Actes du IV" colloque Méga-Tchad CNRS / ORSTOM Paris, du 14 au 16 septembre 1988

Volume JI

LES RELATIONS HONIIMES-FEMMES DANS LE BASSIN DU LAC TCHAD Actes du IV" colloque Méga-Tchad CNRS / ORSTOM Paris, du 14 au 16 septembre 1988

Volume II

LES RELATIONS HOMMES-FEMMES DANS LE BASSIN DU LAC TCHAD

Textes réuniset présentés par Nicole ECHARD

Editions de I'ORSTOM INSTITUT FRANçAIS DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE POUR LE D$VELOPPEMENT ENCOOPtRATION Collection COLLOQUES et SÉMINAIRES PARIS 1991 La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les ctcopies ou reproductions strictement réservées l'usage privé du copiste et non desti- nées B une utilisation collecthe~~et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, crtoute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteurou de ses ayants droit ayants cause, est illicites (alinéa1 er del'article 40). Cette representation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefa~onsanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

ISSN : 0767-2896 8 ORSTOM 1991 ISBN : 2-70991 O1 7-9 (Edition complbte) ISBN : 2-7099-1019-5 Nolume II) SOMMAIRE

Avant-propos Daniel BARRETEAU etHenry TOURNEUX ...... 7

Introduction Nicole ECHARD ...... 1 1

Tendancesactuelles dela recherche en anthropologie des sexes Nicole-Claude MATHIEU ...... 13

Aman and a woman, or gender marking in a nominal system ZygmuntFRAJZYNGIER ...... 3 5

"Femme"et"homme" en tchadique, en comparaison avecles autres langues chamito-sémitiques Dymitr IBRISZIMOW ...... 47

Le sort des femmesdans les contes duTchad HerrmaM JUNGRAITHMAYR ...... 5 9

Lemariage heureux et le mariagemalheureux traversquatre contes peuls duCameroun Ursula . BAUMGARDT ...... 7 1

Women in the Borno State Civil Service : Dividends orlosses in investment inhuman capital P. CHIKE DlKE ...... 123

Bodydecorations, male-female relations and group identityamongst the hi11 dwelling Koma people of Joseph EBOREIME ...... 159

Le soro ourituel d'initiation du couple chez les Foulb6 du Diamaré(Nord-Cameroun) ABDOULAYE OUMAROU DALE ...... 203 "Les homes meurenttoujours A cause des femmes". Lesrelationsentre les sexes chez les Masadu Tchad ...... 225

Un pour trente, tontes pour un : Lagrande polygamie des princes montagnards -Diamar6 Jeanne-Françoise VINCENT ...... 249

"Mariages de la maison" et "mariages de labrousse" dans les ssciBt6s peule, WoDaaBe et Kanuriautour du lac Tchad etee BBVW ...... 265 AVANT-PROPOS

Daniel BARRETEAU Henry TOURNEUX ORSTOM, LATAH CNRS, LACITO

Lequatrième colloque du Réseau interna- tionalrecherchesde pluridisciplinaires sur l'histoireet lapréhistoire dans le bassindu lac Tchad (Méga-Tchad) étaitorganisé autour detrois thèmes majeurs : 1. Laforge et les forgerons(responsable : Yves MOAINO) 2. Lesrelations hommes/femmes (respon- sable : Nicole ECHARD) 3. Histoireéconomique (responsable : Jean B OUTRAIS).

Les articlesrésultant de ce colloque ont été répartis en trois volumes.

Lors du colloque, une exposition,dirigée par Charlotte von GRAFFENRIEDet Louis PERROIS, montraitdivers aspects de lapoterie dans cette région,reprenant un thèmedéveloppé lors des colloques précédents. Sept films ont étévisionnés surlapoterie, lamétallurgie etles relations hommes/femmes. Lecolloque était organisé conjointement par le Laboratoire darchéologie Tropicale et d'Anthro- pologie Historique (LATAH) de l'ORSTOM, et par le Laboratoire de Langues et Civilisations à Tradition Orale (LACITO) du CNRS. 8

Les personnessuivantes ontparticip6 B l'organisation du colloque : - Daniel ]E3ARRETEAU (ORSTOM, LATAH) - JGBI BOUTRAIS (ORSTOM, DCp. MAA) - Nicole EC M[AR D (CNRS, Laboratoirede sociologie et geographie africaines) - Charlottevon GRAFFENRIED (MusCe d'histoire de Berne) lain MARLIA@ (ORSTOM, LATAH) - Yves MORINO (CNRS, LACITB) - Louis PEWROIS WSTOM, LATAH) - Henry TOURNE (CNRS, EACITB).

Les trois pr6cCdent.s colloquesont d6jB fait l'objet de publications dans la collection "Colloques et Seminaires" de I'ORSTOM : 1. Langues et culturesdans le bassin drr lac Tchad, 1977 ; 2. Le milieu el les hommes : recherches comparatives et historiquesdans le bassindu lac Tchad, 1988 ; 3. Relationsinteredhniques cultureset matirielles dans le bassin du lac Tchad, 1990.

Environ 138 personnesont particip6 B ce colloque,manifestant un r6el interze pour les th6mesabordes comme pour activitesles g6nCrales du reseau. 9

Cartegénérale

I I I / / / H / /- P/

.. Ati..:.:.:.:...:.:,:.:.:...... _...... -:.*.*’.Mongo

CAMEROUN

11

INTRODUCTION

Nicole ECHARD CNRS, Paris

Ladiversité des communications présentées lorsjournéelade consacrée auxrelations hommes-femmesrend compte dela richesse des recherchesmenées surun thèmedont l'important développement,ces vingt dernières années, est dû aurenouveau des mouvements defemmes. Le caractèrerécent des études dans ce domaine a conduit à faireprécéder les contributions d'un texte gCnéral surles tendances actuelles de la recherche en anthropologiedes sexes qui met en perspectivechacune des contributions présentées.

Deuxtextes relèvent de la linguistiqueet deuxcontributions empruntent à littératurela oralede quoi alimenter leur propos. Les autres étudesrendent compte derecherches anthropo- logiques, la plupartd'entre elles portant sur les différentesquestions posées par le mariage,lieu socialpar excellence du traitementet de la mise en formedes rapports entre les femmes etles hommes.

L'ensembledes textes, qui tous rendent comptederecherches originales, apporte des Cléments d'informationet decomparaison indis- pensables à la compréhensiondes rapports sociaux de sexe,contribuant ainsi audéveloppement autonome de ce champ d'étude.

13

TENDANCESACTUELLESDELA RECHERCHE EN ANTHROPOLOGIE DES SEXES *

Nicole-ClaudeMATHIEU E.H.E.S.S.,Paris

Qu'unejournée colloquecede soit spécialementconsacrée à l'analysedes relations hommes-femmesatteste légitimitélade que commence à acquérir ce sujet en tant que domaine derecherche autonome. Il faut en porterle crédit à l'existence depuis vingt ans ensciences sociales de ce qu'on appelle les "Wornen's Studies" (études sur/parles femmes)dont l'impulsion de départ estobjectivement liée à (re)naissancela des mouvementsféministes en Occident, mais aussi, il faut le souligner,dans Tiersle Monde.Non qu'avant on neparlait pas des femmes, mais en annexediscoursdu central, commeou un "problème". De même que les mouvementsNoirs ont fait comprendre que le"problème noir" était un problème blanc, on commence à saisir que le "problème des femmes'' estcréé par les hommes - comme il apparaîtra ici à travers la communication

* Cette communication introductive h la journée sur "les relations hommes-femmes" du . 4ème Colloque Méga-Tchad reprend quelques points des entrées "Différenciationdes sexes" et "Etudes féministes et anthropologie" h paraître dans le Dictionnairede l'ethnologie etde l'anthropologie (A.I.D.A.,ed.) auxPresses Universitaires de France. de P. CHIKE DZKEsur les femmes dans le Civil Service de 1'Etat de Dans toutes les disciplines, I'Ctape premihe des wowi@~psStledies a éte une critique mCtlho- dologique de l'id6ologie sexiste de la "science" et sa mise en rapport avec les structuresd'oppression desfemmes dans les sociCtCs, principalement occidentales, qui la produisent : les $tades Eministes sont aussi une des barmchca, mGcomue, de la sociologie de la connaissanace. En ce qui concerne l'anthropologie, en &idence de l'androcentrisme (male bi pensGe scientifique y etait d'autant pluscruciale que, discours produit par un certaintype de sociCtCs, elle est aussi un discours sur des ssciCtCs certes 'tautres" maissouvent elles-m2mes androcenrxiques - ce qui pose un problbxede mkthode par le risque de renforcement entre I'idCologie des chercheurs et cellede la sociCtC Ctudi6e. Nombre d'6tndes ont montre que - quels que soient lesdomaines trait& (6conomie, parent6, sexualit6,politique, symbolisme, etc.) et quelles que soientles orientations theoriques des auteurs(marxistes, structuralistes, ou autres) - des mCcimismes dti~vi~ibili~~~i~~des femmes sont B I'BEuvre, tant dans recueille des donnCes (descriptions incomplgtes ou .hadequatesdes activit6s fhinines) que dans la formalisation (pr6sentationdes "faits" , langage , concepts ,

IP. CWKE BME, "Women in the Borno State Civil Service - - dividends or losses in investment in human capital"; dans ce volume, pp. 00-00. 15

théorisation). On amontré que les femmes sont invisibilisées à deux niveaux : . a) entant qu'actrices sociales (et même en tantqu'êtres humains) ; b) en tant 'que groupe socialement construit, cequi est corollaire de leur survisibilisation commeêtres pensés plus ''naturels" que les hommes(notamment dans leur rapport à la procréation). En analysantEn ambiguïtésles leset contradictionsdans les textes ethnologiques, on constateuneasymétrie danstraitement le méthodologiqueaccordé aux deux sexes etune absenced'intégration intégrationuneou inadéquatedes femmes dans les modèles théo- riques comme dans les descriptionsempiriques desformations sociales (pour une présentation de cescritiques, cf. MATHIEU 1985b). Desproblèmes généraux (tel celui des rapportsentre science, idéologie structureset sociales, ou celuide . la relationdes catégories dominées à l'idéologiedominante) et des questions propres à ladiscipline (notamment lerapport cognitifetpolitique del'ethnologue avec son terrain)sont ainsi réactualisés par ces études critiques.Mais, accusant l'ethnologie de déformer parandrocentrisme la réalitédes sociétés, "les" féministesoccidentales sont accusées enretour de projeterpar ethnocentrisme "leurs problèmes" sur ces mêmes sociétés.Elles seraient racistes (voir les débats sur lesmutilations sexuelles ; cf. ECHARD& MATHIEU1982, et MODEFEN 1982) et même sexistes (car se centrant sur les femmes). .. OP, s'il estn6cessaire de mener des&tudes sur lesfemmes, c'est bien pour contrebalancer le biaisandrocentrique et parvenir B uneveritable ie des sexes et de lasocidte globale. Une part du travail a consist6 depuis vingt ans il rehabiliterles femmes comme actrices sociales : r6vCBer leurimportance, sous-estims5e ou m6connuejusqu'alors, dans production,la les strat6giesd'alliance, les rituels,rappeler l'influencepolitique &onorniqueet des asso- ciationsdefemmes (surtout enAfrique), etc. Beaucoup de ces Ctudes tendent 5 montrer que les femmes ne sont pas "quedes pions" dans un jeu masculin. La question me sembleplus complexe : dans nombrede sociCtCs, lesfemmes son t des pions,mais on ne peutpleinement le dCmontrer qu'en les prenant comme sujets de l'malyse ... Deuxi$me point : les 6tudes en ce domaine sont menCes principalement par des femmes, non en tant que biologiquement telles mais en tant. que membresconscients d'un groupe opprime sur le crithre du sexe. E'expBrience "minoritaire"fournit unedistanciation par rapport B lavision andrs- centrique et, d6passant unrelativisme culturel commode, une acuit6 de perception duvCcu et des modalitCs souventvoilees del'oppression dans d'autres soci6tCs. Ceci n'invalide.pas les csnnais- sances masculines sur l*exereiee du pouvoir : les hommes sont souvent mieux il rnhne de saisirles mCcanismes del'oppression. Bref, position,la objective et subjective,de l'ethnologue dans le champdes rapports de sexede sa propre soci6t6 est un des cadres sociaux de la connaissance. 17

Enfin, il est nécessaire de mener ces études du point de vue desfemmes (y comprispar la compréhension des formesaliénées de leurvision dumonde ; cf. MATHIEU 1985a), et pour elles, dans un soucidéontologique : parses écrits etson attitudesur le terrain(attention ou non à ce que

disent , lesfemmes de leur oppression, à leurs résistances, à leursdemandes), quel groupe de sexel'ethnologue choisit-il/elle servirde ? L'anthropologieappliquée estaussi encause, lorsqu'ellecollabore à desplans de"dévelop- pement" qui négligentet aggravent letravail des femmesleurôtantencertaines formes d'autonomierenforçantenou desstructures patriarcalesexistantes (cf. ROGERS 1980). (Sur les relationsentre anthropologie et féminisme,cf. notamment ROSALDO 1980, DAGENAIS 1987, STRATHERN,1987, MOORE1988.) Au-delà du consensussur l'androcentrisme, il existeactuellement une diversitéde positions théoriques dansla réinterprétation desdonnées et l'orientationdes recherches nouvelles. Diversité quirappelle d'ailleurs les divergencesd'analyse de l'anthropologieprécédente. 1) Certainesétudes, d'inspiration fonction- naliste et encoretraditionnelle, voient l'idéologie androcentréedelaplupart des sociétés plutôt comme uneffet de surface et insistentsur le pouvoir"réel", quoique moins visible, des femmes dans la complémentaritédes sexes (qu'ellesoit conçuecomme symétrique ou asymétrique).Ici sont en cause les définitions du pouvoir, du statut, del'autonomie, etc. Mais la questionest-elle de savoir si lesfemmes ont "du" pouvoirdans le 18

domainequi leur est assigne (ce qui est presque toujoursincontestable) ou si elles ont sur les ho m me s et la sociCt6 le pouvoir de dCcisisn finale er globale qu'ils ont sur les femmes et la sociCtC ? 2) Une autretendance, d'inspiration neo- gelsienne,s'attache aux conditions d' I"in&galite! entreles sexes selon les socio-historiques(changements modesde de production,formation des classes, de I'Etat, destructurations dues B la colonisation,au capita- lisme, etc.). Sans nierladomination masculine dansnombre de ssciCtCs, elleaffirme l'existence de ssci6tCs Cgalitaires du pointde vue des sexes, surtout parmiles chasseurs-cueilleurs, ce qui est contest6 (cf. la polihique i suitl'article de LEA@oCK (1978) dans Current nthrogology). Cette tendance s'intkresse peu B la violence sexuelledes hommes envers les femmes, si ce n'estpour l'attribuer à desfacteurs externes dedestabi- lisationde ces soci6tCs. '3) Siles deux psemi&restendances tentent devisibiliser les femmes dansl'analyse des relations entre lessexes, une troisihe orientation tente plut6t de visibiliser l'ogpressi n des femmes B travers la c oy3 xtruc tion m6me de la diffkrence socialedes sexes. D'inspiration rnatkrialiste ou rxienne(plut6t que marxiste), . ellesouligne la n6cessit6 de d6passer la vision fiixiste des sexes fondCe surune conceptualisation naturaliste des femmes et sur 1'idCe d'une"naturalitC" de la procrhtion et dela divisionsexuelle du travail. Elle ne voit pas "l'universalité" (en 1'Ctat actuel des connaissances)de lasubordination des femmes comme inCluctable, mais s'attache -aux m6canismes 19

sociaux, à la foismatériels idéels,et qui définissent dialectiquement les deuxcatégories, ou "classes" de sexe : les modes de contrôle masculin surle travail, la sexualité et la conscience des femmes. D'unemanière générale, étudesles féministesont problématisé le concept de sexeen systématisantcelui de genre (gender) oude "sexe social",cequi a aussientraîné denouvelles recherchesen anthropologie symbolique quant à lavariabilité des agencements cognitifs de Z a catégoriede sexe selon les sociétés. L'ethnologiepermet d'illustrer lafragilité desfrontières établies entre les sexes leset multiplesmoyens d'éducation deetrépression qu'ellesimpliquent. Toutes lessociétés élaborent une"grammaire" sexuelle (du "féminin" et du "masculin"sont imposés culturellement à la femelleet au mâle) mais cette grammaire - idéelle et factuelle - outrepasse parfoisles "évidences" biologiques.Certaines sociétés reconnaissent et institutionnalisentlapossibilité d'unedivergence entresexe biologique sexeet social, comme l'attestentphénomènele desberdaches en Amérique ou lesmariages entre personnes de mêmesexe enAfrique. Et si nossociétés perqoivent ladifférence des sexes et desgenres commefondée "en nature" (d'où nécessitéla ressentieparlestranssexuels modernes de modifierleur sexe physique), biend'autres n'y voientqu'un avatar de . l'humanité.Ainsi, à l'origine, il y eut : descouples dejumeaux androgynes,pour les Dogon ; deux hommes dont l'unrendit l'autre enceint, pour les Inuit ; une femme qui donna seule fiaissmce à une fille,pour lesIroquois ; un homme seul (seconde version de la Cr6ation) dans la Gensse ; etc. Toutefois,nombre de rites rdactualisent la difference biologiqueet sociale des sexes et leur "comp16mentarit6'1, coque parfoiscomme kgdi- taire,au moins au niveausymbolique, plus souvent comme asymCtrique : ainsi les initiations fbminines,generalement centr6es surla procr6a- tion et le mariage,insistent-elles aussi sur l'ob6issance au mari. 111 ne s'agitdonc pas de simple diffkrenciatisn mais de hitr sexes, avecaffirmation de la prtvalence mascu- line. Les mythes tri% r6pandus d'un "matriarcat primitif", où lesfemmes posskdaient le pouvoir et ses instruments maiss'en servaientmal, traduisentet permettent dejustifier la supr6matie masculine - tout comme la trmsg primordiale qu'6voque Fsanpise DU chez les Masa du TchaB1. On voit peuls du Cameroun analyses par Ursula GARDT * que mEme lorsquele mariage est reprCsent6 "horscontexte" de la parente, comme un contrat entre dividus bas6 sur l'amour

mutuel et le respect- la religion, c'est surtout la femme quitransgresse la loi,et que cette loi est d'ob6issmce 2 P'homme.

IFranqoise DUMAS-CHAMPION, 'Les hommes meurent toujours il causedes femmes'. Les relations entre les sexes chez les Masa duTchad"; dans ce volume, pp. 06-00. 2Ursula BAUMGARDT, "Le mariageheureux et le mariage malheureux B traversquatre contes peuls du Cameroun"; dms ce volume, pp 68-00. 21

M ais le vieuxMaisle l'humanitérêvede - l'annulation de la différencedes sexes - trouve, conjoint à la réalit6 du pouvoir des hommes, son apogée dans l'affirmation de Z 'Onz n ipO te n e e masculine,qui'peutaller dans certaines populations(notamment Nouvelle-Guinée)en jusqu'àabsorber symboliquement les caractéris- tiques (et lessubstances mêmes) du sexeféminin. Il existediverses formes dénégationde de l'existencedes femmes, dont l'une consiste à leur refuserou à leurmesurer cequi constitue l'essentielde la définition sociale de la personne. Ainsi en est-il,chez les Moundang analyséspar Alfred ADLERl, de"l'exclusion clanique" des femmes (sauf à se "masculiniser", notamment dans un rite d'inversion - cas de la filleaînée lors des funérailles de son père). Dans le s or o desFoulbé du Diamaré,rituel d'initiation "du couple"décrit par ABDOULAYEOUMAROU DALIL~, on voit la jeune épouse - deplus, seule de son sexe - totalement subsuméeen lapersonne de son mari, dans un ensemble dont les règles et la finalité sont de fait centrées surles statuts masculins. Concrètement,comment réalisese la constructionsociale de ladifférence des sexes et del'inégalité ?

Alfred ADLER, communication sur"La symboliquede l'alliance et le statut de lafemme chezles Moundang"; cf. "La fillette amoureuse des masques.Le statut de la femme chezles Moundang", JournaE. des Africanistes, 59,(1-2), 1989 : 63-97. 2ABDOULAYE OUMAROU DALIL, "Le soro OU rituel d'initiation du couple chez les Foulbé du Diamaré (Nord- Cameroun)";dans ce volume, pp. 00-00. 22

En biologie, la differenciation est l'acquisitiondeproprietes fonctionnelles diff6- rentes par des cellulessemblables. De mhe, toutes les socikt6s assignent aux deux sexes des fonctions differentes dans le corps social et ce9 dansdeux champs fondamentau (la reproduction et le travail) dont les ZNI~ECS aspects de la diff6ren- ciationentre hommes et femmes (v&ernents, d6corations corporellles, motricite,verbalisation, acc&s diff6rentie.l B l'alimentation, aux ressources en gCnCral, au contr61e des rituels ou de la vie politique, etc.)apparaissent comme des CpiphC- nom&nes : des signes ou des consequences. Nous proposons d'appeler ces de fondamentaux de hikrarchisation entre l'un, la division sexuelle de repro- duction, l'autre, la e du travail. Pl est adm e "l'kchange desfemmes" B traversl'alliance assure aux hommes Be contr6.k des capcites reproductrices fkminines(bien que danscertaines ssciktks ce soient les hommes qui sont 6changes; cf. COLLARD 1981). Et nombre d'6tndes s'attachent aux statuts respectifs de la femmecomme smur et comme 6pouse selon les sociCt6s (par exemple, SACHS 2). Alfred ADLER comparetraitementle symbolique du statut d'alliance . et du statut de filiation pour les hommes pour les femmes chez oundang,lesSara et les orodugu. Tout particuli&rement en soci6tCs patrilin6aires et virilocales,importantest il d'Ctudier les diff6rentes modalitCset les diffCsents degrCs "d'int6gration"(d'autres diraient, d'aliCnation) de la femme au lignage dumari. 23

Mais un autrepoint est que la "fécondité des femmes"des généralementest traitée en ethnologie commeun donné "naturel". Or Paola TABET (1985) a montré qu'entre la capacité etle fait de procréers'interposent des interventions socialessur le corps, la sexualité et la volonté des femmes,qui d'ailleurs vont moinsdans lesens d'unelimitation des naissances que dans celui d'unerentabilisation des possibilités biologiques, etd'une "spécialisation" des femmes à desfins reproductives,principalement à traversle mariage.(On voit un exemple de cette ge st i orz rnatér ielle dela sexualité des femmes et du prestigedes hommesdans lacommunication de Jeanne-FranGoise VIN CENT^ sur la grande polygynie desprinces montagnards Mofu - où lafécondité desépouses de princeparvient à êtreaussi élevée quecelle des femmesordinaires, par lareprise plusprécoce des relations sexuelles après une naissance.) Les modalitésconcrètes de cetteimposition delaprocréation vont del'intériorisation des normespar "l'éducation" jusqu'àla coercition (voir chez les Foulbé du Diamaré les "bonnes paroles", à savoirles pires menaces,prodiguées à lajeune épouse lors de la cérémonie du Som, au cas où elle tenteraitde fuir le mariage ; communicationde ABDOULAYEOUMAROU DALIL), de la surveillance des événements physiologiques etde l'imposition dela fréquencejusqu'aucoïtdu "marquage" lJeanne-FrançoiseVINCENT, "Un pourtrente, toutes pour un : la grande polygamiedes princes montagnards mofu- Diamaré" ; dans ce volume,pp. 00-00. 24

- symbolique mais 'aussi parfoisphysique (mutilations) - desfemmes comme corps reproducteur (sans 6quivalence pour leshommes ; cf. FAnNzaNG 1 outonsque Pa contraintereproductive demeure prioriire pour les femmes, m2me dans des cultures (r es) où le lesbianismeest to16r6 : chez les Swahilli de ombasa (Kenya), aucune fille nepeut deve ir homosexuelleavant d'avoir &te mariee, j: la iffikence des aqons (SHEPHERD 1987). La reproduction peut donc,selon Paola tre considCrCecomme un travail, et elle tout travail, socialement organisee. On peut alors lui appliquer l'analysemarxienne du travail : le csntrtjle sur la sexualite des femmes s'exerpntdans des rapports de reproduction (gestion de l'instrument de production - le corps de la femme -, desconditions etrythmes du travail,de la qamtitC et de la qualit6 du produit -

l'enfant -9 etc.)dont les hommes sont en g6n6ral les bCn6ficiaires. C'estbien iciqu'on devrait parler de division sexl-aekle du travail, mais ellen'a rien de naturel. En revanche, rien ne permet de lierau sexe et à la procrbation la diff6renciation des tiiches selon le sexelgenre, observée danstoutes les sociCtCs mais avecdes modalites variables. Qu plut6t, c'estdans l'ordre inverse de l'id& naturalistecommune (selon laquelle ladivision destaches serait une consCquence descontraintes "objectives" dela procreation féminine) qu'il faut etablir la relation : Claude LEVI-STRAUSS(1971 : 25

21 [1956]), insistantsur l'artificialité tant de la répartitiondes tâches que de l'organisation de la famille,voit dans la division du travail "un moyen decréer entre lessexes une mutuelle dépendance, sociale et économique [...] les amenant parlà à se perpétueret à fonder une famille". Poussantla logique de cette analyse, Gayle RUBIN (1975 : 178) définit cette division comme "un tabou contrela similitudedes hommes et des femmes [...] qui exacerbe lesdifférences biologiques [...] etpar là crée le genre". La différenciationLa destâches deset fonctionssociales, attribut principal du genre,se reproduitmême dansmariages les entre personnes de même sexeet de genre opposé(tels les mariages entre femmes chez les Nuer ou entre hommeschez lesAzande) - occurrencesqui attestent en miroirque le mariage nese limite pas à lafonction procréative entre les partenaires, maisreprésente un ensemble d'obligations etde droitssur des biens etdes personnes, ettrès généralementdedroits du sexe/genre"homme" surle sexe/genre "femme". Statistiquement,les modalités concrètes de ladivision socio-sexuée du travailprennent la forme d'une hiérarchisation où, si lestâches et rôles"masculins" sont plus valorisés, defait ce sontles femmes qui assurent la grandemajorité du travail : "domestiquettetproductif, outre le travail reproductif (sauf raresexceptions où prime le travaille sexuel : certainescouches sociales supérieures et/ou certainessociétés, tels les Hima d'Uganda ou les Hausade l'Ader au Niger ; cf. ECHARD& BONTE 1978). C'est pourquoi on pourrait 26

dans une certainemesure rCpondre oui B la question ("le conte reflgte-t-illes relations rkelles existantentre les sexes dans la vie sociale ?") de Herrmann SUNGRAITHMAYR~, constatant que la majoritd de ses contes du Tchad central donnent une image"positive" de la femme (elle est courageuse,elle fait tout) quoique "ambigu&" t (parfois sa fkconditeestdestructrice). (Des precisionsethnographiques auraient peut-&re permis d'kclairer aussi un autre aspect frappant deces contes : lar6sistmce des femmes.) ais pour analyser la hierarchisation socis- sewuee du travail - clef de voûte de la diff6renciation du sexe en "genresvt - il faut depasser l'id&d'une simple division des tiiches (avec "partage" ou non par les deux sexes), l'id& d'unesimple "r6partition" technique (et à base naturelle) du travail, pour considgrer les rapports de ~~~~14~t~~~entre les sexes. hola TABET (1979) i dkmontreque s'il n'existe pas d'activites I. exclusivementfeminines, enrevanche certaines tâches sont interditesaux femmes, notamment en 1: fonctionde la techwicitC des outils ou deleur capacitb B servir d'armes. (On remarquera ici que meme dans une ssciCtC comme lesmontagnards Koma du Nig6ria que Joseph EBOREIMB~estime "Cgalitaire" sur le plan de la production agricole, les hommes se r6sement la chasse, et le contrBle de la vie rituelle.) L'analyse par P. TA B ET des lHerrmann JUNGWAITHMAYR, "Le sort des femmes dans les 'Contes duTchad' "; dans ce volume,pp. 00-00. 2Joseph EBBREIME, "Bodydecorations, male-female relations andgroup identityamongst the hi11 dwelling Koma people of Nigeria";dans ce volume, pg. 00-08. 27

instrumentsdeproduction impartis aux deux sexestantdans lessociétés chasseurs-de collecteurset d'agriculteurs que dans les sociétés industriellesmodernes révèle 1) écartun technologiqueconstant entre hommes et femmes, avecsous-équipement féminin ; 2) queles hommesdans chaque société seréservent le monopoledesoutils-armes, travaildu des matièresdures permettant leur fabrication, et des instrumentsde production les plus complexes et lesplus productifs. Leshommes onttrès généralementcontrôlele desmoyens de production clés dans une sociétédonnée (outils, techniques,terre, bétail, main-d'œuvre, capitaux) et des moyens de défense - celui de l'organisation du travailet celui de la violence -, doù la maîtrise de l'organisation symbolique etpolitique. Etantdonné l'omniprésence dela catégorie de sexedans toutes lesinstitutions sociales, il est souhaitable, comme plusieurscommunications ont icitenté de le faire, que lesrelations hommes- femmessoientne plus traitées faqonde fragmentée(selon lesdifférents "domaines" d'étude) à l'intérieurdechaque ethnographie, mais deparvenir à intégrerles différents plans, matérielset symboliques, etles différents champs, relatifs à l'économique, au sexuel, à la parenté, à la religionet au politique,etc., pour saisir dans chaquesociété lesmodalités précises dela différenciation du sexeengenres delaet construction de l'inégalité.. A cetégard, lescomparaisons faisant apparaîtredes manièresdifférentes de traiter le mêmeproblème danssociétéssoitdes structurellement proches - commedans Ba communicationd'Alfred ADLER - soit dans des ssciCtCs opposCes ou se situant sur un continuum en fonction de certaines variables - comme dans OVPN~-sont certainement le moyen de produire des hypoth5ses fructueuses,qui permettrontpeut-Stre aussi de parvenir à discernerult6rieurement BiffCrents types de syst6mes sociaux de sexe.

IMette BOVIN, " 'Mariages de lamaison' et 'mariages de la brousse'dans les sociétds peule, Wodaabe et Kanuriautour du lac Tchad; dans ce volume, pp. 00-00. 29

Nicole-Claude MATHIEU “Tendancesactuelles derecherchela enanthropologie des sexes”

Résumé

Cetexposé introductif à journéela consacrée aux relationshommes-femmes présente brièvement : 1) les critiquesépistémologiques portées B l’anthropologiepar les Women’s studies ; 2) les oppositions de tendances dans la recherche ; 3) les aspects symboliques et rituels de la hiérar-chisationdessexes/genres ; 4) lesmécanismes matérielsde la constructionsociale de la différencedes sexes,dans l’organisation productiondela delaet reproduction.

Abstract

As anintroduction to theworkshop devoted to male- femalerelationships, thispaper briefly reviews the followingissues : 1) the epistemo-logical critiquesleveled at the field of anthro-pology by Women’sStudies, 2) the differenttrends inresearch, 3) thesymbolic and ritual aspects of the sex/gender hierarchy,and 4) the material mechanismsrelating productionwhich in and reproductionsocially construct thesocial differences betweenthe sexes. COEEAWD Chmtal, 19 changks, Bchawgistes : stPuctnres dominCe$ et structures dominantes d'6change matrimonial - le cas guidar", CuEtwre I (1) : 3-11.

1s Huguette, 19 6thodologie fkministeanthsspslogieet : une alliancepossible", ~~~l~opol~~i@et socie"te"s,11, (1) : 19-44

icsle, Pierre BONTE, 197 , "Anthropologie et sesnudit6 : les h6gales", in in e (Centre d'et recherchesmarxistes Cd.), Paris, Editiows sociales, 59-

NG Sylvie, 19 5, "Circoncision, excision et rapportsde domination1v,An tkr et soeitte"s, 9 (1) : 117-127.

LE A C O C K Eleanor, 1978, "Women's status in egalitarianSociety : implicationsfor socialevolution", C u r r e n t nthropology, 19 (2) : 247-275. 31

LEVI-STRAUSSClaude, 1971, "La famille", Annales del'Université d'Abidjan, série F-3, fasc. 3 : 5-29.[Ed. orig. in : SHAPIRO Harry L. (ed.), 1956, Man,culture and Society, New York, OxfordUniversity Press, ch. XII : 261-285.1

MATHIEU Nicole-Claude, 1985a, "Quand céder n'est pas consentir.pas Desdéterminants matérielspsychiques et la de conscience dominée desfemmes, et de quelques-unesdeleurs interprétations en ethnologie", L'arraisonnementdes femmes.Essais en anthropologie des sexes (MATHIEUN.-C. Cd.), Paris, Editions de1'Ecole des Hautes Etudes en SciencesSociales, 169-245.

M ATHIEU Nicole-Claude,1985b, "Critiques épistémologiquesde laproblématique dessexes dans discours le ethno- anthropologique",Rapport pour la Réunioninterna-tionale d'experts : Réflexionsur laproblématique fémi- ninedans recherche la l'ensei-et gnement supérieur,Lisbonne, UNESCO, SHS-85/Conf. 612/6, 61 p.

MODEFEN (Mouvement pour la défense desdroits delafemme noire), 1982, "Tribune libre : Sur l'infibulation etl'excision en Afrique", BulletinlqAssociationde Françaisedes Anthropologues, 9 : 50- 54. 32

ROSALDO Michelle 0, "The use andabuse of anthopology : reflections on feminism andcross-cultural understandin *', Signs : jo~~n~lof woween inculture Societygr,5 (3) : 3

UBIN Gayle, 1 7.5, "The traffie in women : notes on the "politicaleconomy" of sex", olsgy of women EITER Wayna ed.), New York, Monthly Review Press, 157-210.

2, Sisters and wives : the past and fume of s uality, Chicago, University of Illinois Press, 274 p.[Ed. srig. 19'99.1 s HEPHERD Gill, 1987, "Rank, gender, and uality : Mombasa as a key to understanding sexualoptions", The culturalconstruction of sexuality ( CAPLAN Bat ed.), London, Tavistock Publ., 240-270. 33

STRATHERN Marilyn,1987, "Anawkward relationship : the case of feminism and anthropology", Signs : journal of women in culture and Society, 12 (2) : 276- 292.

T AB ET Paola,1979, "Les mains, les outils, les armes", L 'Homme XIX (3-4), Le s catégoriesdesexe en anthropologie sociale : 5-61.

TA B ET Paola,1985, "Fertilité naturelle, reproduction forcée", L'arraisonnement desfemmes. Essais en anthropologie dessexes (MATHIEUN.-C. Cd.), Paris, Editions de1'Ecole des HautesEtudes en SciencesSociales, 61-146.

35

A MAN AND A WOMAN, OR GENDER MARKING IN A NOMINALSYSTEM

Zygmunt FRAJZYNGIER University of Colorado (U.S.A.).

Gender coding

ManyChadic languages encode a two- genderdistinction thereferencein system, specificallyin the system of subject,object, and possessive pronouns. It appears that outside of the system of pronouns there is no gender marking in theverbal system, although no specific studies havebeen conducted onthis subject. We donot yet haveacomparative study of gendermarking in theinnominal system that would include languagesfrom al1 three (or four,depending on classification) branches of Chadic languages. What we dohave arestudies of individuallanguages and SCHUH's brief comparativeremarks made in conjunction withhis study of genderinMiya. SCHUH(in press) States thatinWest Chadic, gender systems evolved in one of twodirections : Somelanguages have developed overt gender marking on nouns (Hausa,.Bade, Warji, Ron-Fyer), whileothers have lost gender as a lexical distinctionin nouns.The interest of thegender markingin Mupun liesin thefact that we may 36

observe a development of gender ma very early stages, in statu nascendi That may enable us to compare the independent development of the same category in several related hguages. In Ihusa (r\JEWMAN 1979 : 199ff) three processes were involved in the development of ferninine foms : derivation (suffix -ny&a), inflection (saffix - aa), suad overt rnarkhg, allso by the endhg -aa. The only p historical origira of -aa is that of S who desives it from a fom containing Jll' t 4. ost nouns in upun are no4 formally marked for gendes. evertheless, nouns denoting female humms are refened to by one of the third person ferninine pronouns, a%, "w1, de, p%6n, paa. Thus gender distinction is grarnmatically encoded in the referenee system. What these referenee pronouns indicate is snly the sew of the some animals, whenever there is a e a distinction. The gender distinction is not a property of nouns, but ratherr of the objects to which the nouns refer. %t is thus a different system from the one encountered in Imguages with grammatical gender sach European and enaitic, where nouns are inherently masculine, f inine, or muter. A notable exception to this eneral pattern is a elass of propes names. This class is interesting for general linguistics because it enables us to observe how a fomal gender distinction in nouns may emerge. 37

Gender of propernames.

As is to be expected of languages in general, therearemany sources of propernames in Mupun,some borrowed from English, Hausa, or other languages spoken in the area, and thereare severaltypes of native names.One typewith which we willnot be concerned here consists of names that arecompounds. These names can be appellative of eithera man ora woman,Le., these names do not indicate the gender of the bearer of the name, e.g. :

(1) pè ldt pè 1 'flower' wii t 'bushpapaya' p16rj6an pl6n 'thank' nkan 'God' p 1 anz hk " zhk ' again'

Thereisalso onetype that indicatesthe gender of the bearer.The proper names of this type have the form : nt+X "female proper name" and dh+X "male proper name". The prefix ni is related to the independent lexeme n aa "woman !" , and theprefix da is relatedto the independent lexeme daa "man! ", both of which areused in contemporaryMupunvocative only in expressions, e.g. :

(2) O#,& zen naa. oh, Cop truth woman 'oh, that is trueindeed, madam' 3

oh, cop tmth woman 'oh, that is tme indeed, mm'

'man, don? pay my attention to it'

Ht is important to realke that theproper names are nst derived through productive constructionsmeaning "man/woman whs is Thus the proper name ni. l. hg, wich derives from il rjq "wealth,cattle", oes not mean "a wealthy womantt. Hisr this upun has a construction consisting of two nouns, vk.? ngii %6g"a rich mm'' md rra& t 1$g "a rich wommtt. The two prrefiixes may be added to the sme )> which @an be a noun, verb,a sr an adjective. The inferesting face abont the resulting formation is that the meaning of the prsper noun is not the sum of its components. The speakers with whsm I wsrkedprsvided various, often conflictinginterpretatisns of the "meaning" of the prsper name. The following is a sample of the names 1 have in my data. While 1 give snly one 39

form - eithermale orfemale - mustit be rememberedthat for each example both forms, male andfemale, are possible and actuallyoccur in the language.

When X is inherently a noun : (7) dim6r m6r 'oil' dkbi t bit 'morning' nk16g 16q cattle''wealth, nkc i6 ci6 musical'rattle, instrument'a dbkbm k6m dbkbm 'peanut' nipds pGs 'Sun' dij63 JO s toponym di3 i t sit dig6g Q 6rJ When X is inherently a verb :

QB3 'shift' Yi 'think' 3 ùdm 'dream' 1Bp 'put' WB 1

When X is inherently an adjective : (9) dir5ip r 6p 'dark,dirty' diwinrùp wiirùq 'smart,quick' nh68yd t 68yd t. 'small' dirB t rit 'nice' n kkdu r kdur 'close' There is one case of aproper name that is composed of the prefix nii and pronoun.The word nhwiir indicates a fersrsale idsl and is most probably composed with the thirdperson feminine peronoun

Hf we assumethatthe addition of morphemes apral addaa to proper nmes was one of the first steps in the development of gender marking in the nominal system, we would e this process ts have an impact on some other part of the vscabulaq as well. There is at least one morphemewhose categorial status, at least functionally falls somewhere b een 8 noun and a pronoun ad which also caw t ad Ba. The morpheme in question fom that does not appear in isolation md whose intemal structure is obscure. When prefiwes na and da are added to the stem khI&k they produce the foms : a 'such and such woman' ad dhkbmt i3r 'such and such mm', e.g. :

There is evidencethat the markers nh and al have penetrated into otherareas of the vocabulary of Mupun.particularIn the two 41

prefixeshave becomecomponents of names of animals,but they may alsobe find innouns denotingnon-animate objects. But interestingly they do not constitute part of the binary system as

is thecase with ' proper names. Each prefix is the onlyone available with givena name. Compare the following examples :

(1 1) dhkiir 'turtle' dhdp 'grasscutter' dhf6an 'hare' diic im 'hedgehog' nhd egret)'(white egret 'cattle

Their behavior is thusrather different from theIndo-European gender markers on nouns. Most of thetime gender markers of Indo- Europeanlanguages are used toderive feminine nounsfrom masculine, or masculine nouns from féminine,as the case may be. Thisprocedure is used with respect to proper names as well; e.g., in Polish,with respect toboth native namesand namesborrowed from Romance Germanicor languages, we find the following pairs :

(12) M asculine Feminine Masculine B oleslaw Boleslaw-a Boleslaw Bogumil B ogumil-a Féliks . Feliks-a J6zef J6zef-a H enryk Henryk-a Henryk Thereforewe have theoreticallytwo possibilities : The existing gender markers are used to indicatethe ender of the prsper marne, or the device that indicates the gendes of the proper name becornes a grammatical morpheme ts indicate the gender in the rest of the grammatical system of the language. Of the two possibilities only the fi'irst one is documented. The second remains in ptentiam.

In other languages from the Angas sub- group there are formal and functisnal equivalents of the indefinite &&ht iik ancl n&khmt&k.In Sura these foms Xe daa saxi mdea,a Sara8 respectively (information from a conversation among speake~s of Mup~n). JUNGRAITHM 1943/4 964 gives d6a as 'Hem, Tite1 eines A11t and for n he gives 'meine Mutter'. One of the most interestingthings about the gender markers na. and da seems to be the faet that theyare not wordsretained from a Prots- Chadic, or even Proto- est Chadic, bat rather that they have been bor rom a non-Chadic language. Thus in kom, a Plateau lmguage of the Benue Congo branch of the Niger-Congo family there exists a morpheme d&a which FS~UQUIAUX translates as 'father'. This morpherne is used in various syntactic constructions in a reduced fom 43

di where di doesnot mean father anymore. BOUQUIAUX 1970 : 218ff analyses those construc- tions as consisting of modifier-modified, where a6 is the modifier, e.g. :

(13) di-goy 'Go& g #Y 'Sun' di-rwi y 'an influential person' r wb y 'rich'

Theseconstructions differ from construc- tions with dia meaning father, e.g. :

dka gSm 'father of the chief

Now this construction is quite similar to the propernames in Mupun, where na and da are also used as modifiers of the following element. Even more importantly,there appear to existproper names in some Plateau languages formed with na and da. Thereader may surmisefrom the above thatMupun, and presumably other languages fromthe Angas group, have simply borrowed from Birom the whole construction, or at leastthe morphemesdesignating 'man' and 'woman'. The situation is not that simple. Although it is certain thatthe Angas languages have borrowed the morphemesinvolved and possibly thewhole construction,it is by no means clearfrom what Pateaulanguages they' have borrowed the morphemes in question. Thefeminine equivalent of di in Birom is hwa 'woman'. Recallthat in 44

upun it is n6. The exact source of the loan words has yet to be found, but it appears that of the langaages from the Plateau ENCH infoms me fhat foms da and ana are reconstructed for proto- enue-Congo 'father' and hothers rrespectively. This is sufficient confirmation for the general source of the masculine and ferninine markers.

* Work on this paper was partially supported by the NSF GRant BNS-84 18923. 1 am grateful to Roger BLENCH for the information about the reconstructed Benue-Congo forms. 45

Zygmunt FRAJZYNGIER “A manand woman, or gender marking ina nominal system”

Absfract

Thegender distinction Mupun,in encoded thein referencesystem, is not propertya of nouns, but rather of theobjects whichto the nouns refer. A notable exception to this generalpattern is a class of proper nameswhere gender is encoded on nouns. This class is interestingfor general linguistics because it enables us to observe how a forma1 gender distinction in nounsmay emerge.

Résumé

Ladistinction du genreenmupun, encodée dans le système de référencen’est pas une propriété des noms mais plutôt des objetsauxquels les noms réfèrent. Une classede noms propres où legenre est contenu dans les noms constitueune exception remarquable à cemodèle général.Cette classe intéresse linguistiquela générale carelle nous rend aptes à observercomment une distinctionformelle degenre peut émerger dans les noms. 46

BQUQUIAU Luc, 1978, La langue birom, Paris : SsciktB d'kdition "lesbelles lettres".

PWAJZYNGIER zy munt (ed.)9 19 9, Current Progress in Chadic L Philadelphia,

f 964, "Die psache der in ghavul) Nordnigerien" Afrika 16 Ubersee $7, 8-89.

