Le Livre Blanc de l’export L’export : un métier stratégique et créatif

Hugo Orchillers En collaboration avec Agnès Durvin Le Livre Blanc de l’export L’export : un métier stratégique et créatif adef • Le Livre Blanc de l’export

TABLE DES MATIÈRES

Présentation de l’association 5

La bonne santé de l’export cinématographique 7

1. Un secteur d’activité essentiel

A Un tissu de sociétés d’excellence 10 Timbuktu : la distribution internationale réussie d’un grand cinéaste africain 12

B Des sociétés diversifiées 16 Intouchables : faire voyager avec succès une comédie en langue française 19

C Un maillon essentiel du financement de la production française et internationale 23 Party Girl : vendre une caméra d’or française à l’international 27

2. Un métier polyvalent et à risques

A Des missions riches et diversifiées 31

i Accompagner la naissance d’un film 31

ii Positionner puis lancer le film 32

iii Faire voyager et faire connaître le film 32

iv Suivre les sorties du film 33 National Gallery : faire circuler l’œuvre d’un maître du documentaire à l’international 36

B Un métier stratégique à risques 40

i De réels risques financiers 40

ii Une « exportabilité » qui reste incertaine 41 Ernest & Célestine : distribuer à l’international un film d’animation français 44

C Un accompagnement indispensable 48

i Un accompagnement européen et français imparfait 48

ii UniFrance : un soutien nécessaire pour les vendeurs internationaux 49

iii Des partenaires fidèles et réguliers : TV5Monde et l’Institut Français 50 The Artist : vendre un film muet en 2011 (et remporter cinq oscars) 52

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TABLE DES MATIÈRES

3. Une activité en évolution permanente

A Un secteur bouleversé 57

i Les mutations des sociétés de ventes internationales 57

ii L’impact de la crise économique 58

iii L’importance des marchés de films 60

iv Le problème endémique du piratage 61 Amour : représenter à l’international un auteur doublement palmé 63

B Quel avenir pour les ventes internationales 67

i Quelle stratégie adopter face aux nouveaux modes de diffusion et aux nouveaux formats ? 67

ii Quels sont les territoires de demain pour les ventes internationales ? 69 Saint Laurent : vendre un film d’auteur sur une icône dans un contexte concurrentiel 72

Vers un dispositif performant pour la promotion et la circulation des films à l’international 76

Ils parlent de nous : des professionnels du cinéma nous parlent des ventes internationales

Alain Vannier, cofondateur de l’ADEF 80 Patrice Leconte, réalisateur 82 Marc Missonnier, producteur 84 Jean-Jacques Annaud, réalisateur 87 Denis Freyd, producteur 90 Céline Sciamma, réalisatrice 92 Philippe Carcassonne, producteur 94 Philippe Muyl, réalisateur 96 Philip Boëffard, producteur 99 Olivier Nakache & Éric Toledano, réalisateurs 102 Nadia Turincev, productrice 105 Michel Hazanavicius, réalisateur 107

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TABLE DES MATIÈRES

Annexe 1 : Les investissements des vendeurs internationaux dans la production française 110

Annexe 2 : Les vendeurs internationaux français, une excellence qui se confirme depuis quinze ans 111

Glossaire 114

Remerciements 116

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PRÉSENTATION DE L’ASSOCIATION

L’ADEF existe depuis 1999. Elle rassemble la quasi-totalité des sociétés de ventes internationales françaises de films de long métrage. Ce collectif de professionnels est l’interlocuteur privilégié des institutions nationales et contribue à faire évoluer les différents aspects de ce métier.

L’ADEF est aujourd’hui composée de 25 membres :

Alfama Films Memento Films International Bac Films International MK2 Celluloid Dreams Pathé International Doc & Film International Premium Films Elle Driver Pyramide International Europacorp SBS Productions Films Distribution SND – Groupe M6 Gaumont Studiocanal Indie Sales TF1 International Kinology Urban Distribution International Le Pacte Versatile Les Films du Losange Wild Bunch Loco Films

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LE BUREAU EXÉCUTIF DE L’ADEF

Présidente Daniela Elstner, Doc & Film International

Vice-présidents et Suppléants Yohann Comte, Gaumont Emilie Georges, Memento Films International François Yon, Films Distribution Carole Baraton, Wild Bunch Agathe Valentin, Pyramide International Charlotte Boucon, SND – Groupe M6

Trésorier Frédéric Corvez, Urban Distribution International

Secrétaire Générale Agnès Durvin

Conseiller spécial Laurent Daniélou, Loco Films

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LA BONNE SANTÉ DE L’EXPORT CINÉMATOGRAPHIQUE

L’année 2015 a d’ores et déjà été exceptionnelle dans les grands festivals pour les vendeurs internationaux français, avec six films primés au dernier Festival de Cannes et un grand chelem historique réalisé par la société Celluloid Dreams : Ours d’Or, Palme d’Or, Lion d’Or. Ce qui souligne, si cela était nécessaire, leur rôle essen- tiel dans l’économie du cinéma français, européen et même mondial.

En termes de fréquentation, le cinéma français ne s’est jamais aussi bien porté à l’international. 2012, année record, avait totalisé 144,1 millions d’entrées, puis 2014, 114,5 millions de spectateurs à l’étranger soit sa deuxième meilleure perfor- mance en vingt ans. La moyenne des entrées au cours des dix dernières années est de 80,5 millions, faisant de la France la deuxième cinématographie mondiale à l’in- ternational après celle des Etats-Unis. Ce qui est frappant, c’est que les films fran- çais s’imposent un peu partout dans le monde, aussi bien en Europe occidentale, qui en est le premier marché, qu’en Asie ou en Amérique du Nord. 2014 fut égale- ment l’année du plus gros succès français à l’international depuis deux décennies, avec le film Lucy de Luc Besson. En attirant plus de 54 millions de personnes dans

ENTRÉES DES FILMS FRANÇAIS À L’ÉTRANGER (MILLIONS)

160

140

120

100

80

60

40

20

0 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

Source : UniFrance – Rapport d’activité 2014 – Juillet 2015

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les salles du monde entier, ce film montre néanmoins que seul un petit nombre de productions tricolores parvient vraiment à s’imposer hors de nos frontières. Au delà de cet exemple particulier, 14 longs métrages ont rassemblé plus d’un million de spectateurs en 2014, et 72 ont totalisé plus de 100 000 entrées soit un niveau bien supérieur à la moyenne de 56 films par an depuis l’an 2000. À noter également qu’au cours de cette année 2014, ce sont près de 550 titres qui ont été programmés dans les salles étrangères, illustrant ainsi la circulation d’une cinématographie des plus diversifiée.

Ces succès, nous les devons pour beaucoup au travail des vendeurs internationaux de films, également dénommés « agents de ventes » en raison d’une traduction litté- rale de la dénomination anglaise de « sales agent ». Ceux-ci peuvent être également qualifiés de « mandataires internationaux », notion qui ne reflète pas complètement la réalité de leurs missions car, même si contractuellement ce sont bien des agents mandatés par les producteurs pour vendre leurs films, en réalité leur rôle est bien plus important puisqu’ils peuvent notamment apporter une part conséquente du finance- ment par leur minimums garantis ou par leurs préventes, et même devenir coproduc- teurs des films. C’est donc en s’imposant peu à peu comme un maillon essentiel du financement de la production cinématographique que ces derniers ont pu affirmer ce changement de position dans l’économie des films en devenant « distributeurs inter- nationaux ». Le terme « exportateur », pourtant très utilisé en France, ne s’est jamais imposé au niveau européen. Nous n’en ferons donc pas usage dans ce Livre Blanc.

Ce Livre Blanc a pour fonction d’expliquer l’importance de ce secteur d’activité dans la chaîne de financement du cinéma en rappelant tout d’abord le savoir-faire et la diversité des sociétés de ventes internationales françaises. Il mettra ensuite l’accent sur la polyvalence des missions et les risques de ce métier qui reste l’un des moins accompagné dans le système français. À partir de l’évocation des bouleversements structurels et conjoncturels qui ont tra- versé, et continuent de traverser, la profession, nous plaiderons pour le renforce- ment des aides à la promotion et la circulation internationales des films, véritable relais de croissance pour le cinéma et plus généralement pour l’économie française.

Des témoignages venant de vendeurs internationaux, de producteurs et de réalisa- teurs, émailleront l’ensemble de nos propos.

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Un secteur d’activité 1 essentiel adef • Le Livre Blanc de l’export

La distribution internationale des films est réalisée par un tissu de sociétés de tailles variables, pouvant aller de la très petite entreprise à la filiale de grands groupes. Quelles qu’elles soient, elles constituent un acteur important du financement de la production française et internationale.

A. Un tissu de sociétés d’excellence

La France est un territoire d’exception pour les ventes internationales. Une trentaine de sociétés de distribution internationale de films dans notre pays font de Paris, en particulier, l’une des places centrales du commerce d’images animées dans le monde.

Par définition, les mandataires internationaux apportent des devises en France, contribuant ainsi à la balance commerciale du pays. Depuis 2004, ce secteur repré- sente un montant annuel moyen de 240 millions d’euros de recettes à l’internatio- nal. Une majeure partie de ces recettes provient des ventes de films français (158 millions d’euros en moyenne sur 10 ans).

