Belgique/België P.P.-P.B. 4020 Liège 2 PATRIMOINE 9/180 industriel BULLETIN TRIMESTRIEL DE L’A.S.B.L. WALLONIE PATRIMOINE INDUSTRIEL WALLONIE-BRUXELLES BRUXELLES Publié avec l’aide de la Communauté Française

N° 59-60 JUILLET- DECEMBRE 2004 Bureau de dépôt : Liège X EDITORIAL

J'ai le plaisir de vous annoncer par Lionel Vanvelthem, qui a été juillet. Une centaine de volumes que, d'une part, Maryse Willems rédacteur en chef d'une revue ont d'ores et déjà été vendus1. a accepté d'assurer le secrétariat d'histoire à l'ULB et qui connaît de l'association jusqu'à la pro- bien le monde de l'édition et sur- Je vous rappelle que les membres chaine assemblée générale en tout, jongle avec le logiciel infor- en ordre de cotisation peuvent mars prochain, et d'autre part, matique qu'utilise l'imprimeur ! toujours l'acquérir à un tarif pré- que nous avons depuis le mois férentiel. d'octobre un nouveau rédacteur Vous pourrez juger de cette nou- adjoint pour le bulletin en la per- velle collaboration à la lecture du Un second volume est en prépa- sonne de Guénaël Vande Vijver. présent numéro du bulletin. ration. Comme le premier, il est dû à la plume prolifique de Jean- Remarquez que ce numéro est Maryse est la collaboratrice de Jacques VAN MOL. double pour compenser celui qui Françoise Busine à Grand-Hornu n'a pu paraître en juillet. Image avec qui elle a assuré le Il s'intitulera “Industries à la _ secrétariat depuis plus de 10 ans. Les modifications de statuts de campagne Transformations du Pour son remplacement en 2005, l'ASBL ont fait l'objet de plu- bois dans l'Entre--et- nous faisons appel aux bonnes sieurs réunions du Conseil d'ad- ”, et traitera notamment volontés. ministration et d'assemblées de la production de bois de générales extraordinaires pour mines, de la fabrication de Guénaël Vande Vijver est archi- permettre leur dépôt au greffe du chaises d'église, des saboteries et viste de l'Ecomusée régional du tribunal de Liège avant le 1er jan- des scieries de bois de menuiserie Centre à Bois-du-Luc et assistant vier 2005. et de construction. du professeur Jean Puissant (membre fondateur de PIWB) à Le volume de la collection l'Université Libre de Bruxelles. Il “Enquêtes et témoignages” “Fon- se fait seconder, dans sa tâche de deries de fer et poêleries en région Bruno VAN MOL, rédacteur adjoint à Claude Gaier, couvinoise” est en vente depuis Président

1 Cet ouvrage est en vente dans de nombreux musées dont l’Ecomusée régional du Centre. Vous pouvez le commander en télépho- nant au 064/28.20.00 ou en écrivant un mail à l’adresse suivante : [email protected].

AGENDA Quelques activités pour l’année 2005

La Fonderie, Bruxelles. Blégny-mine. Ecomusée régional du Jusqu’au 31 août 2005. Dès le 2 février. Centre, Bois-du-luc. Dès mai 2005. Exposition “Un Homme une Festivités organisées dans le cadre e voix, en avant pour le suf- de la célébration du 25 Exposition “De la au frage universel !”. anniversaire de l’ouver- Nil : Itinéraire d’un géant : ture de Blégny-mine. Le 2 Baume & Marpent”. De plus http://www.lafonderie.be/ février à 19h un feu d’artifice sera amples informations sur cet éve- proposé. nement dans le prochain numéro.

Illustration de couverture : le dyna- mitage du haut-fourneau n°3 des entre- prises Duferco (anciennement Boël) le 4 février 2004 (coll. Archives de la Ville de La Louvière)

2 Une industrie méconnue : le textile en ETUDE Wallonie et en Hainaut – seconde partie

Sans être véritablement absente Verviers, avec un sixième du Peuple, y sont répertoriés des de l’historiographie des mouve- total, truste les deux tiers des constructions à usage de l’indus- ments économiques et sociaux, représentations relatives au tex- trie textile et des musées consa- l’histoire de l’industrie textile au tile, une notice explicative spéci- crés à l’un ou l’autre secteur de cours des deux derniers siècles est fique lui est consacrée. Un autre cette activité3. loin de bénéficier d’un intérêt texte, centré sur le coton à Gand égal à celui accordé à la métallur- et le lin en Flandre, pointe les Les bâtiments du textile ont donc gie et aux charbonnages, voire grands pôles textiles belges de la une place parmi les monuments aux verreries et à la chimie. L’im- 1ère moitié du 19e siècle1. de l’archéologie industrielle. portance socio-économique de Mais le plus souvent, la pérennité ces secteurs justifie évidemment À l’occasion de l’exposition orga- de ceux-ci – plus particulière- une différence de traitement. nisée en 1975 fut révélé au grand ment, ceux affectés à la produc-

Mais, on l’a déjà dit, c’est peut- public de ce qu’était alors l’ar- Une partie des aspirations ouvrières se révèle être aussi une question d’archives chéologie industrielle dans notre dans ce détail des ”fresques” de faïences (clas- disponibles. À défaut, sinon de pays. Présentes par le biais de sées le 12 août 1988) ornant la salle de bal documents écrits, au moins d’ex- quelques reproductions de gra- du Palais des Fêtes érigé en 1922-1923 à ploitation de ceux-ci, d’autres vures anciennes et d’en-têtes de Mouscron par la coopérative socialiste La sources sont d’un accès plus lettre, les activités textiles sont Fraternelle (photo Claude Depauw, 2003) immédiat. Parmi celles-ci, il y a directement rapportées dans les bâtiments et, souvent de façon moins d’un dixième des notices tion industrielle – dépend de moins évidente, les machines du catalogue2. leur utilisation quand leur voca- qu’ils abritent. Les uns et les tion première s’est éteinte. Sur 56 autres ont bénéficié de l’intérêt En 1986, l’exposition organisée à lieux (dont 29 liégeois et 23 porté ces dernières années à l’ar- Gand à l’occasion des dix ans du bruxellois) repris dans un chéologie industrielle. Museum voor Industriële Archeo- ouvrage de 1986 centré sur la logie en Textiel a fourni Indus- reconversion du patrimoine Depuis le début de la révolution triële Archeologie in België, un industriel en Wallonie et à industrielle et tout comme la répertoire sommaire illustré et Bruxelles, le textile au sens large plupart des activités humaines, le accompagné de cartes de localisa- apparaît à sept reprises4. textile n’a pas cessé d’imprimer tion. Parmi les traces laissées sa marque sur nos paysages, mais dans le bâti qui relèvent de l’ar- Parallèlement, grâce au dévelop- de manière manifestement plus chéologie industrielle en Wallo- pement constant de l’histoire discrète que l’industrie lourde. nie, sans tenir compte des mou- locale, de nouvelles données rela- Dans la Belgique industrielle en lins, des ponts, des kiosques, des tives à l’industrie textile sont 1850, un quart de ce panorama lavoirs, des habitations des diri- mises au jour. Elles apparaissent récemment réédité montre des geants d’entreprise, des maisons dans quelques ouvrages généraux entreprises textiles. Et puisque ouvrières et autres Maisons du comme le livre publié en 1990

3 par Patrimoine Industriel Wallonie- arrondissements de Verviers et de Au-delà d’une moindre capitali- Bruxelles, où, à juste titre, le Hai- Mouscron-Comines regroupent sation manifeste, le textile souffre naut occidental reçoit un traite- presque deux tiers des 79 sites d’une sorte de déficit intellectuel. ment séparé du textile textiles recensés. Nivelles et Ne s’y retrouvent pas en aussi verviétois5. Tournai suivent avec plus d’un grand nombre techniciens et quart des sites à eux seuls, tandis ingénieurs qui, pourvus de Dans la série des grands ouvrages que , Thuin, Liège et solides connaissances techniques de prestige coordonnés par la Dinant font l’appoint avec moins et scientifiques, dirigent la mine, Direction de l’Aménagement du d’un dixième. Au point de vue du le haut-fourneau, le laminoir, les Territoire, du Logement et du textile, Verviers, où se trouve la constructions métalliques, la ver- Patrimoine de la Région wal- rerie ou la chimie. lonne, Le patrimoine industriel de Maison Closset, le seul bâtiment textile classé en Région wallonne Wallonie, paru en 1994, donne S’y ajoute un très lourd “déficit à la date de l’inventaire, conserve une place plus large aux entre- d’image”. Car le manque de dans l’archéologie industrielle la prises textiles. Quatre entreprises traces monumentales et tech- textiles mouscronnoises se première place acquise dans l’his- niques, concrètes et visuelles, ou retrouvent avec des filatures à toire économique et sociale. plus exactement le manque de Braine-l’Alleud, Bousval et mise en valeur du patrimoine Saint-Denis-en-Brocqueroie, soit La répartition géographique des encore conservé et les difficultés sept lieux de l’ouest de la Wallo- sites textiles que l’on peut tirer spécifiques qu’entraîne une telle nie, face à un site liégeois et huit de cet ouvrage est la suivante : valorisation, ne permet pas de de la région verviétoise6. concentration aux deux extrémi- retenir l’attention d’un large tés du sillon industriel wallon, public. Quoi de plus parlant en Enfin, paru en 1995, l’inventaire l’ouest suivant chronologique- effet qu’un châssis à molettes, des Sites et bâtiments industriels ment l’est ; apports non négli- reste isolé d’un charbonnage dis- 7 anciens de Wallonie présente, dans geables du Brabant wallon et du paru, vision de désolation – sans une première section, 121 Tournaisis. Cependant, il me compter le souvenir des cama- ensembles dont les auteurs ont paraît qu’outre une incontestable rades disparus – qui réveille la estimé qu’ils possèdent une moindre importance économique mémoire collective alimentée aux valeur historique ou archéolo- et sociale, le textile subit une mythes forgés à la gloire des gique. Ils font l’objet d’une relative marginalisation spatiale “gueules noires”, depuis Germi- notice, avec un bref historique, qui le maintient à l’écart des nal jusqu’à la “bataille du char- une description architecturale et voies royales de l’histoire écono- bon”. Et le même phénomène des illustrations. Parmi eux, j’ai mique et sociale et de l’archéolo- existe, dans une moindre mesure, relevé 17 sites et bâtiments affec- avec un haut-fourneau éteint ou tés à l’industrie textile. Une gie industrielle en Wallonie. un hall de laminoir abandonné. seconde section du même Cette faible représentation – Dans une civilisation qui privilé- ouvrage rassemble 1.311 lieux j’ose même dire – cette sous- gie de plus en plus l’image, visités, photographiés et étudiés, représentation est, me semble-t- matière première de nos médias, rangés par arrondissement admi- il, le résultat de la conjugaison de un paysage industriel ne peut nistratif sous chaque province. plusieurs facteurs. être valablement constitué que Dans l’ordre décroissant des nombres de lieux textiles, les Tout d’abord, je le répète, l’his- de châssis à molettes et de hauts- toire du textile est en grande par- fourneaux, ou de tout ce qui peut y ressembler. Car ces images Cette partie du tissage et teinturerie Félix tie un chantier qui reste à ouvrir. Vanoutryve & Cie date de 1880 : c'est sans Les historiens et les archéologues véhiculent en arrière plan des mythes “éternels”, véhicules de doute le plus ancien bâtiment industriel textile industriels n’ont pas encore pris concepts surannés. Les derniers de Mouscron (photo Claude Depauw, 2003) toute la mesure de l’activité tex- “beaux restes” du secteur secon- tile dans notre région. Bien que daire wallon, bastions du travail des milliers d’hommes, de dur – car il l’est, ne l’oublions femmes et d’enfants ont travaillé pas – tendent inexorablement à – selon les sous-régions – pen- disparaître, et avec eux les mil- dant un ou deux siècles, d’abord à liers d’emplois nécessaires à la domicile, ensuite dans des ate- production et à l’entretien de ces liers, puis des usines, il manque immenses chantiers permanents. au passé textile, sinon des Depuis la révolution industrielle, mythes, au moins certains de ces le contexte social wallon, traversé éléments tout autant concrets de revendications souvent légi- que symboliques en l’absence times, n’a pas cessé d’être doulou- desquels les hommes sont inca- reux. Les sous-régions d’industrie pables de relier leurs intérêts lourde, à la fois minière et sidé- d’aujourd’hui aux choses d’hier. rurgique, maintenant en déli-

4 quescence complète ou en muta- tion profonde, occupent depuis longtemps leurs représentants politiques dans leurs actions au bénéfice du patrimoine commun.

