouvel empire au Midi. Jornandes c’est çarmi ces contes qu’il faut ranger sa les conduit et les fait arriver dans un narration sur l’origine des Goths. Jornan­ pays Scythe, nommé O Vis, dont aucun des les fait sortir d une île, nommée Scanza des auteurs qui précédèrent cet historien, ou Scanzia. Il leur fait traverser la mer n’a jamais fait mention. sur trois vaisseaux, tribus tantum na. Les Goths trouvèrent agréable et très- vibus, dont seulement deux abordèrent abondant ce pays, ils -s’y plurent: cepen­ dans un pays qu’on appelle de leur nom, dant ils l’abandonnèrent. Dans leur mai- G othiscan zi a. Un troisième vaisseau c]ie, ils furent obligés de traverser une ri­ nan iva pas à tems, et se sépara pour tou- vière sur un pont;. Lorsqu’une partie de jours: ce fut pourquoi on le nomma Ge- ces guerriers avait passé la rivière, le pont p a ii t a, paresseux : nam lingua eorum, pi. s’écroula et l’autre partie resta pour tou­ gra, Gepanta dicitur. jours de 1 autre côté de la rivière, car le Lda Goilia oes deux premiers vais­ pont n’était plus à rétablir, pon s dici­ seaux allèrent tout de suite subjuguer tur irreparabiliter corruisse, et les les pays des Rugii, sedes Ulmerugo- marais tremblans ne les laissoient ni avau- 232 Chapitre XX. Chapitre XX. 235

eu ni 1 eculer: nec ulterius jam cni- que les Goths étaient Sarmates, qu’ils a» q u a m 1 i c u it ire sut redire: nam is vaient leurs anciens établissements sur les locus tremulis paludibus, voragi- bords du Danube. Gotni, V and ali, V i- gine circumjectâ concluditur, segothi et Gepaedes . . ♦ olim Sau- Quel malheur pour les braves conquérons! roînatàe et Melanchlaeni ... qui­ Cet événement arriva dans des siècles dam. etiam Getarum noraen ipsis tribue- l beaucoup plus anciens que celui où vivait runt. Antiquae eor.um se d es trans flu- Jornandes, car ces Goths etaieutl.es maris men Istrum . ♦ . Même Jornandes con­ des amazones, et après avoir* vaincu un firme cette assertion de Proeope quand il roi; d’Egypte, ils avaient fait la conquête dit, que les Gètes et les Goths étaient le de son pays: mais du teins de Jornandes, même peuple . . . quos Getas jam su* comme il assure, on voyait encore» des periori loco esse Gothos probavi- lioni mes, des animaux de l’autre côté de m u s De orig. Get. sive Gotli. cap. IX. la rivière sur laquelle les Gotüs éprouvè­ Hérodote qui vivait mille ans avant rent ce malheur: V erum, liodieque Jornandes, parle des Gètes comme d’un i 11 ic et voces armentorum audiri peuple nombreux, indigène et ancien. et indicia hominum depreliendi. Ainsi les Goths et les Gètes qui d’après ÏJe Getarum si\re Gnthorum origine cap. IV, l’histoire de Proeope et celle de Jornandes Je rapporte cette histoire et les circon­ formôient le même peuple, ne pouvaient stances telles quelles se trouvent dans Jor­ pas venir en trois vaisseaux de la Scandi­ nandes. C ’est sur cette histoire que re­ navie et s’établir sur les bords du Danu-* pose uniquement la fameuse émigration be, car ils y étaient aborigènes. des Goths, de la Scandinavie. On dé­ Tacite plaça les Gothini sur les monts ploya une très-vaste érudition sur ce fait; Carpates, Il est plus que probable que c’est un pénible travail, mais il se réduit ces Gothini étaient la branche ou plutôt a peu de chose. Proeope dit positivement les ancêtres des Goths de Jornandes, ' ■ \ M V 5 . / • ■ , • V. ’ s • ) ' i 7 ‘ 1

22^ C h a p i t r e XX. C h a p i t r e XX. 225 l L ’usage du mot Gothi, T or Soi a pré­ tel usage existe encore en Eccosse. On y valu dans le cinquième et le sixième siècle appelle Highlander un habitant des- , sur celui de Sarmates. Dès lors on appel- montagnes. Il se donne lui-meme cette la Goths presque tous les peuples dont dénomination et non celle de Scotchman. avaient parle' Strabon, Ovide, Denis le Pe- Le mot Highlander se traduit précisé­ riégète, Pline et Tacite, et qui habitaient ment en Slave par gorcy, horcy ou au sud les montagnes Carpates dont la gor ali. chaîne commence dans les environs de Quant à l’Orthographe de ces derniers Prefsbourg, passe par la partie méridionale mots: si l’on voulait essayer de les écrire de la Moravie, de la Pologne et par la d’après le son qu’en fait entendre la pro­ Transylvanie. On ri’en distinguait que nonciation chez les peuples slaves, il ne les Huns qui, par une horrible irruption faudrait qu’appeller à cet essai un Italien, s’y e'taient placés après le siècle de ces au­ un Français, un Anglais, un Allemand, teurs classiques. un Grec moderne, un Hongrois, et même J’ose rappeler ici l’analogie de Gorcy des Slaves qui diffèrent par leurs dialectes, montagnards, au sujet de laquelle je déve­ et l’on verrait bientôt la diversité d’Ortho- loppai dans le chapitre XV, en parlant des graphe que produirait la maniéré d’écrire Gothini, ma première idée. Quand le de ceux qui voudraient parfaitement tra­ Grec ou le Romain demandait aux peu­ cer, dans leur langue, le son de ces deux ples riverains du Danube le nom de ces mots slaves gorcy horcy, qui parais­ peuplades qui habitaient les pays pim éle­ sent, si simples h la vue. vés des Carpates, on articula sans doute La faute d’un copiste, une prononcia­ le nom général de Gorcy, h or c'y ou tion un peu sourde ou trop appuyée de Gorali, sinonymes, sans entrer dans une la consonne r, un sifflement plus ou moins longue énumération des peuples Sarmati- sensible de la syllabe cy, peuvent avoir liques, Germaniques et Pannoniens. Un produit chez les anciens la petite différen- Chapitre XX. 227 226Ç '■' < \ ' C ■ h a - pitr e XX. " ‘ ^ 1 J’insiste beaucoup sur le mot Slavini- ce orthographique entre gorcy, horcy que Gorcy montagnards. 1‘acite lut le et gotthi T,oç&ot, premier qui fit mention de Gothini et les Le mot latin supferiores vent dire plaça ptécisement sur les monts Cárpales. wyzsi, wyffi en Slave. Ainsi les peu-? Il serait absurde de croire que le nom. pies qui habitaient les revers plus élevés Dieu, Goth, fut usurpé par un peuple des Carpatës, avaient reçu la dénomina­ ou que plus tard ce nom lui eut été don­ tion de wyzsi gorcy ou w yify lio rc y . né par les Chrétiens. Si l’on voulait épu­ De ce mot composé, les Grecs et les Ro­ iser ici toute cette matière, cela finirait mains auront fais Yisigotthi. Il faut par ennuyer; il me * reste à parler de Sla- ajouter ici une observation: les Grecs, au vini, Scavéni, delà Vistule et*dë la Yiscla lieu de dire Gotthi superiores, appel­ de Jornandes. aient Hypogotthi, ou gotthi inferio- On voit dans son Histoire des Gè- res, nizsi gorcy en Slave tqus ceux tes ou des Goths un passage très-im ­ qui habitaient au pied des montagnes. —• portant sur ces quatre derniers mots qu’on ,,Gentes ..... quatuor sunt. Gothi sci- n’a pas .assez observés. Jornandès parle licet, Hypogothi, Gepides et Yandali.,, — séparément de la V is tula et de la Vis cia: H is toriae Mis cellae Libr. XIV. p ag. et dans son ouvrage que le savant Mura- 93, Edit. Mura tori Tora. I, tori publia en 1723 d’après un ancien ma­ nuscrit, nommé Codex Ambrosianus Enfin l’appellatif de S arm a ta e fut de la Bibliothèque de Milan, on lit Sca­ changé en celui de Gothi, et on trouva véni au lieu de Selavini: la première le­ partout ces Goths où les Sarmates étaient auparavant. Le mot Slave, Ostrow, çon est très-juste. 11 y a en Pologne deux rivières qui descendent des monts Carpa- ostrof signifie ile: ainsi les Gorcy Sar­ mates de la Tauride furent appele's Ostro- tes, et entrent dans la Vistule au-dessus gotîii ou Goths insulaires. de la ville de Cracovie. L ’une de ces ri- \ _ X " <’

\ Û23 C hapitre XX. C hapitre XX» 229

vières s’appelle Skawa, passe près la ville principaliter tarnen sent selon leurs di­ de Zator, au trente septième degré, dix à S ea ve n i et Antes verses peuplades et quinze minutes de longitude; l’autre ri­ nominantur. les pays qu’elles pos­ vière S ka w in a est plus près, à l’occident sèdent, cependant de la ville 'de Cracovie. Il est possible ils se nomment prin­ que les Scavéni ayent tiré leur nom de cipalement Scave­ ces nvieres. Voici les paroles de Jor- ni et Antes. narvdes. Scaveni ad civi- Les Scavéni ha­ tatem Novi — et bitent depuis la ci­ — „Introrsus illi Dans l’intérieur Unense, et lacu qui té Novi etünen- (gentis Gepida- du pays des Gépi- dicitur Mursianus se, et depuis un rum) Dacia est, ad des est la Dace. usque, ad Bana- lac, appelé JM u r- coronae speciem ar- ceinte parles Alpes strum et in Boream sianus jusqu’au duis Alpibus emú- en forme de cou­ Viscla tenus com- Danastre, et vers nita, juxta quarum ronne: près le côté- morantur. le nord touchent à sinistrum latus quod gauche de ces Al­ la Viscla. in Aquilonem ver- pes, côté qui pen­ L ’édition de Grotius porte ces mots : git, et ab ortu Vi- che vers le Nord et Les Slavins de­ stulae fluminis per , passe, depuis l’ori­ S cl a v in i a chú­ meurent depuis la immensa. spatia ve- gine de la Vistule, tate nova et S c 1 a- ville neuve et leL u - nit Vvinidarum par un immense e- vino TVumunense, munense S la vini­ natio populosa space, séjourne la et lacu qui appel- que, et depuis le considet. Quorum Nation populeuse latur Musianus us­ lac qui s’appelle M u­ nomina licet nunc des Vinides. Quoi­ que ad Danastrum sianus jusqu’au D a­ per varias familias que le nom de Vi­ et in Boream Viscla nastre. Au Nord et loca mutentur, nides change a pré- tenus commorantur. Q J

C hapitre XX. 2^o Chapitre XX» ( . ; ■ ' -- '/-[ ; i . .. Mais la Nevfis, Nevrida, était connue ils touchent à la d’Hérodote, de Pomponius Mêla, de Pline Yiscla. et d’autres. C’est dans la Nevride que les Historia Gothorum. Vandalo- sources du Tyres, Danaster, le Dniester rum et Langobardorum ab d’aujourd’hui ont été indiquées dans des Iluçone Grotioetc. Amst. apud termes non équivoques par ces auteurs cé­ L Elzevir 1635. lèbres : et c’est précisément jusqu’au Ty­ Ce passage de l’histoirë de Jornandes pes , Danaster, que les Scaveni, partie des montre premièrement que les anciens ma­ prétendus Vinidarum avaient, d’après nuscrits de cet ouvrage sont défectueux. Jornandes, leurs demeures, Les’ Nevri- Celui qui était entre les mains de Grotius dieiis, mille-cinquante ans avant cet hi­ porte les mpts Vvinidarum, Sclavini : et le storien formaient déjà un peuple considé* codex Ambrosianus offre Venetarum râble, indépendant et tranquille. Ils pou-* Scaveni. vaient donc au siecle de 1 Eveqüe de Ra- Le nom Vinidarum, Yenetarum est Venne être la iiatio populo sa Nirida- une faute évidente. ÜEvëque de Raven*, furm Quant à l’orthographe de ce nom: ne connaissait très-bien les Vénètes sur le on prononce différemment la diphtongue oolfe Adriatique. Il fait mention de ces ev; le meilleur son, d’après les grammai­ Yenètes dans le quarante deuxieme chapi­ riens est celui qui ressemble à l’u français. tre de son histoire. Il était donc trop in- La lettre N qu’on voit dans des manu­ struit pour les transporter au-delà des Al­ scrits, et dont la première ligne est très- pes et des Carpates jusque sur les bords peu visible, ne paraît figurer que la con­ de la Yiscla et du Danapris ou Boryst- sonne V: ce qui aura sans doute induit liènes. en erreur ceux qui ont fait des copies de Jornandes. Ajoutons l’érudition du copiste Aucun des auteurs classiques 11e parle des Ravémiè, copiste dont les connaissances de Vinida et d’une nation Vinidarum. Q * % y/

2J2 C hapitre XX. C hapitiie XJL 235 ; \ ’ ■ ' ■ - ■ v> . ■ ■ . ■ , géographiques ne s’étendaient peut - être ,,civitatihus hahent Antes, vero, pas au-delà du golfe Véne'tiquè ou Adria­ i,qu i sunt eorum fortissimo qtu ail tique, il aura trouvé mieux d’écrire Ve- „Ponticum mare curvantur, a Da- netarum ou Vinidarum au lieu de ¡nastro extenduntur usque ad Da- Nevridat uni ou Niridarum, peuple incon­ „naprum quae flumina m ultis man- nu en Italie. „sionibus ab invicem absuut. De la première syllabe de ce mot est Getar. s. Got. or. Cap. V. Cod. Ambr. tracée dans des volumes imprimés par ces lettres V vbnidarum , U vinidarum .... qui voudra se fier à la mauvaise confor­ mation d’une lettre, à la faute d’un co­ piste ou d’un imprimeur, tandisque les auteurs les plus célèbres y ont placé la Nevris, Neirida, nation connue de­ puis les siècles leè plus reculés. Les au­ teurs classiques font aussi habiter sur les bords du Tyrès ou ï auaster, les Tyrigè- tes aux quels on donnait aussi la dénomi­ nation de Tyrantes ou Tyrantâe. Jornan- des ou ses copistes en auront fàit le nom* abrégé d’Antes, Antae. Ceux-ci ha­ bitaient d’après l’évèqué historien depuis le Tyrès jusqu’au Borysthènes. C ’était aus* si des Nevridiens d’Hérodote sous le nom vicieux de Vvinidarum. Voici les paroles de Jornandes — ,,H i ’(Scaveni) paludes, sylvasque pro? Chapitre £33 £34- C hapitre XXI, XXI. .L'i ye près de son sommet. l a prononciation de 1 barré, dans la bouche des peuples C hapitre XXI. Sîaviniques, est telle 'que l’ancien alphabet grec et latin n’a pas de lettres pour 1 ex­ CONTINUATION DU MEME SUJET. primer exactement. Meme aujouid hui au ORTHOGRAPHE DU MOT VISCLA, DE cun alphabet n’en présente une, excepte la SCLAVINI 2 KAABINI. VISTULA ET O- double 1,1, anglaise dans le mot b 111 ; cette DER, VINETHA, JULIN, USE DOM' 11 a un son qui en approche. VOLIN, Les grecs, voulant peindre ce son met- tarent k avant 1; et les Romains la con­ .Apposent il faut dire un mot de la rivië* sonne c: de là est venu l’orthographe de Je que les peuples Sclaviniques appellent sclavini, et V is cia. Je vois que W 4 s l a. v la princesse Anne Comnene, qui avait Tl est difficile de trouver une autre à ce qu’il parait l’oreille très- sensible, pour ïiviète qui ait tant de noms que celle là exprimer Sventoslas, nom slavmique, ecii On la voit dans difieren s manuscrits sous les vit X vsvTo&Àaç: ce a-S.Aaç bien prononcé, dénominations, de Visula, Bisula, In ­ rend presque tout-à-fait le son de 1 bai- st ul a, Justula, Insula, Tristnla, Vistillus, ré. Les lettres k. et c n’ont pas ici leur Vis tul a et Vis cl à, , Le dernier nom est propre son, elles ne figurent que pour ex­ le plus réel, si l’on devine le son que les. primer l’accent de 1 : on ne doit pas les Grecs et les Romains donnaient à la der^ faire sentir. Jornandes qui écrivait avec Oiier syllabe, scia, l’alphabet Gothico-latin, et qui connaissait U faut observer que les Polonais ont le vrai son slavinique de Visla, ne pou­ Utie consonne 1 que l’on pourrait appeller vait pas y suppléer par

23$ Chapitre XXL C hapitre XXL 237

est très choquante aux yeux de ceux qui On ne peut pas mieux peindre la po­ parlent 3 idiome slavinique. sition de l’embouchure de l’Oder, Le pre­ Quant à la Vistule, c’est un nom, vi_ mier signe très-distinctif que l’historien siblement diminutif que Jornandes ¿pa- donne à la Vistule, est celui quelle doit lait avoir applique a l’Oder moderne. A avoir en face la Scanzia ou Scandinavie ; l’Oder? oui. . , , c’est précisément l’Oder. La Wisla Polo­ naise débouche dans la direction du Golfe H faut bien observer le passage sui- vaut: de Bottnie, direction immense qui finit vers les embouchures de Torneo. La Wis­ „Scanzia ..... La Scanziii... El­ la n’est donc nullement in conspeçtu Haec a fiante po- le est située en face et a fronte Scanziae. x sita est Vistulae flu- de la Vistule qui Le second signe très- visible de la Vi- vii qüi Sarmaticis sortie des monts stule de Jornandes est qu elle entre dans montibus ortus in Sarmatiques, entre la mer par trois bouches en face delà conspectu Scanziae par trois canaux en Scanzie, - trisulcus illabitur. C’est trisulcas iilabi- face de la Scanzie l’Oder précisément qui débouche par trois * tur. dans la mer Septen- canaux-, appelés Penne, Swinné, 13ie- tentrionale. vcnow. O11 les voit très - distinctement Tornan. H ist. de G et O ri g. sur une carte, intitulée, Hydrogra- cap. IIÏ. phia Germaniae etc. J o. B a p t. H o m- Ad littus autem Les Vidioarii lia_ manni: et sur une autre carte de ce mê­ Oceani ubi tribus bitent les rives de me auteur. Tabula totius Germaniae. faucibus íluenla Vi- , l’Océan où par trois On y lit cette remarque: D ie 3 Aus- stulaé fluminjs ebi- bouches dégorgent flufs des Oder il. . Ces trois bouches buntur, Vidioarii les eaux de la Vi­ forment deux îles, Usedom et Wollin. Ce resideiít. stule, fut dans Pile Usedom qu’exista la ville cé­ Idem G h a p i t, V. lèbre de Yineda ou Winetha que les Da 238 C hapitre XXL •Chapitre XXL 259 ' l noîs, deux - cents ans, après Jornandes, lève un groupe de montagnes appelées ont détruite et dont Helmolde parle ainsi: Beskidy. Au Nord de ce groupe sor­ — Jn cujus (Odore) Ostio fuit nobilis- tent à la fois trois sources, nommées en sima civitas Vinneta, praestans celeberri- Slave malenka petite, biala blanche^ mam stationem barbaris et Graecis qui czorna noire, Les filets d’eaux venant sunt in circuitu ..... Ibi cernitur Ne- de ces trois sources, s’unissent à une ties- ptunns triplicis naturae. Tribus enirn petite distance, et donnent 1 origine a la frelis alluitur ilia insula. . . . Wisla, Mais au midi de cette montagne Une autre Ville, nommée Julin, aussi Beskidy, prend sa source une rivière, grande et peuplée que la première, exis­ nommée O Isa, El se, rivière qui passe tait encore au douzième siècle dans l’ile près de Teschen, Les sources de la Wisla de W olin, c’est ce qu’atteste l’histoire de et de l’Olsa ne sont séparées que par un ces tems éloignés. La Wisla de Pologne très petit espace: et les rivières qui en n’a qu’une seule bouche: le N'ogat, bran­ descendent vers le Nord en ligne paral­ che de la Wisla, séparée d’elle à quinze lèle , paraissent même se toucher par leurs milles plus haut, forme une autre rivière branches, On voit ces rivières et leurs qui entre dans le F r i s h h a fF. Celui - ci sources, dont j’ai fait mention au chapitre reçoit en meme tems la Passarge, le Pregle XV, marquées parfaitement sur la carte ainsi que plusieurs petites rivières, et for-* Topographique du Duché de Teschen, faite me un lac très étendu,, par le géographe Impérial Seutter: la car­ Une circonstance bien simple aura te porte pour titre: — Nova et accurata donné lieu aux dénominations par lesquel­ geographica delineatio Ducatus 1 eschensis. les Jornandes a distingué, dans la même in Silesia superiore cura finitimorurn Hun- période, la Vistule et la Viscla Slavinique; garicae et Poloniae regnorum etc, oper, la voici. Dans la chaîne des Carpates, et sumpt, Matthaeji Seutteri. , , • La carte pon loin de la ville de Teschen, il s’é- nro. 47 de l’Atlas de Pologne par Zannoni C h a p i t r e XXI. 241 24° Chapitre XXI. observations rendent clair le sens de la Bizzi offre aussi avec précision les sources phrase — fluvius Vístula, Sarmaticis mon- de l’O’sa et de ia Wisla, Il est bien pos­ tibus ortus, trisulcus illabitur. sible qu’au siècle de Jornandefi la rivière Un peuple, nommé Vidioarii, dit Jor­ à trois sources que je nomme tri pige, nandes, habitait les rives de l’Océan par Tpt'KviyYi, ait ètè appelée Wisla et l’autre où débouchait la Vístula de cet histo­ à une seule source, mono pige ait por­ rien. Tacite en parlant des L ygii, nom­ té le nom diminutif slavinique Wiselka me un peuple Arii. . . . De ces Ai ii, mê­ dont les latinistes auront fait Vistula. Ain­ lés avec des Venedi, l’Evêque de Baven- si l’on dit Morawa, et Morawka qui sont ne ou plutôt ses copistes auront fait V i­ deux rivières différentes près l’une de l’au­ dioarii qui devaient être Venedoarii. tre. De même la Skawa et la Skawi- Ce composé éclaircit la phrase de Jurnan- n a. 11 faut observer qu’il y a déjà treize des, ♦ Ad littus Oceani ubi tribus fau- siècles à peu près que Jornandes fit la cibus fluenta Vistulae ebibuntur, Vidioarii première mention de la V is cl a, séparé­ (Venedo - arii) ex diversis nationibus ag- ment de la Yistula: et dans cet espace que de choses et de noms ont pu changer 1 gregati. Cette Vistule en traversant différens La phrase ex diversis . . ; aggre- gati, est parfaite: à l’occident de Oder pays et plusieurs peuples, recevait dans 1 non seulement les A rii, mais les Gotones, son passage, d’autres rivières et prenait des Penni ou Fenni de Tacite avaient leurs noms d’après les idiomes des nations qu’el­ habitations. Tout cela prouve encore da­ le parcourait. C ’est pourquoi l’Oder mo­ derne ou Odra en Slave, à laquelle est vantage que la Vistule de Jornandes est unie l’Olsa, fut appelle G ut al us, Va- lOder moderne. dius, Viadrus et Odora quoique ne fai­ L ’Olsa ou Lise, venant du midi tou­ che la rive droite de l’Oder,, Une riviè­ sant qu’une seule rivière qui du teins de re nommée Welse qui sort d’un lac, se Jornandes’ était probablement Yistula. Ces C h a p i t r e XXI. j 2^2 Chapitre X X l 2 3 joint à la rive gauche de cet Oder au-des* que les mers Baltique et blanche ont été sus de la ville de Stettin. L’Else et la unies l’une à l’autre. Cette idée ne pa­ rait pas admissible suivant les loix hydro­ W e 1 s e , appelées ainsi en Allemand, pou­ vaient bien chez les latinistes contribuer à statiques. Pour que cette conjuncture eût faire donner à l’Oder le nom de Vistule. lien, il aurait fallu que le niveau de l’O­ On 11e s’étonne pas que trois noms Laba, céan septentrional ou plutôt celui du grand Elbe, Albis ne désignent qu’une seule îi- Océan, pour franchir les montagnes de la Finlande, eût été élevé à une hauteur é- Viére. A présent qu’on veuille jetter un coup norme. Dans ce cas toute la Lithvanie, la Prusse, une partie de la Pologne, là d’oeil sur la carte de l’Europe, carte nro. Chersonèse Cimbrique etc. auraient été 8 attachée à la belle édition de la Cosmo­ graphie de Claude Ptolomée, imprimée à submergées; ce qui rendrait encore plus embarrassans les renseignemens géographi­ Home 1478; 011 verra sur cette carte, pai- faitement gravée, les montagnes Carpates ques des anciens. 11 est vrai qu’à l’égard de la Lithva­ et le cours de la Vistule ptoloméenne. On nie, les géologues, par leur inspection du ne pourra pas méconnaître ce cours et ce* lui de l’Oder moderne; car ces deux fleu­ sol de ce pays, se sont convaincus qu’il fut autre fois sous les eaux. Si ce pro­ ves ne forment que le même fleuve sous blème est admis, ce phénomène aura dû un différent nom. avoir lieu avant Hérodote. La Lithvanie On (remarque avec un sorte, d’étonne- existait dans les siècles les plus reculés, üient que les anciens auteurs jusqu a Jor- ce que prouve son idiome, essentiellement nandes parlent de la Scandinavie comme différent de tous les peuples qui entou­ d’une ite, tandis que ce pays forme une rent cette nation. partie du continent. Pour lever ce doute, Mais c’est trop, pour mon objet qui des hommes éclairés pensent que la Fin­ n’a en vue qu’un seul peuple, de me trai- lande aura été couverte par les eaux, et

< r C h A PITRE 244 XXL C hapitre XXIL 4 5 ner plus longtems sur les traces des écri­ vains de l’antiquité. Leurs pas, dans les pays du Nord, étaient incertains: ils ont Chapitre XXII. été effacés ou pai le tems ou par la mo­ bilité continuelle des habitans. Je vais me RAPPROCHEMENT DE L’OPINION DES résumer et reprendre à 1’égatd des Nevri- ACTEURS TOUCHANT LA NEVRIDE. diens les renseignemens d llcrodote et des FAUTES DES COPISTES RELATIVE­ MENT AU MOT NEVRIS. etc. auteurs latins.