Les plus grands auteurs tricolores ainsi que la nouvelle garde du cinéma hexagonal sont d’ailleurs représentés à l’international par des sociétés françaises. On retrouve effectivement, dans leurs line-up, des réalisateurs aussi différents que Jacques Audiard, Luc Besson, Stéphane Brizé, Thomas Cailley, Leos Carax, Raymond Depardon, Arnaud Desplechin, Bruno Dumont, Guillaume Gallienne, Jean-Luc Godard, Mia Hansen-Løve, Abdellatif Kechiche, Maïwenn, Michel Ocelot ou encore Alice Winocour. Mais là où les vendeurs internationaux français se distinguent en général de leurs homologues étrangers, c’est par leur capacité de vendre non seu- lement des œuvres cinématographiques nationales, mais aussi des œuvres étran- gères des plus grands auteurs internationaux. La liste est longue : Woody Allen, Pedro Almodovar, John Boorman, Nuri Bilge Ceylan, Larry Clark, Joel et Ethan Coen, David Cronenberg, Guillermo Del Toro, Xavier Dolan, Asghar Farhadi, Abel Ferrara, Stephen Frears, James Gray, Michael Haneke, Hou Hsiao-Hsien, Jia Zhang-Ke, Naomi Kawase, Abbas Kiarostami, Hirokazu Kore-Eda, Ken Loach, Terrence Malick, Takashi Miike, Nikita Mikhalkov, Hayao Miyazaki, Nanni Moretti, Cristian Mungiu, Jafar Panahi, Roman Polanski, Abderrahmane Sissako, Steven Soderbergh, Paolo Sorrentino, Oliver Stone, Wim Wenders, Nicolas Winding Refn, Wong Kar Wai ou

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encore Andrey Zvyagintsev. Ces grands réalisateurs étrangers ont eu un ou plu- sieurs de leurs films distribués à l’international par des vendeurs internationaux français. De nombreuses récompenses dans les plus grands festivals du monde depuis l’an 2000 ont été remportées par des films représentés par des agents de ventes français : douze Palmes d’Or, neuf Grands Prix et douze Caméras d’Or au Festival de Cannes ainsi que quatre Ours d’Or à Berlin et dix Lions d’Or à Venise. À Cannes, en 2015, plus de la moitié des films sélectionnés dans les différentes catégories – dont les trois-quarts de la Compétition Officielle – étaient vendus à l’international par des sociétés françaises.

L’une des premières missions de ces mandataires internationaux est de découvrir et de promouvoir de nouveaux talents à travers le monde, puis de contribuer à ce qu’ils puissent réaliser d’autres films tout en trouvant leur public à l’interna- tional. Ils doivent également accompagner les auteurs établis dans leurs carrières internationales, en essayant de renouveler autant que possible des collaborations fructueuses. Ils ont ainsi la tâche délicate de créer de la valeur autour du nom d’un auteur en le positionnant de manière pertinente auprès des acheteurs. En ce sens, les vendeurs internationaux sont les véritables promoteurs d’une diversité cinéma- tographique française et internationale.

Ils savent attirer les talents internationaux et concourent ainsi activement à faire de la France une place centrale dans les échanges commerciaux mondiaux de l’indus- trie cinématographique. Plusieurs centaines de personnes travaillent au quotidien sur des missions direc- tement liées à la distribution internationale des films toutes structures confondues. En termes de retombées économiques, et ce n’est pas la moindre, elles sont ainsi créatrices d’emplois sur notre territoire.

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Étude de cas « Timbuktu »

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Timbuktu : l’exportation réussie d’un grand cinéaste africain

Par Camille Neel (Le Pacte) Avril 2015

I. Accompagner la naissance du film II. Suivre la production du film

Lorsque Sylvie Pialat nous a présenté Dès le départ, Abderrahmane avait toute le scénario du nouveau projet d’Ab- notre confiance. Nous avions compris derrahmane Sissako, alors intitulé que le potentiel international du film Tombouctou, nous avons très vite pris venait avant tout du précédent travail la décision de nous engager sur ce du réalisateur et non pas du scéna- film malgré la « faiblesse » du scénario rio où tout était encore à imaginer. Le évoquée par le réalisateur lors des der- tournage du film a eu lieu fin 2013 et le niers César. En effet, les dix-neuf pages projet était alors intitulé Le chagrin des de ce scénario étaient plus proches du oiseaux, Timbuktu étant avant tout le concept que d’un véritable scénario, titre choisi pour l’international mais qui mais nous étions déjà assez familiers du s’est très vite imposé comme le meilleur travail d’Abderrahmane et de sa produc- choix, y compris pour la sortie française. trice, avec laquelle nous avions déjà col- Dès le début, l’objectif que nous nous laboré à de nombreuses reprises, pour étions fixé était de proposer le film au ne pas être trop inquiets sur la qualité Festival de Cannes. Les dates de tour- finale du long métrage. En plus des nage, bien qu’un peu tardives, avaient mandats France et internationaux pour été arrêtées pour que le film soit prêt lesquels nous avions versé un MG, nous dans les temps. sommes également devenus coproduc- teur du film et l’avons accompagné sur Les délais de production étaient très la structure de financement. serrés. Le premier montage inachevé qui nous a été proposé ne compor- Pour notre première collaboration avec tait même pas les inserts de la ville de Abderrahmane Sissako, cinéaste rare Tombouctou qu’Abderrahmane était qui n’avait pas tourné depuis sept ans, encore en train de filmer deux semaines on ne pouvait rêver mieux que cette avant la projection cannoise. expérience ! Par ailleurs, nos relations avec Les Films du Worso sont excel- III. Lancer le film lentes, et nous préparons de nouveaux projets ensemble à la fois pour la distri- Nous avons montré en secret au Festival bution France et pour les ventes inter- de Berlin, aux quelques distributeurs nationales. que nous savions très attachés au projet, trois minutes du film qui illustraient la

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puissance de la narration à travers la la course à la statuette était au cœur magnificence des images. Il s’agissait des discussions car la campagne pour de la scène d’ouverture du film avec gagner l’Oscar du Meilleur film étranger la gazelle et d’une partie de la bagarre commence très en amont. Une fois le entre Kidane et Amadou le pêcheur. deal signé, nous avons inscrit le film au Mais ni le scénario ni ces images là festival de Telluride qui l’a refusé puis n’étaient un véritable outil de prévente au festival de Toronto qui l’a sélectionné pour les distributeurs qui n’étaient pas dans sa catégorie Masters. Une fois familiers du précédent travail d’Abder- de plus, la couverture médiatique fut rahmane dont le dernier film remontait à importante et très positive. La campagne 2006. De même, nous n’avons pas jugé s’est notamment poursuivie au festival pertinent de fabriquer des outils marke- de New York puis de Palm Springs. Au ting pour pré-vendre le film, notamment total, Abderrahmane a voyagé de nom- à Berlin, car cela aurait été inutile. Mais breuses fois aux Etats-Unis pour accom- ce travail confidentiel et secret a quand pagner son film dans les festivals et même permis de faire savoir à ce petit donner de nombreuses conférences et réseau de distributeurs que ce film était masterclass dans les universités jusqu’à vendu par Le Pacte et qu’il avait de la nomination en tant que représentant grandes chances d’aller à Cannes. de la Mauritanie.

Malgré son absence du Palmarès, IV. Suivre les sorties du film Cannes fut le meilleur tremplin de lan- cement pour ce film. La presse dithy- À l’heure actuelle, le film n’est pas rambique et les réactions très positives encore sorti dans tous les territoires où du public ont provoqué une « bidding il a été vendu donc les remontées de war » entre les distributeurs et au final recettes interviendront ultérieurement. le film s’est très bien vendu alors même Le suivi des sorties est bien évidem- qu’il n’y avait eu aucune prévente avant ment nécessaire pour tous nos films et le festival. À Cannes, nous n’avions pas le contrôle des P&A est depuis toujours de promoreel car la bande annonce contractualisé. Travaillant de longue française était amplement suffisante, date avec les distributeurs, ceux-ci et nous n’avons pas eu à faire de comprennent nos exigences et nous nouveaux posters, juste un dossier de soumettent généralement leurs plans de presse en anglais. sorties et même leurs comptes sans que nous ayons à les réclamer. Après Cannes, la question qui s’est très vite posée pour nous et pour Cohen Ce que l’on peut dire pour le moment Media Group, le distributeur américain, pour Timbuktu c’est que tous les dis- concernait la manière de porter le film tributeurs ayant sorti le film sont très jusqu’aux Oscars. Dès les négocia- contents des résultats au box office. tions cannoises avec Charles Cohen, La presse a été très bonne partout, et

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chaque distributeur a su adopter une à chaque fois le jeu des interviews aux stratégie de sortie pertinente pour ce médias avec pour seule exigence celle type de film qui commence bien souvent d’avoir un interprète à ses côtés pour par une sortie limitée dans quelques que ses mots puissent être correctement villes avant de laisser le bouche à oreille traduits dans la langue de ses interlocu- faire le reste du travail. Par exemple, aux teurs. Lors du festival d’Abu Dhabi, il a Etats-Unis, le film est d’abord sorti sur même pris un avion en express pour se cinq-six copies à Los Angeles et à New rendre en Allemagne afin d’aller assu- York, avant de se voir distribuer sur cin- rer pendant quelques heures la pro- quante-cinq copies à travers le pays un motion de son film à Tübingen avant mois plus tard. de revenir ensuite aux Émirats arabes unis… Le marathon promotionnel n’est V. Promouvoir le film à l’international pas terminé à ce jour puisque d’autres déplacements sont encore prévus dans D’expérience, nous n’avons jamais les mois qui vont suivre ses deux prési- vu un réalisateur aussi investi pour dences cannoises, avec notamment une son film, puisqu’Abderrahmane s’est tournée promotionnelle au Japon. montré très disponible et facile à mobi- liser pour l’accompagner à l’interna- tional et ce, sur une année entière. Timbuktu a été programmé par beau- coup de festivals en Europe et en Russie notamment à Moscou, ville dans laquelle Abderrahmane a vécu et étudié le cinéma. Par ailleurs, les pro- jections en Afrique et au Moyen-Orient lui tenaient beaucoup à cœur, notam- ment celle du Fespaco qui a donné lieu une polémique sur sa prétendue déprogrammation. L’incertitude était telle que la veille de la projection, le festival n’avait pas encore envoyé son billet à Abderrahmane pour qu’il vienne présenter la projection pour laquelle il devait apporter lui même le disque dur contenant le fichier DCP du film.