Il est nécessaire de susciter l’inté- rêt pour le passé de l’industrie textile auprès des historiens et des archéologues industriels. La technologie inventée puis déployée, non seulement dans des machines et des procédés de fabrication, mais aussi dans le savoir faire et le tour de main de l’ouvrier, mériterait quelques recherches. Elles pourraient s’ap- puyer sur l’apport concret des documents normalement conser- vés dans les musées, les dépôts d’archives et les bibliothèques. Il faudrait en ajouter d’autres, plus évocateurs pour l’homme contemporain, tels que les photo- tablement industriel dès qu’il Pilastres pour encadrer des fenêtres rectangu- graphies, les cartes postales s’est enfermé dans les ateliers. À laires. Ici (filature Charles Six, devenue éta- anciennes, les témoignages partir de ce moment, variable blissement d'enseignement spécial Le audiovisuels, sans oublier les dans le temps suivant les métiers, Tremplin), la construction d'extensions et la représentations qu’en a fournies c’est pratiquement toujours la transformation de la façade, suite au dévelop- l’art sous toutes ses formes. pement de l'entreprise et au changement d'af- machine qu’il faut suivre. fectation des bâtiments, n'en a pas altéré Seconde après seconde, elle dicte l'équilibre (photo Claude Depauw, 2003) Malheureusement, l’activité tex- les gestes à faire, les attitudes à tile est rarement le sujet d’une prendre. Les Temps modernes de œuvre d’art. L’émotion esthé- vent par les moyens de transport Charlie Chaplin sont déjà là, à en masse, le textile bénéficie tique que peut provoquer la l’atelier de filature, devant le fileuse à son rouet, le tisserand d’une plus grande liberté dans métier à tisser ou la tricoteuse, son implantation. penché sur son outil, la dentel- avant même que n’apparaissent lière et son coussin – des activi- les “ouvriers spécialisés” des e Très souvent, ses usines s’inscri- tés qui, au début du 20 siècle, “chaînes de fabrication”. Et cela, vent sans perturbation grave dans pouvaient encore se faire à domi- même si les teintureries ou les le paysage et l’environnement. 8 cile, donc de manière privée – ateliers de triage et de lavage de Cependant, l’eau en abondance comment la retrouver dans l’ali- la laine par exemple, comme lui est une nécessité absolue. gnement des dizaines de broches beaucoup d’autres activités tex- Mais cette eau – si attractive d’un continu à filer ou dans les tiles annexes, offrent plus de d’un point de vue touristique – mouvements de va-et-vient des liberté de mouvement à la main- est peu démonstrative car, depuis lisses et de la navette, entremê- d’œuvre. Mais une fois de plus, longtemps, elle n’est plus celle lant chaîne et trame dans un tout cela n’a malheureusement des moulins mus par les rivières. métier à tisser mécanique ? Les pas la force évocatrice des vieilles artistes wallons n’ont pas eu industries, remuant la terre et Les caractéristiques énoncées ci- beaucoup d’occasions d’appro- domptant le feu. Face au paysage après, de tout temps et en tout cher une industrie textile assez qu’anime une belle-fleur ou un lieu, me semblent propres à l’ac- discrète. Ils sont très peu nom- haut-fourneau fumant et rou- tivité textile, soit le fil dans sa breux à avoir éprouvé le besoin geoyant, le pouvoir d’émotion matière première et dans ses mul- d’exprimer ce qui se passait der- artistique du textile reste à tiples mises en œuvre. Elles s’ap- rière les murs à frise de briques et démontrer. pliquent très clairement depuis sous les nefs vitrées des bâtiments qu’elle est devenue une industrie. textiles. Et du côté des tra- Tandis que les carreaux des mines vailleurs textiles “peintres du s’érigent de préférence à l’endroit À la très grande dispersion géo- dimanche”, chacun savait ce qui estimé le plus favorable à l’extrac- graphique des implantations s’y faisait et, sans doute, cela suf- tion du charbon, alors que la répond l’étroitesse économique fisait-il. Il était inutile de revenir localisation de la sidérurgie des pôles textiles. C’est peut-être sur un travail, peut-être diversi- lourde reste dépendante des la raison pour laquelle ils ont été fié, mais pénible parce que véri- matières premières qui lui arri- balayés par la concentration

5 incessante des entreprises insé- Au manque de caractère architec- propos de notre industrie textile rées de longue date dans les mar- tural affirmé des bâtiments, se au cours des deux derniers siècles. chés mondiaux, depuis les mar- joint un développement spatial chands-fabricants des origines sans plan préétabli, qui se fait Claude DEPAUW, jusqu’aux multinationales d’au- souvent au gré de la conjoncture Archiviste de la Ville jourd’hui. Les exemples d’inté- en occupant le proche espace de Mouscron gration du textile dans les plus immédiatement disponible. Cet larges marchés de toutes les aspect hétéroclite est compensé Bibliographie sommaire époques sont nombreux, des par les facilités de reconversion laines anglaises travaillées en des bureaux et des ateliers, pour La Belgique autrichienne, 1713-1794. Flandre au Moyen Âge aux autant qu’une prétendue absence Les Pays-Bas méridionaux sous les Habs- actuelles délocalisations des de qualité patrimoniale n’en- bourg d’Autriche, Bruxelles, 1987. entreprises textiles des pays traîne pas, dans la plus grande La Belgique française, 1792-1815, industrialisés vers le tiers- indifférence, une disparition Bruxelles, 1993. monde. totale ou partielle. BILLEN, C., DUVOSQUEL, J.-M., et À la très grande diversification À la discrétion de l’activité tex- CANONNE, X., s.dir., Hainaut. Mille des “métiers”, du négoce des tile s’ajoute quelque peu de la ans pour l’avenir, Fonds Mercator, matières premières au commerce souplesse et de la solidité des Anvers, 1998. des produits finis, en passant par matériaux qu’elle traite. Les BRAUSCH, V., “L’habitat textile la filature, le tissage, le tricotage caractéristiques des fibres textiles mouscronnois au début du XXe et la confection, et à l’obsoles- seraient-elles transposables aux siècle. Première approche”, Mémoires cence très rapide des machines, relations humaines entre patrons de la Société d’Histoire de Mouscron et de e au moins au 20 siècle, corres- et ouvriers ? Le combat syndical la Région, t. IX, fasc. 2, 1987, p. pond, dans tous les secteurs du s’en trouverait-il d’autant affaibli 72-89. textile, un travail le plus souvent et, en corollaire, la représentati- peu intéressant, répétitif, effectué vité du secteur dans les luttes BRAUSCH, V., “Toiles de lin et molle- dans des conditions harassantes9. sociales nationales ? Pour la tons, deux produits textiles mous- C’est ce que m’a appris en 1980 région de Lille-Roubaix-Tour- cronnois dans la seconde moitié du une visite de la majorité des coing, y compris dans ses annexes XVIIIe siècle”, Mémoires de la Société entreprises textiles de Mouscron cominoises et mouscronnoises, d’Histoire de Mouscron et de la Région, lors de la préparation d’une expo- une explication à ce phénomène t. V, fasc. 2, 1983, p. 19-47. sition montée dans le cadre des peut être trouvée dans le fait que BRULARD, T., CAPPELIEZ, V., et festivités des 150 ans de la Bel- “la révolution industrielle a ins- DUHANT, B., Itinéraire de la pierre et de gique. Sans connaissance particu- tallé au cœur de la cité tout à la la bonneterie dans le Hainaut Occiden- lière du travail textile (malgré un fois l’entreprise, la manufacture tal, Bruxelles, 1992 (Hommes et 10 grand-père maternel qui a fait et l’habitat ouvrier” . Un autre paysages, 20). une carrière d’employé à cadre facteur pourrait être l’origine dirigeant dans la filature Motte & rurale commune aux patrons et BRUWIER, M., Industrie et société en Cie), j’ai été surpris par l’extrême aux ouvriers. Hainaut et en Wallonie du XVIIIe au diversité des métiers, tant à l’in- XXe siècle. Recueil d’articles de Mari- térieur d’une entreprise que Ces caractéristiques et les hypo- nette Bruwier, Bruxelles, 1996 (Cré- d’une entreprise à l’autre. Tous thèses qui les sous-tendent méri- dit Communal. Collection Histoire sont nécessaires à la réalisation tent, me semble-t-il, une atten- in-8°, n° 94). des multiples opérations qui tion renouvelée. Sans doute y BRUWIER, M., et DUVOSQUEL, J.-M., mènent d’une matière première, a-t-il encore beaucoup à dire à s.dir., Le règne de la machine. Rencontre naturelle ou chimique, aux diffé- avec l’archéologie industrielle, rentes sortes de produits textiles. Bruxelles, 1975.

1 B. VAN DER HERTEN, M. ORIS et J. ROEGIERS s.dir., La Belgique industrielle en 1850. Deux cents images d’un monde nouveau, Bruxelles, 1995. 2 M. BRUWIER et J.-M. DUVOSQUEL, s.dir., Le règne de la machine. Rencontre avec l’archéologie industrielle, Bruxelles, 1975. 3 P. V IAENE et R. DE HERDT, Industriële Archeologie in België, Gand, 1986. 4 Le patrimoine industriel et sa reconversion Wallonie-Bruxelles, Bruxelles, 1986. 5 L.-F. GENICOT et J.-P. HENDRICKX, s.dir., Wallonie-Bruxelles : berceau de l’industrie sur le continent européen, Louvain-la-Neuve, 1990. 6 P. PAQUET, A.-F. CANNELLA et G. WARZÉE-LAMMERTYN, coord., Le patrimoine industriel de Wallonie, Liège, 1994. 7 E. HANNECART-MASURE,P.BRICTEUX ET P. T OMSIN, Sites et bâtiments industriels anciens de Wallonie, , 1995. 8 Le rouissage du lin dans les eaux de la Lys a retenu l’attention des artistes flamands, mais le rouissage industriel, beaucoup moins pittoresque, se faisait dans des bâtiments industriels souvent situées à proximité de la rivière (J.A. VAN HOUTTE et N. MADDENS, “Histoire économique et sociale du Courtraisis”, Bekaert 100. Développement économique dans le sud de la Frandre occidentale, Zwevegem-Tielt, 1980, p. 13-170). 9 Le film Daens de Stijn Coninx réussit à recréer de façon saisissante les conditions de travail dans un atelier de filature au 19e siècle. 10 M. LE BLAN, Lille Eurométropole franco-belge !, p. 106.

6 “Conservation et ré-affectation du DUVOSQUEL, J.-M., coord., La LEBRUN, P., L’industrie de la laine à patrimoine industriel en Wallonie”, mémoire des pierres en Wallonie et à Verviers pendant le XVIIIe et le début du Cahiers de l’urbanisme. Revue de l’ad- Bruxelles, Bruxelles, 1987. XXe siècle, Liège, 1948 (Bibliothèque ministration wallonne de l’aménagement de la Faculté de Philosophie et Lettres GENICOT, L., s.dir., Histoire de la du territoire, du logement et du patri- de l’Université de Liège, fasc. 114). Wallonie, Toulouse, 1973. moine, n° 12, 1994, p. 76-87. 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7 ETUDE Joindre la Meuse à l’Escaut : un projet liégeois de 1801 – première partie

Ouvert en 1939, le canal Albert, 1° une lettre d’un négociant lié- France et l’Allemagne via la Bel- qui unit Liège à la Mer du Nord geois, Louis Gasquy (vraisembla- gique et enfin qu’ils privilé- via Anvers, a constitué une étape blement un tailleur de la rue giaient le tracé direct Louvain- décisive dans l’évolution écono- Sainte-Catherine), proposant au Liège plutôt que celui traversant mique de la cité mosane, devenue président et aux membres du la Campine d’Ouest en Est. Les aujourd’hui le deuxième port flu- conseil communal de Liège de arguments qu’ils utilisent, basés vial d’Europe. Aboutissement – demander le creusement d’un sur la position géographique de d’ailleurs sans cesse perfectible – canal entre Louvain (terminal la cité mosane, n’ont guère varié de longs efforts et d’une volonté d’aboutissement de la voie d’eau de nos jours : point de contact de désenclavement et de mariti- aboutissant à Anvers) et Liège; entre la France et l’espace germa- misation, cette voie d’eau a aussi nique, carrefour des voies de permis de stimuler l’industriali- 2° le rapport d’une commission communication Nord-Sud et sation de la Campine, à une d’experts concluant à la faisabi- Est-Ouest, centre commercial et époque où le charbon régnait lité de ce projet et recommandant industriel, zone de transit et de encore en maître sur les sources sa mise à exécution; chalandise… d’énergie. Balancée depuis des siècles entre le pôle anversois et 3° une motion du conseil muni- Les autorités républicaines, dési- celui de Rotterdam, Liège choi- cipal de Liège appuyant les reuses de valoriser le port d’An- sissait alors le premier, qui lui fut conclusions de ladite commission vers, estimèrent cependant par la longtemps refusé pour des rai- d’experts. suite que la liaison avec l’Alle- sons qui tiennent autant à sa magne devait s’opérer plus au Nous reproduisons ces textes situation géographique qu’à la Nord et entreprirent de creuser intégralement ci-après, sans alté- conjoncture politique, opposant un canal vers la Meuse et le Rhin, rer leur orthographe, parfois souvent les intérêts voire les par la Campine. Loin d’être ache- encore différente de celle d’au- armées du nord et du sud de la vés lorsque retentit le glas de jourd’hui, et en maintenant la métropole scaldienne. Waterloo, ces travaux furent ponctuation d’origine, qui ne détournés ultérieurement et gra- La pérennité des problèmes éco- correspond pas toujours, elle non duellement parachevés vers Rot- nomiques est un phénomène plus, à l’usage actuel. terdam et non plus selon l’axe intéressant de l’Histoire. Le Ouest-Est. Ces écrits montrent que les édiles document que nous publions ci- liégeois étaient bien au courant après en est la preuve. Il s’agit Ces documents de 1801 ont le des projets de jonction Escaut- d’un dossier, édité à 300 exem- mérite de nous faire remonter aux Meuse, élaborés ou entamés entre plaires en 1801, qui comporte : origines d’impératifs écono- le seizième et le dix-huitième miques qui n’ont pas cessé depuis Une houillière moderne en 1812, équipée d’une siècle, qu’ils désiraient influer sur de préoccuper la Belgique autant machine à vapeur : Beaujonc et Mamonster à les décisions de Paris relatives à que ses voisins. A l’heure où l’on Ans (cliché Musée d’Armes de Liège) une liaison par voie d’eau entre la se soucie de moderniser les voies navigables, de tracer les itiné- raires des trains à grande vitesse, de redéfinir les spécificités aéro- portuaires et de baliser les “corri- dors” du développement, il n’est pas inutile de rappeler les risques que peuvent encourir les “oubliés” du progrès.

