Être Hors De La Littérature Conduit, Parfois, À Mieux Y Entrer › Patrick Kéchichian
LIVRES Être hors de la littérature conduit, parfois, à mieux y entrer › Patrick Kéchichian n livre qui n’a l’air de rien, ne ressemble à rien, ne pèse presque rien. Un auteur qui a pris la déci- U sion, sa vie durant, de ne pas écrire, ou plus pré- cisément de ne pas faire, comme on dit, œuvre. Des pages blanches ? Non, pas vraiment. Alors, surtout, ne passez pas votre chemin. Apprenez à connaître, ou à entrevoir, à deviner ce qui anime l’auteur en question, Roberto Bazlen (1902-1965), à partir de quelques rares fragments publiés après sa mort, dont ces surprenantes Lettres éditoriales (1). Peu de choses à dire sur Bazlen, et cela est heureux, conforme à sa figure, neutre, toujours en voie d’effacement… Il était de Trieste, où il ne vécut pas toute sa vie, et fréquentait les milieux littéraires et éditoriaux. Il était proche d’Italo Svevo, d’Umberto Saba, d’Eugenio Montale, de Virgilio Giotti (2)… Daniele Del Giudice en fit le personnage, ou plutôt le sujet, le point de fuite, de son roman le Stade de Wimbledon (3). Très logiquement, William Marx, dans l’Adieu à la littérature, consacre quelques pages au Triestin, en qui il voit l’« incarnation du dernier écrivain, celui en qui la littérature trouve sa fin » (4). Pour des amis éditeurs chez Bompiani ou Einaudi, Baz- len rédigea quelques notes de lecture, en vue d’éventuelles traductions et éditions d’œuvres. Ces fragments furent ras- semblés en 1968 et traduits en 1999 au Passeur. Ils sont ici repris, avec, en préface, un texte du magnifique Roberto Calasso, qui avait déjà servi dans l’édition d’une autre tra- duction de pages de Bobi, comme on le nommait – même 160 JUILLET-AOÛT 2018 JUILLET-AOÛT 2018 critiques si un paragraphe reste obscur (5).
[Show full text]