SCHUH Russel G., 19 9, "Gender and numbes in iya", Current Brogress in Chadic Linguistics (FRAJZYN~~IERed.), 178-18 1. 47

"FEMME" ET "HOMME" EN TCHADIQUE - EN COMPARAISONAVEC LES AUTRES LANGUES CHAMITO-SEMITIQUES

Dymitr IBRISZIMOW Uniwersytet Jagiellcinski, Krakciw (Pologne)

Le but decet article consiste à examiner brièvementlesformes principales signifiant "homme", "femme" et "personne" dans les langues tchadiquesd'essayeret d'établir des parallèles problablesavec lesautres langues chamito- sémitiques. Cestrois mots, dans lesreconstructions connuesjusqu'à maintenant, n'avaient été traités que partiellement. Ainsi, P. NEWMANet R. MA dans l'articleparu en 1966 n'ont tenu compted'aucun d'eux. P. NEW MAN (1977 : 30) aprésenté la reconstructionde "personne" *ma tu. Lesinfor- mations les plus complètes ont été données par H. JUNGRAITHMAYR et K. SHIMIZU(1981) en recons- tituantséparément "mari", "homme", "personne, être humain"(tout en soulignantles liens qui unissentces termes) et "femme". Enoutre, O. STOLBOVA(1987) a proposé cinqreconstructions pourlemot "personne, .homme" ettrois pour "femme" dansles langues tchadiques de l'Ouest,en yjoignant en plus les formespour lesgroupes 4

angas, warjf et zaarl; En 19 . SCHUH a reconstruitlesmots lvhomme", 'lfemme" et llpersonnel' pour les languesappartenant au groupe bole- le, et V. PORHOMOVSRIJ(1972) l'avaitfait l'homme" et "femmet' dans les langues kotoko. Quant B moi,j'ai tente (19 e trouver la forme tchadique commune pour "homme", "femme" et "personne" en meme temps. Cette demmche etaitissue du fait que les formes semblables(cognates) signifient dans de clifferentes langues ou bien"femme" ou bien llhomme'l ou encore "personne" (dans de nombreux cas "homme" = "personne"). Compaez par exemple dans leslangues guruntum (bauchi Qu Sud)

"homme" ~~~~~~ avec "fempa~le"du bole-tagale - *mamda2 et gandu, fali bwagira, fali mucella (bata) 'lpersonnettmsnndn ; bo os (ron) "femme" 5 OOP et auchi du Nord) "homme" iar in ; bura- femme" m~i1 a, WI 1 a et fali jilvu "homme" i et lesautres langues qui appartiennent au

l Wmji - le bauchidu Nord, zaar - le bauchi du Sud, selon la terminologie de H. JUNGRAITHMAYR et K. SHIMIZU (1986 : 12-16). Dans l'article,j'utilise leur classification et leurappellation des groupes. 2Les reconstructionscitées proviement de : tchadique de l'Ouest,sura-gerka, lebauchi du Nord - O. STOLBBVA (f987), bole-tmgale - T. SCHUH (1984), le bauchi du Sud - U (6978). Lesformes communes (et non les reconstructions)pour lesgroupes proviennent demon ouvrage (1986), où j'aiégalement mentionne les sources desformes citees dans diffkrentes langues. 49

groupebata mur-, laamang mara-kwa, daba "homme, personne'' muwu1 (et probablement aussi bauchi du Sud "personne" *mbar) ; musgu"femme" rnun i et bauchi du Sud-Ouest "homme" man, mm, mon ; sura-gerka "personne" g-r -M etkotoko "femme" *g-n2 -ml ; fyer"homme", daffo "personne" naa f , kulere "personne" na e f u, daffo, fyer "femme" naf u (groupe ron). Dans mon étude je propose la forme m - commeforme essentielle communepour les langues tchadiques signifiant "êtrehumain" (+ deuxièmele radical qui différenciele sexe). Certainement, ce n'est pasla seuleforme générale tchadique. Afin de comparer nouspouvous rappeler résultatsles des reconstructionsfaites par H. JUNGRAITHMAYR et K. SHIMIZU(1981) : "mari" racine A (= "homme"A) *ln - qui englobe *mz , *m t , *m n ; "homme" racine A *m- qui comprend *mz,*m t , *mn ; "personne" racine A *m - qui comprend *In t N , *m -n , *m z (ainsi que *wd(r) et hi'd) ; "femme" racine A, *m - t quicomprend *mnd,*md, *mr, *m-.En comparantles formes cit6es sous l'angle de leur distribution, nouspouvons constater que celles-ci possèdentles réflexes dans 22 des 27 groupes tchadiquesmatériel(le quej'airassemblé prouverait même l'existence desréflexes dans 24 groupes,sans tera, gidar etmokilko). Il serait intéressant deciter en ce lieu la proposition de O. STOLBOVA (1987 : 232-233) d'aprèslaquelle on

1 * - n2- > n dans logone et ngala ; r dans les autres langueskotoko (PORHOMOVSKIJ 1972 : 84). pourraitlier, dans leilangues tchadiques de l'Ouest, la forme *man i "personne, homme" avec *mandA lffemel'< *:man + suffke fem. t utilisaitcette proposition pour les autres tchadiques,nous pourrions joindre les recons- tructions d6jja mentionn6es de H. JUNGR et K. SHIMI z u en une seuleentit6, B savoir "personne, homme, mari" * - f8femme''*m-t-f-. En poussantcette comparais resultatsobtenus par H. JUNG SHIMIZU (19 l), nouspouvons observer : "homme" racine C *n Fm , "personne" c *8Y Yemme" E 'k m 1. Du point de vue de la distri- bution,les r wes decesformes apparaissent danstous les groupes tchadiquesde l'Est et dm Centre-Est(faisant partie de la branche Hill et Riverain)ainsi que danslesdeux groupes tchadiquesde l'Ouest - sua-gerka et bole- tangale? En plus : "mari" racine B = "homme" *Zr ; "mari" racine D = "home" D * p. La premi&re de ces formes estamplement attestee dans les

1 ~e faudrait-il pas ajouter "perso~~~e"racine F *~r'P Cette racine couvre entreautre le motdans la langue sura,que O. STOLBOVA a semble-t-il introduitdans l'une desdeux formes *n-g *~'apr&scela, ne faudrait-il pasmettre enquestion la proposition de N.A. SKINNER (1981 : 80) concernant le gwauso, gwabro de haoussa "wifeless man",comme provenant (avec point d'interrogation) du mande gba - 51

languestchadiques de Centre (10 des 13 goupes) ainsi que dans la langue tchadique de l'Est - mubi ; la deuxièmeforme apparaît seulement dansdeux groupes de l'Ouest et de deux groupes du Centre. Il existeaussi la reconstruction "femme" racine C *- rp avecles réflexes dans les goupes tchadiques de l'Ouestsura-gerka, bole-tangale.ronet La possibilitéde lier ces trois reconstructions sous forme *z - r-p semble démontrer la propositionde R. SCHUH (1984 : 214) "femmes'' *z-r-f (cf. pour bauchi duNord la reconstruction de O. STOLBOVA (1987 : 254) "personne" "3 i-f a, *$if a - 3, 9 = affriquées). En résumantl'analyse des racines tchadiques il sembleraitque dans cette sorte derecons- truction il estpossible de trouver non pas les formes communes pour "homme" et "femme", mais plutôtle mot dont ils proviennent,c'est-à-dire le mot primaire "être humain". Pource lexème nous pouvonsproposer trois forme primordiales1 : *m - (avecdéveloppementle suivant *m-t-t- = "femme")attesté sur toute l'étendue tchadique; * (n)g r m - attestédans lapartie Est des langues tchadiques -, et *z-r-p - attesté dans leCentre du territoiretchadique (les deux derniers peuvent aussi être analysés dans les langues tchadiquesde l'@est). lLes astérisques quiprécèdent ces formesprimordiales tchadiquesn'impliquent interprétationune.pas historique mais signifientles bases lexicales,les formes communestiréesformes des contemporaines (cf. IBRISZIMOW 1986 : passim). 52

En passantaux autres langues chamito- semitiques,nous pouvons citer deux recons- tructionscouchitiques d'aprcs . DsLGsPsLsKns 1 9 73 : "homme, personne" *m [n] - l=gement confimBesdans les languesitiquesc de l'Est, del'Ouest et du Sud qui, en liaison avec le suffixe

du genre f6minin "t y signifie "femme, femmes" et * /A / kwA n - - v'femmett attestk dans les langues couchitiques du Centre et de l'Ouest ainsi que dans oromo.L'auteur, faisanten rCf6rence h J. GREENBERG et & ~.~PARONOFPcompare cette premikreforme avec les formes tchadiques du type lllp -nd m -HP alorsqu'il rapproche la seconde fome de la reconstructionpour le kotoks :f: m. Pour les langues s6mitiquesy P. FRBNZARBLI (1964 : 245)cite deux formes qui pourraient servir nos comparaisons : rn ar ' - "personne", qui apparaîtdans les langues s6mitique.sdu Centreet abr - qui apparaît dansles langues semitiques de Est (nous pouvons suivre ici le processus gabra > *gawra > gora "mari"dans %'aramBePp contemporain (MOSCATS et al. 1964 : 26et la fome tchadique de l'Ouest * ). I.M. DIARONOFF (1965 : 40) rapproche mut uam du haoussa avec le * rn ut- sgmitique et avec le *an t (?) egyptienen tantque "personne, homme". Cette comparaison sCmito-Cgyptienne n'apparait pas chez C. HODGE (1976) qui, dans un autrearticle (1983 : 36),

1 L'auteur a recontruit en tout cinqformes pour II personne, homme" et quatrepour "femme". 53

comparela racine tchadique *zr avec le *z 3 égyptien "fils" etle durriyya arabe "offspring". J. BYNON (1984 : 276) cite dans ses comparaisons tchado-berbères les formes m d d n , m id d n "les hommes", middan "hommes,maris", t am1 e, t am1 lu t t "femme", en accentuant la nécessité de lespréciser au sein des langues berbères. En résumant nos recherches, il me semble qu'il est possible detracer des parallèlesadéquats, en nous basant sur la notion d' "être humain" dans leslangues tchadiques, avec d'autres langues chamito-sémitiques, en mettant toutefoisl'accent surdistributionla des formes particulières : d'abord,nous avons la forme tchadiquegénérale *m -, couchitiquede l'Ouest, de l'Est, et du Sud *mAn [ n] et, éventuellement, berbére m - d d , ou encorele sémitique du Centre m ar ' - ; ensuite vient la *(n) grm du Centre-Estdeetl'Est- tchadique, la *'/A/k"An- du Centre et de l'ouest couchitique, la gabr- sémitique de l'Est ; etenfin la *z - r - p duCentre tchadique et la *z 3 égyptienne. Dans le cas de cettepremière forme, les recherchesles peuvent démontrer quela reconstructiontchadique-couchitique (-berbère?) - "être humain" devrait prendre la forme *m -II où lesecond radical serait partiellement conservé danscertaines formes tchadiques et, dansd'autres, assimilé(avec une disparition graduelle) aux dentales(du suffixe féminin ou du morphème éventuel désignant le sexe ; cf. aussi le double d d dans le berbère).

55

DymitrIBRISZIMOW “‘Femme’ et ‘homme’ en tchadique-encomparaison avec lesautres langues Chamito-sémitiques”

Résumé

En comparantles formes signifiant “homme”, “femme”, “personne”dans leslangues tchadiques, trois racines communes peuvent êtreproposées pour la notion d’ “être humain”.Des parallèles adéquats sont recherchésparmi les autresles groupes chamito-sémitiques - couchitique, sémitique,égyptien berbèreet - enprenant également en considération la distribution de ces racines.

Abstract

By comparingtheterms for“man”, “woman” and “person”inthe Chadic languages, three common roots denoting“human being” are suggested. An attempt is furthermade to discover parallel forms in theremaining Hamito-Semiticlanguages (Cushitic, Semitic, Egyptian andBerber), with consideration given alsothe to distribution of these roots. WWCKNER a.,1927, wnik etymologiczny jezyka

YNON J., 19 4, “Berber and Chadie : The Lexical nt frogress in Afro- AsiatieLin uisties (BYNO Amsterdalm-Philadelghia, Benjamins.

DIAMONOFF 1. .) 1965, Sernito-H mitskije jazyki, oskva.

DOLGOPOEsKIJ 1973, Sravnitelno-isf kuditskichjazykov,

ngue latine, Paris.

%POLI P., 1964-1971, Studi su1 Eessico cornune semitico 1-VII, Rendieonti

Classe di Seienze filologiehe, Series 26.

HBDGE C., 1976,“An Egypto-SemiticComparison”, Folia Orientalia 17. 57

HODGE C., 1983,“Relating Afroasiatic to Indo- European”, StudiesChadicin and AfroasiaticLinguistics, (WOLFF E. et MEYER-BAHLBURG H. eds.), Hamburg, H. Buske, 33-50.

IBRISZIMOWD., 1986, Some CommonChadic Basic LexicalItems. A New Look on tlze Subject, Warszawa. (Thèse de doctorat).

JUNGRAITHMAYR H. et K. SHIMIZU, 1981, Chadic LexicalRoots II : TentativeRecons- truction,Grading and Distribution, Berlin, D. Reimer,Marburger Studien zur Afrika- und Asienkunde A26,3 15p.

M AYRHOFER M., 1956-1976, KurzgefaJjrtes etymologischesWorterbuclt des Alfindischen, Heidelberg.

MOSCATIS. etalii (eds), 1964, AnIntroduction to theComparative Gramrnar of the SemiticLanguages - Phonology and Morphology, Wiesbaden.

NEw MAN P., 1977,“Chadic Classification and Reconstructions”, AfroasiaticLinguistics 5 (1). NEWMANP. et R. MA, 1966, “Comparative Chadic : Phonologyand Lexicon“, Journal of AfricanLanguages, 5 (3). xford English Diction& Edition of the Oxford.

S C H u H R., 1984, “West Chadic Vowel Correspondences”, CurrentProgress in Afro-AsiaticLinguistics (BYNON J. ed.), a~sterdam-Philadelphia, Benjamins.

Chadie Zmguages”, gensia, special issue 2. 59

LE SORT'DES FEMMES DANS LES "CONTES DU TCHAD"

Herrmann JUNGRAITHMAYR J.W.Goëthe Universitat, Frankfort (RFA)

"To consider the status of either sex, without reference tothe other, is to distortthe reality we are tryingtounderstand." (Meyer FORTES 1980 : 363).

Surles quinze contes de mon recueilde "Contes du Tchad" (Mürchenaus dent Tschad, JUNGRAITHMAYR1981)l qui ont pourhéros un être humain, ilen est dix dont le personnage principal estune femme. Trois autres appartiennent au conte-typede 1' "Enfant terrible"(Kalbati, Guétéyé et Dokirekereke) qui - fait important à noter - est obligatoirementde sexe masculin ; dansles deux derniersc'est unhomme qui est leprincipal protagoniste du récit. Nous avons donc dixcontes avecun héros féminin,qui s'opposent à seulement deuxdont le hérosest masculin ; en outre,ces personnages masculins sont toujours des sorciers. Un telleUndisproportion entre contes "féminins"et contes "masculins" m'est apparue si surprenantequej'ai décidé tenterde une

Ce recueil contient 51 textes dont la majorité sont des contes A personnages animaux. 60

surprenanteque j'ai . dCcid6 de tenterune premihe anangrse dm sort des femmes quiconsti- tuent le pivot deces contesl. Je suivrai l'ordre du recueil pr$c6demment mentionne :

Deuxfilles-femmes se lient d'amitiC et s'invitentmutuellement. La guenon,quise presentecomme troisihe partenaire, les derange tellement que la fille du ciel appelle au secours le Dieu/CieP son p61-e. La guenons'enfuit dans ; Dieu fend alors l'arbre en y tomber la foudre.

a femme au royaumedes morts.

Une grave famine sevit dans le pays. Alors qu'elleest à la recherche de nourriture,une femme pCn&tre dans le royaume des morts où elle trouve de la viande en quantite. Le soir, quand les mortsreviennent des champs, la femme se place dans la filequ'ils forment, Pa tete en bas selon l'ordre du monde des morts. Ainsi, on ne peut se rendre compte qu'elle est toujoursvivante. Les morts, cependant, dCcouvrentun feu allume par la l Bienque les contes de notre recueil proviennent de plusieursethnies duTchad central (Mokilko, Sumray, Kera, Tupuri,Dangaléat et Mubi), il convient de noterque lesdixcontes "féminins" proviennent deMoukoulou/ Guéra, sontet donc enlangue mokilko. La majorité d'entreeux nous ontété racontés par la grandeconteuse Yeyyege. 61

femme.Saisis defrayeur, ilsentonnent une chanson. La femme les meten fuite grâce au feu et à son chien. Cette séquence est répétée par la co- épousejalouse. Nous avonsaffaire au conte bien connu des deux sœurs : l'une réussit, l'autrepérit à lafin des épreuves (cf. D. PAULME 19761, qui appelle cette forme de conte "conte en miroir"). La premièrefemme sauve sa Co-épouse entuant les morts - y compris leur chef - à l'aide de chansons trèsrythmées, puis en en reconstituant le corps qu'elle récupère dansl'intestin des morts qui l'ont avalée ; ellelafouette ensuite avec un fouet magique et la femme revient à la vie. Finalement, le mari est lui aussicapturé par les morts, et sa premièrefemme le sauveégalement. Lemari se sentévidemment humilié devant l'attitude courageuse de sa femme et il entonne une chanson pourla faire enrager ; elle lui réplique par une chansond'insultes, lui. reprochantson lâche comportement alors qu'elleétait captive chez les morts.

3 - (11) femmeLa qui perdtousses enfants.

Unefemme dont lesenfants meurent aussitôtaprès leur naissance décide de quitterson pays. Mais, pour pouvoir sortir de sa maison et de son village, il lui faut offrir des cadeaux aux terres qu'elle doit fouler. La situation se répète huit fois, Chaque foisque, après avoir quitté son pays, elle

ILa M&re dbvorante. essais sur la morphologie descontes, Paris, Gallimard, 321 p. arrive dans une nouvelleterre, dans un nouveau pays,elle demande à cedernier de l'avaler. Ce qu'il se refuse faire, déclarant qu'il ne mange pas d'&eshumains. Cela sereproduit cinq fois. Finalement, la siwikme terreavale la femme, ainsi que sa fille morte et letaureau qu'elle montait depuis son dCpart. La terre, fertilis6e parce sacrifice humain etanimal, produit, aprh la saison sGeke, quantitC decourges et decalebasses. Une femme, passant parce champ, le laboureet se chargede la récolte. Cependant,une fois rangCes dans la maison decette femme, lescalebasses lui jouent de mauvaistours et infestenttoute la maison. Un jour,la femme les prend en flagrant dClit aprks que la fourni a attirC son attention sur leurs activites. En poursuivant laplus petitedes calebasses,la femme entre dans un 6tang et se noie à l'endroit rni?me oii la premihe femme, sa fillemorte et le taureau avaient disparu.Pour finir, un hommepassant par la maisonprend possession des calebasses. ais, au moment oia il veut s'en servir,celles-ci dCtruiserat la maisonet tuent l'homme.

'Une jeuneet belle fille, nornmCe Jifatalma, a denombreux prCtendants. Unjour, ses amis l'invitent à aller se baigner avec eux. Tout d'abord elleh6site car elle prend tri% au sCrieux ses devoirsauprès de sa mère. Au boutde quelque temps, cependant, ellefinit par aller avec eux. Au retour,elle se retrouve abandonnée dans une mare profonde d'où ellene peut sortir sans aide. 63

Avaléepar des monstres, elle meurt pour se retrouverensuite transformée enpoisson. Au cours d'une pêche,son propre père l'attrape. Le poisson lui parle,lui demandant de "le'' prendre avecdélicatesse. . Mais lepère et sescamarades refusent de l'entendre et "le" tuent.Personne ne reconnaîtla jeune fille, pas même sa propre mère. Avant qu'on ne la mange, un garçon l'emporte à la grand-mère'qui sauve sa petite-fille/poisson enla mettantdans un grand 'canari où elle peut grandir etredevenir un être humain. Un jour,le. père, ayant vu la belle jeunefille qu'il ne reconnaît pas, seprésente comme prétendant chez lagrand- mère, sa belle-mère. Lafille se met en colère,. se faitreconnaître, reproche à son pèresa brutalité et son comportement ridicule,puis lui administre un coup debâton.

5 - (22 et 23)Japando.

' Un fille devient enceinte au doigt à cause de l'urined'un homme-sorcier. Ellemet au monde une fille,et l'homme se transformealors en un margouillat nommé Japando (ou Jango Taruda). Un jourqu'elle est partie puiser de l'eau, Japando reprendfigure humaine, monte sur son cheval noirqu'il a fait sortir d'un tas d'ordures et galope vers le puits. Là, il s'entretient avecla femme qui ne soupçonne pas qu'en fait elleparle à sonpropre époux. Cecise répète plusieurs fois, jusqu'au jour où unevieille femme lui -'révèle le secretde son mari. Ceci'entraîne la mortde l'homme :, il -est tué par ses camarades au coursd'une chasse collective. La femmese venge de cemeurtre en rasant la tEte dm chef du villagepuis en lui coupant la gorge. AidCe par le fid6le cheval deson mari,elle r6ussit Cchapper B l'attaque des gens du chef.

Une fille, dunom de Dayi, prend le lion pour mari. Les deux s urs de Dayivont lui rendre visite,chacune se comportant demmiike spposke à 1'Cgard de leur beau-fritre lion. L'une rCussit B se fairerespecter de lui,tandis que l'autre sefait tuer.Comme Dayi nepeut plus supporter la brutalit6 deson ma elle lui prepare son propre fils à manger et pre

Une belle fillerefuse tous ses nombreux pr6tendants ; elle neconvoite personne d'autre queGanura, le monstre marin quihabite au loin. Apr& avoirtraverse plusieurs Cpreuves, elle r6ussit enfin B levoir, mais elle est tellement horrifi6equ'elle prend lafuite. n'mive chez elle, le couteau de jet orale du conte : l'orgueil prCc6de la chute.

Une fille Cpouse un homme-sorcier. A la naissance de leurpremier enfant, l'homme va chercher lefr6re puis la sCeur de sa femmeafin qu'ilsviennent aider lajeune m8re à la maison. Sur la route du retour, il tue le fritre et bat la 65

sœur. Celle-ciréussit à rejoindre sa sœur qui, au début,ne la reconnaît pas. Finalement, lesdeux sœurs s'enfuient ; elles retrouvent leurfrère et le reconstituent,et tous les trois peuvent sesauver chez eux.

9 - (27) Mandoko.

Mandoko est orpheline. On la dit dotéede pouvoirsparticuliers. C'est pourquoi lelion lui demande un jour de le portersur son dos. Alors que l'animal s'apprête à latuer, un jeune homme, orphelin lui aussi, la sauve en tuant le lion.

10 - (28) La femme et la Mort.

La Mort estassez riche pour épouser une femmeappartenant au monde desvivants. Mais comme la vie avec la Mort ne plaît pas trop à la femme, celle-cis'enfuit un beau jour.La Mort se lance à sapoursuite et avale tous ceux qui se déclarentprêts à aiderla femme. Finalement,ce sont des Arabes - forgerons - qui réussissent à la protéger ; ils la cachent et tuent la Mort.La femme rentre à lamaison ; là,son père lui prépare une "boule"empoisonnée. Les animauxavertissent la femme du danger ; c'est elle, en fin de compte, qui cuit la "boule" ; son père y goûte et enmeurt surle champ. 66

1. Le premier conte est une fable mythique où leciel etla terre reprhsentent lesaspects positifs du monde, tandisque la guenon symbolise la mCchmcet6. On n'y voit pas seproduire de vraie confrontation entreles sees, et le conte ne peut donc servir notre propos.

2. La femme rCgit la vie sociale, tandis que l'homme, lache, tient un r81e subordonnk.

3. La femme souffrante cherche la mort en descendmt sous terre. Elle crke ainsi les conditions favorables ii la croissance de quantite de courges et de calebasses qui, à leurtour, detruisent tout, y comprisl'homme qui a prispossession des calebasses apGsla mort dela deuxihmefemme.

4. Lajeune Sintalma estbrutalisee, surtout par son propre p&re. Celui-ciest, en fait, un1Qche. Elle le ridiculise en le bat4 t avec un baton.

. Une fille ou orgueilleuse, ou victime d'un sortil& e, se marie soit avec un homme- sorcier,soit avec un lion,ou . encoreavec un monstre marin. Dans le cas de Japando, la femme apparaîtcomme tr&s courageuse en vengeant, aidCe par un cheval, le meurtre de son mari bien- aimC.

9. L'orpheline est sauvke dela mort par un orphelin. 67

10. Une femme donnée à la Mort parson pères'enfuit etréussit à survivreaprès avoir empoisonnéson père dont le comportement était ignoble,bien que courant (à comparer avec le père de Jintalma - cf. 'conte 4).

Conclusion.

On a l'impression que lescontes examinés icidonnent une image trèspositive dela femme, alorsque l'homme est présenté plutôt négati- vement. C'est la femme, et non l'homme, quidoit passer pardes épreuves,subir des souffrances, se sacrifierpour créer une vienouvelle, comme c'est lecas dans le conte 11. Lorsque les gens souffrent de la famine, c'estnon pas l'homme mais la femme qui part à la recherche de nourriture.

Il cependantay une certaine ambiguïté dans la femme : elleféconde laterre mais le produit de cette fécondation - à savoirles courges - provoque la destruction du monde.

L'homme - en tant que père d'une fille - se comportede fagon ignoble.Dans "La femme au royaume des morts", il estlâche et sans dignité tandisque la femme semontre courageuse et fière. Si l'onvoulait confronter lasituation telle qu'elleapparaît dans les contes avec laréalité socialevécue par les ethnies concernées, on serait amené à se poser deux questions : a. Le contereflète-t-il les relations réelles existantentre les sexesdans la vie sociale ? 6

b. N'y trouve-t-on pas plut& une r6action compensatoirelade memoire collective par rapport à la redit6 sociale ? eule une Ctude anthropologique pourrait nous fournir les repenses.

r- 69

Herrmann JUNGRAITHMAYR "Lesort desfemmes dans les'contes dutchad"'

Résumé

Dixcontes de la société moukoulou (Guéra, Tchad)sont étudiéspour rôle le que hérosle féminin y joue. L'impressiond'ensemble que l'on en dégageestque l'imagedefemmela estplus positive que celle de l'homme. Mais cescontes reflètent-ils les relations réelles existant entre les sexes dans lavie sociale ?

Abstract

Tenfolktales of the Moukoulou people of Guera() are studiedwith a view to the rolethe female protagonist plays in them.Thegeneral impression thatisthe woman'simage ismore positive than the man's. A key questionraised by these folktales is whether or not they reflect therelationship that actually existsbetween men and womenin everyday sociallife.

LE MARIAGE HEUREUX ET LE MARIAGE MALHEUREUX A TRAVERS QUATRE CONTES PEULS DU CAMEROUN

Ursula BAUMGARDT Universitat Bayreuth (R.F.A.)

De nombreux textesde littérature orale ont pourcentre d'intérêt la relation homme-femme1 , cequi se retrouve dans le corpus decontes et de récitspeuls pris en considération ici. Cecorpus comprend soixante textesdits par GoggoAddi, une femmepeule d'environ quatre- vingtsans qui vit à Garoua au Nord-Cameroun depuisson enfance. Dans cinquante-trois des soixantetextes2 decette conteuse, larelation lCf. par exempleles travaux de G. CALAME-GRIAULE 1987, de Veronika GOROG-KARADY 1985 et 1988, et de Christiane SEYDOU 1984, 1985 et 1987. 2Ce corpusétéa recueilli au coursde deux séjours de recherche qui ont eu lieu en 1986 et en 1987 et qui ont été financés par unebourse de recherche dela "Deutsche Forschungsgemeinschaft". Lecorpus comprend en fait soixante-dix textes ; dixont été dits deux fois. Parmiles sept textes qui ne mentionnent pas la relation homme-femme,quatre portent spécifiquement surles personnagesd'enfants, situés dehorsen du contexte 72

homme-femmeest th6matisCe par rapport au mariage,en illustrant les aspectsles plus divers mais situantles conjoints Be plus souvent dans la problematique de l'allianceparrapport 2 la parent6l. El6ment important de 1'6quilibre de la societC, le mariage apparalt dans ces textes comme le cadre dans lequell'homme et la femme entretiennent une relation plus m6e surle social que surle prive. Cependant,quatre textes du corpusforment un groupeun thhnatique particulier car ils s'articulentplus spkcifiquement autour du lien entreconjoints en tantqu'individus2. Le mariage

familial (contes 39, 41, 59 et 65), les trois autres abordent des thématiques diverses (comtes 1, 55 et 64). 1Dans la plupart des textes, le mariage est situé de deux manièrespar rapport B la relation de parenté : -lorsquelespersonnages sont jeunes (adolescents), ils cherchentunconjoint avec ou sansl'accord deleurs parents ; mariage,le particulierenet premier,le apparaîtcomme marquant le passage de la relation filiale A la relation conjugale ; -lorsquelemariage est réalisé,les conjoints sont situes parrapport à leursenfants, quicesignifie que la relationconjugale est élargie a la relationparentale ; Cf. pour ces aspects du corpus : W. BAUMGARDT, 1988a et 1988b. 2Surplanle narratif, les personnages apparaissent en tantqu'individus parce qu'ils sontsitués endehors de leurcadre familial respectif et qu'ils n'ont pas d'enfants. Si on lescompare aux autres textes, c'est l'absence de personnagesreprésentant la relationde parenté qui pose 73

apparaîtici comme un contrat non passocial mais individuelqui permet le bonheur des partenaires lorsqu'ilsrespectent,le mais qui aboutit au malheurlorsqu'ils le transgressent. L'analyse dela structurenarrative de cesquatre textes présentés dansleur traduction en annexecherchera à définir avecplus de précision l'image du mariage heureux etcelle du mariage malheureux.

LEMARIAGE HEUREUX COMME CONFIR- MATION DU CONTRAT

Deuxcontes - delongueur inégale - illustrentle mariage heureux. Ils mettent en scène un homme etune femme qui serencontrent et décidentdemarier.se Une série d'épreuves surmontéesrenforce la relation des conjointset la confirme.Cette structure simple sedifférencie cependant si l'on suitson articulation concrète à travers les séquences des deux textes.

Conte no 1 n02Conte "Unhomme et une femme"Des poils de girafe" rapides"

le lien entrehomme et femmecomme lienentre individus. Cf. pour une analysenotiondela d'individu et de l'expression des sentiments P. RIESMAN, 1974. 74

Un chasseur rapide Unefemme peule dit cherche une femme qu’elle n’6pousera que celui rapide. Une femme qui lui apporterales poils chercheun homme d’unegirafe. Un chasseur rapide. entend l’histoire et se rend chez la femme.

L’homme et la femme Il la demandeen mariage, se rencontrent. Ils se femmela accepte de marient. 19gpouser.

Le mari part B la &asse Lemari part rgussitet trouve un troupeau de à trompervigilangela cobes. Il tire la fl6clne. des girafes et B couperles Avant qu’elle n’aient poilsde la girafe-princesse. atteint sa cible, il a Il les enveloppe dans un egorg6. et depouil16 le paquet, 6chappe B lapour- cobe. 11 rentre. suitedes girafes et rentre.

ant que le mari n’ait Lelendemain, femmela fait le tour de la mai- se lhe t8t, fait le ménage, son sa femme a pilé le préparenourriture, la mil prGpar6 la piite et (implicite) et chauffede labouillie et a chauff6 l’eau. Son mari lui demande l’eau. d apporter leur “contrat”(le paquet). 75

CONFIRMATION (ET PROMOTION)

Ltxn est aussirapide que Auxendroits où. la l'autre femme coupe le paquet le coupe femme l'autre .apparaîtl'ordedeet l'argent.Des rois échangent -. deschevaux desescla-et ves contre l'or etl'argent. Le mari devient aussiriche

' qu'un roi.

Les séquences "Désir", "Contrat", ?Epreuves" et"Confirmation du contrat"sont comprises ici commedes termes de . l'organisationnarrative, mais ellesse recoupent - au moins .en partie - avec celles utilisées dans les deux textes. Ce sont : y ida "aimer, désirer", da6 6 a "chercher" et mb i i da. "contrat, promesse", ainsi que nar r a 1 "entente", j a r r i b O O r e "amour-passion" et a 1' K awa 1 "contrat"pour les deux textes suivantsl. Une

1 Cf. pourplus précisionde lesannotations des traductions.Signalons que. pour le conte "Un homme et unefemme rapides", une variante estpubliée par P. EGUCHI, -1984, pp. 1006-1007. Cependant, la différenceest importante,puisque l'action débute alors. que lemariage estdéjk conclu. Un autre conte dans le même volume, pp. 1124-1129, débutepar une séquence où un homme et une femme.cherchent un(e)conjoint(e), mais l'action suit un autrecours. Un contecomparable à "Un .marabout quia comparaisonsuccessive des skquences fera apparaftre parrecoupement ce quelestextes 1ittCrairesn'expriment parfoisque de mani&-e indirecte. Ledesir des partenaires est anterieur an mariage. C'est un dCsir partagedans les deux cas, mais son expression est differente. 11 est exprime explicitementdans le premier texte : "Un homme cherche une femme rapide, une femme cherche un hommerapide". Dans le deuxihe texte, an contraire, le dCsir prend la fome d'un dCfi lance par la femme exigeante : si elle demande qu'on lui procure un objetparticulier, c'est qu'elle ne veut pas Cpouserun homme du commun, mais un mari extraordinaire. Cornpar6 aupremier texte, ce d6fi peut donc 8tre compris comme le camouflage d'un dCsir commeet son expressionindirecte. La rCponse dupartenaire masculin estindirecte Cgalement et 6quivaut B la forme danslaquelle s'exprime le dCsir dela femme : au defi lance correspond le fait de xelever ce dCfi9et on peut lirerencontrela des personnages feminin et masculincomme la rencontre dedeux dCsirs. Puisquecette rencontre estsuscitee parle personnage fthininqui exprime son desir d'un mariparticulier, Ba precisionsuivante est possible : audCsir de Pa femme rCpond le &sir de l'homlme. Indkpendammentde laforme queprend l'expression du dhir, celui-ciporte dans les deux contessur un partenaire,et plus précisCanent sur mangé du chien" a été publié par R.P. D. NOYE, 1971, pp. 180-194, et 1980, pp. 21-27. le partage d'un désir commun avec ce partenaire. Cepartage est potentiel dès la rencontre des personnagesmasculin etféminin qui serecon- naissentexplicitement etde manière verbalisée danspremierle texte, implicitement dans le deuxième. L'identificationdupartenaire potentiel- lementcapable de satisfaire ledésir de l'autre contientdonc une promesse, c'estet cette promesse - non-dite dans les deux contes - qui est contenuedans laréalisation du mariage1 : le chasseur du premier conte nedit pas de lui-même qu'ilest rapide et, même si celui du deuxième affirmequ'il trouvera l'objet demandé, la signification de cettepromesse n'est pasexprimée explicitement. Conclu avant la mise à l'épreuve du partenaire,lemariage apparaît par conséquent commeuncontrat qui engage l'homme etla femme au-delà dece qui est explicité, c'est-à-dire

La décisionLa despartenaires marierse de sans l'interventiondesparents respectifs indique qu'il ne s'agit pas d'un premier mariage. Cf. surl'organisation du mariage par exemple : -chez les Peuls nomadesD.J. STENNING 1964 et C.E. HOPEN 1970 ; -chez lesPeuls dans lesrégions occidentales, Y. WANE 1966 ; -pour les Peuls sédentaires du Cameroun , R.P. D.NOYE in Camelang 1971, pp. 59-70, S. NASSOUROU1984 pp. 96-122 et 188-209, M.J. EGUCHI 1973, M. QUECHON in J.C. BARBIER 1986, pp. 299-312. -pour une étude comparative, M.DUPIRE 1970. à respecter la promesse. desatisfaction réciproque du desir. Ce contrat implicite, à son tour, en est la condition. agement tacite desdeux est explicitC dans la sdrie d'épreuves quiillustrent dans les deu contesleur savoir-faire. Ceci les situe chacun dans un domaine qui leur est propre : quste d'un objet B l'extdrieur de la maison pourle personnagemasculin, maintien à l'int6rieur dela maison et travaux mCnagers pour le personnage féminin. Leurscompétences se réalisent donc dans des domaines spécifiqueset décrivent leurs rôles respectifs. A partir de cetteprécision, le désir initial apparaft à son tourcomme desir d'un partenairecompétent et erfomant dans son rôle. Larencontre des personnages qui aboutit ii leur mariagepeut se lire alors comme l'image de la rencontre d'un desir parta&, dCsir qui repose sur la distinction des rôles f6minin et masculin. Cependant., les types d'epreuve que subissentsurmontentet les personnages mas- culins etfeminins dans les deux contes apportent des diffkrenciations B cette image. Dans le premierconte, l'dpreuve porte sur la rapiditC du chasseur. D&s que cette capacit6 est prouv6e, ellequalifie personnagele comme pourvoyeur de nourriture et 1'Cpreuveest teminée. De mSme, la rapiditC de la femme dans la préparation de la nourritureprouve sa qualit6 demaîtresse de maison, le travaildomestique étant le seuldomaine dans lequel elle doive subir une Cpreuve. La complCmentarité des rôles s'articule donc ici autour de la satisfaction des besoinsessentiels : acquisitiondevivres et préparationde nourriture. A l'utilitéimmédiate nourrituredela recherchéepar lechasseur dans le premier conte s'oppose"l'inutilité" caractèrele et d'anti- nourriture de l'objet dans le deuxième : alorsque lachasse au gibierest vitale pour lasurvie, l'acquisitiondes poils de la queue d'une girafe n'estimposée quepar lavolonté d'unefemme exigeante. L'astuce du conte qui crée un suspense consistejustement à laisser planer le doute surla significationdecet objet, et l'intervention du merveilleux est là pouren souligner l'importance : cequi semble êtreinutile se rèvèle être le moyen à travers lequel lemari acquiert de la richesse - et du pouvoir, car il devient ''riche commeun roi". Lestermes du contrat sont donc différents dansles deux textes.Le premiersuggère dèsle départ qu'il existe une égalité de l'homme et de la femme par rapport au niveau de leur compétence : ils sont tous les deux rapides, et ils se soumettent chacun aumême type d'épreuve. Le deuxième texte, au contraire,pose d'emblée une inégalité, carl'homme épouserva femmela comme récompense d'un exploit qu'il est le seul à avoir su réaliser.L'enjeu est donc pour le prétendant de prouverson niveau d'aptitude par rapport à une épreuveponctuelle dont lesmodalités sont déterminées par la femme : c'est ellequi dit quel est l'objet à rechercher,et sa propre participation à une épreuve n'est pas envisagée. Tout en maintenant l'image du mariage en tantque contrat conclu entre partenairespour la satisfactionde leur désir partage, le conte "Des poilsde girafe" apporte donc plusieurs prCcisions : le desir du personnagefeminin, camouflé sous la forme du defi, est peut-Stre enfait le desir de richesse et depouvoir. Ceciest exprime à trois niveaux. En demandant B un homme exceptionnel de devenir son mari, la femme se dCsigne de mani6reindirecte comme unpersonnage hors du commun. De mcme, puisqu'elle se définit comme quelqu'un quiimpose une épreuve précise à un homme,elle est rnontrke commeun personnage qui saitce qu'il demande et, dans cecas, elle devientla detenatrice d'unsavoir cache. En demandant despoils d'une girafe princesse , enfin, elleanticipe de manihe metaphorique sur son propre statutsocial qui se rCv&le 8tre celui de aislasatisfaction de son desir de pouvoir et de richessepasse par 1'iwtemCdiairedu mariqui, Ctant capable de rCaSiser la quete difficile, Oeuvre enmsme temps dans le sens de sa otionsociale. i leconte distinguedans la realisation concr6te du desir lesrôles feminin et masculin, il ne diffkrencie pas ledesir lui-m$me selon les partenaires, ce qui confirme l'image d'un desir partage, mais dontle personnage féminin est le "moteur". Danslesdeux contes, lespersonnages surmontentles difficultes. Ceci equivaut à la confirmation du mariageentant que contrat concludans le butde la satisfaction du desir 81

commun eten tant que contrat respecté par les deuxconjoints à traverscoopérationla des partenaires enfin de compte égauxmais assumant desrôles différents. Retenonsque les deux textes suivent les mêmes structuresnarratives mais font intervenir des Cléments qui diffèrent : lepremier prend commepoint départde désirun exprimé explicitement qui s'inscritdans la vie matérielle, vérifiableeten ce sens réelle, etqui, tout en faisantintervenir le merveilleux, est satisfait par larecherche de l'utilité directe (nourriture). Le deuxièmetexte, au contraire, s'articule autour de l'implicite,de l'exigence et de la difficulté,et fait intervenirle merveilleux pourexpliciter le désir non moins réel de richesse et de pouvoir. Au-delàl'expressionde différente des désirsdifférenciés, l'aspect commun du désirdes deuxcouples transparaît, car ladescription des activitésconcrètes qui situent l'homme laet femme parrapport à leursrôles dans le couple fonctionne comme une métaphore dela sexualité. La récurrence dela "préparation dela nourriture" et dela "chasse" en tant que quête et conquête fait allusion au désirsexuel des partenaires dans les deuxcontes et l'intègre dans l'image du mariage heureux. 82

L'articulation de l'action des deuxcontes suivantsest opposCe B celle des deux premiers. La structureest ascendante dans lepremier cas, descendantedans ledeuxihnel. n effet,les contes"Un marabout qui a mang6 duchien" et "Une femme ressuscit6e" qui illustrentmariagele malheureux situent les conjointsdans le cadre du mariage dkjà conclu. Le malheur et la dissolution du contrat sont dus B sa transgression.Celle-ci comprend une 6tape dans le conte no 3, deux dans le conte n"4.

snee N"3 Conte NO4 "Un marabout qui a "Une kmme ressuscitke" mangC du chien"

Un marabout vit avec Un homme et une femme sa femme. Elle l'aime. pieuxvivent ensemble. La femme neregarde au- cunautre homme.

lCes termes sont de D. PAULME 1976, pp. 24-32. 83

DESlR DE 'IRANGRESSION

Ellelui demande ce qu'il feralorsqu'elle sera morte. Il prometdese faireenterrer avec elle. Ellemeurt, il tientsa promesse.

RESTAURATION DU CONTRAT

Dieu ressuscite la femme. Ils viventIls ensemble à nouveau etsont pieux.

PERTURl3ATION

Il raconte à sa femme Unmalin décide de que l'un de ses disciples séparerla femme de son demande à Dieude leson mari. Il y parvient protéger de la passion. La femme déduit que son marine l'aime pas. Elle lui demande un La femmevitavec le

Elle lui demande d9é- sonmari, devenu vieux, gorger le chien, il learrive dans la ville. Il de- fait et se lave les mains. mande de l'eau à sa fem- Elle lui demande deme, elle l'insulte. Devant manger la viande du juge,elle declare ne pas chien, il lefait, alors connaître le vieillard(son qu'elle-mêmen'en man- mari). ge pas. Il se lave les mains et faitles ablu- tions. Lorsqu'il veut prier, il a tout oubli6 : Dieu a tout efface dans sa mCmoire.

Il prend son bhn et Le maridit qu'il annule part. son"contrat" (sa promesse de mourirde avec sa femme),elle se trans- fome en poussigre.