8 Liège, ce 24 pluviôse an 9 pourroit même espérer à la suite de préférence que présentent [13 février 1801] la réunion des deux fleuves (la l’état et les ressources de notre Meuse et le Rhin). Ce dernier commune pour jouir de cette L. Gasquy, négociant, aux projet n’est point une chimère, il faveur; oui, citoyens, de puissants Citoyens Président et fut exécuté en 1626 par Spinola, motifs nous assurent cette préfé- Membres du Conseil com- sous Elisabeth Eugénie, fille de rence. munal Philippe II, gouvernante des Pays-Bas; ce canal s’étendoit La justice la réclame vivement en Les fonctions intéressantes que depuis Rheinberg jusqu’à Venlo, faveur de notre commune, pour vous remplissez aujourd’hui, et il ne seroit pas sans doute dif- l’indemniser en partie des pertes citoyens, sont du genre de celles ficile d’en retrouver les vestiges2; immenses que la révolution lui a qui, en établissant l’ordre admi- mais laissons-le pour le moment, occasionnées; je m’abstiendrai de nistratif, doivent concourir le et revenons à l’utilité, à la néces- vous les retracer ici, citoyens, plus immédiatement à l’amélio- sité même du premier dont l’exé- vous les connaissez comme moi; ration des ressources de la com- cution est indispensable pour il me suffira de vous observer mune et du sort actuel de ses établir le point de correspon- qu’elle n’a aujourd’hui pour habitants; vous désigner ce qui dance avec l’Allemagne, et acti- toute ressource que le commerce peut atteindre ce but intéressant, ver nos ressources territoriales et l’industrie. c’est être assuré que vous secon- par la facilité des importations derez mes intentions par tous les dans l’intérieur de la république. Tant de motifs se réunissent moyens possibles. d’ailleurs pour décider le gouver- Louvain paroît être le point cen- nement à lui accorder cette préfé- Le moniteur officiel du 26 nivôse tral qui doit servir à faire circuler rence méritée ! Il n’est pas un [16 janvier 1801] dernier les diverses branches de commu- département dans toute la répu- annonce que le Ministre de l’inté- nications par eau dans les pays blique, qui par l’avantage de sa rieur est chargé de présenter, dans limitrophes, la jonction à l’Es- situation, la fertilité de son sol et le courant de germinal [mars- caut étant opérée par le canal l’industrie de ses habitants soit avril] prochain, un rapport sur les d’Anvers : le ci-devant gouver- plus digne de protection et d’en- moyens d’ouvrir une communi- nement autrichien avait senti la couragement; le département de cation par eau entre Paris et la ci- nécessité de prolonger son canal l’Ourte, qui comprend encore le devant Belgique; ce projet est jusqu’à la Meuse; il avait chargé beau pays de Limbourg3, compte particulièrement avantageux aux en conséquence vers l’an 1784 le plus de mines, d’usines, d’ate- départements réunis, en ce que colonel des ingénieurs Debrou, liers, de fabriques et de manufac- par leur situation géographique d’en lever le plan et d’en faire le tures dans son sein, que tous les ils se trouvent intermédiaires projet; ce projet, dont les deux autres départements réunis; la entre la Hollande, l’Allemagne et extrémités étoient Louvain et Meuse, l’Ourte et la le tra- l’intérieur de la république; déjà notre faubourg Ste-Walburge, versent, ces deux petites rivières les Consuls1 ont pris des mesures fut adopté par son gouverne- le favorisent de coups d’eaux qui pour activer les réparations au ment; il fut présenté aux ci- font tourner une immensité port d’Anvers, afin de rendre son devant états de Liège avec les d’usines en tous genres, tels que entrée facile, même aux vaisseaux moyens d’exécution pour être fonderies, canonneries, marteaux, de guerre de 50 canons; ce point approuvé par eux; j’ignore par fenderies, fouleries, papeteries, servira d’entrepôt au commerce quelle fatalité nos états en ajour- moulins à farine, à bois pour la de la France avec la Hollande, et nèrent l’exécution, il seroit main- teinture, et aux écorces pour la établira leur correspondance par tenant pour nous le réparateur de tannerie : les bateaux peuvent eau à peu de frais et sans danger nos pertes. longer tous les rivages de ces pour la navigation. usines, charger et décharger sans Aujourd’hui, citoyens, on qu’il en coûte aucun frais de char- Ce point de communication cherche à persuader au gouverne- rois, ce qui ajouté au bas prix de étant établi, il serait extrême- ment, l’utilité, la nécessité même la main-d’œuvre, lui donne un ment utile d’accorder au com- de son exécution; mais on vou- avantage réel sur toutes les autres merce de l’intérieur le même drait le circonvenir en lui faisant fabriques de l’Europe. avantage sur l’Allemagne infé- adopter un point de correspon- rieure, la Prusse, etc.; mais pour y dance différent. Eh ! Qui ne connoît pas les parvenir, il serait nécessaire richesses de son territoire ? Les d’opérer par un canal la jonction C’est bien ici l’occasion, citoyens, mines de houille y abondent, et de l’Escaut avec la Meuse; on de faire valoir les titres nombreux rivalisent de qualité avec celles

9 Transporteur sur le quai de la Batte à Liège (début du 19e siècle). Vignette publicitaire désirer que l’exportation de ces de ce canal si utile, si nécessaire gravée par Léonard Jehotte (Liège, Cabinet objets de fabrique et d’industrie au département de l’Ourte, ne des Estampes) ne fut point entravée par des sera pas extrêmement coûteux, droits de sortie qui ne tendent à surtout si on compare son éten- d’Angleterre, aujourd’hui même la fin qu’à leur faire perdre une due, sa position, son sol, avec les la Hollande s’en approvisionne concurrence méritée. difficultés qui ont été franchies en fait un objet de spéculation; pour la construction du fameux les mines d’alun y sont nom- Mais les moyens de transport canal de Languedoc6. breuses et longent la plupart les sont généralement onéreux : nos rivages de la Meuse, la qualité en grands chemins sont détériorés Le canal de Louvain à Liège aurait est parfaite, et la quantité qui par les poids énormes des environ seize lieues de long. s’en fabrique passe généralement houilles, des fers, armes, clous, L’exécution, dirigée avec talent et en Allemagne et dans l’inté- etc., que notre commerce fournit économie, ne s’élèveroit pas en rieur4; les fours à chaux s’y mul- à l’étranger, les frais de voitures, tout, en y comprenant l’achat des tiplient chaque jour, leur produit de barrières, renchérissent sensi- terrains, à un million huit cent suffit aujourd’hui à notre blement les denrées, et il est dif- mille francs. Qu’elle est légère consommation et à celle de la ficile de faire fructifier nos cette dépense, si on la compare Hollande. usines, nos fabriques et nos aux résultats avantageux qu’elle manufactures, et de leur procurer produira; alors seulement nous Sa manufacture d’armes à feu, si une préférence que leur état de aurons l’espoir d’utiliser nos res- active, si étendue, peut être assi- perfection réclame, si on ne dimi- sources territoriales et indus- milée pour la perfection aux plus nue ces frais de transport qui trielles; alors, nos mines de distinguées de l’intérieur, je crois arrêtent les progrès de l’exporta- houille, d’alun, de fer, nos même qu’aucune ne peut lui être tion. fabriques de clous, de draps, de comparée pour la célébrité de cuirs tannés, obtiendront un l’exécution; ses draps de Verviers, Nous serons favorisés de cet avan- débouché facile sur la Belgique, de Neau, etc., ne sont pas éloi- tage, citoyens, si le gouverne- la Hollande et la France; alors, gnés de la perfection de ceux de ment actuel, qui depuis son éta- nos bierres dont la bonne qualité Sedan et d’Elboeuf, et se fabri- blissement, saisit tous les moyens est généralement reconnue pour- quent à infiniment meilleur de simplifier, d’étendre et d’amé- ront s’exporter sans frais, sans compte; les tanneries de Liège, de liorer les relations commerciales danger, et concourir, avec celles Malmédy et de Stavelot fournis- veut réunir l’Escaut à la Meuse en de la Belgique, à la consomma- sent la haute Allemagne et les prolongeant le canal de Louvain5 tion de ces différents pays : pays voisins, ses serges s’expor- jusqu’au faubourg de Liège, par puisse se réaliser le vœu que je tent en Hollande et concourent la Campine, les villes de Hasselt forme aujourd’hui pour sa avec celles d’Angleterre à l’ap- et de Tongres : les pentes douces prompte exécution; vous le parta- provisionnement de ses pro- qui se succèdent d’une extrémité gez sans doute, citoyens ! et vous vinces; les fabriques de clous sont à l’autre, et qui nécessitent fort l’appuierez de tous les motifs et extrêmement nombreuses et peu d’écluses, son sol générale- de toutes les considérations qui réputées pour leur bonne qualité; ment argileux, rarement sablon- manquent à mon expérience. les hollandois leur donnent la neux, sans rocs ni rocailles dont préférence sur celles des pays les terres peuvent s’enlever au Puisse le digne chef de la répu- limitrophes; il serait seulement à louchet, sont que l’établissement blique, le premier Consul jeter

10 un regard de bienveillance sur un RAPPORT AU CONSEIL COMMUNAL ver de plus en plus l’utilité géné- département qui s’est toujours DE LA COMMISSION NOMMÉE POUR rale. distingué par son patriotisme et L’EXAMEN DU PROJET RELATIF AU par son obéissance aux lois; CANAL À ÉTABLIR, ETC. Le but qu’on veut atteindre par puisse-t-il, lui tenir compte de les canaux de navigation est ses sacrifices, en le favorisant de Citoyens collègues ! d’établir la communication entre l’avantage que sa situation les différents pays et faciliter au réclame. Vous avez nommé une commis- moyen des rivières naturelles, un sion spéciale pour examiner un commerce prompt, facile et éco- On m’objectera peut-être que les projet qui vous a été présenté par nomique; en partant de ce prin- besoins du trésor public sont un négociant de cette ville, et cipe, plus le point de jonction impérieux, et que l’exécution de dont le but est de prolonger le d’un canal à une grande rivière monuments de ce genre peut être canal de Louvain jusqu’à Liège, présente de rayons de correspon- ajournée. tant pour procurer l’écoulement, dance8, et plus il est préférable; il à peu de frais, des productions est utile aussi que les productions Je conçois assez, citoyens, que le territoriales et industrielles de territoriales et industrielles d’un gouvernement qui a lutté jusqu’à notre pays, que pour établir une pays auquel va aboutir un canal, ce jour contre tous les partis qui communication directe de l’inté- servent à l’alimenter, et parvien- visoient à la domination exclu- rieur avec l’Allemagne par le nent enfin à couvrir les dépenses sive, qui a dû faire face aux obli- grand chemin d’Aix-la- de son établissement. gations qui surchargaient le tré- Chapelle7. sor public et qui s’occupe Quel point plus que Liège réunit constamment par la sagesse de ses Nous partageons unanimement ces différents avantages ? Elle est dispositions, et par des sacrifices le vœu de ce citoyen en faveur de la seule de toutes les grandes souvent nécessaires, à raviver la ce projet, nous appuyons forte- villes qui longent la Meuse confiance générale, peut bien être ment les motifs de préférence depuis Namur jusqu’à Venlo, qui dans l’impossibilité momentanée qu’il a fait valoir pour y disposer présente six grandes routes de fournir les fonds nécessaires à le gouvernement, et avant de pavées comme autant de rayons, l’exécution de ce projet intéres- vous entretenir de la possibilité par lesquels elle communique par sant : dans ce cas, ne serait-il pas de son exécution, nous croyons terre avec les départements de possible que par souscription, le même devoir vous présenter Sambre-et-Meuse et des Forêts commerce en fit les avances, encore quelques considérations par la chaussée de Namur : avec moyennant une concession de la majeures, qui tendent à en prou- Atelier de cloutiers au 18e siècle (cliché Musée part du gouvernement du droit d’Armes de Liège) de péage pour un terme déter- miné, et qui pourrait être fixé par un arrangement préalable.