JJérbdot, sans avoir de connoissances po­ sitives touchant letendue de ces pays qu’il désigne sous le nom de déserts des Ne- vridiens, pays arrosés par la Wisla, le Bug, et par la partie supérieure du Nié­ men, a cependant bien indiqué les limites méridionales de la Nevride. Il les trace depuis les monts Carpates jusqu’aux bords du Borysthénes. Mille ans après, Jornan- des fait habiter ces pays par les Scaveni, et les Antes, depuis les sources de la F i­ stule par le sommet du T yrès, également jusqu au Danapre ou Borysthênes. Hérodote a placé les Agathyrses dans la Transylvanie moderne: Jornandes y pa­ rait mettre les Agatziri; cest une petite C hapitre XXII. 246 Chapitre XXH. 2 47 différence entre l’orthographe du nom grec Il parait que l’Evêque de Raveime, latinisé. ayaut une copie portant le mot in Euris, T,es copies de l'ouvrage inappréciable en a formé sa phrase — Item esti pa­ d’Herodote n’étaient pas nombreuses. Cel­ ca t u m omnino genus. les de la géographie très-concise de Pom- Du mot corrompu Eunuri, Eunu- poriius Mêla ont été plus répandues. Mê­ ridae, il était naturel de former une dé­ la fait mention des Nevridiens; mais ce nomination moins barbare, et dire Uvi- nom est différement écrit dans plusieurs nidae aulieu de Euridae, Neuridae. copies. Mr. Tschucke, estimable éditeur -Le savant Eustathius, dans ses commen­ de celte géographie latine, a ramassé les taires sur Denis , écrit Nsvpi-cu. . . L’ex­ variantes concernant la phrase — Tyra... pression de rhistorien de Ravenne — peu­ surgit in Neuris. Dans quelques co­ ple toujours tran quille — pacatum pies, au lieu de in Neuris on lit in Eu- omnino genus, caractérise bien les Ne­ nuris, in E u ris. . . » . ■ A _ vridiens de rhistorien d’Halicarnasse. Ils Ce dernier mot parait etre pris du fuyaient la guerre, ces Neuridiens et ne nom Eurus pour dénoter la plage Sud- la faisaient pas à leurs voisins. Quoique orientale. On savait dans le tems de Jor- Hérodote, Denis le Periégête, Valerias nandes qu’il y avait des Nortmans, peu­ Flaccus dans le VI livre de son Argonau- ples du Nord. On trouva dans Tacite un ticon, Pomponius Mêla, Pline, Jules Solin pepple Aestii. On prit ce mot dans le Am mien Marcellin ayent fait mention de sens de orientalis. Les mots Eurus ce peuple, on ne l’a jamais vu figurer et orientalis ont été regardés comme dans des combats. Il était retiré si avant sinonymes; et c’en fut assez pour que des dans ses vastes iorets que Strabon a pris copistes missent — in Euris — à la pla­ ces pays pour des déserts; et les itinérai- ce de — in Neuris: car se dernier mot reà des Ftomains les désignent par la phrase ne répondait pas bien à celui orientalis. caractéristique Sarmatarura solitudi- R 2 2 4 3 C hapitre XXII. C h a p i t r e XXII. 249 nés. Ce ne fut que l’Evêque de Ravenne /prés les siècles d’Hérodote et d’A ra­ qui en donna quelques connaissances plus mie n Marcellin, on donna à ces peuples étendues. des noms imaginaires, comme on en donne Si l’on trouve le nom de Sarmates et à tous ceux qu’on ne connait pas assez. de Slaves dans des guerres contre les Ro­ On n’était pas même en état de connaître mains et contre les Empereurs de Constan­ la Nevride; les habitants de l’Italie et de tinople, ce sont les peuples, qui habi­ la Grèce 11’ont jamais porté si loin leurs taient entre le Danube et les Carpates; ja­ recherches, c’est ce que démontrent les Iti­ mais ceux des bords de la Wisla, du Bug néraires des Romains, seules cartes géo­ et du Niemen. Les habitans des pays que graphiques, composées dans le troisième ces rivieres traversent étaient même trop et le quatrième siècle. éloignes de la Grèce et de l’Italie pour en D’ailleurs, ces peuples ont-ils été ap­ avoir connaissance. Etant séparés au Sud pelés Eunuri, Eu ri, Uvinidae, Ne- et à FOuest par les montagnes, par les vridae, Scythes, Sarmates, Antes, Sla- fleuves et par la crainte, ces peuples ne vins ou autrement? il ne s’agit pas ici des portaient pas leurs vues plus loin. Sans noms qui ont été mal écrits, mal appli­ commerce et sans villes, — paludes et qués, changés, ou effacés, mais il s’agit sylvas pro civitatibus habent, ils de savoir positivement: y a-t-il existé, aimaient ces lacs , ces rivieres et leurs fo­ ou non, dans ces pays un peuple abori­ rets, impénétrables à l’invasion. Ne con­ gène? naissant point les appas du luxe, ils trou­ On ne peut répondre négativement à vaient dans les rivieres, dans les plai­ cette question: ce serait nier un fait, at­ nes et dans les bois où ils vivaient libres, testé par des écrivains célèbres qui par- tout ce qui était necessaire à leur exi­ lent de la Nevride. stence. Hérodote qui, dans ses voyages mé­ morables s’était approché de ce pays, ache­ 35° Chapitre X X iL C h a p i t r e XXIL, 251 va son ouvrage vers l’an 45° avant l’ère On raconte qu’autrefois les bords de la Chrétienne. Pline et Ammien Marcellin Vistule (Wisla) étaient habités par les Gotlis en parlent après cette époque. L’évëque et les Vandales; mais que ces peuples a- de Ravenne, vers l'an 550 dit qu’il y a- vaient abandonné ces bords pour aller con­ vait de son teins sur les bords de Viscla quérir des provinces Romains. O11 a oute un peuple nombreux; Natio populosa. qu’à la suite de cette émigration, les Sla­ V oici donc onze-cents ans bien attestés ves des bords de l’Ister, d’après les uns, de l’existence d’une nation dont le nom­ et d’après les autres, les Laxiens de la bre 11e fut jamais affaibli par des causes Colchide vinrent occuper ces pays aban­ violentes, comme la guerre où les émi­ donnés. ' . grations. Mais 011 n’a pas d’annales histo­ C’est sur ces deux événemens qu’on riques de cette nation .... Quels fastes, a fondé l’origine de la Nation polonaise. quelles Chroniques peut-on demander à Quelque spécieuse que soit cette histoiie, un peuple qui vit dans Pétât de Nature? elle est tout à fait controuvée. Le' der­ Pacatum omnino g en us, telle est l’hi­ nier ouvrage que je connaisse qui rende stoire du peuple qui demeurait sur les vraisemblable cette émigration, est celui bords de la Wisla et des cinquante riviè­ qui porte le titre. . . Tableau des Révo­ res qui en forment les bras. lutions de l’Europe t depuis le boulever­ Jadis c’était la mode de trouver, com­ sement de l’Empire ^Romain en occident, me dans l’Enéide, l’origine d’une nation jusqu’à nos jours, par Mr Koch membre dans des voyages plus ou moins merveil­ du Tribunat et de la légion d’honneur, leux qu’011 lui faisait faire et dans des correspondant de l’Institut» Paris. Schoell établissements presque mythologiques. Cet­ 1307, III Tomes. . . . te mode règne également dans l’histoire Cet estimable auteur, eh parlant des que plurieurs auteurs étrangers et natio­ conquêtes des Goths, indique leurs ¡.demeu­ naux ont écrite sur l’origine de la Pologne. res primitives en ces termes:

? \ , t-.^ ♦ « ' 1 v 252 Chapitre XXII. Chapitre XXII. , 2a* 3 j V „Les Gotlis, le plus puissant des peu- „nici tipnien adscriberet, Helvidius Perti- pies destructeurs de l’Empire, commencè­ „nax, films Pertinacis dicitur joco dixisse: rent à s’illustrer dans le troisième siècle, „Adde, si placet, etiam Geticus Maximus, et depuis le règne de Caracalla. (Spartia- ,,quod Getam occideret fratrem, et Gothi rms ch. 10) Ils demeuraient alors au-de­ „Getae dicebantur. Spartian. ch. îo. là du Danube, entre la Vistule, le D nie­ Jornandes confirme 1 identité des Gotiis ster, le Borysthènes et le Tanaïs.. . . , et des Getes » • % quos Gelas supetion lo- Tabl. des Pievol. T. i, p. 6. Dans une co Gothos esse probavimus. . . . note qui accompagne ce passage, Mr Koch Les Guttones de Pline, les Gothini et ajoute: les Gothones de Tacite, n’ont jamais été „T es Guttones de Pline, les Gothones placés par ces auteurs sur les bords de la ou Gotones de Tacite, les Gythones de Vistule Polonaise. Après ce dernier, il Ptolomée que ces auteurs placent dans la est inutile de citer le premier, relative­ partie septentrionale de l’ancienne Germa­ ment à ces peuples. Tacite a dit: nie, sur la Vistule, sont indubitablement „Trans Lygios, Gothones regnantur.. . une seule et meme nation avec les Goths, Protinus deinde ab Oceano Kugii. ». Il et ne doivent pas être confondus avec les est donc évident que cVtait entre les Ly- Gètes, peuple de l’ancienne Dacie. . . Tom, gii et les Kugii que les Gothones avaient I. p. 6. leurs demeures. Et ces trois peuples Vi­ Presque toutes ces assertions de l’esti­ vaient encore vers l’Orient les Vénèdes et mable auteur sont contraires à celles des les Penni ou Fenni de Tacite que l’histo­ écrivains dont il fait mention. Spartia- rien Romain ne porte cependant pas jus­ nus, cite par Mr Koch, dit positivement qu’à la Vistuie. que les Gotlis et les Getes étaient le me­ Les Gothini dont le nom approche me peuple. . . . ,,Cum, Caracalla, Ger- de celui de Gothi, habitaient la crête des „m an ici et Larthici, et Ai;abici et Alenm- montagnes Carpates. . . „Gothini et fer- I

C hapitre X X II. 255 254 C hapitre XXII. réfutée: celle qui concerne les Vandales ,,rum effodiunt : omnesque hi popuîi (Mar- „signi, Gothini, Osi, Burii pauca cam- n est pas plus juste; la voici: pestrium, caeterum saltus et vertices mon- ,,Les Vandales demeuraient originai- tium, jugumque insederunt. remont, à ce qu il parait, dans la partie de la Germanie septentrionale qui s’étend Tacite, Spartianus, écrivains latins, ont été suivis par les auteurs Grecs. Zo- entre l’Elbe et la Vistule. —» Tah, des Rev. sim qui a vécu dans la première partie T. I. p. 4. du cinquième siècle dit au sujet des Goths. Dans se passage, Mr Koch qui fait — ,,Les Borani, les Gotlii, les Carpi et une légère mention de la Vistule, n’expo­ se pas clairement sa penséç à l’égard des les Vrugundi, ces peuples habitent auprès de l’Is ter, possessions des Vandales sur ces bords; au

„Bopavol fie "ticii 1 0S01 7idi Kcipçïoi %at Oé- contraire il met la note suivante: pz'yxviïoi, 7 évv\ êé TCivra, mpi rov ’'icrrpov oïxvv* _ Pline et Tacite ne parlent, dit-il,

toi. Zosim I. c. 5 j, que confusément des Vandales» Mr. Man- Procope de Cèsarèe a dit la même nert, dans sa Géographie de l’ancienne Ger­ chose , . les anciennes demeures des Goths manie, croit pouvoir les placer dans la sont sur les bords de l’Ister. . , Lusace. — L ’opinion de Mannert s’explique mieux Mais l’Evëque de Ravenne décide le mieux cette question, lorsqu’il dit que par les renseignemens que, dans son hi­ c’étaient les Scavéni qui habitaient entre stoire de Piome, Dion Cassius a laissés la côte septentrionale des Carpates et la sur la situation de l’ancien Àlbis; il dit; Viscla. — ,,Drusus ...» ad Albirn usque Ainsi l’assertion de Mr Koch à l’égard perrexit, qui ex Vandalicis montibus des Goths et de leurs demeures sur les profluens in Oceanum septentrionalem . . bords de la Vistule Polonaise se trouve affluit»,,— Edit, Reimari Vol. II. p. 7/0. , 1 . •' ’ > X - I

C hapitre XXII, 256 C hapitre XXiL 257

Vers la trentième année de Père dire- direction vers le sud-ouest, et les Mar- tienne Velleius Paterculus fit connaître par commanni leur tournent le dos , vers le son histoire ce fleuve. . Àd flumen Albis nord. Après, suivent les Quadi et les Ju- tugi, le Noricum. Cette situation des Mar- qui Semnonum Hermundurorumque fines perfluit commanni et des Vanduli prouve que PA1- bis est bien indiqué par Strabon, Patercu­ Dans la centième année delà même lus, Tacite et Dion Çassius. La carte ère Tacite écrivit. — In Hermunduris Al- Peutingérienne fait aussi voir que les Van­ his oritur. duli sont très-éloignés de la Vistule; ils 116111 apres la Carte Peutingérienne en sont séparés par les qui dont l’éditeur Mr François de Sclieyb rap­ n’ont jamais été près de cette rivière. porte l’existence entre les années 563 et Procope de Cësarée qui acheva son ou­ 596 de 1 ère Chrétienne, et les autres à l’an vrage vers l’an 560, fixe déjà les Vandales, 211. Ces deux époques sont possibles; les Goths et les autres sur les bords de car les Romains, depuis Jules César s’é­ l’Ister. L ’Evëque de Ravenne dit plus taient donné la peine de mesurer leur clairement. . — Vandali et Alani .... Empire, de dresser, de copier et de reco­ perarissu Principum Romanorum utraque pier leurs itinéraires militaires. tAinsi la Pannonia resedere, nec ibi sibi ob metum table de Peutinger est toujours très-an­ Gothorum arbitrantes tutum fore . . . ad cienne. Gallias transiere. Si l’on jette un coup-d’oeil sur la A ce témoignage de Jornandes [il faut section III de ce monument de l’antiquité, ajouter celui de Vopiscus, il dit: on y voit sur la colonne, marquée de la Tandem Alani et victi a Gothis Van­ lettre C le nom de Marcomanni et de Van- dali, a Constantino Magno in Pannoniani duli. Ces deux peuples y sont placés en receptL Ces époques chronologiques prou­ ligne paralu le l’un vis-à-vis de l’autre, vent évidemment qu’avant et après l’épo­ que où Mr Koch place la marche des mais de manière que les Vanduli ont leur C hapitre X X III. 259 258 Chapitre XXII. Gotlis et des Vandales pour conquérir l’Empire ¿ ’Occident, ces peuples n’étaient C h a p i t r e XXIII. pas sur les bords de la Vistule Polonaise. A présent * il s’agit de montrer l’erreur REFUTATION DS L’HISTOIRE DE NE­ de ceux qui font venir différentes colo­ STOR A L EGARD DES LACHI ET DES nies des bords de lister, pour les fixer COLONIES, SLAVINIQUES. POLONAIS, sur les bords de la Vistule. NATION AUTOCHTONE. LA TRAN­ QUILLITE DE LA NEVRIDE LA PiEND PEU CONNUE DES ANCIENS. LES CONQUETES D’ERMANARIC ET D’A- TILLA NE SE SONT PAS ETENDUES — —— — *<•(•©«■»41 JUSQU’AUX BORDS, DÉ LA VISTULE. MOEURS DES NEVRLDIENS.

, t t U n Annaliste Russe, mort en ui6, re­ spectable par son état et par son ouvrage, Nestor, parait être le premier qui inventa 1 histoire de l’arrivée des Slaves qu’il nom­ me Lahi ou Liachi sur les bords de la Vistule II raconte ce fait de la maniéré suivante:

Après la destruction de la tour de Ba­ bel et la séparation des langues, les fils de Sem occupèrent les terres situées à l’Ô- rient, ceux de Cliam celles du m idi, les 260 C hapitre XXIII. CiïAriTKE XxIIT. ' 261

fils de Japhet celles de l’Occident et du de la Vistule où ils se fixèrent et prirent Nord. . — le nom de Liahi. C est de ces Liaiu que Cette histoire, puisée par Nestor dans se sont nommés les Pollens-T âhi, (Polia- des sources révérées, ne fait point partie 11e Lachove) les autres Luticiens Lutici, de la discussion. Nestor continue sa nar­ les autres Masoviens, et les autres Poma- ration. raniens.,, — „Entre soixante - douze langues était Dans ïe chapitre suivant de son ou­ aussi la langue Slave des enfants de Japhet, vrage, Nestor fait passer les colonies Sla- appelés Norici. Ce sont les Slaves, Slo- viniques des bords du Danube et de la viènie. Vistule, sur ceux du Borysthènes, du Pri- „Après un nombre de siècles, vre­ piat, de la Duina et {dus loin; ce qu’on lue ne c h , les Slaves se sont établis sur peut voir à la page 5 et ù de son histoire, les bords du Danube ou sont les pays de parfaitement imprimée à St. Petersbourg Hongrie et de Boîgarie, ^Ugorskaia zemlia 1767,’ portant le titre Chronique de Nestor, i Bolgarskaia.) L e t o p i c e N e s t o r,o v a. „D e ces Slaves sont sortis pour se ré­ Les commentateurs de cet estimable pandre sur la terre les peuples qui ont pris le nom des pays où ils se sont fixés. Ceux Chronologiste se tourmentent pour devi­ ner. quel est ce peuple qu’il nomme Vo­ qui s’établirent sur les bords de Morava, se sont appelés Moraves, d autres s’appel­ lochi, qui a forcé les Slaves de laisser lent Bohémiens Tchechy; Serviens Serby; leurs demeures? Personne ne peut l’expli­ Horvates blancs, Ilorvati bielii, et Cha- quer; on croit que ce sont les Romains ! rutanes. — L ’époque de l’abandon de ces pays .,Les Voloches, Vôlôchi, ayant envahi par les Slaves, n’est point indiquée dans es pâys des Slaves du Danube, s’établi­ la Chronique de Nestor; elle doit etre bien rent chez eux, et :eur firent beaucoup de ancienne, cette époque, puisque Piocope mal. Ces Slaves passèrent sur les bords de Césarée, en 56 ¿, a écrit qqe de son • , S I

262 C hapitre XXIII. C hapitre XXÏII. 283

îems les Slaves et les Antes possédaient tems leé plus recules que les pays qu’on les bords du Danube, et faisaient des ex­ appelle actuellement la Hongrie, la Croatie, cursions en lllyrie, en Tbrace, jusqu’aux l’illyrie, la Dalmatie et la plupart des con­ environs d’Adrianople et de Bizance. L ’H i­ trées riveraines du Danube, ont été conti- i ... , - , ' stoire de la guerre des Goths écrite par nuellement possédées par des peuples Sla­ xet auteur dans le troisième livre et dans viniques dans un nombre plus grand pro- ' 1 le 38me chapitre atteste les exploits et don­ portionellement à l’étendue des terres, que ne des détails très - circonstanciés sur les celui des polonais qui occupent les bords Slaves du Danube. de la Vistule. L’empereur Maurice qui vécut jus­ Il est absurde de soutenir qu’une peu­ qu’en 602, parle non seulement, dans son plade des Norici ait fourni une nation im- é Stratégétikon, des Slaves et des Antes ha­ mense pour peupler la Moravie, la Bohê­ bitant les memes bords du Danube, mais m e, la Poméranie, ¡toute lajPologne, en­ il y donne des conseils et des règles sur fin jusqu’au-delà du Borysthéne et de la ,1a manière dont on devait attaquer ces Duina. Les historiens qui ont écrit les peuples dans leurs établissements riverains. annales de ces nations, et se répètent l’un L’Evëque de Ravenne cinquante aps 1 hutre voudraient donc faire croire que auparavant, c’est à dire vers l’an 552, dit les peuples se multiplient comme des as­ que les bords de la Vistuîe étaient déjà perges et des champignons! occupés par un peuple nombreux. On doit meme s’étonner de voir ces Ainsi donc les prétendus agresseurs, écrivains, avoir l’idée singulière qu'un nommés Volochi sont imaginaires, et les pays vaste, fertile, heureux par sa situa­ peuples Slaviniques n’ont jamais abandon­ tion et connu du teins d’Hérodote, a pû né les1 bords du Danube; ce qui est attesté rester sans habitans, tandisque les pays par des auteurs irréprochables et contem­ environnants étaient suffisamment peuplés? porains. Au contraire on voit depuis les • Cette erreur a eu pour origine plusieurs *S 2 • y ~ r • / '

/ 2(54 C hapitre XX 11I. C hapitre XXI1L 2 G5 causes, il faut en indiquer les plus remar cinquantième et du cinquante-unième de­ quables. gré de latitude, région qui s’étend depuis La tranquillité du peuples de la Ne- les frontières de la Silésie jusqu’aux bords vride, peuple renfermes dans leurs limites du Borysthènes, est hérissée d’épaisses fo­ qu’ils 11e cherchèrent jamais à passer, ren­ rets. Quoique ces forêts soient en grande dait leur existence inconnue. C’est pour­ partie, maintenant défrichées et détrui­ quoi Strabon était aussi dans le doute si tes, quoique des villages et des villes con­ ces pays étaient habités de son tems, ou sidérables y soient bâtis, et que la popu­ si le froid et d’autres causes les rendaient lation ait beaucoup augmenté, elles cou­ inhabitables. vrent cependant encore la partie septen­ Avant que des bourgs et des villes trionale des Paiatinats de Cracovie, de San- fussent élevés sur la superficie de la Po­ domirie, de Lublin, et presque tous les logne, elle était couverte de bois et de fo­ Paiatinats de Volhinie et de Iîiyovie, si­ tués sous les parallèles indiqués. Ces con­ rêts immenses. Les clairières qui, à cer­ trées, les quelles ainsi que toute la Pologne, taine distance, en coupaient la continua­ étaient coupées en divers sens par des tion et n’étaient connues que des habitaos, ileuves, des rivières, des lacs, des marais, au lieu de rendre ces forets penetrables à des ruisseaux et des étangs nombreux, of­ des étrangers, augmentaient encore davan­ fraient à des familles qui se touchaient tage l’embarras de ceux qui les voulaient l’une l’autre, des abris assurés contre l’in­ parcourir. vasion et des ressources inépuisables pour De plus, il faut cbserver: la Nature vivre frugalement, comme il convenait à s’était plû en quelque sorte à proteger ces un peuple pasteur. pays contre les hordes qui venaient de l’A ­ Mais un ennemi, formant un corps sie et portèrent pendant plusieurs siècles considérable et qui aurait été tenté de la désolution sur les bords du 1 Danube. conquérir ces pays, aurait p ri necessaire- La région comprise entre les parallèles du Uient au milieu de leurs solitudes. Pen­ V