Les deuxcontes débutent par la situation harmonieuse d'un mariageréalisé et vécu au nom de l'amour etdu respect dela religion : la femme aimeson mariqui est marabout(conte 3), les conjoints sont pieuxet s'entendent bien, la femme necherche pas à rencontrer un autrehomme (conte 4). 85

Cependant,dans le conte n04, "Une femme ressuscitée",une difference entre l'amour du mari et celui de l'épouses'amorce dès cettepremière séquence : l'amour- du mari apparaît comme fidèle et inconditionnel,alors que celui de lafemme appelle un commentairesous forme de négation. Celle-ci fonctionne comme une condition, carle "ne pasregarder un autre homme" signifie"être fidèle à son mari", et on lit : le mariage est harmonieux à conditionfemmequela soitfidèle. La transgressionest thématisée implicitement comme possible du côté du partenaire féminin. L'image du mariage est donc celle d'un contrat conclu au nom de Dieu,mais comme un contratqui peut être transgressépar lafemme. Son harmonie repose justementsur le non-transgression parla femme et sur le respect de la religion. Leconte explicite cette image en intercalant entrepremièrela quatrièmelaet séquence ("Contrat"et"Perturbation") deux séquences qui portent surle désir de transgression du contratet sonrétablissement, cequi, du pointdevue structurel,rétablit la situationinitiale du "Contrat". Du point de vue de sa structure narrative, le conte pourraitdonc exister telquel, sans les deux séquences ajoutées. Cependant, en cequi concerne le sens,elles apportentune précision importante surle type de transgression quiest située comme une transgressiond'ordre religieux, motivée parle désir du personnage féminin. C'est ce que montre dansplusieurs étapes séquencela "Désir de transgression". 86

Eneffet, Sa femmeexprime d'abordson desir à travers sa demanded'uncontrat suppl6mentairedefidélite et, sur le plan de l'explicite,rien ne laisse supposer que son dCsir pourraitcorrespondre à un dCsir de transgression. ucontraire, le a 1M am9 "contrat",est conclu entre le mari et 1'Cpouse devant Dieu. Cependmt, au niveaude l'implicite, plusieurs aspects sont à remarquer. La question de la femmecontient et g&re la rCponse : à sa demande de maintenir Be mariage par un "contrat de fidelité"jusque dans et au-delàde la mort, le mari r6pond oui, obeissant ainsi à la suggestion contenue dans la question. La femme, de son c6t6, ne r6pond pas à la question correspondanteque lui pose son mari apr6s lui avoirpromis de la suivre dans la tombe. Elle ne s'engagedonc pas à respecter ce qu'elle a elle- mgmesugg6rC. Vue decette manisre, sa demande de fid6litC 6temelle correspond un dCsir de non- sCparation meme fusionde sur planle relationnel. ais il correspond Cgalement B un dCsir de toute-puissance et constitue par là mgme unetransgression d'ordre religieux, car Dieu est invsqug par exempledans la pri6reaux morts par: "Am woni zt;a.gba [Ma ria&% mo. Aan woni maaymado MO. In woni geeditimoswo ma", "C'est Toi qui l'as crC6 et qui lui as donné les moyensd'exister. C'est Toi quil'as fait mourir. C'est Toi qui le feras revivre"1. Latransgression potentielle de la fidelité, annonc6e dès la première lLa prière aux morts commence decette façon. Cf. Mohamadou M. ALIYYU, Alfaki M.@. ARI, 1988, pp. 68 et 76. séquence,est doncprécédée dans sa réalisation parune transgression dela religion,ce qui, à son tour,situe l'infidélité conjugale dans un cadre religieux. La séquenceLa suivante quiillustre le rétablissement du contrat aplusieurs fonctions. Du point de vuenarratif, elle est nécessaire pourque leconte puisse continuer après le"Désir de transgression" : contele serait effectivement terminépersonnagelesi féminin n'était pas ressuscité. Du pointdevue religieux, enet s'inscrivantdans l'imaginaire musulman par le dialogue avec les anges envue du Jugement, elle illustrela toute-puissance de Dieu - non celledes humains - etconfirme que la réalisation du désir detoute-puissance est une transgression. Du point devue social etindividuel enfin, cette séquence désignele mariage comme uncontrat conclu par deuxindividus devant Dieu,contrat associé au devoirde respecter la religion : Dieu demande aux conjoints d'être encoreplus pieux qu'auparavant. Laséquence "Perturbation" à partirde laquelleles deux contes se rejoignent du point de vuestructurel fait intervenir le dérangement de l'équilibreetdel'harmonie par letruchement d'unetierce personne. Cette intervention est involontairedans le cas du disciple du marabout, elle est consciente et décidée à l'avance danscelui du filou. Quelle que soit la conséquencede cette perturbation - venuede l'extérieur du couple - ellene fait qu'actualiser. sa fragilité potentielle, indiquéedès ledébut : en désignant leperson- nageféminin comme ciblede la perturbation, les 88

textesindiquent que . les6pouses sont les responsablespotentielles de latrmgressisn. Cependant,au-del& de ce pointcommun, la narration diffi5re dans lesdeux textes. La perturbationest simplement constatee dans "Une femmeressuscit6e", car elleabandonne sonmari poursuivre filou le sans aucune rCaction particu1ih-e. L'actionaccomplie devient lapreuve de l'hypoth8se de l'in€idClit6 conjugale,et jeunesse de la femme et fidelit6 en tant que respect dela religionapparaissent comme inconciliables.Dans "Un marabout qui a mange du chien", au contraire, lejeu entre lesniveaux del'explicite et de l'implicite, entre le dit et lenon-dit, devient le sujet m6me du texte. Tout s'articuleautour du malentendu non Cclairci : si le marabout est affligC par le souhait de son disciplequi demande d'ctre prot6gC d'aimer passionngment une femme,c'est qu'il ne partagepas ce souhait et qu'ilaime donc sa femme. Le raisonnementsous-jacent serait : pourquoi ctre protCg6 de l'amour alorsque c'est positif. La femme,au contraire, adopte l'attitude suivante : si son marinedemande pas d'ctre protCgC del'amour, c'est qu'il ne sait pas ce que c'estque d'aimer. UF le plan narratif,la femme prend donc le rBle qui permettra de montrer B son marile cBt6 nefaste de l'amour-passionl, ce qui fonctionne comme une confirmation du bien-fond6 du souhait queprononce le disciple.

lCf., pour l'illustration du caractère nefaste de la passion, un texte sur les Haoussa de N. ECHARD (1986). 89

Latransgression thématise à nouveau le lienentre amour etreligion en le précisant.Dans "Un marabout qui a mangé du chien", la femme demande une preuve d'amour à sonmari avec 'le raisonnement suivant : "Si tu ne me donnes pas ce que je veux, tu ne m'aimes pas''. Or, cette demande apparaît comme nonjustifiée dès ledépart, car l'amour du mariest exprimé implicitementpar la précisionqu'il parle de ses préoccupations à sa femme. Par ailleurs,la femme amène sonmari à transgresserl'interdit alimentaire (manger du chien). Ceciéquivaut sur le plan relationnel à la manipulation du partenaire aunom del'amour, carla femme faitagir son marien fonction de ce qu'elleveut. Ceci implique donc un désirde domination qui entre à sontour en conflit avec la religion. Le texteexplicite par la suite le caractkre exagéréetabusif de cette demande. Dans "Une femme ressuscitée", aucontraire, le désir detoute- puissanceexprimé dans la demande de lafidélité éternelle est lui-même à l'origine du conflit quise concrétisedans l'incapacité de respecter lafidélité conjugale en tantque devoir religieux. Dans les deuxcas, les désirs des épouses - désirde dominationetde toute-puissance - apparaissent nettementcomme négatifs. Dans laréalisation de cesdésirs, l'une des épousesfait agir valeurla séductrice dela nourritureinterdite alors que la deuxième répond à la séduction de l'homme interdit.Nourriture et partenairesexuel sont ainsi sur le même plan structurelpar leur trait commun, l'interdiction. Ils symbolisenttous les deuxlaconcrétisation du désir négatif quiest à l'origine de la transgression religieuse. La religion, B son tour, apparaît comme protectioncontre ces dCsirs. Leureistence n'est pas niCe : le propos des contes est justement leur th6matisationet une mise en gardecontre cequi est design6est comme leursconsdquences destructrices. En fonctionde ladramatisation diff6rente desdeux contes, la sequence finale apporte des solutionsdivergentes dans lede PC du tragique, mais comparablesdans leur nature car, dansles deux cas, il s'agitde la dissolution du mariage. Cette dissolution se fait de deux manières : là où le personnage fCminin a faittransgresser l'interdit, c'est le partenaire masculin quipart, et là où il a lui-rn&ne transgresseactivement l'interdit, c'est hi qui meurt. Si, dans les deux cas, l'origine de la dissolution du contratest situ& par rapport aux dCsirs nCgatifs desdpouses, l'implication des conjointsdans cette dissolution est diffCrenci6e. Dans "Une femmeressuscitke", marila apparaît comme Ioyal,fid8le et comme quelqu'un quirespecte lecontrat qu'il a conclu avec sa femme, ce quilui conf&re un pouvoir légitime par la religionsur elle. dans "Un marabout qui a man& du chien", au contraire,lepersonnage masculin qui suif sa femme dansles Ctages de la transgressionapparaît comme plut&faible et à la merci de sa femme. Les deux modalitdsde la dissolutionducontrat esquissent donc deux images opposées : lemari loyal et fidèle versus le marifaible et fautif. Cettedistinction implique B son tour une différenciationpar rapport à la transgression. Sa realisationapparaît comme plus facile lorsque le 91

mariest faible etcomplice car,assujetti à la passion, il ne s'y opposepas. Cetterestriction évoquede son côté une image positive,celle du mari comme garant du contrat parle respect de la religionqui, à' sontour, fonctionne comme protectioncontre la transgression. Mais, dans les deuxcas et indépendammentde cettedifféren- ciation,la dissolution du mariage apparaît comme conséquenceincontournable du désir négatif des épousesl. L'image du mariage dansles contes n"3 et 4 est donc celle du mariagemalheureux. La comparaison des images du mariage heureux et du mariagemalheureux esquisse à son tourcelle du mariageidéal.

l''Qu'est-ce que la passion ?" dans R.P.D. NOYE, 1980, op. cit., abordeune problématique comparable. Mais, à la différence du conteprésenté ici, I'épouse dumarabout l'empêchemangerde viande la chien. de La transgressionultime n'étant pas réalisée,lecouple n'est pas dissous, et le maraboutadhère au vœu prononcé par son élève. Lemême conte existe en édition bilinguedans R.D. P. NOYE, 1971, op. cit. Le terme utilisé est, comme dans celui présentéici, jarr iboore, "passion". Letexte est par ailleursplus explicite sur l'amour du marabout, puisqu'il dit : "Sa femmeétait aimée de lui, au plus profond de son coeur" (p. 185). Deux recueils de contes de la même région ont été publiés en 1982 et 1983. Si l'on considike les images du maria donneespar les quatrecontes dansle complémentarite,on peut distinguer des types de relationconjugale qualifiés depositifs et de négatifs.Comme l'expriment les textes 2 travers encementdessbquences narratives, ces relationss'organisent autour du desirdes person- nagesqui se concrétise dansdes actions, elles- mi?mes expression d'unmode relationnelentre conjoints :

mages de la relation homme-femme

Mariagemalheureuheureuxariage

positif et partagé entre négatifet unilateral partenaires (1+2) (femmes) (3+4) surviematérielle du domination du partenaire couple (1) (3) richesse et pouvoir du Fusion avec lepartenaire couple (2) ettoute-puissance (4) satisfactionsexuelle infidélité conjugale (4) (1+2) 93

MODE RELATIoNNEz, promesse mutuelle du désirunilatéral de respect du contrat transgressionreligieuse ( 1+a (4) respect du rôle féminin perversion du rôle (travaux ménagers et) fémininet transgres- cuisine)( 1+2) sionet religieuse (nourritureillicite) (3) respect du rôle masculin non-respect du rôle (quête de l'objet à l'exté- masculin (mari faible rieurpar le mari compé- et complice de la trans- tent) (1 +2) gression)(3) coopérationentre parte- domination et manipula- naires compétents tion(3)et transgression confianceréciproque et trahison (4) (1+2)

Decette comparaison se dégage l'image du mariageheureux comme relation fondée sur le désirpartagé des partenaires deconstruire le couple à traverscoopérationla laet complémentaritédans le but deleur satisfaction réciproque.Le mariage malheureux, par contre, apparaîtcomme hypothéqué dès le début par le désirunilatéral detrangression, désir qui se concrétisedans la domination, la manipulation et latrahison du partenaireetqui aboutit à la dissolution du mariage. 94

Ces images du maria e en tant qu'alliance entreindividus sont cependant intCgrCes dans une visionplus vaste qui porte sur l'organisation du rCel. Puisque chacun des textes focalise un aspect particulier du rkel v6cu concrktementpar %es personnages,ler6el litterraire fonctionnecomme image du r6elnon-litt6raire, organise autour de quatre p6les :

MatCriel # Emotionnel

Disir de survie mate- desir de preuve d'amour : rielle : les actions por- les actions portent sur la tent sur l'acquisitionmanipulation des dmotions et la transformation du partenaire (3) d'objets matCriel8 (no1)

Merveilleux # Religieux dCsk de promotion s le : d6si.r de depasser la mort : le merveilleuxinter- les actions impliquent la vient dans les actions transgressionreligieuse boa) (n04)

1 : mise en relation * : mise en opposition 95

Cette vision du réelqui intégre le matériel, l'émotionnel,lemerveilleux etlereligieux est concrétiséedans l'image du mariageheureux par le respectle constructeur du matérielduet merveilleux,dans celle du mariagemalheureux par latransgression destructrice de l'émotionnelet du religieux.Elle crée implicitement l'image du mariageidéal : si on litle mariagemalheureux dans son senspositif, la mariage idéal se dessine comme unealliance qui est basée sur l'amour des partenaireset le respect de la religion etqui vise lasatisfaction du désirsexuel et lapromotion sociale du couple. N

H (conte no 1)

Un hommepartit à la recherche1 d'une femme. Cet homme etaitrapide, il Ctait chasseur. Il vint à rencontrer une femme. La femme de son c6t6 Ceait partie à la recherched'un homme rapide.

Ils vinrent B se rencontrer. "Femme, où vas-tu?" Elle r6psndit :

1~e terme utilisd est ~a6 , (da6 6- "idéede chercher"et derivatif de mouvement -o~-~"aller vers"); l'actionpeut porter sur un objet ou unepersonne ; le verbe a laconnotation d' "effort et application dans la recherche,étant donné quiquerecherchéce est pr6cieux". Le Dictionnaire Peul (Fula) -Russe-Fran~aisde G.V. ZBUBKO donne daC~@sr (nom formé B partir de la racine der6 6- etdu classificateur nominal sde) avec deux sens : l'un "recherche", l'autre"désir". Même notionlasi de"désir" n'est pas explicite et conscientedans la variante de la langueutilisée ici, il est important de savoirque les deux notions sont contenues dans le terme et qu'il établitun lien entre "recherche" et "désir". 97

"Je suis à la recherche d'un homme, d'un homme rapide."l L'hommedit : "Rentrons au village." Ilsse marièrent2. Ils vecurent ensemble. L'homme dit : "Il fautque j'aille nouschercher du gibieren brousse". La femme répondit : "C'est bien".

Il se miten route. Il trouva un troupeau de cobesen train de paître. Les animaux étaienttrès nombreux. Il tiral'arc, la flèchepartit, mais avant qu'elle n'ait atteintsa cible, il étaitdéjà arrivé, il avaitégorgé le cobe, il l'avaitdépouillé, dépecé et il avaitenveloppé laviande dans lepeau de l'animal. Tu comprends ? Laflèche vint le rejoindre. Puis il transporta la viande, il arriva derrièrela maison etappela sa femme. Ellevint déchargerla viande, entra dans le grenier, prit du mil, le pila une première,puis une deuxième fois, le moulut,prépara la pâte et la bouillie,chauffa de l'eauet l'amena au bain. L'homme fitjuste le tourde la maison,vint et trouvaque tout était prêt.

lLa conteuse ajoute "Bien" B cetendroit. 9

ui depasse l'autre ? i depasse l'autre en rapiditC? l'homme ou la femme ? Pevut-ike qu'ils sont l'un aussirapide que l'autre1 , gent-8tre qu'ils ne le sont pas, cela reste controvers6.

(conte n02)

Pl y avait une femme, une Beule auteint clair, belle - corne toi. Elle dit qu'un homme, s'il l'aimait*, devait venir la demander en mariage3. lLa tournure utilis6e est y% 1 i 6e atwri, yeli Be potataar nder gaabi dum proni." Leverbe fat-@ exprime l'idée d"'éga1ité enquantité et/on qualité".L'aspect verball'inaccompli de indéterminéen -an souligneledoute, I'impossibilitC de dCcider, de trancher. *Le verbe utilis6 est y 'fda ; dans sa construction avecun complémentd'objet direct, il signifie "aimer". Dans sa négation, O yidaw, il signifie lhe pas aimer, ne pas vouloir"avec une connotation d'absolu. Selon l'usage fait de ce verbe dans les contes, il s'applique souventsentimentau inspir6 B un personnagepar l'aspect physique d'un personnage desexe opposé. 3~uuy-a~signifie dans constructionle intransitive "vouloir", comme dans l'expression : To a11 a muuyi i, "si Dieu leveut, l'accorde".La construction verbeplus complémentd'objet direct (personne) a significationla "demander en mariage". Lechamp sémantique du verbe recouvre par conséquent "vouloir""vouloir une personne, une femme." 99

Elle répondrait non, sauf à celui qui lui apporterait lespoils d'une girafe - autrefois, on les mettait autour du cou.N'est-ce pas quede tels poils existaient ? Ellene répondraitoui qu'à celui qui lui apporterait les poils d'une girafe princesse. Quelqu'unvint, elle ne l'aimaitpas2. Quelqu'un d'autrevint, elle n'en voulait pas non plus. Un hommeavait quitté le village puisqu'il était chasseur, il était en brousse, il y vivaitavec toute sa suite. Des animaux abondaient à l'endroit où il s'était installé. Il vint et demanda la femme en mariage. Il lui dit : "Marions-nous.DieuSiveut, le je t'apporterai ceque tu demandes." Il l'épousa.partirentIls vécurentet ensemblependant quelques temps.

Il lui demande : "Pile-moi du mil." Elle pila du mil grillé etle lui mit dans un sac. Il leprit ainsi que sa petite calebasse. Il se leva pour partir et lui dit : "Que Dieu tegarde, attention aux animaux sauvages."Son nom était Jaml. Le nom dela femme était Jam. Il s'en alla.Loin dans la brousse il y avait des girafes,elles venaient boire dans une mare. Il enlevales fibres d'un b a r k e h i 2, lesenroula

1Lenom de la femme, Jam, signifie, commel'adjectif j am, "la paix, latranquillité ; le bonheur,la santé". 211 s'agitdes fibres del'arbre Bauhiniareticulata. solidementautour de son corps tout entier,seuls restaientles yeux. Il vint s'alonger au milieu du chemin, il se mit au travers. Les girafes passaient par lB pourboire. Une grandegirafe vint et s'arreta :

e vivants'envelopper de fibres kunarm num num numnum ? Un mort se coucher sous un te8 soleil kunum nulm num num num ? ui le mange n'arrive pas à destination unum num num numnum ! i le laisse ne le retrouve pas kunum nurn num nurn num !

Elledisait dans sa chanson que sielles le mangeaient,elles n'arriveraient pas B leur destinationpour boire mais, si elles le laissaient, elles ne le retrouveraient pas. Ellespoursuivirent leur chemin. La femme avait dit B propos des poils de girafede qu'elle voulait ceux d'unegirafe princesse.

D'autresanivkrent, tout un grand troupeau :

Un mort s'envelopperde ces fibres kunum num num num num ? Quelqu'un devivant se coucher sous un tel soleil kunum num nurn numnum ? Qui le mange n'arrivepas à destination kunum num num num nurn ! Qui le laisse ne le retrouvepas kunum nurn numnum num. 101

Ellespoursuivirent leur chemin.

La girafeprincesse était entrain de venir, elleportait grelotsdes tintaientqui : wangangang, ' wangangang,wangangang, wan g an gan g. Elleétait toute seule! Les premières,nombreuses, étaient déjà passées. D'autres,nombreuses également, allaient suivre. Elles'approcha et s'arrêta :

Quelqu'un de vivant secoucher sous un tel soleil kunumnum num num num ? Un mort s'envelopper de cesfibres kunum nurn nurn nurn nurn ? Quile mange n'arrive pas à destination kunum nurnnurn nurn num ! Qui le laisse ne le retrouve pas kunum nurnnurn nurn num. Elle avaitavancé les pattes antérieures et était sur pointle souleverde lespattes postérieures pourenjamber l'homme quand il se saisitde son couteau etcoupa dans laqueue, p arap ! Il prit la fuite, et toutesles girafes, celles quiétaient déjà passées etcelles qui devaient arriver, le poursuivirent pour letuer. Il courutet l'échappabelle! Il arrivadans un fossé,tomba d'épui- sement,s'allongea, reprit son souffle et sereposa bien. Il pétrit son milgrillé et mangea, puis il but l'eau qu'ilavait sur lui. 11 enveloppa la queue, en fit un paquetet le portasur la tête. Il faisaitdéjà nuitquand il arrivachez lui. La femme s'était retiréeet dormait. El s'approcha de la porte. Lafemme l'avait fernaCe et barricadee à causedesanimaux sauvages. Il arriva à la porte et I'entrebailla, mais il &ait impossible douvrir. Il dit :

Jam, mafemme cherie, Liikoo Sam, les poils de la grande gir Cveille-toi enpaix, femme uvre-moique J'entre. ilence. La femme dormait.

Jam, mafemme eh6rie, Liikoo Banii Jam, les poils de la grande girafe 6veille-toi en paix, femme Ouvre-moique J'entre.

Elle l'entendit dans son sommeil.

Jam, ma femme chCrie, Liikoo Banii Jam, les poils de la grande girafe Cveille-toi en paix, femme Ouvre-moique j'entre.

La femme se leva d'un bond, s'accroupitet attisa le feu, des flammes jaillirent.

Jan, ma femme cherie, Liikoo Jam, les poils de la grande girafe RCveille-toi en paix, femme Buvre-moi que j'entre.

111 n'estpas possible pour moi d'identifier cette deuxikme partie du nom, Liikoo Banii. 103

Elle bondit versla porte.

Jam, ma femme chérie, Liikoo Banii Jam, les poils de la grande girafe Réveille-toi enpaix, femme Ouvre-moi quej'entre.

Elle entrouvrit la porte.

Jam, ma femme chérie, Liikoo Banii Jam, les poils de la grande girafe Réveille-toi enpaix, femme Ouvre-moi quej'entre.

Elleouvrit la porte et sonmari entra. Elle prit de la nourriture etla lui donna. Il ditnon, il nemangerait pas. La nuitpassa, il fitjour. Dès lapremière lueur, elle se leva, balaya la maison, fil la vaisselle, préparalanourriture etla bouillie, chauffa de l'eau etl'apporta au bain. Sonmari se réveilla. Voilàde la pâtede mil, voilà de la bouillie. Il passait toute la matinée à manger et à boire.

Il lui demanda :

"Va chercher l'objet de notre contratl. " lmbi i da, nomformé de de vi i-, "dire", + dérivatif associatif - d-, "faire avec", + classificateur nominal -ka (laparole) au degré 4 ; le terme signifie doncmot à mot : "laparole que nousavons dite ensemble", d'où "le contrat". 1 O4

Ellealla et souleva le paquet qui contenait les poils de girafe. Elle l'apporta. Chaque morceau qu'elle y coupait devenait de l'or. Chaque morceau qu'elle y coupaitdevenait del'argent. Chaque morceauqu'elle coupaity devenait de l'or.Tu entends ? Desrois apprirent cela. Ils envoyaient Cchanger desvaches contre l'or. Un cheval contre %'sr. Un esclave contre l'or. 'est ainsi que son mari devint roi 1. @l'&ait l'abondance.

Un marabout Cpousa une femme. C'était un tr&s grand marabout. La femmel'aimait beaucoup 2. uand il enseignait à I'extCri l'un pmi ses disciplespriait protéger ef'etre passionnément amoureux3d'une femme. Celafaisait mal au marabout. Il revenait et disait à sa femme :

laam-oo, verbe B la voix moyenne, signifie "être, devenirroi",maiségalement dans sa valeur métaphorique "être tel un roi". 2Le terme utiliséest yida ; (cf. conte 2, note 1) il l'est partoutdans ce conte sauftraduction différente. jasiboore, de l'ar. estplus fort que yiide, "amour", le nomdérivé de yid a ; il exprimel'id6e d'amour passion. 105

"Tu sais, Un tel me blesse souvent1! ''

La femme se disait : "Donc, cet homme ne m'aime pas !

Chaquefois qu'il enseignait, au moment où sesdisciples allaient repartir, lejeune homme priait :

"Que Dieu me protège d'être passionnément amoureux."Lemarabout revenait s'en plaindre auprèsde sa femme.

Un jour, en rentrant, il trouva sa femme qui pleurait. Il lui demanda :

"Qu'est-ce qui t'arrive ?"

Elle répondit :

"Rien. "

- As-tu mal B la tête?

- Non, dit-elle.

- Quellesnouvelles as-tu reques deta famille ?

- Rien, dit-elle. Répudie-moi."

l# da met tina-mi Irernde, mot à mot : "il me rend le cœur désagréable". Il lui demanda :

'est-ce que je t'ai fait ? i tu as besoin de quelquechose, dis-le moi. i celaexiste au monde, je teleprocurerai. Mais me demander de te repudieralors que tu sais que je t'aime ?"

Elle r6pondit :

"Mais je sais que m8me si je te disais ce que je voulais, tu ne le ferais pas pourmoi."

Il repondit :

"Jele ferai. Si Dieu a cr6C cettechose et qu'elle existe au monde, tu l'auras."

Elle dit :

"Je voudrais un petitchien, tout petit."

11 lui r6pondit :

ais non, je suismarabout, beaucoup de gens me suivent.Comment, un chien ? W aw ! wa w ! dans ma maison ?"

Elle r6pondit :

"Dans ce cas, repudie-moi. Si je. m'en vais et quej'epouse un homme quim'aime, n'est-ce pas qu'ilfera pour moi ce que je lui demanderai ?" 107

Il dit :

"Mais non, calme-toi."

Il envoya'quelqu'un dans son r uumndel. Onprit un chiot et on lelui amena. Lafemme donnait au chiot du lait etde la viande, rien que du lait et de la viande. Le chien prit du poidset devint gras.

Letemps passa. Le maraboutrevint à la maisonet trouva sa femme en train de pleurer. Il demanda :

"Aujourd'hui encore tu veux que je t'amène un chiot ?"

Elle répondit :

"Non. Répudie-moi. Je veux quittercette maison avec mon chiot."

r uumn de, de ruum- , "passer la saison des pluies" et le classificateurnominal -ade, "villagedeculture", est habitépar les captifs qui cultivent la terre. En tantque non-musulmans, ils peuventavoir des chiens. L'existence de ce "village de' culture"indique en même tempsque le maraboutestriche, car seuls lesPeuls socialementimportants pouvaient se permettred'avoir de tellespropriétés. Il demanda :

"Et pourquoi ?"

Elle dit :

"Et qui me l'&gorgerait ? Je voudraisle manger."

II dit :

"Ah bon. Bien."

Qui aurait4 pu appeler pour venir &gorger un chien?

Il coucha le chienle cou tendu, il l'hgosgea, le dkpega et donna la viande B la femme. C'Ctaient une viande bien grassel.

Pl dit :

"Puise de l'eau pour moi."

Elle lui puisa de l'eau, il se leva et sortit.2

La femme entra dans la guisine et frit le chiot. La graisse jaillissaitde chaque morceau. Elle referma le couvercle. l6ellere bs, naange, mot h mot"graisse / blanche / comme le soleil" ; la viande grasse est particuli5rement appréciée. 2La conteuse ajoute "Bien". 1 O9

L'homme revint à la maison et la trouva en train de pleurer. Il demanda :

"Quels sont encore ces pleurs ?"

Elle dit :

"Il fautque tumanges la même choseque moi." Elle n'en avait pas mangé, elle,la femme.

Il lui demanda :

"Qu'est-ce que tu as mangé ?"

Elleouvrit couvercle. le Uneenvie irrésistiblesaisit le marabout.

Elle lui dit :

''Il fautque tu en manges. Sinon, je prends ma viande, tu me répudies et je m'envais."

Le marabout prit un morceau, le mit dans la bouche, le mâcha et l'avala. Ilprit un deuxième, le mâchaet l'avala. Il prit un troisième,le mâcha, l'avala et dit la profession de foi.

Il lui dit :

"Puise moi de l'eau,' apporte-la au bain."

Elle puisa de l'eau et la lui apporta. 110

Il se lava. Hl fit lesablutions, mais dire Allaahm akbar luifut impossible. Il avait tout oublik.Dieu avait efface sonsavoir. Dire simpleRMXlt F lui etait impossible. Alors il prit son biiton, sortit et s'en aua.

Un femme&ait mariee à un homme. Ils &aienttrès pieux. uand lesoleil Ctait auzCnith, la femme se couvrait la t8te et les Cpaules d'un pagne,prenait une calebasse etallait au fleuve ~SUPpuiser de l'eau. Elles'entendait tr&s bien avecson mari2. Elle ne levait jamais les yeux pour regarderun autre homme.

Un jour, la feme dit :

"Dieu estpuissant. Tel que nous vivons ensembleetque nous nous entendons, si l'un d'entrenous meurt, que feral'autre ?"

L'homme lui r6gondit :

"Si toi, tu meursavant, moi, onnous enterrera ensemble. Mais si c'est moi qui meurs le

lJe ne tiens pas compte ici de la version dumême texte dite un an aprbs le premierpar la même conteuse. 2nar r-a, verbeintransitif, "s'entendre", exprime également le respect et l'attention réciproques. 111

premier, je ne sais pas. Peut-êtreque tu me suis dans la tombe, peut-être que tu neme suis pas, je ne sais pas."l

La femme mourut. L'homme dit :

"Elargissez la tombe.

- Un tel, as-tu perdu l'esprit ?

- C'estun contrat2 conclu d evantDieu, répondit-il. C'est ainsi."

Onélargit la tombe. Onfitla toilette mortuaire à la femme et on prononGa la prière aux morts. Luiaussi, on l'enveloppa d'un linceul et l'on priasur lui. On alladéposer la femmedans la tombe,puis on apporta l'homme et on l'y déposa également. Ils furententerrés etles gens s'en allèrent.

Dieu le Créateur envoya des anges :

"Allezdire à Fulaan que lui, il est vivant. Mais seul un mort peutêtre interrogé et jugésur sa vie. Comment jugerais-je un mort par rapport à quelqu'un quiest vivant ?"

lLa conteuse ajoute : "Bien". 2a 1K awa 1, nom de la classe -ng'a 1, de l'arabe, "contrat", recouvrel'idée "engagementd' pour", parfois avec un aspectreligieux. Le terme est plusfréquemment utilisé que mb i i da, cf. conte 2. 112

L'hommedemanda auxanges de prCciser qu'il s'agissait d'un contrat conclu devant la toute- puissance du Cr6ateuret au nom de la confiance enLui.

"C'est un contrat que vous avez conclu ?

- Hmhm."

Alors 11 dit :

"Je vais ressusciter ta femme pour toi. Vous i- allezrentrer, vous serezpieux, encore plus qu'avant.''

Il redonna l'âme ii la femme. Ilssortirent tous les deux de la tombe.

Ils vivaientensemble. L'histoire se r6pandait dans tout 1'Aadarnaawal : "L'as-tu entendu, l'as-tu vu ?"

Un filou d'un autre pays se mit en route en disant que cette femme-lh, elle n'avait pas trouv6 l'homme qu'elle aimait2. Si elletrouvait l'homme qu'elleaimait, elle abandonnerait3 son mari.

II1 s'agitdela région historique deI'Aadamaawa, la province appartenant à l'Empirede Sokoto. 2Leverbe utilisé est yida, cf. conte 2. 3filta haala maako (de fiil-t-a), mot à mot : "contourner les propos de quelqu'un", d'où "se desintéresser dece qui concerne quelqu'un''. 113

"Cettefemme, sort-ellene jamais ?" demanda-t-il.

- A midi précisément, en plein soleil, elle va au fleuve pour puiser de l'eau.

- Cela convient bien, se dit-il.

Il fit unvoyage de plusieursjours avant d'arriver. Il descendit chez quelqu'un. Il apergut la femmequi avait latête etles épaules couvertes d'unpagne quiettenait une calebasse. Il descenditvers le fleuve. La femme vintet puisa del'eau, elle puisaet fut surle point de remettre lapetite calebassedans la grande quand l'homme arriva au puits. Il dit : "Si tu suis Dieu et que tu suis son Prophète, au nomde ta piété, donne-moi de l'eau, la soif me tue. Donne-moi la calebasse pour que je boivede l'eau. " Lafemme, latête etles épaules bien couvertes du pagne,puisa de l'eau et lui tendit la calebasse. C'est à ce moment qu'il avanga sa main et défit le pagne de la femme1 en disant : "Telleque tu esfaite, c'est un seulpetit bonnet que tu suivrais ? Partons !" La femme marcha avant lui,ils partirent. L'hommel'attendait jour-làce le et lendemain,mais lafemme nerevenait pas. Il descendit au fleuve : voilh la calebasse et le petit

1La conteuse faisait un geste pourmontrer que le pagne était écarté violemment au niveau des cuisses. a 14

recipientpour puiser de' l'eau. Il se pencha. C'est ainsiqu'il perdit la raison. Il nerepassait mi3me pas 5 la maison. Il allait par-ci et restait untemps. 1 allaitpar-là et restait un temps. Sonerrance dura neuf ans. Un jour,il se rendit dans la ville où vivait sa femme. 11 arriva, il avait s~if.Avec ses mains, il creusa un trou, il enleva le sablejusqu'à atteindre l'eau,il puisa dans le creux de sa mainet but. 11 entendait une voix chanter. Une femme tenait une cruche,son pagne Ctait attache à la taille1 , elle n'avait rien pour se couvrirla t6te et les epaules. Ellevenait. Elle chantait 5 hautevoix sans s'arreter, puiselle arriva à l'endroit où il se &rou%rait.

"Femme pleine de piete,s'il te pla'it,donne- moi la petite calebasse pour que je puisse boire.

- HS alors, sale petit vieux !''

L'homme lafixa des yeux et l'appelapar son nom :

"Une telle ?

ubaanallaahi, cornrnent oses-tu me parler ? Où as-tu fait ma connaissance, mCcrCant ? Salepetit filou dePeul qui court aprcs les

1Mot mot : "son pagne&ait attaché ainsi" ; un geste accompagne la phrase, d'oh la traduction. 115

femmes!Misérable petit vieux1 ! Où as-tu fait ma connaissance ?" Elleinsultait l'homme. Celui-ci gardait le silence.Elle puisa l'eau qu'elleavait à puiseret porta la cruche sur son épaule. L'homme lasuivit. Elle arriva à la maison et entra. L'homme s'annonça en saluant.

Sonmari sortit. Ilsse saluèrent. Il dit :

"C'estma femme. Celafait neuf ansque nous sommes séparés. Elle était morte."

Il répondit :

"Mais non, Un tel ! Mais non, vieil homme !"

L'histoirefaisait du bruit,elle parvint aux oreilles duroi. Il dit :

"Cette histoire-là, je ne la comprends pas."

Les bruits couraient. Le roi dit :

"Allez chez le juge."

Ils allèrent chez le juge. Il demanda :

"Femme, qu'en dis-tu ?"

lK aerbaabuhoy est un termeque je n'aipas pu identifier. La traduction est doncapproximative a cet endroit, mais elle rend compte de la forme du mot qui estcelle d'un diminutif pluriel à valeur péjorative. Elle rependit qu'elleneconnaissait pas l'homme,que c'&ait seulement ce jour-18 qu'elle l'avait rencontre au fleuve.

"Homme, qu'en dis-tu ?"

Son mari dit :

on, demandez B la femme. Cequ'elle dit, je le dis également.

- Vieil homme, qu'en dis-tu?"

Le vieil homme dit :

"Voilàcequi s'est passe, voilà toute l'histoire''.

Le marabout l'appela :

"Viel home !"

II répondit oui.

"C'est un contrat que vous avez conclu ?"

11 rCpondit :

- C'est à cause de toi qu'on lui avait restitue la vie ? 117

Il répondit :

"Maisoui."

Le marabout lui demanda :

"Devant le Créateur,dis que tu annules le contrat !"

Il dit :

"J'annule le contrat."

C'est ainsique les os s'éparpillèrent. Ils s'éparpillèrent. Si l'on touchait un os dela femme, cela faisait p ucuk. Cela faisait pucuk. Il annula le contrat.La femme avaitacheté sa vie au prixde son âme. “La mariageheureux etle mariage malheureux A travers quatrecontes peuls du Cameroun”

Le mariageest souvent décrit comme un faitplus social qu’individuel. C’est eequi apparait Bgalement dansla plupartdes contes peuls. Dans quelques URS, cependant, l’imagedumariage estcelle d’un contratconclu entre individuspermetbonheurquileur lorsqu’ils en i respectentlestermes, mais qui aboutit au malheur lorsqu’ilslestransgressent.

Marriage in African societies is often described more as a socialinstitution than as a relationshipbetween individuals. Most Fulanifolktales convey similara view of marriage. A few of them,however, portray itas a eonlractbetween individuals, which provides happiness only as long asthe terms of the contract are respected; in theevent of transgression,the marriage ends inmisery. 119

BIBLIOGRAPHIE

ALIYYU Mohammadu,Alfaki M. G ARI, 1988, TarjantaAshmaawi (Traductionde 1'Ashmaawi en peul),Paris, Binndi e jannde, 95p.

BAUMGARDT Ursula, 1988a,"L'Enfant à travers des contespeuls du Cameroun", L 'Enfant danslescontes africains (Veronika GOROG-KARADY éd.), Paris, CILF, 83- 111.

BAUMGARDT Ursula, 1988b, "Parentéet alliance. Aperp d'un corpus decontes peuls du Cameroun",Communication au SymposiumLittératurede Orale, organisépar 1'U.A. 1024,Langage et cultureen Afrique de l'Ouest(Paris, 17-18 nov. 1988).

CALAME-GRIAULEGeneviève, 1987, Des cauris au marché.Essais sur descontes africains, Paris,Société des africanistes, 295 p.

DUPIRE Marguerite, 1960, "Situation de la femme dansune société pastorale", Fe m me s d'AfriqueNoire (Denise PAULMECd.), Paris - La Haye, Mouton, 1960, 5 1-92.

DUPIRE Marguerite, 1970, Organisationsociale des Peuls. Etuded'ethnographie comparée, Paris,Plon, 625p. 120

ECHARD Nicole,1986, "De la passion", Afri eactuelle. Hornrna BER, Paris, 127-134.

es of the Eife n in the Fulb

E~U@HIPaul K., 1978-1984, Fulful e Tales of eroun, Tokyo, Institute and

vols.

G~R~G-KARADYVeronikta, 19 5, "Conte et mariage : A propos de quelques r6cits bambara- rnalink6", Research in iean tzues, 13 349-369.

GBROG-KARADYVersnika, 19 , "Parole sociale et de l'irnagi ire", Le Conte : tion orale etidentift culturelle, Association RlhGne Alpes, Agence r6gionale d'ethnologie,. 1 19- 146.

HOPEN Edward C., 1958, The Pastoral Fulbe Farnily in Gwandu, Londres, Oxford University Press, 165 p. 121

NASSOUROU Saïbou,1984, Unecrise paysanne dans leNord-Cameroun. Le casdes Ful6e (Peuls), Thèse de 3èmeCycle, Paris, Ecoledes Hautes Etudes en Sciences Sociales, 307 p.

NOYE R. P. Dominique, 1971a, Un cas d'appren- tissagelinguistique : acquisitionde la langue par les jeunesPeuls du Dianzaré (Nord-Cameroun), Paris, P. Geuthner, 203 p.

NO= R. P. Dominique, 1971b, "Lescoutumes du mariagechez lesFoulbé duNord- Cameroun", Camelang 3 : 59-70.

NOYE R. P. Dominique, 1980, Le Menuisieret le cobra.Contes peuls duNord-Canzeroun, Paris, Luneau Ascots Editeurs, 240 p.

NOYE R. P. Dominique, 1982, Contes peuls de Bâba Zandou, Paris, CILF, 175 p.

NOYE R. P. Dominique, 1983, Bâba Zandouraconte. Contespeuls du Cameroun, Paris, CILF, 1980 p. (bilingue).

PAULME Denise, 1976, La M2redévorante. Essais sur la morphologiedes contes, Paris, Gallimard, 321 p.

QUECHONMarthe, 1986, "L'instabilité matrimoniale chez les Foulbé du Diamaré", Fe m nz es duCameroun (Jean-Claude BARBIER6d.), Paris, ORSTOM-Karthala, 299-3 12. 122

IESMAN Paul, 1974, Socibti! et liberte! chez les Peul Djelgbbt de H ute-Volta, Paris - La Haye, hfouton, 261 p.

SEYDOU Chfistirne, 19 4, "La fille recluse. Etude omparativede cinq contes peuls", The th Congress for the ~~ter~ati~~~l Society for Folk NarrativeResearch "Forum SELBERG

SEYD~UChristiane, 1985, 'lebu tu me donnes une femme ou je reprends ma petite saur", Le Worso. elanges offerts h rguerite DUPIRE, Journal des nistes 55 (1-2),127-142.

S EYD0 u Christiane, 1987, "La fillerecluse. Variations sur un th&me", Commu- Jsum6es d'Etude aris, 24-26 mars

STENNINGD. J., 1959, Savannah . A Sm b'e Pastor Fulani of ce, Londres, Oxford University, 24

WANE Yaya, 1969, LesToucouleurs du Fouta Tooro (Sknhgal). Stratificationsociale et structurefamiliale, Dakar, EAN, 277 p. 123

WOMEN IN THE BORNOSTATE CIVIL SERVICE - DIVIDENDS OR LOSSES IN INVESTMENT INHUMAN CAPITAL

P. CHIKE DIKE National Museum, Enugu (Nigeria)

Introduction

TheNigerian Civil Service is essentiallya creation of the colonialpast; until the attainment of independence in 1960, it largely servedBritish colonialinterests. In keeping with the traditional conception of empire,British territories in West Africa were largelyviable military and economic outposts for the economic and social well-being of the imperial power.1 It must bepointed out, however, that the Britishpresence was not entirely without rewards for the variouspeoples of the colonialterritories. Colonialism not only brought an end tointernecine wars among thedisparate entities of thecolonial territories,italso opened the way to widespread developmentsincommunications, including the building of roadsand railways. The order and stabilitythat prevailed in the wake of the“Pax Britannica” is generallyperceived currentin historicalstudies to have been of immense value, both to Britain and to her overseas colonies. On the

ISee for example CHINWEIZU, The West and the rest of us, Nok publishers, London, 1978, particularly chapters 12 and 15. 124

otherhand, it was primarily in order to serve its own interests thatritain chose to irnplernentthe particulal- administrativestructure that it did. This structuring cornbined political andadministrative aspects which meant in effect that each pesiod of the country's political evolutisn was accompanied by an appropriate administrativeinfrastructure. It was thisrelatisnship between politicsand administration from 1914 onwards adopted (by successiveindigeneous administrations arp to the presentday) that led Nwo S LJ 1 to argue that the riancivil service has been shaped and nced in its developrnent by the very forces which led to the creation and maintenance ofof the politicalstructures and authority in Nigerian. The CivilService as hereby defined is a component of the public bureaucracy and includes directemployees of federalstateand govemments. For the purpose of this paper, it has been expanded to includethe teaching service, thusallowing for a meaningfuldiscussion of fernale participationtheingovernrnent work force. It does not, however,include the personnel ce,Statutory Corporations or the NWO~Ushows in his excellent study, its developrnent in Nigeria can be categorised into three main stages3 : lSee Humphrey N. NWOSU, PoliticalAuthority and the NigerianCivil Service, Fourth Dimension Publishers, Enugu, 1977, Chapter 283. 2The Civil Service also includes in its traditional sense in Nigeria, al1 the staff and personnel of Non-Ministerial and Extra-Ministerial Departments. ~NWOSUop cit. MAP OF BORNO STATE SHOWING EIGHTEEN LOCAL GOVERNMENTAREAS

O

COURTESY OF BORNO STATE ORIENTATION MOVEMENT ( BOSOM 1 MAGAZINE ( 1988 1 126

The firstperiod, from 1914 to 1946, witnessedthe establishment of a unitarycivil servicewholethefor country after the malgamation by Lord Eugard of the Protectorates of Seuthernand Northern igeria and the colsny of Lagos. TheBritish imp d a unified butalien civilservice, which failed e into account the ethnicand cultural diversities of theindigenous people. In practice, however, the civilservices of theSouthern and Northern Nigerian grotectorales continuedto operate separately.Thehigher echelon of theservice was dominated by British colonialofficials, majorthe purpose of administrationbeing to maintainlaw and order, and to exploit the natural resources of the country for the greater benefit of the colonial power. This of courseled to massiveimprovements in transportation,including an extensiverailway network forthe evacuation of agriculturalproduce fU3m oUtlyhlg areas. Theservice was dividedinto tws main sections - a DepartmentalAdministration and a dministration;these were eo-ordinated $y the Chief Secretq while the Governor General, Who was directlyresponsible to theColonial Secretmgr in London, sewedas Head of the Public Service.Theadministration itselfrelied substantiallyforeffective departmental and politicaleffect on the fieldofficers, i.e. the LieutenantGovernors, theresidents and the districtofficers who carriedouttheir duties through the help of intermediaries - the emirs and obasin the Northern and Western regions and the warrant chiefs in the East. 127

The second major period between 1946 and 1966, witnessed thebirth of the ArthurRichards's 1946 constitution,which emphasized adminis- trativede-centralisation. constitutionThe providedfor the existence of federal and regional civilservices. Several indigeneous personnel from thepre- 1946 civilservice administrations returned to the three regions of the East, West and North, while others remained in the FederalCivil Service. From about 1954, aradical devolution of administrativepower from the British adminis- trators toindigenous Nigerian bureaucrats took place,particularly in theEastern and Western regions.These areas had produced several qualifiedpersonnel for the various arms of the services,with the result that the Civil Services could be said to be largely "Nigerian" during this period. However,because of the educationallaxity of the North and its lack of qualifiedpersonnel, the policy was pursued with great caution by the Northernregional government. A "Northerni- sation"policy was adopted, along with far- reachingeducational and economic programmes, witha view toredressing the domination of the civilservice by expatriatesandsouthern Nigerians. Thethird period, from 1966 onwardsis descripted byNWOSU as the "new federalism", and is marked by substantialgrowth in the powers andfunctions of thefederal government and the civilservice and particularly the reduction of the autonomy of the state governments and the civil service.With regard developmentsto thein 128

service after 1946, two highlights should be noted. First, the civilservice became primarily developmentoriented. new conception of the civilservice as tua ing wheel for National development had arisen.The splitting of intotwelve states took place in 1967, and from 1967 to 1976, when seven more states (including Bsmo) were created to bring the number of states in Nigeria to nineteen, what the politicalrulers emphasize was the rapiddevelsgment theilrof various states and thecivil services were conceived and viewedas crucial agents of this development. The second major development was that as more states were created, there arme an even morethinly-spread sourceof qualified manpower, garticularly for theservices of the states thathad been camed out of theterritory of the former Nsrthern Nigeria. This was in contrast to the situation in the former Eastern and Nigeria, the newly-created states served the purpose of creatingcareer spportunities for officers whose advancements were now being impeded by acutecornpetition in the congested civilservices. This wasparticularly true of the servicesin the former Western and East Central States. The perception of thecivil service now movedfrom the traditionalnotions of pattern maintenance, to an organisation of dedicated, trained and well-motivatedstaff working for the public good in theirspecial areas and leading the publicservice as a whole inthe proper and disciplined conduct of publicaffairs. Additionally, 129

the services wereexpected to have aneveryday relevance tothe needs, problems and expectations of the rapidly-changing Nigerian Society. WhenBorno was createdfrom the then North-EasternState in 1976, itwas, as expected, saddledwith the problem of providingsuitable manpower for the various arms of itsservices. It is thisproblem, particularly withregard tothe position of women in thesystem, that thispaper will address.