J’abandonne ces moyens d’exécu- tion à vos lumières et à votre sagacité, citoyens; il me suffit de vous donner l’idée;… Je conclus enfin à ce que vous veuillez bien présenter votre vœu au gouverne- ment pour le prolongement du canal de Louvain jusqu’au fau- bourg de Liège, par la Campine, les villes de Hasselt et de Tongres.

Recevez les assurances de ma considération particulière.

Louis GASQUY

11 la Hollande par la route de notre ville, sont généralement nous amener, à peu de frais, et Tongres et Hasselt sur Bois-le- productifs, tandis que tout l’es- sans être obligés à une remonte Duc : avec les et le bas pace au-dessous, depuis Visé jus- de rivière plus ou moins difficile, du département des Forêts par qu’à Venlo, ne produit rien, ou les objets de notre consommation Spa et Stavelot : avec les départe- presque rien, et ne peut en consé- habituelle. Ceux-ci consistent, ments de la Meurthe, de la Côte- quence entrer en compensation par approximation en deux mil- d’or, etc. par le grand chemin de des frais d’exécution par l’impor- lions de livres de café, qui nous Ciney sur Givet : avec la Bel- tation de ses produits territo- arrivent par différentes issues gique, les départements du riaux; il n’est qu’un motif qui maritimes, et dont nous fournis- Nord, et l’intérieur, par la chaus- pourroit incliner le gouverne- sons tout le plat-pays qui nous sée de St-Trond, Louvain, ment à choisir le point de jonc- environne, thé et sucre en propor- Bruxelles : et enfin avec les tion sur Venlo, ce serait pour éta- tion; trois millions de livres de quatre départements et toute blir une communication directe laine d’Espagne, de Portugal et l’Allemagne, par la grande route avec l’Allemagne par le canal de de Pologne, qui abordent par d’Aix-la-Chapelle et de Cologne, Rheinberg9; mais le gouverne- Ostende, Dunkerque, et pour qui présente les rayons néces- ment sentira, comme nous, la fournir à l’activité de nos manu- saires de communication sur la nécessité d’utiliser les ressources factures de draps; 180 à 200 Westphalie, et la continue d’un que lui offrent le département de mille pièces de cuirs secs en poils, côté par Bonn, Coblentz, la l’Ourte, ceux de Sambre-et- expédiés de Cadix, de Rochefort Suisse, l’Alsace, et de l’autre par Meuse et des Ardennes, qui et la Rochelle, pour servir aux la Lorraine. situés au-dessus de la Meuse, besoins des taneries renommées pourront profiter du cours de de Liège, de Stavelot, de Mal- Quelle autre ville, dans tous nos cette rivière, navigable en tout médy, de Wils, de , etc., environs présente les mêmes temps jusqu’à Liège, pour faire ajoutons à cela, les eaux-de-vie de avantages de localités ? Sans descendre au canal les extractions Cette10, les vins de Bordeaux, les doute, on ne les rencontrera ni à considérables de leurs carrières de huiles diverses, les drogues, les Namur, Huy, Visé, ni à Mas- pierres et d’ardoises, et le produit teintures, etc. tricht, Stockhem, Maseyck, ni à de leurs mines, minières, (à suivre…) Ruremonde, ni à Venlo; ces villes fabriques et manufactures, pour ont tout au plus un ou deux de là les faire circuler dans la Bel- Claude GAIER, grands chemins aboutissants, et gique et autres pays limitrophes, Directeur du Musée aucune d’elles ne possède une où les communications par eau d’Armes de Liège communication directe sur l’Al- sont déjà établies. lemagne par un grand chemin (Cette étude a d’abord été publiée dans l’AIHE Revue, n° 102, avril 1999, p. pavé. Il est encore à observer qu’outre 28-35 ; n° 103, juin 1999, p. 10-14) les produits de nos mines, Une autre observation milite fabriques et manufactures, et encore en faveur de la jonction du ceux des départements situés au- canal projeté, à la Meuse, sur dessus de nous sur la Meuse, qui Liège; c’est que tous les pays qui pourront s’exporter au moyen du longent cette rivière au-dessus de canal proposé, il servira aussi à

1 Les trois dirigeants de la République française, désignés en 1800 : le premier consul Bonaparte et les deux consuls Cambacérès et Lebrun. 2 Les travaux de ce canal restèrent inachevés principalement en raison de la longue guerre opposant les Pays-Bas espagnols aux provinces du Nord (futurs Pays-Bas) qui avaient fait sécession. Elisabeth Eugénie, mieux connue aujourd’hui sous le nom de l’archiduchesse Isabelle, qui devint gouver- nante des Pays-Bas en 1621. 3 Il s’agit ici, évidemment, non de la province de Limbourg actuelle, mais de l’ancien duché du même nom, à l’est de Liège. 4 L’alun jouait un rôle important dans l’industrie textile car il servait à fixer les teintures. 5 Le canal de Louvain unit cette ville à Anvers en suivant le cours de la Dyle, du Rupel et de l’Escaut. 6 Chef-d’œuvre du règne de Louis XIV, le canal du Midi (ou canal du Languedoc), qui unit sur 239 km, Toulouse à Agde, fut construit de 1666 à 1684. 7 Il s’agissait donc de prolonger l’axe fluvial projeté Anvers-Liège par le réseau routier préexistant, en l’occurrence la chaussée de Liège à Aix-la- Chapelle. 8 C’est-à-dire un nœud routier permettant la diffusion des matières et denrées amenées par eau et, à l’inverse, la concentration de celles, provenant de l’arrière-pays, et destinées à être acheminées par bateau. Déjà le principe à la mode d’aujourd’hui du transport multimodal ! 9 C’est-à-dire l’ancien canal de la Meuse au Rhin, creusé au dix-septième siècle. 10 Cette : Sète.

12 Voyage en Hollande avec le SIWE REPORTAGE les 15 et 16 mai 2004

Patrick Viaene, Président du moteur diesel monocylindre agricole, …), de commerces révo- Stichting Industriele en Weten- horizontal Crosley de 1930 (qui a lus (pharmacie ancienne qui pré- schappelijk Erfgoed (SIWE) basé fonctionné jusqu'en 1982 pour sentait une collection d'enseignes à Leuven, nous avait mitonné un un autre lieu d'épuisement) de pharmacie “à la langue tirée”, splendide voyage de deux jours actuellement mis en mouvement pâtisserie avec salle de dégusta- en Hollande à la découverte des par un moteur électrique judi- tion, …) et d'installations indus- machines à vapeur qui fonction- cieusement placé, le tout installé trielles d'un autre âge (fumerie de nent encore ainsi que du Boe- dans un local transparent. poissons, fabrique de peintures rhaave Museum à Leiden. décoratives, lavoir à la vapeur, Le clou du musée est un énorme …) autour de l'église où se don- Remarquablement organisé, ce groupe moto-pompe électrique nent des concerts d'orgue, et voyage a enchanté les 21 partici- centrifuge de 250 m3 par minute reconstitue ainsi un village pants (dont 7 membres franco- de marque Stork fabriquée à ancien aux ruelles typiques phones du PIWB). Hengelo en 1913. agréablement ombragées.

Malgré un départ très matinal A Medemblik où nous attendait Le logement à l'hôtel “De Kei- (supportable en cette saison !), le une collation à la hollandaise zerskroon” à Hoorn nous a per- voyage ne nous a pas paru long (petits pains mous au fromage ou mis, guidés par l'infatigable car émaillé de commentaires sur au jambon, et café), commença Patrick Viaene qui connaît bien tout ce qui nous entourait tout au l'indigestion de machines à les lieux, de découvrir cette char- long de la route, depuis les villes vapeur. Il y en avait de toutes les mante petite ville et d'y goûter (Rotterdam, Dordrecht, etc.), les sortes : à un, deux, trois, … tous ensemble à la cuisine hollan- ponts et les fleuves (Waal, Hol- cylindres munis de plusieurs sys- daise de haut de gamme. landse Diep, Maas, etc.) que nous tèmes de régulation de la vitesse. traversions, jusqu'aux bâtiments Le dimanche matin, après un extraordinaires et ouvrages d'art On eut même droit à la mise en copieux petit déjeuner, départ qui animaient le paysage. route d'un énorme groupe moto- pour Zaanstad à l'ouest d'Am- pompe électrique double, grâce à sterdam. Le “Poldermuseum & Stoomge- l'électricité produite par une maal De Hooge Boezem achter génératrice entraînée par une Un architecte du cru, président Haastrecht” (le Musée du polder machine à vapeur Stork de 1919 de la FIEN (Federatie Industrieel & la machine d'épuisement à démarrée préalablement. Erfgoed), ami de Patrick Viaene, vapeur du réservoir supérieur nous emmena à la découverte de derrière Haastrecht — une des Le Zuiderzeemuseum à Enkhui- cette vieille région industrielle premières installée en Hollande sen, situé au bord du Zuiderzee méconnue où fleurissent les — entre Gouda et Utrecht) visité (jalonné de dizaines d'éoliennes) fabriques utilisant du cacao en premier lieu, nous a tout de fut une révélation ! (Droste et Verkade notamment) : suite mis dans l'ambiance qui la “Cacao Valley” (à l'instar de la règne dans ces petits musées Transportés par bateau jusqu'au “Silicon Valley” en Californie, tenus par une poignée de béné- rivage où sont installés trois fours comme ils aiment le dire). voles enthousiastes et fiers de leur à chaux alimentés par des patrimoine. coquillages calcinés, le groupe De nombreuses anciennes usines put se promener dans le musée de et entrepôts y sont transformés en Installé dans l'ancienne station plein air (“Buitenmuseum”) “lofts” : réaffectations réussies de pompage à vapeur datant de durant plusieurs heures. Certains semble-t-il. 1872, ce musée nous initia au mêmes y savourèrent des concerts combat séculaire mené par la de jazz dans les ruelles pendant Une centaine de moulins à vent Hollande contre les eaux, à l'his- que d'autres découvraient les col- sauvegardés et entretenus agré- toire du démergement et à la lections du musée couvert (“Bin- mentent l'ensemble. création des polders. nenmuseum”). Après avoir longé les pistes de Au milieu d'un charmant village Le musée de plein air regroupe l'aéroport de Schiphol (situé à 6 tout en longueur juché sur sa des dizaines de petites maisons mètres sous le niveau de la mer), digue, le musée est signalé par un (de pêcheur, de fermier, d'ouvrier la perle des stoomgemalen (sta-

13 tions d'épuisement à la vapeur) ment) le mouvement des Une heure de visite nous a per- s'offrit à nos regards ébahis : pompes. suadés d'y retourner un jour plus CRUQUIUS ! longuement. IMPRESSIONNANT ! Cette machine de démergement, La promenade dans la ville sous la seule qui reste des trois instal- Une grande maquette très claire un soleil radieux termina en lées vers 1849 pour assécher en explique l'évolution de la créa- beauté cet agréable voyage qui trois ans le Haarlemmermeer (lac tion des polders depuis le 16e nous a permis aussi de nouer des de Haarlem, entre Haarlem et siècle jusqu'à la création en 1968 contacts avec les membres du Amsterdam) et en faire un pol- de Flevoland (dans le fond du SIWE, bilingues pour la plupart der, porte le nom latin de l'auteur Zuiderzee, maintenant l'Ijssel- (heureusement pour nous les du projet, Nicolas Cruquius. meer), séparée de la terre par un francophones du PIWB : nous large chenal pour laisser la navi- leur en savons gré !). Cette machine à vapeur gigan- gation gagner les ports existants. tesque établie dans un bâtiment Il faut dire que nous sommes loin circulaire néo-gothique, est Et à côté de la maquette, trône d'avoir vu toutes les stations de constituée d'un piston vertical de une majestueuse machine à pompages à vapeur de Hollande : plus de 5 m. de diamètre (le plus vapeur à balancier fabriquée par Patrick Viaene nous a donné le grand du monde) qui actionne … Cockerill ! La seule qui sub- désir d'y retourner voir, entre huit bras oscillants sortant du siste, paraît-il. autres, Lemmer, la cathédrale de bâtiment, reliés à autant de vapeur (en Frise) classée Patri- pompes aspirantes classiques qui Le voyage se termina en apo- moine Mondial de l'Unesco. pompent l'eau dans des puits théose par la visite du musée des métalliques, à plusieurs mètres sciences Boerhaave à Leiden, qui, Merci encore Patrick ! de profondeur. avec le musée technique de Delft et le Tijlermuseum d'Arnhem, Bruno VAN MOL, En 1932, la machine convertie en constituent le trio de tête des Président musée de l'histoire industrielle, a musées scientifiques de Hol- depuis été remise en état par des lande. bénévoles et équipée en 2000 d'un système hydraulique moderne pour assurer (discrète-