Le film a également été sélectionné dans de nombreux festivals de pré-sor- tie et Abderrahmane s’est déplacé presque partout où il était projeté, jouant

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B. Des sociétés diversifiées

Derrière le terme « vendeur international » se cachent des sociétés bien distinctes dans leurs formes et leurs organisations, permettant ainsi à un producteur de trou- ver celle qui sera la plus adaptée pour chacun de ses films.

Certaines, comme TF1 International, SND – Groupe M6 ou StudioCanal, sont des filiales de diffuseurs télévisés, assez autonomes vis-à-vis de la maison mère mais soumises à de forts objectifs de rentabilité. Contrairement aux idées reçues, dans ce type de sociétés les ressources ne sont pas illimitées. La réduction des dépenses est bien souvent le maître mot. Certes, en cas d’échec éventuel, le groupe pourrait absorber les pertes, mais cela ne serait pas sans conséquence pour les équipes qui travaillent dans ce service et surtout pour les investissements futurs. La pression de la trésorerie est pourtant moins forte que dans une petite structure indépendante, mais ces mandataires internationaux affiliés à des diffu- seurs restent soumis aux mêmes exigences que leurs homologues indépendants. L’international fait partie intégrante de la stratégie d’acquisition de ces groupes dont les capacités financières permettent de financer intégralement d’importants projets français ou internationaux dès lors que les missions de production sont confiées à une société tierce conformément à la législation française qui interdit aux diffuseurs de financer des films en leur nom propre. Ces sociétés peuvent également investir des minimums garantis sur des projets qui n’ont pas vocation à être distribués en France par la structure partenaire ou intégrée au groupe. Ainsi, des films commeLa Famille Bélier ou Babysitting 2, respectivement représen- tés à l’international par SND et TF1 International, sont distribués en France par Mars Distribution et Universal Pictures. Ces agents de ventes peuvent donc être amenés à agir en « pure players », offrant ainsi un guichet supplémentaire aux producteurs.

Parallèlement à ces sociétés affiliées à des diffuseurs, il y a aussi parmi les ven- deurs internationaux des structures intégrées à de grands groupes cinématogra- phiques avec des activités de production, de distribution et d’exploitation tels que Gaumont, Pathé, MK2 (qui a néanmoins cessé son activité de distribution en 2013 pour se recentrer sur l’exploitation et l’international) et enfin EuropaCorp (qui pro- duit et distribue en France l’essentiel des films qu’elle vend à l’international et qui

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a récemment lancé une activité d’exploitation). Outre les projets initiés en interne et ceux co-développés avec des producteurs français ou étrangers, le prestige du groupe est également un avantage pour obtenir d’autres films. Ne prenant que très rarement des mandats internationaux simples, ces groupes deviennent bien souvent coproducteurs puis distributeurs France des films qu’ils représentent à l’international, et participent significativement au montage financier. L’apport global de telles sociétés peut alors permettre aux producteurs de financer leurs films plus confortablement. De plus, ces groupes intégrés présentent de nom- breux avantages pour ce qui touche au marketing. Les équipes en charge de la distribution France peuvent par exemple travailler directement avec les distribu- teurs étrangers du film pour leur inspirer des éléments de promotion déjà validés pour la campagne nationale. Lorsqu’il s’agit de projets qui nécessitent un marke- ting de lancement approfondi, les équipes internationales vont travailler l’image du film très en amont pour mieux le pré-vendre, ce qui permet inversement à l’équipe en charge du marketing national de s’en inspirer.

Chez les agents de ventes indépendants, c’est à dire non affiliés à des diffu- seurs ou à des grands groupes de production et d’exploitation cinématographique, deux catégories coexistent. Il y a tout d’abord les sociétés qui ont également une activité de distribution en France. Bien souvent, ce sont à l’origine des distribu- teurs qui se sont ensuite lancés dans les ventes internationales afin de panacher les risques financiers pris avec leurs investissements et donc de les diminuer. Cette double activité, ventes, distribution, leur permet d’effectuer un travail à long terme homogène avec un véritable engagement par rapport au potentiel du projet dans le monde entier. C’est un véritable atout pour séduire les producteurs et ainsi obtenir le mandat international, surtout lorsqu’il s’agit d’une société de distribution dont la qualité du travail, du line-up ainsi que les bons résultats en France apportent un certain prestige. Ces structures indépendantes présentent aussi un atout purement financier grâce au mandat croisé France – International permettant un apport d’argent plus conséquent et plus immédiat aux produc- teurs. Ceux-ci cherchent avant tout à financer le film et à disposer de minimums garantis toujours plus élevés de la part des distributeurs pour pouvoir débloquer le reste des financements indispensables (télévisions, SOFICA…). Ainsi, pour le producteur, négocier avec un même partenaire l’acquisition simultanée des deux mandats va faciliter la finalisation de son plan de financement. La société qui acquiert les droits de distribution France et internationale va répartir les risques dans l’optique de mieux récupérer son investissement sans pour autant systé- matiquement croiser les deux mandats. Enfin, pour certains types de films, ces sociétés peuvent également devenir coproductrices et renforcer ainsi leur poids global dans le financement du projet. Par ailleurs, à l’image des grosses structures intégrées, le travail effectué initialement sur l’international leur offre l’opportunité de tirer des enseignements, et ce bien avant la sortie en France. En effet, les ache-

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teurs étrangers vont évaluer le film et son potentiel, ce qui révèlera les premières tendances et permettra de mieux anticiper les réactions au moment de la sortie nationale, et donc de bien la préparer.

Enfin, la dernière catégorie est celle qui regroupe les sociétés indépendantes qui n’acquièrent que les mandats internationaux, également dénommées « pure players ». Par définition, ce sont des entreprises dont la seule activité est le négoce de droits de distribution internationale des films. Moins avantagées que les socié- tés qui peuvent distribuer les films sur le territoire national, elles doivent, pour se démarquer, faire preuve en permanence d’une force de proposition envers leurs clients. Les vendeurs internationaux qui travaillent dans ces structures vont sans cesse chercher à obtenir de nouveaux films pour alimenter leur line-up et ne vont investir qu’à partir du moment où ils ont évalué le potentiel international du projet. Ils vont aussi être plus enclins à proposer des films réalisés par des nouveaux talents, et auront la tâche essentielle de les faire émerger à l’international. En cas de réussite, il leur sera néanmoins plus difficile de suivre ces jeunes auteurs qui risquent de se tourner par la suite vers des sociétés ayant la capacité d’offrir une distribution à la fois nationale et internationale. Il faut reconnaître que la tendance générale du secteur ne va pas dans le sens de ces « pure players ». En effet, dans un contexte économique de mutualisation des risques, il est fort probable que ces sociétés soient alors amenées sinon à diversifier leurs activités dans les années à venir pour continuer à exister, ou du moins à nouer des relations privilégiées avec certains distributeurs français et faire ainsi des offres jointes afin d’obtenir les projets les plus ambitieux au même titre que les autres sociétés de ventes internationales. Il existe donc en France une large typologie de sociétés de distribution internationale de films, permettant ainsi à tout producteur de choisir celle qui correspondra au mieux à ses besoins artistiques et/ou financiers.

C’est en s’imposant comme un guichet indispensable dans le financement des films que les agents de ventes ont confirmé leur importance stratégique dans la produc- tion cinématographique française et internationale.

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Étude de cas « Intouchables »

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Intouchables : Faire voyager avec succès une comédie en langue française

Par Yohann Comte (Gaumont) Avril 2015

I. Accompagner la naissance et la pro- confiance. En règle générale, un réa- duction du film lisateur n’est prêt à exposer son film non terminé que s’il fait confiance et Lorsque nous avons reçu le scénario se retrouve en « zone de confort » avec du quatrième film d’Olivier Nakache l’équipe de ventes internationales, en et Eric Toledano, adapté de l’histoire l’occurrence Cécile Gaget et moi-même vraie de Philippe Pozzo di Borgo avec à ce moment-là. Omar Sy confirmé au casting, nous n’avions jamais collaboré ni avec les II. Lancer le film producteurs ni avec les deux réalisa- teurs. Nous étions alors en concurrence Dans un premier temps, nous avons avec d’autres groupes et avons dû les fait réaliser la version anglaise du scé- convaincre de travailler pour la première nario par un traducteur spécialisé fois avec Gaumont. dans les comédies et avons collaboré avec les réalisateurs afin d’adapter au Nos estimations étaient assez hautes, mieux les nombreuses blagues du film. de l’ordre d’un million d’euros, à une C’est ainsi par exemple que la réplique période où les comédies françaises ne « Viens ici Patrick Juvet » est devenue se vendaient pas du tout à l’internatio- « Come here Blondy » dans le scénario nal. Nous avons également évalué le anglais. Nous avons ensuite envoyé ce potentiel France du film ce qui a permis scénario aux acheteurs avec qui nous à Gaumont de faire une offre globale travaillons systématiquement et avons suffisamment agressive pour «rem- sécurisé plusieurs préventes sur scé- porter » le film. Nous sommes donc nario, notamment l’Italie à Medusa et devenus à la fois coproducteurs et dis- le Benelux. En partant de ce travail sur tributeurs du film aussi bien en France le scénario anglais nous avons créé un qu’à l’international. guide d’adaptation pour les distribu- teurs. Si l’on reprend l’exemple de la Nous nous sommes ensuite rendus sur vanne sur Patrick Juvet, nous avons le tournage, avons vu plusieurs versions expliqué qui était cette personnalité en du montage du film et avons développé France afin que le distributeur puisse une relation privilégiée et même ami- trouver un has-been local. Nous devons cale, avec trois producteurs et deux admettre que « Pas de bras pas de cho- réalisateurs rares qui ont su nous faire colat » ne fut pas facile à expliquer…