A Note on Bornol

Bornostate is not only thelargest of the twenty-one States of the Federation of Nigeria in terms of landmass, italso occupies the greater partof the Chad Basin in the North-East of Nigeria. Apartfrom being Nigeria's gateway toEast and Central Africa, it is also a point of contact between Nigeria andthe West African countries of Niger, Chad, and , withwhich it shares common borders. Together with Gongola and Bauchi States, it constitutedtheformer North-Eastern state created in 1967. 1988 estimates put the population of Borno at approximately 6.9 million.The Kanuri, which make up approximately 35-40% of the population, arethe most numerous of the diverseethnic lplease Consult for reference : (i) Achievements of Two Years of the PresentMilitary Administrationin Borno State, Borno State Government Publication, GovernmentPrinter, Maiduguri, 1988, and (ii) Orientation(ii) Movement Magazine (BOSOM), Government Printer, Maiduguri, 1988. 130

groups.Other ethnic groups include the Babur/Bura,thearghi, Bolewa, Waha, Guduf, Shuwa,Ngizirn, Kare- are, Ngamo,Bade, Fulani and Hausa. Borno itself was a Province of theold anem-Borno empire, which documented by Arab geographersand travellers as earlyasthe 9th century. Theempire is widely believed,however been founded two centuriesearlier. Under the leadership of theSefawa, the then-ruling dynasty of theKanuri, the Kanern-Borno empireemerged with a new centre east of Lake Chad.At the end of the11th century, the Ranern-Borno ruler, Urne Jilrniwas converted to Islam, and by 13thcentury, complex extemal relationswith the Northern and Eastern parts of Africa hadbegun. By the end of the 19th century the centre of Kanern-Borno had shifted to the south-west of Lake Chad.hen the Sefawa dynastyfailed to suppress Bsrno to its own likin it sought an allianceMuhamrnedwith 1-AminIbn uharnrned Al-Kanemi, a scholarand leader who livedinNgala. Al-Kanemi soon succeededin securingthestate for the Sefawa dynasty. However, when the Sefawa tried unsuccessfully to regain totaland aristocratic powerp Al-Kanemi was executed and the dynasty carne tq an end in 1 Al-Kanemi's son succeeded the Sefawa ruler and establishedthe El-Kanemi line of the Shehus of Borno, which was interrupted by the brief seven- year rule of Rabeh from 1894-1901. The British came to Borno in 1901 and did not meet with major resistanee,since Rabeh had becomeunpopular as aresult of the devastation 131

he had caused to the area during his rule. With the defeat of Rabeh, Borno was divided between the twocolonial powers of Britain and Germany. The British then revived the El-Kanemiline of Shehus and during the next 60years of colonialrule, Borno wasadministered provinceasa of the defunct Northern region of Nigeria. TheEmirates of Bade, Biuand Fikahave distinctivelaquages and traditions, thoughthey havemuch in common withthe Kanuris. Legends of theorigins of Bade andFika relate them to Kanem-Borno and Yemen respectively,while Biu claims descent from theSefawa. These Emirates weregrouped into Borno Province in the defunct Northern Region. The Chiefdoms of Shai, Gwoza, Askira and Ubaoriginated at the beginning of the century. UbaChiefdom was administrativelyunder the formerAdamawa Province during the colonial period but wasmerged withBorno state in 1976. Until1914, the emirate of Dikwa and the Gwoza Chiefdom were in German Kamerun. At the end of theFirst World War, both areas came underthe trusteeship of the League of Nations and later the UnitedNations Organisation with theUnited Kingdomadministering them. After Nigeria's independencein1960, plebiscitea was heldin 1961and DikwaEmirate and Gwoza Chiefdom voted to join Nigeria. In 1967, with the creation of States, Borno became part of the North-Eastern State, one of the twelveStates created theby new military government. 132

In 1976, the . North-Easternstate was broken down into the threestates of Goangola, Bauchi and Borno, with aduguri(formerly Yema) as the capital of

ucation and the Civil Service in Borns S%ate.

It is not often realised that was the first area to receiveIslam inNigeria despite the latter ascendency of Sokoto. One of the early kings of Kanem, is said to have adspted Islam in about and by the reign of loma, al1 the Manem Clans were solidly s generally believed that Othman Dan Fodio'sattempts at conquering Borno in 1888 were purelyfor reasons more politicalthan religious, since Borno had had several centuries of Islam,long before the conquest of the Hausa states.1 anusi and theShuwa embraced throughwhich they were exposed to Islamiclearning and Islmic literature. s a result,records and chronicles of important events in Islam and society e kept and ith the expansion of nuriinfluence and domination,many indigeneous ethnic groups were pushedfurther south, while a number were

1 See (1)Ibid. (2)J.S. TRIMINGHAM "The Phases of Islamic Expansion and Islamic Culture zones in Africa" in I.M. LEWIS ed Islam In TropicalAfrica, International African Institute, London, 1966pp. 127-128. 133

absorbedinto the dominant Kanuri communities and converted to Islam. HICKEY~shows that when theKanuri were defeated by theirkindred the Bulala in about 1396, their Mai and his court were said to have fled West to Borno, where many of their people had already migrated. They were said to haveto come up againsttheaboriginal So communities Who inhabited the fertileland along the Yobe river and around Lake Chad,from Dmasak m the krth to Ngala in the Fast. According to HICKEY'S account, it took the Kanuri over two hundred yearsto dispossess the So, many of whom fledto the West and the south while many more were assimilated into the Kanuri nationthrough inter-marriage. The aboriginal So of the Ngala area managed tosurvive in parts of theDikwa emirate, wherethey arereferred to todayasGamargu, while further south, they establishedthe Wandala dynasty that ruledthe Mandara nation from Mora in the . The Fulani Jihad of Othman Dan Fodio led to the conversion of a number of other communities, particularlytheweaker clans of theChadic ancestry to Islam.2 But not al1 communities of the region were completelyislamised by theturn of thecentury, and the administrative unit now referredto asthe Borno State includes anumber

lSee Rev. Raymond HICKEY , Christianity in Borno State and Northern Gongola, Institute of Missiology (MISSIO), Aachen, 1984, pp. 3-4. 2bid. page 5. of csmmunities with strongChristian populations. ost of these, however, are located in the south of

Bomo State has been divided into eighteen localgovernment areas in order ts enhance administrative of efficiency at thegrassroots hile the population of the ethnic groups of the Bade local ovemment, the Bolewa and Ngmo inPika local gsvemment area and Fulani of Fure local government is estimated to be absut 96% oslem, with very little Christian presence, to the South of the state,the influence of Christianity was largely felt. It is thesein areas that Christianityhad made its greatest in-rsads, partially as a result of the end of Islamic militq expansion due &O the intimidatingpresence of the British, and also as a result of the freedsm granted themissisnaries to proselytisein meas outside the immediate weas of Islamicreligious influence. ThefirstChristian mission in orno Province was establishedinGarkida in March, 1923. This was followed by severalyears of intensemissionary activity which included medicalandeducational services. Adamawa Provinceparticularin was a beneficiary of Christianmissisnary expansion. The Province had a large majority of the populationfollowing the na1 religion and as it could nst be classified slim ares, missionary activity was free and unimpeded.l

lIbid., Chapter 283 particularly, Chapter 3 pages 20-22. 135

One of the most distinguishingmarks of Christianinfluence is the spread of educationin the“western” sense as opposed toIslamic and Arabiceducation, the latter having been known and developed in‘the Old Borno Empire. A number of ancientHausa Fulani States were alsogreatly respectedfor their learning in Islamic law and jurisprudenceand the highly-advanced Arabic language and culture. When the Kanem-Borno empire came into prominencein the 13th century, it was able to establishcomplex external relations with the northernandeastern parts of theAfrican continent,andthe empire went farasas establishing a collegefor its students atthe famousAl-Ahazar University in Cairo. Spain and Kanem-Bornowere said have to established diplomaticrelationships, andthe Emiractually named an Ambassador to Spain at that timel. However,inline with developments from thecolonial period, it was only modern education (oftenerroneously referred toaswestern) that providedemployment and creatednearly al1 the possible avenues for increased social mobility. The Christian missionsin Nigeria brought with them thekind of education that qualifiedbeneficiaries forappointment tothe civil service and other segments of the Public Service. Withthe amalgamation of theProtectorates of Northern and Southern Nigeria in 19 14 and the establishment of the civilservice, British administratorssought to engage,mostly atthe

lBorno Orientation Movement Magazine, Op. cit., page 4. lowest mngs of thecivil service ladder,men and womm who couldwrite and speak English - as clerks, record keepers and so on. A good number were trained as artisans, and utilised in providing, maintainingand improving the state of public rabic,which was thebasis of Islamic communication, was greatlyundermined and did nothave any pride of placeinthe emerging bureaucracy,despite the face that Islamic teaching andliterature embodied copious details on government andadministration. In addition to the emergence of Christian missionsas visible agents of socialchange, the Christianmissions extended modern eduction to thenon-Islamic populations of the Borno area. Thisactivity, which extended to parts of present- day Northern GongolaState, saw the proliferatisn of Christianschools, the building of hosgitals and maternity centres.1 However, despitethis pervasive influence of Christianity mostly ter the South of despitewideopportunities avai emplsyment in the civilservice, education did not grow as quiclelgr would be expected. With regard to the education of en, it was,mildly colossalfailure. h regard to the outh of the regiern, theeducational ratios in favous of the south continue to 'be maintained to this day. It was not until 1963 that the firstgirls' secondaryschool wasestablished thein administrative area of Borno State as we know it

~HICKEYop. cit. 137

today. However,the first girls' teachers college, the Government TeachersCollege, was established in the latefifties in Maiduguri, while some of the teacherscolleges that were foundedinthe area maintainednursing sections for the training of nursing staff1 . Nursing itselfhas remained inBorno a predominantlymale occupation. Presently, for every intake of sixty into nursing schools in Borno State, only about onethird, or less than 35%, are female. The midwives are mostly female, while for non-skilled jobs like ward andhealth attendants, thereis an approximatelyequal ratio of male to female. As mattera of policy,effort isalways geared towards ensuring that nearly al1 attendants in femalea ward are females, while the men attend to males. Theeducation sector is anotherarea that has a reasonableconcentration of female manpower,particularly in the lower and middle levels of appointment. But evenatthat, it is estimatedthat only about one out of everyten teacherseducationor staff thisat level of appointment is female. In respect tothe higher cadres of thestate school system, a 1988 statistical table (cf. fig.) dividing the state into six educational zonesshows that in the Biu zone,for example,out of a total of onehundred and twenty-fivegraduate teachers theschoolin system,only fifteen are female while in Gashua only four out of seventy-threeare female. Gwoza

1Oral communicationfrom the Borno State Chief Nursing Officer. 13

figures showeighty-nine male teachersand sixteen fernale ones, whileMonguno has sixty- eight male and only six female. Potiskum zone has only fourteen females out of a teaching population of seventy-four. It is only inaiduguri that there is an equivalentnumber of maleand female teaching staff. Out of a graduate teaching population sf one hundred and siwty-one,there areeighty-tws males and seventy-nine fernales. For theholders of the National Certificate of Education (N.C.E.), there are onehundred and thirty males and eighty-fivefemales, while fortheDiploma Certificate hslders, there are fifty-two males and thirty-six fernales.In otherwords, over fsrty- three percent of Graduate, ploma and N.C.E. certificate holdersin the idugurizone are female. This is in contrast to the other zones of the state where the female population does not exceed sixteen percent and is as low as eight percent for the Monguno edueational zone. The fairlyhigh female population of teachers in Maiduguri zone is explaineel by a nurnber of factors of which marriage is the rnost arried women whose husbands live are given preferentialtreatment in of€icialpostings within the publicservice. husbands of female teachers,particularly teachers of graduate and N.C.E. statusare themselves more often than nst graduates sr seniorgsvernment executive fessionalandadministrative staff, and since 'duguriis the centre of government administration, rnost of them live there. 139

In addition to the fact that female staff live andwork as close as possibleto their husbands, manyofthe staff atheadquarters married to femaleteachers of thisstatus are themselves generally top cadre officerscapable of influencing favouredpostings for their wives and wards in general.Again, a significantnumber of civil servantsas well as teachers Who arefemale but singleare also almost alwayscapable of securing for themselves postings to favoured locations. As a result,there is a heavy concentration of staff at headquarters both inthe teaching profession and in the other areas of the services. As already stated, women arealso found in rathersmall numbers inthe various arms of the stategovernment administration clerks,as messengers,cleaners, kitchen staff and ingeneral administration. In fact,it wasnot until about 1981 thatwomen were first admitted into senior administrativepositions. Exact statistics of male/femaleratios are not immediatelyavailable toGovernment sources, but it isestimated that femalesconstitute less than ten percent of the civilservice population of theother arms of the servicessuch as in the Ministries of Agriculture, Information and Culture, Commerce and so onas wellas of boththe non-ministerial and extra- ministerialdepartments. This hasled tothe erroneous conclusion thatwomen were an insignificantand unuseful segment of thestate civil service. This error becomeeven more conspicuous when viewed againstthe impact already made in the service by a few well-trained and responsible cmeer women that constieute a source of great pride to the Bomo Civil Service. I was greatly rnoved by the deep sense of respect and admiration withwhich well placed male civilservants spoke of a number of comptentfemale executives,some of whom I have had the privilege of meeting inthe course of thisstudy and mawy hold theview that the service in orno State would havebeen much poorerwith t theircontribution. The crucialquestion, however, remains whether or not the performances of these high- quality female staff cm be said to represent the contribution of the average female staff in the Borno CivilService. Are female wsrkers of the Borno civilservice system bestregarded as ositive OP negative factors of socialchange? hile most of the people I spoke to thought that women constitute a useful inner wheel of the semice,there are quite a few who thid that the service would be better without them. Are women positivefactors in the Borno CivilService or should they be rega d in general as cogs in the wbeel of progress? at are the issues, problems and solutions to the female question in the Bomo service and elsewhere? We shall examine these questions in detail. 141

Issues in FemalePerformance in Borno State.

Elsewhere inthis paper, it has been noted that the CivilServices are creations of the colonial pastdating farasback as 1914 withthe amalgamation of the Protectorates of Northern and Southern Nigeria. TheCivil Services up to 1960 when Nigeriaattained her independence served colonialneeds and were not necessarilygeared towardstherapid development and economic transformationandself-reliance of the new Nigerian state. With independence and the Stark realities of theemerging neo-colonial trends, it was imperative that the new nations of Africaengage in an unimpededan in transformation of their economiesthrough formulating and implementing policiesthatpromote selfreliance, rapid industrialisationandrural transformation. A corollarytothis is thatthe new nationsalso needed toshake up the levels of socialservice, introduceinnovations ineducation, and harvest the human potentialrequired for a purge of poverty,ignorance and disease. InNigeria, this was correctlyseen as dependenton numbera of crucialvariables. It was generally believed that the most important of thesevariables was an effectivecivil service of dedicated men and women for whom the new clarion cal1of love of nation,anti-imperialism, social and racial quality was morally binding. This trend towards callsfor action has continued in the newStates created since 1967. Borns, one of thenewer states of the Federation, lays no claim to an orderedand systematicassessment of the performance of her civil service. This becomes even more intri respect to contributions consideredon the basis of gender. The service as already noted is male dominated and dses not seem to havethe complexities of moralproblems in malelfemale relationships cornmon in theFederation's Public Service. However there abounds a body of opinion which tends to suggest thatdespite their low numbers and in spite of the performances of a few well educated and articulate women, it will be an enor on a grand scale to award a pass mark to fernale servants in the state service. Converselgr, it kasbeen suggested by many sthers that women more than ever before are desirable to the service and that the civil service ofBomo state wouldbe a betterservice, more efficient and even more humane, if a majority of its staff were women. Some of the negative remarks against women in the Bomo service inclrnde interruptions caaxsed by maternitgr leave, freqrnent excuses and absencefrsm duty, little contribution to crucial msof the service and selective choice of jobs to do. With regard to the issue of maternitgr leave, critics take great pains to emphasize that they are not spposed to child-bipth and child-bearingper se. What they do not Like is the frequency with which many of the women havechildren. They argue that a woman Who has opted for a career in any of the arms of the Public Service has to tailor herneeds and desires in consonance withthe 143

overallpublic interest. During three months' of maternityleave, a mother's serviceschedules may be left unattendedto or attended to by a hard- pressedstaff. Critics suggest that given theurgent developmentand ' otherroles of thecivil service, andgiven the position of Bornoas one of the newerStates, requiring rapid transformation, married womenmust programmeand regulate theirindividual birthrates. Additionally, women inthe BornoService have been criticised for an unusuallyhigh rate of absenteeism.Though reliablestatistics were not available, particularly withregard tomale/female misdemeanours in thisregard, it was stronglyargued that women generally were thegreater culprits. This is saidto beparticularly true of unmarried women in the lowerechelons of the service. Aquestionnaire administered to a total of fortyworkers (twenty males and twenty females) wasparticularly revealing from the angle of the womenrespondents. The respondents were asked theiropinion on three issues concerning females : absenteeism,goodpublic relations and insubordination. Al1 twentyfemale respondents gave full markstothe female workers. Only themale respondents showed lack ofuniformity : more than 85 percent of themblame the women for absenteeismwhile two thirdsto be considered womeninsubordinate. 40% of malethe respondentsthought that. womenhad excellent publicrelations. 144

number of male critics also pointto the t of women staff in the critical areas of the service.part from the highlyplaced, well- edeacated women, some of whom hold positions as professionaladministrators, educators, nurses medical personal as an judicialofficers, there is an unusuallyhigh number of women, trained and availablefor employment in non-crucial areas. For example, one of the major difficultiesfacing the state teaching service is the excess production of female teachers withqualifications homein economics. Giventhe face that a good number of these women are married and thatpreference is oken given to such women in matters of gostings, it is not surprishg that there is an over-supply of home-economics female teachersandcivil servantsinaiduguri, the state capital.This of course entailssacrificing the general good of the state for individual needs. The prefesence for gosting to urban locations is a. generalNigerian phenornenon. Workess want to be posted to placeswith a constant supply of electricity,water, good roads and regular transport, among otherthings. The generally crowed axrban centres are therefore csnceived as ideal and convenient places to work. Thisleads to a situationin . which those in authority seek to control or influence not only appointments,promotions and discipline,but postings as well. The services become subjected to seriousimmobility, and serious consequences 145

ensue. In this regard OLATUWATOYIN'S observation with regardto the Public Service of Ondo state is of particular significance.1 A good many people, mostly women within and outsidethe Borno civil service, think that theseobservations are sexually biased,and largely untenable.With regard to what is consideredthe low generalproductivity of femalecivil service staff in Borno, a very highly placedfemale civil servant in thestate told me that most educated working women are not unaware of theprejudices andmisconceptions about theadequacy and cornpetence of female staff in al1 aspects of public endeavours.She argues that this has led to a situationwhere women strainthemselves towards givingdedicated, competent service when called upon to perform any tasks. Women come back to finishthe day's work in the evenings, at atime when themale staffpatronise the bars, tennis clubs andother places. In respectto maternity leave, women argue that childbirth is in itself a responsibility of every marriedwomen and a giftfrom Cod. The regularityirregularityor of child-birth,they contend,should be consideredwell beyond the

Thispoint about undue politicalinfluences and interferenceCivilin Service matters discussed is extensivelyinrespect of Ondo State in AKINKUOTU CLUWATOYIN, The Organisational Structure and the Role of the CivilService in Ondo State of Nigeria, a dissertation presented in partial fulfilment of requirements fora B.Sc.inPolitical Science, University of Maiduguri, 1984 page 114. The issues raisedapply generally in Nigeria. realms of male chauvinism except of CQUHS~for reasons of the mothers. On the question of absenteeism among the wornen in the semice, the women point to the low level of general discipline in the Borno State Civil Service compared to the civilservices of a majority of other states in the Federation. They point sut thatjunior femde civil servants in Bomo have peculiarprsblems whichgenerally impede pelrfect cornpliance,but that thisshould be understoodand controlled. What theyrequire is advice and help not vilification. For example,like young wsmen in other parts of the Federation e.g., vers,Plateau services, a veryhigh f femalef civil servants are in the juniorcategories. married junior female staff cannot afford to pay a nanny to look after her baby while she is at work, she has no transport of her own, she has no cook, yet her family must be fed even while she is at work at lunch the. Besides, tkey point out that since most of theunmarried women arestill young and impressionable, it is not unlikely%bat a certain level of indiscretion will arise frorn time to time. The charge that women are educatedmainly in home economics and deployed in non-crucial areas of theservice isalss considered untenable by women, particularly when viewed against- the vase preponderance of males in the stateCivil Service, including the teachingservice. An informant pointsout that out of aboutfive hundred thirty- fourcivil servants currently OR study leave, only aboutnine orless than two percent, are studying scienceor mathematics-based courses, most of the 147

studybeneficiaries being male. The women also emphasizethat the female civil servants are generallywarmer, more honest and that unlike practicesin a number of civilservice establishmentselsewhere, the factor of undue privilege on sex grounds is uncommon in Borno, if unknown.They think Borno female servants manifestexcellent public relations, greater patience, and greatercare in the performance of tasks.

Discussionsand Conclusions.

The womenof the Borno State Civil Service, liketheircounterpart elsewhere, notare distinguishablefrom the general perception of the African women traditionalin Society - hard working,determined, and productive. As Kenneth LITTLE succinctlyobserved, the African woman should not be considered in the manner of French Writer Binet asmerely down-trodden, spiritless creatures,since the actual situation more often is preciselythe opposite. "Indeed, working women show sometimesa good deal more determination thantheir male counter-parts"1 LITTLEgoes onto arguethat irrespective of how theirtraditional role is perceived,(this being thebasis of prejudicesagainst them) African women are now on themarch, seeking for themselves new roles,

1See Kenneth LITTLE, African Women In Towns, Cambridge University Press, 1973 pp. 179-180. 148

new vistas and extra opportunitiesfor achieving statu $1. This is particulaply tme of women in the civil service. lt should not assumedbe that responsibility and competence on the part of women civilservants is a prerogative of the highly-placed ones alone.The junior female servants cannot be considered wsrse than their male equivalents. What is generallyrequired for both male and female staff in the Boms service is a job ethic that stresses devotion md dedication to the cal1 of duty. Thishas to be supported bygood ewamples from bothmale and fernale managers. appily, so fa it is generally argued that the top fernaleadministrative and professional staff are a shining example t~ theirjuniors. 9t is a mistdce to thi& and behave as if women are negative forces 40 the system. Discrimination on sex grounds will not only create disparitiesin kuman resources development but will eonse uently a€fect the rate of socio-econsmic ditionally,it is not sften realised that Nigeria'shigh birtk-rate prsblem greatlyis redglcedby the deployrnent of more and more women into the labour force. s CHnNaDu DIME ows in her study of the Orlu women, of the ho ate of Nigeria, more involvementin economic activities has the effect of lowering the birth rate.2

lIbid. gage 180. *Se, Clara CHINEDU DIKE, Ibo Women : The Study of the Economic roles of Orlu Women, Traditional,Transitional andModern, a dissertation submitted in partial fulfilment of requirements for a B.Sc. (Sociology/Anthropology) 1981. 149

What is required in Borno as already noted is a continuous and rapid improvement of the Civil Service work force. Most assuring is the existence of anall-female civil service union within the Borno StateCivil' Service1. The union has the duty of protectingthe female work forceas well as directingthem towards a meaningfuland dedicatedcommitment tothe achievment of the goals of the service. A number of othersuggestions have been madetowards improving the quality of female contributionsto the Borno statecivil service, but the issue of better and higher education for them remains prominent. Better education for of women willlead betterto social orientation, better politicalparticipation, better child-rearing and upbringing and indeed a bettercivil service. Therefore,becomesit imperative that radicala training programme forfemales in the junior and middle levels of theservice should be embarked upon.As NGARARAWATHLIZA shows in his study of manpower development inBorno state, too much money is spent in thetraining of high-level manpower, to theneglect middle-levelof manpower.2 Themiddle-level manpower theis link betweenthebottom andthetop. If the intermediatecadres ormiddle-service levels are lThis development is generallyconsidered worthy of emulationby theother CivilServices ofthe Federation. 2See NGARARAWA P. Thliza, ManpowerDevelopment in Borno State, Dissertation presented in partial fulfilment of requirements for theaward of a Diploma in Public Administration, University of Maiduguri, 1980. weak, untrainedand ineffective, the service will lacle efficiencyfluidityand of policy implernentation. Pwcidentally, it is withinthe lowea md middle levels of the senvice that most of thefemales are fsund. hprsving theskills and job output of staff at those levels of the service is synonymopls with irnproving the quality of a vase majority of women in the Bomo Civil Service. It is thereforeextremely heart-warming that in his 1988 budgetspeech, the Governor of Borno tate aptlyemphasized the importance of female education' for whi is no longeran hpediment. nomadieeducation, the budget promises a bsost for theeducation of wornen in 1988 and this would includethe opening-up of at ILeast tws multi-purposevocational training SChOSlS.1 Further, a report of gsvernment achievements for the past two years indicates radicalattention ts fernale education. The unit for women's educationwithin the Educationhassince been reorganised and strengthenedfor efficiency. The report shows that Bomo is thefirst of al1 Nigerian states to install and commission workshop equipmentsin al1 girls schools,while a considerable number of female students have allready beenenrolled into the TechnicalCollege atBana, studying exactly the

lSee Budget of Social Justice and Economic Recovery, 1988, beingtext of a speechannouncing the 1988 budget by Lt. Col. ABDULMUMINI AMINU, MilitaryGovernor, BornoState, Government Printer, Maiduguri, 1988, pp. 17-18. 151

samesubjects theiras male counterparts. A further campaignfor women educationhas since beenlaunched and the variouslocal governments are being called upon to launch these campaigns at the local levell. . Parentsare advised to discourage abandon earlymarriages for their daughters, in order to give them the opportunity togo to school. This has been backed up by various government edictsas well as theprovision of special boarding facilities for femalestudents. Finally, it is suggested that the Borno State Governmentshould adopte deliberatea policy of appointingat least one female member to Civil Service andPara-statal Boards in the state, but particularly to al1 boards of education. This has the advantage of creatingopportunities for women, therebyfurther highlighting thebenefits of education. A womanin theCivil Service or TeachingBoards is an assuranceto women civil servants that theirinterests and abilitiesare being consideredalong with those of theirmale counterparts.In addition, female sensibilities and problems such as the task of working and running a home should be recognised and given due help. Thereshould be frequent manpower surveys with a viewimprovingto thegeneral manpower situationin general and thefemale manpower in particular.

See Achievenzents of Two Years of PresentMilitary Administration in BornoState, GovernmentPrinter, Maiduguri, 1988, pp. 33-41. Governmeae shsuld always endeavour to motivate al1 staff thrsugh sound management policies. Fernale staff s suld be given equal treatment with their male counteqarts, since they perform the same tasks for every post. Govemment has the clear choice of advancing the cause of rnale/€ernale equalityin the Public Service in general sr surrendering that task ts the rising currents of Nigerian ferniraism. 153

P. CHIKE DIKE “Women inthe Borno State Civil Service - Dividends or losses in investment in human capital”

Abstract

In theBorno Civil Service of Nigeria,men are of the opinionthat women aredetrimental tojob performance potential.This opinion shownis to bebiased, when viewedagainst the actual job records of many women in theservice. Much, however, remains done,beto particularyin the area of education.

Résumé

Lesfemmes ont été considéréespar les hommes comme uneentrave aux performances et au développementdu potentiel de travaildans la fonction publique de 1’Etat du Bornouau Nigeria. Defait, cette opinion ne saurait être maintenuequand on l’examine B lalumière du bilande travail de nombreusesfemmes dans les servicespublics, bienque beaucoup reste à fairenotamment dans le domainede l’éducation. LI P

ddress by Lt. Col. ABDUE ilitalry Governor, orno State to Different Interest Grsups, September-December 1985.

2. ABUBAKARAishatu, Bomo State CivilService since 1976, Dissertationin partial fulfilmentof requisements for a diploma in administration, University of

ehievements of Two dministrationin Govemment Printer - undated.

udget of SocialJustice an , A budget speech by the Boms State, Et. Col. ABDIJEMUMINIAminu, aidugulri, Government Printes.

nQ Present, Gsvernmen undated. 6. Borno State Local Government S Annual Report, 1985, Maiduguri, Goverlament Printer. 155

7. CivilService Commission Annual Report for the Period1st January 1987 to 31st Decenzber 1987, Maiduguri,Government Printer.

8. DIKE C. C., 1981, Ibo Women : The Study of the EcononzicRoles of Orlu Wonzen,Traditional, Transitionaland Modern, Paperpresented in partialfulfilment of requirement fora Bachelor of ScienceDegree inSociology and Anthropology, University of Nigeria.

9. ETZIONIAmitai, 1964, ModernOrganisations, Prentice-Hall, Inc. New Jersey.

10. GovernmentWhite Paperon theReport of the Panel onthe Harnzonisation of BornoRadio Corporation and BornoState Television Service, Maiduguri,Government Printer.

11. GovernmentWhite Paper on the Report of PanelonEducation Review Bornoin State, Maiduguri,Government Printer.

12. HICKEY Raymond (Rev.), 1984, CIzristianity in BornoState and NorthernGongola, published with theaid of theInstitute of Missiology (MISSIO), Aachen,andprinted by Claverianumpress, Ibadan.

13. LEWIS 1. M. (ed.), 1966, Islamin Tropical Africa, Studiespresented and discussed at the FifthInternational African Seminar, Ahmadu Bello University,Zaria, January 1964, I.A.I. 15. NGAwARAwA P. Thliza, 19 DevelopmentinBorno State, Pa partialfulfilment of requirements fora Diploma in PublicAdministration, University of

16. NWOSU Humphey N., 1977, PoliticalAuthority and the Nigerin Civil Service, Fsurth Dimension.

17. Orientation ovement Magazine, undated, Bosom . 18. SAMARA SuleimanMohammed, 1982, Bureaucrtacy : The Suceesses and Failures of the Borpzo State civilService, Dissertation presented in partial fulfilment of requirements for B.&. Degree in Politicalin Science Unimaid, Oluwatoyin, Akinkuotu.

19. Some provisions of theedict establishing the Bomo College of Education - Edict no 5 of 4th June,

20. TheOrganisatisml structure and the role of the civilservice in Ondo State of Nigeria, presented in partialfulfilment for Bachelor of SciencePolitical Science, University of Maiduguri, 1984. 157

21. TenYears of BornoCollege of Education, Maiduguri, 1977-1937 (Formerly Borno Advanced Teachers College),Special Publication.

22. USMANBale & ALKALI Nur (eds), 1983, Studies in the History of pre-colonialBorno, Northern Nigeria Publishing Co.

159

BODY I)ECORA'I'IONS, MALE-FEMALERELATIONS AND GROUB IDENI'I'I'Y AkION(;ST THE HILL DWELLING KOMA PEOPLE OF NIGERIA1

Joseph EBOREIME National Museum, Port Harcourt (Nigeria)

INTRODUC'rION

In almostIn al1 humansocieties, basic distinctionsexist between the male and fernale sexesin the treatment of the body and in the mode of dressing. It is, however, mattera for protracted debate if thesedistinctions are explaiilable in terms of theLevi-Straussian Nature/Culture dualismorthose of currentfeminist debates which tend to allude to the status of "women", the perversion of history, culture and justice (BROw N 1981 : 254). Theongoing research amongst relativelya primitivehill-dwelling people of Komainthe Gongola State of Nigeria offers an ideal context for testingseiected andrelevant anthropological - lEspecia1 thanks go to Mr. G.M.Chaskda, a Kildaelite for hisuseful suggestions and incisive comments and to the Director-General of theNigerian National Museums Commission,for encouraging this study. hypothesesagainst ernpirical data such as have been collected so far amongst the Koma and neighbouringgroups. For a properunderstanding of the issue underconsideration, it willthereafter be necessary togo into Korna ethnography, with particular seference to their historicalexperiences, aspects of theirleadership and authority relations, religiousbeliefs9 economic relations,marriage and inheritancepatterns. A closer look at the differerlcein body decoration and dresspatterns between male and female within the €dl-dwelling and migrant Koma in relationship to theirplain-dwelling Fullani and Verreneighbours will help toshow that body decorationserves to differentiatebetween sexes for the greater purpose of identity. Earllierinterpretations of so-called primitivearts which include body decorations and dress, carried the notion that they were mostly directed to fetish/magicaI ends. Such fornas of art were deniedeither creativity, Iogic, aesthetical or even ideological merits. Recent studieshave, however, proved that "tribal arts" lilee "modern" mes do not snly have aestheticfunctions but in additioncarry with them symbolic meanings and weight which in fact serve social, economic and rational ends. It is againstthis background that the theories of the respectedFrench Anthropologist Claude LEVI- STRAUSS have become revolutionary to and msst accornmodative: of contemporarycross-cultural analysis. 161

Carte de l'aire koma

IZ O1 3' E 90 00% S0 OO'N

8' 46" 8'46'N

,

- BOJO'N '3O'E 13O 00%

Km O s 1p Km,

. Roods / Trocks

f. 4- + + + Nigeria/Comeroun Boundary , ...... *. : Approximote Outline Of * .. . ,. . .* -. Moutoins ------Eorderline Of Koma District in Nigeria

cc - ___ Strearns

Sketch Mop of the KOMAarea ((Positions of some Villagesore opproximote 1, 162

Observing the Cudaveo Indians of South Brazil, LEVI-STRAUSSrelates theirbody makhgs to the hierarchical and castestructure of their society. (L-S. 1955:179). Body decorations, he says, becorne socialmarkers of status, prestige and domination for the Mbayas who believe that they are predestined to rulemankind. lnother wosds, body artsserve as syrnbols of identity between "We" and "They", also helping to single out theindividual from the collective and ensuring the transitionfrom nature ts culture (ibid.) On thebasis of comparisonwith tlae weighbouring Bororo who arestructured into two exogamousmoieties, LEVI-STRAUSSpostulates for the inbreeding and endogamous Cudaveo people, a libidinal phantasy in the body decorations of their women, who areseen as yeming symbolically for ideal socialinstitutions which they havedenied themselvestheirbysheer interests and superstitions (ibid.) Victoria EB~Nargues thatsirice the bodyis the physical linlc between ourselves, our souls and the ozktside wsrld, the use andprresentation of it couldnonverbally say precisethin s about the society in which we live (EBIN V. 1979 : 6). Citiplg exarnples from the Hammer of South Ethiopia and the Fulanis of Nigeria,she also sees body decoration 'as a vital element in ritualactivity in thedesire to gainmystical power. Thus, the Hammers smear their bodies with the entrails of a cow, while Fulani women painttheir faces with cow dung to ward off evil spirits and illnesses. 163

STRATHERN, Who examines the role of body decorationsin a stateless, competitive and warrior Society,reads political, economic and social meanings into theart (1980 : 219). In the Hagen Society, regulated by the local Moka exchanges, a strongcontrast exists between the status and activities of men and women.Men control warfare andexchange transactions while women raise children and pigs and tend the gardens. Thepolitics of Hagenersthe are characterizedbyaggression, mockery and the desiretoreverse the fluidsuperiority/inferiority relationshipbetween rivalsMokathe in exchanges.involvesIt latent rivalry between Bigmen which is expressedin the sizes of gifts, speeches and elaboratedecorations. Decorations celebratesuccesses in the never-endingbouts of exchange; they serveto demarcate festival times fromnon-festive ones. Men areassociated in differentcontexts with darkand bright colours, while women are generally associated with bright colourswhich make them more alluring and fertile in their roles as regenerators of Society. The dual association with red, applicable to both sexes, STRATHERN says, represents the flow of friendly and positivecommunications between groups and betweensexual partners. Amongst the Nuba of Sudan as the Koma of Nigeria, FARIS assertsthat body decorationsand dressserve as status indicators between men and women, agegroups and patriclan (FARIS 1972 : 50). Inthis Society, wheregrooms do notpay bridewealth but ratherpay bride service, body decorations serve as a means of "making signsttto 164

theworld atlarge. People who cannotacquire prestige through economic power which involves cornpetitionthrough overt show of wealthand goods/commsdities sf al1 sortsresort to body decorations and elabmate dress ts celebratetheir god-given body and vitality. In other words, what human beings losein one sghere is compensated for in other splheres of social structure. It is within thisdeprivatory / compensatoryframework which re-echses LEVI-STRAUSSthat the significance of body decorations alnongst the sma and similar peoples of the world wouldhave more logical meaning. But I shallfirst go into the relevant ethnsgraphyas revealed in the ongoing research to support this assertion.

The Koma peopleare divided ints three main sub-ethnic groups - The Beiya and Damti, the majority ofwhom dwellin the hills, and the Vsmni Who live in theadjoining lowlands (see map). In the plains and lowlandsare alss other ethnicgroups who mer theyears have displaced the hi11 dwellers - the Verre, the Bata, the Fulani, the Hausa and Chanaba. (Leo FROBENIUS1913 vol. II : 666). The Koma proper, as thehill-dwellers are now called,are spread through theSouth and Southwest of the AlantikalAdamawamountain ranges to the centre of these hills, where they 165

share commongrounds with the Vomni - Koma relatedgroups, most of whom are now settledin thefoothills. In theInhills the taxable adult Koma populationnumber about 14,829, asagainst the plain-dwellers Who account for about 11,348. (Tax records 1986/7). Thetotal population of females standsat about 18005, while that of the males is 8272. Amongstthe lowland Verre the taxable population of males stands at 1,437, while that of females stands at 2,772; the Chamba : males 120, females 200;Fulani : females115; males 20; Busa :males 100;females 9; Batta :males 9, females 36. The mixed totaltaxable adult population forthe whole Koma Vomni district stands at about 41,211.(Koma District Tax record). A large number of Koma have been reported living in the Cameroonside of Alantika/Adamawathe Mountainrangesl. Generally, the Koma groups can be divided into hi11 and plaindwellers. The Koma plain dwellerslive inthe periphery of the Fulani, Chamba,Verre, and Bata Settlements thein lowlands,where they farm,live intemporary shelters, and attend markets. Most Koma plain- dwellers have ethniclinks and permanenthomes

RogerBlench British a Anthropologist/Development Consultant, also confirmed that some French Scholars such as Michel Die and Françoise Championare working on a Koma related peoplein theCamerouns. Françoise Champion in a persona1 conversation (27/9/88) reveals that about 3,000 Koma live on theCamerouns side of the Alantika. 166

in the hills to which they retireseasonally, periodically sr dailydepending on thedistance between lowland fam and uphill "homes". The Verre shxe close ethnie and linguistic ties with the oma; however, they see the Ksma as inferiorsand refer ts them inFulani as backward peoples.Even those among the Vomni who have inrecent years come dswnfrom the hills rekr to the Moma derisively as "lsad carriers" (Gsmne). These allusionsarefurther understood frsm the brief historical account below.

The history of the Koma peopleappears to have begun towardsthe end of the 16thCentury during the successive waves of migrations of the Bata, Chmba, aghi and Higi from the North and East of Africa towards the Upper Benue Valley'. For nearlytwocenturies, these waves of migrationsseemed to haveinvolved a grim struggle of thsseinvaders for dominance and control over thisfertile region. The Koma, who were then a relativelysmall and unorganised grsup living around the Faro valley, were pushed up ints the hills by the Batapeople. These internecinestruggles also favoured the success of the Fulani Jihad of the 19th Century whichled to theoverthrow of a number of

lUnited Kingdom TrusteeshipReport 1949p. 34. The waves of migration corroboratedare from oral narratives and traditions from a number of local informants (Fieldnotes 1987). 167

societies and the conquest of suchgroups as the Verre, Who either becameenslaved orescaped into the safety of the hills of the Alantika as the Kbma did. Thelowland Verre, Who becamethe middlemen of theFulani, organised periodic tax raids on the hills.Hence the average Koma man and wornan viewthe Verre with suspicionand would want tomaintain his/her identityin many forms, body decoration and dress inclusive. In the 1950's a ban was placed on imported textiles which usually passed through the hands of the lowland Verre,Fulani and Chamba middlemen to thetohill-dwelling Komal. Preference was expressedfor the relatively scarce but locally producedcloth. COLONIAL EXPERIENCE The large population of Koma now found in thefoothill and plains of theAlantika/Adamawa mountains is arecent development inresponse to theabolition of theslave trade and slavery, and alsothe result of variouscolonization policies adopted from 1900-1960 (NISSEN 1963 : 197). Germanoccupation of thearea was shortlivedand rather ineffective. The Fulani overlords(the Lamidos) continued torule the Koma and extorttaxes from them by organised raids to the hills. With the conclusion of the first world war the Germans renounced theirclaims to the Cameroons infavour of the Allied Powers. As aresult, the Adamawa area, which includes the Koma, was placed under British Mandate.

1Roger Blench's upublished work list. Also confirmed by 168

year after Nigeria'sindependence in , as a result of a plebiscite the Koma became recognised as Nigerians almg with theold duanaprovinces of the Northern ameroons. Today the Koma-Vommi District is one of the seven districts in the Canye local governanent area, with head quarters at Nassarawo in the plains. The District Head of the orna isa Verre mm and has his operationalheadquxters in the plains. One can, however, see Moma women proudly dressed in waist leaves and beads bringing their waes of guinea corn, beer, tobacco and fruits t nd-markets of Betti, Choncha and . No markets inexist the hills.

The occupation of the orna hill-dwellers centres asund fming, huntin md gathering. Except for hunting,both men anci women gage in cultivation, weeding and gathering. omen often have their own farms separate from their malecounteqarts. However, both cooperate at appropriatetimes in hellping with eac others' farms. This has been made more easily possible by the three farmingsystems which the ecology favours - hill-topfarming which favours multicropping of millet (maiwa), maize ('forrer)

~~ ~~~ ~ ___~~~ me during Field work (1986-1987). 169

andgroundnuts; Valley-farming,whose warmer temperaturesfavour cultivation of guineacorn andtobacco; and open-plain farming, which favoursthe cultivation of groundnuts. ORGANISATION OF WORK

Thenuclear family of a man,his wife/wivesand adult children constitute the regular work forceon a farm. While younger sons and daughterstake care of the babies at home in the hills, theparents go to the valleys and plains tocultivate and tend theirfarm. .The children at homealso scare awaybirds and troublesome rodentsfrom the domestic farms. There are no specialisedchores of work which women are thoughtincapable of carrying out. Women wee,d, hoe, dig and harvest crops as men do. Men help to carry childrenon their backswith leather skins as women do. There is a high degree of cooperation andcollaboration. Women brew,men weave and also cook. Another source of labour is the organisation of workparties (SOL) based onreciprocity and equivalentreturns. These are organised atthe Peak of theweeding seasons (July-September) when thedomestic labour force becomes rather inadequate.Age-mates, friends and affinesalways constitute the core ofwork parties. The number of farmhands a man andhis wife can muster dependstheonnumber of suchvoluntary contracts they have enteredinto and honoured in the past,as well as on their general net of social relations.Theinvestment cost includes the provisions of meals cooked by women and wine provided bymen. During recesses from work, both men and women, husbands/wivessit in circles as they do in themarkets, eating freely together, exchanging fumes of tobacco pipes and drinkingfrom the same cup. Women are not usually segregated from men, whereas they are amongst theHigi and in most Islamiseel cornmunities in the neighbouring lowlands, where women are kept in purdah. Nor is the Koma women's lotlike that of theirGwari esunterpartsin the NigerState of Nigeria, who existessentially as "donkeys"carrying loads for thek husbands. In the latterssciety, only men till the land and harvest the crops. Pt is the duty of the husbands to provide loads while it is the duty of the wife to carry theml. Hswever, for carrying the lloads, a certain portion of the yields gses to thewife as compensation for servicesrendered. Fronl these, she buys essentialrequirements such as clsthing for herself and her ehildren. However,the Koma field materials reveal a considerabledegree of sharing, and cooperation in agricultural and most economic activities, between men and women. In fact, womenhave csntrol over thegranaries from where the dailysupplies of food forthe household are fetched.

larimePeople, Vo1.2 no 41 March 11-17.Similarly, amongstthe Ijo ofthe Niger Delta, it is theduty of the man to provide a fishing boatfor the wife andthereafter thewoman has a duty to fish for theupkeep of the husbandand the family (Field Jan. (1988). 171

Onecannot therefore talk of a strict division of labourinthe agricultural sphere amongst the Koma people. However, it is only men Who hunt.Hunting serves as a means of procurement of meatand protectionfor crops againstthe menace of monkeys,baboons and a variety of birds and rodents. Bothmenand women gather forest productssuch bananas,as locust beans and canarium which is used for producing oil and used for body lubrication.

MARKETING

Markets do not exist in the hills but in the lowlands where the Koma trade with the Fulani, Bata, Chamba and othertribes. From them,the hill-dwellersprocure scarce items of clothing which are used by men on ceremonialoccasions. Theyalso buy Salt, beedsenamel plates and agriculturalimplements suchhoes as and cutlasses. TheKoma women usually bring their guinea corn, tobacco and millets down forsale. In turn,they use the proceeds to buy needed commodities.Large quantities of beer brewed by both men and women arecarried inelongated baskets to the lowlandmarkets for either sale or on-the-spotconsumption. Thus, themarket is also a socio-spatial venuefor interactions between distant hi11 and lowlandfriends, siblings and affines. The Koma hill-dwellers and theirmigrant lowland farmers sit in groups after the day’ssales to drink, gossip and exchange views. ales and females, bride and groom al1 sitdown circlesin to exchange pleasantries.The men intheir textile dress and the women with theirlubricated bodies and waist leaves feel apparently free and uninhibitedin theirinteractions with one another. They show no signs of inferiosity befose their more elaborately- dsressed Fulani, Chamba and Bata neighbours. The f commercebetween the Ksma and orna grsups such as the Verre is Hausab which the Koma hi11 dwellersare beginning to However,the e, Koma and Chamba a relateddialect mi), recently identified as part of the Verre Duru group of the Adamawa

hiIl-dwellers, a moral ecoraomy which involvessharing, reciprocity and directexchmges between neighbours,affines and siblingsprevails. oney inthe modern sense is snly used in transactionsbetween the hills and the lowland.

arriage amongst thehill-dwelling Koma, as with their Verre lowlanders is endogamous and golygynous. Levirate masrriage isalso practised amongstthe Koma. Al1 these serve to promote theircultural and ethnicidentities, which they cherishin the face of historical and present-day realities.