BREVE Les salines “Lion” en Grande-Bretagne

A Marston, dans le Cheshire, à Les Lion Salt Works ont gardé les Un projet de restauration du site quelques kilomètres des ascen- méthodes victoriennes tradition- prévoit la remise en service d'un seurs d'Anderton, se trouvent des nelles jusqu'à leur fermeture. bac à sel pour refabriquer du sel salines pré-romaines qui ont suivant la méthode tradition- fonctionné jusqu'en 1986. Ces usines ont récemment été nelle. Une journée de démonstra- désignées comme Ancien Monu- tion a eu lieu le 28 septembre Elles sont installées le long du ment, au sein du secteur de 2003 avec le soutient du Heri- canal Trent & Mersey par où arri- conservation de Marston (Mars- tage Lottery Fund. vait le charbon à bon marché et ton Conservation Area) et ont été par où repartait le sel vers le choisies comme point d'ancrage Contact : monde entier (Indes, Canada, britannique de la Route euro- Lion Salt Works Trust, Amérique et Afrique). péenne du patrimoine industriel Ollershaw Lane, (European Route of Industrial Marston La première mine profonde de sel Heritage, ERIH). Deux autres Cheshire CW9 6ES. gemme fut créée à la fin du 18e points d'ancrage sont situés dans www.lionsaltworkstrust.co.uk siècle. A son apogée, il y eu six le nord-ouest de l'Angleterre : le mines et plusieurs stations de Musée de Science et d'Industrie (Extrait de Old Glory, Vintage pompage de saumure. de Manchester et le Musée Mari- Restoration Today, n° 163 de time de Liverpool. septembre 2003, p. 54)

14 Une visite à Remicourt REPORTAGE

Cette année, l'assemblée générale l'entreprise Mélotte dont le nom Vue des usines Mélottte à Remicourt vers de PIWB du 4 septembre 2004 est devenu célèbre bien au-delà 1905 (illustration tirée de PIROTTE : Mélotte, un siècle et demi d'histoire et s'est tenue dans les locaux du de nos frontières. Mélotte est le d'industrie, p. 20) Musée de la Hesbaye, où nous patronyme d'une famille d'arti- avons été accueillis par M. Daniel sans constructeurs de moulins matière première et les moyens Pirotte, son conservateur. puis de machines agricoles qui a techniques de contrôler les pro- élu domicile à Remicourt, oppor- cessus de fermentation dans les Le Musée de la Hesbaye est une tunément situé sur la ligne de productions beurrière et froma- remarquable réalisation par l'im- chemin de fer Liège-Bruxelles, portance du patrimoine indus- pour y installer un atelier de gère. Jules Mélotte, informé des triel qu'il rassemble. La qualité et fabrication mécanique. La progrès de l'écrémage par centri- la richesse de ses collections rela- période des années 1880 a été fer- fugation par l'agronome Laurent tives à la Société des Ecrémeuses tile en inventions mécaniques Chevron, professeur à l'Institut Mélotte offrent un exemple dans le domaine laitier, les tech- unique dans le domaine de l'in- niques d'écrémage du lait Coupe dans une écrémeuse (illustration tirée dustrie mécanique agricole. de catalogues de la firme) connaissent une véritable révolu- Il faut en effet se souvenir que ce tion dans l'application de la force modeste village niché dans la centrifuge à la séparation de la plaine hesbignonne, terre de crème du petit lait, étape essen- grandes cultures où alternent tielle dans la préparation du céréales et betteraves a été, est beurre. Lefeldt puis Burmeister, aujourd'hui encore le siège de la en Allemagne, et de Laval en plus ancienne et la plus impor- Suède mettent progressivement tante industrie de fabrication au point une écrémeuse centri- mécanique dans le domaine fuge travaillant en continu. d'équipement de laiterie. L'écrémeuse centrifuge et les découvertes contemporaines de la Il faut se reporter à la fin de ce 19e microbiologie laitière se situent siècle riche en innovations tech- en effet à la charnière de l'émer- niques et en créations d'indus- gence d'une industrie laitière en tries pour situer l'importance de fournissant un flux continu de

15 Agronomique de Gembloux et constatée dans les modèles exis- nique de précision pour dévelop- vulgarisateur dynamique, eut tants : le système à “bol sus- per la production de son écré- l'idée de concevoir, et de breveter pendu”. A la fois ingénieux et meuse à l'échelle industrielle. Sa en 1888, un dispositif d'écré- entreprenant, cet autodidacte machine acquit une solide répu- mage original pour réduire s'initia aux techniques les plus tation internationale, son usine se l'énergie dissipée par frottement modernes de fabrication méca- développa rapidement, Remi- court est devenu un des princi- paux centres industriels de construction de mécanique agri- cole de notre pays ; jusqu'à 1.200 travailleurs y ont été occupés.

Les fabrications de l'usine ont suivi l'évolution de ce secteur en construisant barattes, trayeuses mécaniques et installations com- plètes de traite automatisée avec citerne réfrigérée.

Le mérite du Musée de la Hes- baye est d'avoir sauvegardé, et d'exposer, un très important patrimoine industriel, non seule- ment une impressionnante col- lection de machines qui couvre la totalité de la production de l'usine remicourtoise, mais égale- ment les archives de cette impor- tante entreprise qu'il a pu sauve- garder. Le musée est aménagé dans l'ancienne maison commu- nale du village. Publication : Daniel PIROTTE, 2003 : Mélotte, un siècle et demi d'histoire et d'indus- trie, Edition du Musée de la Hes- baye, Remicourt, 112 pages Dispositif d'écrémage centrifuge Mélotte breveté à “bol suspendu” (illustration tirée de cata- richement illustrées. logues de la firme) Jean-Jacques VAN MOL, Ecomusée de Treignes

En Allemagne, le patrimoine industriel des BREVE biscuiteries Bahlsen

A Hannovre-List, dans d’anciens été conservés et font partie du devant l’ancienne centrale élec- locaux de la célèbre biscuiterie décor. Une de ces machines trique de Bielefeld. Bahlsen s’est installé l’hôtel construites par K. & Th. Möller Dorint (qui fait partie d’une de Brackwede date de 1910. (Extrait de Old Glory, Vintage chaîne d’hôtel allemande) dans Restoration Today, n° 163, lequel les anciennes machines à D’autres machines à vapeur du septembre 2003, p. 35) vapeur qui actionnaient les géné- même fabricant sont conservées à ratrices de courant électrique ont l’extérieur à Bielefeld-Senne et

16 “De l’usine au musée” – Colloque au Grand- COLLOQUE Hornu, le 14 septembre 2004

Organisé conjointement par rendez-vous en 2006 (année du Saint-Hubert, a parlé “sur des l’AFMB (Association francopho- cinquantenaire de la catastrophe) charbons ardents” des problèmes ne des Musées de Belgique) et pour l’inauguration du bâtiment rencontrés lors du remaniement MSW (Musée et Société en de la recette rénové. L’intéres- des bâtiments du musée. Sa com- Wallonie), ce colloque nous a sante vue axonométrique, proje- munication est reprise dans la permis d’entendre plusieurs tée en séance, de l’ensemble des revue Art & Fact citée ci-dessus. communications intéressantes bâtiments existants et à venir est sur la réaffectation d’usines en publiée dans le numéro 2 du tri- André Gob, professeur à l’Uni- musées en Europe, certaines mestriel Nouvelles du Bois du versité de Liège, a présenté la étonnantes. Cazier. centrale électrique Montemartini à Rome qui, pendant les travaux Nathalie Vanmunster, architecte, L’architecte D. Snauwaert a pré- du musée Palatin, a servi d’hé- licenciée en histoire de l’art et senté l’installation du CAC, futur bergement provisoire d’antiqui- d’archéologie de l’Université de Centre d’Art Contemporain dans tés romaines entre les énormes Liège, nous a brossé un tableau l’immeuble, dû à l’architecte moteurs diesel conservés in situ aussi complet que possible de ce Blomme, des anciennes Brasse- avec leur odeur de cambouis. A qui s’est fait en matière de réaf- ries Willemans à Bruxelles. l’issue des travaux au musée Pala- fectation du patrimoine indus- tin, la centrale électrique a été triel immobilier en institutions Aucune échéance n’est encore maintenue comme musée perma- muséales. Des sites étonnants ont fixée mais les idées fusent ! nent, bien fréquenté. été montrés comme le cape de Bordeaux (ancien entrepôt), le Freddy Joris, administrateur de Et pour terminer les communica- lieu unique à Nantes (dans les l’Institut du Patrimoine Wallon tions, Chantal Dassonville, archi- anciennes biscuiteries Lu) ou (IPW) à Namur, a traité du rôle tecte à la Communauté Française, encore le musée Zeppelin dans une de l’institut en matière de réaf- a parlé du MAC’s, Musée des Arts gare désaffectée à Hambourg. fectation. On a ainsi appris que contemporains au Grand-Hornu, l’IPW s’intéresse de près au bâti- dont elle a suivi les travaux pour Sa communication repose sur un ment du triage-lavoir de le maître d’ouvrage. article très fouillé de 46 pages Péronnes-lez-Binche ainsi qu’au Intéressante journée que j’ai pu publié en 2003 dans Art & Fact, charbonnage de Cheratte. prolonger par la lecture de la la revue des historiens de l’art, Affaires à suivre. revue Art & Fact – Musées : on des archéologues, des musico- rénove qui traite de plusieurs logues et des orientalistes de Une anglaise de Newcastle, autres sujets non abordés au col- l’Université de Liège, numéro S. Reid, nous a entretenu (dans loque. 22/2003 qui a pour titre un anglais “coulé”...) du passé et “Musées : on rénove !” présent de la réutilisation de Bruno VAN MOL, bâtiments en musées. Président P. Henrion a ensuite évoqué le contexte réglementaire et juri- Elle a même évoqué les “friches dique de la réaffectation. muséales en devenir” en parlant des échecs encourus en Grande- Jean-Louis Delaet a parlé des pro- Bretagne. jets d’extension en cours du site du Bois du Cazier à Marcinelle, Damien Watteyne, conservateur dont il est directeur, et nous a fixé du Fourneau Saint-Michel à

17 Les hauts-fourneaux des anciennes usines REPORTAGE Boël à La Louvière... suite et fin

Une vue des hauts-fourneaux, 1999 (coll. Archives de la Ville de La Louvière) vent et à gaz, les planchers de Cet arrêt mettait un terme défi- coulée et les bâtiments auxiliaires nitif à la production d’acier brut avaient également été couchés et par la “filière fonte” à La Lou- découpés par les méthodes clas- vière. Pour des raisons de straté- siques (chalumeau, cisaille méca- gie, de sécurité, d’esthétique et nique, ...). d’économie (à la veille du dernier Les deux premiers hauts-four- dynamitage, 12.500 tonnes de neaux dataient du début du XXe ferrailles avaient déjà été récupé- siècle (mise à feu en 1912) alors rées à l’usage du four électrique), que les quatre suivants étaient les responsables de Duferco ont apparus respectivement en 1930, décidé de raser ce site. Afin de 1939, 1958 et 1972. Le HF n°6 conserver une trace de ces produisait, par un creuset d’un témoins importants de l’histoire diamètre de 6,5 m. et des équipe- industrielle régionale, un parte- ments plus performants, un ton- nariat a été mis en place entre nage de fonte équivalent à celui des installations préexistantes. Duferco et les Archives de la Ville Construit par Gutehoffnungs- de La Louvière. Pendant plus Une vue du HF6, juillet 2004 (coll. Archives de la Ville de La Louvière) hütte (GHH), il présentait un d’un an, ces dernières ont donc volume utile de 825m3 et dispo- suivi pas à pas les travaux de Le 29 septembre 2004, le pay- sait de 16 tuyères de soufflage démolition du site. Ce faisant, sage de La Louvière change radi- équipées pour injection d’hydro- elles poursuivent leur effort de calement et définitivement. Le carbures. Le vent soufflé aux préservation de ce qui fait ou a rideau tombe en effet sur le site tuyères à un débit de 100.000 fait l’Histoire de l’entité louvié- des hauts-fourneaux (HF) des Nm3/h avait une température de roise. Qu’il nous soit donc permis anciennes usines Boël avec le 1100°C acquise grâce à 3 cow- de remercier chaleureusement dynamitage du n°6. Les Louvié- pers Matin & Pagenstecker. Le pour leur collaboration Messieurs rois avaient déjà progressivement refroidissement des réfractaires Antonio Gozzi, Albert Lem- vu disparaître par dynamitage les s’effectuait par ruissellement, bourg, Francis Moreau, Patrice 5 premiers hauts-fourneaux et les “channel cooling” et boîtes. On 14 cowpers (cylindres verticaux signalait encore l’existence d’un Chevalier, Emile Henrard, et nécessaires à la mise à tempéra- gueulard de chargement à double Duferco La Louvière. ture du vent). Les structures de cloche et d’une automatisation chargement des matières pre- électrique centralisée. En février Thierry DELPLANCQ, mières (manutention, pesage, cri- 1997, date de son arrêt définitif, Archiviste de la Ville blage des minerais, coke et addi- la production de fonte du HF n°6 de La Louvière tions) ainsi que les collecteurs à était de 1700 tonnes par jour.