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Par ailleurs nous avons fait appel à Israël. D’une manière générale, il y a eu une agence londonienne, Creative très peu de bidding wars mais plutôt Partnership, pour concevoir une pré-af- quelques rares distributeurs totalement fiche internationale que nous avons sous le charme. dévoilée à Cannes en même temps que le promoreel. Cette affiche, contrai- La principale confrontation entre deux rement à l’affiche française, montrait distributeurs fut celle qui opposa The clairement Omar Sy poussant François Weinstein Company et Summit pour Cluzet dans son fauteuil roulant. Elle a les droits américains. Les deux tenaient été reprise par la majorité des distribu- à voir le film avant de confirmer une teurs pour lesquels les deux visages de éventuelle offre. Nous avons refusé de ces acteurs ne suffisaient pas à vendre leur envoyer un DCP afin de tester leur le film sur leurs territoires. réelle motivation et ils ont chacun fait le déplacement à Paris fin août alors que Puis le gros pari a été de créer un pro- nous attendions une réponse du Festival moreel de neuf minutes pour Cannes, de Toronto. En faisant en sorte qu’ils se ce qui, de mémoire d’acheteur, n’avait croisent au moment de leurs projections jamais encore été fait pour une comédie respectives qui se suivaient le même française. Nous avons énormément tra- jour, nous avons réussi à déclencher vaillé sur ce promoreel : du brief initial à une bidding war qui s’est terminée tard l’écriture des cartons (textes filmés) en dans la nuit par un deal conclu dans passant par le choix du montage et celui des conditions mémorables et dont le de la musique, le tout en collaboration montant est encore à ce jour le plus avec les producteurs et les réalisateurs. gros minimum garanti jamais payé pour Nous sommes allés jusqu’à faire enre- un film en langue française. Un deal gistrer une post synchro d’Omar Sy sur incluant tous les territoires anglophones, le téléphone d’un des deux réalisateurs car aucun distributeur australien ou car nous avions besoin de cette phrase anglais n’avait fait d’offre sur la base du particulière pour ce promoreel. Nous seul promoreel, et excluant les droits de avons validé nous-mêmes le mixage afin remake. d’être certains d’en obtenir un qui soit adapté à la prospection internationale, III. Promouvoir le film à l’international c’est-à-dire avec des voix sous-mixées par rapport aux musiques et aux effets Une fois le deal américain signé, nous car les acheteurs étrangers ne com- avons soumis le film aux festivals de prennent généralement pas tout ce qui Toronto, Venise et San Sebastián. Après se dit lorsqu’ils ne parlent pas couram- un premier refus de Venise et en l’ab- ment français. Grâce à ce promoreel sence de confirmation de Toronto, nous nous avons pu vendre le film dans de avons retiré le film et décidé d’une pre- nombreux pays comme l’Allemagne, mière internationale à San Sebastián, l’Espagne, la Suisse, la Grèce ou encore festival qui était totalement tombé

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amoureux du film et qui nous a immé- renouvelée. Ils sont mêmes allés quatre diatement proposé de le projeter en clô- fois en Espagne, pour San Sebastián ture. d’abord, puis pour la sortie salles, la sortie vidéo et enfin pour les prix Goya ! Le Japon étant un territoire compliqué Les acteurs avaient quant à eux des dès qu’on parle comédie, nous avons en plannings de tournage chargés mais parallèle décidé de soumettre le film au ils se sont rendus disponibles et ont festival de Tokyo afin que les distributeurs accompagné le film à chaque fois qu’ils japonais puissent le découvrir avec des le pouvaient. C’est aussi grâce à cette sous-titres. La « market premiere » a eu implication des comédiens et des réa- lieu à l’AFM au moment même où le film lisateurs que le film a pu surperformer sortait en France. C’est à Los Angeles par rapport à d’autres qui ne sont pas que nous avons signé le contrat avec défendus à l’international par les talents le distributeur japonais (Intouchables qui y ont contribué. venait tout juste de remporter le grand prix à Tokyo quelques jours aupara- vant) et nous avons pu vendre le film en Corée du Sud, en Amérique Latine ainsi qu’en Europe de l’Est. Au final, le mon- tant total des ventes réalisées dépassait très largement nos prévisions initiales. Précisons que même si Intouchables reste encore à ce jour le film en langue française qui a fait le plus d’entrées à l’international, nous n’avons pas fourni d’efforts supplémentaires pour suivre sa carrière internationale par rapport à ce que nous faisons de manière générale sur tous nos films. Tous les P&A ont été validés avant la sortie, tous les box office suivis de semaine en semaine et les décomptes traqués comme à notre habitude par deux personnes qui y sont spécifiquement dédiées.

Enfin, l’exceptionnelle carrière du film à l’international s’explique aussi en partie par le fait que nous avons eu la chance de travailler avec des réalisateurs qui ont accepté de voyager partout dans le monde avec une énergie sans cesse

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C. Un maillon essentiel du financement de la production française et internationale

Alors qu’il y a quelques années, les producteurs français parvenaient à financer leurs films grâce aux guichets traditionnels (distributeurs, télévisions, vidéo…), les ventes internationales sont progressivement devenues un guichet indispensable dans l’économie du cinéma. Ainsi, depuis 2008, l’investissement moyen des agents de ventes est de l’ordre de 100 millions d’euros, soit 10% du volume global de la production cinématographique nationale, faisant ainsi du secteur le premier contributeur hors diffuseurs du financement du cinéma français. Le mandat étran- ger est donc désormais une nécessité dans les plans de financement des produc- tions françaises.

C’est aussi grâce au travail des mandataires internationaux que le cinéma français s’impose partout dans le monde, et se place dans bien des pays en troisième posi- tion après le cinéma américain et national. La culture française véhiculée à travers nos films contribue indirectement à l’essor économique de notre pays. L’impact est double : les spectateurs étrangers qui regardent nos films ont envie de consommer français dans leurs pays. Par ailleurs, l’image de la France proposée par son cinéma donne envie aux spectateurs du monde entier de venir en touristes dans le pays pour y retrouver les villes, monuments ou encore paysages découverts dans les films. En 2004, l’étude de l’IFOP, réalisée à l’initiative de l’ADEF en collaboration avec UniFrance Films, intitulée « Impact du cinéma français à l’étranger » a révélé que 80% des touristes spectateurs de films français dans leur pays (soit environ six touristes étrangers sur dix lorsque l’on tient compte de ceux qui ne regardent pas encore nos films) ont déclaré que ces longs métrages leur avaient donné envie de venir en France d’où de non-négligeables retombées économiques.

Par ailleurs, cette capacité unique de représenter les œuvres des grands auteurs internationaux, associée à une forte volonté politique du CNC, qui soutient depuis toujours les co-productions internationales, attire la production mondiale. En investissant des montants parfois très conséquents, les vendeurs français par- ticipent pleinement au financement de la cinématographie mondiale. La France reste un territoire exceptionnel et concurrentiel pour financer ces productions, et sans elle, nombre de films ne pourraient finalement être produits et réalisés dans le monde.

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LE VENDEUR INTERNATIONAL, PREMIER CONTRIBUTEUR HORS DIFFUSEURS DU FINANCEMENT DU CINÉMA FRANÇAIS

Moyenne 2008 – 2014 des investissements annuels dans le financement de la production cinématographique française (M€) :

160250

20080

15060

10040

2050

0

SOFICA

Mandats vidéo Mandats étrangersMandats Groupés Mandats Salle France

Préachats des chaînes payantes

Soutien automatique producteurs Investissements des chaînes en clair Avance sur recettes avant réalisation

Aides publiques des collectivités territoriales

Source : CNC – La production cinématographique en 2014 – Mars 2015

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LE FINANCEMENT DES FILMS D’INITIATIVE FRANÇAISE EN 2013

mandats groupés ne pouvant être dissociés 9% MG des distributeurs français 1% MG des éditeurs vidéo français 1% mandats étrangers 13% investissements étrangers divers 9% apport des producteurs français 29%

apports des SOFICA 3% préachat des chaînes de TV soutien automatique du CNC 24% 3% aides sélectives du CNC 3% aides régionales 2% apports en coprod. des chaînes de TV 3%

Source : CNC – La production cinématographique en 2014 – Mars 2015

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En s’imposant comme un guichet national et international pour financer la production cinématographique, l’export est devenu aussi bien essentiel que stratégique pour les producteurs et les réalisateurs. Il s’agit dès lors de mieux appréhender le métier de vendeur international à travers la grande variété des missions qui rythment son quotidien ainsi que les difficultés que peuvent rencon- trer ceux qui l’exercent.