C h a p i t r e XXIII 267 ¿66 C hapitre XXIII. dant sa marche il n’y aurait pas meme côtoyèrent la mer noire, et après avoir trouve les vivres suffisantes pour un seul passé le Borysthènes, elle se rendaient jour, et il aurait été arrêté prescju’à cha­ vers lé midi pour chercher les riches pays que pas soit par les fleuves et les marais dont les habitans corrompus par le luxe soit par l’épaisseur des forêts où aucun ne leur opposaient qu’une faible rési­ chemin n’existait, car les chemins n’ tai. stance, eut pas nécessaires dans un pays où il Les conquêtes d’Ermanaric et celles du n’y avait ni villes, ni foires, ni commer­ fameux Attila , malgie ce qu en a dit Jor- ce. Les sentiers faits par les bestiaux ou nandes, ne se sont jamais étendues jus­ par les coureurs à cheval, servaient de com­ qu’aux bords de la Yistule, du Bug et du munication entre les familles, séjournant Pripets. Là, ces farouches conquérants au­ sur les bords des étangs, des ruisseaux, raient trouvé un peuple ancien, jaloux de des rivières et dans les clairières qu’elles sa liberté. étaient prêtes à abandonner sitôt qu’un Cent mille barbares ne seraient pas danger imminent les menaçait. suffisants pour occuper toute la Nevride Quand on entre dans un pays qui ne depuis le Borysthènes jusqu’aux sources forme qu’une plaine, qui est dénué de de la VisLule, encore moins jusqu’aux montagnes et hérissé de forêts continues, bords de la mer Baltique. Mais cent mille on s’y perd faute d’un point élevé pour barbares, ne pouvant vivre de noix, de s’orienter; les courants des ruisseaux ne poires, de pommes sauvages, la seule sub­ servent à un etranger qu’à l’égarer. D ’ail, sistance que laisserait en se retirant un leurs, les hordes qui, sans boussole et peuple pasteur; ces barbares, dis-je, se­ sans cartes géographiques, venaient de raient détruits par la faim et la fatigue l’Asie; suivaient toujours le cours du so­ au bout de la cinquième journée; si les leil; elles tournaient vers le midi, rare­ habitans jugeraint à propos de se retirer ment vers l’Occident, et jamais vers le comme autrefois, lors de l’invasion de Nord. C’est pourquoi toutes les hordes Darius. hapitre 2 6g 263 Chapitre XXÍIÍ 'C XXIII

Pendant cinq-à six jours, on ne fe­ lis prohcit vitiorum ignoratio, dit Justin rait au pins que trente milles dans un en p a r l a n t des Scythes, et cet auteur peint pays qui offre sans cesse de nouveaux ob­ içi ,eu meme tenis les moeurs des r* ev in­ stacles à franchir. Une distance de trente diens, car Hérodote a dit. i es Nevri- milles ne fait qu’une très modique por­ diens observent les mêmes usages que les tion de la Pologne, telle qu’était autre­ Scythes. , fois la Nevride. Voilà donc les principa­ Justin ajoute — „Chez eux la justice les causes qui rendaient inattaquables ces est gravée dans le coeur, sans etre ordon­ pays où les habitaos vivaient dans l’état née par les loix Justitia géntis ingeniis de Nature, état heureux que le- sensible culta, non légions. . . . Ifs vivent de- Jean Jacques Rousseau conseilla avec ar­ lait et de miel I a sévérité de leurs deur à ses contemporains de reprendre. „O vous, disait-il, qui ne reconnaissez moeurs a créé la justice, ils ne savent ce que c’est que convoiter le bien d’autrui. . „pour votre espèce d’autre destination que Rien ne serait plus à souhaiter qu’une telle „d ’achever en paix cette courte v ie , . . , sagesse et un pareil désintéressement dans s,reprenez, puisqu’il dépend de vous, vo- „tre antique et première innocence; allez tous les hommes. On ne verrait pas ces „dans les bois perdre la vue et la niémoi- guerres innombrables qui se perpétuent dans tous les pays depuis tant de siècles* ,,re des ciinies de vos contemporains, et „ne craignez point d’avilir votre espèce Justin lib. IX. c. I, „en renonçant à ses lumières pour renon­ Dans les tems où la Pologne était tout- c e r à ses vices,,, — : ' ■■ / -, / à - fait inconnue au reste de l’Europe, dans C ’était précisément ainsi que les an­ les tems, dis-je, que les historiens de ciens habitaos des bords de la Vistule, du cette nation appellent très - justement les Bug, du Niémen vivaient au milieu de si; clés d’or sous le règne de Lech, ces leurs solitudes. Il n’avaient rien à'oublier; Polonais vivaient de la manière que Justin ils ne savaient presque rien. s Plus in ü* a dépeinte. La preuve en est que jamais C hapitre XXIV. 271 270 C hapitre XXIII.

aucun de leurs voisins ne leur a reproche ni violence ni agression. Les Polonais de­ Chapitre XXIV. meurèrent dans cet état jusqu’au milieu du dixième siècle. Ce fut à cette époque vKOM DE LA NEVRIDE ET DE LA PO­ déplorable que leur tranquillité fut ruinée LOGNE D’APRES HERODOTE, STRA- par leurs voisins qui voulurent les rendre RON, POMPTNIUS MELA, jORiNAN­ tributaires. La nation se défendit; elle DES *’ANONYME DE RAVENNE, El sortit victorieuse de cette lutte; mais le ALFRED LE GRAND. IDEES SUR LE malheur commença qui ne cessa d’accabler GOUVERNEMENT DE LA NEVRIDE ET pendant huit-cens ans l’infortunée Polog­ SUR L’ADMINISTRATION PRIMITIVE ne dont l’histoire peut être tracée dans DE LA POLOGNE. ces deux lignes. . , . ... • f • . ... ■ ■ ■ »> f ■ Quot frútices sylvae quot flavas Tybris arenas, E lle a donc existé sur le sol qu’on appel­ Mollia quot Martis gramina campus le encore aujourd’hui la Pologne, cette habet, portion de la grande famille des Euro­ Tôt mala pertulimus...... péens , portion qui, dans la haute anti­ Ovid. quité, porta le nom de peuple de la Ne- vride. Mais ce nom et celui de la Po­ logne n’étaient pas exactement distingués \ ' l . -______de ceux des Scythes, des Sauromates et des Slaves. Cette circonstance 11e doit pas e- tonner. Les auteurs, sans jamais voir les peuples de Nevride et leurs pays, rePe^ taient leur Nom d’après ceux qui en é- taient plus près, mais qui, parlant des idiomes différents, donnaient à leurs voi- : ¡y ■ ». *\ 1 „ > ,

v , ’ \ 272 Chapitre XXIV. Chapitre XXIV. 273

sins des noms divers. Ces noms variaient il y a en trois grandes nations les Liachi, donc d'après la diversité des langues. Un les Lengelek* les Poiaki et une quatrième, exemple très-simple prouve cette vérité. nommées les Poléni; il pourrait donc à son Je suppose que dans le onzième siècle tour les appeller to criropov eïvsç, comme on nommait les Slaves du teins de Proco- où vivait Nestor, on lui ait demande le • * 1 . \ 1 nom des liabitaus sur les .bords des la Vi- pe. C’est ce qui sera arrivé aux histo­ stule. Il les aurait appelles, comme l'on riens et aux voyageurs de l’Antiquité. voit dans son histoire les Liachi. Si l’on Quand Hérodote demanda aux Olbio- adressait une telle demande aux Hongrois, polites le nom du pays, voisin des Scy­ ds les eussent nommés les Lengelek: car thes et des Agathyrses; on lui dit, ce ns appellent ainsi les polonais. Voilà donc pays est la Nevris. Quatre-cent soixante les memes Polonais qui sont les Laelii à ans plus tard, le Cappadocien Strabon, lO u en t et au midi les Lengelelt. Mais à n'en pouvait pas savoir autant. Les guer­ l’Occident 'et dans la époque on les res de Mithridate contre les peuples du nommait en Alleriiand d ie Poien, ce Palus-Maeotis et les changements arrivés que l’on voit dans le 5570 vers du cliant parmi les liabitans des bords septentrio­ de Niebelungen. naux du Pont-Euxin et de l’Ister au com­ mencement de l’ère chrétienne, avaient Si l’on voulait savoir le vrai nom de rendu impossibles des renseignements plus « peuple dé la bouche d’un polonais, il dirait que ce s nt les Polacy qui habi­ exacts. tent les bords de la Vistule. Supposons Strabon fut suivi par Me] A l’épo­ que ces quatre noms, dans des écrits sé­ que de celui-ci, deux rois es Mareo- pares fussent tombés sous la plume d’u„ mans qui s étaient dépossédés, l’un l’au­ Athénien qui ne savait que sa propre lan­ tre et furent chassés par un troisième, ob­ gue et connaissait peu Géographie de ces tinrent de Tibère pour eux et pour leurs contrées e «ignées, il serait sans doute per­ suites un asyle en Italie. Ce fut alors que suade que dans la région Hyperboréenne, Pomponius Mêla reçut de ces réfugiés

I C h a p i t r e XXIV. /u 274 Chapita® XXIV. celui de ^Xevridarum., Ce dernier nom quelques renseignemerts géographiques est plus convenable au pays qui est arro­ sur les pays dont ils étaient voisins. Ce sé par les rivières dont la dénomination géographe appela de nqm de Sarmatie la a une sorte d’analogie. vaste étendue de terres depdis les Marco- mans jusqu’au Tanais et aux monts Riphé- Le roi Alfred le Grand, auteur du ens. Tacite’ n’en pouvait pas savoir da­ neuvième siècle fait mention de ce pays vantage, il se contententa de dire —- Ger- sous deux noms distinctifs. 11 en appelle, mania omnis .... a Sarmatia Dacisque... dans son idiome Anglo-Saxon une partie Visleland, pays de Vistule et l’autre Mais quatre-cent-cinquante ans après Serme n de. Tacite, Jornandes appelle déjà Scavéni ou si l’on veut Sclavini les habitants des bords — And be eastan A l’est de la Mo­ de la Vistule. Si l’illustre prélat eut pu Maroaro laude is ravie est le pays de sçavoir quune rivière appellée TSJida, pas­ Visleland. And Vistule: plus loin sant entre les Palatinat de Sandomirie et be eastan vaem sind à l’Est est la Dacie, de Cracovie se jette par la rive gauche Dalia, va ve iu vae- quoiqu’ auparavant dans la Vistule; qu’une autre appellée Nyr ron Gottan. Be elle appartint aux prend ses sources a douze mille de Var„ northan eastan Ma- Goths. Au nord- sovie et s’unit avec la Warte à l’Oder; roara syndon Dala- est de la Moravie qu’une troisième, nommée Narvie ou Na- mensan : and he ea­ sont les Dalamen- reve sortant du Palatinat de Podlachie stan Dalamansam sans. A Test des tombe dans la Vistule; qu’une quatrième sindon Horithi: And Dalemensans sont le fu rets se joint au Bug, qu’une cinquiè­ re northan Dala- Horithi. Au nord me enfin la Néris, connue sous le nom mensam sindon de Dalamensans de jVillia ainsi que les quatre autres tra­ Surpe. And beve- sont les Serbe. A versent la vaste étendue, nommée la Sar­ l’ouest de ceux-ci matie; cet illustre historien aurait décidé stan him sindon Si- la question entre le nom, Vinidarum et sele. r Be northan sont les Sisele. Au Chapitre XXIV. 2 7 ;/

Horithi is Maeg- nord des Horithi foeminarum. Cette version 11e parait pas exacte. Quoique les femmes soient cou­ thaland, And be est le Maegfhaland. rageuses dans ces contrées, les hommes iiorthan Maegtlia- Au Tslord du Maeg- sont encore plus braves. Le son land is Se rem en- thaland est la Se- de Maeg tha répond presque à ce­ de oth tha beorgas rem en de jusqu’- lui de Médza, terme Slavino-polonais Riffin, aux monts Rifïéens. qui signifie limite ou terre intermédiaire Ilormesta Regis Alfredi ed, Barrington. entre deux autres. Le Maegthaland sem­ Lond. 1775. p 20. ver. 21. ble repondre au mot pariétal ou mitoyen. Plusieurs auteurs savants ont donné L’anonyme de Ravenne dont Page se des commentaires sur ce passage Ils rapporte au milieu du huitième siècle, le ïl’ont pas remarqué le mot Horithi qui premier auteur qui indiqua le mieux le est Slavinique et dérivatif de Hora, gora. cours de la Vistule, est aussi le seul qui Les Horitsi veulent dire montagnards. Ou paraisse voir, comme à travers des nuages, le nom de Polonais, lorsqu’il dit - „Item voudra bien se rappeller l’analogie de Na- patria Carnpi, campanidon,, — mot latin harvali, Mogilones, et de Gorlitsa ou Gpr- iitz, dans le pays de l uzici. analogue à celui de Pôle champ. Cet auteur ne specine pas exacte­ l a Seremende parait être tir e du ment la situation du pays de Campi. Au­ mot Saramande, Dieu des moissons chez cune carte géographique n’existait alors. les anciens Slaves. On appelle .Chrétiens Aujourd’hui pourra-t-on, sans avoir sous les peuples de la sainte Religion de JESUS les yeux un Atlas, indiquer avec exacti­ Christ. Les Polonais n’appartenaient pas tude les limites de la Courlande, de la encore à Eglise Chrétienne. Le roi Al­ Lithvanie, de l’Ukraine, et de la Pologne fred les appella donc les Seremendes d’a­ même? Dans les siècles de Jornandes, près le dieu slavinique. d’Egiuhafd, et d’Alfred l’art de dessiner On traduit communément Maeg tha­ et de graver les cartes n’avait pas com- land par le Pays des femmes, terra 4 ~ T ) £78 Chapitre XXIV. C hapitre XXIV. 279 mencé. L ’ombre paraissait, dans ces tems- Nevride avait donc son chef qui la gou­ là couvrir les pays depuis lElbe jusqu’à vernait lors de l’invasion des Perses. l’Océan oriental, ainsi que toute l’Asie et .Mais dans la suite je vois régner sur l’Afrique excepté les rives de la méditer- ce pays un silence de près de seize siècles ranée Ce n’est que d’après les connais­ sans interruption tandisqu’à l’Orient, au sances postérieures, que l’on a pû se for­ Midi et à 1 Occident des guerres horribles mer quelques idées des siècles dont le affligent l’Europe et l’humanité. Dans cet souvenir est si incertain. i , ■ espace de tems je vois les Nevridiens, Le nom de Pologne et ses limites ne couverts à 1 Est et au Sud par leurs forets devinrent connus que dans le dixième siè­ et la chaîne des Carpates, observer la paix cle lors de l’introduction de la Religion la plus stricte d’un côté avec les Litllva- chrétienne. niens, et de l’autre avec ces Germains qui, Me sera - t - il permis d’avancer ici habitant un sol plus beau, savaient défen­ quelques idées sur le gouvernement de la dre leur liberté contre les légions de Cé­ Nevride et sur la forme de l’Administra­ sar, d’Octavien, de Tibère et de leurs fa­ tion primitive de la Pologne? J’oserai rouches successeurs. l’essayer. Ftetirés dans leurs foyers, jouissant D ’abord à l’égard de la Nevride je la des bienfaits de la paix, les Nevridiens vo is, d’après Hérodote, représentée par ne pensaient jamais à faire des conquê­ son chef dans le conseil qui délibérait sur tes. . . , — ,,Fines imperii, dit Justin, la guerre de Darius.. „rnagis tueri, quant proferre mos erat: Soixante et quatre ans n’étaient pas ,,intra suant cuique patriam régna finie- encore passés depuis cette guerre jusqu’à „bantur. l’époque où le Voyageur d’Halicarnasse Je vois ces Nevridiens partager leurs s’était rendu presque sur le lieu de cette vastes pays en grands districts aux quels scène mémorable. On ne peut pas refu­ on donna plus tard le nom de IJalatinats ser sa croyance à ce qu’il en a dit. La T a 280 C hapitre XXIV. Chapitre XXIV*. 2 8 *

que la Pologne offre encore aujourd’hui. nius Mêla; et Procope, en parlant des Ces noms et cette division politique du Slaves, ajoute, — ,,lls deliberent eu com- pays se perdent dans la nuit des siècles ,,mun sur ce qui concerne leurs interets, les plus reculés. Les Palatinats ont cela „c’est pourquoi les chances • heureuses ou de remarquable que chacun d’eux est tra­ ,,malheureuses sont communes à tous. , . . versé par une ou deux rivières navigab­ Guer. Goth. liv. IV. ch. 14. les et renferme des forets Suffisantes pour Outre les Sénateurs, chaque District le besoin des habitans. avait ses officiers civils et militaires. Les Je vois ce peuple élire ses chefs qu’il officiers civils veillaient à la tranquillité investit du pouvoir suprême, mais limité, des familles, à l’hospitalité, à la justice: et qu’il environne du respect général, en les officiers militaires, appelles communé­ se soumettant à leur gouvernement. Les ment C h o r o 11 z y Porte - enseigne, vexil-, chefs s’entourent du conseil des sénateurs, lifer, commandaient la jeunesse destinée appelles W oie \vo d o v i e, Palatins , qui à la défense commune. Ces emplois sub­ représentent les peuples de chaque Palati- sistèrent jusqu’au changement politique de nat et servent d’intermediaires entre le chef et la nation. la Pologne. Les annales ont conservé une tradi­ L ’époque de la création de ces offi­ tion reconnue que ces Palatins, après la ciers militaires se perd aussi dans la nuit mort des Chefs exercèrent a. deux époques des temps passés; elle remonte sans doute différentes le pouvoir suprême: mais leur jusqu’aux siècles des Nevridiens. Une crouveniement étant injuste et intolérable, triste expérience et le besoin qui s’en fit la nation leur ôta ce pouvoir et élut de sentir lors de l’invasion de Darius, indi­ nouveaux princes. Toute la nation, dans qua à ces peuples une telle institution. lès Diètes veillait à sa liberté et à la sû­ A cette époque les Nevridiens avaient ré­ reté du pays; — Bellatrix, libéra, indo- solu de se défendre mais la ruse des Scy­ mita — tel est le témoignage du Pompo- thes dont parle Hérodote et l’apparition C h a p i t r e XXIV. 2 8 3 «82 C hapitre XXIV.

subite de l'ennemi les empêcha d’en dé­ res de Tyrès six mille vaisseaux; sur les­ quels ayant embarqué trois cent cinquan­ ployer les moyens. te mille hommes, ils se rendirent par le Dans les siècles postérieurs à cette Pont Euxin et firent une descenLe dans guerre il y eut une terrible irruption, fai­ les environs de Tomi.,, ■ te chez les Scythes des bouches de lister Zosim décrit les circonstances ulté­ par Philippe, roi de Mace'doine. Cette irruption fut accompagnée de la barbarie rieurs et la fin de cette entreprise des bor­ des associées, mais on ne voit entr’elles la plus atroce. Le farouche monarque, après avoir horriblement pillé et maltraité ni les Nevridierts ni les Slaves. Elle fut les parents, leur arracha vingt mille en­ exécutée par les peuples des bords de la fants des deux sexes pour en peupler les mer noire, peuple de la petite Scythie qui provinces de Macédoine. Cet acte barba­ était distincte de la Nevride. re se passe loin des Nevridiens ; mais ils Dans les troisième, quatrième et cin­ savaient ce que pourraient des rois com­ quième siècles, pendant lesquels tous les me Darius et Philippe. Tout conseillait pays riverains du Pont-Euxin, de lister donc à ce peuple tranquille de veiller à ainsi que la Grèce et l’Italie ont été hor­ sa défense par des institutions qui se sont riblement dévastés, mis à feu et à sang, conservées jusqu’à nos jours en Pologne. de nombreuses victimes de cette fureur Mais la Nevride n’en abusa jamais. L ’hi­ se seront sans doute réfugiées chez les storien grec, Zosim, raconte une expédi­ Nevridiens, non pour y former une na­ tion épouvantable, faite sous le règne de tion, comme le prétendent les Annalistes, Claude II entre 263 et 270 par les Scythes mais pour augmenter le peuple aborigène les Goths et les Hèrules unis ensemble i et hospitalier. Les contrées de la Vistule, * ; v * , . du Bug, du Niémen étaient vastes; des, — „L e reste des Scythes, dit Zosim, familles, échappées à la fureur des hordes devenus fiers par leurs heureux exploits, barbares, auront trouvé chez les Nevii- s’ tant liés avec les Hernies, les Peucins diens paisibles un asyle et de la consola- et les Goths, rassemblèrent itux embouchu­

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C h a p i t r e 284 C hapitre XXIV* XXIV'. £85

tion dans leurs malheurs.\ Jusqu’à pré­ j,1*Alain, avec une arme pesante, le Heru- sent on voit en Pologne beaucoup de fa­ ,,le avec sou arme légère. . ; De Ong. milles, ayant dans leurs noms quelques Got. cap. 50. restes analogues à des nom Grecs, Latins Voilà donc ces peuples qui composè­ et Goths. rent l’empire d’Attila, mort en 445* L ’apparition des Huns fut la plus Le Prélat de Piavenne fait la descrip­ affligeante pour Phumanité. Cette tion des chemins qu’avaient piis, apics le horde Asiatique ne s’approcha pas, carnage, ces peuples, pour retourner dans comme je l’ai déjà remarque, des lords déurs pays. On n’en voit aucun aller sur de la Vistule et des autres rivières de la les bords de la Vistule, connue de cet Nevride. Attila ne parait pas même a- historien, pour entrer dans la Xievridé. voir subjugué les Antes et les Slaves, fi­ Ce pays n’était* donc pas au nomine des xés sur les bords du Danube. Jornandes conquêtes des .Huns. Ses forets et ses en fournit la preuve dans la narration de bois servaient alors d’asyle à la liberté, celte scène horrible qui se passa après la à la paix et à l’humanité dont les autels mort de ce conquérant fameux. L’évêque étaient abattus et renversés dans tous les de Havenne fait l’énumération des peu­ pays de l’Europe méridionale. ples qui, sur les bords de Nétad dans la C ’est donc dans ces siècles mémora­ Hongrie moderne, s’égorgèrent mutuelle­ bles qu’il me semble voir les habitans du ment pour servir la fureur des fils d’At­ pays qui porta dans la suite le nom de tila qui se disputèrent les débris de ses Pologne, consacrer leurs soins à 1 agricul­ conquêtes. ture, à l’entretien des bestiaux, créer et — »On a vu les Goths, dit l’histo- perfectionner des institutions civiles et mi­ „rien, se servir du glaive dans leur fu- litaires dont le souvenir et la tradition se „reur, le Gc'pide rompre les Flèches dans conservent encore en Pologne. ,,ie corps des siens: on a vu combattre „le Sueve à pied, le Hun avec sa lance ( /

C hapitre 286 Chapitre XXV. XXV. 287 Lorsque dans le huitième siècle un peuple des bords de la Vistule qui adopta le nom de Polonais fit choix d’un Piaste C hapitre XXV. à la place d’un chef mort qui finissait une 'CONTINUATION DU MEME SUJET. série de plusieurs princes dont les noms, SAUROMATES, PEUPLE ASIATIQUE. quoiqu’ils ne soient pas inscrits avec cer­ S ARMATES, PEUPLE DE L’EUROPE. titude da,ns l’histoire parce qu’elle n’existait n DIFFERENCE ENTRE CES PEUPLES pas alors, dont les noms, dis-je, sont D’APRES LES AUTEURS GRECS ET transmis par une tradition, il est donc LATINS. NOM DES SARMATES CHAN­ sûr qu’avant ce Piaste il régna d’autres GE EN CELUI DE SLAVES, POLONAIS chefs, puisque celui-ci n’est pas regardé ET L 1THVANIEN3 etc. comme le premier que l’on ait place a la tête du gouvernement et de la nation. On se tromperait, si l’on croyait On dira peut-être que ce sont des con­ que 1 existence des peuples Américains et jectures et non des vérités historiques que des Incas a commencé, parce qu’on n’a je viens d’alléguer ; j y consens, je l’avoue pas d’annales écrites avant lanivee de moi-même. Cependant des conjectures, Colomb, avec l’époque où l’Amérique fut tirées par analogie de ce qui existe, ainsi découverte. Si un peuple existait; il fut que des usages très-anciens, et des loix, nécessairement gouverné, soit par ses an­ ces conjectures ont la force d’une vérité. ciens, soit par des chefs élus ou tout-à Elles ressemblent aux cours des rivières la fois par les chefs et les vieillards. dont les sources quoiqu’ inconnues, n’en Au défaut de l’histoire écrite, il est sont pas moins réelles. Si l’on ne peut un signe certain, sur lequel on peut e- pas découvrir ces sources en remontant tablir un jugement sûr, en remontant une partie de la rivière, elles sont néces­ vers les siècles passés : et ce signe est 1 at­ sairement plus haut encore. tachement qu’une peuple porte à telle ou C hapitre XXV. 289 2 8 8 Chapitre XXV. *. / ''' ment qu’ils avaient une telle forme du telle forme de son gouvernement. Les gouvernement, quand ils parurent sur la polonais, seuls en Europe, ont garde le scène de l’Europe. On peut mettie en privilège d’élire leurs chefs jusqu’en 1791. doute les vérités les mieux fondées; ce­ Ils l’ont religieusement gardé malgré les pendant le scepticisme a ses boines. • • Je malheurs que l’exercice de ce droit leur me permets d’ajouter une deruieie obser­ attirés souvent, mais le changement in- vation géographique ; elle me parait ici con idéré de ce privilège entraîna la perte très-necessaire. de leur existence politique. Hérodote était venu des pays méri­ Hérodote fait distinguer expressément dionaux sur les bords du Borystliène, lors­ les Scythes royaux, parcequ’ils étaient sou­ qu’il dit que vers l’occident et vers le nord mis à la puissance des rois héréditaires : existait la lÿevride et ses déserts: il ne il s’en suit donc nécessairement que les connaissait pas d’autres nations, situées autres peuples dont il parle en même tems, au - delà de celle-ci. Hérodote fait sortir avaient des chefs, mais pas héréditaires. Pister du pays des Celtes près d’une ville Quand Pomponius Mêla qualifie les Sar- qu’il nommé Pyrénée et il place les Cel­ mates, habitant la Pologne, in do mi ta tes au- delà des colonnes d’Herculei ! Ain­ e t libéra natio; quand Procope, envi­ si l’occident de l’Europe, était inconnu ail ron deux-cent cinquante ans avant l’élec­ voyagéhr d’Halicarnasse. tion de Piaste, ajoute que les Peuples Sla- Pomponius Mêla parle au contraire de viniques avaient un gouvernement popu­ l’Occident et ensuite de l’orient: Ultirni laire, ainsi les Nevridiens et les Polonais, sunt Germaniae Hermiones . . . Sarmatia appelles par les étrangers tantôt Sarmates intus quam ad mare latior. et tantôt Slaves, parlant aussi une langue originaire qu’on appelle Slavinique, ne De meme Tacite, après avoir achevé pouvaient pas avoir d’autre forme de gou­ la description de la Germanie, s’était rap­ vernement. Cette induction devient une proché de la Sarmatie, pays situé à l’O­ ' 4 ■ vérité plus claire lorsqu’on sait positive- rient de celle-là, quand il dit: — Peuei-