EITLYN, a Cambridge Anthropologist working amongst theManabilla revealed this information during the Colloquium. 173

It is estimated that, between the ages of 10 andl4, bothsexes undergo pubertyrituals which involvecircumcision for boys andextraction of teethforgirls. These areprerequisites for bethrothaland marriage. They arealso visible signs of maturity. The ceremoniesare controlled ingroups and at villagelevels (usually after the harvestseason, between the months of October andJanuary) by groupa of ritualfunctionaries called the Kene-Mari. Attheir proclamation al1 familiesassemble their"ripe" candidates for the initiation. In the midst of dancing and drumming, a male candidate is called forward. He is made tostand before a select crowd that excludes women. He is madeto use a metal sickle to hold his neck and head in an upright position. He is not expected to shiveror show signs of fear while the Priesttakes hold of hispenis andremoves the outerskin. His male supporters and fatherare expected not to shake theirbodies or legs. This is done in homeopathetic identification with the circumcising candidate.The candidateusually helps himself toconcoctions of local herbs and brewwhich are believed toact as local anaesthesia. Should he yell,he brings shame tohis family and friends. Such a boy is unlikely to finda marriage partner in his locality. A candidate Who goesthrough the test/circumcision neither shaking nor showing signs of fear is a pride to his family.He becomesa man inthe social/virile sense, and can thenceforth Wear the penissheath made of grasses. Such a candidate is symbolically liberated fromthe mother Who may not,except underthe pain of death, seethe son'sgenitals 174

fromthen on. He isthereafter also qualified to adorn hinaself with ceremonial clothes. In a separate group, the girls are organised for extraction of one of their upper incisor teeth by ritualexperts. In similarsettings, the ritual testinvolves pain and the finaltriumph of a nubilecandidate, who thenceforth decorartes herself with beads and rubs her body witk si1 and cafnwosd (fieldobservation, 1986). Thus, between the ages of about 14 and 17, nubileboys and girls are free to interactand make choices based on village storiesand gossips of successes and failuresritein de passage involted in the puberty rituals. Brides andgrooms are then free to engage themselves to marry, and e theirconjugal intentions known to their parents by reciprocal token gifts (dams a). Initialrelationships are accepted by payment of brideservice in the form of weeding in a prospective in-law’s fmor garden plot. Finally,the man pays bride wealth in the form of goats, chickens and some token cash of abouttwo Naira (approximately two French Francs). Residence is initiallyvirilocal and after a year or two of rendering service to the groom’s parents and prreferably at the birth of a baby,a couplemoves out to buildtheir own huts and granaries. The brief period of virilocal residenceis also to enable both partners to accumulate some capital to set up a new home. Thisperisd also serves as one of tutelage under the eyes of the parents-in-law.The woman learnsdomestic duties, how to nurture a family and the nuances of 175

theculture of the community. At their new abode, the woman is expectedto send periodicmeals to herparents -in-laws. At thedeath of a husband,fixed property such as hishuts and farmlands go tohis eldest livingbrother Who takescare of theestate. This brother,also takes his wives, and children born of this new union willcontinue to bear the name of thedeceased kin. However, a woman isfree to remarry any otherperson other than the deceased kin'sbrother. Children from such re-marriage belong to the new husband. At a woman's death,the daughters inherit herlivestock, her farms, domestic utensilssuch as artifactsfor body decorations, beads, pigments anddecorated hoes. Any forms of nutproducts areregarded aswoman'sa exclusive property, while bows and arrows belong tothe first son of thedeceased male. LEADERSHIPAND AUTHORITY

KomaSociety is an acephalous one. There is no singletribal head over the whole of the Koma groups, which are made upof overthirty hamlets dottedover the Alantika hills and the adjoining lowlands.Each hamlet, however, has agroup of all-maleritual functionaries (K p ane ) led by a PriestKing (Kene Mari). TheKene-Mari-in- Councilsettles disputes between individuals and groupswithin hamlets and between them. Cases of homicidebetween neighbouring hamlets are settled by vengeance if compensation is not made in good the. 176

es between men and women, wife come under the adjudication of -in-Council.Elders are alsogenerally respected in the society. t the family levell, the head of the family, be a livinghusband or a brother to the deceased, has authsrityover disputes. Ultimately life is regulated by en e the hamlet deity on andsecular powers are invoked.

ma people believe in the existence of a supreme being variouslycalled Zum or Nu. These words are also used for the sun. The neighbouring Chmba also use the sme word S u for the sun, as well as for In order to get w unalterable wheel of God's arrangements, the recognise the powers of local deities such as ene which can be appealed to for health, vitality and fertility. Each hamlet andhousehold has her Ken, shrine under the charge of male ritual ari, who is assisted by male

ene decreed from time immemorial that while women shouldonly wear girdle of local leaves (aram a), the men could put on lobs of leather or local Cotton (Bentin). Even when items of textiles andmodern clothes started being donated by missionaries and philanthropicorganisations inrecent times, they were kept as specialand prized possessions, whoseadornment by men was onlyapproved by the Chief Priest. Thus the relative scarcity of these itemsmade them prestige/ceremonialpossessions overwhich womenhad noaccess. This was furthersanctioned by religion. Nowadays, with the gradua1 opening-up of theKoma country bythepresent Nigerian administration,Koma men aremuch more receptivetowearing modern clothes mostat times/occasions.Thus clothes are climbingdown fromthe prestige sphere to the reach of almost everyoneexcept women. The belief still holds firmlythat if women Wear clothes, they would incurthe wrath of the godswith Visitationof eitherdeath or barrenness. Whenthe government authorities made it mandatoryin some markets for people to Wear clothes,the womenwould put cloth wrappers over theleaves only in the market, and removethem ontheir way back to the hills (field observation). 1 will now givebriefa summary of the forms of male and female body decorationand dressamongst the Koma, vis-a-vistheir Chamba andFulani neighbours.This should help in the analysis andexplanation of therationale behind thesedichotomies in relationship to the available ethnographic materialsalready examined.

DRESS AND BODY DECORATIONS

The Koma people'smode of dressing is unique when compared tothese of theirlowland neighbours. Novice boys and girls,before their puberty rites go almost nude with onlysmall patches of leaves to hide the pubic and genital regions from public view. Their hair is left undecorated but cut withlocally-fashioned metal blades at regular intervals. igerian and Chmerosnian coins, and talismanmade from leatherare often strung on the ne& of children. fter thepuberty rituals which confer nubile status on both sexes, the girls then begin to deck their waist with coloured beads of red, white and blue uponthe local leaves which are changed daily. Thegirls begin to lubricatetheir bodies withred camwood mixedwith si1from the sheabutternutor caneriunan whichgives them alluringappearances. According to the extraction of girls' upper incisors also ad beauty and nubility. ammary glandsare also lubricated and fashioned by mothers to give them fresh,ripened and glittering appearances. Young girls and women keep theis hair shining by the application of brown alluvial clay mixed with the sme oil giving the head dressilng a Rastafarian appaerance. Decorated hoes areprestige and status symbolsforwomen who haveborne many childrenand have demonstratedeconomic well- being by theirability to feed the household from theirnumerous granaries. These non-utilitarian polishedhoes are hung on theright shoulder as part of leisurelydress wornat suchoccasions as marriageceremonies and drinkingparties held at 179

various market places. The greaterthe degree of decorationsand designs on the hoes, thegreater the number of children and economicpower the women are likely to have. Such womennow enjoy the privileges of owning tobacco pipes justas their malecounterparts do. Duringmenopause, women arefree to sit with men and exchange drinks and tobacco,even with men Who arenottheir husbands.These groups of elderlywomen also carry the privilege of wearing labial rings on their lowerlips. Men, on theother hand, do not put on leaves but Wear special waistpants sewn from eitherleather or Cotton. Shirtsand various combinations of traditionaland western-styled dressare today worn by men alone. Onfestive occasions, Koma men put onthe Hausa/Fulani type of flowinggarments (Babariga) similarto those of their lowland neighbours. Themales Wear penissheaths, under their clothes/leatherskin. A man is identifiedby his bow and arrow, a leatherbag, double-edgeda knive tucked on waista belt and thesmoking pipe. On the otherhand, the lowland neighbours of theKoma have been acculturated into the Islamicpattern of life with itsaccompanying mode of dressing. Men and womendo notexpose "sensitive"parts of theirbodies. Any woman marriedunder the Islamic tenets always covers her headand the greater part of the face. The men don hatson most ceremonial occasions but there are no prohibitionsagainst leaving male hair uncovered. Young Fulanigirls decorate theirhair, enlongating if with additional strands inherited from their mothers or matrikiras. n the whole, what in the lowlands are everyday forms of dress, assume restige and ceremonial roles arnong the K~mahill-dwellers. However, most migrant orna, except the fernales, me beginning to adopt their lotsrlaml neighbours style of dressing. orna women stand sut as unique symbols of Koma resistance to change before non- orna md outsiders. ithinthe society itself the women exercise a remarkable degree of econornic power in their access, control and deployment of resources. How then does one explainthe differencesin the mode of male/femalebody decoratioas in relationship to more or less egalitarian socio-eeonornic relations between the sexes? It is to this complex question that we shall now tura.

Although we are nst yet inaposition ts gest a general theory of body decorationsin terms of male/female relationships, we do neverthelesshave relevant "partial", theories and mine to what extint they appPy $6 the 14-1 situation. It is for this reason that this discussion began with citations from LEVI-STRAUSS, victoria EB IN, TRATHERN and FARIS. Men and women are both biologieal beings and socialindividuals andamongst their responses to extemal or interna1 stimuli, some are 181

whollydependent upon theirnature, others upon theirsocial environment (L-S 1969:3). Further- more,the human species could not survive if men andwomen could not recognizethat they were bothalike membersas of onespecies and differentas individuals of the opposite sex (LEACH 1982 : 87). Closelyrelated tothis taxonomic patterning is the basic distinction between "We" and "They" which the hill-dwelling people of Koma alsomake in relationship to their plain-dwelling neighbours Who regardthemselves havingas "high"culture. It has beenobserved forthe Komathat firstmarriages are preferred between Koma of the samevillage as against marriages between Koma of differentvillages. Marriage is prohibited between Koma and non-Koma. Exchanges of goods andwomen inthe hills are based upon the principles of reciprocityandpresentations, whereastoken money and Nigerian currencies enterinto other transactionsbetween Koma hill- dwellersand non-Koma plain-dwellers. Al1 these arenot unconnected with historical and present- day socio-political realities. Only foot and horse pathsexist between the semi-urbanadministrative Settlements of

Karlahi/Nassarawoin the ' plainsat the bottom of thehills. The hills themselves are extremely difficultto reach.Thus, only relatively recently have the Koma hill-dwellers,forced by population pressure, begun to come down tofarms on hired lands(which they claim were originally theirs) (Leo FROBENIUS1913 : 669). Items of clothing and decorationshave been extremely scarce to come by for the hill-dwellers, who ha8 remained in isolation in the face of the hostile relationships with their moreopulent neighbours. The textile materials which are woven llocally by men are inadeqnate for everyday use by everyone. Thus they have become male presewes which are used on ceremonial occasions. IHowever, in other major aspects of social md ecsnsmic Me9 it is obsemed that no clem distinctionsexist between male and female activities. In fact, the women tend to be dominant in the control of and access to productive resoureesand activities. This is unlike what one wsuld find mongst the Islamised Fulani,Verre Hausa and tta W~QS~women own virtually no

mongst the #orna men and women9 those who are not spouses sit down freely, chatthg and exehanging drids, tobaeco pipes and even patting oneanother openly in a way which couldbe regarded abominableas amsngst t Islmised Edos and Yombas of Nigeria. intereactions between men and women are much more prohilpited amongst the IslamisedFulani, Hausa and oma women perfsm samethe chores of w their male esunterparts and they have considerable access ts and control over the products of their labour. Wswever, amongst theneighbouring Verre it has been observed that a wsman has more ritual importance than her but has very limited economie has lPersona1 Communication 8/11/87 with Rev. Father (Dr.) 183

triedto relate aesthetic systems such as the body decorations of the Nubato the modeof production of the Society. Significantsocial relations basically stemfrom productive activities within the society(FAR1S 1978 : 319). Art in classless societies celebrateshuman productive activity and thus makethebasisit of consequentuniversal creativity. FARIS thusargues that insituations whereproducers are alienated in some way from fullcontrol over the products of theiractivity or fremfull control of theirlabour power, such circumstances mustbe justified,sanctified and legitimized by mystification orreligion. Inas much associal relations are basically exploitative, symbols of themand peoples ideas about them must be mystified(ibid.). Theabove assertion does not seemto apply tothe Koma, whose women are not alienatedfrom fullcontrol of theirproducts and labour power. Yet the form of women's dress is given ideological andreligious rationalization on the basis of God's (Kene)decree. How doesone relate egalitarian socialrelations on the ground to "inegalitarian" modes of dressing? Thiswhereis 1 am fascinated by the structuralism of LEVI- S TRAUS S and of his intellectualinterpreter to the British, Sir Edmund

Adrian Edward C.S.S.P. former Head of Ethnography, FederalDepartment of Antiquities(nowNational Commission for Museums andMonuments, Nigeria). This wasalso observed personally during subsequent field researches amongst the lowland Verre neighbours of the Koma. 0th havebeen misunderstood by contemporary feminists and ehauvinist scholars alike. LEVI-STRAUSS nature/culture and ]L&icH's humanity/anima8ity categories are meant to be working paradigms which can be applied to both primitive and modern systerns of Classification. This mode1 c

) dualist categories which exist clearly in Koma thought, vision and practices (contrast STRATHERN'S"No nature, proposition). For instance, the orna distinguish between hisher hill-dwellingcolleagues and those of the lowlands;between the built-up space (houses buts) and the wild areas where themowkeys, baboons and rodents live. They distinguish betweenyoung boy 1s; men and women as lrevealed in their 1 ge and initiation/puberty rituals and practices. The distinction in body decoration between male and fernale is an overt expression of these dicho%omies/taxsnomi~s.They are not oppressive categsries as feminists would want us to believe; they are binq codes ahed at ordering the world md placing speeies within it. t one level of abstraction, the distinction in body decoration serves to establish the transfer frorn onestatus to the other, as we find amongst the Cudaveo as well as the hill-dwelling Koma. In Koma, the idea of effeminaey, which body- painting,hair-doing, hoe-carrying andbead- wearing signify, can at various tirnes and spaces serve as "sign malcers" of allurementsand 185

indicators of statusfor individual interests and groupswithin Koma Society. Body decorations celebratethe healthyhubile body and advertiseit to thetoworld outside. Similar patherns are observed amongst the Nubaof The Sudan. Atanother level of interpretation, we shouldremember the historical/economic factors whichhave made items of clothes/textiles so scarcethat their control and distribution have become restrictedto as small class of men,the Priests, Who dictatetheir use and distribution. Overtime, this practice/tradition has become imbued with religious idioms and ideology. If one were to follow FARIS' argument, it is the women Who, controllersas of productiveactivities/ resources,sould have had greateraccess tosuch scarcecommodities as textiles. 1 think what is crucialhere is the communual ideology and super- structurewhich have made the women accept faithfullythe status quo to the extent of rejecting modern items of dressing and defying government legislationagainst nudity. Indeed, amongst the Verre,where women have ritual power but limited economic power, they Wear textilessimilar tothose wom by theirmale counterparts.They have also been influenced by the Islamic ideology which placesahigh premium on enrobement of the body. Inthe Koma country, clothes/leaves, body-painting/penissheaths have been adopted asmodes of primitiveclassification between male/female. Thesechoices have been dictated by theelements of culturaland natural repertoire available to the hill-dwellers. 186

Groups in isolation always tend to have or retain unique symbols by which they identify thernselves ( ). Thus for a symbol to be effective, it must have meaning for both the isplay it and the people to whom it is e most powerful symbolsare those that have some universal implication or thsse that havebeen forged in theinteraction between roups (Ibid.). re thm angrthhg else, the body (es. skin dy shape, hair) is a badge of identity thatinstantly distinguishes between "we" and "thegr" (following BIN). Thus the Higis, amawa msuntains and Plateau have similx ways of distinguishing between men and women, as welle as between their own people and their lowland neighbours. These distinctions could arise first frorn historical,topographie and economic circums-tances but later becomerallying symbols for social action 0% even hmtasy such as LEVP - STRAUSS postu1ates for the Isolation, endogmy be associated with ne an hill-dwellers tend to marry withintheir gronp scather than mamy their Verre, Fulani and Hausa lowlandneighbours. Sust as goods are exchanged on a Teciprocal basis in the hills, so mamiages aies have becornefactors for thepromotion of alliances, inter- and intra-villagerelations and an overall Ksma identity. Thus wsmen havebecome the cultural ambassadors of the Ksma to the non-Koma. They go to the lswlmd markets to trade their wares 187

and buy needed items. What is more,the Koma language is notrestrictive enough to establish exclusiveidentity, since it is understood by non- Koma such as the Verreand Chamba. Their unique modes of dressinthis context have become dominantsymbols of Koma identity. The lowland marketsare the most ideal social spaces for meeting and interactingwith far-flung and near- by hill-dwellers. Liketribal marks, Koma modes of dressingand body decorationbecome means of recognising one another in the multi-ethnicsetting of the market. Body decorations are non-verbalmeans of firstidentifying a Komafrom a non-Koma. Languagethen verbalises this and otherrelation- shipsin aconviviality which the lowland markets offer. Thewomen's solid identification with communual ideology isa domonstration of faith in theircommunity and cosmos,which involves loyalty totheir gods and the cause for which they stand. They do not view their world and mode of dressing as results of malechauvinism orthe perversion of history and culture.Rather, Koma womenconsciousasare theirasmale counterparts of theirdeprivation arising form historicaland topographic circumstances. The women areproud to be identifiedwith the men, whosebows, arrows and knivesare symbolic of thehistorical past and the realities of the present. Thetobacco pipe which bothsexes freely share representsflowa of positiverelations between them; it reflectsmore of egalitarianismthan dominance. ody deesrations in orna Society cannot be explained in te s of simple male/ fernale or nature/culturecategsries. One could reassert COHEN'S position which states that in both simple and complexsoeieties, there are extensive patterns of normative mon-rational, non-utilitarian behaviourwhich play crucial rsles thein distribution of powerr, expresse8through symbols which evske sentiments and impel men/wornen to action (Csw~pa1974). The arts assseiated with the Ksma mode of body decoration have more of aesthetic, political and religioussignificance thm economic ones. The preponderanee of leaves, beads and si1 as elernents in female deeoration as opposed to men's leather skins, bows and arrows is a functisn of cosrnslogy, history,ideology ad the environment which mmifests itself at appropriatecontexts ad times within oiraa systerns of classification, as well as within the basicdistinction wkich al1 cultures make between man as a category as opposed to womm.

T

Some scholars have, however,argued that the apparent universality of male dominance, at Ieast in the publie arad political domains, shsuldbe the main issue in the study of the anthropology of women (KESSEING 1935 : 59 It is not the belief that social groups tend ts define themselves in "we" and "they" categosies that the ferninists objects to (BR O W N and 189

JORDANOVA1981). What they dislike is the way in whichthenature/culture dichotomy has been associatedwiththat women/menof in anthropological theory (STRATHERN1980). But this association is rootedin western philosophy and history, which arequite different from those of suchtraditional societies as the Koma where the basiccategories nevertheless exist. It is the misapplicatiton of thebasic concepts that has created the confusion. Indeed,the reason for assuming in Africa that women have always been occupied in cooking and caringfor children is that during the Colonial period,this was theideal their Europeans brought with them (Lucy MAIR 1984 : 67). Europeans were quiteaware that women worked inthe field, sometimes more thanmen, but they disapproved of African men Who made their wives work. In Muslimand Hindu societies, men are proud to puttheir wives inseclusion. Europeans living among suchsocieties saw very little of villagelife. In thecities, Europeans mainly had close contact with the well-to-do Who couldattain theideal of femaleseclusion. This was widely assumed asa universal phenomenon (Ibid. : 68). The Koma fieldmaterial, so faravailable, pointscomplementarityto between male and femalesocialin and economic spheres. The peculiarhistorical and topographic circumstances thathave resulted in theirisolation in the hills must haveencouraged the Koma as apeople to relatemore onegalitarian principles oneto anotherthan on hierarchical ones. In fact, until recentlyboth the male and femalepopulation wsre no clothes. The ro tly for ceremonial occasions menworn wer onlyafterconsultation with rituallsecnlar

t argument that of femalebody beautiBcation/adornment$ tends

pattern of socialrelations and intera~~ion$. Symbolically, the Koma seem to wear dothes just to prop up a not there in the first place. s no strict division of labour exists ender lines in ecoration/treat~e ot related 40 the t men and women dy treatment is conceived less in tems of male dominance thm ira te P ideslogy and values. If one considers the complex nature of most intertwined, the estelrn feminirstl ists' attempt to cornpartmentalise roles in societies as Koma into neatly-defined ries mu& be done with c ation. There is a hich one cm argue that the on of fernales from ritual ition of their potency This could also have political implications. Empirically speaking, femalecontrol of econornic/groductiveresources irnplies influence, however CSV~~Q,in all other domains of life. Millet, food, beer, and cattle form the of the and are cultivated and reared by . women and men 191

together.fact,Inmalethe ritual-secular functionariesKomain Society aremore in confinementthan the women are.They do not appearinsuch public places asthe lowlands market as the women do. Theirhuts and shrines arethe only structures inthe hills that are enclosedroundin fences, away from public viewglare. No doubt,this is to promoteelements of secrecy and sanctity, which such officesin both Western andnon-Western societies require for . social control. It has been observed that in Koma, women sharewith males the models of theirentire Society andidentify with one another as agroup vis-a-visother goups. In asense, this communal ideologyhas political implications in which the femalesarethe dominant symbols of Koma exclusivenessand identity prescribedas by endogamy and their byunique mode of body decoration.Thus, Koma women andmen participate both in the public and privatedomains of life.It is only whenwomen's and men's world viewsdiffer that sex differences need be invoked. (MATHIEU1978 : 55-65). It would therefore be more helpful to view men and women in Koma Society asmediators betweennature and culture, and toregard the distinctivemode of body decoration/dressasa means of differentiation,notdiscrimination betweensexes. This is more in accordwith LEVI-STRAUSS, Who rightlysays that both men/women are both biological beings and socialindividuals.. . (1969 : 3). One can rephrase thestmcturalist argument as CR does in her mdysis of LEVI-STRAUSS that bsth men and women undergs socialtransformation, such as culturisingtheir naturalsexnality throu h marriageand other puberty lrituals, which csuld, one assumes,include forms of body decoration.

Thecomplex nature of suchtraditional socialsystems as operatecl by the hill-dwelling Koma, thecomplementarity of relationships between male ad female, the economic pswer of women, the organisation of work and the existence of a comon world view m&e it rather difficurlt to explain differences in body decorations between male and female solely in tems of male dominance. It hastherefore been argued that body arts amongst the orna owe much to the pecnliar histsrical,topographic, economic and ideslsgical factorswhich have contributed to theshared experriences md reactions of the hill-dwellers over ppssition to their lowland neighbours. omen, as agents of productionand reproductionhave thus becsme appropriate bannarsfor the retention of particulary since their language is restrictive to providesuch an identity. Female body arts have thus become non-v forimmediate recognition of fellow multi-ethnicsettings of the lowland markets wherefar-flung peoples meetand "signs't are made through body language. 193

It is within thiscontext that the persistence of leaf-wearinga culture amongst Koma women andthe principles of endogamy take on meaning. At onelevel of abstraction,differences in body decorationsbetween sexes are social and status markers;they serve as ways of ordering the worldand placingspecies within them - common practisesin al1 human societies. At anotherlevel, body decorationsare adoptedas appropriate symbols of ethnicidentity andpreservation; they provide means a of distinguishingbetween "We" and"They", between hi11 dwellersand lowlanders, between Komaand non-Koma. Body decorations will naturally Vary fromculture, to culture depending on a number of historical and philosophicalvariables. Itis thusargued that the Western feminist theories do not seemto apply strictly to the Koma fieldsituation, since the history and philosophy of Westerntraditionaland societies differ remarkably. Yet it would be misleading to Say that theconcepts of nature/culture do not existin such a traditional Society asthe Koma, where inrernal classificationsare made along these lines. TheNature/Culture dualities notdo however,carry oppressive/feminist meanings as they do inthe West. Amongst the Koma, nature : andculture complement each other just as men and womendo in most spheres of social life. 194

Photos 3-4 195

Joseph EBOREIME “Body decorations,male-female relations and group identity amongst the hi11 dwelling komapeople of Nigeria”

Abstract

Itis arguedthat historical and topographic factors have helped to generate a feeling of ethnicexclusiveness amongthe hill-dwelling Koma of theNigeria-Cameroon borderlands.The differences between male and female body decorations areshown tobe of greater significance within this context than in thefeminist ideologies of the West.

Résumé

L’auteur avance lathèse que des facteurs historiques et topographiquesont contribué à produireun sentiment de spécificitéethnique parmi lesKoma, habitants des collinessituées sur lafrontière entre le Nigériaet le Cameroun.La différencedes parures et desvêtements entreleshommes lesfemmeset ontdavantage de significationdanscontexte ce quedans celui de l’idéologie féministeoccidentale. 196

BADCOCK G. .9 1975, Levi-Str uss : Structuralisnz Sociologieal ry, London, Hutchinson.

.9 1969, The Political omen's Liberarion

BEEANBO P. K., 1986, Plurilingualism in Gsngola State Nigeria, 11th Annual Conference of the Linguistic sssciation of

., 1976, "The -emergence and socialisation of sex differenees in the ealiest years", errice-Palmer Quart

OSNOWNEY Z., 1982/83, "Human Sexuality : iological or Cultural", W.A. Journal of Archaeology 12/15.

C H 1 C H E., 1972, "A theory of ethnic antagonism : The split Labour Market.", merican Socislogical Review 37 (5). 197

BROWNJ. K., 1970, "A note on the division of labour by sex", Anzerican Anthropologist. (72).

BROWNP., L. J. JORDANOVA,1981, Women in Society, London, Virago Press Ltd.

COHENA., 1974, Two dimensionalman, Berkeley, University of California Press.

D A RK P.J.C.,1978, "What isArt for the anthropologists", Art in Society (GREEN Halgh andMEGAW eds), Duckworth Co. Ltd.

DIAMONDStanley, 1981, In Search of the Primitive, Transaction Books, Denmark.

DOUGLAS M., 1966, Purity and Danger, London, Routledge & Kegan Paul.

EBIN V., 1979, TheBody Decorated, London, Thames & Hudson.

EBOREIMEO.J., J. D. EKEFRE,1986, The Koma of Gongola State : Report of aPreliminary EthnographicalSurvey, Lagos,National Museum(unpub).

EBOREIMEO.J., J. D. EKEFRE, 1988, "The Koma of GongolaState, Nigeria : A Preliminary EthnographicReport", TheNigerian Field. 53 (89-98). 19

THER H., 1976, '? ex differences in nition", Cognition 4.

FOUCAULT, 19'99, istory of Sexuality, Vol. 1,

FARESJ. C., 1972, Nuba Personal

FARIS J. C., 1978, "The Productivebasis of aestheic traditions : frican examples", Art inSociety, Duckwsrth Co. Ltd.

FRIEDL E., 1 75, women 010 ist's vie Rhe Hart inaston.

GUNN D. Haold, 1956, Pagan Peoples of the Central Area of Northern Nigeria, London, 1.

JACKSON c., 1983, "Hausa Women and agricultural change on the Kano River Project, Nigeria" Irrigationin Tropical Africa (GROVE ed.), Cambridge,African Monographs. 199

JORDANOVAL. J., 1984, "Natural facts : An historical perspectiveon Science and sexuality" Nature,Culture and Gender (Mac Cormarkand M. Stratherneds), Cambridge, C.U.P.

KEESINGM. R., 1935, CulturalAnthropology, Holt, Rinehalt and Winston.

LAFONTAINEJ. S. (ed.),1978, Sex and Ageas Principles of SocialDifferentiation, London,Academic Press, ASA Mono- graphy17.

LEACHE. R., 1970, Levi-Strauss, London,Fontana/ Collins.

LEACH E. R.,1974, Cultureand Communication, Cambridge, C.U.P.

LEACH E. R.,1978, "Cultureand Natura-Cultura", EncyclopediaEnaudi, Italy.

LEACH E. R.,1982, SocialAnthropology, Fontana paperbacks.

LEVI-STRAUSSC., 1955, TristesTropiques, Paris, Plon.

LEVI-STRAUSSC.,1948, StructuralAnthropology, London, Allen lane.

Mac CORMACKC., M. STRATHERN, 1980, Nature, Culture and Gender, New York, C.U.P. 4, Anthropolo and Development, acmillm Press

m-Culture and Studies Inter

NI~%ENM., 1963, The Story of the A~arnaw~of the Central PlateauProvince, Denmark.

OYCE, A. thnic Identity, Indiana University Press.

7, 1s the Future Fernale? Troubled ghts on Contemporary Feminism, London,Virago Press.

TURNERV., 1967, The Forest of Symbols, Gomel1 University Press.

RI%, 1975, "The Subordination of in Cross Cultural Perspectivet', P ape r s of Patriarchyconference, London, Women's Publishing Collective Sussex (O.P.U.)

ARTMAN A.W., 1983, ThePolitical Economy of Nigeria, Pnaegerpublishers. 201

Archivalmaterials and other periodicals

1. "Visiting Missions of the Trusteeship Council to the Cameroons under the U.K.", Lagos, GovernmentPrinters, November 1949.

2. NigerianWeekly Scope, GongolaA State GovernmentPublication, Vol. 7, n"29, 1986.

3. "Koma : A Lost Tribe ?If, TimesInternational, A NigerianMonthly Magazine, April, 1986.

4. National Archives, Kaduna, Nigeria, G2PVol. 36, Yola Prof. J.S. 49-56.

5. The Kolna Tribe, unpublishedmanuscript by Bitrus Ivo ANDREW,State Ministry of Information,Culture and Tourism, Yola 1986.

6. BLENCH Roger,1986, An unpublishedVerre word list, University of Cambridge, U.K.

7. PrimePeople, A Nigerian Weekly, Vol. 2,no 4, March11-17 1988

8. Koma Vomni taxrecords, Lists of hill/foot hi11 Settlements,1985/86, Nassarawo, District Headquarters.

203

LE SORO OU RITUELD'INITIATION DU COUPLE CHEZ LES FOULBE DU DIAMARE1

ABDOULAYEOUMAROU DALIL C.R.E.A., Yaoundé (Cameroun)

La faSon de vivredes Foulbé sédentarisés du Diam aré2 laisseapparaître, entre hommes et femmes,unclivage qui commence à prendre forme dès l'enfance, etdont les manifestations les plusévidentes sont : logementle séparé, le regroupementselon lesexe lors dedifférentes cérémonies,etc. Une descérémonies où mariet femme se trouvent mis en présence est un rituel ancien quine manque pas d'originalité. Eneffet, le sor O, habituellementconnu comme étant une pratiquede flagellation qui marque le passage de l'enfance à l'âgeadulte chez les Peuls semi-

ILe sujetde la communication nous a été suggéré par nos amis duCercle deréflexion surculture la peule, à Yaoundé, et particulièrement M. Garga Haman Adji. 2LeDiamaré désignera icitoute cette partie dela province de l'Extrême-Nord querecouvrent les centres de Maroua, Bogo,Petté, Kalfou, Mindif, Doumrou et autres. Le temps, trèslimité, que nous avons consacré à cette enquêtesur le terrain nenous a pas permis desavoir avec certitude si cerituel a étépratiqué par l'ensemble des Foulbé. nomades1 et nomades2, consiste, ici, en unrituel d'initiationsubi par le couple B son premier

s tiiickerons, dans cette communication, de leverle voile sur ce rituel pratiquementinconnu des chercheursqui ont travail16 dms la rkgisd, en en BCcrivant les diff6rentes 6tapes, pour tenter ensuite des interprktations,avecl'aimable concours de en6 DO~NINdont nous publions le commentaire tel quel.

arguerite DUPPRE afait plusieurs foisallusion au s or0 dans Peuls nomades ; pour elle, cettepratique constitue uncritkre (parmi trois) de distinctionentre d'une part lesPeuls nomades (Mbororo) et del'autre les Peuls s6dentairesislamisds (Farfaru), ou Peulssemi-nomades. 2Plusieursdescriptions dusors-bastonnade, enparti- culier chezles DjMounnomades, ont ét6 faites dont la plusancienne, B notreconnaissance, date de 1923 (voir notrebibliographie). Cette institution, quis'étale sur plusieurs années,regroupe des adolescentsetleur permet d'affirmerpubliquement symboliquementet leur virilit6 au coursde bastonnades r6ciproques qu'ils sedoivent de supporterimperturbablement. Au dernier s or O qui marque son entr6e dans le monde des adultes,lejeune homme se débarrassetousde ses attributs f6minins (habillement,tresses, parures) et se faitraser la tête comme B son "bapt&me". 3A l'exception de Paul et Myrim EGUCHI gui signalent son existence, le premier dans son article intitulé "The chants of theFulBe rites of circumcision",Kyoto University African Studies, vol. VIII, Kyoto, 1973, p. 226, et la seconde dans "Aspects of the life style andculture of women in the FulBedistricts of Maroua", publie dans la même revue, p. 70.Voir 6galement Nassourou SAIB OU, Unecrise paysannedans le Nord-Cameroun : lecas des FulBe (Peuls), These de 3è cycle, Paris, E.H.E.S.S., 1984, pp.31 B 35. 205

1. Ledéroulement du soro

Le 3 or o est une très vieille coutume qui était pratiquéerécemment encore par les différentes fractionspeules du Diamaré : Ba'en,Juba'en, Keesu'en, Mawndi'en, Nara'en, Taara'en, Yillaga'en. Il alieu le soir du troisisèmejour qui a vu la mariéegagner le domicileconjugal, c'est-à-dire avant la consommation du mariage car,jusque là, lesplus importantescéromonies nuptiales se sont dérouléeshors deprésencela des principaux intéressés. le jeune homme (18 ans environ)et la jeune femme (13 ans environ) doivent enêtre à leur premier mariage (k o owawa 1) . Les participants au 3 or o sont : dune part, les deuxépoux leurs et parrains (appelés ici b a aba" e n , littéralement "pères"), le jeune homme ayantpour parrain l'homme du village le plus anciennementinitié au 3 or o et lajeune femme, celuiqui vient immédiatement après ; d'autrepart tousles autres hommes - rien que les hommes - du villageet des villages voisins, ainsi que les invitésformés des représentants des différentes fractions peules, tous déjà initiés (sor aa6 e).

1.1. Lespréparatifs

Généralement,tous les autres participants, par le biais du "téléphone arabe", sont au courant de l'organisation d'un 3 or o dès lors qu'un mariage dece typeest célébré ; toutefois, pour ménager leursusceptibilité, amis et parents du jeunemarié prennenttout demême précautionla deles prévenir de bouche à oreille. 206

Toutcommence le soir au coucher du soleil (vers 18h30) par un grands repas offert B tous les icipmts (L or QO 5 e), excepte aux jeunes mariCs nkanmoins repr6sent6s p r leursparrains. L'on fera remarquerque le je e 6poux habitedepuis troisjours chez an de ses camarades (de la mhe sse d'8ge) et que la jeune mari& est recluse s casesa en compagniedesdemoiselles d'honneur Qharn5s). Dans la jourmat%, la famille du mari6 a pris soin d'Cgor er, en l'honneur des invitCs, un taureau dont la moiti6 sera prCpar6e en sauce pour accompagner la boule de mil (npi i r b) et l'autre moitiC sera grill&. En fin de repas sont distribuesles giiteau de miletautres friandises aient 6tC apportCs à l'miv6e de la marri&. u moment oii ce banquet tirevers la fin (il est à peu pr6s 20h30), les deux parrains, chacun de son cet$, discr&tement, vont chercher les jeunes Cpoux pour lesentraîner h travers champs vers le lieu, dCtermin6 B l'avance,enbrousse, oii se $Croulera la cCr6monie. Le repas achev6, lesautres participants ratissent Ba brousseenvironnante pour tenter de les rattraperavant qu'ils ne parviennent à l'endroit,situe B quelquedistance du village. Le premier B le faire lmce un cri de ralliement, ce qui permet à ses compagnonsd'accourir rapidement. On cherche alors B battre avecdes verges1 les

lCe sont soitdes branchesde dundeehi (FicII s platyphylla Del. - Moracées), soit desracines de gawari (Acaciascorpioides L. - Mimosées), doo j i (non identifié) ou buski (Csmbretum $p. - Combretacées), soit de simples 207

deuxjeunes époux tandis que leurs parrains tâchentde s'y opposer. Si lespoursuivants ne parviennent pas à les rattraper,fustigentse ils entre euxen s'administrantlescoups destinés aux jeunes époux,avec cette différence que cescoups sont limitésauxmembres inférieurs (des genoux jusqu'auxpieds). Mais ces coups nesont pas distribuésau hasard : chacunne peut battre que ceux quisont moins anciens que luidans le 3 or O etne reçoit de coups que deceux qui sont plus anciens.C'est-à-dire que leplus ancien dans le 3 or o peut battre tout le monde tandis que le plus récemmentinitié est battu par tout lemonde, selonle principe du "peck order"(l'ordre du coup debec) chersi à l'anthropologueaméricain k&RSKOVITS l. Finalement,les unset lesautres arrivent tant bien quemal à gagnerl'endroit où va se dérouler la cérémonie. Il est 22 h environ.

1.2. La cérémonie (sorordu)

Constituée de trois temps forts, la cérémonie, quise déroule dans un endroitassez dégagé mais quene vient éclairer aucune lumière hormis la lunelorsqu'elle apparaît, dure entre trois et cinq heures.

bâtons entourés de corde tressée. lM.J. HERSKOVITS, Les bases de l'Anthropologieculturelle, Paris, Payot, 1952, pp. 23-25. C'est également René DOGNIN quinous a signalé cette analogie. 1.2.1. La dmse des $3 O r 0 O Q B

present, leursparrains invitent les deux jeunes mari6s B se d6vGtir. 8 jeunefemme, souventencore une enfant, se 4 totalement nue, et le jeunehomme cache son sexe sous un morceau d'&o€fe. On les faitasseoir tous deux par terre B un bout de l'aire dejeu, l'un à e6tC de l'autre, Cpamle contreepaule, la jeunefemme h la gauche de son mari. Ils font face B l'Est, les jambes jointes et allongees,les mains serrees entre les cuisses, la este baiss6e.Imm6diatement devant eux se placentleurs parrains respectifs, et ce e quatrepersonnes fait face à tous les autresparticipants, masses surplusieurs rangs - ils peuvent etre une centaine - et tenant dans la main le biiton dont ils se sont dkjà servi et vont continuer à se semir tonte la nuit. Comrmence dors pour les B or 006 6 une danse, sans accompagnementmusical, pendant laquelle les vagues d'hommes armes de biitons arrivent successivement au contact des parrainsqu'ils cherchent à dCborder pouratteindre les jeunes Cpoux assis d rriv6s à prsximitC, ils leur donnent des coups de baguette, au petitbonheur, sur le crhe, les ep&les, le dos, les jambes, tandis queleurs parrains font tout.leur possible pour d6vier ces coups et les en prot6ger. Pendant qu'on cherche B frapper les jeunes6poux, onpeut Cgalelllent donnercoupsdes autresaux participants à la manière decrite plus haut. cette partie,qui dure environ une demi- heure, peut Qtre reprise, selon le même schCma,au gr6 des participants, après une pause. 209

figure 1

N

E

c S 210 t

1.2.2. E'6preuve des coups de fouet

aintenant, les jeunes Cpoux setrouvant toujours assis pas terre, leurs pmains empoi chacun un bout dupagne de la jeune femme etle tendententreverticalement.eux Chaque participant,passant entre le couple et 1'Ccran fomC par le pagne, doit contournerles parrains par derrikre pourrevenir se placer devant eux aprh &re passe souspagne.le Deux files indiennessont ainsi formCes qui ne l'ont pas CtC au hasard : lespremiers & passersous le pagne, et donc à seranger immediatement devant l'un des parrainas, sontles plus anciens dans le B ar O, les derniers,les plus r6cernment inities. mesure que lesdeux files s'allongent, les hommes d6jà rangCs, au passage lenouvel arrivant avec leursbaguettes pais, ii leurtour, ceux qui viennent d'&e battus prennentplace 8 l'ewtr6mitC d'une des filles etbattent ceux qui passent devant eux danslahaie vivante ainsi forrnee. Lesjeunes Cpoux - le mari en premier - serontles derniers à passer,et ce sont donc eux qui repivent le plus grand nombre de coups. Ils subissent meme un sort particulierpuisqu'ils doivent passer B trois reprises entre les B 61-sa6 B et donc par trois fois Etre rouCs de coups.Les seuls à ne pas passer dans le "couloir", et donc B ne pasetre battus, sont les deux ahCs dans le s oro, c'est-&-dire les pmains. Quand l'un ou l'autre conjoint Bmerge & son tour du pagne, ils luiconseillent de raser de trhs près une rangCedonnCe pour que la puissance du coup soit attCnuBe, les unsparce que leur champ 211 d’actionestréduit, les autres parce que, au contraire,leurs baguettes atteignent à peinela cible.

figure 2

N

+ +ancienneté dans le’soro’+ - endantcette epreuve, corne duranttoute la chhonie, l'attitudedesjeunes Cpoux est obsemCe avecattention. La moindre dkfaillance de leurpart serait relevCe, plusparticuli&aement chez le jeune homme quine doit ni ouvrirla bouche de la soirCe, ni encoremoins gCmir. Cetteavalanche de coups doit donc 8tre supportCe avec laplus grande indiffff6rence : marcher sans se hâter en coupsqui pleuvent est g6n6ralement , par malheur,un coup plus brutal lui gemissement, il deviendrait d6sor- maisun objet de risCe, et sa renommCe serait ternie à toutjamais. Et si, par extraordinaire, il perdaitcontenance et s'enfuyait, il devraits'exiler. Quandprend fin cette bastonnade - dont l'intensitk dCpend de chaqueparticipant -, les parrainsfont asseoir les jeunes Cpoux, toujours nus, à I'opposC de l'endroit oh ils &aientassis auparavant, et cette fois face à l'Ouest. on assiste B une maCe gCn6sale a uePle tous les participants se mettent j, se fustiger entre euxselon la m8me r6gle(avec ceptionsque permet le d6sordre dans lequel il se dCroule), les jeunes 6poux 6tmt cette fois 6pmgnks.

1.2.3. Les conseils

Lanuit tire vers sa fin. Apr&s cette m6l& g6nCrale quimarque la fin des Cpreuves physiques du soro , c'estle moment pour chacun - et principalement les b aa b a ' en - de venir trouver lesjeunes Cpoux et de leurprodiguer menaces, recommandations et conseilsrelevant lade 213

p ulaa k u sainement comprise. A la jeunefemme, onrecommandera debien aider sabelle-mère dansses travaux, onla menacera delui fairesubir à nouveau l'épreuve dela bastonnade si ellefait la moindrefuguel, bref défilera tout le code dela sociétépatriarcale peule musulmane où les femmesont plus de devoirs que de droits. Quant au mari, il severra rappeler qu'il estmaintenant unhomme accompli, tout comme sonpère, avec tout ce que cela implique de responsabilitésaussi nouvellesque lourdes qu'on énumérera,d'égards etde respect envers les anciens,en particulier les aînés dans le soro.