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«UN DRAMA QUE SE MANTIENE LIBRE, «ĦĒ ĦCĒGĦ  Ħ Ħ  Ē» Ħ ĦĦ Ħ ĒĒ ï» El Mundo Screen international

CÁMARA DE ORO FESTIVAL DE CANNES

UN CERTAIN REGARD PRIX ENSEMBLE

UN FILM DE MARIE AMACHOUKELI CLAIRE BURGER SAMUEL THEIS

Ħ  Ħ|  ħž ħ BASADO EN UNA IDEA ORIGINAL DE SAMUEL THEIS

UNA PELÍCULA ESCRITA Y DIRIGDA POR MARIE AMACHOUKELI CLAIRE BURGER SAMUEL THEIS CON ANGÉLIQUE LITZENBURGER JOSEPH BOUR MARIO THEIS SAMUEL THEIS SÉVERINE LITZENBURGER CYNTHIA LITZENBURGER MÚSICA ORIGINAL NICOLAS WEIL SYLVAIN OHREL ALEXANDRE LIER DIRECTOR DE FOTOGRAFÍA JULIEN POUPARD MONTAJE FRÉDÉRIC BAILLEHAICHE SONIDO MATHIEU VILLIEN PIERRE BARIAUD MÉLISSA PETITJEAN DECORADOS NICOLAS MIGOT VESTUARIO LAURENCE FORGUE LOCKHART 1E AYUDANTE DE DIRECCIÓN ANTOINE CHEVROLLIER REGIDOR GENERAL DIDIER ABOT DIRECTORA DE PRODUCCIÓN CLAIRE TRINQUET DIRECTORA DE POSTPRODUCCIÓN PAULINE GILBERT PRODUCIDA POR MARIE MASMONTEIL DENIS CAROT UNA PRODUCCIÓN ELZÉVIR FILMS CON LA PARTICIPACIÓN DE CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE Y DE CANAL+ EN ASOCIACIÓN CON SOFICINEMA 10 CON EL APOYO DE LA RÉGION LORRAINE Y DE LA COMMUNAUTÉ URBAINE DE STRASBOURG EN COLABORACIÓN CON CNC

AFFICHE © PIERRE COLLIER 2014. PYRAMIDE AFFICHE © PIERRE COLLIER 2014. ZZZNDUPDÀOPVHV K films

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party girl

ZURODFKJïöZQ\FK $QJÓOLTXH/LW]HQEXUJHU-RVHSK%RXU UHĝ\VHULD 0DULH$PDFKRXNHOL&ODLUH%XUJHU6DPXHO7KHLV D’APRÈS UNE IDÉE ORIGINALE DE SAMUEL THEIS UN FILM ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR MARIE AMACHOUKELI CLAIRE BURGER SAMUEL THEIS AVEC ANGÉLIQUE LITZENBURGER JOSEPH BOUR MARIO THEIS SAMUEL THEIS SÉVERINE LITZENBURGER CYNTHIA LITZENBURGER MUSIQUE ORIGINALE NICOLAS WEIL SYLVAIN OHREL ALEXANDRE LIER DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE JULIEN POUPARD MONTAGE FRÉDÉRIC BAILLEHAICHE SON MATHIEU VILLIEN PIERRE BARIAUD MÉLISSA PETITJEAN DÉCORS NICOLAS MIGOT COSTUMES LAURENCE FORGUE LOCKHART 1E ASSISTANT RÉALISATEUR ANTOINE CHEVROLLIER RÉGISSEUR GÉNÉRAL DIDIER ABOT DIRECTRICE DE PRODUCTION CLAIRE TRINQUET DIRECTRICE DE POST-PRODUCTION PAULINE GILBERT PRODUIT PAR MARIE MASMONTEIL DENIS CAROT UNE PRODUCTION ELZÉVIR FILMS AVEC LA PARTICIPATION DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE ET DE CANAL+ EN ASSOCIATION AVEC SOFICINEMA 10 AVEC LE SOUTIEN DE LA RÉGION LORRAINE ET DE LA COMMUNAUTÉ URBAINE DE STRASBOURG EN PARTENARIAT AVEC LE CNC DISTRIBUTION - VENTES INTERNATIONALES - ÉDITION VIDÉO PYRAMIDE

Étude de cas « Party Girl »

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Party Girl : vendre une caméra d’or française à l’international

Par Eric Lagesse (Pyramide International) Avril 2015

I. Accompagner la naissance du film nario dont je lis parfois cinq versions différentes, à la fin du montage, nous J’avais beaucoup aimé le court-métrage intervenons, proposons des coupes, des de Marie Amachoukeli et Claire Burger, ajustements, revoyons le film deux, trois C’est gratuit pour les filles et j’ai long- parfois quatre fois… jusqu’à son abou- temps gardé dans un coin de ma tête tissement. l’idée d’être sur leur premier long-mé- trage. Il se trouve que ma directrice de la Concernant Party Girl, je n’ai pas vrai- distribution, Roxane Arnold, connaissait ment eu à donner mon sentiment sur bien Marie et Claire via ses études à la « l’exportabilité » du projet. On ne peut Fémis, et que nous avions aussi de très pas dire que sur le papier, cette fiction bonnes relations avec les producteurs sur Angélique, personnage réel d’entraî- d’Elzévir, Marie Masmonteil et Denis neuse de cabaret qui « rejoue » sa vie en Carot, avec qui nous avions déjà colla- français et en dialecte lorrain le temps boré dans le passé. C’est donc logique- d’un film soit très attrayant à l’interna- ment qu’ils sont venus nous proposer le tional. De plus, c’était un premier film à film sur scénario. Nous avons adoré le petit budget de trois jeunes réalisateurs projet et j’ai découvert Forbach, qui est inconnus et avec des acteurs non pro- un peu le court fondateur de Party Girl fessionnels donc a priori tout le contraire auquel s’est adjoint le troisième réalisa- de ce qui peut fonctionner dans les teur du film Samuel Theis. salles étrangères !

Nous avons versé un MG pour la distri- Mais si l’on est toujours trop raison- bution France mais le film a également nable, on ne peut pas être amené à suscité l’engouement d’une SOFICA qui vivre des miracles comme celui que l’on est entrée dans le film à une hauteur a vécu sur ce film. Dans ce contexte, plutôt conséquente pour un premier film nous n’avons eu aucune stratégie de et a financé le MG étranger. prévente sur Party Girl car ce n’était tout simplement pas un projet que l’on II. Suivre la production du film pouvait pré-vendre. Nous avons donc pris la décision de ne pas engager de Mon rôle en tant que mandataire inter- dépenses importantes pour le mettre national est quasiment le même pour en avant sur les marchés tant qu’il n’y chaque film sur lequel je m’engage en serait pas montré, et avons renoncé à amont : je donne mon avis sur le scé- faire fabriquer un promoreel.

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III. Lancer le film vendus même si, à l’heure actuelle, plusieurs territoires ne l’ont pas encore Notre stratégie marketing s’est très vite sorti. En ce sens, il n’y aura probable- calée sur les festivals. À peine terminé, ment pas de remontées de recettes sur le film a été montré aux différentes ce film mais il est encore trop tôt pour sélections cannoises. La Semaine de la en parler. Critique a immédiatement répliqué en invitant le film puis en nous confirmant V. Promouvoir le film à l’international quelques jours plus tard l’Ouverture. Entre-temps, l’Officiel avait aussi adoré Dans le cas de Party Girl, nous avions le film et s’était positionné. Les enchères affaire à trois réalisateurs ultra-motivés. sont montées toutes seules et l’Officiel Ils voulaient aller partout où ils pouvaient a fini par nous confirmer très rapide- défendre leur film. Il fut plus difficile de ment l’Ouverture d’Un Certain Regard. les convaincre de se répartir entre diffé- Les dés étaient jetés, le buzz a démarré, rents déplacements, les distributeurs et l’information a été communiquée avant festivals ne pouvant pas toujours payer la Conférence de presse (premier film plusieurs billets et chambres d’hôtel. atypique) et il était évident que tous les acheteurs iraient voir le film à Cannes En toute logique, Angélique, l’actrice en priorité. Après cet effet d’annonce, principale du film qui joue son propre les outils marketing que nous avons mis rôle, était souvent invitée en priorité en place étaient tout ce qu’il y a de plus avec son fils, le réalisateur Samuel classiques : une affiche plutôt gaie, un Theis, car elle a, dans la vie, le charisme trailer qui préfigurait la bande-annonce qu’elle dégage dans le film. Samuel et française, pour un film qui roulait sur Angélique ont donc beaucoup bougé des rails ! mais les deux réalisatrices ont aussi fait énormément de déplacements pour Au final, le buzz s’est révélé fondé car le accompagner leur film à l’international. film a remporté la Caméra d’or.

IV. Suivre les sorties du film

Nous suivons toujours de près les pre- miers chiffres dans chaque territoire pour avoir une idée de si le film marche fort ou pas. Nous savons donc quel territoire surveiller de près ou de plus loin. Malgré une très bonne carrière dans les salles françaises (près de 200 000 entrées), Party Girl n’a pas été le succès attendu dans les territoires

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Un métier stratégique 2 à risques adef • Le Livre Blanc de l’export

La distribution internationale des films est une activité polyvalente aux missions très riches et variées. Le secteur reste néanmoins difficile, risqué et insuffisamment accompagné malgré le solide appui d’UniFrance.

A. Des missions riches et diversifiées

Tenant à la fois de l’art et du commerce, le métier de vendeur international est sans doute le moins bien connu et compris de la chaîne de valeur du cinéma. Pourtant, ceux qui l’exercent disposent d’un vrai savoir-faire au service des films qu’ils repré- sentent et accompagnent depuis le stade de projet jusqu’à plusieurs années après leurs sorties.

I. Accompagner la naissance d’un film

Grâce à la richesse culturelle et cinéphilique qu’offre la France, l’agent de ventes est généralement un passionné du septième art. Il attache une importance particulière aux qualités cinématographiques de l’œuvre et pas seulement à l’acte commercial de vente. L’étape des acquisitions est l’une des plus stratégique tout autant que personnelle. Il va falloir consacrer beaucoup de temps et d’énergie à identifier le projet et porter sur lui non seulement un jugement critique mais aussi mesurer son adaptation à la structure de ventes.