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o.go C hapitre XXV. Chapitre XXV. • i i , 291 norum, Venedorumque et Fennorum na- joute ces paroles. — Tanais — ripas ejus tiones Germanis an Sarmatis adscribam? Sauromatae et ripis liaerentia possident. dubito. En parlant des peuples sur les bords Ainsi les regards de ces écrivains, di­ de la mer Caspienne, Mêla s’exprime ain­ rigés en sens contraire, se promenèrent sur si. ,,Intus sunt ad Caspium sinum les pays intermédiaires entre le Borysthè- Caspii et Amazones, sed quas Sauromati- nes et les frontières des Germains, pays das appellant; ad Hircanum Albani, habités par un peuple, nommé par le pre­ Strabon fait la meme distinction: — mier les Nevridiens et par deux autres les „Vers le midi au-dessus du palus- Me'oti- Sarmates. ,;de sont les Sauromates et les Scythes jus­ q u 'a u x Scythes orientaux. Livre 1. 11 s’agit actuellement d’établir la diffé­ rence entre les Sam ornâtes et les Sarmates. En parlant de l’Europe Strabon y pla­ Les premiers étaient un peuple de l’Asie ce les Sarmates et non les Sauromates: _ , , ' • ■' t • . ' r l et les Sarmates un peuple tout-à fait Eu­ — Tout le pays au-dessus de cet in­ ropéen. ' tervalle qui comme nous l’avons dit sé­ Lorsque Pomponius Mêla fait la de-* pare lister du Borystliènes com­ scription de l’Asie en général, il termine prend d’abord le désert des Gètes, ensuite ainsi, le chapitre II du premier livre: les Tyrigètes, après lesquels viennent les „Circa Ponticum aliquot Populi, alio alio- Sarmates Yazyges, les Sarmates Royaux, que fine, uno omnes nomine Pontici Ad et les Sarmates Ourgi. Livre 7. Trad. de lacum Maeotici, ad Tanaim Sauro- Corai, Du Theil, et dans l’édit de Tschucke mata e. L. VII. capitlll. §. 17. Tom. III. p.384. t En traitant la description de l’Asie en Denis le Périègète place en Europe particulier, Pomponius Mêla dans le cha­ les Sarmates ce que prouvent ses ver,s, pitre XIX intitule — „Bithyriia ..... et cités plus haut à la page 43 de cet ouvra­ Maeoticae gentes in ora Asiatica,, — a- ge — . „Les bords de l’Ister. . . . Quant

i ♦ / 292 C hapitre XXV. Chapitre XXV, <293 aux Sauromates de l’Asie, il les range sur rain, cinq- cents ans plus tard, le prélat les bords du Tanaïs, comme on le voit de Raven ne changea le nom de Sarmates dans le passage, inséré à la page 49. en celui de Scaveni ou Slave ni, d’Antes, Le Père de l’histoire et de la géogra­ d’Estiens et d’autres: mais tous ces noms phie lève tous les doutes lorsqu’il dit: ainsi que ceux donnés par l’anonyme de Ravenue et par le roi Alfred n’ont ni une — „Le pays au-delà du Tanaïs n’ap­ clarté, ni une authenticité classique. partient pas à la Scythie; il se partage / en plusieurs contrées. La première est , Bientôt cependant le voile qui cou­ aux S a urotnate s. Us commencent à l’ex­ vrait la Nevris d’Hérodote et la Sarmatie trémité du Palus-Maeotis, et occupent les de Pomponius Mêla fut levé, et sur ce pays qui est au nord de quinze journées vaste plateau qui fut si bien désigné par de marche, on n’y voit ni arbres fruitiers ces deux écrivains, 011 a trouvé deux peu­ ni*sauvag,es La seconde contrée au-des­ ples différens par leurs idiomes, les Polo­ sus des Sauromates est habitée par les nais et les Lithvaniens. Budins etc. Melpomène §.21. LIérodote évita la confusion entre les noms des Sauromates et des Sarmates par L ’idiome de ces derniers, avait, com­ me j’ai remarqué plus haut, son centre 1 ce qu’il appela le pays de ces derniers la dans le pays situé entre les bords de la Nevris. Les premiers étaient séparés des Duna vers l’orient, ceux de la Néris ou Sarmates par cette vaste étendue, située t Wilia au midi, ceux du î>iemen vers l’Oc­ entre le Borysthènes et le Tanaïs que Strabon nomme en particuliet la R.oxola- cident et la rner Baltique vers le Nord: nie et en général la petite Scythie, et mais il s’étendait aussi par la Livonie dans laquelle séjournaient alors des peu­ dune part, et de l’autre par l’ancienne ples nombreux. Prusse. Laissant de côté pour le moment Après le géograrbe de Cappadoce et les notions plus circonstanciées et les dif- Pomponius Mêla, presque son contempo­ rj • f • . . * , ^ \ f' ' * » » * '• .-*■ ' . <" #\/l By

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294 C hapitre XXV. C hapitre XXVI. ' 1 : ' • ■ ! ,* ferentes opinions de plusieurs auteurs sur la langue Lithvanienne, je vais presen­ ter quelques remarques sur l’idiome Po­ Chapitre XXVI. lonais et sur la Division des dialectes ETENDUE DE L’IDIOME SLAVE OU Slaviniques. / » SLAVINIQUE ; SON CENTRE EN PO­ LOGNE. ENUMERATION DES DIA­ LECTES, SLAVINIQUES. LANGUE PO­ LONAISE ET SA CULTURE.

... ■ ■ ■ ■ ><•'$•><•»..

Mr. George Ellis, auteur Anglais fait cet­ te observation: » The sclavonian sailors, employed on bpard of Venitian Ships in the Russian trade, never fail to recognize a kindred

\ dialect on their arrival at St. Petersbourgh. „Les matelots Slavoniens, employes sur les vaiiTeaiix Vénitiens dans le com­ merce d£ Russie, ne manquent jamais, à leur arrive? à St. Petersbourg d’y reconnaî­ tre un dialecte analogue à leur langage.,, Mr. Ellis pourrait ajouter que si un habitant des environs de Bautzen et *de Hoyersverda en Lusace, voulait se rendre à Taganrok près d’Asof, à Cherson et à Odessa, il serait sûr, en ne parlant que U 2

* • 1 / ■ - - 296 Chapitre XXVI. C hapitre XXVT. 2 9 j

le Dialecte de Lusace, d’être compris et après a voir fait, il y a vingt ans, un vo­ d’entendre les autres plus ou moins, en yage exprès dans les pays du nord, après traversant la Pologne, rUkraine Polonaise avoir consulté sur cet objet les savants de et les pays Trans-Borysthans. De même St. Petersbourg et de Moscou, il donna si un habitant de Pola en Xstrie ou de la classification de ces dialectes telle qu’elle Zara .en Morlaquie voyageait à travers la suit : Hongrie ou la Moravie, la Pologne, Po- 2. L’ancien Slavinique ou le dialecte lock ou Smoleńsko jusqu’aux bords de la d’Eglise dans lequel est écrite la litur­ N eva, il trouverait la même facilité en 11e gie de l’église grecque. parlant que l’idiome de son pays. 2. Le slavinique Hongrois, parle dans Une langue si étendue a nécesserai- la haute Hongrie. rement un centre où elle doit être ongi- 1 '' , D 3. L’Jllyrien, puisse comme/pense Mr. naire. Je crois que l’on m’accordera ce Dobrowski dans le Lexicon de Della que j’ose avancer, que les pays où se croi­ Bella, » sent les deux langues dont je viens de par­ 4. le Dialecte de Bohême, ler, est naturellement central. 5. le Slavon-servien, parlé en Servie. On demandera quelle est donc la lan­ Mr. Dobrowski le range avec le dia­ gue primitive dont ces divers dialectes lecte Illyrien, ne forment que lés branches? la réponse 6. le Vénédique ou Vandaliqne, ou Ven- à cette question deviendra plus claire, si dique, langage des Vendes, habitant l’on veut remarquer à ce sujet ce que je la haute Lusace, vais exposer. 7. le Sorabique, parlé dans la basse Lu­ Mr. l’abbé Dobrowski, membre des sace , plusieurs sociétés littéraires, se donna beau­ g. lePolabien: Mr. Dobrowski attribue coup de peine pour approfondir la con­ ce dialecte aux Vendes dans le pays naissance des dialectes Slaviniques: et de Lunebourg.

s / C hapitre XXVI. 239 293 C hapitre XXVI. slavinique et des peuples qui la compo­ g, ï e Cassubien; d’après cet auteur, le sent. C’est aussi là que l’on voit l ‘ ten­ dialecte dérivant du Polonais corrom­ due de l’idiome et les variétés des- dia­ p u , parle dans la Poméranie posté­ rieure, Hinter - Pommera, c’est à-dire lectes slaviniques. sur les bords de la Persante et vers U est vrai que le Conseiller Lomono­ le territoire de Dantzic, sov range aussi dans la série des nations slaviniques les anciens Prussiens, les Lith- 10, le Polonais, vanies, les Livoniens et les Courlandois. 11. le dialecte de la petite-Piussie ou Dans le huitième chapitre de son histoire de 1 Ukraine Polonaise, Mr Lomonosov ajoute: — «La, conloi- > 12. le dialecte Susdal, parlé dans la pro­ „mité de la langue des Varangiens- Rossi vince de Moscou, composé de mots „avec la langue Prussienne et Curlandoise Russes et d’idiomes étrangers. „prouve encore qu elle n’est qu un dia­ Telle est la division des dialectes Sla- le c te de i’idi me Slavinique „ — viniques, exposée par Mr. Dobrowsld d’a­ ]VXr. Dobrovssld ne parait pas avoir près les grammériens et les Lexicographes assez remarqué les observations tres-in- Russes. ¡tructives sur les dialectes Croitique, Dal- Le savant de Bohème ajoute l’obser­ niatïque, Bosnien, Servien, et Bulganen vation que dans cette division les dialec­ lesquelles Truber a exposées dans le dis­ tes Croitique et Carinthien sont oubliés. cours dédicatoire qui précédé sa traduc­ Lire Slavin edit 1306 pag. 126. tion de la sainte Ecriture, et qui fut a- Cet auteur distingué 11e se rappela dressé en 1.062 à l’Empereur Maximilien. pas le second chapitre de l’histoire an­ Primus Truber connaissait très-bien ces cienne de la Russie, écrite par le .dialectes et par lui même, comme Caiin Conseiller Lomonosov, traduite en Fran­ thien, et par deux Prêtres de la Croitie çais et en Allemand. Dans ce chapitre et de la Bosnie qui l’ont aidé dans la tra­ duction des livres - saints. \ l’historien montre l’étendue de la nation /

hapitre 0°° C XXVI. C h a p i t r e XXVI. 501

T ,llrl!e aussi

5°2 C h a p it r e XXVI. ' * * C h a p it r e XXVI. 5^5 X . ‘ . \. taient les limites, ne faisaient la guerre leur donne aucun voisin dans cette con­ à personne. Hérodote qui ne les a pas trée:1 mais Strabon, Ovide et Tacite y pla­ vus et lie les aimait pas, n’aurait point cèrent les Sarmates Jazyges, partie du manque, s’il y avait des plaintes contre peuple de la Nevris, . . . que l’on appela eux, de le dire. Le savant Pelioatier a , depuis ces terns, la Sarmatie. iprouve eu’ils 11e mangeaient pas des hom­ Hérodote 11e connaissait pas les na­ mes. Pour outenir une vie si cruelle tions qui étaient a l’Occident de la Nevri- ils auraient été en guerre avec tout le mon­ de c’est-à-dire sur les bords de l’Oder et de; ils ont cependant fui devant les de la Morave. Mais les peuples qu’il pla­ Perses. * cé entre le Borysthènes et Pister parlaient, Depuis les bords du Borysthènes jus­ si ce n’est pas , la même langue, au moins qu’au-delà des Carpates vers l’Ister, s’é­ les mêmes dialectes que les Nevridiens tendait la Nevris et son idiome. Les 'Ne­ qui les environnaient, en formant un crois­ va idiens avaient en face les peuples sui­ sant autour de ces Arotères, Tyrigètes et vant* - 1 des Agathyrses. Entre le Borysthènes et l’Hypanis é- La langue des peupleâ, entre le Ta­ taient les Arotères ou laboureurs, les A- rais et les Borysthènes, excepté les An- lazons et les Calîipides. dropliages n’eu différait pas, ils délibérè­ rent ensemble et avaient entr’eux des re­ Entre l’Hypanis et le Tyrès la nation lations d’affaires comme voisins. appellée Tyrigètes. Hes auteurs classiques postérieurs à Sur la crête des Carpates vers le Ma­ Hérodote n’ont pas dérangé la série de ces ris et le Tibiscus, les Nevridiens avaient nations: ils ne leur donnèrent que d’au­ à cote d’eux les Agathyrses jusqu’aux tres dénominations, et sur-tout celle de bords de Pister. Je dis jusqu’aux bords Sarmatie à la Nevris qu’on changea plus de Pister, car aucun peuple ne séparait tard en celle des Slavins et après en nom de Pister les Nevridiens. Hérodote ne de Pologne. 5 °4 C hapitre XXVL Chapitre XXVI. 505

Voila deux mille trois - cent et'vingt Si une telle assemblée des littérateurs ans se sont écoulés depuis cette mémo- se fut'rencontrée pendant une des Diètes, rable deliberation! Et cependant suppo- lorsque le roi Jean Sobieski, ou Stanislas sons qu’aujoui d’hui un littérateur de Mos­ Auguste parlaient aux Etats de Pologne, cou, un autre de Kiyovie ou Charkov, un je suis bien sûr que tous ces l)ôtes litté­ d’Hermanstadt en Transylvanie, ancien raires se seraient unanimement écriés, voi­ pays des Agathyrses, un littérateur d’fî- ci le vrai et le bel idiome de tous les pcliès» ^ tra ou de Presbourg, un de Slaves 1 Ce 11’est pas une vanité une par­ Servie, un de Bosnie, un de Croatie, un tialité mal-attendue qui guide mon senti­ de Zara en Morlaquie, un de Pola en ment en faveur de ma langue maternelle: Istrie, un de Stirie, de Carintliie, un de au contraire j’avoue que les dialectes dont Moravie, un de Silesie, uii de Bohême, je viens de faire l’énumération, se distin­ nn des deux-Lusaces, un des bords delà guent par la tournure des phrases, par la Persan te, etc. supposons, dis-je que tous simplicité de construction et par la riches­ ces littérateurs se soient rencontrés à Var­ se qui sont propres à chacun d’eux. Ces sovie chez un littérateur Polonais, ils pour­ beautés me font regretter que la langue raient tous, ne sachant que leurs propres Polonaise n’en ait pas profité. langues d origine qu’on appelle Shmnique Mais l’idiome Polonais avait pour lui ils pourraient, je le repète, comme autre des avantages bien visibles. Premièrement, lois ceux de l’assemblée d’Hérodote, dis­ la Pologne, patrie d’un peuple aborigène, cuter les matières littéraires qu’ils, vou­ était fondée au milieu des nations Slavi- draient: ils se comprendraient tous facile­ niques. En second lieu elle fut, dans les ment, n’ayant besoin ¿ ’éclaircissement que siècles primitifs, préservée de l’invasion sur des mots, tirés des autres langues li des barbares qui changèrent l’existence de mitrophes et usités dans leurs pays re­ spectifs. - - plusieurs peuples. A la vérité la Pologne

, f . i fut aussi, dans les siècles postérieurs, sou­ vent ravagée et couverte de ruines: mais

/ I 506 C hapitre XXVI. Chapitre XXVI. 5 °7 v , ^ ' aucune horde Asiatique n’a réussi à se tivée, est la même dans la bouche d’un fixer dans ce pays: elles furent, à Tintant, Lithvanien, d’un Ukrainien, d’un habitant chassées toutes, après quelques combats de la Grande ou de la petite Pologne et très - sanglants. D ’ailleurs la Pologne exis­ des provinces de la Prusse Polonaise. La tait sous un gouvernement populaire dont Diète finie, les nonces de ces provinces la forme est très - favôrable non seulement étaient obligés à leur retour dans leurs à conserver le type originaire de la lan­ foyers de rendre compte à leurs commet- gue, mais aussi à le propager et le per­ tans dans les diètines palatinales qu’on fectionner. On a vû lors des .élections des appellait diètines de rapports, comitiola chefs, la plus grande partie de, la nation relationum. se rassembler sur un seul point. C’est là Ainsi à la tribune, en chaire, au bar­ que la force de l’éloquence remuait ou reau on entendait presque sans cesse des maîtrisait les passions qui se croisaient hommes plus au moins éloquens, et l’i­ en mille sens differents. Cette scène se diome y gagnait, renonvelait d’époque en époque, après qu’un Prince cessait de régner. Depuis l’introduction du Christianis­ me en Pologne la langue latine fut ado­ Un autre champ pour l’éloquence é- ptée pour les écoles et les actes publics : tait offert par les diètes générales, prési­ Pidiome national eut alors un modèle dées par’ les rois et composées des Séna­ classique. On étudiait les chefs-d’oeuvre teur et des nonces de tous les palatinats de la Grèce’ et de Rome. On pliait la et des provinces. Ces assemblées for­ langue Polonaise à en rendre les beautés: maient un corps politique et, si je peux on les imitait dans les assemblées et les l’appeller ainsi, le foyer de toute la na­ tribunaux. Ces efforts donnèrent, en quel­ tion. C ’est là que la langue prenait une que sorte, une autre vie à cejte langue. forme constante, identique et que tout * » . t provincialisme en disparaissait. C’est pour Le cadre de ce discours ne me per­ cette raison que la langue Polonaise cul­ met pas dans ce moment d’offrir quelques

* 503 ■ Chapitre XXIV. Chapitre XXVI. 30,)

observations compara! ives des dialectes torzieme siècle. On* conserve un frag­ slaviniques. Je payerais à chacun d’eux ment du code des loix publié, en 1347 solls le tribut de mon admiration. 'Je me re­ les roi Casimir le Grand. Ce code est serve ce travail pour le tableau que je imprimé en latin; mais un fragment d’in­ viens de .tracer, d’une réunion de littéra­ troduction faite en idiome Polonais existe teurs sur les bords de la Vistule. dans les archives publiques. Un autre Quant à la littérature en général des monument plus considérable c’est la tra­ dialectes slaviniques, je n’en connais pas duction de la sainte Ecriture en Polonais /assez toute 1\tendue; je n’ose donc pas dont j’ai parlé plus haut, faite par la rei­ hasarder mon opinion. On verra ce que ne Edvige petite fille de Casimir le grand je vais dire en particulier de la littérature et épouse du roi Jagellon. Ce monument en langue polonaise. J’espère qu’elle pour­ précieux se conserve en Hongrie ou cette ra soutenir pour ses richesses la concur­ reine avait reçu le jour Mr. Pabbé Do- rence avec celle de la langue Russe et Bo- browski, dans une lettre, écrite en 1806 hémienhe. Cependant la nation Russe à un littérateur Polonais parle ainsi de ce monument : peut se glorifier de richesses immenses ^ / 1 que sa littérature offre depuis soixante ans% L’illustre Academie de St. Petersbourg, les Ex itinerario Comitis Teîeki per Hun* littérateurs et les savants Russes travail­ gariam habeo, quae de Poîonicis Bibliis laient en paix sous la protection lil eYale manuscriptis communicem, nam in Biblio- de leurs Souverains puissans, tandis que theca Collegii Sarospatacensis inveni Po- les Muses Polonaises étaient sans cesse al- lonica Biblia eleganter in pulcherrimis larmées par le bruit affreux des armes. membranis scripta, librum rarissimum- Quant à l’ancienneté des travaux lit­ Plane translationem fecit Hedvigis filia Lu­ téraires en langue nationale je dois avouer dovic! I ex Ungarico idiomate (opinor for* que les Polonais ne possèdent de moiiu- sitan latino. — Vide Bod’s Ungarisch. inens écrits que depuis le milieu du qua- Acten. Apographum praesens circa annum X 310 C hapitre XXVI. Chapitre XXVII. 3 1 1 1390 conscription non integrumv • . . Mis- cell. Cracovien. Fascicul. I. p. 85* f 11 n’existe en Pologne aucun manu­ C hapitre XXVII. scrit d’une date plus haute que les deitx SUR LA POESIE POPULAIRE ET SUR dont je viens de parler. Dans le onziè­ LES DANSES POLONAISES, KRAKO- me, le douzième et le treizième siècle ce WIAKI, MAZURKI, KOSAKI, DANSE pays était presque,, sans cesse exposé aux APPELLEE POLONAISE, ANECDO­ horreurs des guerres. Ses voisins et les TES AU SUJET DES DANSES. hordes Asiatiques y faisaient des irrup­ tions continuelles. On 11e pensait pas à la conservation, des manuscrits lorsqu’à L a Poésie moderne des nations Europé­ tout moment on risquait de perdre la ennes n’est en quelque sorte qu’une imi­ vie. Si l’on cachait un papier dans la tation des chefs-d’oeuvre Grecs et Ro­ terre ou dans un tronc d’arbre pourri, mains. On fait des poërnes d’après le ge% seul abrit qui restât lorsque les cabanes nie de sa langne, mais en imitant les for­ brûlaient, il était bientôt détruit ou par mes des auteurs classiques. Plus on en l’humidité ou par les vers. approche, plus on est estimé parfait. C’est Enfin pendant la catastrophe de 1794, pourquoi une telle poésie peut avoir le la Pologne a perdu son plus beau monu­ nom de poésie cultivée. Mais elle est ment, une belle et riche Bibliothèque pu­ nécessairement précédée d’une poésie po­ blique. Cet t perte restera toujours au pulaire qui est propre à chaque peuple et nombre de nos souvenirs les plus doulou­ n’est que le fruit du talent dont la nature reux; elle est impossible à réparer . . Un a dpué l’homme. autre sujet m’appelle, c’est la Poésie Po­ Avant de parler des poètes, formés lonaise. par la culture classique, je crois quiï est nécessaire de donner ici quelques notions X 2 C h a p i t r e XXVII. 315 312 C hapitre XXVÎI. sur la Poésie du peuple Polonais,, Elle de douze syllabes. Une avanture entre est de deux sortes: l’une qui se rapporte des amans, une historiette villageoise, une exclusivement au chant; l’autre melee; à critique, couverte sous une métaphore en la fois de danses et de chant. On peut forment le sujet. Les chansons sont en faire trois divisions caractéristiques de strophes. L’air eu doit être propre à ac­ cette poésie, en la rapportant aux trois pro­ compagner la danse. Celle de lirai, o- vinces qui composaient autre fois la Po­ viaki a une figure qui la caractérisé* X-.es logne. garçons et les filles, deux a-deux, for­ ment une chaîne, composée de cinq jus­ Oh donne le nom de Krakowiaki qu’à douze et quatorze couples à la fois, aux chansons et à la danse des peuples qui se suivent l’un l’autre. Le garçon qui du Palatinat de Cracovie et de la Petite- se met a la première place, chante une Pologne.- romance qu’il compose à sa volonté pour- Le Mazurek, les Mazurk'i sont vûqu’elle soit gaie. Quand les couples se les chansons et la danse, inventées par le sont placés et la danse va commencer, ce v peuple de Mazovie; elles s’étendent dans ce coryphée chante sa premier strophe, le la Grande-Pologne. musicien en saisit le ton et le repète sur Celles des peuples de PUkraiue, son violon ; pendant cette répétition oïl danse. Quand le musicien finit, les pai­ c’est-à-dire des anciens Palatinats de Po- res reviennent à leurs places, le »garçon dolie, de Bratslavie, de Kiiovie et de Vol- chante la deuxieme strophe, le musicien hinie sont appelées les Dumki ou les ro­ la répété, on danse d’apres la musique; ce mances élégiaques, et les Kosaki, dan­ que l’on continue jusqu’à ce que le chan­ ses accompagnées de chants La versifica­ teur ait fini sa romance. On cesse la dan- , tion de toutes ces trois sortes de poésies se, si la romance ne plait pas. Plus ces est rimée. couplets sont piquants et gais, plus la dan­ Les chansons Krakoviaki et Ma­ se est vive et bruyante. zurki sont composées de vers de dix ou C h a p i t r e 3*4 C h a p i t r e XXVII. XXVII. 3t

