La Culture Roumaine: Complexes D'infériorité, Modernisation, Problèmes D'identité OASIS, Núm
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OASIS ISSN: 1657-7558 [email protected] Universidad Externado de Colombia Colombia Valcan, Ciprian La culture roumaine: complexes d'infériorité, modernisation, problèmes d'identité OASIS, núm. 13, 2008, pp. 89-114 Universidad Externado de Colombia Bogotá, Colombia Disponible en: http://www.redalyc.org/articulo.oa?id=53113141005 Comment citer Numéro complet Système d'Information Scientifique Plus d'informations de cet article Réseau de revues scientifiques de l'Amérique latine, les Caraïbes, l'Espagne et le Portugal Site Web du journal dans redalyc.org Projet académique sans but lucratif, développé sous l'initiative pour l'accès ouverte OASIS, No 13 89 La culture roumaine: complexes d’infériorité, modernisation, problèmes d’identité* Ciprian Valcan** A. COMPLEXES D’INFÉRIORITÉ simples copies ridicules des institutions de l’étranger, pour finir par une analyse acide des Tout essai de compréhension des don- moeurs, considérées tantôt comme primitives nées essentielles concernant la formation de et barbares, tantôt comme déchues et perver- la culture roumaine moderne nous place face ties129. Le démagogue nationaliste adopte la à un paradoxe initial, le paradoxe qui gouver- position contraire, en affirmant avec emphase ne toutes les interrogations issues du milieu que les Roumains sont un peuple unique, qui roumain concernant l’identité des Roumains ignorent leur vraie importance et leurs trésors et leur place parmi les autres peuples euro- artistiques, plus précieux que les trésors de péens. Ainsi, selon Mihai Ralea, nous aurions tous les autres peuples ensemble, justement à affaire, d’une part, à la position du sceptique cause du criticisme excessif les caractérisant. radical et, d’autre part, au discours du déma- De cette perspective, la seule chance qui reste gogue nationaliste128. Le premier se lance dans aux Roumains est le retour aux valeurs natio- une critique dévastatrice à l’adresse de tout ce nales et le repli dans une sorte d’autarchie à qui est roumain, en partant de la structure capacités régénératrices, qui leur fasse éviter les ethnique, considérée comme inférieure et influences nocives de l’étranger, d’autant plus impossible à améliorer, en continuant par le qu’ils disposent et de ressources économiques caractère national, considéré comme lâche et suffisantes, étant les habitants d’un pays riche servile, par les différentes institutions de l’État, en pétrole et en blé, et d’une dot culturelle qui * Artículo recibido el 17 de enero de 2008. Aceptado el 7 de febrero de 2008. ** Faculté de Lettres et Philosophie de l’Université de l’Ouest de Timisoara, spécialisation philosophie. Docteur en lettres de l’Université de l’Ouest de Timisoara. Docteur en histoire culturelle de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes de Paris. Membre du comité scientifique international de laRevista Colombiana de Filosofia de la Ciencia. 128 Nous empruntons cette dichotomie à l’essai de Mihai Ralea, «Fenomenul românesc», publié en 1927 dans la revue Viaţa Românească, Nº. 6-7, pp. 337-361, essai republié dans le volume Fenomenul românesc, Bucureşti, Albatros, 1997. 129 Mihai Ralea, Fenomenul românesc, pp. 65-66. TEMas GLOBALES LA SOCIEDAD INTERNACIONAL 90 leur permet de vivre en isolation, sans avoir devoir de s’exprimer, d’une façon définitive, besoin du contact avec les courants d’idées tranchante, presque apocalyptique, d’un ton de l’extérieur. Néanmoins, pour ce faire, il ultimatif et solennel, en esquissant soit des faut éliminer en totalité les critiques venues visions cauchemardesques sur un peuple sous- de l’intérieur à l’adresse des Roumains, voire humain, condamné à porter à tout jamais son les critiques bien intentionnées, car elles ne recul culturel et sa pauvreté comme un châti- représentent qu’un acte de trahiso.130 ment immanent pour ses tares morales et pour Pour cette raison, nous nous trouvons face son comportement toujours indigne, soit des à deux séries de discours parallèles qui propo- portraits idylliques d’une nation éminemment sent des images impossibles à réconcilier d’un rurale à caractéristiques quasi-angéliques, qui même et unique objet, en nous faisant souvent assurera la régénération de l’humanité entière nous interroger si par hasard une erreur ne s’est par la pureté de son âme nationale maintenue glissée dans la façon dont nous avons enregis- non corrompue par les influences nuisibles de tré nous-même le témoignage des parties, si la civilisation. Néanmoins, quels que soient par hasard leur rhétorique ne concernait deux les camps dont ils font partie, presque tous réalités complètement dissimilaires et hétéro- ceux qui s’engagent dans cette dispute sur une gènes, réunies de façon arbitraire sous la même présumée essence de l’ensemble des Roumains, dénomination. Bien qu’il semble difficile à presque tous ceux qui essaient d’analyser les croire que nous puissions