18 Contact et informations : Archives de la Ville de La Lou- vière, 125 rue de l’Hospice à 7110 Houdeng-Aimeries.

Tél. : 064/21.39.82 Fax : 064/26.57.76 [email protected]

Bibliographie A. LEMBOURG, “Mémo. Abat- tage du haut-fourneau 6 par dynamitage le 29 septembre 2004” (document inédit).

Th. DELPLANCQ, “La destruc- tion des hauts-fourneaux des anciennes usines Boël. Un peu de La Louvière qui disparaît”, dans Bulletin trimestriel de l’asbl Patri- moine Industriel Wallonie-Bruxelles, 2003, n°55, p. 2-7.

Le dynamitage du HF6, 29 septembre 2004 (coll. Archives de la Ville de La Louvière)

Chute d'une cheminée, 17 septembre 2004 (coll. Archives de la Ville de La Louvière)

19 Marie-Thérèse COENEN, Renseignements : Centre d’ani- PUBLICATIONS Colette HUBERTY, Florence mation et de recherche en his- LORIAUX et al., Les cadences toire ouvrière et populaire, rue infernales : histoire de la péni- des Moucherons 3 à 1000 Jacques LIÉBIN, Bois-du-Luc : bilité du travail – Bruxelles : Bruxelles. Tél. 02 / 514 15 30 – un charbonnage hainuyer du Centre d’animation et de € XVIIe au XXIe siècle / préf. de recherche en histoire Fax. 02 / 514 35 57. Prix : 15 Hervé Hasquin. – Hainaut ouvrière et populaire, + frais de port. Culture et démocratie, 2003. – 135 p. : ill. en noir, Clément BARTHELEMY, 2004. – 117 p. : ill. en noir couv. ill. en coul. ; 30 cm. Arcangelo SCHENA et André et en coul., couv. ill. en noir Bibliogr. p. 131-132. – ISBN RENSON, Les canaux du et en coul. ; 22 cm. Glos- 2-9600319-3-8. saire. Bibliogr. p. 113-115. Centre : une histoire, un style – [s.l.] : MET : Ed. du Per- ron, 2003. – 208 p. : ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul. ; 30 cm. – (Profils; 8). Bibliogr. p. 207. – ISBN 2-930148-79-9.

Après une introduction histo- rique sur l’industrie charbonnière dans le Hainaut, J. Liébin retrace Les acquis sociaux engendrés au les différentes étapes de la “vie” et cours des deux siècles derniers de l’évolution de la société du laissent place à l’heure actuelle à Bois-du-Luc, véritable joyau his- une nouvelle dégradation des torique de notre patrimoine, de conditions de travail. L’histoire sa création en 1685 à sa liquida- de la “pénibilité” du travail tion en 1973. retrace le parcours des affronte- En Hainaut, les voies navigables ments qui ont opposé compétiti- ont toujours revêtu une impor- Sauvé de la disparition, la rénova- vité et conditions de vie et de tra- tance capitale dans le développe- tion de ses infrastructures a vail meilleures. Le travail, quel ment économique et social de la donné naissance à l’heure actuelle qu’il soit, peut revêtir un carac- région tout au long de son his- à l’Ecomusée régional du Centre. tère pénible. Mais à l’heure où toire. Entre autres joyaux de ce l’on cherche des réponses à appor- patrimoine : le canal du Centre Renseignements : ASBL Hai- ter aux nouvelles formes de souf- et ses ascenseurs aménagés pour naut Culture et démocratie, Bou- france au travail, un éclairage his- doper le caractère touristique de levard Charles Quint, 5 bis, 7000 torique à cette problématique ce site dont le parcours est Mons. Tél. 065 / 31 49 63 – Fax était indispensable, en replaçant jalonné de ponts, d’écluses, de 065 / 32 11 07. dans leur contexte les différentes bâtisses abritant tantôt les diffé- rents services et administrations, E-mail : [email protected]. formes qu’a revêtues la pénibilité tantôt le personnel employé pour Site Internet : www.hcd-asbl.be. du travail, leurs causes, leurs la gestion de ce canal. En vente en Prix : 20 € + frais de port. caractéristiques et leurs consé- quences, ainsi que les réponses librairie : 30 €. qui y ont été apportées. “[…] Si les conditions de travail se trans- forment, les problèmes qu’elles soulèvent restent toujours pré- sents”.

20 Jean-Claude BESSAC, Odette précisément dans la région couvi- Vies de pierres : la pierre orne- CHAPELOT, Raffaël DE FILIPPO, noise qui en fut un des pôles les mentale en Belgique : état de Alain FERDIÈRE, Florence plus importants. la question – Sprimont : JOURNOT, Daniel PRIGENT, Pierres et marbres de Wal- lonie, avril 2002. – 212 p. : Christian SAPIN et Jacques Marie CEGARRA, Olivier CHO- ill. en noir et en coul., EIGNE La construction : les VAUX, Rudy DAMIANI, Gérard S , couv. ill. en coul. ; 29 cm. DUMONT, Jean-René GENTY matériaux durs : pierre et terre Glossaire. Bibliogr. p. 212- cuite - Nvelle éd. rev. et et Janine PONTY, Tous gueules 213. – ISBN 2-9600294-0-2. augm. – Paris : Errance, noires : histoire de l’immigra- 2004. – 208 p. : ill. en noir, tion dans le bassin minier du couv. ill. en coul. ; 24 cm. – Nord-Pas-de-Calais – (Archéologiques). Glos- Lewarde : Centre histo- saire. – ISBN 2-87772-159-0. rique minier du Nord-Pas- de-Calais, 2004 – 160 p. : Les restes des constructions ill. en noir et en coul., anciennes sont les premières couv. ill. en noir et en choses qui nous apparaissent du coul. ; 27 cm. – (Mémoires passé. Les vestiges des bâtiments de Gaillette, ISSN 1245- que construisirent les hommes 267X ; 8). Bibliogr. p. 157- Renseignements et commandes : forment le témoignage le plus 159. – ISBN 2-9515692-4-6. Pierres et marbres de Wallonie visible de leur ancienne présence. (asbl) – Rue J. Potier, 54 – 4140 Grâce à des méthodes mises au A travers ce livre, le lecteur est Sprimont. Tél. 04 – 382 32 69 – point ces dernières années, invité à découvrir l’histoire de Fax : 04 – 382 32 68. l’étude des constructions est à l’immigration telle qu’elle fut E-mail: [email protected] même d’enrichir nos connais- organisée par les entreprises res- Site Internet: sances. Un mur peut posséder ponsables de l’exploitation www.pierresetmarbres.be. une histoire complexe, qu’il faut minière dans le bassin du Nord- Prix : 45 € (possibilités de réduc- savoir lire depuis l’extraction de Pas-de-Calais, des origines des tions). La pierre est un des maté- la pierre jusqu’aux techniques de mines au XVIIIe siècle jusqu’à la riaux de prédilection de la créa- construction. En vente en librai- fin des années 1970. L’histoire tion architecturale en Belgique. rie. des cinq principales vagues d’im- Elle a favorisé le développement migration y est richement illus- dans notre région d’une industrie Jean PUISSANT (préface) et trée. Les différents modes de extractive plusieurs fois cente- Jean-Jacques VAN MOL (éd.), recrutement des mineurs belges, naire et aussi de toute une série Fonderies de fer et poêleries – algériens, polonais, italiens et d’activités connexes. Cet ouvrage Treignes : Ecomusée du marocains, les conditions de leur se divise en trois parties : un Viroin ; Bruxelles : Uni- installation dans le bassin minier ensemble de “billets d’humeur” versité libre de Bruxelles, du Nord-Pas-de-Calais, leur et de réflexions livrés par des pro- 2004. – 128 p. : ill. en noir, mode de vie et leurs pratiques fessionnels de tous horizons couv. ill. en coul. ; 24 cm. communautaires y sont abordés (architectes, philosophes, géo- ISBN 2-9600330-1-9. successivement. logues, etc.) au sujet de la pierre, suivis d’un répertoire de projets Renseignements : Editions Dire. Renseignements : Centre Histo- et d’applications dans le domaine – Rue de la gare 81 – 5670 rique Minier – Fosse Delloye – de l’aménagement des espaces VIROINVAL. Tél. 060 / 39 96 24. BP39 – 59287 LEWARDE publics et des espaces verts, celui E-mail : [email protected]. (Tél. 0033 (0)3 27 95 82 82 - de l’architecture ou encore de Fax : 0033 (0)3 27 95 82 83). l’aménagement intérieur et Les préparations culinaires et le Prix : 22,90 € + 3,20 € de frais enfin, un dossier technique pour confort domestique ont connu de port. le professionnel, présentant le e leur révolution au début du 19 vaste éventail des couleurs, tex- siècle avec la généralisation du tures et structures qu'offrent les poêle et de la cuisinière en fonte. pierres et marbres wallon. Toutes les classes sociales sont concernées. Bruno GUIDOLIN, documentaliste au CLADIC A travers cet événement, c’est aussi une industrie qui prend son essor dans tout le pays et plus 21 MULTIMEDIA Un cédérom “Mémoires Industrielles”

A l'initiative de la Maison des Il existe un nombre infini de situations, sieurs niveaux, ces ateliers ne répondent Sciences de l'Homme de Paris, en où on observe un état plus ou moins plus aux besoins actuels d'aménagement partenariat avec le Ministère de la avancé de destruction, révélant en même des sites qui voient la verticalité céder à Culture, la DRAC (Direction temps l'attitude que l'on a eue à l'égard l'horizontalité, bien que des architectes Régionale des Affaires Cultu- de ce legs de l'industrie. Si l'industrie a élaborent des projets de reconversion relles) Rhône-Alpes et le disparu d'un territoire, c'est peut-être avec des aménagements multimodaux. concours de la Ville de Lyon, la parce que l'activité s'est déplacée dans Fondation Berliet a participé à une autre région, parce que la ville a On peut alors offrir à l'usine des usages l'édition d'un coffret intitulé voulu s'embellir ou s'assainir, ou qu'il y a autres qu'industriels : habitat - usine “Mémoires Industrielles” com- appropriation à des fins domestiques. d'aiguilles de Mérouvel à L'Aigle, manu- prenant deux disques CD-Rom : Même dans ce cas, l'industrie peut factures de tabac à Issy-les-Moulineaux, demeurer présente dans la mémoire ou Nancy, Marseille, Nantes, Bordeaux, Disque I : “Patrimoine l'imaginaire des habitants du lieu, alors Lyon, Toulouse – établissements publics Industriel en France” qu'il y a parfois dénégation. (archives du monde du travail à Roubaix, école d'architecture à Rouen, faculté de Sous la direction scientifique de Entre la vie et la mort, la mémoire de droit à Lille, usine d'allumettes à Aix) – Jean Pierre Daviet et Yannick l'industrie peut être de différentes ou plus fréquemment musées – forge Lecherbonnier, de l'Université de natures : d'Aube, taillanderie de Nans-sous- Caen, avec la collaboration des Sainte-Anne, corderie Valois à Notre- différentes DRAC en France, ce - souvenir de toponymie, noms de rue, de Dame-de-Bondeville – dans lesquels les disque explique la démarche de la villages ou hameaux : la glacerie, la ver- machines sont parfois remises en fonc- recherche en matière de patri- rerie, les forges, le martinet, tionnement. moine industriel en France. Il - friche, comprend 329 sites repris sur En reconnaissance d'un intérêt histo- une carte et 1.300 clichés légen- - usine en cours de démolition, rique, d'une qualité architecturale, de la notoriété d'une production, accompa- dés en provenance des services de - ruine plus ou moins à l'abandon, ruine, gnement d'une volonté de valorisation, l'inventaire général et un heure mais protégée, visitable parfois, partiel- quinze minutes de vidéo. le patrimoine industriel peut être pro- lement restaurée, tégé au titre de la loi sur les Monuments Les auteurs distinguent le patri- - bâti conservant, au prix de quelques Historiques, cette protection concernant moine matériel du patrimoine transformations, la même activité : la parfois des usines toujours en activité, immatériel. J'ai relevé ce texte question est de savoir pourquoi juste- comme l'usine Bohin à Saint-Sulpice- sur le patrimoine matériel : ment on l'a conservé et adapté, ce qui sur-Risle, ou la filature, puis usine n'est pas indifférent, d'ouate, à Athis-de-l'Orne. La protection - Entre conservation et destruction relève tantôt d'un classement, tantôt - bâti reconverti dans une autre fabrica- d'une inscription. Elle est parfois due à la tion industrielle : on a toujours conservé Le patrimoine industriel tel qu'il s'offre présence d'un élément architectural par- et adapté, pour des raisons d'économie, aujourd'hui à nos yeux peut être vivant, ticulier. y compris d'une vie détournée de sa fonc- - bâti ayant été transformé pour un usage tion première, mais aussi désaffecté ou en non industriel, et là tout est concevable. Cet état de plus ou moins grande des- attente d'un hypothétique devenir. Lors- truction n'est pas neutre quant à ses qu'elle cesse toute production, l'usine, - Conservation: que faire de effets sur la mémoire collective. Cer- plus que tout autre élément du patri- l'usine arrêtée ? taines destructions, d'abord bien accep- moine, est menacée. tées peuvent ensuite donner lieu à des D'une façon générale, l'usine arrêtée et regrets : ce fut le cas dans des lieux hau- La nature a tôt fait de rependre ses droits tombant peu à peu en ruine est porteuse tement symboliques comme Longwy ou et la rouille trouve ici une victime de de valeur négative, d'où l'alternative : la plaine du Creusot. C'est pourquoi on choix. Très souvent se posent aussi des tout démolir, ou réhabiliter. cherchera alors parfois à reconstruire une problèmes de sécurité, voire d'environ- mémoire matérielle, en créant un musée, nement. L'usine en ruine ne dégage pas Démolir, c'est faire disparaître tout lien une initiative émanant souvent de la toujours le charme et l'attrait de la mine physique avec les références mentales municipalité ou d'une association : à romantique que peuvent offrir, de toujours présentes. L'usine désaffectée Montceau-les-Mines, par exemple, on a manière plus immédiate, les vestiges peut faire l'objet d'une reconversion commencé par raser le chevalement, d'un château ou d'un édifice religieux. La industrielle, mais, pour les ateliers du pour créer un musée de la mine quelques nouvelle ruine d'aujourd'hui peut susci- XIXe siècle, de telles reconversions ne années plus tard. C’est tout un travail de ter l'émotion, inspirer l'imagination, sont pas toujours faciles : dispersés à la recomposition de l'imaginaire social qui mais elle peut aussi être perçue comme campagne, souvent éloignés des grands se fait alors par les voies les plus un reproche et avec gène. axes de circulation, construits sur plu- sinueuses.