Le M a z u r e k diffère en ce que ce­ les jours plus heureux de son régné, Sta­ lui-ci n est composé que dé quatre ou de nislas Auguste avait fait un voyage dans six couples au plus à la fois: et au-lieu le Palatinat de Cracovie. Dans nne des d une chaîne les danseurs forment une cer­ fêtes qu’il honora de sa présence on dansa cle en.,se tenant par la main, ou une es­ les Krakoviaki. Les cavaliers et les pece d’étoile en se donnant les mains en dames étaicurt en habit villageois« U Y sens opposés. Le chanteur ou le coryphée avait aussi un jeune homme, peu fa"\oii es. au milieu du cercle avec sa moitié: sé de la fortune et pour cela très-malheu­ après avoir chanté un couplet, il danse reux dans ses amours parce que, la jeune pendant que le musicien joue du violon personne qu’il aimait, étant fort riche, son coulme ^aiiS les K r a k o v i a k i , et le cer­ père s’opposait à leurs inclinations. Ce cle dadse auteur du coryj liée. On forme jeune homme dansait parfaitement bien aussi une espece d’étoile ou d’autres figu­ les Krakoviaki. Le hasard le ht cory­ res, en se donnant la main, en se quit­ phée de la, danse. L ’amant infortune com­ tant ou en se joignant pendant la musique. posa une romance à la manière des* pay­ sans, dans la quelle il célébrait la bonté Les i ^jouissances ont lieu les jours du roi et son plaisir à faire des heureux: de fetes ou les dimanches : le jeun© pay­ après, il y introduisit insensiblement 1 al­ san travaille pendant toute la semaine à légorie de son infortune, et il la chanta une chanson pour la chanter au jour de de manière qu il intéressa le bon roi et la danse. Un passant, un voyageur qui com­ société. Au dénouement de la danse et prend leur langue s’arrête et s’amuse à é- de la romance: il prit son amante, il se couter les couplets champêtres quelquefois mit à genoux devant le roi en implorant très-ingénieux ou très-bisarres. C’est sur­ sa bonté. Le père de la demoiselle était tout pendant les noces que ces danses et aussi présent, et sur les instances du roi ces couplets sont très-amusants. il couronna les voeux des jeunes a- ✓ Les Krakoviaki et les Mazurki sont mants. cultivés par les classes élevees. Pendant

i C hapitre i 3 1 6 C hapitre XXVII. XXVII. 3 7

La danse appelée Kosaki, est assez laissent oublier leur triste soit. Seule­ connue: elle est très-différente des pièce» ment lorsque ceux de 1’* kraine chantent dentes. Un garçon et une fille la dansent leurs plaintifs T)umki, ou que des jeu­ seuls. Ce n’est cependant pas une Walse nes-gens de Maso vie et de Cracovie, assis où le cavalier et la dame 11e se séparent au pied d’un arbre, sur une pierre, ou sur presque pas. La Kosake demande au con­ le gazon, accompagnent de leur flageolet traire, que le danseur et la danseuse figu­ le ¡rs chansons mélancoliques, ils s’atten­ rent séparés l'un de l’autre: leurs bras ne drissent jusqu’aux larmes. se touchent pas ou très-rarement. Le gar­ L.a Èolpnaise, danse nationale, est çon placé à six à huit pas en face tient en­ plus connue dans l’étranger. Le chant tre ses mains un t’héorbe dont il joue peut y être employé, mais ce n’est pas pour accompagner son chant: alors la fille de rigueur. Il alterne avec la musique, fait ses pas et parcourt l’espace qui les sé­ mais ceux qui dansent ne chantent pas. pare, en avançant sur une ligne ondoyan­ Cette danse plus grave que les autres, con­ te et, en se retirant de même vers sa pla­ vient plutôt à läge mûr: à cet âge on ce sur la mesure du tbéorbe. Lorsqu’elle trouve ridicule de faire des sauts et des est arrivée à sa place, le cavalier fait le tours de force. même tour en jouant toujours du tbéorbe, La polonaise est simple, quand elle ne et ainsi tous deux dansent alternativement. renferme que deux divisions; le tlieme Le cavalier tout seul ou la fille toute seule et le trio avec une finale Le thème est peuvent à leur fantaisie figurer cette danse. composé de la majeur et de la mineur. Le Le chant, le jeu du tbéorbe ou de la guit- trio de même. Quand la majeure et la tarre, la souplesse et la légèreté des mou- mineure sont aussi divisées chacune en vemens en font i’agrémerit principal. deux parties, et que la finale renferme Ces trois peuples, plongés dans une deux parties, la danse est plus imposante. misere qu’ils ne méritent pas, sont cepen­ On pourrait appeler ces divisioiis la stio- dant très gais dans leurs danses; ils y pa- phe, l’anti- strophe et l’épode. C hapitre XXVII. 3*9 518 C hapitré XXVII. r * , /■ Le coryphée ou celui qui se place à le Général Kościuszko, sensible à ce triste la tête des parties doit bien observer ces événement, voulut quitter la Pologne. divisions et subdivisions, autrement il oc- Dans une réunion de ses amis où 1 on se casionerait un dérangement dans les tours faisait ses adieux, on composa un air dont que l’on change à chaque division. on fit la danse des adieux de Koś­ ciuszko. Le musicien surpassa le poète: Les thèmes sont pris d’une chanson, la danse est toute sentimentale; elle ne d’un air, d’un hymne que l’on transforme vieillit pas. Lorsqu’en 1809, pendant la en danse. Le compositeur ajoute au thè­ campagne des Français et des Autrichiens, me un trio analogue et la finale où son l’armée ennemie entra inopinément dans talent excite 1 approbation ou le méconten­ le Duché à quelques milles de Varsovie; tement. la nouvelle en fut apportée a la capitale Presque toutes les danses sont consa­ dans la soirée; on était à la comédie. L ’a­ crées exclusivement au plaisir et à la gaité. - larme devint générale, tout le monde fut Mais la Polonaise peut avoir un objet plus pénétré de la plus vive douleur. Par un élevé. L ’amitié, une solemnité de famille, instinct singulier, loichestre fait enten­ un événement national, célébré par un dre la danse de Kościuszko. Il est diffici­ hymne et une ode, sont aussi honorés le de se figurer l’enthousiasme qu’elle ré­ par une danse. C’est pourquoi on trouve veilla à l’instant. Les officiers coururent souvent la danse Polonaise très-grave ou rejoindre leurs bataillons, et sortirent en mélancolique, quand on ne comiait pas le , un clin-d’oeil de la ville pour aller à la sujet qui en fait le thème et le sentiment rencontre de l’ennemi. La jeunesse vola qu’elle doit inspirer. En voici un exemple. * au champ de l’honneur. Le résultat de la campagne fut heureux, mais c’est à l’hi­ Lorsque pendant la campagne de 1792, stoire d’en parler, je reviens à mon sujet. le roi Stanislas Auguste ordonna à far­ inée de déposer les armes et par cela On fie peut pas savoir l’époque de compromit l’indépendance de la nation; l’origine de toutes ces danses Polonaises.

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320 Chapitre XXVII. C h a p it r e XXVIII. 5 21 i Sans doute elles sont nées avec la nation. Le chant ou la poésie que je nomme po‘ ,. f. ' . '*'•,/ ' •- v. s. ■ i v 'y1 ■ Chapitre XXVIII. pu l aire doit aussi être de la même épo­ >\ ■( que. Il est vrai qu’on n’en a rien conser­ DE L’ORINE DE LA POESIE CUL­ vé par écrit. TIVEE ET EN PARTICULIER DE LA La réligion Chrétienne fut reçue en POESIE EPIQUE DANS LA LANGUE Pologne vers la fin du dixième siècle. POLONAISE. D s ce tems on composait des chansons

sur les sujets, pris dans la Sainte-écritu­ ■ Wf C- ■ ■ re. On les a conservées dans des chanson­ niers populaires qui sont fort anciens. On L a pcè’sie cultivée, dans l’idiome Polo­ y trouve des chansons quelque fois très-plai­ nais. n’a été connue par le moyen de 1 im­ santes. En voici une adressée à la mère primerie qu’à peu prés depuis l’an 15 ">o. du genre humain. Ce qu’elle fut auparavant? on n’en a point Pauvre Eve, Eve infortunée qu’as-tu ' de connaissances certaines. l 1 donc fait? tu as perdu le monde entier» Nicolas Rey Oksza de Naglowicè Na- Jadis les cheveux frisés, la figure parée, glowski, ainsi appelé du village de ses pè­ la couronne de fleurs sur la tête, tu t’es res, situé dans le Palatinat de Cracovie promenée comme une biche dans la prai­ sur les bords de Nida, est regarde com­ rie Malheureuse, tu dédaignas les déli­ me le premier poète qui ait écrit en Po­ ces du Paradis. Baigne à piésent tes yeux lonais. Avant lui on faisait des vers la­ 1 de larmes. Adam # l’éveillera avant le so- tins. Nicolas de Naglowicè ne fréquenta leil, il te fera marcher avec un Mton. l’école que pendant deux ans à Cracovie. Ote ta parure élégante, prends le fuseau. Pievenu à la campagne à l’âge de dix-huit Dépose ces ornements et va au travail, Eve ans, il devint presque sauvage. La chasse, infortunée! qu’as-tu, lait? tu nous a per­ la pèche faisait son unique occupation. dus, nous orphelins. La chasse aux corneilles lui plaisait parti- C h a p i t r e XXVIII. 525 322 C hapitre XXV1IL era aussi à la poésie- 11 était secrétaire culièrement, comme le dit son biographe contemporain et son compagnon de plai­ du Roi. sir. Celui-ci raconte qu’une fois Nicolas Un prélat très-distingué, Eveque de coupa par morceaux l’étoffe destinée à son Cracovie voulait gagner ce poète pour habit, pour en faire des banderolles qu’il l’Eglise: il lui avait déjà obtenu la prévô­ attaichait au cou des corneilles et qu’il té de Posnanie Un autre Evêque lui pro­ laissait ainsi voler. Enfin son père le cura une riche abbaye. Mais les charmes plaça chez un Sénateur, le Palatin de San- d’une fille rendirent inutiles ces soins gé­ domirie, dans la maison duquel il prit néreux des Evêques. Il renonça à la pré­ tant de goût pour la langue latine et pour vôté, à l’abbaye, au Sécrétoriat et à tou­ la lecture des ouvrages Classiques qu'il y tes ses espérances, se maria et se retira consacra le reste de sa vie. De retour dans son village, nommé Czarnolas. dans ses foyers paternels il s’occupa pré­ Dans cette retraite,-à l’ombre d’un tilleul, férablement de la Poesie qu’il cultiva dans rendu fameux par les vers qu’il,lui adres­ sa langue nationale. Il fut dans la suite, sa, il chantait les Psaumes de Davide, honoré des bontés de Sigismond I et de •les Odes d’Anacréon et d’Horace II ac­ Sigismond Auguste rois de Pologne: il cepta une charge civile du Palatinat de n’accepta cependant aucun emploie. Il Sendomirie, charge dont le nom est W oys- h i en polonais, et qui n’a pas de nom ana­ remplit plusieurs fois la fonction de Dé­ logue dans d’autres langues. Ce Woyski, puté à la Diète, fonction momentannée, espèce d’officier civil, était Tuteur public mais très-honorable en Pologne. Ce ci* dans son Palatinat de toutes les femmes toyen et ce poete respectable mourut 1568. dont les maris, d’après les anciennes con­ Dans ce meme tems vivait Jean Iîo- stitutions étaient obligés d’aller à la guerre chanowsM plus jeune, mais qui surpassa qu’on nommait pospolite ou levée en en célébrité le premier. Ayant reçu une masse, Lands tu rm. Le Woyski, pen­ éducation parfaite, possédant les langues dant l ’absence des guerriers, veillait à la hébraïque, grecque et latine, il se consa- C hapitre XXVIII. 52J 3 n C hapitre XXVIII. une Starostiéd mais il aimait son foyer tran­ surette' de leurs épousés, leur servait de quille, l’ombre de son tilleul et les Muses. conseil dans leurs affaires, et de consola­ Ce Poète est jnort en 1584» âgé de teur dans de tristes événemens si celles ci cinquante- quatre ans. étaient privées de ’leurs braves époux, Ces deux poètes, presque contempo­ m«-rts pour la défense de la patrie. Pour rains sont regardés comme les peres de la exercer un emploie si délicat et si respec­ poésie polonaise. table, il faiîlait un citoyen probe, sage et Parmi les ouvrages nombreux du pre­ d’un esprit conciliant. . Jean Kpclianow- mier, 011 distingue particulièrement un ski avait toutes ces qualités. Le roi Etien­ poème très moral, intitulé WMzerunek ne Batori qui estimait beaucoup ce poète ou l’Image de la vie de l’homme vertueux. lui avait conféré la dignité Sénatoriale de L ’auteur introduit sur la scène un jeune Castellan de Sendomirie. Mais Kocha- homme qui desire être éclairé sur la vertu, uowski ne 1 accepta pas, aimant mieux sur la félicité, et sur l’avenir. Le poète rester Woyski. — Je ne veux pas, écri­ lui expose les maximes et la doctrine de vit-il au Roi en lui fsisant ses remerci- Socrate, de Platon, d’Aristote, d’Epicure „mens, je ne veux pas, Sire, laisser en- ,,trer dans mes foyers tranquilles le su­ et d’autres philosophes anciens. On peut perbe Castellan; il pourrait par une vie regarder cet ouvrage comme une histoire de la Philosophie ancienne. „brillante, dilapider bientôt ce que le mo- „desle Woyski a ménagé de mon héri­ Mais c’est à Jean Kochanowski que la tage paternel.,, Nation a unaninement décerné la pjdme poétique. Il est communément appelle le Comme Sénateur, il aurait été sou­ prince des poètes polonais : il est devenu vent obligé à résidence dans la Capitale classique tant pour la pureté de la langue pour assister au Conseil du Roi, et com­ que pour la parfaite versification. me Castellan il devait, dans les cas ur­ On a de lui une traduction des psau­ gents, aller à la guerre et tout cela à ses mes de D avid, de laquelle un polonais, irais. Il pourrait obtenir en recompense Y #

5 2 6 C hapitre XXVIII. ' C hapitre XXVIII. 5 2 7

nomme Gomolka a fait la musique. Cet­ que la gravité de l’objet lui firent de te traduction, très harmonieuse, accom­ l’honneur. pagnée de notes musicales parut en 1578. La série des poètes qui ont suivi ces La traduction que 1© meme Kocha­ deux premiers, est très étendue dans le nowski a faite de morceaux, de l’Iliade, genre lyrique, dramatique et sur tout des Odes de Sapplio, d'Anacréon, d’Ho­ dans le genre pastoral. Pour ne pas sur­ race, et ses propres poésies lyriques jouis­ charger à la fois cette notice historique dé sent d’une approbation generale. îl a fait noms très - difficiles à retenir, je ne vais îiUisi une tragedie intitulée —. Odprawa, parler d’abord que des tentatives qu’ont le renvoi des ambassadeurs grecs. En voi­ faites les polonais dans l’Epopée. Je dis ci le sujet. Des envoyés Grecs sont arri­ tentatives; j’ai remarqué plus haut au vés à Troje pour demander à Priain de chapitre VU que malheureusement la Po­ rendre Hélène à son époux Ménélas, Il logne ne possède pas un seul poème épi­ sont introduits dans le sénat devant le que parfait. trône de Priant où ils exposent leur de­ On avait commencé par la traduction mande au nom des rois de la Grèce. Priani des poèmes classiques; mais les charmes et le Senat la refusent, ce qui amène de inimitables et la majesté de ces chefs- la paît des Grecs une déclaration de guer* d’oeuvre paraissent avoir effrayé les pre­ re aux Troyens. miers poètes de cette nation.

L auteur de cette pièce, faite sur les L’Enéide, rendue en vers polonais par instances de son ami, le célèbre Jean Za­ André Kochanowski, cousin du précédent, moyski Grand-général et grand - chance­ parut en 1590. lier de Pologne, en avoue lui-même la Un troisième poète de ce nom. Pierre faiblesse. Elle a été jouée en présence du Kochanowski a traduit la Jérusalem déli­ roi et de la cour à Crac vie. La nou­ vrée du Tasse; elle parut en 1018. Le tra­ veauté du spectacle, et la morale, ainsi ducteur de ce chef-d’oeuvre excelle par la Y 2 325 Chapitre XXVIII. Chapitre XXVIII. 329 " > ' ' 1 « ' » beauté de la versification et la fidélité de Vierge, Boga rodzica, Dei genitrix, la version: il a conserve même la structu­ hymne attribué à Saint - Albert, Apôtre re des strophes en huit vers de l’original des polonais vers la fin du dixième siècle* Italien. Ce Pierre a traduit aussi avec Si cet hymne n’est pas aussi ancien, il est une égale fidélité et perfection les premiers du moins le premier dans la langue Po­ quinze chants de Koland le furieux de lonaise. l’Arioste. La mort a arrêté Jean et Pierre au Cependant vers le milieu du dix-sep­ milieu de leurs plus brillants travaux; le tième siècle où Casimir Sarbièwski écri­ premier lorsqu’il traduisait les Poèmes vait en vers latins sa L e e Iliade dont il d’Homère, et l’autre celui de TArioste. est parlé dans le chapitre VII; Samuel Nous avons à la vérité le reste de la tra­ Twardowsky, guerrier et poète en même duction de Pvoland le furieux, attribué à tems, fit les premiers essais dans la lan­ Pierre Kochanowski, mais elle n’est pas gue Polonaise. Mais il prit pour son mo- encore rendue publique par la voie dô- *dèie la pharsale de Lucain, et chanta les l’impression. guerres, arrivées de son tems contre les Cosaques, Jes Tartares, les Turcs, les Mos­ La Jérusalem délivrée était, sur-tout covites, les Hongrois et les Suédois. 11 en dans le goût des polonais de ces tems-là. a fait quatre poèmes qui renferment plus Presque toujours en guerre contre les Mu­ de douze mille vers. Le poète se trouvait sulmans et autres infidèles de l’Asie, ils lui-même dans ces guerres. Pour la plu­ imitaient, en combattans, les guerriers de part il * chanté ce qu il a vu et souffert: Bouillon et de Renaud. C était la même il ne cache pas sa fuite à la quelle il fut bravoure, la même négligence les mêmes obligé de recourir pour sauver sa vie. dissentions, la même dévotion. Les Po­ lonais, avant de commencer le combat, On trouve dans ces poèmes du pathé­ chantaient communément un hymne en tique, de ^enthousiasme, une belle versi­ vers polonais, fait à l’fionneur de la Sainte fication: niais on n’y remarque pas le mer­ Chapitre XXVIII. 330 C hapitre XXVIîI. 331

veilleux, si necessaire à l’épop e , ces di­ Un poème qui en approche, ,est Woy- vinités, ces esprits et ces fatum, enfan­ 11 a Chocimska, guerre de Cliocim, poe- té par l’imagination qui se jouent du sort me en douze chants, fait par Ignace Com­ des mortels et embellissent le poème é- te Krasicki et rendu public en 1780* Il a pique. pour sujet un événement éclatant dans l’histoire de Pologne*. Osman, empereur En 1690 Stanislas Çhroscinski-, et en des Musulmans fit le projet terrible de 1691 Alain Bardzinski, rivalisant d’éf- tou mettre cetîe nation a son sceptre. Dans forts, firent paraître leurs traductions com- cetie vue, il ramassa toutes les forces de plettes de la Pliarsale de Lucain. On pré­ son Empire. Dès l’ouverture de la cam­ tend qu’une traduction de ce poeme fut' pagne en 1621,' l’armée Polonaise s’empa­ donnée en 153 par Benoit Kpsmmski; ra de la ville de Chocim en Moldavie, elle mais il est difficile d’en voir un exem­ j’y concentra toute entière; elle n’était plaire imprimé, composée que d’une trentaine de mille hommes, commandés par les chefs les plus La victoire de Jean III, roi de Polo­ illustres de, cette nation. Le 2 Septembre gne (connue davantage sous son nom de Osman, à la téfe de deux-cent cinquante famille Sobièski, nom qu’il rendit im­ mille Turcs et Tartares entoura cette pe- mortel,) la victoire, dis-je, gagnée sous ;ite armée; il croyait la prendre touLe en­ les murs de Vienne sur les forces Otto- tière, ou l’écraser et la détruire, mannes , fut le sujet d’un poeme en vers latins et en douze cliants que Jean Da- Les attaques les plus impétueuse», les mascène donna en 1717. Mais ce poème combats les plus vifs et sans cesse renou­ et celui de Skorski intitule' Leclius, Car­ velés, furent vigoureusement repoussés, men heroicum, également en douze l’acharnement le plus furieux des Turcs et citants, imprimé en 1745 dont il est parlé des Tartares, çombattans sous les yeux au chapitre Vil, ne répondent pas tout-à- du Sultan dut céder au courage des Polo­ nais. Malheureusement la mort leur en- fait à la majesté de l’Epopée. » . / v «. ■ V C hapitre XXVlII. 333 352 Chapitre XXVlII. . i r t% , / leva le 24 Septembre leur chef adore, le Sans' doute le poète avait sous ses Comte Chodkiewicz que les fatigues et yeux ces deux ouvrages. Le dernier of­ une courte maladie mirent au tombeau* frait à son imagination encore plus de res­ Il fut dignement remplacé par George Lu­ sources quil n’en a employées. H aurait bomirski et Jacques Sobieski père de Jean pû créer une autre Calypso, une autre Al- III. La mort du Comte fut cachée aux cine. Mais le Comte Krasicki, alors évê­ Turcs et aux soldats polonais. Les com­ que de Varmie et après archevêque de bats se donnaient sous son nom. Bientôt Gnesno, l’égal par ses hautes dignités de les Turcs furent forcés de faire la paix à l’illustre auteur de Télémaque et digne pour ses vastes talens, pour la pureté de la nouvelle du Pospolite ou de la levée ses moeurs d’être placé à côté de l’Arche­ en masse de la nation. Les négociations re'ussirent, et le Traité fut ¿igné au nom vêque de Cambrai, le poète polonais ne de Chodkiewicz. se permit rien de ce qui sentait trop les ■4 p ‘t 1 ' charmes de la volupté. Je rendrai compte Cette campagne mémorable est parfai­ du plan, du noeud, et de la marche de tement décrite par Jacques Sobieski dans son poème, lorsque j’en offrirai quelques l'ouvrage intitulé. — Jacobi Sobiescii Ca- extraits. stellani Cracoviensis Commentarii de Bello Cliotinensi. Gedani, 1646. - Un Roman / historique, intitulé Osman et A p eli- dine sa favorite; roman très-intéres­ sant, écrit par l’épouse d’un ambassadeur français, résidant alors à Constantinople, donne aussi des détails instructifs sur l’Eni- pereur Turc, sur sa fureur contre la Po­ logne et sur cette Campagne. Le char­ mant roman fut publié bientôt après cet événement et a été traduit en Anglais. 1