Impliqué bien souvent très en amont dans le développement du projet, le manda- taire international est aux côtés du réalisateur et de son producteur au cours des différentes étapes de la fabrication du film. À partir du moment où son investis- sement contribue à financer une partie de la production, son avis est davantage susceptible d’être pris en considération. De manière générale, le vendeur interna- tional, qui entretient de bonnes relations avec producteurs et réalisateurs, peut être consulté pour donner un avis extérieur quant aux qualités internationales du projet. En apportant conseils et expertise sur « l’exportabilité » du film et l’optimisation de sa carrière mondiale, il s’inscrit directement dans son ADN.

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II. Positionner puis lancer le film

Parallèlement à cette implication dans la production, l’agent de ventes doit lancer le film et le promouvoir à l’international. Son objectif est de faire circuler les œuvres à travers le monde afin de toucher un public le plus large possible. Il doit connaître les aspects économiques, culturels, politiques et sociaux des différents pays. Chacun est unique, c’est pourquoi il est essentiel de comprendre parfaitement les spécifici- tés du secteur cinématographique local avant de se livrer à la phase commerciale : la négociation des droits d’exploitation. Mandaté par les producteurs, le vendeur international a pour principale mission de trouver des acheteurs pour les films qu’il représente en échange d’une commission prise sur chaque vente effectuée. Plusieurs mois avant leurs sorties dans les salles, ces films sont commercialisés au rythme annuel des différents marchés. De janvier à décembre se succèdent pas moins de cinq marchés majeurs : Rendez-vous d’UniFrance à Paris, Marchés de Berlin, Cannes, Toronto ou encore American Film Market à Los Angeles. De nombreux autres se révèlent souvent indispensables pour trouver des distributeurs aux quatre coins du monde. Lors de ces rendez-vous annuels, le mandataire inter- national vendra soit un film terminé à l’issue d’une projection, soit pré-vendra un projet en cours de production voire pas encore tourné. Il s’appuiera sur différents outils marketing qui lui permettront de positionner le film et ainsi de faciliter le travail du distributeur (scénario, photos, pré-affiche, promoreel). Plus qu’un simple commercial, il recherche avant tout le client le mieux adapté à chacun de ses films, celui qui sera capable de les amener vers le succès, et doit pour cela bien connaître les différents acteurs qui opèrent sur chacun des territoires. Il peut par exemple privilégier une offre moins importante de la part d’un distributeur qu’il juge mieux à même d’effectuer un travail efficace sur un film. Son idéal reste néanmoins de vendre ses films au prix juste pour ne pas perturber durablement le marché, tout en créant de la valeur autour de ses longs métrages et en les amenant vers un public toujours plus large.

III. Faire voyager et faire connaître le film

Par ailleurs, il est indispensable que les films d’auteur représentés par les agents de ventes soient présents dans chaque grand festival international. Il s’agit de mener une stratégie pertinente pour s’inscrire dans le cadre de première projection mon- diale qui corresponde au profil du film. Faire exister ces longs métrages à travers ces différents évènements mondiaux est une tâche compliquée mais essentielle. En effet, ce travail très spécifique d’inscription, d’organisation (préparation du marke- ting, envoi du matériel, déplacement des équipes, collaboration avec les attachés de presse, etc.), et de relation avec les festivals – pour ne pas dire de négociation – est indispensable. La grande qualité de ces évènements déterminera la trajectoire

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des films sélectionnés. Après une première dans un événement prestigieux, le film continuera sa carrière festivalière à travers le monde. Ce tissu organisationnel, sou- vent assuré tout au long de l’année par des membres de l’équipe dédiés à temps plein, est essentiel pour la carrière des films. Les festivals sont donc des parte- naires privilégiés et indispensables pour les sociétés de distribution internationale. Précisons également que ces festivals peuvent être une source de revenus supplé- mentaires pour les mandataires internationaux qui négocient généralement des frais de projection pour leurs films.

Le vendeur international doit aussi assurer le lien entre les équipes artistiques et les distributeurs étrangers. En effet, afin d’augmenter les chances de succès d’un film français à l’étranger face aux productions américaines et locales, il est primordial de le faire exister dans les médias. Pour cela les réalisateurs et les comédiens sont les meilleurs ambassadeurs. Les réalisateurs répondent presque toujours présents lorsque les agents de ventes les sollicitent pour défendre leurs films à travers le monde. En revanche, il reste assez difficile de demander aux comédiens de voya- ger avec les films à l’étranger tant le calendrier des sorties internationales, trop souvent décalé par rapport à la période de promotion en France, leur pose de vrais problèmes de disponibilité. Cette difficulté, préjudiciable pour la carrière du film, donne lieu à des négociations quotidiennes entre les mandataires internationaux, les artistes, et/ou leurs agents, pour chercher à les convaincre. Il paraît plus facile de mobiliser une star hollywoodienne, habituée des obligations contractuelles de tournée internationale, qu’un artiste français. À l’initiative d’UniFrance, producteurs, vendeurs internationaux et agents cherchent ensemble actuellement comment pal- lier au mieux cette difficulté.

L’une des pistes pourrait être, comme à Hollywood, de contractualiser la présence des comédiens à l’international en prévoyant une clause dans leurs contrats qui impo- serait qu’une partie de leur rémunération soit liée à cette tournée promotionnelle. Par ailleurs, coordonner les sorties dans le monde comme le font les Américains permettrait de bloquer une période promotionnelle afin que l’ensemble de l’équipe du film puisse assurer cette tournée internationale. La France a besoin de talents reconnus mondialement pour véhiculer son prestige et son image. Et parallèlement, les comédiens français doivent être reconnus à travers le monde pour accéder aux productions internationales. Il est donc souhaitable que l’ensemble des profession- nels du cinéma dessine rapidement des solutions efficaces.

IV. Suivre les sorties du film

Une fois le film accompagné sur le marché mondial, le vendeur international doit également assurer au quotidien le « service après vente » auprès de ses clients,

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les distributeurs. En effet, une fois qu’un accord a été trouvé, il s’agit ensuite de contractualiser les droits négociés et de valider légalement cette entente. Il peut alors s’écouler plus d’un an entre l’accord informel initial et la signature définitive du contrat. La multiplication des médias et des modes de diffusion oblige les mandataires internationaux à faire appel à une expertise juridique externe très coûteuse. Cette collaboration est devenue une nécessité pour répondre au mieux aux exigences de plus en plus complexes des distributeurs étrangers et préserver les intérêts des producteurs.

Une fois le contrat signé, il faut s’assurer que les distributeurs respectent bien toutes les clauses et honorent ainsi leurs engagements financiers et les conditions de sortie des films. Cette étape exige de nombreuses relances chronophages. Puis, le maté- riel peut enfin être livré. Ce service proposé par les agents de ventes à leurs clients, souvent réalisé en interne par des personnes dont c’est l’unique mission tant cette activité demande une attention particulière et une grande réactivité, représente un coût important pour les entreprises. C’est pourquoi certaines ont choisi d’externa- liser ces services ou de réfléchir ensemble à des solutions de mutualisation et de partage des coûts. En général, le distributeur prend livraison du matériel lorsqu’il a défini une stratégie de sortie précise pour le film. Rappelons à ce propos que ce dernier a le plus souvent une obligation contractuelle de faire valider au préalable par le mandataire international son plan de sortie et la conformité de ses outils promotionnels (affiche, bande annonce, etc.) aux conditions juridiques imposées par le producteur. De même, les frais de sortie doivent eux aussi être approuvés en amont car ils seront opposés par la suite à la remontée de recettes générées sur le territoire concerné. Cette étape mobilise évidemment l’attention du vendeur international car le montant de ces dépenses de sortie va à la fois impacter directement les revenus futurs et influencer la notoriété du film sur tel territoire. Après la sortie, il faut également suivre avec vigilance le box office qui permet- tra de calculer la part des recettes devant être reversée aux ayants droit à l’issue de l’exploitation en salles. Cette opération de suivi se répète à chaque fois qu’un nouveau média, vidéo, VOD, télévision, est exploité sur un territoire. Cette phase de décompte constitue la dernière pour l’agent de ventes qui collecte les recettes étrangères et les redistribue aux producteurs en fonction des conditions négociées au moment de la cession du mandat international. Parallèlement à ces missions directement liées à la vie d’un film à l’étranger, le mandataire international assure également un rôle de coordinateur auprès des distributeurs pour les aides sélectives européennes (Europe Créative, anciennement programme MEDIA).

Le métier de distributeur international est donc un travail de négociation et de per- suasion qui exige aussi une grande polyvalence, appelant des compétences et des

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domaines d’expertise aussi variés que financiers, juridiques, géopolitiques, artis- tiques… Chaque film étant un prototype, son succès reste incertain, et par conséquence la remontée de recettes et la couverture des ressources financières mobilisées demeurent tout aussi incertaines.