22 Produits et marchés Menier, la cigogne des Potasses d'Alsace, fabrications. Il existe des produits relati- l'étoile de la bière d'Armentières. vement standardisés, des produits inno- Le patrimoine matériel ne comprend pas vants, d'autres enfin sont produits à la seulement des sites et des machines. Dernier cas de figure, la mémoire reste demande d'un client particulier.” vivante en ce sens que le produit reste Ce patrimoine est aussi constitué de pro- fabriqué dans la même région, même les disque 2 : “Berliet le duits destinés à des marchés. S'il a existé techniques de production ont évolué. camion français est né une industrie, c'est bien parce qu'elle Même en cas de restructuration indus- à Lyon” était en mesure de fournir des biens trielle et financière, on veut conserver considérés à leur époque comme utiles une marque, qui signifie quelque chose Sous la direction de Patrick Fri- ou désirables pour tel ou tel type de mar- pour le consommateur. Ainsi, les Bugatti denson, directeur d'études à e ché, sans négliger les industries dites de du XXI siècle produites sous la férule du l'Ecole des Hautes Etudes en luxe. Il serait frustrant de s'intéresser à géant Volkswagen seront construites à Sciences Sociales de Paris, il un lieu de production sans avoir une idée Molsheim, patrie de leurs glorieuses raconte l'histoire automobile à de son utilité pour la société, et sans ancêtres. prendre en compte les chemins qu'a suivi travers l'expérience originale de le produit pour arriver jusqu'à un Comprendre le patrimoine industriel la Fondation Berliet. consommateur plus ou moins lointain. amène nécessairement à s'intéresser à la vie des objets, même apparemment ano- Il est composé de nombreuses On peut s'interroger d'abord sur le lieu dins, dans une histoire de la consomma- interviews, d'une base de données où on peut voir ces produits, et plus lar- tion. Quand sont-ils apparus sous une de 1.100 photos, catalogues, gement sur les lieux de mémoire de ces certaine forme ? Et pour qui ? Quel a été affiches et de 20 films publici- produits. Dans certains cas, un ancien leur rayon de diffusion ? taires d'époque. site productif est devenu musée indus- triel. Dans d'autres, le musée regroupe Dans de nombreux cas, comme l'auto- Le coffret est disponible au prix des collections spécifiques d'objets sans mobile, par exemple, celle-ci a été pro- de 38 € + frais d'envoi auprès de être installé pour autant dans une gressive, la demande ayant d'abord été le SYRINX, 4 rue Gabriel Péri, ancienne usine. Parfois, ces objets indus- fait d'une élite. Les économistes du XIXe F-78220 Viroflay – Tél. : 01 39 triels sont visibles dans un siècle emploient l'expression de luxe 07 26 26 – Fax : 01 30 24 49 43, paysage : tuyauteries, éléments de démocratique pour dire qu'une diffusion ou auprès de la FONDATION poteaux et de ponts, plaques et colonnes est en cours, au fur et à mesure d'un DE L'AUTOMOBILE MARIUS métalliques, parfois simple plaque abaissement du coût de fabrication, insé- BERLIET, 39, rue Esquirol, F-69 d'égout, revêtements de murs et de toi- parable du progrès technique. Des phé- Lyon. tures... Ils peuvent être aussi monuments nomènes de substitution ont eu lieu, par sans fonction ni vocation industrielle, exemple avec les matières plastiques ou NB : J'en possède un que je prê- mais utiliser des produits industriels : les textiles synthétiques. terai volontiers pour le visionner. verrières, décors ou mobiliers... L'étude des produits ouvre trois perspec- Ces objets font parfois directement par- tives. Bruno VAN MOL, tie du site industriel : ils sont alors che- Président minées ou immeubles et utilisent des La première est relative à l'histoire de la matériaux : tuiles, ardoises, briques- vie quotidienne et de la civilisation fabriqués non loin de là. En ce sens, le matérielle, dans la mesure où on veut bâti peut être considéré comme produit savoir ce que l'industrie a changé dans la industriel, tout comme la ville elle- vie des hommes : alimentation, vête- même... Dans d'autres cas, ces objets cir- ments, maison, culture et loisirs, dépla- culent sur un marché, et intéressent le cements... monde des collectionneurs : porcelaine, faïence, grès, briques estampées du XIXe La deuxième touche les transports car, siècle, objets de verre, montres et hor- plus les marchés s'élargissent, plus les loges, bijoux, vieilles bicyclettes, motos localisations industrielles sont influen- et voitures, anciens appareils photos... cées par la qualité des liaisons avec des L'intervention de l'antiquaire démontre centres consommateurs, par mer, voie la valeur marchande du produit, mais fluviale, chemins de fer, routes. En sché- c'est aussi le signe du travail de mémoire matisant, on peut dire que l'on a d'abord effectué autour de l'objet. produit un peu de tout dans chaque région, puis les régions se sont spéciali- Parfois, le produit subsiste à travers l'ico- sées, et enfin, on est passé au stade de la nographie ou la publicité qui l'entoure : mondialisation. affiches, marques et logos... Autant de figures emblématiques devenues La troisième renvoie au monde de la pro- mythiques dans l'imaginaire du grand duction : la qualité du produit, le soin public : le Bibendum de Michelin, le apporté à satisfaire des clients ne sont pas double chevron de Citroën, le chocolat à séparer de l'organisation même des

23 NOUVELLES Nouvelles du SIWE

Nos confrères du SIWE vzw Les communications suivantes Flandre dans cette assemblée (asbl) (Stichting voor Industriëlle furent données. internationale). en Wetenschappelijke Erfgoed – Fondation pour la connaissance Andres KLEINERT, Johann L’article donne un aperçu de la du patrimoine industriel et Salomo Christoph Schweigger vie et des travaux de Polydore scientifique, plate-forme du (1779-1857), un précurseur alle- Lippens (1810-1889). Comme patrimoine industriel en Flandre mand méconnu dans le domaine des collaborateur du Musée de L'In- et à Bruxelles, subventionné par machines rotatives électriques. dustrie à Bruxelles, il a construit la communauté flamande) en 1841 une première locomo- publient une revue SIWE Maga- Philippe TOMSIN, Faits et ques- tive électrique. zine ainsi qu’une lettre trimes- tions à propos de Zénobe Gramme et trielle SIWE Nieuwsbrief, toutes de ses recherches et inventions. Parmi ses nombreuses inven- deux fort intéressantes (et com- tions, mentionnons la sonnette Jean-Claude BAUDET, Electricité préhensibles pour ceux qui électrique et le télégraphe élec- et revues spécialisées au temps de manient tant soit peu la langue trique qui porta son nom. Zénobe Gramme. flamande). Lorsqu’en 1850 l’Etat Belge dota Roger PIERARD, La Marine, Le SIWE anime aussi un intéres- les lignes de chemin de fer de utilisatrice de la dynamo Gramme. sant site internet www.siwe.be, télégraphes électriques, il porta sur lequel ils passent en revue (en son choix sur l’appareil de Lip- René LEBOUTTE, L'Industrie flamand seulement, pour le pens. Il fut aussi co-fondateur de électrique dans l'économie européenne, moment) leurs publications. la Société Belge d'électriciens. 1860-1914. Je relève cette recension d’une Au Musée de l'Industrie, Floris Jacques LE BRETON, La conser- publication dont je vous livre une Nollet était aussi actif : il projeta vation et la restauration des machines traduction personnelle (j’espère avec succès une première électriques. qu’elle ne l’est pas trop !). machine magnéto-électrique. Cette machine fut construite par Pol PIROTTE, Hier, aujourd'hui, “Zénobe Gramme, Journées Van Malderen dans les ateliers demain. Quelques considérations d'étude Amay, 26-27 avril parisiens de la Société l'Alliance, techniques inspirées par l'invention de 2001”, Bulletin scientifique de l'As- où en 1860 Zénobe Gramme vint Zénobe Gramme. sociation des Ingénieurs Electriciens en service comme ébéniste ! sortis de l'Institut Montefiore, 2002, Louis MARAITE et Christine Un exemplaire d’une de ces 3-4. RASIR, Parcours Zénobe Gramme. machines construites par l'Al- La Route de l'Electricité. Ce numéro spécial du Bulletin liance se trouve au Deutsches Museum à Munich. comprend les textes des princi- André CRESENS, Polydore Lip- pales communications données pens, acteur méconnu sur la scène du Bruno VAN MOL durant les deux jours du colloque Musée de l'Industrie. international qui s’est déroulé à Amay en 2001 à l’occasion du Cette étude est basée sur les centième anniversaire de la mort archives du Musée des Postes et de Zénobe Gramme, fabricant à Télécommunications récemment l’échelle industrielle de la pre- consultées par l’auteur (président mière dynamo. du SIWE, qui représentait la

24 La création du canal du Centre ETUDE

Aussi loin que l’on remonte dans la libre circulation de la produc- la bonne marche des armées de le temps, le problème des voies de tion régionale (céréales, pierre, l’Empereur. communication a toujours été chaux, bois, charbon, etc.) est d’actualité, ne fut-ce que pour des entravée par une multitude de Le temps des projets raisons économiques. Aux XIIe et contraintes. Par exemple, le droit XIIIe siècles, Bruges et Gand, de péage réclamé par les com- Il s’agissait, dans un premier reliées à la mer par des canaux, munes pour l’utilisation de temps, de relier les bassins indus- connurent un développement “pavés” routiers. triels de Mons et de à économique important. Toute- l’ensemble du réseau fluvial vers fois, il faudra attendre la fin du La création d’un canal favoriserait Paris, via l’Escaut et la Sambre. XVe siècle pour que des régions considérablement l’écoulement Pour ce faire, plusieurs projets situées à l’intérieur du pays fas- de la production et toute la pro- furent élaborés. Le premier à être sent de même. A titre d’exemple, vince du Hainaut bénéficierait de mis en chantier fut celui du canal on citera le Borinage qui expor- l’accélération des échanges com- reliant Mons à Condé. Com-

Strepy-Bracquegnies. Le bâtiment des machines et l’ascenseur n° 3 (photo : R. Willame) tera son charbon (découvert au merciaux. Malheureusement, si mencé en 1807 et ouvert partiel- XIIIe siècle) vers les Flandres les idées sont nombreuses sous le lement en 1814, ce canal ne sera grâce à trois cours d’eau : la régime autrichien, rien de terminé que sous le règne de Haine, la Scarpe et la Lys. Vers concret ne sera fait et il faudra Guillaume Ier en 1818 . L’ingé- 1550, la Haine fut canalisée et attendre le régime français pour nieur Piou, véritable cheville pourvue d’écluses à Jemappes, que des études plus poussées ouvrière de ce tracé, rejoint Mons Saint-Ghislain et Boussu. Déjà, soient élaborées. Les guerres et Condé en ligne droite, favori- l’idée de créer un canal germait napoléoniennes et le blocus mari- sant de ce fait les bassins houillers dans l’idée de certaines personnes. time instauré par les Anglais ren- du Borinage, au détriment des dent nécessaire le développement charbonnages de Houdeng et du L’Europe du XVIIIe siècle est à d’un commerce intérieur, orienté Bois-du-Luc. l’aube de la révolution indus- vers les possessions françaises. trielle et déjà, les partisans de Pour des raisons militaires, le fer Une liaison Mons-Sambre sera “l’esprit nouveau” regrettent le et le charbon produits dans nos mise à l’étude, Napoléon voulant manque de canaux. Il est vrai que régions étaient indispensables à faire parvenir à Paris, grâce au