534 C hafit*\e XXIX. Chapitre XK1X. , 335 l amena la guerre entre ces deux espèces d’animaux ennemis. Les souris et les C ji a i" 1 t n e X X I X . rats gagnèrent une victoire complette sur les chats. Le prince meme fut obligé POEMES HEROI-COMIQUES, ET MO­ d,’abandonner son chateau et de se retirer RAUX. clans une ile„ située, au milieu du lac, —————t- nommé Goplo. IVIais en vain; il y fut atteint et mangé par les vainqueurs: ain­ L e Comte Krasifcki, évêque de Varmie si la volonté des dieux fut accomplie. qui joignait l’innocence de la vie à la gaité ]a plus enjouée, est l’auteur de. trois poë- Le poëte s’étant emparé de cette fa­ mes lie roi - comiques très-plaisants. Le pre­ ble en fit une heureuse application aux mier, rendu public en 1775, est intitule troubles qui sous le roi Stanislas Auguste, Myséide ou la guerre des souris. . Le déchiraient la Pologne et aux personnages sujet en est tiré d une fable historique, qui étaient l’instrument des maîbeius de racontée par un ancien annaliste national, la patrie. 11 couvrit cependant la satyre Vincent Kadlubek. Il dit que Popiél d’un voile impénétrable. On voit la cho­ duc de Pologne qui était encore païen se , on fait des applications, mais on ne ayant ôté par trahison la vie à ses oncles, peut pas deviner le nom des personnages qui y jouent le plus grand rôle. fut puni par les dieux qui firent servir des rats et des souris à cette vengeance. Un littérateur Français; demeurant à Ce Popiél, d’apr s le poëte, aimait, dans Varsovie, à l’apparition de cet ouvrage, son vieux chateau de Krusvitsa, à enten­ en parla en ces termes dans une lettre dre le sifflement des souris, et favorisait qu’il écrivit à un membre de l’Académie ces animaux S’en étant ensuite dégoûté, Française: — „J’ai l’honneur de vous en- il accorda ses bonnes grâces aux chats ,,voyer le poerne que vous 111’avez deraan- dont il s’entoura. La persécution des ,,dé. Je suis sûr que, malgré la glace de souris s’en suivit nécessairement, ce qui ,,ma traduction vous y distinguerez ce leu. Chapitre 536 C hapitre XXXI. XXIX. 537

,,brûlant de la poësie que le génie seul cliie, la guerre dés moines. C’est une „peut allumer. Tout vous parle en fa­ satyre délicate mais très-piquante contre v e u r de cet ouvrage; c’est le premier de l’usage des controverses, souvent sur des „ce genre qui paraisse en pologne, l’au- objets futiles, qu’a la fin de chaque année „teur ressemble à Fénelon. d’études soutenaient les moines des diffé­ rents ordres en pologne. Ces disputes „Si Homère n’eût compose' que la Ba- se terminaient quelquefois par des inju­ „tracliomyomachie, je crois que Sept vil- res. . . . La Monachomachie valut à au­ „les ne se seraient point disputé l’hon- 1 teur des plaintes de la part de ceux qui #>ncur, de lui avoir donné le jour; crurent devoir s’offenser, et le Clergé plus „mais s’il eût fait la Myséide, c’eût été sevère le blâma également sur-tout quand „une troisième couronne ajoutée aux deux on sut l’origine de cette plaisanterie, la „autres, que lui avaient méritées l’Iliade voici. Jgnace Krasicki, évêque de Varmie, „et lvdyssée „ après l’occupation du pays et de son Dio­ Ce jugement parait être trop flatteur; cèse par le roi de Prusse, Frédéric le le correspondant continue: grand * fut obligé de se présenter à Pots- „Son poème est bien plus noble et dam. Son nouveau souverain qui estimait „infiniment mieux écrit que la Seccbia ses ta 1 en s et ses vertus, le fit loger dans „rapita; il renferme plus d’intérêt et de les appartements qu avait • jadis occupés gaieté que le Lutrin, il est moins futile Mr. de Voltaire. „Ici, dit le Monarque et aussi agréable que Vert-vert etc. etc. à l’Evêque, vous devez être inspirent faire un poëme . En efFet la Mona- Sans déprécier ces auteurs justement cbomachie y fut conque et finie dans le renommés, on peut dire que le poëme po­ goût du Lutrin de Boileau. lonais est fort agréable. J’en donnerai quelques extraits. On s’en facha, mais on n’était pas en Un deuxieme poeme héroï - comique état d’y répondre par quelque chose de d’Ignace Krasicki est la Monachoma semblable. C’est ce que fit le meme poete l , , • x i 34o C h a p i t r e XXIX.! C hapitre XX!IX. 341

L’imagination du Poete embellit les „Ses nombreux monuments enrichissent details de la scène; les peintures du bal­ l’histoire, lon lancé présentent les faits de 1 histoire „Et ce temple et pour nous le temple de de Pologne et ceux des ancêtres célébrés mémoire ; du plus zélé protecteur des letties» Plus 4,T’y trouve le bon roi, l’usurpateur crüel, qu’octogénaire, ce Patriarche des princes, „E t les traits de Henri près de ceux de des dignitaires et des littérateurs de la ré­ . Cromwell, publique de Pologne, autrefois chef ou plu­ *,La chaîne de Stuart, ce livre d’Àntoi- tôt père affectionne de 1 institut des Ca­ nette, dets, membre distingué de la suprême ma­ „Par qui montait vers Dieu sa prière se- gistrature qui veillait sur 1 Education pu­ creiie. blique, Prince Czartorisld, jouit dans sa „Ah couple infortuné* Sujet de tant de haute veillesse de la félicité de voir sous pleurs, la toge, sous les armes, sur le Parnasse s,Vos noms seuls prononcés attendrissent national ses protégés qui lui doivent leur les 'coeurs* bonheur. * „A u sortir de ce temple où revivent Sibylle. Poeme de Mr l’Abbé Jean les âges* Woronicz, actuellement Evêque de Craco- 4,Un' autre va des lieux \ me montrer le* vie. C’est encore ici qu’il faut parler du images. * . . * village Polaavy et des Jardins de Mr. La PrinceSsô Isabelle Czartoriska * di­ Delille ; on y lit: gne moitié du Prince Adam * fit ( lever „Voici la roche auguste où tonnait la dans le magnifique jardin de Polawy à la Sibylle; Sibylle Slave un temple sur un rochert au- 5,Sa main n’y trace plus sur la feuille mo­ dessous du temple est une grotte Sibylline, bile Outre les monumens précieux dont parle „Ces arrêts fugitifs, tableaux de l’avenir, Mr. Delille* on y voit aussi des sceptres „ic i, c’est le passé qui parle au souvenir. des rois de Pologne* des bâtons de grand- Z C hapitre XXIX. Chapitre XXIX. 342 343 généraux, des armes, des boucliers, des après sa mort que les premiers deux chants, unilormes et habits anciens, des médails, ou livres, complets et les morceaux des enfin des objets très-rares qui rappellent deux suivants. Un autre poète le rempla­ de grands souvenirs historiques, le tout ce dignement, ramassé par les soins infatigables et aux La princesse aime aussi à faire le bon­ grands frais de la princesse Isabelle Czar­ heur, des jeunes filles par la bonne éducation toryska. Ce fut à l’apparition de la Si­ que leur donnent à Polawy des institu­ bylle et à l’ouverture de son temple que teurs et des institutrices distingués, entre­ Mr. Woronicz, ravi d’enthousiasme et in­ tenus aux frais de l’illustre Protectrice. spiré par la Muse héroïque chanta digne­ Elle se plait à assurer leur sort ultérieur ment cette scène solemnelle et touchante. par une dot, souvent très - considérable. Je tâcherai dans la suite de joindre quel­ que fragment de ce beau poème dont l’au­ Ce n’est pas une flatterie qui me dicta teur occupe le premier rang parmi les cette notice a l’egard de ces dignes pro­ poètes polonais de cette époque-ci. tecteurs des Lettres en pologne; des cir­ constances me mirent souvent dans une Le temple de la Sibylle et les monu- position contraire à leurs intérêts particu­ mens précieux sont confies au soin d’un liers : mais il est doux de parler d’un mé­ prêtre de la Sibylle qui est nécessai­ rite éminent — Virtutem videant. La rement un poète. Une honorable pension pologne a besoin d’exemples si généreux. donnée par la princesse, un beau logement II est difhcile de trouver un ouvrage de lui assure l’aisance et un très - agréable a. nos poètes et littérateurs connus, où l’on musement. Il y a> je crois, deux ans ne lise pas l’hommage de la reconnaissan­ que la mort enleva le premier prêtre de ce due à ce couple illustre. la Sibylle, Jgnace Tański , poète, jeune et très aimable, au milieu de la traduction Ici finit l’article sur la poésie héroï­ des Géorgiques de Virgile dont il s’occu­ que de la langue polonaise: malheureuse­ ment il n’est pas riche: on peut en con- pait très-heureusement. Il ne s’en trouva Z 2 544 C hapitre XXIX. C hapitre XXIX, ' k i cevoir la cause. La pologne n’est pas as­ déraillement la littérature et Ja langue de sez peuplée : les guerres, si l’on remonte cette nation, aux quatre derniers siècles et plus haut, enlevaient à chaque génération la fleur de Hyacynthe Przybylski, Professeur à l’Université de Cracovie, possédant à la jeunesse. Suivant les loix de ce pays fond la langue des prophètes et des chan­ et depuis les teins les plus reculés, tout tres de Jérusalem, celle d’PIomère, de Vir­ jeune-homme efait obligé de marcher gile, de l’Àrioste, de Camoéna, de Milton, pour la défense de la patrie, et l’âge mûr de Voltaire, de Gesner a traduit en vers n’en était point excepté. Les désastres et publié les chants sublimes de Sion, trop souvent arrivés et les désolations du ceux de l’Enéide, de la Lusiade, du pa­ pays, réduisaient le reste à la misère. La radis perdu, du Paradis reconquis, et de main froide de la pauvreté étouffait les ta- la Mort d Abel. La traduction de l’Iliade lens dans leur germe. Il n’est pas facile et de l’Odyssée que ce poète à déjà com d’entreprendre et dexécuter un ouvrage plettement achevée, paraîtront bientôt. Les qui demande du teins et une libre imagi­ fragments détachés en sont déjà publiés. nation , quand les embarras se multiplient de toute part. Enfin les entraves qui en­ Dans ce dernier travail, Hyacinthe chaînent toute une partie du peuple Polo­ Przybylski avait pour son digne rival, nais étouffent le reste...... Carmina François Dmochowski, poète distingué laetuin sunt opus, et pacem mentis habe- dont l’Illiade et l’Enéide ont déjà été mi­ re vol un t. ses au jour en 150 a, 1503 et 1312. Ovid. ex Ponto. La Henriade de Voltaire a eu trois \ Cependant les traductions des clrefs- concurrens dont les traductions sont éga­ d’oeuvre de l’Epopée ancienne et moder­ lement données au public. ne, exécutées pendant les derniers mal. Ainsi lés chants épiques des langues lieurs de la Pologne, ont enrichi consi- étrangères, anciens et modernes devin-

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346 C hapitre XXIX. C h a p i t r e XXX. 347 rent en quelque sorte la richesse de la nation polonaise.

Je consacrerai un article séparé à la Chapitre XXX. poesie lyrique, dramatique, didactique et pastorale de ma patrie. SUR LES VOYAGES QUE L’ON POUR­ RAIT FAIRE EN POLOGNE POUR FN CONNAITRE L’HISTOIRE, LA LITTE­ RATURE, LE COMMERCE ET LES PRODUCTIONS.

x . ,

Je me permets ici une digression, elle me semble inséparable des matières dont je viens de parler* La plupart des étrangers regardent la Pologne, comme une terre, habitée par des sauvages. En eflet quelle idee peut- on avoir d’un pays dont un Ambassadeur qui y a réside, il y a trois ans, parle. — „L ’Europe me parut finie au passage de „ l’Oder. Là commence un langage, étran­ ger à l’Europe. . . La Pologne n’est plus „ 1 Asie, ce n’est pas encore l’Europe....« ).

a) Histoire de l’Ambassade dans le Grand Duché de Varsovie en 1810 par M. de Pradt Archevêque etc. à Paris 1815. 34s C hapitre XXX. Chapitre XXX. 349

Un langue étranger à l’Europe pour vivre. . • . Mais cette maxi­ —- c’est une langue qti’on parle depuis la me est 'trop allarmante pour les épicuriens Dalmatie, la Carinthie, ]a Stirie et l'Elbe modernes et pour les fainéants d un seiaü jusqu’à la Finlande et la nier noire. Cette Asiatique, langue, indigène, connue depuis les siè. Cependant ceux qui auront envie de clés les plus reculé, n’appartient pas à faire un voyage, en imittant Platon, 1 y* l’Europe!! quelle est donc celte, Europe thagore et Simonide, «’auront rien à ris­ aux Yeux d’un savant si distingué? quer même pour la partie animale. C’était L a Pologne n’est plus l'Asie. , , une rencontre imprévue sur le sql de la Quand est — ce que la Pologne fut l’Asie? Pologne, la rencontre d’un millions d’hô­ La Pologne qui, pour que le reste de 1’ u- tes , s’arrachant les lauriers, les pains et rope ne devint pas l’Asie, c’est-à-dire, jes vins qui avait rendu au terris dont par­ la Tartans ou la Turquie, a posé pour le Mr, l’Ambassadeur, un peu gênante la bornes à ces Asiatiques les tombeaux de situation de ceux qui aiment à voyager ses valeureux enfants cette même Pologne est pour manger. Cette situation a cessé avec exclue de l’Europe par le Diplomate éclairé ! J le fracas militaire. L ’Ambassadeur et littérateur ajoute Quant à la langue, étrangère à l’Eu­ quelques lignes plus bas: — „je me sou- rope: si Mr. l’Archéveque qui reçut une ré­ „viens qu’un petit Juif qui venait de Var­ ponse en Français meme d’un petit juif, s o v ie auquel je demandai ce qu’il y avait s’il aimait le latin; il aurait pu, depuis „de nouveau répondit en Français avec l’Oder jusqu’au Borysthenes, le parler avec „humeur. — Nouveau: n’avoir pas man­ beaucoup de Polonais qu’il n’admait pas ager.,, — . . , . et l’illustre voyageur en à faire partie de l’Europe. fut atterré, . , Il est vrai que dans plusieurs parties Une pareille nouvelle «’effrayerait pas de la Pologne, il est incommode de voya­ Socrate qui se plaisait a répéter: je ne ger. Peut-on voyager toujours commodé­ vis pas pour manger; je mange ment dans toutes les parties des pays qui a

C hapitre XXX, 35l 550 Chapitre XXX, Comtesse Lubiensha. La Tragédie faite sont meme plus heureusement situes et sur cette histoire par Mr. Wurwitz et qui n'ont pas été continuellement ravages? Un précéda les deux dernières, est aussi re­ mécontent, un misanthrope, un efféminé' marquable. trouvera partout quelque chose qui le dé­ goûte et le gène. En descendant la Vistule, on aura vu la Pologne dans son centre et le peuple, . . . „Non in caro nidore voluptas fournis aux trois gouvernements différents Summa, sed in te ipso est. . . . qui rivalisent à qui le rendra heureux et Horat, le pays florissant. Ea ville de Cracovie 11 me semble que celui qui voudroit offrirait à un voyageur éclaire des manu- faire en Pologne un voyage pour observer mens historiques, concernant la Pologne, la littérature, pour connaître l’histoire na­ Là sont les tombeaux des rois et des hom­ turelle et politique, ainsi que le commer­ mes qui jouèrent dans leurs siècles un ce, ou par curiosité, le doit commencer grand rôle. par Cracovie et voir le pays en descen­ Les membres de l’Université et ceux dant la Wisla, autrefois l’objet de la vé­ de la Société Oeconomique ne manque­ nération des peuples Slaves qui, dans le raient pas de lui faciliter la connaissance Paganisme honoraient les rivières comme des objets littéraires et scientifiques qui le dit Procopç, — Praeterea et flu- l’intéressaient, ainsi que de lui indiquer vios co 1 unt et nymphas. Cette Vistu- les environs qui méritent d’ètre vus des le est rendue célèbre par la mort de Van- étrangers. de, princesse de Pologne, la vierge la plus Si l’on voulait faire son voyage par modeste, la plus belle et la plus coura­ eau en descendant la rivière jusqu’à Var­ geuse de son tems Elle consacra au dieu sovie, on ferait bien de louer une barque de la Vistule sa vie pour garder son inno­ légère, sur laquelle on pourrait mettre des cence. La fin tragique de cette princesse effets et quelques provisions plus neces­ est bien représentée dans une tragédie de saires comme du café, du sucre, du vin, Mr, Werner, et mieux dans celle de la 352 Chapitre XXX. C hapitre XXX. 353 des salaisons etc. etc. Il est fort agréable bois et du commerce en beaucoup d'ar­ de s’arrêter près d'un beau rivage, de de­ ticles et sour-toiit en grains. scendre pour herboriser, pour crayonner Plusieurs étrangers, par leurs saty­ un site romantique ou pour prendre des res , par leurs reproches et leurs calomnies jafraichissemens sur le gazon à l’ombre des ont aigri les Polonais. Ils craignent d’ou- arbres couverts de feuijles nouvelles. v vrir la porte à un voyageur, supposant ✓ qu’il va écrire un roman comme celui de Sur les bords de la Vistuîe les villes l ’H é r i t;i e re Polonaise. L ’auteur de ce et les villages ne sont pas nombreux; la roman ayant les idées les plus noires, créa population de Pologne n’approche pas une Générale F^olf et de sottes Comtesses de celle des pays plus fortunés, comme qu’on ne peut jamais voir en Pologne et l ’Angleterre, la France, l’Allemagne ou même sur la terre. Cependant il y a des l’Italie. Les bords dont je parle n’ont auteurs d’un caractère noble, même dans presque jamais été vus des savants étran­ ces jeux de l’esprit. Les deux romans gers. 11 est vrai que le chemin dont je . dont l’un intitulé — Thadée of War- parle n’est pas couvert de roses, mais sou­ saw par Miss Potter, et l’autre, Ignatz vent de ronces. Cependant un voyageur Jalon ski de Mr. de V ois ne peuvent comme Arthur Young et plusieurs autres qu’attacher à leurs auteurs. Les Polonais qui font honneur à leurs différents pays, ont déjà trop souffert pour que l’on ait ne seraient pas mécontent de cette excur­ besoin de les déchirer encore par des im­ sion. l’ur leurs observations physiques, putations et des reproches injurieux qu’ils agricoles et commerciales, par des recher­ ne méritent pas, et pour qu’on invente ches en Botanique et en Géologie de ces chez eux des crimes dans l’idée de ren­ contrées ils deviendraient utiles à la Po­ dre un roman plus sombre et plus inté­ logne et auraient les droits à la reconnais­ ressant. sance des Polonais qui sauraient apprécier les idées philanthropiques d’un voyageur Mais la conduite décente, les manie­ éclairé. Ce pays, est celui des bleds, des res franches et aisées d’un voyageur, lui C h a p i t r e h a p i t r e XXX. 555 354 C XXX. ouvriront les coeurs et les maisons en Po* „Vos auberges ne sont pas très com­ logne. Dans le cas d’un besoin impérieux modes, je n’en suis pas fâché; cela me il peut s'addresser à tout proprietaire du vil­ procure le plaisir de vous parler. Un vo­ lage et lui dire à peu pies eu ces termes: yageur a besoin de’ manger et de se repo­ ser Au nom de l’hospitalité, autrefois cé­ „Je voyage pour voir les hommes et lébrée en Pologne, j’èspere trouver chez les pays, mais non pour en dire du mal. vous l’un et l’autre. Mais je n’ai pas be­ Si je vois ce qui mérite une critique, je soin de vivre au dépens d’autrui et de gê­ vous le dirai à vous-m em e, au lieu de le ner quelqu’un en rien. » » » divulguer impitoyablement dans un livre Un tel discours, un peu mieux tour­ et dans une langue qui vous est étrangère. né si l’on Veut, sera bien reçu partout. Je viens des pays où l’on voii beaucoup on ferait de connaissances agréables. de choses très-utiles, et je possède aussi Je conseille le voyage, quoiqu’un peu des connaissances. C’est pour moi un gênant, le long des bords ou du cours de plaisir de vous en faire part, vous pouvez la Vistule, par ce que cette rivière par­ en tirer profit. Je m’instruirai aussi très- court le théâtre de l’histoire de Pologne. volontiers, lorsque vous avez quelque chose a monseigneur, car c’est l’objet de C ’est sur ces bords que se sont passés des mon voyage. Les droits de ^hospitalité grands événements depuis plusieurs siècles. sont pour moi sacrés. Je n’en, abuserai L’histoire écrite par Jean Dlugofs, et en aucune manière. Cela ne convient pas par Croiner que l’on trouve dans toutes à un honnete homme. Votre pays n’a pas les Bibliothèques publiques, l’histoire de tous les agréments publiques, nécessaires Stanislas Jabłonowski Castellan de Craco- pour un voyageur. Je ne parle pas la lan­ vie et général des armées de Pologne par gue Polonaise. Veuillez donc commander Mr. l’abbé Jonsac, imprimée à Leipsic chez à votre domesti ]ue de me louer des che­ Sommer en 1774 in ^to avec des cartes, vaux ou un conducteur.,» History of Poland, London, January 17^5 in g, enfin les campagnes de ce siècle of- 1 *

C h a p i t r e XXX. 557 556 Chai’îtke XXX, frelit des époques et les laits les pins Je rfentre pas dans la description du marquables aux réflexions d’un voyageur pays et des objets plus - intéressai«, car un voyageur éclairé trouvera des rensei- sensible. Le tems le plus propre pour entre­ gnemens à Cracovie, à Polawy à Varso- prendre un tel voyage est vers la Saint vie etc. Jean ou sur la fin de Juin. A l’égard de la langue du pays où Un atlas intitulé — Carte de la Po** l’on voyage, le célébré Bacon a dit. —-* logne divisée par provinces et Palatinats, „He that travelleth into a country before ,,he hath some entrance into the language, et subdivisée par districts etc. en 1772 pàf Bizzi Zanoni, sur-tout les feuilles nro 17, „goeth to school and not travel.,, — 13, 14, 30, 15, 9, 5 offrent le cours de la En Pologne un voyageur qui pren­ Vistule depuis les sources en haute-Silésie drait la route que j’ai indiquée, peut se ti­ jusqu’aux embouchures. rer d’affaire quand il possède ou la lan­ gue Française ou l’Allemande ou l’Italien­ La carte de la Gallicie occidentale? pat ne. Un Anglais meme pourra trouver les Jerome Benédicti en i 808- personnes, qui parlent sa langue. La carte, renfermant une partie de la I, bone, quo virtus tua te vocat, i Pologne Prussienne, faite à la fin du der­ pede fausto. nier siècle, serviraient de guide à un vq* Hor. II. Epist. 2. v. 36. yageur. jl y a aussi une douzaine de belles estampes, représentant des monütnens et des vues plus frappantes dessin' és par Mr. Yogeî Professeur du Lycee de Varsovie* gravées par Mr. Frey. On à également des tableaux historiques dessinés par Mr. François Smuglëwicz, tous trois membres de la société littéraire de Varsovie. A a /

POESIES TRADUITES DE LA LANGUE POLONAISE.

Certe nihil turpe docetïs» lte . ♦ ♦

OvrD ex Ponto I, I* •

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LECHON 1 DE.