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Étude de cas « National Gallery »

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National Gallery : faire circuler l’œuvre d’un maître du documentaire à l’international

Par Alice Damiani (Doc & Film International) Avril 2015

I. Accompagner la naissance du film expertise du marché international. La durée du film (près de trois heures) aurait Nous travaillons avec Frederick a priori pu nous refroidir car nous savons Wiseman depuis La Danse, le ballet de que le marché est de plus en plus difficile L’Opéra de Paris, et avons depuis récu- pour des films de cette longueur. Mais la péré les droits de tout son catalogue. grande leçon de mise en scène, l’immer- Notre collaboration avec le réalisateur sion culturelle dans cette institution et la américain, sa société de production multitude d’informations apportées ont Zipporah Films, ainsi que son copro- fini de nous convaincre de l’engouement ducteur français Idéale Audience est que le film allait susciter à l’international. donc bien ancrée, ce qui nous permet d’annoncer bien en amont ses projets III. Lancer le film en développement. Pour ce film, nous avons investi un MG car nous étions Comme évoqué précédemment, le nom confiants dans son potentiel, en raison de Frederick Wiseman et l’engouement de la renommée de la National Gallery autour de l’Art de manière générale de Londres, de l’importance du nom de nous ont permis de pré-vendre National Wiseman dans le cinéma documentaire, Gallery au moment de son tournage mais aussi de l’intérêt général présent soit près d’un an avant que le film soit autour des documentaires sur l’Art terminé. Nous avons profité du marché depuis quelques années. cannois de 2013 pour parler du projet à quelques distributeurs bien choisis, II. Suivre la production du film en priorité ceux qui avaient sorti La Danse et avec qui nous avions une rela- Dès le début, nos relations avec le pro- tion de confiance. Le précédent succès ducteur ont été très constructives et nous de ce film sur l’Opéra de Paris nous a nous sommes sentis pleinement intégrés donc servi de base pour notre travail au projet. Frederick Wiseman est plutôt sur National Gallery. Nous avons plutôt indépendant dans sa manière de tourner choisi de rester dans la confidence, en et de travailler, mais nous avons pu assis- faisant des choix bien précis de par- ter au premier montage du film et donner tenaires capables de travailler sur ce notre avis en tant que vendeur interna- type de documentaire, et tout cela en tional ce qui nous a permis d’échanger concertation avec Frederick Wiseman et avec le réalisateur en apportant notre les producteurs.

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La renommée du réalisateur nous a droits du film, les différentes affiches, permis de susciter l’intérêt de nombreux revues de presse et éléments relatifs à festivals à travers le monde, y compris l’actualité de National Gallery. Les diffé- celui de Cannes. Malgré la faible pro- rentes sorties internationales étant assez portion de documentaires présentés regroupées dans le temps, chaque dis- de manière générale chaque année, la tributeur a pu bénéficier des retours et Quinzaine des Réalisateurs – qui avait des premiers échos de ses homologues déjà sélectionné son filmBoxing Gym en étrangers ce qui a permis non seule- 2011 – s’est montrée intéressée. Nous ment de tous les mettre en relation en avons appris relativement tôt que le film créant une motivation de groupe, mais y était sélectionné ce qui nous a permis aussi de les impliquer dans le partage de préparer en amont les éléments de des informations. De manière générale, communication papier, la campagne sur ces derniers ont beaucoup mis à contri- les réseaux sociaux etc. bution les différents milieux artistiques (musées, galeries, littérature, etc.) mais Par la suite, nous avons privilégié les fes- la cible était plutôt un public de tout âge tivals de catégorie A pour chaque terri- et non pas uniquement les passionnés toire où le film n’était pas encore vendu. de peinture. La présentation à Cannes et la belle carrière en festivals qui a suivi, avec Il était très important pour nous et pour notamment Toronto et Busan, nous ont Frederick Wiseman de suivre les plans permis de poursuivre les ventes du film de sortie et de valider les différents élé- dans de nombreux territoires, y compris ments de communication. Ce travail dans certains pays où aucun film de de « groupe » a permis d’avoir accès Frederick Wiseman n’était jamais sorti, à plus d’informations, de suivre plus comme l’Italie par exemple. facilement les sorties bien que tous les distributeurs ne soient pas encore très IV. Suivre les sorties du film réactifs lorsqu’il s’agit des remontées de recettes. Le succès au Japon ou en Une fois le film terminé, nous avons Allemagne a été également déclencheur préparé des newsletters pour nos dis- de nouvelles ventes. Précisons enfin tributeurs afin de leur décrire l’accom- qu’à l’heure actuelle, le film n’est pas pagnement que nous allions mettre en encore sorti dans tous les territoires sur place, leur faire partager les stratégies lesquels il a été vendu. de sortie dans les différents pays et les informer des sélections en festivals. La V. Promouvoir le film à l’international sortie française du film et la préparation marketing ont également été un très Frederick Wiseman a été très présent bon support. Nous avons aussi partagé, dès le Festival de Cannes pour la pro- via un groupe Facebook qui rassem- motion de son film. Il a répondu à énor- blait les distributeurs ayant acheté les mément d’interviews, ce qui a permis

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d’avoir une belle exposition médiatique. Gallery pour organiser des rétrospec- Sa renommée et son expertise dans le tives de certains de ses films. Comme documentaire ont incité beaucoup de il était très impliqué dans la distribution distributeurs à organiser sur leurs ter- du film aux Etats-Unis et préparait éga- ritoires non seulement des débats mais lement le tournage de son prochain film, aussi des Masterclasses à l’occasion il n’a pas pu se déplacer partout où il de projections spéciales et d’avant-pre- était invité mais dans ce cas répondait mières. Certains distributeurs ont éga- aux différentes interviews par téléphone lement profité de la sortie deNational ou par Skype.

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B. Un métier stratégique à risques

Le métier de vendeur international comporte de vrais risques financiers liés notam- ment au caractère incertain de « l’exportabilité » des films. Un succès est autant imprévisible qu’un échec. Ainsi, la prise de risque est donc une caractéristique de ce métier.

I. De réels risques financiers

Pour être en mesure de proposer aux acheteurs étrangers des films de qualité, l’agent de ventes doit au préalable en obtenir les mandats internationaux et donc entrer en concurrence directe avec ses homologues sur le marché. Chaque société intéressée par un projet va définir un montant de MG qui lui semble le plus pertinent et le proposer aux producteurs qui auront ensuite la liberté de choisir le plus offrant. Pour autant, deux tendances se dégagent. Tout d’abord, le marché est aujourd’hui assez mature : le montant des offres des distributeurs étrangers concurrents pour un même film est souvent identique. Les mandataires internationaux, sachant esti- mer en amont le niveau de ventes potentiellement réalisable, font souvent aux pro- ducteurs des propositions similaires. C’est ensuite que va se jouer une certaine concurrence.

Par ailleurs, les vendeurs internationaux respectant le travail des uns et des autres, il est assez rare qu’un agent de ventes tente d’acquérir un mandat international auprès d’un producteur pour le nouveau film d’un réalisateur si ce dernier a pour habitude de collaborer fidèlement avec une même société de ventes internationales. Par contre, lorsqu’un cinéaste est amené à travailler avec un nouveau producteur, les cartes sont rebattues et d’autres structures peuvent librement se positionner sur son nouveau film.

Au-delà des investissements importants pour le versement des minimums garantis, l’activité de distribution internationale demande la mobilisation de sommes consé- quentes pour assurer la promotion internationale des films : création d’outils de communication, frais de déplacements des équipes artistiques sur les festivals et marchés internationaux…

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Par ailleurs, comme toute entreprise, une société de ventes internationales doit aussi couvrir ses frais généraux qui sont de plus en plus lourds du fait de la grande technicité des compétences : salaires, loyer, charges… Or, le retour sur investisse- ment reste peu sûr et se fait sur le long terme puisque la remontée de recettes n’est pas immédiate. Par exemple, pour un long métrage qui connaît un certain succès sur le marché, le minimum garanti et les frais engagés ne sont remboursés par les premières recettes qu’un an plus tard lorsque le mandataire international s’est engagé sur un film fini, et même trois à quatre ans plus tard s’il s’est impliqué dès le stade du développement. Le risque est donc bien réel, et la pression sur la trésorerie est extrêmement forte puisque, même lorsqu’il n’y a pas de versement de MG, le ticket d’entrée reste élevé.

Le film est vendu pour le compte d’un producteur mais en échange de ce service le mandataire international prélève une commission généralement comprise entre 15 et 25% du prix de vente. Ce pourcentage peut sembler assez faible compte tenu du travail fourni décrit précédemment. Un exemple fictif : celui d’un film français pour lequel le mandataire international aurait versé un minimum garanti de 500 000 euros. Il prendrait donc un risque sur ses fonds propres équivalant à cette somme. Si le film se vend exceptionnellement bien et que la société réalise un chiffre d’af- faires d’1,5 million d’euros pour une commission de 25%, le gain final sera de 375 000 euros donc inférieur au risque pris sur ses fonds propres. Même s’il arrive qu’un ou plusieurs films français parviennent à réaliser un niveau de ventes supé- rieur à plusieurs dizaines de millions d’euros, tout film qui dépasse le million d’euros de ventes initiales est désormais considéré comme un grand succès car cela n’est pas si fréquent. L’évolution du marché ces dernières années a fait qu’une majorité des longs métrages a désormais du mal à dépasser la barre symbolique des 100 000 euros de ventes initiales pour une dizaine de territoires vendus ce qui couvre à peine un MG versé de 50 000 euros et les frais de promotion.

Des solutions existent cependant pour diminuer le risque du vendeur international, comme de faire financer tout ou partie de son minimum garanti par des SOFICA. Néanmoins, cette pratique le contraint souvent à diminuer sa propre commission, ce qui peut poser un problème de viabilité économique à long terme. Cette ten- dance à la baisse conduit aussi les agents de ventes à augmenter le volume de films représentés chaque année pour maintenir un chiffre d’affaires à peu près constant.