25 canal de Saint-Quentin, les deng et de Mariemont demande- de lutter efficacement contre la ardoises, fers, marbres et autres ront à être raccordés à ce dernier. concurrence étrangère, tant en produits des régions de Namur, La révolution belge stoppa pour France qu’en Belgique. Liège et Charleroi ; tout en pro- un temps projets et travaux. curant des débouchés aux mines Le 28 mars 1877, une délégation de Houdeng et de Mariemont. Avec l’instauration de l’Etat composée d’économistes et de En 1811, l’ingénieur en chef Belge, les négociations reprirent politiciens tente de convaincre Hagneau, fut chargé des études et en 1832, le projet définitif des Auguste Beenaert, alors Ministre définitives. Il retint deux projets. embranchements fut transmis au des Travaux Publics, du bien- Un tracé par la Trouille, résultant gouvernement. Commencés en fondé d’un canal dans la région d’une dérivation de la Sambre par 1836, les dits embranchements du Centre. Tentative honorable, Marpent, Grand-Reng, Givry, furent inaugurés par Léopold Ier, mais vouée à l’échec. Il est vrai Harmignies, Spiennes et Mons. le 5 août 1839. Par la suite, deux que la traversée de la région du Le canal aurait une longueur de hypothèses furent émises quant à Centre pose un problème en rai- 27 kilomètres et 33 écluses la création d’un nouveau canal. son d’une différence de niveau de rachèteraient une pente de 96 Elles seront totalement diffé- 96 mètres. Entre-temps, en mètres. Le second projet, plus rentes. La première, proposée par France, l’approfondissement de la audacieux, serait établi autour de Monsieur Dubois-Nihoul le 18 Seine entre Paris et Rouen, per- la Haine et du Piéton. Le tracé novembre 1840, devait théori- met une réduction du coût des partirait de la Sambre, près de quement aplanir tout différent transports, qui profite tout natu- Marchienne, remonterait le Pié- entre les régions du Centre et du rellement à l’Angleterre. Une ton vers Pont-à-Celles via Godar- Borinage, le nouveau canal les situation qui inquiète fortement ville pour ensuite traverser (sous desservant toutes deux. Long de les capitaines d’industries de la terre) la crête de Chapelle, avant 28 kilomètres et riche de 28 région de Charleroi. de rejoindre Mons par la Haine écluses, il devait passer par traversant ainsi les communes de Merbes-Sainte-Marie et l’abbaye En effet, la navigation entre Morlanwelz, Haine-Saint-Pierre, de Bonne-Espérance. La seconde Charleroi et Paris, par la Sambre Saint-Vaast, Obourg, Havré et hypothèse, plus élaborée, fut pro- et l’Oise, est souvent interrom- Nimy. Quarante-six écluses, répar- posée par l’ingénieur Vifquain, le pue. Le volume des exportations ties sur les 53 kilomètres du tracé, 9 février 1841. Le tracé du canal baisse considérablement. La solu- compenseraient une différence de partirait de Goegnies pour tion idéale à tous ces problèmes niveau de 24 mètres sur la Sambre rejoindre le canal de Mons par la serait la création d’un canal qui et de 91 mètres sur la Haine. Haine et le Thiriau. permettrait une meilleure expor- tation vers Paris et la Basse-Seine La désastreuse campagne de Rus- Vraisemblablement, il s’agit là pour les charbonnages du Centre sie et la chute de l’Empire qui de la toute première ébauche du et vers Bruxelles pour les mines s’ensuivit firent que jamais ces futur canal du Centre. Malheu- du Borinage. En 1879, Monsieur projets ne furent concrétisés. reusement, une fois encore, le Sainctelette, Ministre des Tra- Avec le congrès de Vienne de projet avorta. De 1841 à 1879, vaux Publics, décide d’élargir le 1814-1815, la Belgique est l’Etat Belge étudiera des solu- canal Charleroi-Bruxelles et de réunie à la Hollande. En 1826, tions alternatives au creusement faire la jonction entre la Sambre suite à la demande de Guillaume de canaux : créations de routes et et l’Escaut par le bassin du Ier, Rémi de Puyd étudie diffé- de voies ferrées. Centre. rents projets élaborés autour d’une modification du tracé par Le canal du Centre C’est à l’ingénieur anglais Edwin la Trouille. Deux d’entre eux par- Clark, qui a réalisé l’ascenseur tent d’Erquelinnes, passent par Après avoir joué un rôle impor- hydraulique d’Anderton, que Grand-Reng ou Peissant, pour tant sur le marché français, le revient l’honneur de présenter le rejoindre le canal Mons-Condé à charbon belge perd du terrain au projet définitif du tracé entre hauteur de Jemappes. L’infra- profit des houilles anglaises qui Mons et Houdeng. Les premiers structure maritime se développe envahissent le marché parisien en travaux de terrassement com- en Hainaut. Le canal Mons- 1859. D’autre part, les charbons mencent en juillet 1882. La pro- Condé est ouvert en 1814, la sarrois concurrencent les char- gression est lente, tant les diffi- Sambre est canalisée en 1825, les bons belges dans l’est de la cultés financières sont travaux de construction du canal France. Dès 1877, il paraît impé- nombreuses. Ainsi, à la fin de Charleroi-Bruxelles débutent en ratif d’améliorer les transports l’année 1883, si les travaux sur la 1827. Les charbonnages de Hou- par voies fluviales et ce, aux fins section comprise entre Mons et

26 Thieu sont bien avancés, rien elle l’est tout autant de par son entre Thieu et Bracquegnies, n’est encore mis en chantier entre aspect social. En 1886, le Parti l’apparition de fissures dans l’as- Thieu et La Louvière. En février Ouvrier Belge favorise la création censeur n°4 à Thieu, etc. Malgré 1884, les plans définitifs de l’as- des “Ligues Ouvrières”. Création tout, les travaux progressent et censeur n°1, conçu par la Maison rendue d’autant plus facile que le lorsqu’en août 1914, les troupes Clark, sont terminés. La société taux de chômage et la misère sont allemandes envahissent la Bel- Cockerill () réalise rapide- aussi importants que les salaires gique, les trois derniers ascen- ment les premiers essais des sont bas. Des dissensions internes cylindres en acier. Et pourtant, la au P.O.B. favoriseront la création, seurs sont pratiquement achevés. décision de construire l’ouvrage le 14 août 1887, du Parti Socia- Il ne fallut pas longtemps aux d’art n’est pas encore tombée, le liste Républicain Belge et ce, à gouvernement étant partagé par l’initiative d’Alfred Defuisseaux. autorités allemandes pour com- le fait des élections législatives Celui-ci préconisera une grève prendre tous les avantages du 11 juin 1884. générale pour l’obtention du suf- qu’elles pourraient tirer d’une frage universel. voie de communication comme Ce n’est que le 31 décembre de la le canal du Centre : transport de même année que De Marceau, C’est donc dans une atmosphère matériel militaire vers la France, Ministre des Travaux Publics tendue que le 4 juin 1888, S.A.R. etc. En août 1917, le canal était dans le gouvernement formé par Léopold II viendra inaugurer l’as- ouvert à la navigation sur toute sa Auguste Beernaert, annonce enfin censeur n°1. Lors du retour du longueur. Les années qui suivi- aux représentants des industries souverain vers la gare de Hou- rent la libération virent des charbonnières que la question des deng, Paul Conreur s’écrie : “A ascenseurs est résolue et que bas le roi ! A bas Cobourg ! Vive industries de pointe s’établir à l’étude de la section de La Lou- la république ! Vive le suffrage proximité de la voie navigable : vière est terminée. Quatre mois universel !”. L’agitateur, l’un des sidérurgie, cimenterie, construc- plus tard, le 1er mai 1885, les ter- lieutenants d’Alfred Defuisseaux, tion automobile, etc. ! (Le pré- rassements et la maçonnerie de est immédiatement arrêté et sent article a fait l’objet d’une l’ascenseur n°1 sont confiés à la transféré devant les Assises du première diffusion dans le jour- firme Martiaux, Hanssens et Hainaut à Mons. Le 17 octobre nal “La Nouvelle Gazette, édition Bauwens, pour la coquette 1888, Paul Conreur est accusé du Centre”, le 24 mai 1986.) somme de 705.000 francs de d’outrage à Souverain et de délit l’époque. Il faudra encore politique. Il sera condamné à un A lire : Votre canal a cent ans, La attendre six mois pour que la réa- an de prison avec sursis et à 300 Louvière, Ecomusée régional du lisation de la partie métallique de francs d’amende. Centre, 1985 et Les canaux et che- l’ascenseur soit confiée aux usines mins de fer charbonniers dans le Cockerill. Le coût des travaux est Il faudra attendre dix-neuf ans Centre, t. 1 : les canaux, publica- alors évalué à 862.000 francs. En après l’inauguration du premier 1887, les travaux sont suffisam- ascenseur pour que la liaison tion du Cercle d’Histoire et de ment avancés et l’ascenseur fait Mons-Charleroi soit définitive- Folklore Henri Guillemin, l’objet d’excursions. ment terminée. Diverses raisons Haine-Saint-Pierre, 1982. furent invoquées pour tenter Si la région du Centre est au cœur d’excuser ce retard : l’impossibi- Alain DEWIER, de l’actualité du fait des travaux, lité de retenir l’eau dans le canal Ecomusée régional du Centre

“Weet je nog, koempel ?” PUBLICATION

Parution au Pays-Bas des premiers Le deuxième fascicule traite de la vie face, les rapports entre patrons et numéros d’une très belle série de 18 au fond de la mine et est l'œuvre de ouvriers, la mono-industrie, la for- fascicules destinés au grand public, Jan Finger. mation professionnelle, l'immigra- consacrés à l’histoire des mines du tion, les guerres, les corons, la for- Limbourg néerlandais. Les thèmes abordés ensuite sont, mation du charbon, les fermetures et dans l'ordre de parution, Sainte- enfin l'héritage. Le premier fascicule, vendu au prix Barbe, la découverte du gisement, la de 3,95 euros, traite de la vie quoti- sécurité, les techniques souterraines, dienne dans les familles de mineurs. les croyances et les associations, le Il est rédigé par Jac van den commerce du charbon et le chauffa- Boogard. ge au charbon, les techniques en sur-

27 PATRIMOINE INDUSTRIEL WALLONIE-BRUXELLES

Association sans but lucratif fondée en Bulletin périodique trimestriel 1984 Publié avec l’aide de la Communauté Française Siège social : Halles du Nord Rue de la Boucherie, 4 Cotisations annuelles : B-4000 LIEGE (Belgique) Membre individuel effectif : 12,50 € Tél. : 04/221.94.16 ou 17 Associations culturelles : 18,50 € Fax : 04/221.94.01 Associations commerciales : 25 € Membres protecteurs : 75 €

Conseil d’administration A verser au compte 068-2019930-29 de Patrimoine Industriel Wallonie-Bruxelles, Rue de Feneur 71, Président : Bruno VAN MOL B-4670 BLEGNY Vice-présidents : Jean-Louis DELAET Claude GAIER Editeur responsable : Secrétariat : A.S.B.L. Grand-Hornu Images Claude GAIER (Maryse WILLEMS) Rue F. Lapierre, 35/11 Trésorier : Jacques CRUL B-4620 FLERON Membres : Jean DEFER, Tél. : 04/221.94.17 Claude DEPAUW Fax : 04/221.94.01 José DUPONT [email protected] Claude MICHAUX Guido VANDERHULST Secrétariat de rédaction : Guénaël VANDE VIJVER Guénaël VANDE VIJVER Jean-Jacques VAN MOL Rue Meyerbeer, 51 1190 Forest Le conseil d’administration et GSM.: 0475/33.49.28 Tél. : 02/347.71.78 le secrétariat de rédaction Fax : 064/21.26.41 vous présentent [email protected] ses meilleurs voeux pour Lionel VANVELTHEM l’année 2005 ! [email protected]

TABLE DES MATIERES

Editorial, par B. VAN MOL 2 Agenda 2 Etude : Une industrie méconnue : le textile en Wallonie et en Hainaut - 2e partie, par C. DEPAUW 3 Etude : Joindre la Meuse à l’Escaut : un projet liégeois de 1801 – 1ère partie, par C. GAIER 8 Reportage : Voyage en Hollande avec le SIWE les 15 et 16 mai 2004, par B. VAN MOL 13 Brève : Les salines “Lion” en Grande-Bretagne 14 Reportage : Une visite à Rémicourt, par J.-J. VAN MOL 15 Brève : En Allemagne, le patrimoine industriel des biscuiteries Bahlsen 16 Colloque : De l’usine au musée – Colloque au Grand-Hornu, le 14 septembre 2004, par B. VAN MOL 17 Reportage : Les hauts-fourneaux des anciennes usines Boël à La Louvière, par T. DELPLANCQ 18 Publications, par B. GUIDOLIN 20 Multimédia : Un cédérom “Mémoires Industrielles”, par B. VAN MOL 22 Nouvelles : Nouvelles du SIWE, par B. VAN MOL 24 Etude : La création du canal du Centre, par A. DEWIER 25 Informations pratiques 28 Table des matières 28

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