Fragment du ciiant VI. » -, — —«•«“»<» ■> — . . . i

A v e n ir , Immortalité de tame♦ L a discussion entre deux partis allait deve nir une dispute vive et dangereuse. Les ora­ teurs, parlant avec chaleur, animaient l’ef­ fervescence de ceux qui étaient zélés pour leur culte. Mais le sage Milodar, pour détourner leur attention vers un autre ob­ jet, se lève, commande le silence et adres­ se au chef des Poliens lea discours suivant: ♦ „Toi dont les lumières nous ont tant de fois étonnés, et qui nous a fait admi­ rer les hommes qui ne sont plus, mais dont le génie est l’objet de notre respect, éclaire nous, ô sage étranger! sur ces cho­ ses admirable^ qui se présentent chaque jour à nos yeux. Ce soleil, ces astres je les vois, mais je ne peux concevoir leur nature, ni ce qui les retient en Pair, ni ce qui les fait mouvoir. Dis-nous qu’est ce que deviennent ces milliers d’hommes F r a g m e n t du chant VI. 5 < > 5 362 Fragment du chant VI. vaient tracées de l’avenir iconcevable des qui nous abandonnent, et qui semblent des hommes divins tels qu Homère, So­ entrer dans un anéantissement éternel? Nos amis, nos frères, nos parens sont-ils crate , Platon, Pythagore. à jamais sépares de notre présence? Nous Le ruisseau qui sortant d’un rocher, mêmes, quand nous aurons laissé nos en- baignait les racines du chêne, à l’ombre fans, ne les reverrons-nous nulle part? duquel je révais, le bruissement des feuil­ Cette incertitude et celte ignorance affli­ les dont le repos n’était troublé que par gent beaucoup mon coeur: dis-moi donc un souffle léger du vent, ne pouvaient ton opinion autant que tu en es persuadé pas me distraire dans mes pensées qui se J ...'■'¿■U 01 - ; * V ' “,r - V : * • . . • succédaient rapidement. Enhn le soleil toi-même. cacha ses rayons ; les 'oiseaux cessèrent de A cette demande le chef des Poliens chanter. J’élevai ma pensée vers la Divi­ répondit: „Les regards du faible mortel nité, en la priant de daigner éclaircir mes sont incapables de percer le voile dont la doutes. main créatrice a couvert ces choses éton­ Tout à coup j’entends un hruit léger ; nantes et la sagesse de l’homme est trop j’ouvre les yeux et je vois descendre un bornée pour approfondir ces grands my. nuage, couleur de rose, qui s’arrêta aux stères. J’en ai demandé l’éclaircissement branches du chêne. J’y apperqois un Etre à d£s hommes célèbres par leurs connais­ céleste dont la splendeur éblouit mes yeux. sances. J’ai médité moi-même sur les mo­ Je tremble et tombe à genoux n’osant plus numents du génie, laissés à nous par les porter sur lui mes regards — Rassure- sages des siècles passés, et j’ai trouvé toi. Mortel, me dit cet Etre, et ces mots * qu’ils n’ont levé qu’une trèé-modique par­ prononcés avec la voix la plus douce ra­ tie de ce voile impénétrable. Un jour, nimèrent mon ame. . . . Piassure-toi, con­ plongé dans mes réflexions, je me suis en­ tinua l’Etre, tes pensées et tes souhaits, foncé dans une profonde solitude, envi­ sont téméraires: mais comme ce n’est pas ronnée d’une vaste forêt, où je méditai une curiosité frivole qui t’inspire l’audace à mon loisir sur les sublimes images qu’a­ 364. Fragment du chant VI. F r a g m e n t d u c h a n t VI. 5^5

do vouloir pénétrer des mystères, cachet de la récompense qu’ils ont méritée par aux yeux de tous les mortels, mais le dé­ les peines qu’ils ont supportées pendant sir sincere de perfectionner toi-meme, et leur vie pour les mortels.,, — Ah! j’ai vu tes semblables, tes voeux ne sont pas rejet­ ces âmes bienfaisantes; la majesté les en­ tes par celui que les mondes adorent. Ap- vironnait et leurs fronts étaient ceints/ de * proches - toi et regarde. . . . bandeaux lumineux comme les i astres. • . „L’ëtre céleste fit approcher de mes Là, tu vois Socrate, le plus sage de ses yeux une partie du nuage dont il était en­ contemporains, entouré de ses vertueux vironné, Je ne peux pas me rappelîer ce disciples.,, Chose inconcevable, m’é­ que je devins dans ce moment; je me fen- criai je, il parait encore se jouer avec la coûpe où il a bu le poison. Il semblait tis depeuille de mon existence matérielle ; je ne vis plus moi même; je n’étais plus parler avec un doux sourire à Platon, à Phaedon, Xénoplion et à ses autres amis, quame, et il me semblait voir les cieux qu’il éclaira pendant sa vie mortelle. . '. dans tout leur éclat. Regarde, me dit il, et observe ce que tu souhaites de savoir. Je vis Démosthène et Cicéron qui se L ’ombre qui touche une lyre est Homère. tenaient par les bras, suivis d’un immense J’apperçus devin chantre de l’ilium: sa cortège de Grecs et de Romains, qui jadis figure était encore semblable à la figure admirèrent leur divine éloquence en obéis­ humaine, mais elle était composée d’une sant à leurs conseils salutaires. matière lumineuse, et ses traits avaient Tu vois les héros et les guerriers qui quelque chose de celeste. Il paraissait sacrifièrent leurs vies et rependirent leur chanter et toucher une lyre d’or, tandis sang pour le salut de leur patrie et de que 1 infortune Hector avec son Androma- leurs concitoyens. — J® \ïs meme les ci­ que et un cortège de braves Troyens l’é­ catrices honorables de ces hommes géné­ coutaient avec attendrissement. reux. Plus loin je vis les bergers dans „Plus Joins, me dit l’ange tu vois leur simplicité naturelle et les agriculteurs Licurgue, Solon, Aristide, qui jouissent laborieux ; je lës ai vus les uns jouer de F r a g m e n t d u c h a n t VL 367 $66 Fragment d u c h a n t VI.

leurs chalumeaux, les autres se reposer La plaine immense où cette scene avait sur des gerbes et sur les gazons auprès lien , ne pourrait que faiblement être com­ de leurs amis. parée à la surface de l'Océan tranquille, dont le calme ne serait troublé que par la Une scène majestueuse, mais touchante plus douce haleine. La couleur de cette attira mes regards étonnes, De milliers de plaine ressemblait à 1 azur céleste qui se vierges, de femmes, d’enfans et d’hom­ présente à nos yeux pendant la sérénité mes se promettaient, les uns en société, les des jours d’été, mais son éclat surpasse autres isolés. Ils avaient tous en appa­ l’imagination. J’y vis des prairies, parse­ rence la figure humaine, mais leurs char­ mées de belles fleurs, de bouissons d’ar­ mes surnaturels les embellissaient tellement, brisseaux et de bosquets. Des fontaines qu’un mortel, faute de mots, assez expres­ jaillissaient, des ruisseaux serpentaient en sifs, n’est pas en état de les peindre. murmurant, mais tout était transparent Sur une élévation plus éclatante s’of­ comme on voit réfléchir les fleurs ou les frirent à mes yeux des ombres majestueu­ nuages dans le brillant miroir des eaux. ses: des diadèmes et des couronnes de lau­ 3’étais hors de m oi-meme à la vue de ce riers ceignaient leurs fronts sereins. Ce bonheur des âmes des laibles m ortes; je sont des rois et des prinses, qui par la ne me sentais plus, quand le divin en­ sagesse de leur gouvernement et par leur voyé me dit: Lève tes yeux, et 1egard© dévouement au bonheur de leurs sembla­ en haut! bles ont rendu heureux des milliers vivans J’obéis, mais un océan de la lumière sous leur sceptre paternel. Là sont aussi la plus éclatante frappa ma vue; je perdis des reines et des princesses, qui pendant mes sens; j’allais périr lorsque l’ètre cé­ leur vie ont mérité la bénédiction des mor­ leste me raffermit, disant: tu n’as vu qu’un tels. Elles ont laisse sur la terre des sou­ faible commencement de l’Eternité; tu en venirs consolans et leurs noms sont répé­ verras d’avantage, si par les actions ver- tés avec attendrissement. tueuses, tu te rends digne de la 3^8 Fragment d u c h a n t VI. recompense qu’on reçoit dans ces lieux. Cest un bonheur qui ne change, ne finit jamais. JVlais tu vas voir aussi l’horreur des châtimens que d’apres une juste me­ OMEN sure attendent le crime. OU ODE PROPHETIQUE ADRESSEE A CHARLES GUSTAVE ROI DE SUEDE EN 1655

PAR SAMUEL TWARDOWSKI

NOTICE HISTORIQUE ' Samuel Twardowski, Poète et guerrier, mourut très âge' environ vers 1665. Ses poésies dont il laisa un grand nombre, se font remarquer par la force et l’élévation des pensees. Il est vrai qu’emporté par son feu poétique l’auteur tombe souvènt dans l’enflure. L ’usage trop fréquent qu’il fait dans ses odes, de la mythologie, rend ses idées un peu obscures. Maigre' ces défauts, Samuel Twardowski est placé à juste titre au rang de nos bons Poëtes nationaux. i

N o t i c e . 371 370 N o t i c e * • ' / veu. Tous les efforts de Sigismond de­ Son Ode prophétique a pour sujet un événement politique très fâcheux, arrive vinrent inutiles pour reprendre le sceptre en Pologne au milieu du dix - septième qu’il avait perdu. Les polonais qui n’ai­ siècle. Jean Casimir, son roi, s’était im­ maient pas non plus qu'on leur imposât prudemment arrogé le titre de roi de Suede des rois et qui renvoyaient quelfois ceux des leurs princes qui ne voulaient pas et avait pris les armes de ce royaume. Il est vrai qu’il avait quelque droit à cette respecter les constitutions du pays, 11e fi­ rent pas de grands frais en faveur de Si­ prétention plus vaine qu’avantageuse. Son gismond ; ils respectèrent la liberté de leurs père, Sigisinond Uï roi de Pologne, était voisins Suédois. Les choses restèrent donc fils de Jean III roi de Suede, et de Cathe­ dans cet état. La couronne de Suede fut rine princesse de Jagellon. C'était par après dignement portée par Gustave Adol­ attachement à cette derhiere famille que phe qui la laissa à sa fille, la célèbre Chri­ les Polonais avaient, après la mort d’Etién- stine. Cette princesse préférant, comme ne Batori, donné le sceptre et la couron­ on le sait, le commerce des Muses aux ne à ce Sigismond, alors prince royal de soins d’un trône du Nord, remit le sceptre Suede. Déjà roi de Pologne, quand son et la couronne de Suede à Charles Gusta­ père Jean III roi de Suede mourut, Sigis­ v e , au lieu de les rendre à Jean Casimir, mond succéda à ses droits héréditaires et fils de ce même Sigismond auquel le trô­ monta sur le Trône de Suede. Obligé ce­ ne avait été injustement enlevé et qui alors pendant de revenir en pologne, il confia ne vivait plus. les rênes du gouvernement de Suede à son oncle paternel, Charles duc de Su-« Ce fut dans cette occurrence que Jean dermanie. Bientôt les Suédois, préférant Casimir qui était roi de Pologne et cousin celui qui était présent à celui qui était ab­ de Christine, prit le titre de Roi de Suede. sent, proclamèrent Charles leur roi, en N i les instances de Charles Gustave, ni les place de Sigismond. L ’oncle ne balança prières des Polonais ne purent engager pas à se mettre sur le trône de son ne- l’opiniâtre Jean Casimir à s’en désister. 372 N otice»

Cet entêtement attira une guerre terrible a la Pologne. “D’un côte' Charles Gustave entra avec toutes ses forces en Pologne, OMEN. de l’autre, des hordes de Tartares, de Co­ saques et une troupe de 50 mille Transyl­ vains, conduite par son prince George Ra- C^)uel est donc cet astre nouveau qui s é- gozzi, tous suscités par le roi de Suède leve et brille au milieu des ténèbres du contre son rivai, envahirent cette même Nord? . . • Ah! il est connu de celui en­ pologne du côté de l’Orient et du Midi; tre les mains duquel reposent les desti­ tandis que le Souverain de la Russie, à nées des Princes et des Nations. Oui, tu la tête de soixante mille hommes, entra le connais cet astre, Toi seul qui règnes en Lithvanie et s’en empara. Enfin l’E­ dans les cieux et te joues avec les empi­ lecteur de Brandebourg, au mépris de ses res de la terre, soit que dans une balan­ liaisons avec la republique, pénétra dans ce infaillible tu les fasses descendre ou la pologne avec un armée considérable, monter, soit que tu les laisses s agiter Telles furent les suites funestes de la comme une balle que t se renvoyent les vaine ambition qui avait porté Casimir à enfants. ajoutera son titre de roi de Pologne, celui En vain le Poète, dans ses songes, de roi des Suédois, des Goths et des Vandales! trace des caractères prophétiques. H est Pour surcroit de malheurs, un grand nom­ incapable de deviner où nous conduit le bre de Polonais que ce roi avait exaspérés sort impitoyable par des chemins semes contre lui, embrassèrent le parti de Charles de ronces et d’écueils. Gustave, et le proclamèrent roi de Pologne. Hélas! il est triste, il est environné Ce fut dans ces circonstances q^e Sa de dangers ce changement qui fait passer muel Twardowski écrivit l’Ode dont 011 sous le sceptre d’un Maître dont on ne Va lire la traduction: mais j’avoue que cette connait pas le sentimens. Se demander, version ne peut cependant pas rendre Sera t-il bon ou mauvais? ce sont des chi- toute la force de l’original. \ Bb 374 O m e n . O m e n . 377

mères dont on se tourmente inutilement. d’un zèle insensé pour la liberté. Malheu­ Mais ce qui est réel, c’est que les désastres reux! ignorez vous qu’Athènes plus sage actuels suipassent tous les malheurs possi­ que vous s’est perdue par l’excès de sa li­ bles, ils ne peuvent plus être augmentés. berté? Ouvrez les fastes de la Patrie, jamais elle Au milieu de ce tourbillon afFreux, ne s’est trouvée dans un état si déplora­ elle 11e pouvait plus se soutenir, cette Pa­ ble. Plus à plaindre que Scylla, transfor­ trie infortunée. Elle tournait ses regards mée en rocher ou qu’ Andromède expo­ vers l’horizon d’où pouvait venir le soufFie sée à la fureur d’un monstre, elle est ac­ d’un vent salutaire, capable de la restau­ cablée du poids de toutes les calamités, rer et de nous ranimer avec elle. qui tombent sur elle à la fois. Une moitié de la Pologne est déjà ré­ Toi qui nous as conservé le, reste de duite en cendres : on voit sur l’autre s’é­ nos vies avant meme que nous t’ayons sa­ lever des nuages de fumée, et les flammes, lue comme notre roi, je te salue, astre colorer l’horison. La Lithvanie expirante brillant d’or, mais dont la face se montre est embrasée par des feux plus ardens que à nous, encore éclipsée. Prince victo­ ceux par lesquels Sirius détruit les mois­ rieux! dont le bras courageux nous a at­ sons de l’été. teints d’au-delà d’une vaste mer, tu ne voulus pas faire des ponts de nos corps, Le soldat effréné oubliant les senti­ mais tu nous reçois et nous laisses revoir ments de l’humanité déchire les entrailles nos- foyers à travers les flammes et la de sa propre mère; il exprime le sang des foudre. tristes restes qu’il tient dans ses cruelles mains. Poursuis donc la carrière que le ciel Des conseils sinistres environnent le te montre et vers laquelle te conduit une Trône, au tour duquel ne se font enten­ heureuse destinée. Aucun obstacle n’arré- dre que les voix d‘une vénale imbécillité. tera tes pas vers le but où t’attendent Dans le Sénat on n’entend que les cris la Couronne et le Trône. Cependant de B b 2

\ 376 Omen, N otice. 377 grands devoirs te restent à remplir; rappeller l’antique Cérès dans les champs ————— —Hjf. A •» "TTnrr \ abandonnés, dompter l’insolence furieuse des hordes barbares, franchir le Tanais ODE ELEGIAQUE

lointain et planter ton étendard victorieux OU dans les déserts des Scythes. Voilà ce Souvenir des temps de Czarnecki que tu as à faire. Tu os à reparer les écrite en polonais par François Karpiński. pertes que la Pologne a souffertes, à nous rendre la Poméranie enlevée, la Livonie NOTICE HISTORIQUE. arrachée. C ’est par là que tu joindras les limites des deux royaumes qui liés par L ’ode qui précède, amène naturellement des noeuds fraternels resteront à jamais celle qui suit, composée, il y a trente et inébranlables. quelques années. Elle se rapporte à la même guerre que la première et peut lui Quand tu auras accompli ces travaux, servir de pendant dans un sens contraire. n’oublie point le respect du à la religion,* à la liberté, aux coutumes et aux loix de La prophétie de Samuel Twardowski nos pères. Alors tu dormiras au milieu ne s’est point réalisée quoique tout rendît des Polonais avec plus de sécurité qu’étant probable cette prédiction sinistre. E11 ef­ - entouré de gardes armées, à l’abri des for­ fet la Pologne fut accablée de toutes parts, teresses et des boucliers argiraspides. tandisque son roi errait hors du pays qu’il s’était empressé d’abandonner, après l’avoir précipité dan* une guerre malheu­ reuse qui dura six ans. Cependant il se forma un héros au milieu de ces grandes calamites. Ce fut Etienne Czarnecki, sim­ ple gentilhomme, Officier dans l’armée Po­ lonaise, en grande partie découragée, il ne / desespéra pas du salut de la Patrie, p ar 379 N o t i c e . ODE. son courage, par ses taîens, et par son patriotisme, il s’éleva au rang suprême, Virtutem videant intabescantque relicta. étonna par ses victoires rapides et nom­ Tems de malheurs et de gloire! ces breuses, chassa tous les ennemis, et devint tems pendant lesquels l’intrepide Czarnecki le libérateur de la Pologne. Ce fut aussi se jetta entre sa patrie et le sort impito­ à cette école, sous le même chef que Jean yable qui la persécutait, ’et opposa son sein Sobieski apprit l’art de vaincre qui lui om courageux aux coups de la fortune en­ vrit plus tard le chemin du Irène. nemie ! Le Poëte rappelle dans cette ode l’épo­ D ’une main il dirigeait les traits vic­ que des malheurs et de la gloire de la Po­ torieux; de l’autre, couvrant son roi il pa­ logne, époque me'morable que Czarnecki rait ceux de ses ennemis: bientôt il rele- rendit célèbre. L’auteur offre ce héros ve de son bras vigoureux la Pologne qu’on pour modèle à la ieunesse Polonaise qui alloit précipiter dans le gouffre qui devait commençait à oublier les actions illustres l’engloutir. de ses courageux ancêtres. Invincible il franchit tous les obstacles, François Karpinski excelle sur tout il brise les nuages qui portent la foudre dans le genre pastoral et dans l’élégie. La et arrêtent envain son passage, il atteint pureté de sa langue poétique est égale à la cime où il cueille le laurier dont la pa­ celle de ses sentimens nobles et tendres. trie couronne les actions glorieuses de ses La vertu, le patriotisme, l’innocence et l’a­ enfans courageux. mour dominent dans ses poésies et ses La nation reconnaissante et son roi ouvrages littéraires. Jamais il n’échappa s’empressent unanimement de le combler rien à sa plume qui put blesser l’innocence d’éloges et de recompenses méritées: les et la modestie. Il vit encore et;jouit tou­ pères attendris le montrent à leurs fils jours dans son âge avancé de l’estime de pour leur servir de modèle. ses compatriotes. Il la mérita sans doute Années de la gloire de ma Patrie, hé­ par le charme de ses ouvrages, et la sim­ las! vous êtes disparues comme un songe... plicité de ses moeurs. Od e . 58i 58» Ode» voir sa Patrie asservie, se déchira les en­ Le Polonais d’aujourd’hui est dégénéré, il trailles- ' . . ' n’a plus le costume, le coeur et les moeurs La Volupté, pour s’attacher Clisse, lui de ses ancêtres. offre en vain l’empire d’une ile heureuse. Qui saura faire sortir un jeune hom- Ulisse préfère son Itâque, et dédaignant me pendant les chaleurs brûlantes du so­ les plaisirs et le nouvel empire, il va cher­ leil ou pendant que l’orage gronde sur nos cher son stérile rocher. têtes. Les moindres fatigues l’abîment et De même jadis le Polonais courait sa toilette recherchée lui enleve tout son avec joie où les dangers l’attendaient. Pro­ teins *), digue dé son sang, il affrontait la mort Les armes de ses ancêtres sont trop et consacrait sa vie à la.défense de sa pesantes pour son bras efféminé: son coeur chère patrie. est sans énergie: les soins de son bien- De même jadis le Polonais au milieu être embrassent toutes ses pensées : il se de tes palais, Fiome brillante et majestueu­ préféré au salut public, la patrie e6t pour se, soupirait après la fumée deà humbles lui un mot vide de sens. foyers de ses pères. Il s’empressait de re­ voir sa patrie o ù , sitôt qu il était arrive, Nom sacré de la Patrie, idole chérie il se couvrait des armes de ses ancêtres et des âmes nobles! . . . ce fut pour elle que volait défendre les frontières menacées jadis un roi d’Athènes s’exposa volontaire­ de son pays. ment à la mort. Ce fut pour sa liberté Ces frontières; ce n’étaient ni des qu’un Romain généreux, ne pouvant pas murs, ni des citadelles imprenables, mais son cotirage personnel qui les défendait *) Il faut rappeller ici que ees vers ont été faits et les tombeaux des aggresseurs les distin­ avant l’époque peu éloignée ou l’on a vu les Polonais sur les bords du Danube, du Rhin, guaient de celles des voisins. du Tibre, du Po, du Tage, du Nil et sur Aujourd’hui tout est change : on se les rochers brûlants de Saint-Domingue com­ joue des moeurs des vieux tems : 1 amour me sur les Alpes, les Pirénées etc. 382 Od e. . - N o t e . 583

dé la patrie s’évanouit; de nobles exemples ne touchent plus: on est insensible aux calamites publiques. La mollesse est l’ido­ ODE le, on lui voue et son coeur et son aine. ADRESSEE A LA NATION DE LITiI- Illustre heros, généreux Czarnecki per­ mets moi qu’avant que le tems jaloux en­ VANIE , levé tes cendres révérés je les sème sur le PAK Apam Naruscbwicz sol devenu stérile de la Pologne. Il en t r a d u i t e DU POLONAIS EN ERANÇAÏS. pouna naitie un héros qui réconciliera y ■ N u-s ' . • - V . * ■ - t , les polonais d’aujourd’hui avec ceux de ton siècle. Observation. . . Le traducteur s’est permis d*a- iouter quelques renseigneinens historiques, afin de faire mieux connaître le sujet et le but de l’Ode qu’on lira ci-après. '**(â**' _—* <8i4>4>'——