1.3. Le retour au village

Onest déjà presque aumatin. Les deux conjoints sontautorisés à serhabiller, et tout le mondese met en devoir de regagner le village où l'on arrive à l'aube. Pendant le trajet du retour, les parrains obligent lajeune feme à porter - ou à tenter de porter - son mari sur le dos, puis celui-ci doitporter à sontour sa femme,ettous deux arrivent,assurément épuisés par cette dernière épreuve, au domicileconjugal qui est généra- lement une case (s u u d u dans la demeure (s aare) desparents du jeune homme. Unefois arrivés dans la caseavec seulement leursparrains et quelques intimes du mari(trois au maximum), un dernier rituel - dont lesparrains lC'est 18 une façon demanifester son mecontentement vis-&vis dumari. La femme peule du Diamaré use beaucoup de ce moyen de pression, 214

sont encore les ordonnateurs - attend les conjoints. lajeune mariCe, on remet une minuscule braise avec laquelle ellese doit d'allumer le foyer. Quant au mari, il se couche sur le dos et il lui est demande de compter lesbranches tress6es qui formentcerclesles horizontaux reliant la e du toit il la case (b 1 II O r pr&s queces derni&res 6preuves aient CtC accomplies avec s,ucc&s par le couple, on soul$ve lesjambes du mari - toujours Ctendu surle dos - et on les d6pose sur celles deson 6pouse à qui on enjoint de les masser et par la suite de hi oindre debeurre tout lecoqs. On peut Cgalement ordonner il la ferne d'apporter de l'eau il boire ik son mari. Puis on les laisse seuls. lors commence lavie commune du couple dont st souvent le premiercontact inthe. i un jeune homme, B son premier une femme qui avait dejà Ct6 mari&, done initike, il pouvaitdemander à gtre initie à son tour et sa participation asymCtrique etait r6gl6e de la fason suivante : il profitait de l'occurrence du premier s oro qui se presentait pour demander aux parrains desjeunes 6psux la faveur d'y prendre part B leurs cGtCs. Hl Ctait alors plad à ]la droite du marie dans toutes les operations et subissait le s or O en mgme temps que lui avec le meme p in. le verbe alors utilisC est folaago, et lorsque a subi le soro sousle couvert de Y, on dira : ''X folalce Y". 215

II. Essaid'interprétation du soro

L'hypothèse la plusséduisante et la plusfacile à émettreconsisterait à voir dans le s or O une juxtapositiondedeux rites anciens que l'on retrouvetous lesdeux chez lesPeuls restés nomades : d'unepart,l'institution lade bastonnade à laquellelessédentaires auraient apportéla dimension hiérarchique illustrée ici par 1' "ordre du bec" (paropposition au principe dela réciprocité-égalitéquisous-tend l'institution originale) ; d'autre partle rituel - trèsancien - de l'accouplementpublic1 lors de grandsmariages, symboliséicipar nudité la du couple(son caractèreinsolite, face à un publichabillé et dans lBRACKENBURY en fait la description suivante : "A great meeting of Bororo isheld in a part of the bush far from any village ; bulls are killed and a great feast takes place, accompanied by muchdancing and drumming. An open spaceis cleared,and in thecentre a post ofWood about five feet high is placed. To this the bride, withher hair carefullybraided and decorated taken.is Shewears a smallskirt only. Thebridegroom isbrought along with muchdrumming and stripped naked. The bride stoops over the post,supporting herself on herhands with her back to the bridegroom. Her . motherlifts up the bride's skirt,saying to thebridegroom, "Do not missme", to which he replies, "1 will not". He then has intercourse with the bride publicly, h tergo. Heis next congratulated by the assembledcrouwd with muchrejoicing". Puisilajoute : "TheBororo frequently deny that this extraordinarycustom ispractised, but one of my informantshas actually seen it' takes place near Galim in the Cameroons,and has also seen preparations made foritin the Lala countrytt pour prdciser : "Other Bororo admit that this custom was ancientbut no longer used". (BRACKENBURY 1923-1924 : 275). un milieuislmisC, est6vident) ainsi quepar le portage des conjoints l'um paf. l'autre. Cette juxtapositionde deux rituels est nt plus apparente qu'aussi e A l'endroit prCvn qu'A la fin physiquesquisontse dCroulCes en brousse, survientune "mise B 1'6cart"desprincipaux int$ress& par les or OSBS qui se retrouvent pour intergrkter ce qui$quivaut la premi6re et B Pa deuxi6mepartie du s OITO - bastonnade (avec, en prime, une entorse au "peck- ordea", cequi nous rapproche du principe de la rCciprocit6). ais d'autres terpr6tations peuvent etre Voici celle de "Le rituelcommence, avec le début de la nuit, apresun repas dont sont exclus les jeunes époux quin'appartiennent pasencore mondeau des adultes, compost5 dechefs de famille mari&, avec ou sans progbniture. Mais leursparrains ) y participent car ce sont eux qui vont n~dtre. C'est d'am naissance "sociale" et non biologique qu'il s'agit et les accoucheurs dans ce monde sont les "pbres", commeles femmes sont lesaccoucheuses dans le monde biologique. Tous les hommes du villagequi ont subi le s O r O participentdonc B cesagapes, les d'aujourd'huicomme les baaba' en de demain, et aucunefemme, parceque le SOF O est uneaffaire d'hommes. Le SOPO commenceau début du nychthémkre, qui coïncide aussi avec le jour peul.La nuit étant la premibre partiedu jour,le début de la nuitest doublement féminin en tant qu'il est ledébut du commencement. Il estaussi placé sous le signe de la confusion, et tout se passe en effet dans le plus granddésordre : B lafaveur del'obscurité, les parrainsvont chercher lesjeunes époux et s'enfuientavec eux versun lieusitué en brousse, 217

à unedemi-heure làde ; lieuretiré mais vaguementconnu des autres hommes qui partent à leurtour tentent,et malgrénuit,la deles rattrapper.Certains parviennenty lesetcoups pleuvent.Les autres échangent des coups entre eux selonune distribution qui peut s'écarterde la règle. Cetterègle apparaît avant tout comme la règle d'anciennetéquimarque lesrapports anciens/ cadets ou pères/fils : chaqueancien estle cadet des autresanciens jusqu'8 être à sontour le plus ancien ; ledernier cadetdeviendra vite l'ancien d'un nouveau cadet.Les femmes ne jouent pas de rôledans larègle sice n'estd'être associées au cadetimpétrant. Cette règlechoisi a sede manifesterdans le sor o parune distribution de coups de bâton,lecoup debâton étantici le symbole du pouvoirfixé par la règle d'un aînésur ses cadets, d'un père sur ses fils. Ces coups de bâton sont symboliques,et la force plus ou moinsgrande aveclaquelle chacun les administre n'est pas fixée parla règle, quin'est donc pastransgressée par lesvengeances personnelles assouvies sous son couvert.Cequicompte, parcontre, c'est la soumission et l'indifférenceavec laquelle ils doivent être supportéspar tous lesacteurs, aussi bienlesanciens que nouveaule cadet et son épouse.S'écarter cettede attitude revient 8 s'écarter dela loi. Tousles participants sont enfin arrivés au lieu convenu. Les jeunesépoux sont invités par leurs "pères" mettrese nus,comme à leurpremier jour,et à s'asseoirface 8 l'Est,face au débutdes choses,La nudité du 'jeune coupleest symbole de cetétatvie deorganique qu'ils vont bientôt dépasserpour accéder à vielasociale. Leur positionassise, alors que tous les autres partici- pantssont debout, est aussi symbole, celuide la positioninférieure qu'ils vont abandonner ; la têtebaissée est le signe de la soumission totale à leurs"pères", les bras ramasséslesmainset coincéesentre les cuisses sont une défensecontre 21

lesgestes reflexes qu'ils ne pourraientmaltriser. La dansedes hommescommence, sans instru- ments,sansvoix concertées. Les hissions gutturalesqui en tiennentlieu mimentelles les gdmissementsplaintesleset rythmkes d'une femme en train de mettre au monde ? On peut le supposer,d'autant que les hommes montent vers le couple,débordent les parrains et portentaux deux jeunesgens descoups qu'ils ratpivent sans broncher.L'accouchement social commencé.a Il vadurer une demi-heure. Puisles parrains tendent entreeux lepagne qui vQtait lajeune épouse. Qu'il ait étB choisi de préférenceau dawrawol du jeunehomme n'est pasindifférent. Cette étoffe fémininefigure ainsi lesportes qu'il va falloirfranchir pour accéder au mondedesadultes pleinement responsables, B l'ordresocial. Tous les participants,sauf les parrains qui tiennentl'etoffe, vont alors enpassant sous le pagne, puiss'alignanten boutau d'un long couloirhérissé coupsde bâton, de affirmer symboliquementleur place dans lahi6rarchie du s o FB) qui est aussi celle des anciens : recevoir peu de coups mais en donner beauconpsigne un statut très 61ev6 ; B l'inverse,subir uneavalanche de coupset ne pouvoir en donner quequelques-uns marque une intkgrationrécente dansla hiérarchie du SOPO. Vient enfin le tour des jeunes époux. A eux de franchirlepagne et de prendreplace dans la hiérarchie du 8 or o. Le tunnel est alors trèslong, unetrentaine de mhtres lessi participants sont unecentaine. Les coups pleuvent mais ils ont changé,si l'on peutdire, de nature : l'ordre rigoureuxqui prBside maintenant B leurdistri- bution s'oppose au désordre dans lequel ilsont été précédemment assénés. Labrimade s'est muéeen distinction. Ces derniers coups assignentau jeune homme et B safemme dans la hikrarchie du sor o ungrade qui, pour &tre le plus bas, n'en est pas moins le signede Peur intégration. Avec l'âge, le 219

jeuneépoux remontera tunnelce d'honneur palierpar palier pour finir par être un jour le plusancien et l'un des parrains d'un autrecouple. En attendant, il doitavec sa femme leparcourir troisfois, contrairement aux autres participants du s or O qui ont déjja leurplace et n'y passent qu'une fois : cetterépétition est signe par elle- même de l'accès ja un nouveau statut,et le nombre trois,souvent employé dans laculture peule pour marquer des changementsd'état, n'intervient ici qu'enrenfort. Aprèsquoi, les parrains font asseoir les jeunes gens ja l'autre bout du tunnel,mais face B l'Ouest, orientationmasculine qui contraste avec celle du débutdel'épreuve. Ils sont nés au socialetle tunnel sedéfait, tous lesparticipants, les parrains exceptés,venant devant jeunele couple lui interpréterune dernière foishiérarchie la du soro en se donnant des coups selon la règle. Maintenantqu'ils appartiennent au soro, il peuventcomprendre la parole et ce n'estplus de mauvaiscoups mais bonnesde paroles dont chacun, B son tour,va les abreuver, les paroles de laloi peule. Puisleurs parrains les autorisent ja se rhabiller. Tout lemonde rentre chez soi, mais une dernièreépreuve attend les jeunes mariés : Ils doiventrentrer en se portantl'un l'autre, la jeunefemme d'abord, et ensuitele mari parcequ'il est plus fort et sa chargeplus légère. Les parrains disent : debbo, waawu gorko ma (femme ! porte tonmari), etréciproquement. C'est latable des matières du devoirconjugal : maintenant, il s'agit d'engendrer. Après,dans case,la chacun fait les gestes symboliquesquidisent quel'épouse laest maîtresse du foyeretla responsable du bien-être de son mari,lui-même responsable du saré. On est alors autout début de la journée : lanuit s'est achevée sur ladeuxième partie, masculine, de lapremière moitié, féminine, du jour." 226

insi dom, le rets auvillage signe une nouvellenaissance et m e leretour B la culture d'un coupleque la soci6tC a pu,dans lanature, modeler en rCf6rence avec ses "asch6types mythiques et sacr6s", pourreprendre les termes de Louis-Viracent TH8 En dCfinitive, le s or O permet de se retr r aux sources ancienneset Ctemelles de la pul ujourd'huipratiquement disparu, il apparaTt comme l'un desderniers traits d'union qui relie le Peul du Diamare B son passe ante-islamique. D'où son attraitaux yeu des Peuls de brousse quisont restCs tr6s attaches B sapratique, laquelle s'est toujoursheurt& 2 l'Islam et A l'hostilit6 des maraboutsvis-&vis de cerite t 6 de paien. Et NDOUDIOUMAROU n'a pas tort, parlant du soro des nomades, desouligner que "chaque fois que s'ouvreune Ccole coranique,c'est un peu de ce soro quidisparalt A Il1 .

Remarques

difficile de comprenhe toutes les affirmationsrelatives B la sexualisation(masculin1 f6minin) du temps et del'espace s nombred'6claircissements pr6alables. nous mnonce pour 4rSs bient6t un ouvrage sur le sujet. Par ailleurs, la comparaisonentre les &missionsgutturales des 3 01-006 e et "les gemis- sements et (...) plaintes rythmCes d'une femme en lH. BOCQUENE, 1986, p. 191. 221

trainde mettre au monde" estassez gênante : toutel'éducation dejeunela fille peule est orientéevers cemoment capital del'accou- chement, au cours duquel elle doit fairepreuve de stoïcisme en évitantde pousser la moindre plainte, au risquede devenir objet de risée, tout comme le jeunehomme vit dans la même hantise,par rapport à la circoncision. 222

“Le som ourituel d’initiation du couple chez les Foulbé duDiamaré”

Organisb B l’intention ducouple B son premier mariage, le s or O des Foulbé du Biamaréest un rituel d’initiation quise déroule de nuit, hors duvillage, selon un ordre précis : danse des ssrooe e, passage sous le pagne, conseils, autantd’épreuves physiques morales.et Qu‘il soit une juxtaposition d’anciens rites païens ou unsimple rite de passageau cours duquel la société cherche B moulerle couple B ses normesl le soro nemanque certainement pas d’originalité.

The sor O of the Fulani of Diamareis an initiationrite whichtakes place onthe occasion of a couple’sfirst marriage. 1% is performed at night, away from the village, and follows a strict order of activities,including the aor oobe dance, passimg beneath aloin cloth, and the giving of advice;in thisway, the coupleandergo both physicaland moral testing. The s oro showsmuch originality,whether it stems from ancient pagan rites or is simply a rite af passage through which society attemps to mold a couple to its noms. 223

BIBLIOGRAPHIE

B O C QUEN E H., 1986, Moi, un Mbororo : AutobiographiedeOumarou Ndoudi, Peulnomade Cameroun,du Paris, Karthala,177-192.

BRACKENBURYE. A., 1923-24, "Notes on the 'Bororo Fulbe' orNomad 'cattle Fulani'", Journal of the ApicanSociety, =III (89), 208- 217,271-277.

D O NG IN R., 1975,"Sur trois ressorts du comportementpeul", Pastoralism in TropicalAfrica (Th. MONOD ed.), Publishedfor the I.A.I.by Oxford UniversityPress, London, Ibadan, Nairobi, 298-32 1.

DUPIREM., 1962, LesPeuls nomades, Paris, Institut d'Ethnologie.

EGUCHIM.J., 1973,"Aspects of thelife style and culture of women in theFulBe districts ofMaroua", KyotoUniversity African Studies 8, 17-92.

EGUCHI P.K., 1973, "The chants of the FulBe rites of circumcision", KyotoUniversity African Studies 8, 205-231. 224

PFEFFER G., 1936, "Die n-B ororo 9 ihre Gesellschaft, Sesshafturerdung

EED L.N.,1932, " on some Fulmi tribesand ica V (Le), London, 422- 454.

SAINTCROIX (de) F.W., 1972, The Fulani of Northern Nigeria : Some General Notes, Gregg International Publishers Lianited. [ l2re Cd. : Lagos, 19451

SAIBOUN., 1984, Un nne dans le Nord- s FulBe (Peuls), Th2se de 35 cycle, Paris, E.H.E.S.S.

., 1973, "L'gtre et le pxattre : essai sur la signification de l'initiation en Afrique noire", Fantasme et Formation, Paris,Dunod.

VAN GENNEP s rites de passage, Paris, Librairie critique.

VIEILLARDG., 1932, '' otes SUE deux institutions propres aux populations peules d'entre Niger et Tchad : le soro et le gerewol", Journal de la SocietC des Africanistes 2 (1)9 85-93. 225

"LES HOMMES MEURENT TOUJOURS A CAUSE DES FEMMES" Lesrelations entre les sexes chez les Masa duTchad

FrançoiseDUMAS-CHAMPION CNRS,Paris

Lors de mon premierséjour chez les Masa, onm'a faitremarquer : "VOUS verrez,ils ne parlentque vaches etfemmes". J'allais . vite m'apercevoircombien cecommentaire désignait enpeu de mots les centres d'intérêt dela vie sociale. Si lesrelations entre les sexes donnent communément matière à discussion, le faitque ces rapportssoient icimédiatisés par les bovins confère une autreportée à cediscours. En effet, pour lesMasa, le bétail fournit à la fois un langage et une idéologie à la société.Et, bien que cette populations'adonnene pasexclusivement à l'élevage,puisque pêchela l'agriculture et occupentune part importante deses activités, cetteprévalence révèle les manières de penser caractéristiquesdes sociétés pastorales où les relationsentre les sexes s'explicitent en fonction d'unmoyen terme qu'est le bétail.Ici, donc, le prestiged'un homme, ou sarichesse, s'évalue à ses compétencesd'éleveur, à l'étenduesonde troupeau et au nombre deses épouses. Le gros bétail,qui est la propriétéexclusive des hommes, sert à définir la masculinité, non seulementparce 226

qu'ilpermet l'acquisition d'Cpouses mais parce qu'ilcontribue à faire du Masa unlutteur. ar le biaisde cette lutte rituelle, les i ont cours dans cette ssci6td. Et nous d6couvrirons à quelleperformance les jeunes filles se livrentpour &re le point de mire des gxpns, corne pour faire pendant B la prouessephysique des lutteurs. 'est au cours des f&es funCraires qui lieu au plus large rassemblement que des sCances luttede sont organisges entre les differents groupesmis en prCsence. On peutdire decette lutte B main nuequi oppose deux Ctrangerspotentiellement en position d'khan- geursdesoeurs qu'elle mCtaphorise le combat pourles femmes. lleest aussi indisso technique d'Clevage sp6cifique au garana. J'ai montre ailleurs que "lapratique du garana s'articuledirectement SUT I'Cchange matri- momiaJ1 et se presente, B cetitre, comme une initiationdes bouviers au mariage" (DUMAS- sa du Tchad. rsity Press etParis, ences de l'Homme). En effet, la transhumance du troupeau vers des psturagesplus richescaract6ristique du gu rmm n'a paspour seule finalit6 d'augmenter la productionlaitihe : ellefait rejaillir cette prospCritC sur 1'6leveur en luiprocurant une alimentation amClior6e. Les gusana, qui boivent cinq à septlitres de lait par jour, puisent dans cet apportnutritif la forcequi leur permettra de s'imposer à la lutte. Cettepratique s'inscrit dans 227

Répartition des différents groupesMasa (d'apres J. Cabot, Le Bassin du Moyen-Logone)

\ \ l oMagao \ \ \ '--___'. '--____---. \

Ltgcndc: +WH Lirnitc d'ttat ---- Limite du tcmtoirc habit6 par les Mara Chef-licu dc prffccturc 0 Autre localit6

Cane au 10.00 WOS de I'1.G.N. 22

un cycle où vaches et bouviers prosp&rent en une symbiose harmonieuse. L'idée associant le sort du Masa au bien-6trede son troupeau est prêsente dans le mythe rigine asa-Gumay.des L'ancetre fondateur gaza réussit B s'implanter au detrimentdelapopulation autochtone grâce à l'inventiom du guraxn 1. C'est dire lesvaleurs civilisatricesdecette dêcouverte et combien l'image de l'homme pour les asa est com6lCe B celle du guruna-lutteur. L'adagemasa qui sert de titre à cette cornunication : "les hommesmeurent 2 cause des femmes"rev8le lateneur de l'échangematri- monialpour cette sociCt6 segmentaireacephale qui,traditionnellement, vivait dans un état d'hostilitepermanente avec ses plusproches voisins. Il faut lutter ou fairela guerrepour obtenir une 6 ouse.Pour un grand nombrede populationsd'frique et d'ailleurs, ce sont les capacitCs guerri&res d'un homme qui vontle dé€inir commelte et apte à o Cpouse. Chez les sm6, apparentes au homme ne peut se marier qu'aprssavoir tu6 un ennemi. Si un jeune asa n'a pas B prouver sa bravoure de la sorte pour Gtre digne du mariage, on peut voir dans la pratique des luttes rituelles à main nue une m6me finalité. Ces joutes, souvent dêcrites comme des reprêsentationsphysiques de prestige, viennent en fait rêaffirmer la tension qui existe entre les groupes et qui soutient I'Cchange desfemmes. Chaque lutteur, jeune homme en qu6te d'êpouse,s'oppose à un étrangerdont il peut, en thêorie,obtenir une femme moyennant une compensation matrimoniale en bêtail. Ce sont 229

sesqualités de lutteur qui permettent auMasa de se voirse symboliquement reconnaître dans sa demande d'épouse. Lalutte, comme la guerre, définissentl'état d'homme. Traditionnellement, tous les hommes sont des combattants qui doivent défendrel'autonomie de la communauté(le f arana). La solidarité est la base de cette unité. Aujourd'hui encore, unMasa ne se sépare jamais deson bâton et il vitea fait de prendre son bouclierpour courir au combat. Lessources de conflits telles que : les rapts de femmes, l'adultère, le vol, l'homicide, leslitiges afférents au bétail sonttoujours d'actualité et dégénèrent facilement enun affrontement armé qui engage un cyclede représailles.L'administration doitsouvent intervenirpour faire cesser ces guerres "d'un autre âge". La vengeance est une obligationqui faitappel auxvaleurs viriles d'honneur etde courage. A l'opposé, l'homme qui usede médecines pour se venger, lu'una, estcondamnable. Un homme se doit d'être d ju f n, courageux (ce terme signifie aussi mâle et mari). Etre traité de nar i , peureux, ou tukma, faible, sont des injures qui renvoient l'hommedu côté féminin (tukna se dit d'une femme affaiblie par sa grossesse). Si les femmes sont l'enjeu des conflitsen casde rapt ou d'adultère, leur mort ne donne pas lieu aux modalités de vengeance mises en oeuvre quand la victime est un homme. Le cadavre d'une femme . n'est jamaistraité dans l'intention. d'être vengé, alors qu'on enterre le corps d'unhomme en position accroupie, lebras droit relevé au-dessus le latête, l'extrémité de l'index émergeant dela tombe afin 'y fixer sa lamede sagaie (ou de lance). Lors e, trois joursplus tard, cette arme est prélevee sur le cadavre, c'est comme sile mort selevait lui-mi2me pour se venger. Les femmes, quant B elles, ne portentjamais d'armes tranchanteset,bien qu'elles participent A la guerreen se munissant de longues perches de renier ou en qmt des projectiles sur l'ennemi, il est convenu les 6pargner en raison leurde fonctionreproductrice. Cependant l'impératif de vengeanceest telqu'autrefois un frèrepouvait &entrer sa propresoeur enceinte, si elleétait mari& à un agnat du coupable. Le foetus mgle &ait transperd d'unelance po l'accomplissement dela vengeance. &ait de sexe f6minin, l'acte n'avait aucune portCe. Et il fallaittrouver une autre occasion pour se er. D'autre part, la coutume veut qu'on ne venge pas un meurtre commis entre conjoints car asa : "l'homme et la femme foment un seul corps". La compensation matrimoniale ne sera pas remboursee ; mais si l'6ponse tue son mari, elle regagne sa famillequi restituera le montant

cette imagede l'homme qu'incarne le graisse du lait de sa vache, dont la renommée de lutteur s'&end au pays tout entier et qui, avant l'affrontement B main nue, harangue ses adversaires et les dCfie en vantant les merites de ses vaches, correspond une image de la femme qui,elle aussi, prend forme dans laréalisation d'uneprouesse physique. C'est au coursdes mêmescer6monies mortuaires que les jeunes filles et les femmes font preuve de leur agilit6 dans des 23 1

rouladesdifficiles à exécuterqui demandent un entraînementdepuis la tendreenfance. C'est en signe de deuil, pour montrer leur affliction envers le défunt que,se langant en avant,elles roulent sur ledos et viennent heurter violemment le sol avec leurs chevilles cerclées d'anneaux. La douleur selit sur leur visage, même si elles se relèvent fièrement,attentives à ne pas laisserparaître leur souffrance.Cette expression douloureuse de la contrition semble réservée aux femmes, comme on peutencore leconstater dans lecomportement différencié des sexes à l'annonce d'une mort. Les hommesréagissent alorsguerriers. en Ils s'emparent de leur bâton et courent en brousse au hasard. Des parentsetamis se chargentde les arrêterdans leur course folle. Ils se plieront ensuite au comportementcodé du deuil.En revanche, les femmes restent surplace, exprimant avecviolence leur désemparement. Elles se roulent à terre, sautent enl'air, lancent les bras au cielpour invoquer Matna, l'entité responsable de la mort. Cette gestuelle du désespoir renvoie à une formedemortification, larupture dela mort causant un troubleque les femmes expriment en se jetant à terre. Cet exercice typiquement féminin fait aussi référence au pouvoir de procréation des femmes,symbolisant la roue de la vie. En s'y - livrantsur lesplaces funéraires, lesfemmes viennentréaffirmer la prévalence du pouvoirde vie sur le pouvoir demort. LesMasa qui disent deces roulades, g ir ina, quec'est "la luttedes femmes", considèrentl'aspect compétitif quepeut prendre cette preuve physique de l'affliction. Il n'est plus 232

alors question de faire uneroulade en passant devantl'habitation du dCfunt (ou B proximitC de satombe) mais de former un cercleausein duquel,l'une après l'autre,lesjeunes filles rivalisentmettentet un pointd'honneur realiser une pirouetteparfaite. la manière du lutteurqui vient de terrasser son adversaire, &utante est f6licitCe par les autresqui poussentdes "you-you" admiratifs en se pinsant lesjoues. Ces exhibitions, tr6s pris6es parles guruna, sontpour eux l'occasion d'admirer les jeunesfilles. Celles qui excellent dans ce sport ont dusucci% aupr5sdes jeunes hommes qui leur donneront comme terne d'Cloge (g i 1 Qna) le nom d'un lutteur cCl5bre ou, plus frkquemanent, le nom d'une nourriture apprCciCe : "mir a", lelait, ou

Ealla 9 une esph de poisson. otonsque les femmes qui, dans cette circonstance, repivent des tout comme les lutteurs, sont les seules qu'osa interpelle par destermes d'Cl0 rCf6rence B des mets. La lutte et la roulade, sorte de parades auxquelles se livrent les sexes, projettent une imagecontrastee leurde difference en les enfermant dam leur spCcificit6. lutteur qui n'ade cesse, toute sa vie, d'acquCrir une nouvelle6pouse correspond la femme, valorisCe par ses capacites de genitrice.Cette valorisation ne dCment pas un discours symbo- lique qui vise B j ifierla suprematie masculine. Notamment, les sa ddveloppentmythe,un largement rCpandu en Afrique,quiexplique l'origine de l'éloignernent du ciel et dela terre par 233

une transgression féminine. On jugevolontiers la curiosité ou la désobéissance commeune "qualité" spécifiquement féminine. Au-delà de la différence physiologiqueentre l'homme etlafemme, les Masa attribuent à chaque sexe des caractéristiques physiques et psychologiques qui dépassent lefait biologique. Leurconception de lafabrication du foetus témoigne decette visionculturelle dela différence des sexes. Yeyta, la puissance féminine de la fécondité, qui "moule"l'enfant dans le ventre de la femme, commence, dans lecas d'un garçon par fagonner la tête,puis les bras et le reste du corps ; cequi fait que "l'homme est très fortet qu'ilest guerrier". Pour une fille,elle fabrique d'abord le bassin, puis le sexe, enfin la tête et le reste du corps. Ainsi la femme est-elle "génitrice, maisaussi plus faible et moins intelligente que l'homme". Cette représentation sert de référent au système d'opposition binairede la distinctiondes sexes. Ainsi, la droitecaractérise l'homme parce qu'il utilise la main droite pour tenir son bâton ou sa lance, tandis que la gauche représente la femme carelle tient de la main gauche la longue cuillère aveclaquelle elle cuisine le platmil.de L'oppositionmasculin/féminin renvoie toujours à l'activitéqui est choisie pour spécifier chacun des sexes, la guerre et la cuisine. C'est encore surces mêmesvaleurs antinomiques que repose lejeu dichotomique suivant : les funérailles des hommes doivent commencer à l'aube car c'estl'heure à laquelleils s'apprêtent à partir au combat ; en revanche,celles des femmesdébutent l'après- midi, à l'heure à laquelleelles s'affairent à la préparation du repas. Enfin,lorsque des exploits 234

- tels que la lutte ou la roulade - sewent B definir P'idCal masculin et fCminin, ilsfont appel aux m2mes crithes distinctigs. ment cette representation des sexes opBre-t-elle dans les tractations matrimoniales et dans la r6alisationdu couple ? Nousverrons que la concumence à laquelle les hommes se livrent dans leurs démarches amoureuses s'illustre encore dans iffdrentesphases du mariage par une lutte Pique qui se continueentre preneurs et donneurs d'Cpouse. La forte opposition dessexes que nous venons de d6crire est temgCrCe, semble- t-i19 par des rites ' ion destines à assurer la f6conditC du couple. is ces rites qui cantonnent 1'6pouse dans safonction de genitrice, l'assignent aussi à un mariage unique. 11 estbien vu qu'une jeunefille ait de nombreux prCtendants. Son p&re y est tout A fait favorabledans la mesure où cela lui permet de faire monter les enck&res afind'obtenir une compensation matrimoniale plus 6levCe. Quant au gnrpans, qui se vante dunombre de ses fimc6es9 il occupe une grande partie de son temps dans ces visitesamoureuses pour lui-m&ne pouret d'autres agnats, puisque la dCmwche du soupirant lusieurs. Ces entrevues sont parfois dangereusesdonnentet lieu B desbagarres lorsque deux groupesrivaux sont venus courtiser unem&me jeune fille. Il arrive qu'il y ait des morts. G6nCralement, les membres del'enclos prennent partipour l'un des groupes. Aussiles jeunes gens, avertis de telles embiiches, viennent nombreux et toujours mCs de bâtons. La rivalité entre les pretendantsmontre que le combat que 235

les hommes doivent mener pour l'obtention d'une épouse s'exprime d'une manière permanente. Au cours de ces visites, la jeunefille doit afficher une grande timidité en ayant honte de se montrer.Néanmoins, derrière cecomportement codé,elle fera connaître à sesvisiteurs si elle accepte de répondre à leurs avances. Sa mère, qui reçoit lesjeunes gens, lui demande d'apporter du feudans la pièce. Ce sera bon signe si elle reste à l'intérieur aprèss'être acquittée de sa tâche etsi elleleur présente du tabac.Une conversation, tenue dans un langage symbolique, s'engage entre les jeunes gens. A celui qui est venu sans intention sérieuse la jeune fille dira : "Un seul jour ne suffit pas pour construire unemaison". Autrement dit : "Enun jour,je ne peux pas t'ouvrir mon coeur". Les prétendants savent qu'ils doivent êtreassidus dans leurs visites s'ils veulent gagner la confiance d'une jeunefille. A ladifférence des femmes divorcées,revenues vivre chez leurpère et qui jouissent d'une grande liberté sexuelle puisqu'elles sont sans époux, une jeune fille ne doit pas céder facilement aux avances d'unhomme. Toutefois la virginité n'est ni imposée ni valorisée. Mais sile père surveilleses fréquentations, c'est pour éviter qu'ellesoit enceinte d'un prétendant qu'il ne reconnaîtpas. Car, dans ce cas, le fiancé officiel qui a donnéa des vaches romprait lemariage. Pour pallierune telle éventualité, un pèrecherche à marier safille le plus tôt possible. Il éviteainsi d'âtre la risée de tous. Bienque les jeunes Masarevendiquent aujourd'hui la libertédansleurs choix matrimoniaux,l'enquête révèle qu'en réalité la 236

plupart des mariages se fontencore d'une mani5re traditionnellepar l'interm6diaire des maternels, Ili& et des partenaires de g O 1 1a, (pr& du betail). Un jeunehomme obtient le montant de la compensationmatrimoniale deson p&re qui a Pe devoirde marier sesenfants. En mariant d'abord sa fille,sa il peutmarier sonfils aîn6, la compensationde la soeurpermettant le mariage du frsre. Lorsqu'il n'y a pas de fille9 le bhtail du pkre doit y suppl6er et faciliter le mariage de ses ais le nombre de tstes de bCtailgCn6ra- exige en Cchange d'une Cpouse est 6levC par rapport à la possession moyenne d'un Les difficultCs à r6unmir une telle compensation matrimonialecontribuent a cr6er une grande BSf6rence d'i3ge dans lescouples et B faire que les versements s'Cchelonnent sur plusieurs gCnC- rations. Les filles sont parfois promises en bas age our supplCer B la restitutisw dubCtail manquant. La miseencirculation u troupeau apr&s le mariagerend les remboursementsdifficiles lors &un (36~5sou &un divorce. Et c'est pour pallier ce manque qu'on propose une autre fille B marier. Le pluscsmmun6ment, on attend la pubertC pour donner sa filleen mariage. Les hommes consi- d&rent la fornation desseins comme trahissant cette Ctape. L'apparition des rkgles ne faitpas l'objet derite particulier ; parlasuite, les menstrues ne donnentlieu à aucuninterdit (pendantcette phriode, la femmepoursuit ses tikhes comme à l'accoutumCe, elle peut mhe preparer la nourriture de son mari). C'est la mère qui, endernier ressort, decide du departde sa fille. A trente ans, beaucoup d'hommes ne sont pas 237

mariéslesetjeunes filles sontquelquefois épouséespar des vieillards. Les chansons à moudredénoncent cet état de fait. Devant la contrainte d'unetelle union, la fiancéechoisit parfois la fuite. Elle se cache en brousse le jour où son fiancé vient la prendre ; ou bien elle accepte d'être enlevée par son amant. A moins qu'elle soit enceinte, une jeune fille n'a guère la possibilité de refuser le mari qu'on lui impose. Le soutien desa mère peutparfois faire basculer son projet en sa faveur mais, en revanche, son désaccord aura des conséquencesautrement plus graves que celui d'un père ; car,seule une mère ose, dit-on, maudire sa fille. Elle se rendra chez son gendre et s'assierasur un mortier. Cegeste apparemment anodinest, en fait, yama pourles Masa. Connotant l'idée de désordre et de transgression, il frappede maladie ou destérilité les témoins oculaires ; dans ce cas, il rendra le couple stérile d'autant plus que la mère joint une malédiction à songeste. Désormais, safille devraquitter son mari. Sielle ne parvenait pas à s'y résoudre, ses beaux-parents la reconduirontdans safamille. Poureffacer lasouillure du yawna, lesdeux famillesse cotisent pour sacrifierensemble un cabri.Cette commensalité doitclore le différend. Finalement, la mère invoquera les divinitésafin qu'elles lèvent sa malédiction ; puis, elle remettra à sa fille une courte tige de g awna (Jatrop ha curcas, végétal généralement utilisé à cettefin) quiest comme une parcelle d'elle-même qu'elle porte à sa bouche poureffacer cette mauvaise parole. Par contre, l'attitude du père découvrant le 23

rapt de sa fille est celle du guemier qui prend les armes comme s'il partait au combat. Entour6 de ses agnats, il se rend aussit6t chez le jeune homme. Un conseil se r6uni1-a entre les membres des deuxlignages et bien que le psre cherche toujours à reprendre sa fille,c'est untel d6shonnenr de la ramener chez soi dans ces conditions qu'il finit par regulasiser le mariage en acceptant la compensationmatrimoniale de I'auteur du rapt. Le prix 6lev6 de la "dot" est encore l'une des causes qui d6veloppe chez lesjeunes gens la pratique de I'enl6vement et ceci en d6pit de la valeurque represente compensationla matri- yeux d'une jeune fil1 . Cette demisse est fi&re de voir ses pr6tendants faire monter les enchkres, fisse de savoir que son fianc6 travaille durement pour l'obtenh en mariage. De meme, un homme tire orgueil duversement d'une "dot" glas importante que la moyenne. Car, B travers ce paiement, c'est toute les valeurs viriles qui sont prim6es : ses comp6tences d'6leveur et de lutteur.Pendant la p6lriode pr6maritale oh la vie du guruna se partage entre les femmes et les vaches, c'est de ses vaches qu'il detient le pouvoir de courtises les filles. C'est engraisse de leur lait qu'il va les s6duire. Par reconnaissance, m6tapho- riquement,le g U%C~ZPIIdonne à ses vaches les surnoms de ses fiancees. On comprend que le rapt soit condanmg,nonseulement parce qu'il transgresseles regles de 1'6change, mais aussi parce qu'a traverscette transgression, un homme renie son passe de garrmna. 239

Laconcurrence entre rivaux sepoursuit jusqu'aujour du mariage.Lapériode des fianqailles,nécessaire au rassemblementdela "dot",s'étend parfois sur plusieurs années. Et, bien qu'ayant montré le sérieux de sesintentions en donnant quelques bêtes, le fiancé, onl'a vu, n'est jamais assuréd'épouser sa promisetant qu'elle habitechez son phe. 11 n'est à l'abri ni d'un enlèvement ni d'une surenchhre dela part d'un homme plusriche puisque, dans de telscas, le pèrerembourse le premierprétendant pour accepter la compensation matrimoniale du second. Lorsque le temps est venu d'aller prendre l'épouse chez son père, c'est sous la forme d'un enlèvement quemariéela estséparée dessiens. Cette symboliquetémoigne à lafois de laviolence inévitable à l'acquisitiondes épouses etde la violence que la famillese fait pour laisserpartir une de ses filles ; car, endépit d'une "dot" élevée et du fait qu'une épouse prendra ensuite la place de lafille, cedépart est dramatisé comme une perte qu'aucune compensation ne peut combler. La coutume veut quele marié délègue un émissaire qui se charge d'aller prendre la jeune fille chez son père. Il rencontrebien des embûches avantde réussir à saisirla jeune fille qui cherche à se cacher,affichant par là sonrefus de quitter sa maison natale. Lorsqu'il l'a enfin découverte, il la saisit par le poignet en s'écriant : "J'ai attrapé ma femme". Cette phrase rituelle est décisive pour la jeune fille. Elle sait qu'elle ne pourra plus passer unenuit chez son père etqu'elle doit quitter l'enclos familial le soir même.C'est la rupture avec le monde de son enfance. Elle se met alors à pleurer.Pendant ce temps, les habitantsde la fermepoursuivent I'envoyC qui, s'il neparvient pas 21 s'enfuir, repit de sCrieux coup de batons. On dit qu'il n'est pas facilede se sortir d'affaire d'une grandemaisonnbe dontmembresles sont nombreux. On affirmeque si le fiancClui-mGme etait prCsent, il nesortirait pas vivant d'une telle aventure.Cesagressions 'qui sont d'abord symboliques, marquent la resistance du groupe B se s6parer d'unede ses filles.Elles viennent corroborer le sensde la luttequi sous-tend 1'"h des femmes. e jourqui prCc6de lanuit nuptiale, alors quela maiCe vient de passer une journee et deux nuits dans sa belle-famille, elle doit retourner che son p$re. C'est gl f -ma-~on, litthdement "jeter chez elle". Pourquoi ce r our ? Son p&re l'avait b6nie "g i bo 1 1 a." en sacrifiant le cabri remis p le dCBCgUt5, Piruma ma na, "lecabri pour attr femme", etceci comme pour chaque long depart, 06 l'on 6gorge un animalsur leseuil de la porte afin d'apaiserles esprits qui y stationnenten pemanence. Dauns sa pri6re 2I Lawna ("le p&re des hommes",divinit6 quipreside B la reproduction des sexes) Be p&re a insiste "pour que sa fille rentre en paixchez son marietqu'elle soit fCconde". En sortant, la mariCe a posb le pied gauchedans lesang afin de se protCger des mauvais sorts jetCs par les pr6tendants qui n'ont pas eu sa main. Son p$re lui ayant souhait6 longevit6 et bonheur, tout s'est d6roulC comme s'il ne devait plus revoir sa fille. En dCpit de ce rituel, la future Cpouse retournechez son phavec les 241

compagnes de son enfance qui l'ont suivie chez son mari, ainsi qu'un garçon et une fillette, membres appartenant à la famille de l'époux. L'adolescent quiva seconfronter à lalutte avecles jeunes garçons du f ar ana de la mariée, luttera toute la journéejusqu'à épuisement. Il défendl'honneur du mariet doit vaincre tous ses concurrents. Cet affrontement à mainnueque lesadultes considèrent commeun jeu confirme la signification de la luttecomme métaphore l'échangede matrimonial. La tension quiexiste toujours entre legroupe preneur d'épouse et legroupe donneur se manifestese maintenant au niveaulade générationcadette, entre jeunes garçons qui affirment dumême coup leur positionde futurs demandeurs d'épouses.Quant à la fillette, elle sera courtisée par les garçons de son âge. On constate, avec cette rencontre de la plus jeune génération, la volontédemarquer lapoursuite des relations matrimoniales. Mais le retour dela future épouse chez son père a aussi un autre but. Durant tout le parcours,la mariéeneparle à personne,fait significatif d'un rite à part entière. Ellene peut pénétrerdans l'enclos paternel qu'après avoir posé,une nouvelle fois,le pied gauchedans le sangd'un cabri, offert par sonmari. Jusqu'à maintenant,seul l'époux fournia les victimes sacrificielles,forme de compensation pour libérer sa future épouse soumiseaux esprits de lieu de sa famille natale. A présent, le père, quifête sa fille et ses compagnons en leur offrant à manger une chèvre ou un mouton (ils reviendront avec la peau pour témoigner de l'accueil qu'ils ontreçu), leur remet également un cabri vivant quisera sacrifié à leur retour sur le seuil de l'habitatiom du mari. ucun sacrifice n'avait marque 1'arrivCe de la riCe dans sa belle-famille. En revanche, ce soir- P'imolation dela victime marque I'intCgration de la jeune 6pouse dans sa nouvelle demeure. Ce don a une autre finalit6 qui justifie le retour de la iCe chez son phe. En effet, il avalise l'accord du p&re pour le mari e de sa fille et Libcre, de ce fait, le pouvoir gCnCsique de la mari&. Les sa affhent que sans le don de ce cabri par le pere, 1'6pouse n'enfanterait pas. On comprendque la pratique du rapt soit devaluCe dans la mesure où ellecontient les risques d'une union st6rile. Ce rituel g i ma ~onaest exemplaire dans la mesure oii il remet en sc&ne l'opposition entre les Cchangistes etscelle dCfinitivement l'accord du phe. Les autresrites majeurs du mariage, g f

pb a et hama ~~~~~~~ ainsi que les dispositions prises lors e la nuit nuptiale r6v6lent une souci de constituer l'unit6 du couple afin d'assurer sa f6condit6 et que celle-ci ne s'exerce en son sein. AprGs avoir fait g f =am, on dit , si I'Cpouse quitte son mari, elle n'aura jamais d'enfant d'un autre home. Le rituel consiste dans la prise en commun &un repas, oa les conjoints sont assis c6te à &te, contrairement aux regles de commensalitC. Face à eux,un gargonnetet une fillette, qui représententleurprogeniture à venir, leur donnent trois bouchees de nourriture non cuite car elle n'est pas destinCe à être consommée. La prikre quechefle de familleadresse i Lawna s'apparente i une bCnCdiction du couple, mais la 243

consommation symbolique de cettenourriture va engager les époux dans une union quepas même la mort ne peut rompre.C'est pourquoi le veuf(ou la veuve) serasoumis à des ritesde séparation davecle conjoint défunt pour poursuivre sa vie et prendre un nouvel époux. On ne fait ce rite qu'une seulefois dans sa vie. On comprend laplace privilégiéequ'occupe la "grandefemme" par rapport à sesco-épouses quand on saitque ce rituelconfère une positionéquivalente à chacun des conjoints, position qui s'exprime par le pouvoir de maudire son partenaire en cas de désaccord. Si lemari désire prendre une seconde épouse sans l'accord de sa "grande femmett,celle-ci menacera la nouvelle union destérilité. Le mari maudira pareillement sa première épouse pour la dissuader de le quitter. On est surpris de voir qu'en dépit de lagravité du rituel son déroulementprend la forme d'un jeu compétitif entre les conjoints. C'est au signaldonné par une vieille femme de la maisonnée que les enfants commencent le don de nourriture. Le petit garqon sert le mari et la petite fille l'épouse. Celui des époux qui aura terminé le premier serafélicité par l'assistance. On dit qu'il . serachanceux dans toutes lesactivités qu'il entreprendra.c'estSi l'homme, il serabon chasseur, bon pêcheur, à l'opposé de sa femme qui reviendra souvent bredouille de la pêche. Le soir suivant, le sacrifice d'un bouc, huma busuna, "le boucdu sang", doitparachever l'union du couplepar lamédiation du sangdecette victime. Lorsque le chef de la maisonnée a égorgé le bouc qu'il adresse à son défunt père : "Mon Père! Je t'offre ce bouc.Que le mari et la femme restent unis !''9 la mari&? pose le pied gauche dans r6pandu 5. terre.Puis on versequelques gouttes de ce sang dans l'eau avec laquelle elle va se laver. Par cetteablution, 1 premihe depuis son arrivCe dans sa nouvelle famille, elle est liCe paf le sang B son mari. Les asa expliquent que I'6pouse devient par 18 v Crable à d'Cventnelles maledictions du masi. Le rite prCcCdent, ageait lesdeux conjoints leurdonnait le mihe pouvoir. En revanche, avec ce sacrifice, l'6pousesemble perdre l'Cgalit6 qu'ellevenait el'acqu6ri.r. Elle seule, en effet, est concernCe paf ce rite qui doit lui donner le smg de son mapi. C'est dire que son o e d'8trangGre est gommCe et qu'elle devient oliquement sa soeur. Tout se passe donc comme si le couple ne ouvait devenir f6cond que porteur d'un sang identique. L'accent mis sur l'unit6 du couplevoire I'nnicitC quand il s'agit du premier mariage,nous conduit B nous ineenoger sur le d6roulement des rites, lorsqu'un homme prend une antre 6pouse. Comment, en effet,l'image unitaire du couple iste-t-elle avec la pratique et lavalorisation de la polygynie ? i une femme ne peut faire 9 i na et huma basune qu'une seule fois dans vie, chaque nouvelle Cponse d'unhomme à moins qu'elle soit divorcee, d J. t a, se soumettra au sacrifice du bouc qui lui donnera le mEme sang que son Cpoux, rituel indispensable h la fécondit6 de la nouvelle union. D'autre part, tout comme la "grande femme",elle participera au repas familial donnt5 en son honneur, juste avant la nuit nuptiale, aux c8t6s des autres Cpouses. Le chef de famille 245

quiimmole pour l'occasion un animal, huma ha tna, "le mouton pour se familiariser", célèbre son intégration au seinde la maisonnée en tant qu'épouse. Dans tous les cas, la nuit nuptiale fait l'objet dun code précis. La jeune épouse ya été préparée de longue date par une vieille femme, chargée de son éducationsexuelle. Outre l'artde tenir une conversationamoureuse et la connaissancedes expressions du visage exprimant la mélancolie ou lajoie, elle l'initie au rituel d'onction précédant l'accouplement.Ce préambule propitiatoire g i ka 1 af n a, "jeter dans la maison", doit bénir l'union. Elle lui apprend les mouvements des hanches mais aussilaposition des mains et desdoigts qui doivent rester entrelacés toute la nuit sous peine de rendre l'union maudite. Si l'épouse repoussait sonmari des deux mains, ellelui jetterait un mauvaissort. Finalement, on constateque l'épouse, quelque soit son rang, entre dans un cadre rituelqui doit lui assurer sa fécondité et qui la lie à son mari. Les liens extra-conjugaux qu'elle entretiendraitseraient sanctionnés parune stérilité passagère ou définitive, ou encore par un accouchement difficile. Lesrites du mariage - soutenus,par ailleurs,par un systèmematrimonial rigide - cantonnent l'épouse dans une alliance unique. On note,eneffet, une grande stabilité dans les mariages. Les femmes qui ontquitté leur mari sontdésignées d'unterme à connotation péjorative : da1 ta. Bien souvent, ces femmes profitent deleur liberté pour distiller de l'alcool et "faire cabaret". i elles retournent g6n6ralement vivre chez leur p&se, leur case est construite en retrait du cercle forme par les habitations familiales9 8 nalant topographiquement leur statut. Pour I raisons CvoquCes ici, elles ont beaucoup de difficultes à se remarier. G mariage est humiliant pour un homme. ce que par Ba faible compensation qu'il devra verser : soit son p&re ou il son ancien mari. asa mettent l'accent sur la fertilitC de l'Cpomse, la st6rilitC entrahe rarement le divorce ; le mari prend une seconde $pouse sans rCpudier la prerni6re. Lorsqu'un homme renvoie l'unede ses femmes, c'est pour une raison grave : sorcellerie, discordes avec les co-6pouses9 infidClitC.. . On a v combien la femme repr6sentait Pa prospCrit6. Les asa disent gu' "on prend une femme pour la prog6nitmre". un homme assoit, en effet, sa notoriete et sa suprCmatie par le nombre de ses enfants, se reconnaissant p dans I'anc8tre Bponyme igaza qui a supplant6 les premiersoccupants griice à sa nombreuse descendance. 247

Françoise DUMAS-CHAMPION " 'Les hommes meurent toujours B cause des femmes', les relationsentre les sexes chez les Masa du Tchad"

Résumé

Cetarticle expose comment, chezles Masa, lesrapports entreles sexes sont médiatisés par les bovins. Propriété exclusivedeshommes, bétaille sert B définirla masculinité, non seulement parcequ'il permet l'acqui- sition d'épouses,mais parce qu'il contribue ii faire du Masa un lutteur.Acette image de l'homme, éleveur et lutteurémérite, correspond uneimage de la femme qui, elleaussi, prend forme dans la réalisation d'une prouesse physique : des"roulades" quifont référence B son pouvoir de procréation. L'auteur cherche B voircomment cette représentation des sexesopère dans les tractations matrimoniales et dans la réalisation du couple. Ilconstate quelesrites demariage - soutenuspar un système matrimonialrigide - cantonnentl'épouse dans une allianceunique.