traiter, avec la même causes du retard des Roumains (phénomène vigueur et avec le même enthousiasme, d’un accepté à l’unanimité par tous les observateurs, thème regardé de deux angles de vue com- même si les interprétations qu’on lui donne en plètement opposés, pourtant le chercheur qui sont tout à fait contraires, étant reparties selon s’arrête sur une analyse de la culture roumaine le même axe des opinions rappelé ci-dessus) et sur les discours produits à son intérieur sur se placent instantanément sur une position l’identité nationale et sur les caractéristiques défensive, en essayant de trouver les justifica- présumées de l’ethnique roumain se trouve tions extérieures de cette situation dans ce que dans la situation de devoir enregistrer jus- Lucian Boia appelle ,,le mythe de la lutte pour tement deux tels discours, car les positions l’indépendance”131. Selon l’historien roumain, médianes, les visions équilibrées et dédrama- ce mythe, - qui remplit la triple fonction 1) tisées sont extrêmement rares. D’ordinaire, le de mettre en évidence les vertus et l’héroïsme long des deux derniers siècles, le sujet de leur des Roumains, 2) de justifier leur retard his- propre condition provoque une telle émotion torique par les agressions ininterrompues parmi les créateurs de discours dans l’espace auxquelles ils ont dû faire face et 3) d’attirer roumain que ceux-ci sentent qu’il est de leur l’attention de l’Occident sur le devoir de re- 130 Ibid., p. 67. 131 Lucian Boia, Istorie şi mit în conştiinţa românească, Bucureşti, Humanitas, 1997, p. 180. OASIS, No 13 91 connaissance envers les Roumains qui les ont sont pas venus en aide, bien que cela eût été défendus contre l’invasion turque -, a empêché de leur devoir”132. la dédramatisation du passé roumain et son Ce besoin de trouver une explication pour traitement d’une façon moins événementie- les différences de développement entre les te- lle et guerrière. À cause de la persistance de rritoires habités par les Roumains et l’Europe ce mythe, ,,L’image d’un Occident protégé Occidentale semble avoir commencé à se cris- grâce au sacrifice roumain et à une société talliser entre la fin du XVIIIe siècle et le début roumaine qui s’est tourmentée et qui a eu du du XIXe siècle sous la forme d’un puissant recul justement puisqu’elle a accompli la tâche complexe d’infériorité. Si, selon la remarque de défense de la civilisation occidentale s’est de Vlad Georgescu133, les textes du début du fortement inscrite dans la vision politique des XVIIIe siècle ne font encore aucune distinction Roumains, dans leur comportement et dans entre les Pays Roumains et l’Europe, et que les leurs réactions. L’Occident a une dette qu’il Balkans sont considérés, malgré la domina- n’a pas encore liquidée. Les Roumains doivent tion turque, comme appartenant à la zone de maintenant être récompensés et non pas se la civilisation européenne, une fois les règnes sacrifier encore. Tout défaut de l’Occident est phanariotes instaurés, ce sentiment de commu- perçu comme trahison, compte tenu de leur nauté des intellectuels dans les Principautés par dette susmentionnée. Tout ce qui va mal en rapport à l’Europe disparaît, en étant remplacé Roumanie ne vient pas de quelque orientation par le triste constat des immenses différences erronée ou de la mauvaise gestion roumaine; culturelles et économiques qui finissent par c’est la faute aux autres: aux autres qui nous s’installer entre les deux zones. L’argument ont pillés, tout comme aux autres qui ne nous principal pour ce changement d’attitude sem- 132 Ibid., pp. 180-181. Lucian Boia cite aussi deux textes caractéristiques pour cette mentalité, deux textes qui méritent d’être reproduits pour la force paradigmatique des clichés qu’ils véhiculent. Ainsi, dans un discours prononcé dans le Parlement le 25 février 1879, discours publié dans le volume IV de Acte şi cuvântări, Bucureşti, Cartea Românească, 1938, p. 241, Ion C. Brătianu, le chef du Parti National Libéral, premier ministre de la Roumanie a plusieurs reprises, affirmait avec beaucoup de conviction: ,,Nous avons été l’avant-garde de l’Europe depuis le 13e siècle jusque récem- ment; nous avons été le boulevard de l’Europe contre toutes les invasions asiatiques à l’époque. Les États européens ont eu la possibilité de se développer pendant tout ce temps, car il y a eu d’autres qui se sont sacrifiés pour les protéger. C’est pourquoi – à part les restes immémoriaux de la civilisation roumaine – nous nous sommes engagés nous aussi à peine récemment sur le chemin de la civilisation moderne” (Lucian Boia, op. cit., p. 181). P. P. Panaitescu, l’un des plus influents historiens roumains des années ‘30, continue l’idée de Brătianu, mais en lui donnant une nuance rhétorique un peu plus tempérée: Il est connu que les Roumains ont retardé l’avancement ottoman vers le centre du continent et que ce retard n’a pas représenté seulement, selon les dires de nos historiens, une faiblesse du pouvoir offensif turc usé par l’opposition des Roumains au bord du Danube.