NOTE HISTORIQUE. L ’époque du régné de Stanislas Auguste ne se distingua que trop des époques pre­ cedentes par les malheurs que la Pologne souffrit, comme elle les surpassa par l’é­ clat de sa littérature qui fut très-floris­ sante au milieu des ruines de ce pays. Les plus beaux esprits dont la Pologne puisse en quelque sort se glorifier, appar­ tiennent à cette époque désastreuse. Le roi mêrrle, comme orateur, mérite une place distinguée dans les annales littérai- Notice. 385 384 N o t j e * lui coûta la couronne. Si ce jeune Prince, res; il était le plus éloquent des Polo­ recommandable par ses qualités person­ nais, ses contemporains. Il possédait d*au- nelles, fort du credit de ses parents aussi tres qualités eminentes. S il se fut con­ riches que puissans, uni par les noeuds de tenté de la première place après le trône, sang avec les premières familles de sa pa­ le Comte Poniatowski aurait été le pre­ trie , avait occupé le trône, et si le Comte mier des Sénateurs comme son père, et Poniatowski, son cousin, avait été char­ un deś plus habiles ministres. La Pologne gé du ministère, alors on aurait vu ce que n’aurait pas été insultée, avilie; elle n’au­ pouvaient les Polonais. Le sort jaloux et rait pas péri misérablement. Lorsque Fré­ les Dieux de la terre en disposèrent au­ déric le Grand régnait en Prusse, et que trement. Mais ces remarques appartien­ Marie Théresia, par sa sagesse et son nent à l’histoire, il ne s’agit ici que de courage portait l’empire d’Autriche au faite Poésie. de sa puissance, lorsque l’Impératrice Ca- therine II, sur le trône de Pierre le Grand Ignace Comte Krasicki, Adam Na­ étonnait l’Europe par sa grandeur, c’était ruszewicz, et Stanislas Trembecki, occu­ une témérité dans un gentilhomme* âgé pent à juste titre, comme poètes, le pre­ de trente-deux ans et peu connu, d’as­ mier jrang dans l’époque de Stanislas Au­ pirer au trône de Pologne, entouré d’e- guste. Les deux derniers avaient consa­ cueils si redoutables; c était plus qu’une im­ cré leur plume au Roi par reconnaissance et par attachement. Ignace Krasicki, le prudence de recevoir le sceptre d’une main étrangère et de s’opiniâtrer à le retenir plus fin et le plus poli de nos auteurs sa­ tiriques, quelquefois ne lui épargna pas par le secours des puissances voisines con­ tre les voeux de la nation. l’encens, mais il sut aussi par fois lui don­ ner de grandes leçons comme on le ver­ On sait que le Prince Adam Czarto­ ra dans les pièces qui suivent. ryski avait été aussi destiné au trône de Un evenement déplorable, arrivé à Pologne: sa piété filiale envers son père Stanislas Auguste le 5 Novembre 1771 c'est sur lequel il ne voulait pas prendre le pas N otice. 587 S8ô N otice. à-dire son enlevement exécuté par l’au­ semblait généreusement l’honorer et qu'il dace des Confédérés et sa délivrance de en gémissait. Les confédérés étaient en­ leurs mains, donnèrent lieu à Naruscewicz fin persuadés que la seule union entre le et Trembecki de chanter les louanges du roi et les patriotes pouvait encore sauver roi et de faire aux patriotes confédérés les la patrie expirante. Un des premiers chefs reproches les plus sanglants. Ces poètes Casimir Pulaski, héros qui joignait à sa regardèrent le fait comme il se présentait jeunesse et à son courage l’aine noble d’E- sous son apparence horrible. Pleins de paminodas, conçut le hardi projet d’enle­ force et de talents comme Poètes, ils se ver le roi à ses protecteurs. Deux de ses capitaines, Lukawski et Strawinski furent trompèrent comme citoyens éclairés. Si choisis avec une vingtaine de braves pour l’intention abominable, qu’on prêtait aux exécuter ce projet audacieux. Quoiqu’ à confédérés se fut trouvée dans leurs âmes, trente lieues de Varsovie, ils jurent d’al­ le crime aurait etc sans doute commis, le ler prendre le roi dans sa capitale et de moyen en était en leur pouvoir. l’amener au camp des Confédérés. Dans Les confédérés, après avoir pris les cette intention, ils se travestissent en pay­ armes pour la défense de l’independance sans, et s’approchent de Varsovie, remplie et de la liberté de la patrie, s étaient ap- de troupes étrangères et de gardes royales. perçus qu’une partie de la nation, indif­ Ils attèlent leurs chevaux à des charettes férente à cette lutte mémorable, ne parais­ qu’ils chargent de foin et de vivres, en­ sait pas contraire au roi qui était déjà cou­ trent dans la ville, s’arrêtent à environ ronné. Ils voyaient les troupes royales mille pas du château royal et déposent combattre leurs propres compatriotes. Ceux leurs charges dans des édifices appartenant ci étaient poursuivis au nom du Prince au Couvent des Dominicains où, comme par les armées étrangères, et le pays était paysans, ils trouvent un abri pour leurs en proie à la plus affreuse désolation. Ils chevaux et pour eux «mêmes. Les Capi­ savaient que la liberté du roi était extrê­ taines vont de moment en moment au cliâ- mement génée par la protection dont on o8£ N o t i c e . * N o t i c e . $ q c j tenu s’informer du tems et des maisons où Je roi avait coutume de se rendre. En­ qui devait venir à leur rencontre à la di­ fin ils apprennent qu’il passera la soirée stance de trois lieues et escorter le roi: mais elle prit la route à gauche en sor­ chez son oncle: ils saisissent ce moment tant de la ville, et se sépara du reste du pour accomplir leur entreprise» corps qui, par mégarde tourna à droite et En face à peu-près du palais où le s’égara. On ne pouvait se donner de si­ roi devait se trouver, est une petite rue gnal; le silence était necessaire et stricte­ de traverse. La troupe s’y place à la fa­ ment observé. En traversant un fossé veur de l’obscurité. Pendant que le roi au moment où l’on allait quitter la ville* revient de sa visite sur les neuf heures le cheval du roi broncha, et tomba: le du soir, les confédérés sortent et arrêtent Prince fut renversé, se blessa à la tête et son carrosse à deux-cents pas du château. perdit un soulier, un confédérés lui don­ Un heiduque se met devant la portière, na sa botte. On traversa un champ la­ un coup de pistolet le fait tomber aux bouré. Les vedettes ennemies qui rodaient pieds du Prince. Les chambellans qui au-tour de la ville se faisaient entendre. l’accompagnaient, fuyent ou se cachent Le petit détachement fut obligé de s’épar­ sous la- voiture. On fait monter le mo­ piller pour que son nombre ne les trahît narque sur un cheval qu’on avait amené pas. Il fallait suivre un chemin détourné exprès, on traverse plusieurs rues avant ou plutôt marcher au hasard. Les Con­ de sortir de la vaste capitale. Qui osera fédérés ne savaient plus où ils étaient; les dire, en combinant toutes ces circonstan­ ténèbres les plus épaisses empêchaient de ces que les Confédérés avaient eu le lâche rien distinguer. Le roi lui-même indi­ et criminel projet d’attenter à la vie du qua le sentier qui mène au petit bois, Prince ? , nommé Bielany et situé trois quarts de l a nuit était très - obscufe: une partie lieue de Varsovie. Dans ce petit bois so­ de cette petite troupe faisait l’avant-garde, litaire est une belle église et un Couvent pour aller avertir un nouveau détachement de Camaldules. On arriva jusque sous les C e ■■O. ■ - V , ; 1

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j 59° N otice. N otice. 591 murs de ces édifices. Le capitaine Lu- sovie. Kuzma, frappant contre la fenê­ kawski envoya deux soldats à la recher­ tre dit au meunier d’ouvrir la porte et de che de ses camarades égarés, ils , ne re­ donner un asyle à un gentilhomme, atta­ vinrent pas : il resta donc seul avec un qué, à ce qu’il dit, et blessé par des as­ des conjures, nomme Kuzma et avec le sassins. Cette nouvelle effraya le meu­ roi en tiers. Enfin cet oiriciei, ne voyant nier, il prit celui qui lui parlait pour un plus paraître ceux qu’il avait envoyés, prit de ces mêmes assassins. Ce ne fut que le parti d’aller en personne les chercher, sur les prières attendrissantes du Roi qui et laissa le roi à la garde de ce Kuzma, lui parla en allemand, car ce meunier é- homme gigantesque. Ce fut alors que tait né en allemagne, que celui-ci ouvrit Stanislas Auguste, par le charme de son la porte et permit d’entrer. éloquence fit tomber à ses pieds ce Kuzma Le roi écrivit tout de suite au Com­ qui, les larmes aux yeux, jura de le dé­ mandant de ses gardes, le Général Coc- fendre contre ses camarades et lui deman­ cey, le billet suivant. — ,,Par une espèce da ses ordres. Le roi craignant le retour de miracle je suis sauvé des mais des as­ de Lukawski prit la résolution d’aller à sassins. Je suis au petit moulin de Ma* pied jusqu’à sa résidence. La route ou riemont. Venez au plutôt me tirer d’ici. plutôt un sentier pratiqué à travers le Je suis blessé, mais légèrement.,, Ce fut bois, une prairie marécageuse et ensuite encore avec beaucoup de peine que le à travers les sables était pénible pour ceux meunier ne sachant pas qui estaient les mêmes qui y passent pendant le jour. On etrangers qu’il avait reçus et épouvanté peut juger si elle était plus encore horri­ par l’idée des assassins, se résolut à por­ ble pendant là nuit et dans une saison ter le billet à la ville Pendant ce tems, humide et froide, Cependant l’infortuné Stanislas Auguste, presque mort de fatigue roi, accompagné de Kuzma, arriva au pe­ se coucha sur un banc et s’étant envelop­ tit moulin, appelle Mariemont, situé a pé dans le manteau du meunier il s’en­ un bon quart de lieu des barrières de Var- dormit. C c 2 N otice. 393 3 9 2 N otice* ger, la position affreuse où s’était trouve Le porteur du Billet eut bien de la le roi firent verser des larmes, a tous ceux peine à trouver le commandant des gar­ qui l’entendirent. Kuzma, ce conjure fa­ des. La nouvelle que le Prince était sau­ rouche quelques heures auparavant, fut ve', se répandit comme un éclair dans la regardé comme un ange tutelaire ; on 1 em­ capitale, où régnait la tristesse et la crainte. brassait et dans les transports de joie, on La joie que causa cette nouvelle fut ex­ le comblait de bénédictions. trême: tout le monde corut au château Après cette scène attendrissante qui pour voir le roi. Mais on s était trompe, gagna tous les coeurs au Prince, il se con­ il n’y était pas encore ; l’inquiétude se re- fia aux soins des médecins. La blessure, nouvella. Cependant le Général Coccey à la tête, ne présentait heureusement rien prit un voiture et conduit par le meunier de fâcheux. Une fièvre, occasionnée par il trouva le monarque endormi sur le l’extrême fatigue, le retint pendant quel­ banc tandis que Kuzma montait la garde ques jours au lit. le sabre à la main. Le Général se mit à genoux devant le Prince, et lui baisa la La bande qui avait commis cet atten­ main qu’il baigna de larmes de joie. Le tat, se dispersa; Lukawski prit aussi la fui­ meunier étonné se mit également a ge- » te. Kuzma dit les noms de ses complices noux, en demandant pardon à Sa Majesté que les papiers publics répétèrent en dé­ de l’avoir si long-tems retenue à la porte. tail: l’ordre fut donné d’arrêter par-tout les coupables. Le chef des conjurés, le Enfin le roi arriva vers les cinq heu­ capitaine Lukawski s’était sauvé à douze res du matin à son château où il trouva lieues de Varsovie chez un des confédé­ des Sénateurs, des Ministres, des Géné­ rés qui n’était pas de cette conspiration. raux et une foule d’hommes et de femmes Celui-ci le livra à la Justice. On accusa de tout âge et de toute condition. Il ra­ les conjurés de crime de Lèse-Majesté. conta lui-m em e et son accident fâcheux La Diète qui seule avait le droit de con­ et sa délivrance qu’il avoua devoir à Kuz- naître et juger de tels crimes se forma ma. Le charme de la narration, le dan- I , * » \ N otice* 395 394 N otice» en Tribunal suprême. Le roi, dans sa gradés de noblesse. Le dernier se sauva propre cause, ne pouvait pas la présider: dans les pays étrangers et fut tue peedant mais quand les débats entre les accusa­ la guerre d’Amérique au siège de Savanah. teurs publics et les défenseurs officieux La fin tragique de Luka ski fut remar­ des coupables furent terminés, Sa Majesté quable par le courage avec lequel il subit parut au milieu de l’assemblée et tint en la mort. Exténué par un long emprison­ faveur des accusés un discours si éloquent nement, par ses souffrances, et par la et si pathétique que Demosthene et Cicé­ faim, défiguré par sa longue barbe, cou­ ron ne l’auraient pas desavoué. On eut vert à peine de lambeaux, il ne présentait long-teins la coutume dans les classes de plus qu’un fantôme hideux. On le mena Rhétorique de lire et d’analyser ce dis­ dans cet état à l’eçhaffaud. Rd ce specta cours comme un modèle parfait, et il le cle terrible, ni sa situation avilissante n’a­ mérite, car c’est un monument précieux. vaient abattu son ame. Au moment où le Surtout le passage en faveur de Kuzma est glaive fatal allait terminer ses jours, il sublime* Le roi lui avait donné sa pa­ prit la parole et dit au peuple rassemblé role de le sauver; mais les accusateurs ne „Connue soldat, je suivis aveuglement les regardaient pas cette promesse comme ,,Ordres de mes chefs. Comme citoyen, je ayant été faite librement et par conséquent ,,sentais la nécessité de les remplir. Notre comme obligatoire en Justice. Aussi Kuzma „patrie est au bord du précipice. La na- si bien défendu par le roi même, ne fut ,,tion est divisée entre le roi et les patiio- condamné qu’à un emprisonnement tem­ ,,tes confédérés. Point de salut si les deux poraire et ensuite au bannissement per­ „partis ne sont pas d’accord. On m’a com­ pétuel» mandé d’amener le roi dans le sein des „défenseurs de la Patrie. J’ai hasardé avec Quant à Lukawski, Strawinski et au „joie ma vie pour le salut commun* J ai chef de l’expédition, Casimir Pulaski, ils „été trahi par mes compagnons; la sen­ furent condamnés à la peine de mort, leurs biens furent confisqués et ils furent dé- tence des juges m’amene ici. La mort N otice* 395 594 N otice* en Tribunal suprême. Le roi, dans sa gradés de noblesse. Le dernier se sauva propre cause, ne pouvait pas la présider: dans les pays étrangers et fut tue peedant niais quand les débats entre les accusa­ la guerre d’Amérique au siégé de Savanali, teurs publics et les défenseurs officieux La fin tragique de Lukaski fut remar­ des coupables furent terminés, Sa Majesté quable par le courage avec lequel il subit parut au milieu de l’assemblée et tint en la mort. Exténué par un long emprison­ faveur des accusés un discours si éloquent nement, par ses souffrances, et par la et si pathétique que Demosthene et Cicé­ faim, défiguré par sa longue barbe, cou­ ron ne l’auraient pas desavoué. On eut vert à peine de lambeaux, il ne présentait long-teins la coutume dans les classes de plus qu’un fantôme hideux. On le mena Rhétorique de lire et d’analyser ce dis­ dans cet état à l’echaffaud. N i ce specta­ cours comme un modèle parfait, et il le cle terrible, ni sa situation avilissante n’a­ mérite, car c’est un monument précieux. vaient abattu son ame. Au moment où le Surtout le passage en faveur de Kuzma est glaive fatal allait terminer ses jours, il sublime* Le roi lui avait donné sa pa­ prit la parole et dit au peuple rassemblé role de le sauver; mais les accusateurs ne „Comme soldat, je suivis aveuglement les regardaient pas cette promesse comme „Ordres de mes chefs. Comme citoyen, je ayant été faite librement et par conséquent „sentais la nécessité de les remplir. Notre comme obligatoire en Justice. Aussi Kuzma „patrie est au bord du précipice. La na- si bien défendu par le roi meme, ne fut „tion est divisée entre le roi et les patrio­ condamné qu’à un emprisonnement tem­ t e s confédérés. Point de salut si les deux poraire et ensuite au bannissement per­ „partis ne sont pas d’accord. On m’a com­ pétuel. mandé d’amener le roi dans le sein des Quant à Lukawski, Strawinski et au „défenseurs de la Patrie. J’ai hasardé avec chef de l’expédition, Casimir Pulaski, ils „joie ma vie pour le salut commun* J ai furent condamnés à la peine de mort, leurs ,,été trahi par mes compagnons; la sen­ biens furent confisqués et ils furent dé- tence des juges m’amene ici. La mort N otice* 394 N otice» 395 en Tribunal suprême. Le roi, dans sa gradés de noblesse. Le dernier se sauva propre cause, ne pouvait pas la présider: dans les pays étrangers et fut tue peedant niais quand les débats entre les accusa­ la guerre d’Amérique au siégé de Savanah. teurs publics et les défenseurs officieux La fin tragique de Luka ski fut remar­ des coupables furent terminés, Sa Majesté quable par le courage avec lequel il subit parut au milieu de l’assemblée et tint en la mort. Exténué par un long emprison­ faveur des accusés un discours si éloquent nement, par ses souffrances, et pai la et si pathétique que Demosthene et Cicé­ faim, défiguré par sa longue barbe, cou­ ron ne l’auraient pas desavoué. On eut vert à peine de lambeaux, il ne présentait loug-tems la coutume dans les classes de plus qu’un fantôme hideux. On le mena Rhétorique de lire et d’analyser ce dis­ dans cet état à l’echaffaud. N i ce specta­ cours comme un modèle parfait, et il le cle terrible , ni sa situation avilissante n’a* mérite, car c’est un monument précieux. vaient abattu son ame. Au moment où le Surtout le passage en faveur de Kuzma est glaive fatal allait terminer ses jours, il sublime* Le roi lui avait donné sa pa­ prit la parole et dit au peuple rassemblé role de le sauver; mais les accusateurs ne „Comme soldat, je suivis aveuglement les regardaient pas cette promesse comme „Ordres de mes chefs. Comme citoyen, je ayant été faite librement et par conséquent „sentais la nécessité de les remplir. Notre comme obligatoire en Justice. Aussi Kuzma „patrie est au bord du précipice. La na- si bien défendu par le roi meme, ne fut „tion est divisée entre le roi et les patrio­ condamné qu’à un emprisonnement tem­ t e s confédérés. Point de salut si les deux poraire et ensuite au bannissement per­ „partis ne sont pas d’accord. On m a corn- pétuel. ,,nandé d’amener le roi dans le sein des Quant à Lukawski, Strawinski et au „défenseurs de la Patrie. J’ai hasardé avec chef de l’expédition, Casimir Pulaski, ils „joie ma vie pour le salut commun* 3 ai furent condamnés à la peine de mort, leurs été trahi par mes compagnons; la sen­ biens furent confisqués et ils furent dé- te n c e des juges m’amene ici. La mort 3§6 N otice/ Od e. 397

„ne m’effraye pas; je l’affrontai souvent. „ C ’est le sort de la Patrie qui me déchiré „le coeur. Bientôt je porterai aux "pieds O D E.

„du Juge éternel mes larmes et mes priè- ...... Mihi robur in armis „res pour son bonheur. Vous, mes com- Pace probata fides.

„patriotes, n’épargnez ni vos biens ni vo- C l a u d ia n u s . „tre sang pour sa défense: car il est doux .i „ de mourir pour la Patrie. . . . Féconde en hommes courageux, Nation, Après ces paroles Luhawski, moins toi qui ne te laissas vaincre ni par les coupable dans son intention et plus mal­ hordes de l’Orient, ni par les fils de Le- heureux que Mucius Scevola qui avait at­ chus, et qui, lorsque tu unis l’honneur de tenté à la vie d’un roi, présenta sa tête la Pogonie [i] à PAigle des Polonais, leur au glaive sans la moindre altération. donnas ton coeur et non tes armes. Les vers qui suivent ont été adressés Lithvanie! célèbre depuis les siècles a la Nation de Lithvanie dont les dépu­ les plus reculés, attachée, à ton roi par tés étaient venus au nom de ce Duché la fidélité et par l’amour, tu lui offres un porter au Roi leurs félicitations de ce qu’il nouveau tribut ; et par l’organe de tes fils, avait échappé heureusement à l’effrayant tu resseres tes liens, consacrés au moment danger qu’il avait couru. de son élection solennelle.

[i] La Pogonie, Pogonia, ce sont les armes da Grand-Duché de Lithvanie: elles présentent un cavalier avec un bouclier au bras gauche, le sabre à la main droite, levé au dessus de la tête, et assis sur un coursier au galop. Le Poëte fait allusion à la fameuse union qui se fit librement entre la Pologne et la Lith­ vanie en 1386. 598 Ode. Ode. 399

C’est un nouveau triomphe pour toi s’approche dans son cours sinueux dont que, pendant des orages terribles, sans te elle rend l’aspect plus imposant. Oui, elle laisser emporter par l’erreur, tu aimas est plus honorable que celle des jours où mieux dans ces jours de trouble et de les Fils de la Pologne, de la Prusse, et de violence céder avec prudence à la tem­ la Lithvanie, enfants d’une seule mère, pête, que d’être brisée, par l’ouragan en rassemblés dans ces plaines mémorables, fureur. laissant flotter ati gré des vents leurs ban­ En suivant, dans tes nobles desseins, nières éclatantes, au milieu dès transports la route indiquée par la sagesse, tu sais de joie, avaient élevé sur le trône parmi que tous les efforts sont vains contre celui ces dignes personnages, le plus digne de que le ciel protège. A l’exemple de tes tous. ancêtres, tu ne tires pas tes coups au ha­ Ses talents et ses vertus lui ont mé­ sard , et ne déposes pas tes armes sans rité leurs suffrages et le bandeau royal. honneur, Il est beau de savoir apprécier les hom­ Ettouffant la discorde, au mépris des mes et d’en faire le choix. Mais il est clameurs calomnieuses, vous posez la pre­ plus beau de garder l’amour et la fidé­ mière base de la paix et de la félicité pub­ lité à celui qu’on trouva digne de ses voeux, lique en vous ralliant autour du trône de U11 tel sentiment prouve que dans l’é­ votre Prince* Oh! les membres ^devien­ lection du Prince, on n’avait en vue ni nent faibles, quand ils se roidissent contre un rayon de la séduissante espérance, ni la tête. un vil intérêt, mais que le seul bonheur Cette scène est plus touchante que de la patrie était le but qu’on se proposait. celle qu’on a vue jadis, dans les champs Dans les Jours fortunés il se trouve révérés de Wola [2] desquels la Vistule des milliers de flatteurs. Chacun se met à genoux devant celui à qui le bonheur [2] Wola est Un village près de Varsovie: une sourit. Mais c’est le jour de l’adversité plaine très-étendue servait de lieu de ras* gembleirent pour l’élection des rois de Pologne, qui fait distinguer les nobles caractères.

É 401 400 Ode. Ode.

Ainsi q’une pierre de touche fait con­ de ceux que décore une pour pie, teinte naître la valeur du métal, de meme 1 ad­ du sang de leurs sujets et de leurs voi­ versité' montre celui qui fut attache a la sins; et à qui 1 oppression met entie les personne ou à la fortune. Ah 1 si le mal­ mains un sceptre arrosé, de larmes. heur déchiré le coeur et remplit les yeux La terreur des arraees innombrables de larmes, il a au moins ce mérité qu!il peut les garder entre leurs contempoiains apprend à connaître la différence des senti- effrayés: mais elle ne les sauvera pas des mens des hommes. jugemens vengeurs de la postérité. Le Trop souvent la providence dans ses prestige éblouissant tombera avec le héros fortuné et le monde n’abhorrera en lui décrets impénétrables fait gémir les meil­ leurs Princes. Parmi eeux qui versent qu’un tyran, ennemi de l’humanité. des larmes ne sont pas tous ceux qui le Souvent le hasard amène la prospéri­ méritent. Les vicissitudes du Tems amè­ té; mais l’ame vertueuse, même dans les nent la vicissitude du sort des mortels. chaînes réfléchit sa lumière. La malice Dans un édifice suranné qu’on éleva sans peut la calomnier, la haine la condamner, simetrie, sans ordre, comme sans prévo­ mais l’immortalité lui offre la couronne. yance [3] , 011 reconnaît facilement les fau­ H eu reu x qui, mené par une conscien­ tes des architectes. Un autre a commis ce pure ne se laisse égarer par l’envie: et les fautes, et les ruines écrasent un autre. qui, estimant les choses d’après leur va­ Il n’est pas trop digne d’envie le bon­ leur, sait distinguer ce qui vient de la heur de ceux rux quels, sur les débris vertu ou d’un événement fortuit. des royaumes détruits, l’ambition élève Heureux qui, pendant les jours se­ des trônes éclatans; ainsi que le bonheur reins et les ombres de la nuit ne parle et ne juge que d’après la justice: et qui mé­ [3] Le poète présente, comme on le voit, sous prisant la mobilité des coeurs inconstans cette métaphore les vices de la Constitution ne s’effraye pas d’ètre le témoin de la ver­ de pologne. On avait amélioré cet édifice, mais un ouragan vint le renverser» tu dans 1 adversité! N o t e . 4° 3 402 Ode. rappellent en quelque sorte ceux du célé­ Litlivanie! tu donnes une preuve de sentiraens nobles et touchans, lorsqu’ affli­ bré C. G. Heyne que je trouve dans la gée du malheur de ton roi, tu t’empres­ belle collection dè poésies latines moder­ ses au milieu des alarmes publiques, de nes, faite par Mr. le Professeur Mitscher- lui porter un hommage de ton attache­ lich, littérateur distingué. Voici les vers ment inaltérable. dé Mr. Heyne.

Le Monarque en le recevant de ses A D fils, trouve plus douce la coupe que les STANISLAUM AUGUSTUM AEG, POLONIAK. chagrins remplissent d’amertume. Il se eguS-cfetfrtfrtfrm ...... dit à lui - meme. ,,Le sort impitoyable „n’enleve pas tout, quand il laisse la fi­ Qui modo depressis nebulosus cornibus d é lité intacte de toute une nation. ibat Oui, Lithvaniens î gardez à jamais un Signa ferens luctus non dubitanda sui, amour sincère pour le Prince. Des na­ Vistula arenosis sanctum caput extulit tions faibles conservent leur existence par undis : leur union. Pioi et sujets, nous flottons Stillabant hirtae ceruleo amne comae: tous ensemble dans la meme barque sur Vidit et antiquâ claros virtute Polonos une mer en fureur. Le bonheur et le salut Ut legerent Regein, rite coire, novum. du Prince adouciront nos afflictions et seuls Macte, ait, ô magnae stirpis generosa termineront nos malheurs. Propago, Multâ clarorum laude superba Patrum : Quos ego pro Patria, pro libertate tuenda Sanguine ,vidi undas tingpre saepe NOTE meas. page 598 — „Cette scène est plus tou- Sed, servire suis dum nollent regibus, , chante que celle qu’on a vue jadis dans illis Servitium legum gloria ferre fuit. „les champs révérés,,...... • • • t Ces vers 4»4 Note, - . * ‘ N \ ' Parere et monilis meliomm tuta probare Consilia, et justuni fasque piumque sequi. Quorum nunc memores, memores vir- tutis avitae, O nati, ad Campum nunc properate Sacrum 1 Nulla, nisi illustri virtute augusta reful- gens, Majestate, pium frons diadema ge­ rat. , * , * . (o)

[a] Legantur caetera in libro cui titulns — Eclo- gae — recentiorum Carminum Jatinorum. Edit Chr. Guil* Mitscherlich* Prof* Gotting, Hannoverae 1793. 8* * KSIĘGARNIA* ru~i_ru~i_rLn _n n n_n_n_n ;a n T¥kjvarïat=

5 N° 3522H S XXXXXXKXXXXXXKXXXXXXXXXÏfX