Abstract

Amongthe Masa,cattle are used to mediaterelations between men and women. Cattle belong exclusively tothe man,and define his masculinity, not only by enabling him to obtain wives, but also by contributing tohis image asa wrestler. The image of the woman, corresponding to that of the man as an accomplished herder andwrestler, hasto do with her ability to perform somersaults, which represent her fertility.The author explains how these symbolicimages relate to themarriage contract on the onehand, and tothe interaction between husband and wife on the other. He concludes that themarriage rites, undergirdedby a rigidmatrimonial system, serve to confine the woman to asingle union.

249

UN POUR TRENTE, TOUTES POUR UN. LA GRANDE POLYGAMIE DES PRINCES MONTAGNARDSMOFU-DIAMARE

Jeanne-Françoise VINCENT CNRS, Paris

La polygamie des souverains mofu-Diamaré constitueune réalité qui ne peutêtre ignorée. Même un visiteurpressé passant enpiémont remarquerachâteau,le groupe compact de constructions coiffantle sommet de la montagne, habitéjusqu'à uneépoque récente parle souverain,princele : celui-ci dominait ainsi, matériellementet symboliquement, l'ensemble du PaY S. Lechâteau regroupe, outre lesappar- tements du princeetles cases communes, les habitationspersonnelles des épousesprincières. C'est leur nombre qui donneau château son aspect imposant. Il est inhabituel en cette société, etseul le responsable delachefferie jouit d'une très grandepolygamie. Celle-ci possède une valeur particulièrequi peut être dégagée : elleest une institution politique, permettant de mieux saisir la conception du pouvoirélaborée par les Mofu- Diamaré. 250

appelonsque le nom de Mofu-Diamare e B 60 O06 monta nardsenviron, occupant le rebo oriental des quelques-unesdes montagnes-fles qui le pro- longent. Leur habitat se trou B une trentaine de kilomi5tres de la ville de oua, ce sont des voisins de Ion ue date des Peuls de plaine, avec lesquels ils ont eu dans le passe des relations tendues. Au seindecet ensemble je me suis particuli2rement intCressCe aux chefferies de Duvangar, Dumm et qu'auxpetites chefferies vassales quien d6pendent. Ellesconstituent un meme ensemble culturel et linguistique, representant 20 O O 0 personnes. Au tout dkbut de mes enqugtes de terrain j'ai 6tudi6 la polygamieordinaire dans ces chefferies, procCdmt à une enquete auprgs de 334 femmes mofu de tous Bges (VINCENT 1972). Y'avais pu ainsi constater qu'un tiers des femmes mariees &ait engage dans de unions polygamiques (1102 sur 297). Cette psly amie mofu-DiamarC m'&ait pame commeune polygamie modCrCe : les trois quarts des polygames n'avaient que deux Cgouses, etle rapport du nombre d'6pouses au nombre d'hommes maries etait de 143 6pouses gour 100 hommes mariCs, alors qu'ilpeut être beaucoup plus importantchez d'autres montagnards, 172 chez les Hina par exemple (travaux d'A. PODLEWSKI 1965). 251

La polygamie des princesapparaît d'autant plusfrappante qu'elle est sans aucune mesure avec cette polygamie de leurs sujets. Cette fois il s'agitde plusieurs dizaines d'épouses pour un seul homme, les effectifs s'établissant, si haut que l'on cherche à remonter. - c'est-à-direjusqu'au début duXIXème siècle -, à unemoyenne oscillant entre 20 et 50 épouses. Ce chiffres'est maintenu jusqu'aujourd'hui : BiziDurum, prince de Duvangar, avait 44 épouses vers 1980 ; Bi-Bello, prince de Wazang, en avait 24 à sa mort à la même date. C'est chez ces deux princes que j'ai procédé à des enquêtes approfondies en1979 pour Bi-Bello, en 1984pour BiziDurum,ayant avec plusieurs de leurs nombreuses épouses, de longs entretiens.

VECU DE LA POLYGAMIE

Commentestvécue cettegrande poly- gamie ? Le pointde vuedu princesera donné d'abord,puis, dans la mesure du possible,celui desépouses elles-mêmes. Le choix de l'épousen'est pas fait vraiment par le prince, soumis à un interdit de quitter son château,partiellement respecté jusqu'à une époquetoute récente. Aussi les intermédiaires jouent-ils ungrand rôle. Ce sont eux qui signalent au prince la présence en tel de ses quartiers d'une jeunefille approchantl'âge du mariage. Les épouses du prince sont souvent - pour la moitié des alliances - originaires dela chefferie même. Le prince ne s'intéresse qu'aux jeunes filles n'ayant pas connu d'autre homme, des vierges, qui lui ont été décrites comme jolies. "On dit : Cette 252

ment pour I quent les montagnards. Le princerespecte les mes interdits de parent6 que sujets.ses appartenantLes B une soci6tC de type ornaha, interdisent B ego un nombre importantde clans : pas moins de huit, correspondant B ce i ontlui fourrai un ascendant immddiat, C patrilinhireaussi et du c6tC matrilifa6aire.Comme ses sujets encore, le princeprend femme dans tous les clans de sa chefferie, y compris s ceux de forgerons dont la situation, chez les 6, est libre. Le prince n'est soumis B aucune alliance privil6gi6e9 m&ne dans les chefferies O$ existe un ou des clans autochtones. Enfin, lui aussi verseune dot, mais il tient B verser une dot plus importante quecelles de ses sujets. Il serappelle qu'il est prince seulement lorsqu'il prend femme hors de chez lui,dans les chefferiesqui entourent la sienne. Il manifeste alors unepr6fCrence presque exclusive pour les jeunes filles appartenant A des clans de princes, se montrant cette fois soucieu de sélection. Au debut de la vie matrimoniale du prince le rythme et ses unions est lent : enplusieurs annees il ne depasse pas le chiffre de trois, quatre unions. Ce nombre connaît une brusque acc6lC- ration aprGs sa prise depouvoir. La courbe traqant 1'6volutiondu nombre de ses Bpouses enliaison avec lesannées s'Clève alors fortement, pour des raisons spCcifiques que nous verrons. Cet appCtit d'alliances nouvelles ne tarira plus ensuite malgré les années. Seule la mortmet fin aux unions du prince qui apparaît comme unpolygame perpBtueL 253

Quelles sont les réactions desjeunes filles apprenant qu'elles sont recherchées par le prince? Mes interlocutrices m'ont clairement signifiéleur peu d'enthousiasme à se voircourtisées par un homme âgé mais,expliquaient-elles, devant la volonté deleurs parents relayant celle du prince, quelleattitude auraient-elles pu avoirsinon la soumission ? Après le mariage toutefois les épouses de prince jouissent dune indépendance relative. C'est ainsique toutes disposent d'une maison-cuisine individuellecontenant leurs propres greniers. Toutefoisleur liberté de mouvement estmoins grandeque celle des simples sujettes. Le prince ne leuraccorde que chichement le droit de rendre visite à leur famille : "Pouravoir la pernzission il fallait la demander plusieurs fois ..." Les dépla- cementsd'une épouse de princenécessitent en effet,surtout au début du mariage, un certain décorum :elle doitêtre accompagnée d'une escorte. Toutes épouses princières qu'elles sont elles cultiventleurs champs personnels attribués à vie par leur mari, recevant parfois une aide occasion- nelle et intermittentedans l'entretien de ces plantations,celle d'une partie des promotions de nouveaux adultes, ma zg 1a, venant tous les quatre anstravailler pour elles. Princesses certes, elles restentpartiellement paysannes. Legrand avantage de la vie au château étaitreprésenté selon lesépouses que j'ai rencontréespar laqualité et l'abondancede la nourriture qu'elles et leurs enfants y recevaient : "Il y a toujours de la viande au château, il y a toujours d manger !". rC leurnombre ces Cpouses Ct fid&les B leur mari, le prince. ai, d'ailleurs, le tromper au s~mmet de la montagne ? Les seuls hommes pr6sents etaient ses serviteurs, de tr&s jeunes gens... Et puis, comme les autres femmes mofu-Diamark, les 6pouses princi6res redoutent le chiitiment des ancstres de leur mari qui9 dit-on, ont horreur de l'adult&re des femes et le punissent avec rigueur. 1'intCrieur de ce groupecompact d'@muses il existe des solidaritCs, en relation avec les cornmunautCs d'origine - la m8me chefferie - ou de clan. Celles-ci sont nCcessaires car des allusions m'ont Ct6 faites B de frCquentes et feroces jalousies, nourries surtout par les diff6- rences de situationsentre m&res : B cGtC des csmblCes dont les enfantsrestent en vie, les dCsespCrCes voient dispara2:tre la quasi totalit6 des leurs.La anortalit6 infantile dans la famille du prince - meme si elle est un peu plus faible que chez lessujets ordinaires - reste importante, frappant plus d'un enfant sur deux.

Entreces dizaines de -co-6pouses il e des diffdrences de hiCrarchie, certaines perma- nentes,d'autres temporaires. Alors que dans les mCnages polygamiques ordinaires la premisre Cpouse est la plus impor- tante, chez les princes cette premicre Cpouse, bien qu'appel6e "la grandefemme", n'occupe pas le sommet de la hiCrarchie entre femmes du prince. EpousCe par celui qui n'kt& encore que le futur 255 prince, elle a beau avoir été la première d'un point de vuechronologique, elle n'est pas laplus considérée. Elle peut certes avoir donné au prince son premier fils, donc son héritier présomptif. Au princemofu-Diamaré, comme au roide France, succèdenécessairement eneffet son fils aîné, même celui-cisi possède - casfréquent - plusieursdizaines de frèresnés après lui. C'est seulement cette situation demère du futur prince - quilui vaudra plus tard un statutparticulier - qui donne un certain prestige. Il existetoutefois en dehorsd'elle une femmeconsidérée partous comme plusla importantedetoutes lesépouses princières. Aucunehésitation parmi les anciens pour la déterminer : c'est "ngwas ma bay", "l'épousede pouvoir", celle que les anciens décrivent comme "la femmeréelle, la grande femme", et ils ajoutent "celle qu'il aura prise étant prince". En mgme temps qu'il succède à son père, toutnouveau prince doit eneffet semarier. Encorecandidat au pouvoir il acceptela compagnie d'une jeune fille, pendantqu'il subit une retraiteet que le cadavrede son pèreest préparépour l'enterrement. Celle-ci a été remarquéepar les anciens parmi les femmes et lesjeunes filles venues pleurer le défunt prince. Enlevée de force elle aété amenéeau candidat au pouvoir qui ne la connaissait pas. Ce choix aété fait en fonction de deux critères,une grande beauté ' assortied'une origine étrangère à la chefferie. Lacohabitation entre lefutur prince et cettejeune fille ne s'accom agnepas de de relations sexuelles. L'unique tiiche de la belle fille consiste alors, disent les montagnards, 2 consoler lecandidat au pouvoir de son chagrin. Ce n'est qu'apr6s les fun6railles du pr6c6dent prince que ce compagnon e aboutira à un veritable mariage : les mibres relationssexuelles du nouveau prince auront necessairement lieu avec cette jeune femme devenue sonCpouse. Cette Cpouse particulihearrive apr& plusieursco-Cpouses elont nombrele est important si le nouveau prince a pris le pouvoir tardivement : c'est ainsi que dans la chefferie de uvangar "l'6pouse de pouvoirvs du dernier prince Ctait la dix-neuvi5me CpousGe. .. Cette Cpsuse n'a aucune chance de donner B son mari l'heritier de la chefferie. Pourtant c'est ellequi compte, disent fu. Une particulmit6 souligne son statut : à son mari elle est la seule de ses veuves B ne pouvoir se remarier. Parmiles Cpouses de tout prince on note l'existence de deuxensembles distincts : les femmes qui sont les siennes parce qu'au fil des mCes il les a egous6es personnellement, et celles qu'il a regues en &Critage de son pBre et qui, toutes en mEme temps,deviennent ses femmes aprbs la levCedu deuil deson ph. Ce sont les plusjeunes des femmes dugr6cCdent grince, cellesqu'il avait CpousCes en dernier et dont les enfants engendr6s parle dCfunt princesont encore tri% jeunes ; parfois mEme elles n'avaient pas eu le temps de lui donner des enfants. 257

Ces jeunes veuves n'ontpas lalîbat6 de vivresans remariage, bien que lasociété mofu l'admetteparfois en d'autrescirconstances pour des femmes plus âgées. Elles ne peuvent pas non plus ,épauser unmembre du clan du prince : elles doiventdevenir épouses du nouveau prince,le propre fils de leur mari. Toutefois il faut souligner quecette situation n'est pas particulière aux princes : elle se retrouve chezles Mofu-Diamaré dans les ménagesde grands polygames ordinaires, etelle est connue de certains groupes ethniques voisins.Elle n'en suscitepas moins la honte des informateurs d'aujourd'hui, même âgés. Aveccesnouvelles épouses le prince régnantengendrera généralement desenfants présentant avec les enfants du princeprécédent, son père, une originale parenté oblique : ils seront demi-frèrespar leur mère, mais demi-oncle et neveu par leurs pères. Dans le groupe des épouse princières, la dernière épousée possède une place à part,mais pour un temps limité. Elle apparaîtalors sinon comme la plus importante, du moins comme la mieux aimée, cellequi est traitée avec le plus d'égards, échappant par exemple à la terriblement astreignantecorvée d'eau journalière.Le prince prendsoin qu'elle soit particulièrement bien nourrie, et surtout elleseule partage alors chaque nuit sa chambre. Ceci ne signifie pas que le prince délaisse sexuellement sesautres épouses : il fait appeler l'une puis l'autre, mais de jour seulement. La"bonne vie"des nouvel€esépouses, selon l'expressionde nos informatrices, ne dure que quelques semaines, voire quelques mois, temps au bout duquel un enfant est con~u.Cette ~onception niarque la fin des pr6rsgativesde la rkcente Cpouse. Elledevient une parmi les autres, ayant avec leprince, de jour ou de nuit, des relations sexuelles r$guli$res, parfois - mais partoujours - liCes & un tour de cuisine.

NCE

Un seulhomme partageant ses services sexuelsentre tant de femmes, on pourrait supposer que la f6conditC decelles-ci s'en trouve n6cessairement amoindrie. Or il n'en est rien. Ou plut& la diff6rence que l'on observeentre la f6condit6 des kponses princi$res et celle des femmes Ordinaires est faible. Les femmes mofu- Diamare connaissent certesdans leur ensemble une tr$s forte f6condit6 - presque huit enfants mis au monde par "femmeordinaire" - mais dans la chefferie de Wazang par exemplej'ai relev6 presque sept enfants en moyenne pour les 24 epsuses du prince, et plus de six pourles 44 &pouses du princede Duvmga. Ces nombres 6lev6sd'enfants de prince s'expliquent en partie par l'existence d'une r&gle sp6cihque,n'existant que chez lesprinces. Elle concerne le reprise des relations sexuelles entre le prince et chacunede ses 6pouses, menageantpour les 6pouses deprince une perioae d'am& apr$s une naissance deux B quatre fois plus courteque pour les femmes ordinaires. Celles-ci arrEtent lesrelations avec leur mari un, et m6me deux ans, '>OUT kviter les naissances trop rapproch&es". Au contraire nile 259

prince ni ses épouses ne craignent ces naissances successivescar, on l'a vu - et c'est,selon mes informatrices,lepoint capital - lanourriture abonde au château. Le bébéencore au sein pourra ainsi,disent-elles, surmonter lesdangers d'un sevrage précoce. Les épouses reprennent doncles relationsavec leprince au bout desix mois, d'accordavec leur époux pour avoir leplus d'enfantspossible, et ... pour approcher ainsiles recordsdesépouses simplesde sujets qui disposent d'unhomme pour elles seules. Leprince souhaite avoir plus d'enfants possible. Il veut,nous disait Tuyek, veuve successivedeuxdeprinces Wazang, de Bi-Makabayet Bi-Bello, le père et lefils, avoir "un essaim d'enfants". L'imageest jolie et parlante.Les chiffres qui nous ont été cités pour divers princes du g1Xè siècle et ceux que nous avons recueillis pour le XXè montrent qu'effectivement plusieurs dizainesd'enfants ont été couramment engendrés par un prince - 105 pour Bi-Bello, et même 209 pourBiziDurum, prince de Duvangar, mort en 1988.Toutefois le nombre d'enfantssurvivants, garçons et filles, n'a été qu'à peine la moitié : soit entre 50 et 100 enfants vivants par prince.

CONCEPTIONDU POUVOIR S'EXPRIMANT A TRAVERSLE REGIME MATRIMONIAL DES PRINCES

Il faut essayerd'aller au-delà des faits et voir comment certains de ceux-ci sont révélateurs d'une certaine conception du pouvoir, élaborée par les Mofu-Diamaré. Ces unionsdeprince poss&dent deux earactgristiquessignificatives sur leplan symbo- lique : l'institution de 'tl'6pouse de pouvoir'' et l'obligation de tr$s grande post6rit6. Pour le prince qui vient de prendre le pouvoir la n6eessit6 du mariageavec une nouvelle &pouse souligne symboliquementsont changement d'dtat. Bar ailleurs,ainsi que le montre sonappellation, '1 I I epouseJ de pozwoir", d6couveHe par le prince au moment 06 il prend en mains la chefferie, persornalise ce pouvoir. Elle est aussi la chefferie que le nouveau prince va faire sienne : s'il ne lui est paspermis de se remwier aprhs la mort de son 6poux c'est que Pe lienentre le princeet sa chefferie est indestructible. En insistant sur sa grande beaut6, et sur la necessitede celle-ci, les Mofu sug Grent que le pouvoir ne peut qu'8tre attrayant ur celui qui s'en approche. Il est relativementcourant en Afrique d'utilisesla figure d'une union exceptionnelle, le jour de lanomination d'un nouveau souverain, pour faire comprendre B la foisle chmgement qui dopp&re enlui et I'idee que sa soci6t6 se fait du pouvoir. Ge qu'il noter ici c'est que pour exprimerleur id6e du pouvoir, les Mofu- iamaC ne recourent pas à l'inceste. Il leursuffit seulement d'un mariage legitirne : leprince mofu continue B se situer B l'intdrieur des nomes. On peuten @onclure que pour les fu le psuvoip n'a pas à etre arrach6 ; il apparaPt comme un couronnement. Il est le don suprihne recueilli par I'hCritier, et si l'6pouse de pouvoir doit Ctre une Ctrangbre c'est qu'un princeest est celui qui 261

ordonnediversité,la quiet sait fondre les différences au sein d'un groupe unique. Toutprince se doitd'avoir la postérité la plus nombreuse possible. Il s'agit d'abord pour lui de rappelerainsi qu'il dépasse sessujets, pauvres hommes ordinaires : c'est pour cette raison que, de lui-même, il tient à verser une dot importante aux parentsde la jeune fille qu'il aélue pour femme. Il aaussi la volonté de sehisser au niveau des autresprinces : lesdisparus, ses prédécesseurs, et lesactuels, ses voisins.

En conclusion. Ce n'est pas un hasard si la polygamiepratiquée par les princesmofu- Diamaréfait apparaître des différences impor- tantesavec l'institution connue du restede leurs sujets.Celle-ci constitue lemeilleur moyen de faire comprendre à la chefferie qu'il existe un lien spécial entre le pouvoir desprinces et les femmes, ces sources de fécondité. En même temps la démesure dela polygamie princière - cesincessantes unions nouvelles, apparentefuite enavant - suggèreque tout pouvoirdoit avoir partie liée avec les forces de fécondité,dont lesfemmes nesont que les premiersvecteurs. La polygamie ne constitue qu'une étapevers le contrôle dela fertilitéde la terreet la maîtrise des éléments naturels que le princes'efforce d'atteindre, en jouantle rôle que lui assignent sessujets, celui de "prince de la pluie ", capable d'accorder - ou derefuser - l'eau bienfaisante. 262

~~~~~~-~~~~~~~~~ v "Un pour trente, toutes . La grande polygamie des princesmontagnards

Chezles montagnards mofu-Diamar6 du Cameroun,tout prince doit Ctre le plus grand polygame de sa chefferie et engendrernombreuxde enfants, jusqa'b quelques centaines. La f6conditéindivi-duelle de ces dizaines d'6pousesprincieres n'est pourtant qu'A peine inférieure la moyenne, carelles seules ont droit 2 un raccour- cissementde lapériode d'arrgt desrelations sexuelles après accouchement.un Parmi ces femmes bellela "6pousedepouvoir", 6pousCe au moment précis où le nouveauprince succède B son ph, sera considCrCe, sa vie durant, comme "la grande femme" : elleapparaît en effet comme le symbole de la chefferie.

Among monntain-dwellingthe Mofu-Diamare of Cameroon, itisreqnired of princes that they havethe greatest number of wives of anyone inthe chiefdom, and that they father a large number ofchilchen, as many as a few hundred.Although isreasonableit to expectthat aaxualintercourse with any particularwife in a polygamonsrelationship such as this would takeplace lessfrequently than inone with fewer wives or in one which is monogamous, it is nevertheless shown that the individualbirth-rate of theprince's wives only is slightly lower than average. This is because therequired period of post-natalsexual abstention for princelywives is shorter than theperiod observed by otherwomen. Foremost among the wives of the princeisthe beautiful 'Wfe of power", who was married to theprince at the verymoment succeededhe fatherhis chief. as Throughouther life she will be known as the "great wife", and will be held in esteem as the very symbol of thechieftainship. 263

BIBLIOGRAPHIE

PODLEWSKIA. M., 1965, Dynamique des principales populationsNord-Cameroun,du Yaoundé, ORSTOM, 235 p. mult.

VINCENTJ. F.,1972, "Données sur le mariageet la situationde la femme mofu, massifs de Duvangar et deWazan, Cameroun du Nord", Cah. ORSTOM, Skr. Sc. Hum., 9 (3),309-323.

VINCENTJ. F, 1988, Princesmontagnards. Les Mofu-Diamare" et le pouvoirpolitique (Cameroundu nord), Thèsedoct. dEtat, Paris V, CNRS,Clermont-Ferrand, 723 p. mult., 15 cart., 26 tabl.,59 photos.

265

"MARIAGESDE LA MAISON" ET"MARIAGES DE LA BROUSSE" DANS LES SOCIETES PEULE, WODAABE ET KANURI AUTOUR DU LAC TCHAD

Mette BOVIN Université de Copenhague (Danemark)

INTRODUCTION

Cettecommunication1 est une réflexion sur la présence simultanée de deux typesde mariage : le "mariagele demaison",la endogame, leet "mariage dela brousse", exogame, chez les Kanuri sédentaires, les Peulssemi-nomades leset

Jeremercie le S tatensHumanis tiske Forskningsr id (ConseilNational pourRecherche la Sciencesen Humaines,Danemark) pourfinancementle lade recherchedans lesquatre pays autour dulac Tchad. Merci à M. GorjoBi Rima, mon assistantetinterprkte parmi les WoDaaBe et FulBe, à M.Madou Kaigama et à Mme Aicha Madou, assistantset interprètes parmi les Manga, et merci à Mme Hajjia Jummai, parmi les Kanuri du Borno. Merci Dr. phil.Lisbet Holtedahl, l'universitéde de Tromso, Norvège,avec qui j'ai&rit lelivre Femmes manga du Niger (1975, à paraîtreenfrançais). Je remercie Mme MargueriteDupire pour ses commentaires détaillés,ainsi que M. PierreBonte du Laboratoire d'AnthropologieSociale. Je remercieaussi Mme Michèle Simonsen de l'Universitéde Copenhague pour avoirbien voulu revoir le textefrançais decette communication. e nomades.e Comment fonctionnent ces deuxtypes de maria e ? Ces syst2rnes matri- moniaux opposCs sont-ils liCs respectivement h. la monogamie et & lapslygynie dans lestrois groupes ethniques1 considCr& ? La regionqui entoure le lac Tchad est caract6risee par une tri% grande het6rog6n6it6 ethnique, que cettepetite communication n'a pas l'intentiondetraiter. Nous avons essaye de montrerailleurs2 que "les femmes sont plus ethniquesque les hommes du mgme groupe ethnique", en ce sens que les femmes reproduisent les 6PCments ethniquesparticuliers au groupe, commecoiffures vetements,et e linguistiques, etc., davantage que les hommes.

IBien queles WoDaaBe parlent la langue fulfulde comme lesautres .Peuls, lesFulBe très islamisds de la région, je me permetsici de parler de deuxgroupes ethniques diff6reats - les FulBe et les aBe. En effet,les WoDaaBe ("Gens des tabous")culturellement tri% diffkrents des autres Peuls. Les aaBe ddnomment les autresPeuls dob i 'en , les gens "dévoyés". Les Peuls (FulBe)islamisés dénomment les WoDaaBe Ana ga rn ba'en et les considèrent commeun antre groupeethnique, les gens de la brousse. Les Peuls sédentaires se moquent des nomades 'htardés". 2Bovin 1986b : "Relations interethniques au Borno", 3ème Colloque Méga-tchad, Paris 1986 et Bovin 1986a : "Eebnic Mosaic of Borno" (film). 267

Nousavons choisi deuxici groupes ethniquesquireprésentent deux extrêmes du point de vue socio-économique : un groupe d'agri- culteurssédentaire ethiérarchisé, les Kanuri, et un groupedepasteurs nomades égalitaire, les Peuls WoDaaBe. les Kanuri et les WoDaaBe vivent dans la même région, au Mangari (Niger oriental) etau Borno (Nord-est du Nigeria). Nousavons choisices deux ethnies, parmi les nombreuses ethniesdes pays du lacTchad, pour comparer quelquesparamètres comme : typede mariages, stabilitédes mariages, rôles sexuels, travailsocio- économiqueresponsabilitéet respective de l'homme etdela femme au seind'un même groupe ethnique. A mi-chemin entreles Kanuri et lesWoDaaBe situese un troisièmegroupe ethniquede Peuls, les FulBe très islamisés qui habitent aussi dans la même région. Pourquoiy-a-t-il tant de mariages mono- gameschez les WoDaaBe, qui sont depurs nomades, alorsque les FulBe semi-nomades etles FulBesédentaires sont beaucoup plus polygynes, etque les Kanuri, paysans sédentaires, lesont encoreplus queet divorcele estchez eux beaucoupplus fréquent? Quels facteurs l'analyse doit-elleprendre en compte pour bien expliquer cesdifférences dans les systèmes matrimoniaux de ces trois groupes ethniques? Jeproposerai ici à la foislades facteurs sociaux, économiques, politiques,religieux et individuels. Il est difficilepour tous les chercheurs du monde de vraiment expliquer pourquoi tel peuple apar exemple beaucoup dedivorces alors que le peuplevoisin en a très peu. Il estpeut-être 26

utopique de croire que l'on peut trouver une causalit6 A tout;mais je vais essayer toutde m&ne de proposerquelques hypoth8ses. Voici donc, en Im ue kanuri et en lan fulfulderespectivement, les quatre types de mariagesqui vont Stre discut6sci-aprss :

1 1 269

LES KANURI

"In Kanuri culture the status of ZOWER (divorced woman) is an old andaccepted one (...); they married whenthey could, but divorcedeasilyoften".and (Ronald COHEN 1961 : 1242-43) ("Dans laculture kanuri le statut de zower (femmedivorcée) est ancien et bien accepté (...); elles se mariaient aussisouvent que possible,divorçaientmais facilement et souvent.")

Ronald COHE N atraité de la "Mariage Instability among thekanuri of Northern Nigeria" ("L'instabilitématrionale des Kanuri du nord du Nigeria", COHEN 1961) et, neuf ans plus tard, du "Brittle Marriage as a Stable System" ("Le mariage fragile comme systèmestable", COHEN 1970). Il s'estétendu plus longuement surces questions dans son livre Dominance and Defiance.A Study of maritalinstability in art IslamicAfrican Society (DominanceDéfi.et Etude l'instabilité de matrimonialedans une société islamique africaine, COHEN 1971). L'homme kanuridomine, femmela est dominée.Le complexe de"dominance-défi" est strict et clair (cf. COHEN 1971 ; BOVINet HOLTEDAHL 1975). 276

anuri, il y a deuxtypes de mariage : le nyia halobe, . 91 existeaussi un troisihe type, le sa d aa , ou mariage d'une fille avec un marabout, mais nous n'en parlerons pas ici. Le "mariage de la maison", ou nyia fadobe (de n yia : mariage et O : maison, famille),est un mariage endogam entre cousinspaternels paralEles, ou cousins crois& ou touteautre liaison endogme dans la famille. La pr$f$rence va à la parent6patailin6aire. Le "mariagede la maison" est typiquement um premiermariage. Il estarrangk, leplus souvent d&s l'enfance des jeunes marit%, pas leursparents : Be p&re de la jeunefille ou son 1 UI wa 1i (tuteur), etle père ou luwaPi du jeune hom'me. Chez les Kmuri du Nord, dans le sous-groupe du Niger, que nous amwa (BOVIN et HOLTEDAHL 1975), il y 8 une rande difference d'8ge entreles deux 6poux. Le plussouvent, le mari a entre vingt etvingt-cinq as, tandis que la maiBe en a douzeou treizelors du premier mariage. Les reiles sexuels sont assez fixes, et les relations hommes-femmes sont des relations de Qominance-dt5fi. Nos donnees du angaripermettent B peu pr$s les mhes conclusions que celles de COHEN. Le mari id6a.l est un homme quitravaille suffisamment pour approvisionner la maisonen nourriture, en mil (car - et c'estlà la responsabilitk de l'homme - "le grenier ne doitjamais Stre vide"), en ~Stements, enmobilier. La femme idkalesait bien faire la cuisine, est propre,reste à la maison, ne sort pas trop et jamais sans B'auesrisation de son mari. Dans 27 1

lesvillages, les femmes manga travaillentdans les champs de mil et de légumes, etc. Dans les grandes villes,elles ne travaillentpas au-dehors, ni dans lesfamilles les plus riches, où le maripaye des journalierspour faire le travailde sa femme ou de sesfemmes. Lacarrière matrimoniale jeunedela femmemanga commence avec son premier mariage, où elle est appelée lorusa ou nzj ud u , jeunemariée vierge (Photo 1). Ce mariagea la préférenceetdonne beaucoup deprestige aux parents.De plus, les cadeaux et les transactions économiques comprenant dot et douaire1 sont plus importantspour une lor u sa que lors d'un second ou troisièmemariage où lestransactions sont plus réduites. I La vie adultevieLa d'une femme manga commencetypiquement parson premier mariage, un nyiafadobe. Nousconsidérons cela comme une sortede "rite de passage" desfilles entre l'enfanceetl'âge adulte. Au bout dequelques années - ou de quelques mois - elle peutquitter sonmari etobtenir le divorce.Nous avons constatéchez les Manga et autres sous-groupes kanuri un tauxde divorce très élevé (cf. Tableaux 1 et2, et BOVIN et HOLTEDAHL1975). Après le

~~

J'entendspar "dot Ir lelot de biensmatériels exigés conventionnellementcommunautéla de preneuse de femmecommunautéparla bailleresse, (c'est-à-dire fournis par lesparents patrilinéaires proches du jeune mari aux parents de la jeune mariée). Ladot se distingue du "douaire", objets personnels (donnés par la mère,les tantes, etc. dela jeune fille) que la fiancée emporte chez son époux.Un "cadeau de mariage" est accordé à titre personnel à certainsparents. 272

Photo 1 : Unpremier mariage Kanuri (manga) du Niger oriental. La jeune mariCe au milieu avec le plus grand châle, (celle quicouvre sa bouche avec sa main) - sesfilles d’honneurautour d’elle. ( PhotoMette BOVIN 1968). 273

divorce,la jeune femme peut soit retourner chez son pèreet sa mère, soit s’installer avec d’autres za war a, ou femmesdivorcées, sous la protection aagaram, ou reinedes femmes libres (Photo 2). En tant que zaw ar elle a la possibilité de choisir des amants et souvent elle se remarie et reprend un rôlede femme mariée ou kamu nyia.

KANURI

agriculteurs

langue kaauri langÜe fulfulde

“Mariage nyia fadobe koobgal de la (de fado : (de howa :dpouser maison” maison) une vierge)

“Mariage nyia kasagabe (de karaga : brousse” brousse) 274

Photo 2 : Femme Kanuri (manga) divorcé avec un ami, hommemanga. (Photo Mette BOVIN, Garawa, Niger 1968) 275

C'est un traitsaillant de la sociétékanuri que cette oscillation pour la femme entreces deux rôles A : kamu nyia et B : zawar soit possible. A et B sontdes rôles très différents quant au contenuetaux comportements qu'ilsimpliquent (cf. BOVINet HOLTEDAHL1975). La femme zawar estune femme divorcée, sans mari, entre deux mariages.Cen'est pas nécessairement une karuwa, une prostituée. Plusde la moitié des femmes kanuri de nos enquêtesfont la navette entre cesdeux statuts de lafemme : lestatut A de femmemariée et le statut B defemme divorcée (femme libre), cf. Tableau 1. Les femmes kanuri (sous.-groupe manga) de Maïnéet de Garawa changent jusqu'àsix fois de statut aucours de leur vie, alternant entre les statuts A et B. Unpremier mariage, idéal selon la tradition,est un"mariage de lamaison" entre cousinsautreset parents proches kanuri. Le divorceexiste comme possibilité d'échapper aux mariagesarrangés par les pères ou tuteurs des jeunesgens. Le second mariage, qui n'est pas un mariageidéal mais effectif,se fait selon le choix individuel. L es deuxième,Les troisième, quatrième mariages,etc. pour une femme - qui, selonles données,peuvent aller jusqu'à douze mariages chez les Kanuri du Sud (Nigeria, cf. COHEN 1971) - sont plus souventdes "mariages dela brousse", n yia kar agab e, ce qui signifie que l'homme et la femmechoisissent eux-mêmes leurs partenaires qui sontrarement des parents proches. Kara g a 276

signifiebrousse, mais aussi ce qui est inconnu, loin, 6trmger. Dms ce contexte, cela peut designer un Cpoux gui n'est pasparent, mais de la mgme ethsmik, ou meme d'une toutautre ethnie. La femme qui a. "fait plusieurs mariages" aucours de savie se marie g6n6ralement selonlaformule arag abe pour les mariages no 2, 3 etc. Les Ctapes consecutives de lavie d'une femme sont :

1 : premier mariage : nyia fadobe, ---

5 : Deuxi&me mariage, nyia 4 : Divorce --- 5 : Troisikme mariage : nyia karagabe ---

otreenqugte sur lesanga nig6riennes moyennede O,5 mariage du type e contre 2,O mariages du type ny i a ar femme (cf. Tableau l), c'est-&-dire que,pour les femmes manga, il y a quatrefois plus de "mariages de la brousse" que de ttmaria.tges dela maison". Les hommes ont aussiquatre fois plus de "mariages de la brousse", cf. Tableau 2. La pslygynic est r6pandue chez les surtoutdans Iles villes et parmi lesfamilles les plusriches en milieurural. Les tableaux 3 et 4 montrent les chiffres fournis par les enquEtes de Ronald COHEN. Celui-cirapporte que, chezles Kmuri du Borno, Nigeria, la moyenne est de 2,4 mariagespar femme et de 4,4 mariagespar home -(COHEN 1971 : 67). 277

Lamonogamie ou, plus précisément, la successionde mariages monogames, prévauten milieurural : notreenquête dans levillage de Garawa,Département deDiffa, montre 85% de couplesmonogames seulementet 15%de polygames. En ville,les chiffres sont différents. L'enquêtede HOLTEDAHLdans la ville de Maïné- Soroa, Département deDiffa, montre quepresque 81% de couples sont monogames etenviron 20% polygames (BOvm & HOLTEDAHL1975 : 66). Dans les grandesvilles il yabeaucoup de polygames (COHEN 1971).

LES WODAABE

"NousWoDaaBeles nous ne quittonsnotreCpousepas koobgal. Il arrive que l'on se marie aussi selon le teegal, mais divorcer du koowaado, - non !"

L'attitudedes WoDaaBe estclairement très différentede celle des Kanuri.

Chez les WoDaaBe coexistent deux types de mariage,diamétralement opposés quant à leur forme, mais presque équivalents quant au contenu socialetéconomique. Ces deux types sont le koobgal et le teegal. Selonles WoDaaBe, la légalité du mariage koob g al est très supérieure à celle du mariage teegal. 27

Le ga II est endogame, et decide et arrangepar les parents des Jeunes. C'est un arrangement entre deuxfamilles qui comprend differentes phases pour les promis. En mariage al , on donne à un gaqon, par ordre de ce : 1) la fille de son oncle paternel, ou 2) la fille de sa tante paternelle, ou 3) lafille de son oncle maternel, mais jamais la fille de sa tante maternelle. Le g a1 represente la stabiIit6 et e 6tue le 1 a p ul aak u1 (voie morale). La wa a d O est la premi61-e epouse. Le mariage commence à Pa naissance d'une petite fille ou dans les jours qui suivent et se termine par la naissance de son premier enfant. C'est-à-dire que le processus de a 1 peutdurer de 15 B f vent entre 3 et 7 ms quand petite fille nouveau-nGe. Les p&es marierchacun de leurs fils en leur petite enfance et, dans les familles que je connais, le fils aîn6 regoit souvent deux hmcCes en , ahd'assurer son futur statut social. Les peuvent ne recevoir qu'une seule fimc La dot donn6e par les parents patrilh6aires i comprend une vache, Fuudirge, un

tu 9 un cadeau en espkce, 3 600 francs CF et, enfin, un taure ms, lngaari tatiiri. Ce sont les parents (oncles, tantes, etc.) de la jeune maride qui repivent la dot. Comme l'dcrivait DUPIRE il y a 25 ms : "Lorsque deux fr&res cohdritiers de meme gère marientleurs enfants, il ne peut y avoir d'6change,c'est pourquoi ce rituel de mariage prend la forme d'une curieuse parodie de passage 279

debiens qui, toutcompte fait, continuent à circulerdans le même canal" (DUPIRE 1962 : 241). Letype de mariage koO b g'al estle "Father's Brother'sDaughter's Marriage" comme parmiles Arabes etles peuples du Moyen-Orient en général. Safonction a été discutée par F. BARTH et Emry PETERS(BARTH 1973). Le divorce entreépoux k 00 b g al esttrès grave,mal vu et sanctionnénégativement parla famille,le clan et toute la société WoDaaBe. Un divorceprovoque des bagarres, des scissions et l'exil des coupables. Le te e ga 1, au contraire,est un mariage exogame, entre adultes et décidé par le couple : un mariagepar choix mutuel. C'estune sortede mariage-rapt,unremariage entre adultes. Il prendsouvent laforme suivante : unefemme mariée enfuite de son premier marise rend à la dansepour regarder lesconcours debeauté masculine;elle choisit un homme et s'en va avec lui.Plus tard, elle se rend au campement de son nouvelamant. L'amant estde l'ethnie WoDaaBe commeelle, mais pas nécessairement du même lignage(en fulfude : lenyol go'o ou bandiraBe, gens dumême corps). Il y a parfois un sacrifice de bétail,le plus souventde moutons, généralement pasaussi importantque les prestations apportées au premiermariage-fiansailles. Le teegal est quasiiristitutionnel, accompagné ounon d'une dissolution du premiermariage k 00 b g a 1. La présencesimultanée d'un mari d'unet amant reconnusuggère l'existence d'une forme de lLe "sigisbéisme"est unequestion discut6e. D.J. STENNING &rit : "Cicisbean marriage results fr0nz de breakdoavn of arrangements for be marriageand is a union intvhich the previous rrzarr-iage of the wife hm not been properly dissolved by tribal or Islamicauthority. A woman leavesher htlsband withsut divorce,and goes t0 a man with whorn she may havebeen friendly for s0me time.The couple are usually of different or strange clans. The man has a bu11 slaughtered in his own home, and it is eaten bg, his kinsrnen, who witnesshîs declaration of marriageto the id. Thelatter's family are n0t represented, and there is 0 oflciatingscribe. There are none of thepresentations associatedwith ofher types of Wodaabe marriage. (...) the spread of forma1 Islarnic marriage is tending to lîrnit the Ort" (STENNING 1965 : 387-388). . DUPIRE Cc& : "il semble utile de situer le teegai des WoDaaBe duNiger par rapport d d'autres formes de remariages safis d orce, observCes chez diversespopulations du Nigbr-ia Nord (. ..). PremiBre forme de sigisb&iisme : l'amant est admis au domicile du mari, qui ne rCclame aucune compensation mais conservetous les droits de paternit&. Deuxibme forme de sigisbkisme : enthtorie, la femme abandonne le domicile du premier maripour celui du second et comme il y a eu transfert con2plet desdroits matrîmoniar~x de la famille de la femme au premier mari, celui-ci rCcEame une compensationau second mari et conserve les droits de nit&. D.J. STENNING appelletgalement sigisbtisme le P des WoDaaBe du Bornou (...). Il apparaît donc en pratique que dams ces mariages dits "sigisbbens" il s'opdre un transfert total ou partieldes droits de paternit& : il sembledifficile dans ce cas parlerde encore de sigisbkismepuisqu'un eieisbe stricto sensu ne peut &tre un pater" (DUPIRE 1962 : 256-257). Je nesuis pas en mesure de prendreparti dans cette discussion. 281

Un mariage teegal peut durerquelques jours,quelques semaines, des années ou jusqu'à la mort.C'est un mariage le plus souvent secondaire et "anarchiste", de caractère individualiste. Il est plusspontané que le koob ga 1, représentele contrairede la stabilitéet le divorce y est plus facile à obtenir. Le koob g a 1 durenormalement jusqu'à la mort.Le t eegal est moins onéreux pour la femme comme pour l'homme. Mais, en cas de mort du fiancé/de la fiancée k oo b gal, il existe le lévirat, ou l'alternative du te eg al. DUPIRE note qu'avecl'âge l'attitude des gens change par rapport à ces deux types demariage et à la polygamie/monogamie (DUPIRE1962 : 64, note 13). Cela correspond à mon expérience parmi les WoDaaBe Suudu Suka'el évoquant la période d'il y a 20 ans : "En1968 ? Non, on ne se mariait pas, c'est seulementdes sukkaBe e surbaaBe tan (jeunes gens et jeunes filles uniquement) que tu as vus. Nous ne faisions que jouer. C'est le koo b g al qui est sérieux. Comme tu vois, je n'ai qu'une femme maintenant (en 1988). Je ne veux pasépouser plus d'une femme car il y tropa souvent dela jalousie (kiisi) entreco-épouses. Tropsouvent, les Co-épouses pratiquentle maaganikugal ("sorcellerie de travail")l'une contre l'autre''. Il existeaussi chez les WoDaaBe d'autres types de mariage, sadaaka et baatal, plus rares, que je ne discuterai pas ici. L'adultèreestmalvu. Lorsque deux adultes,mariés, s'en vont en brousse pour faire l'amour, cela fait jaser si parhasard on les voit. Un kortoojo, un voleur de femme,est mal vu. u contraire,u la jeune fille (singulier de oDaaBe) est sexuellement tr5s Comme 1'Ccrit DUPPWE,"sa libert6 est tri% e puisqu'aucunee valeur n'est attackee B la virginite etqu'il est entendu queles filles font ces avant le mariaget1(DUPIRE 1940 : s ces liaisonspr6-maritales durent g6neralement peu de temps, car Ba jeunefille met qu'elle est destirde B son fianc6 : elle sait que seul le mariage traditionnel pourra lui permettre d'acqu6rir un statut ..." (DUPIWE1960 : 61). L'installation de la jeune mari$e chez son mari se fait rogressivement car, lorsqu'elle est devenue b 0 ff i i O (sur le point d'accoucher de son premier enfant),elle retourne chez ses parents 'usqu'il la fin du sevrage de son premier-ne. endant deux ans elle ne. vit pas avec son mai. Le concubinage estiIl6ga1, et il n'y a pas de r BB w 8 i (prsstitu s) mi de za9wa1-a (femmes libres)parmi les sDaaBe. rai entendu parler #un ou deux cas, mais ce sont des cas rares 06 la femme a quitte sa cornmunaut6 pouraller vivre dans une grande ville et a coup6 les liens avec sa famille, son lignage et sa culture. Le syst&me matrbonial et ses categories sont les mEmes aujourd'hui qu'il y a 25 ou 38 ans, quand DUPIRECtudiait les Peuls nomades (DUPIRE is j'ai nremdpqu6 que, depuis 196 s economiques sont moins Claborkes, en raison de l'appauvrissement gCn6ral de la sociét6 oDaaBe engendrC par les sCcheresses de 1968- 73, 1982, 1984, etc. Le sa d aak i est souvent constitud d'un seul veau au lieu de plusieurs 283

commeauparavant; ou biend'un taurillon, ou d'argentenespèces fourni par lafamille du garqon. Je trouve important ce que me disaientles WoDaaBe à propos du nombre idéal d'épouses : c'est soit 2 femmes, soit 4 femmes; mais 3 est un mauvaisnombre! (Les psychologues modernes seraient nettement d'accord avecles WoDaaBe : 3 estun mauvais nombre dans un groupesocial; 2 ou 4 fonctionnentbeaucoup mieux). Il est - théoriquement - possible pour un homme BoDaaDo d'avoirdeux femmes koob g al etdeux femmes teega 1 s'ila l'intention de vivre en polygamie. Maisunhomme ne"prend" pas une femme koobgal etdeux femmes teegal; ni 3 ou 4 femmes koo b g al. Tout celaprovoquerait un déséquilibreet créerait la disharmonie au sein de la famille. 2 + 2 = 4 épouses, ou 1 + 1 = 2 épouses, voilà debonnes combinaisons numériques. La première femme, kowaad 0, épousée en koobgal estaussi appelée woilaajo, "lafemme du Nord". Par contre, la deuxième épouse, s'il y en a, - cequi est rare parmi les WoDaaBe - est appelée fombinaajo, "la femmedu Sud". Enréalité, une seule femme épousée en ko O b g a 1 estla situation la plus fréquente statistiquement(voir les Tableaux 6, 7 et 8), et, par ailleurs, unhomme BoDaaDo peut "prendre" au cours desannées 1, 2, 3, 4, 5, etc.femmes en teegal, plus ou moins temporaires. Dansce cas, il estnormal de garder la k O w aado, lapremière femme,pendant toutes ces années.C'est lecas pour la femme BoDaaDo commepour l'homme BoDaaDo. Ce système qui permet le "sigisbéisme" i€f6rent du syst&me matrimonial des oa seul I'homme a la possibiIit6d'Ctablir "d'autres mariages à c6tCdu mari propre". La femme kmuri est toujours, B toutment de sa vie, soit mariCe, soie divorcCe. STENNINGa dresseun tableau des mariages 1 pmi les WoDaaBe du Bomo, Cria, dans les ann6es 19569, (cf. Tableau 5). Les pourcentages correspondent bien B la situation qui pr6vaut aujourd'hui. Il est Cvident que les maria es kosbgal sont "de la maison", par opposition aux mariages 1 dits "de la brousse". Les consid6rations et strategies 6cono- miques sont essen continuation du ON TE $mit que , dans les premiers mariages dans lesmariages ultkrieurs libre choix des conjoints, le disposition des Cpouses et de leurs enfants(nous appellerons groupece "maison"), non seulement pourfournir lelait ndcessaire B leurs besoins, mais encore pour que le betail soit par la is dans ]le cadre exclusi€ de la m~son" M&ne si la pol-ygynie estpermise, la monogamie prCvaut. 60% desmariages sont monogames (40 sur 52) dans 1' queteque j'ai menCe dansla WCpublique du gerparmi les e Suudu Suka'el(Niger de l'Est), cf. Tableaux 7 et 8. Le seul homme de cetteenquste qui ait plus de 4 femmes en a 7 ; on dit que "c'est parce qu'il est beau ; il a des cheveux longs ! 11 a des 285

tresses qui vont jusqu'ici ! Cela se comprend. En plus, il est riche et, comme il est fils unique, il a hérité de tout le bétail". Il parmiay les WoDaaBe un véritable cultedelabeauté soutoutparmi les jeunes hommes (Photos 3 et 4). Chez les Kanuri/Manga que j'aiétudiés dans la même région avantles WoDaaBe, ce culte de la beauté masculine n'existe pas. Mesdonnées correspondent à cellesde D UPIRE surles pasteurs : "Lessociétés peul restéesattachées au pastoralismesocialement apparaissentpeu polygames (Wodaabe, Latye, Haboobe),1.13 à 1.28 épousespar homme" (DUPIRE1970 : 80) et cf. Tableau 9. Lesdonnées montrent que la monogamie prévaut. Mais ces donnéescachent le fait qu'il ya beaucoup de mariages successifs, même sile taux depolygamie est peu élevé. Lesnomades WoDaaBe seplaignent du manque de femmes et le taux de polygamie est chez eux très faible. A mon avis, cela correspond au fait que les WoDaaBesont très endogames, qu'il leur estinterdit d'épouser des gensvenus de loin et formellementet interdit d'époaser un membre d'une des autres ethnies de la région, comme les Manga, les Hausa, les Arabes ou les Tubu. Nousavons vu que dans la sociétéWoDaaBe il y trèsa peu dedivorces d'avec leconjoint k 00 b g al , mais que le taux de divorces est le plus élevépour les gens mariés selon laformule teegal. Photo 3 : Jeunes femmes wodaa 6 e, pendant une danse (pour “volerdes femmes”).(Photos Mette BOVIN, Niger 1986). 287

Photo 4 : Jeunehomme wodaaBe, pendant 1me danse (pour ‘‘voler des femme S”). (PhotosMette BOVIN, Niger 1986). La f6conditC est essentielle B la stabilite et au succCs d'un mariage. La stCrilitt5, - hputke B la femme,jamais B l'homme -, est la cause de divorce la plus frkquewte. Le mot meme de "femme" en fulfulde, signifie "&re derrib-e". ebbo (sing.), rew (pluriel) veut dire "celui gui suit", c'est-&-dire "qui suit l'homme".kysiquement, dans l'espace, la femme mmche d 2re l'homme au cours deleurs migrations. La femme pratiquele s'agenouille quand elle apporte de la nourriture ou de l'eau B son mari, 2 ses beauxparents et aux personnes 5gCes en g6nCra1, comme le font aussi lesfemmes kanuri et peules. La division du travail entre 6poux est tr&s stricte. L'homme s'occupe seul du desautres animaux au piiturage etabreuve les b&es aupuits. La femmes'occupe seule de la traite des vaches(consideree comme lapremihe tache des femmes), du pilage du mil(deuxième t2iche) et dela fabrica n du beurre et du lait Gai116 (€rsisi&metiiche) ( Il me semble toutefoisque, dans la soci6te e, la femme a une position forte. TENNENB : "rit : 'tTke result picture of a Pastord Fulmi woman's cweer is one of continual dependence, in some sense or other, upon males whether pater or genitor, husbnd, male agnatic kinsman, or son. During the reproductiveperiod, and indeed when it is over, the marital stability of this career is contingent upon her reproductive performance.The birth and survival of one son will secure a woman in herold age, butnot necessarilydeep her in onehomestead al1 her 289

Photo 5 : Femme mariée (unique épouse, 8 enfants)dans son territoire à elle : à l’est de la corde à veaux. Son mari est à l’ouest de la corde. Wodaa6e du Borno, Nigeria 1988, non loin du “lac” Tchad. m~edlife. ut a full and evenly spaced fapnily is 14Leely on the evidence to do so; and it is in these conditionsthat a %%romantranscends the status of dependant, wields considerableinfluence with her husband, and may even, as Pastoral Fulani say, "to be greater than a husband" and seek a more prosperousherdowner as a spouse". (STENNING

Une femme sDaaDo peut acquerir un grandpouvoir dans la maison et dans la famille, etc. Ellepeut, dit-on, r6ussir à "porter des culottes de CUiP", cequi est ~OlTdeflaent Un V$temeRt d'homme.

Pour les Fu1 e siidentarises(Photo 6) et semi-nomades, le mariage constitue un idCa1 mais, en e de mariages t Cameroun du un syst6me (fianpillesr) et 6volue m8me mariage. C'est-&-dire que l'on a affaire non B deux cat6gorie opposCes de OCQUENE et

Dans toutes les sociétCs, il existe des "lois matrimoniales" et, tempstemps,de des individus qui les violent. En 19 au Cameroun j'avais rencomtrC NDOUDI OUMAROU,Peul qui a publié s autobiographie (Moi, un BOCQUENE 6). NDOUDI racontele cas plein d'humour de la jeune fille Fatou, Bgée de 15 ans, 291

Photo 6 : Ful6e islamilés et sédentaires. Jeune femme mariée, avec son père, à Damaturu ville,Nigeria. (Photo : Mette BOVIN 1975). quirefuse un mariage de type apbgal avec son cousin :''Fatou refusaitobstine lui avait 6t6 impose B la naissanc beauxjeunes gens aux cheveux bien tress6s comme prCtenda accepteraipersonne d'autre qu'un tel ... CQUENE et NDOUDI 1964 : 249-251). es facteursexternes, tels que les pkriodes resse entre1969 et 1985 ont faitque beaucoup de famillesful e tout autour du lac Tchad ont Ct6 contraintes de quitter la brousse et illages.Beaucoup de FulBe ont migr6 andesvilles et lesgros bourgspour essayerde survivre. Ce processus a entraîn6 uneaugmentation des divorceset une insta dans le systhe matrimonial. Je n'ai pas de donnees exactes sur le mariages chez les FuBe du j'ai travail16 nga) et les dans les deux pays du Niger et du ECHON, dZUl$ Un Miele sur les meroun du Nord (QUECHON dCcrit un systhme matrimonial qui ressemble plus au syst&ne kanuri qu'au syst mariage parmi beaucoup de semble gtre de laformule "mariage du village", plus que "mariage de la maison", cf. QUECHONsur un dkvelsppement du type"mariage lignager" au "mariage r6sidentiel". Letaux de polygamie est faible (77,595 de monogames) mais le nombre de remariages successifs des femmes est 61ev6 (2,73% mariagespar femme), cequi explique selon l'auteur de l'enquete lefaible taux de fCcondit6 relative."Pour cette sociCtC, l'instabilité 293

matrimonialedoncest un problèmevital" (QUECHON1985:229). Nous pensons que l'instabilité n'estpas"unproblème", mais plutôt une "normalité", comme l'exprime aussi la hollandaise José C.M. van SANTEN(4ème Colloque Méga-Tchad, Paris 15 septembre 1989).

COMPARAISONS ENTRE LES TROIS ETHNIES

Chezles Kanuri et les FulBecomme chez les WoDaaBe il existedeux types principaux de mariage (1) le "mariage de la maison", le premier mariage ; et (2) le "mariage de la brousse" quia lieu plus tarddans la vie de l'individu. D'unecertaine manière, le "mariage de la maison" représente le contraire du "mariage dela brousse"; c'est l'endogamie opposée à l'exogamie. C'est aussil'opposition entre mariage lignager arrangé, forcé, et mariage libre, mariage par choix. C'est le mariage des jeunes contre le mariage des adultes. Il y a à cet égard des parallèles entre les troisethnies. Néanmoins il y ades différences énormes particulièrement entre les Kanuri etles WoDaaBe. L'âge relatif desépoux par exemple. La différence d'âge est minime chez les WoDaaBe, très grande chez les Kanuriet beaucoup de FulBe.En 1987, j'ai entendu au Niger,dans laville de Diffa, des discussions mouvementéesentre deux hommes, l'un Kanuri, l'autre BoDaaDo, sur la question de l'âgerelatif des époux : - le Kanuri disait : "Nous, les hommes kanuri, on aime bien "prendre" une jeune fille de 12 à 14 ans, vierge de préférence.Quand l'aurai plus de 56 ans... Susqu'B la mort, on airrme Ga Y' - l'autre, Bo aaDo, disaitavec une mimique desapprobatrice : "Ah! mais non ! Vous, les anuri, vous ne connaissez pas la honte ! Selon m o tr e culture,c'est une grandehonte um) que d'&muserune jeune fille qui n'a pas le mSme iige que soi à peu prh. Une femme du m&ne 3ge que sa proprefille ? Jamais 1 Quelde honte !" Pour moi, cettediscussion Ctait extrE- menent int6ressante du p t de vueanthro- que et Be signe que DUPIRE a raison elle &rit que l'home et la femme ent beaucoup l'un de l'autredans le mariage. J'ajouterai mgme qu'on ne peutpas risquer de perdre son conjoint. Or si l'on n'a pas h peur pr&s le m2me Bge, l'un risque de mourir bien avant l'autre. (Co cas par exemple chez les Inuit de ord, chez lesquels la divisionsexuelle du travail&tait aussi stricte avant que chez les e d'aujourd'hui). La dependance mutuelle cettedivision rigide d conjoints m~urait longtemps avant l'autre,ce serait une catastrophe la famille &tant seule dans la brousse.Chez les muri, l'home peut avoir 50 ou 60 ans et sa femme 13 (c'est toujours la femme qui est la plus plus jeune). Cette dif€drence d'3ge souligne l'assym6trie du pouvoir dans lemariage, surtout pmi les Manuri et les FulBe s6dentarisds. Parmiles WoDaaBe, la diffhrence d'iige est moindre : de 3 B 7 ans (12 aussi c'est le mai qui est plus Bgd). La vie sociale et éconornique ne fonctionne tout simplement pas si la dif-fdrence 295

dâge esttrop grande. Chez les Kanuri, il y ades relationsentre époux qui ressemblent davantage à desrelations entre père filleet lorsque la différence d'âge est de 20-30 ans ou plus. Dansce cas,lemari peut vraiment"modeler safemme commedel'argile, comme s'il façonnaitune cruche'' ainsique me l'adit unKanuri. Les WoDaaBe sontpeut-être plus "rationnels'' que'les Kanuridans leur insistance à prendre un conjoint dumême âge oudu moins de la même génération ? Parailleurs, peut-être respectent-ils davantage la femme ? Il y a une autre différence. Chez les Kanuri, lesFulBe semi-nomades et les FulBesédentaires, existel'institution du ka r uw a et des za war, femmes-libresvivant avec avec une "leader", une reine, appelCe maagaram en Kanuri (magajiya en hausa) - mais ces institutions sociales n'existent pas dans la société WoDaaBe. Cela est lié au fait que lesKanuri et les FulBesédentaires habitent dansles villes alors que les WoDaaBe vivent en brousse etont une grande mobilitédans l'espace. La femme boDaaDo n'est pas karuwa ni zawar, et leconcubinage n'existe pas chez eux. L'adultère existe (on se cache dans la brousse) maisjamais à la maison. Chez les WoDaaBe, il n'est paspossible de priverune femme de sa libertéjuridique comme c'est en principe le cas chez les Kanuri. R. COHEN donne enexemple des anecdotes où semêlent amour, divorceet dominationmasculine :"Other informantstellstories menofdemeaning themselvesbecause of theiremotional involvementwith a particularwoman. These stories usually involve a wife Wh0 has run away to her B u wa P i or is theategaing to do ss. The man then spends al1 his money on gifts €or hep, hophg her stay - but she stilll leaves. h one such story, the man finally went to the Emir and said he was going ts commit suicide (an almost unhemd of thhg in Bomu) unless he could get his wife to retum. (Thetraditional legal way to do this is €or thShehu (Emir) to declanre the woman to be his own slave, thereby depriving her of my legal rights - thenthe Skehu gives the wi€e as a ift ts her former husbmd)" (CBpgf~p61 h &ait probablement rare dans la soci6t6 la ne pourrait jamais arriver dans la e oh il n'y a pas de Shehu. rn ii do (Chef) ne peut d6clxer une des femmes li c'est grfice h l'endogamie. La vie en brousse est la "garantie" de cette endog "garantie" contre l'esclava 152). Une autre diff6rence est que chez les muri il y a deux s compl&ment aliffhrents pour d6sigmse.r "mari" wa) et %mme ( alors que chez les aaBe il y a un terme commun (korrei) quelque soit le sexe.

l11 ya des exceptions : des WoDaaBe devenus esclaves au Nigéria, Borno (DUPIRE 1962) ; etauparavant, pendant les Jihads, dans plusieurs pays. 297

Langue femme homme épou épouse conjoint(e) kanuri kamu konga kwa kamu i fulsllde debbo gorko korrei korrei korrei

Celasignifie-t-il qu'il y a plusde respect mutuel dans le couple woDaaBeque dans le couple kanuri ? Il est difficile de se prononcer, mais c'est possible. Pour les Kanuri, le premier mariage est une sortede "rite de passage" à la vie matrimoniale et adulte.Parcontre, premierle mariage est considérécomme mariage-pour-la-vie par les WoDaaBe.Cependant, ils peuvent"prendre" d'autresamants/ amantes à côté,en te egal, - le "sigisbéisme" -, sans dissoudre le premier mariage, le mariage sérieux. anuri, le "sigisbCisme" n'existe pas. A sa place se trouve une oscillation entre le statutdefemme mariGe et celui de femme divorcee. Chez les FulBe, nagui3-e semi-nomades, lestatut traditionnel des femmes &ait le m6me que chez les e mais avec un mode de vie ntaire dansles villes où ils ri, Hausa, etc. et oa lesstructures matrimonialesaussi ont changC, ressemblant maintenant au systsmedes Chez les WoDaaBe, orce est moins fr6quent pour "mariagele maison",lade endogme, plus frCq t pourles "mariages de la brousse". Chez lesnuri, il y beaucoupa de divorcespendant la premisre mnCe (ou lesdeux du "mariage de la maison", endogame. en croirelalittkrature sur les autres friquede 1'0ues4, par exemple HILE it que "the tendency mongst the Tamasheq is particmlar for women to have a moreindependent social role than in ambaraagricultural society" (HILE 19 HILE et son groupe ont Ctudi6 les populations du ali. Ces r6sultatscorrespondent 5 ceux de nos enquGtes sur le Niger du Sud-Est etle Nigeria du ord : une distinction entre les nomades etles sedentairesen ce qui concernele r61e de la femme. Troisanthropologues fraqaises, Catherine AROIN, Hélène CLAUDOT et Albe TAU cornparc trois sociCtCs pastorales.Elles concluent que "aprèslemariage, la qualit6des relations conjugales depend dansune large mesure de la féconditC du couple. Lerapport avec les hommes 299

estvécu de faqon très conflictuelle par les femmes maures, mais ce modede relation prend fin à la naissance du troisièmeenfant femmelaet s'intègrealors augroupe deson époux. Les femmestoubou n'ont pas ce modeviolent de rapport avecles hommes. Elles sontrésignées à leur sortqui leur paraît moins enviable mais "il n'y a pas de remède" (...), disent-elles. les divorces pourmésentente conjugale sont nombreux au débutdu mariage chez les Toubous, mais, comme chez lesMaures, lasituation matrimoniale se stabiliselorsque plusieurs enfants sont nés. C'est chez lesTouaregs, au bout du compte,chez lesquelsfemmela jouit du statutmoinsle subordonné,que le cloisonnementest le moins fortentre le groupedes hommes etcelui des femmes" (BAROIN1984 : 124). Si l'onserisque à comparerles trois sociétés kanuri, fulBe et woDaaBe,on constate que lafemme boDaaDo jouit du statutle moins subordonnédestrois. Mais sauraitneon généraliser pour tout un groupe ethnique et il y a de grandes variations dans lesrelations hommes- femmes selonles paramètres suivants : âge, statut social,statut économique, lieu derésidence, caractèreindividuel (cf. aussi CLIGNETet SWEEN 1981 : 465 : "330th male dominance and female autonomy Vary over time and morespecifically, with the lifecycle or eachspouse"). Chez les Kanuri, l'époux idéal est unhomme fort etriche qui travaille et procure aux femmes suffisammentde mil de son grenier, assezde vêtements et d'argent. L'idéal estd'avoir plusieurs femmes,préférablement plus jeunes que lui, des 300

femmesqui lui obeissent (cf. la c6rCmonie de u ri lalutte traditionnelle, OVIN 1974/75). Chez les Peulsserni-nomades, l'homme idealdoit poss6der assez d'animaux et cultiver aussi la teme, 6tre disciplinC, courageux et dur A la douleur. 11 doit subir sans broncher le test de la bastonnade ou BDBUEAYE OUMAROU DALIE (infra p. it varianteune moins s6vh-e chez les FulBe sedentAres. e, l'homme idCa1 est celui qui a assez d'animaux,qui est beau, 616gant et exhibe ses talentsde danseur aux c6r6monies de gerewoll, de y ake et de ruurne, vesitables c s de beaant6 masculine (BOVIN et 1 . D'oa vient cette vanit6 ma marqueeque chez lesFulBe et les pense que la solitude dans la grande brousse et l'endogamie an sein du lignage sont extr6mement Q6termiwantes, ainsique le manque de femmes hiquement) dont se plai nent quelques

La comparaison entre les Ranusi et les e E&&k ClUe les muri sont psslygynes et e "mBsnogywes" ou '' ue 'smonog distinction Btablie par ne of the central problems in discussing marriage is to distinguish between individuals who are married to only one wifebecause of the legal and jura1 system and those wholive in a Society allowingplural marriage but who happen to have only one wife at a specifiic time. Pollswing FORTES, I refer to the first as monogamists, the second as rnonogynists" (GQBDY 1973 : 190, note1). Les hommes WoDaaBe 301

ont le droit d'épouser plusieurs femmes mais il n'y apas assez de femmes à épouser dans le cercle desépouses potentielles (déterminé surtout par leslois de l'endogamiearabe et musulmane, de "Father's Brother's Daughter's marriage"). Il estbien possible que leshommes WoDaaBe, vivant en société lignagère et égalitaire, soient monogynistes non par conviction mais par nécessité. Les hommes kanuriet les hommes fulBe semi-sédentairessédentaireset sontplus polygynes, surtout parmi les classes dominantes et riches dans le système étatique et hiérarchisé. En général - et celavaut pour tous les groupes ethniques - le secteur rural est plus "monogyniste" quele secteur urbain. D'une ethnie à l'autre, il y a de grandes différences de comportement en cequi concerne les femmes qui voyagentseules. Chez les Kanuri et les FulBe, les "femmeshonnêtes" ne voyagent pas seules sans escorte masculine. Chez les WoDaaBe, on voit souvent deux ou trois femmes voyager seules, couvrant même de très grandes distances d'un pays à l'autre de l'Afrique del'ouest. Elles sont souvent prises - par les autres ethnies - pour des zawara ("femmes-libres") ou des kar u w ai ("prostituées") bien que ce ne soit pas le cas. Cela suscite beaucoup de malentendus; car ce sont des femmesmariées, vendeuses médicamentsde traditionnels,herbalistesdes spécialisées, cherchant à gagner un peu d'argent aprèsles pertes de bétaildues aux sécheresses de 1973, 1982 et 1984 auNiger et dans les autres pays du . Les femmes woDaaBeont toujours eu une grande libert6 en ce qui concerne la mobilitC dans l'espace.Leurs maris, frGres et fils leslaissent voyager (deux femmes ensemble par exemple). Ils ont confiance en elles. Le rayon d'action des femmes woDaaBe est trks rand dors qu'il est trks r6duit chez les femmes kanuri et les femmes peules sddentarisdes. Il y a une certaine cornpetition mutuelle pour les femmes e muri, les FulBe semi- nomades et les %; arisCs; mais pas entre lesautres ethnies et lesDaaBe, ceux-ci 6tant endogmes. Se ne connais qu'un seul cas, dans le epmternent deDiffa, d'un omme boDaaD 6pous6 une femmedes Fu1 sCdentaipes.

s'agit d'un " oDaaJDo perdu", devenu citadin, sas i prestigeselon le code woDaa ne sont ni des donneurs, ni des preneurs de femmes parrapport aux autres ethnies de la gionautour du lac Tchad. Les s6dentaris8s sont B la fois des preneurs et des donneurs de femmes r6ciproques9m&ne si aux sont asym6triques. Il y e qui 6pousent des homes kanuri, hausa etc.(des s6dentaires en gCn6ral) qu'inversement (femmes kanuri 6psus hommes fulBe),comme montrele le sch6ma suivant : 303

Partagent lalangue, Partagent le milieu fulfulde urbaint'villageois

WODAABE

éleveurs ; vivent dans la brousse

Endogamie et exogamie Endogames co-existent. Mariages inter-ethniques, existence de "mariages de la brousse" mutuels

Encomparant lesdifférents groupes et sous-groupesethniques du pointde vue de la polygynie(etdemonogamie),la il apparaît clairementque les sédentaires sont davantage polygynes,et que les nomades pasteurs sont les plus monogames ("monogynistes"), cf. Tableaux 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10. Enmoyenne il ay 20,6% depolygames (polygynes)dans l'ensemble du Niger et 17% de polygames (hommes de 15 ansetplus) dans le 146partement de Diffa selon les sources officielles ecensement g6n6ral de la population 1977, Cpub%iqme du Niger, dCcembre 1985:99). Les Kawuri, comme les Fu1 oDaaBe, ne s'Cc&ent pas (beaucoup)de ces moyennes.

Le "m&age de la maison", dit plus r6gmdu chez les sDaaBe que le "mariage de la maison1', dit nyi fadsbe, chez les Kmuri ou le mariage dit n y i gabe est tri% regpandan. 305

LesPeuls sédentarisés (FulBewuro) se situent entre les deux autres groupes. Pour eux, le koob g al, mariage arrangé entre parentsproches, estl'idéal. Mais réalitéla estdifférente et ressembledavantage à lasituation matrimoniale des Kanuri'sédentaires avec beaucoup de mariages selon la formule t eegal, "mariage de la brousse". La monogamie est plus répandue chez les WoDaaBe que chez les FulBe - et chez les FulBe que chez les Kanuri. Comment expliquer ce fait ? Je suggèreJe uneexplication quiprenne en considération le degré de dépendance entremari et femme dans le mariage. Mon hypothèse est que, chez les WoDaaBenomades pur : 1) Il y a ungrand désir de rester endogame et tant du point de vuede la "race" que bu mode devie et de l'identité deWoDaaBe éleveur de bovins. 2) Il est extrêmement difficile de survivre dans la société woDaaBe (en raisondes séche- resses etdes problèmes écologiques : terresde plusen plus marginales et appauvries, etc.); il est doncextrêmement important contrôlerde la reproductionetla répartition des biens etdes membresdelasociété par lemariage; c'est pourquoile koobgal, et qui plus est le koobgal m O no g ame , est strictement maintenu, plus que chez les FulBe et les Kanuri vivant en milieu villageois et urbain. 3) Dans la sociétéwoDaaBe tribale, égalitaire,le désir de l'homme de "prendre une autre femme" est réprimé parce qu'il n'y pasa assez de femmes; alors que, dans la sociétéplus hiérarchiséedes Kanuri et des Fulbe sédentarisés, 306

I'inkgalitC et la iff6renciation sociales sont r6pmdUeS et "noraJnale%". D'Qb la diff6renCe entre certains hommes? qui ont plusieursfemmes (jusqu'h quatre) et d'autres qui n'en ont qu'une QU mSme aucune. 4) Il y a daras le mariage woDaa degr6 de &pendance entre les epou beaucoup de sa femme en tant que celle- beaucoup de son maripour le bCtail, la protection, eprenmt les ternes de Gos~Y : "the sexual mentmitgr of labour", COHEN parle de "the socio-ecowomic contribution of eack spouse to the EN 1971 : 137). "WiQeS ZMld mOthers entiating links (. ..). From the standpoint of the interna1 economy,however, women are more important than that since they are allocated animals in order to provide the staple food, milk (...). The woman's position as a foens of differentiation withh the agnatig: familgr is related to her role in food production ; she and her children will be identified with the section of the joint property which is allocated ts her for productive purposes. he does not "own" these ressources but it is h children who benefit %rom these she and have us s with the larad, so with UCKLEY 1973 : 117). CMLEY parlent de la comdation entre Be rôle joue par la femme dans la production et le systhe d'heritage. C'est ce que GLUCKMAN (1971) a appel6 "the house-property cornplex". "In Eastern Africa, it is found primarily in areas where men are involved in herding large livestock 307

while women farm. But it is also found among pastoral societies where women play a part either intending ormilking the cattle. The house- property complex therefose constitutesaking of social recognition of a woman's major role in the process of production,though she herself is excludedfrom ownership of themeans of production themselves" (GOODYand BUCKLEY 1973 : 118). C'est le cas des femmes woDaaBeet fulBe pasteurs. Elles ne peuvent disposer de leurs stocks de bétail,mais les droits du marisur certaines catégories d'animaux sont limités. GLUCKMANa essayé aussi de lier la durée du mariage au type de transmission de la propriété. Il estime que "the situation of virtually no divorce and of the true levirate and sororate will be found withhouse-property filialinheritance, but there will besome divorce atleast in systemswith adelphiclateral succession andinheritance" (GLUCKMAN1972 : 244). Pour lessociétés avec "house property transmission" letaux de divorce est rare ou très bas (GOODYand BUCKLEY1973 : 119),comme l'a montréaussi la danoise Ester BOSERUP(1970). "There is certainly a highcorrelation between societies where women farm and those withhigh rate of polygyny" (GOODY 1973:180). Il montre qu'il y a aussi un rapport entre polygynie d'une part etagriculture et commerce de l'autre (GOODY1973 : 181).C'est le cas chez les Kanuridu Niger etdn Nigeria. La polygynie est évidemment moins fréquente chez les éleveurs africains du sud da S&aa selon DORJAHN (1959) et @osna%;(1973 : 181, Table 5). Cela montre queles 6leveurs d'Afriqueorientale sont moins pslygynes que la moyenne en Afriquesub-saharienne. ais il fautmodifier l'hypotk6se quela polygynie estdirectement lit% B lacontribution des femmes ii l'agriculture et au commerce des produitsagricoles et, sur ce point, GOOD Y est 73 : 183). Dans beaucoup de ssci6t6s y a une "gerontscratic accumulation" d'Cpouses et "the reasonsbehind polygyny are sexua.1 and reproductive rather than economic and productive" (GOBDY 1973 : 1 Pour les Kanuri, "la ture, c'est Be mil", boaaleou. La qu tit6 de mil - et d'autres produits agricoles - cultivCe par une famille ne d6pend pas uniquement du travail des femmes (la pr6paratio1-1 des repas, oui). Pour cultiver le mil, le mari peut travailler seul, ou avec ses fils, ou avec des ouvriers agricoles. Maischez les WoDaaBe, le mari depend enti$rernent de s femme pour La traite des saches. OP pour un oDaao Ye lait, bssam 9 es4 la noumiture par excellence". Parmi les Ranuri eux-memes, il y 8 une rande diffCrence entre le pourcentage de divorces en milieu Ur ain et es% milieu rural, CO~[HPXKEle montre COHEN (1971 : 137, Table 11:4) - ici traduit en frmqais : 309

Pourcentage de personnes qui divorcent en milieu urbain et milieufud respectivement :

Basses classes Hautes Total classes moyennes classes

Urbain 25% 55% 20% 100%

Rd 75% 22% 3% 100%

Je voudrais proposer une autre hypothèse : les FulBesemi-nomades ont,entant qu'agro- pasteurs, une vie extrêment dure ; il leur est plus difficiledesurvivre, culturellement aussiet moralement, que les Kanuri et les WoDaaBe. Si l'on considère le c O n t in u u m qui va des pasteurs purs auxagriculteurs entièrement sédentaires et organises en sédentaires étatiques, les FulBe agro- pasteurs se situent entre les deux, avec des choix difficileset des "morales" différentes. C'est peut- être à cause de celàqu'ils ont cettecéremonie difficile, le sor 0, vraitest d'endurance pour les 316

jeunes hommes. Depuis vingt ms j'assiste au s dans les paysautour du lac Tchad et je le considhe comme ]la "per€ormanrce ethnique"la plus dure ( OVIN 1974/753, la plus difficile - psychologiement autant que physiquement - de toutes les perfommces culturellesdes divers groupes ethniques de la region. A mon avis,les "performan~e~"ou representationsculturelles et lesrites d'initiation des Kanuri et des WoDaaBe sont sans douleur - ils somt en tous cas p et plus souples que le s or o. Pourquoi ? qu'il y a un danger cache, mais constant, que les jeunesfilles fulBe disparaissennt et Cpousent des hommes d'autresgroupes ethniques ? que l'homme peul doitfaire le maximm pour "garder les filles / les femmes pmi les Peuls" ? Et que, pour 8tre digne demesiter cela, il doive endurer la douleur de la bastonnade, du sor Nulle part danslitteraturela je n'ai rencontred'explications ni d'hypoth&ses sur le SOTO et cela reste me hypoth8se 2, verifier.

Les conclusions de notre $tude comparative de troisethnies Qu bassin du lacTchad, du mgai du Niger et du omo du NigCria, sont les

Dans la soci6t6. la plus monogme, celle des Cleveurs woDaaBe, il y a prCvalence de la formule "mariage de la maison" (k oo b al en fulfulde), mariagecousin-cousine patrilineaire parall2lle ou autre. Lelignage beaucoupa de pouvoirsur l'individu. 311

Dans la société la plus polygyne des trois ethniesde notre enquête,celle des agriculteurs Kanuri, il ya prévalence dela formule "mariage de la brousse" (nyia karagabe enkanuri), mariage entre personnes hors hors du cercle dela proche parenté surtout àpartir du second mariage. Le "mariage de la maison" estdifficile à dissoudrechez les nomades woDaaBe, contrai- rement à ce qui se passe chez les sédentaires kanuri. Le "mariagede la maison"chez les Kanuri peut êtreconsidéré commeune sortede "rite de passage", une initiation de la jeune fille à son rôle de femme et à sa carrièrematrimoniale, et du jeune homme à son rôle d'homme adulte et de Chefdu ménage, fadoma. Au niveau individuel, on peut conlure que le formule "mariage dela maison" procure à la femme lasécurité sociale et économique : une dépendance mutuelle quotidienne entreelle etses proches parents. Par contre la formule "mariage de labroussett lui permet la liberté de choix du conjoint - ellepeut choisir un homme plus intéressant,plus riche, plus beau, plus charmant ou moinsautoritaire que lepremier mari, son cousin. Parlà même, elle peut obtenir une plus grande liberté sexuelleetpersonnelle. Mais le "mariage de la brousse" secondaire donne aussi à la femmeplus de responsabilitéindividuelle et moins desécurité sociale et économique que le "mariage de la maison", plus protecteur. Ce que les termes mgme "brousse"de "maison"deet indiquent bien : "la maison" implique la protection des parentsproches, tandis que "la brousse" tout ce quiest étranger, moins connu, - et dangereux. Ce qui est intgressant, et caract$ristique des soci6tCs du bassin du lac Tchad comme celles 1Be et des WoDaaBe, c'es sir entre ces deux t riage et m2me osacialesr al l'un B l'autre selon ses besoins, son cwact&re, selon les besoins de son lignage et de ses parents, et selon les diff6rentes phasesde sa vie. Cette oscillation m9me lui donne une sorte de libertk, une possi- bilit6 de changement. Cela n'est pas interdit, ni socialement ni moralement. La femme kanuri peutdissoudre son ,- premiermariage, arrange par ses parents,pour Cpsuser un homme de son choix "de la brousse", lors quela femme bo aaDo, pour ce faire, ne dissout pas (n6cessairem t, ou tout de suite) son premiermariage. e9 le "mariage de la maison" est pris plus au skrieux et dure idCa- lement toute la vie. A c6t6 de ce "mariage de la 1 maison", Iles jeunes, comme d'ailleursceux qui le sont moins, ont la possibilite d'Ctablir des I "mariages de la brousse", moinsgraves et aussi moins stables. Nous avons essaye d'expliquer comment les e 8 rs-pasteurs se situent entre ces deux anuri) et pourquoi ils sont soumis h des 6preuves - des"rites d'initiation'' - plusdures que dans les antres ethnies de la m8me region. Il semble exister une corr6lation entre le syst&megolitico-religieux (Islam) et 6tatique d'une partet le nombre de conjointslla fr6quence de la polygynie d'autre part, comme d'ailleurs 313

entrestatutle socio-économique (division du travail) et la polygynie. Les WoDaaBe sontles moins islamisés (société lignagère) et aussi les plusmonogames de cestrois groupes ethniques. Les Kanuri - surtout lesKanuri urbains (sociétéétatique, hiérarchisée) - sontlesplus polygynes. Les FulBe, plus polygynes que les WoDaaBe, se situententre les deux. M r l-

FM 315

ln v) - (O l- .-

r %- r m

c-

r %-

r . (uc cm(u2-rrr

Nl-CUtOtc-O I Ir I IO

.-r

N-NRl NT- r

u) mc co (u II Z Tableau 3 : Frbquenee de mariage pour les hommes et les femmes, selon R. COHEN, 1971 : 66. Kanuri,NigBrla. 1 MEN (N=116) WOMEN (N-99)Il 32,3 32,3 34,3 66,6 15,2 81 ,8 16,l 91 ,9 3,6 94,9 3,B 9?,9 0,6 97,9 ... 9?,9 J ,O 98,9 ... 98,9 ... 98,9 1 ,O 99,9 ...... 160,4 ......

89,9 317

Tableau 4 : L'Bge au moment du mariage, pour leshommes et les femmes, selon R. COHEN 1971 : 67. Kanuri, NigBria.

AGE AT MAFlFtlAGE FOR MEN AND WOMEN

% of men's %of women's Age at ofTime marriages Accumulated marriages Accumulated Marriage (N = 504) % (N = 237) %

9-11 ... 1,8 . 1,8 12-14 ... 45.2 43,4 4 ,O 4,O15-17 4,O 57.9 12,7 18-2017,9 13,9 14.0 71,9

21-23 9.88,8 27,7 10,5 ' 2 4,26 11,4 39,i 11,4 24,26 5.9 86.4 27-2946,7 7,6 6.8 93,2 30-32 11,6 95,958,3 2,7 33-35 8.3 66.6 2,7 98,6 6 ,6 73,236-38 6,6 ... 98,6 '39-41 1.48.1 81,3 100,o 42-44 4,5 85,8 ...... 45-47 3,8 89,6 ...... 2 ,o 91,648-50 2,o ...... 51-53 3,8 95,4 ...... 54-56 1.3 96,7 ...... 57-59 1,3 98 ...... 60-62 Or8 98.8 ...... 63-65 1 ,O 99,8 ...... 66-68 0.3 100,l ......

Chez les Kanuri du Borno, Nigeria, il y a 2,4 mariages par femmes et 4,4 mariages par hommes.

Tableau 7 : (Source : Mette IBOVIN, Enquete Niger 1985-87)

Mariages woDaaBe @oint de vue de la femme) :

Mariage ms~ogrne (elle est la seule 6pouse du foyer) 46 40 60

Mariage polygyne 12 27 40

Total 106

Tableau 8 : (Source : Mette BOVIN, Enquete Niger 19

Mariages woDaaBe Nombre de Nombre (point de vue de femmes d'hommes 5% l'homme)

CBlibataires : 0 2 4

Mariage monogme : 1 46 75

Mariage pslygywe : x) 2 su ph 11 20

Total 53 1O0

x) Parmi les polygynes: 2 16 18 3 O 6 4 6 6 5 ou plus 1 2 321

Tableau 9 : Polygamie comparee, WoDaaBeet Peul, selon M. DUPIRE 1970 : 11.

I I Polygamie compar6e. t PoPuLAnoN Nombre d'hommes % d'epouses 70 de saxC€s maries hommepolygamespar

39 1,13 ~ WoDaaBe Bomou 23 STENNIMG (1959) p.161. WoDaaBe Niger 275 1,16 20 DUPIRE (1962), p.249. Peul Gwandu 200 114 33.5 HOPEN (1 958), p. 144

HabooBe (S6n6gal) 175 1,22 21 DUPIRE (1969). Latye (S6n6gal) 1.28 138 22,4 DUPIRE (1969). JengelBe (Senegal) 38 1,55 47,3 DUPIRE (1969).

Foula Fouta-DjallonFoula env. 400 1,48 inconnuI.N.S.E.E. (1956), (brousse) p. 20. Peul SBnegal oriental (Bande, Bowe, Boini)Bowe, (Bande, 101 47.51.73 DUPIRE (1963). I 322

A M Y d

h a- Q1 Lo m d%=- P Q- Li

b

-c P

%- T- P 323

Mette BOVIN "'Mariages de la maison' et 'mariages de la brousse' dans lessociétés peule, WoDaaBe et Kanuriautour dulac Tchad"

Résumé

Parmi lesPeuls WoDaaBe nomades purs,les FulBe semi- nLomadas et K.anuriles agriculteurs Mangaridu (Républiquedu Niger) et du Borno(Nigéria), il existe deux types opposés de mariage : le "mariage de la maison", endogame, et le "mariagede la brousse", exogame. Ces modbles matrimoniauxsont étudiés en relationavec les rôlesféminins/masculins, avecl'importance lade monogamie et dela polygynie ainsi que celle des divorces et avec l'organisationpolitique et religieuse dans les trois sociét6sconcernées.

Abstract

Among theWoDaaBe (pure nomadic Fulani), thesemi- nomadicagro-pastoralist FulBe andtheagricultural sedentaryKanuri West of Lake Chad (inNiger and Nigeria),two distinct and opposed types of marriage exist : "housemarriage", which endogamous,is and "bushmarriage", which is zxogamous. Thesematrimonial models areseen in relationto gender roles,divorces, monogamy andpolygyny, aswell as inrelation tothe religiousand political organisation of thethree societies involved. 324

AROIN Catherine, 19 , "Conclusion", Production soci&t& 14 ,(Paris), 121- 124.

e, 1974/75, "Ethnie Performances in ural Niger : An Aspectof Ethnie aintenance", Folk 16-17 (Copenhague), 459-474. 325

BOVIN Mette, Lisbet HOLTEDAHL,1975, Frie piger i Mang a 1 an d, Kflbenhavn, National- museets Forlag. [A paraître en français: Femmes manga du Niger].

BOVIN Mette, Nele RUE (Co-réalisatrices), 1979, "Allah vœre lovet, det blev en dreng ! Om kvindeliv i Mangaland" ["Lavie des femmes Mangadu Niger"], Copenhague, Ebbe Preisler Film, Statens Filmcentral.

B OVIN Mette1983, "Muslin Women inthe Periphery : The West AfricanSahel", Womenin Islamic Societies (B. Utas, SIAS ed.), London,, Curzon Press, 66- 103.

BOVINMette, 1985, "Nomades'sauvages' et paysans 'civilisés' : Wodaabe etKanuri au Borno", LeWorso, Hommage à M.DUPIRE, Journal de la Société des Africanistes 55 (1-2), 53-73.

BOVIN Mette,1986a, EthnicMosaic of Borno, HelsingBr (Danemark), Mette BOVIN Filmproduktion,Filmsuper 8mm couleurs, 25 minutes.

BOVIN Mette, 1986b, "Relations interethniques au Borno", Relationsinterethniques et culture matérielle dans le bassin du lac Tchad,Actes du 32me ColloqueMéga- Tchad, Paris ORSTOM (à paraître). "Spor i smdet og g "bash" i Fulan diclle en danois : "Traces dans le sable et dans l'herbe. Sur le concept de "brousse" dans l1 peule nomade"], Na tur e n "mgr&$ des Ethnologues Scandinaves ersite de Aarhus, anemark, asGt 116-162.

BODHEAD , 19 nada TelevisIon, serie

documentaire, couleur, 55 minutes (L. LDHEAD : r6disateur etproducteur, VIN : arathropslogue).

COHEN Wsnald, 9961, amiage instability amsng the Kanuri f Northern Nigeria", 327

COHEN Ronald, 1970, "Brittle mariage as a stable system", Divorce and After (P.J. BOHANNANed.), New York, Doubleday.

COHEN Ronald,1971, Dominanceand Defiance : A study of maritalinstability in an IslamicAfrican Society, (American Anthropological Association), Washington,Anthropo-logical Studies 6.

DUPIRE Marguerite, 1960, "Situation de la femme dansunesociété pastorale (Peul WoDaBe,Nomades du Niger)", Femmes d'Afrique noire ( D.PAULME Cd.), Paris, 51-91.

DUPIRE Marguerite, 1962, Peuls nomades :Etude descriptivedes WoDaaBe du Sahel nige'rien, Paris,Institut d'Ethnologie (TravauxMémoireset del'Institut d'Ethnologie 64).

DUPIRE Marguerite, 1970, Organisation socialedes Peuls, Paris, Plon.

GLUCKMANMax, 1971, "Marriage payments and social structure among the Lozi and the Zulu(postcript 1971)", Kinship : SelectedReadings (J. GOODY ed.), London. 3%

llm @.(ed.), 1 nutrition in re of selected West African Commanities. London - Boston, London ch001 of Hygiene Tropical medicine. OPEN Edwmd e., 19 n, International frican Institnte.

RECENSEMENT NBRAL DE LA POPULATION,1877, RCsuPtats dCfinitifs. Rapport d'analyse, RCpubliquedu Niger, Minist&re du Plan, Niamey, DCcembre 1985, Direction de la Statistique et de l'Informatique. 329

STENNINGDerrick J., 1958, "Household viability amongthe pastoral Fulani", Develop- mental Cycle in DomesticGroups (J. GOODY ed.), CambridgePapers in Social Anthropology 1, 92-1 19 (Cambridge University Press).

STENNINGDerrick J., 1959, Savannah Nomads. A Study of the WoDaaBe Pastoral Fulani of Western Bornu Province, Northern Region, Nigeria, London, OUP.

STENNINGDerrick L., 1965, "Thepastoral Fulani of Northern Nigeria", Peoples of Africa (GIBBS J.L. ed.), NewYork - Chicago, Holt, Renhartand Winston, 361-401. ORSTOM cditeur Depôt legal :janvier 1991 Impression ORSTOM BONDY ISSN : 0767-2896 ISBN : 2-7099-1017-9 (Edition complète) ISBN : 2-7099-1019-5 (Volume Il) Photographie de couverture Editions de I'ORSTOM (cliché Fraqoise Dumas-Champion) 72, route d'Aulnay Filletres koma-goonu, village de Pwipa,

F-93143 BONDY Cédex ' Monts Alantika(Cameroun) .. .