II. Une « exportabilité » qui reste incertaine

Une fois le projet obtenu et le MG financé, il s’agit alors d’en assurer la vente inter- nationale, activité tout aussi incertaine. En effet, selon les années, le cinéma français réalise, sinon plus, du moins autant d’entrées à l’international que sur le territoire

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national. Depuis plus d’une décennie, les productions françaises en langue anglaise à fort potentiel commercial s’imposent à peu près partout dans le monde. Les seuls films vendus par EuropaCorp totalisent entre 40% et 60% des entrées internatio- nales suivant les années. Il est vrai que pour les films d’action, de genre ou même les comédies, la langue anglaise est un véritable atout pour l’international autant qu’un casting connu et identifiable mondialement. Malgré tout, la langue anglaise n’est pas pour autant synonyme de succès. Des films d’auteur en langue anglaise vont parfois faire moins d’entrées dans le monde que d’autres réalisés dans une langue étrangère et sélectionnés dans les grands festivals. Un film d’auteur français tourné en français aura souvent plus de chances à l’international que le même projet tourné en langue anglaise. S’ils sont semblables aux projets anglo-saxons, il est risqué de tenter de représenter des films d’auteur français en langue anglaise car ces derniers entreront directement en concurrence avec des productions amé- ricaines de grande qualité au casting souvent plus prestigieux et plus calibrés pour l’international. Ces longs métrages auront également des difficultés à s’imposer sur en France, les spectateurs préférant souvent le projet anglophone plus attrayant sur le papier plutôt que la personnalité et la cinématographie du réalisateur. La langue anglaise ne fait pas un film à l’américaine capable de trouver un distributeur partout. Il faut aussi adopter le format et les codes hollywoodiens pour obtenir une œuvre adaptée à l’international.

En dehors des productions à fort potentiel international, un certain nombre de films en langue française parviennent à s’imposer à travers le monde. Depuis quelques années, les comédies françaises marchent bien à l’étranger. Toutefois, proportion- nellement au nombre de comédies produites annuellement dans notre pays, seul un petit nombre parvient véritablement à s’imposer en dehors de nos frontières, mais celles qui réussissent à franchir nos frontières ont un énorme succès. Citons Intouchables et ses 32 millions d’entrées à l’international, Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? qui dépasse les 9 millions d’entrées hors de l’hexagone, ou encore La Famille Bélier qui a notamment réalisé plus de 540 000 entrées en Colombie et est ainsi devenu le film en langue française le plus vu du pays depuis quinze ans ! Il est compréhensible que dans un contexte globalement morose, le public cherche avant tout à se distraire : les comédies françaises sont un bon moyen de se changer les idées.

Par ailleurs, le cinéma français d’auteur s’est toujours bien vendu à travers le monde. En analysant les carrières des précédents films du réalisateur, leurs récep- tions critique et leurs éventuelles sélections et récompenses dans les grands fes- tivals, l’agent de ventes pourra fixer un juste prix sur son nouveau film. La bonne santé du cinéma d’auteur français se confirme également par le nombre important de films français programmés dans des festivals prestigieux à travers le monde. Il en est de même pour l’animation française qui s’impose progressivement chaque

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année et se positionne à l’international comme une véritable alternative aux masto- dontes américains. Des films commeMinuscule – La vallée des fourmis perdues ou Astérix – Le Domaine des Dieux dépassent chacun largement les deux millions d’entrées dans le monde. Malgré ces exemples encourageants, la distribution inter- nationale des films reste avant tout une activité de l’exception au succès toujours incertain. Chaque projet étant unique, il est très difficile voire impossible d’anticiper sa carrière. Contrairement à d’autres secteurs, le cinéma ne répond pas à un besoin précis de la part de ses consommateurs. La créativité est indispensable mais elle ne suffit pas, tout comme la signature d’un auteur. Certains films à succès peuvent être suivis par d’autres qui connaissent de véritables échecs alors qu’il s’agit du même cinéaste derrière la caméra.

Cette incertitude pousse les vendeurs internationaux à mener des stratégies festivals pertinentes afin de faire exister les films à l’étranger et les lancer localement ou inter- nationalement. En règle générale, les productions françaises sont très bien repré- sentées dans ces manifestations au même titre que le cinéma américain ou celui du pays organisateur. Ces festivals ont un rôle à double tranchant. Certes, ils participent pleinement à la notoriété des films puisque les productions sélectionnées gagneront en légitimité, notamment aux yeux des circuits Art et Essai internationaux, et dès lors circuleront mieux à travers le monde. Mais à l’inverse, si un film d’un auteur reconnu n’est pas retenu dans ces grands festivals, cette absence créera des doutes sur la qualité du film et les acheteurs pourront se montrer frileux pour s’engager sur le projet. Un film d’auteur a besoin d’un lancement dans un grand festival pour lui assurer une large médiatisation. Cette sélection devra, dans l’idéal, être doublée de prix et récompenses ainsi que d’une très bonne presse pour convaincre définitive- ment les distributeurs étrangers de l’acheter et surtout de le sortir. Parfois, il peut arriver que le succès d’un film dans un festival puisse l’aider à dépas- ser de loin les attentes de son vendeur. Mais, la présence d’un film dans un tel événement peut aussi lui faire courir un risque important : celui d’une mauvaise réception critique dont il lui sera difficile de se dégager. En effet, si une bonne presse n’amène pas nécessairement des spectateurs, il faut reconnaître qu’une mauvaise presse les fait clairement fuir et il en va de même pour les acheteurs.

Dans ce contexte de forte incertitude et de risques, les agents de ventes français peuvent néanmoins bénéficier d’un accompagnement qui se révèle indispensable mais qui reste perfectible.

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con le voci di Claudio Bisio e Alba Rohrwacher sceneggiatura e dialoghi di Daniel Pennac

Un film di Benjamin Renner Vincent Patar Stéphane Aubier Tratto dagli album di Gabrielle Vincent «Ernest Et Celestine» pubblicati dalle Editions Casterman

Adattamento grafico dei personaggi Seï Riondet / Direzione artistica Zaza et Zyk / Direzione animazione Patrick Imbert / Montaggio Fabienne Alvarez-Giro / Produttore esecutivo Ivan Rouveure / Direttore di produzione Thibaut Ruby / Produzione esecutiva musica 22D Music / Musica Vincent Courtois «La chanson d’Ernest et Célestine» scritta e interpretata da Thomas Fersen, per gentile concessione di tôt Ou tard e delle Editions Bucephales / Produttore delegato Didier Brunner (Les Armateurs) Coproduttore delegato Henri Magalon (Maybe Movies), Vincent Tavier et Philippe Kauffmann (La Parti Production), Stéphan Roelants (Melusine Productions) Una coproduzione Les Armateurs Maybe Movies Studiocanal France 3 Cinema La Parti Production Melusine Productions Rtbf (Television Belge) Con la partecipazione di Canal + Cine + France Televisions / Con il sostegno di Eurimages Fonds du Conseil de l’Europe e del Programme Media de l’Union Européenne Con la partecipazione del Centre National du Cinéma et de l’Image Animée / Con il sostegno di Région Ile-de-France Nell’ambito di Pôle Image Magelis, con il sostegno del Département de la Charente e della Région Poitou-Charentes / con il sostegno della Procirep e dell’Angoa-Agicoa Prodotto con l’aiuto del Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles, e di Voo (Tv-Net-Tel) / con la partecipazione della Région Wallonne Realizzato con il sostegno di Tax Shelter du Gouvernement Fédéral Belge / Casa Kafka Pictures Movie Tax Shelter autorizzato da Dexia con la partecipazione del Fonds national de soutien à la production audiovisuelle du Grand-Duché de Luxembourg Vendite internazionali Studiocanal / Distributore in Italia Sacher Distribuzione © 2012 LES ARMATEURS / MAYBE MOVIES / STUDIOCANAL / FRANCE 3 CINEMA /LA PARTI PRODUCTION / MELUSINE PRODUCTIONS / RTBF (TELEVISION BELGE)

Étude de cas « Ernest & Célestine »

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Ernest & Célestine : distribuer à l’international un film d’animation français

Par Pierre Mazars (StudioCanal) Avril 2015

I. Accompagner la naissance du film qués autant que Les Armateurs dans le développement du projet. Nous Lorsque les producteurs du film, Les lisions et commentions chaque version Armateurs, sont venus nous voir avec du scénario et étions impliqués à tous le projet de faire un film autour de la les stades du projet : choix du casting, licence Ernest & Célestine, ils ne dis- choix de l’équipe technique, choix du posaient alors ni d’un scénario ni d’un design de l’animation… En tant que réalisateur. Nous n’avions jamais tra- vendeur international, nous avons bien vaillé avec eux auparavant, mais leurs entendu été sollicités très en amont précédentes productions de qualité pour donner notre avis sur « l’exportabi- comme Kirikou ou encore Les Triplettes lité » du scénario. Dès le départ, nous de Belleville ont très vite permis d’éta- étions conscients que la licence Ernest blir une relation de confiance. Nous & Célestine avait un fort potentiel inter- avons alors développé le projet avec national. eux et sommes devenus coproducteur et distributeur France tout en prenant Pour le casting vocal, en tant que copro- les droits monde. En ce sens, nous ducteur nous avons donné notre avis étions impliqués dès l’écriture du scé- sur les choix des comédiens français. nario et avons validé le choix du réalisa- Même si le film était destiné à être teur, Benjamin Renner, repéré par les doublé à travers le monde, avoir un producteurs pour ses courts métrages comédien à la notoriété internationale et dont c’était le premier long. Suite à comme Lambert Wilson permettait de cette première collaboration réussie donner une idée du sérieux du projet avec Les Armateurs, nous avons très sur les marchés. Ce dernier avait même vite retravaillé avec eux sur Kirikou et la possibilité de se doubler lui même en les Hommes et les Femmes, et avons à anglais, mais le distributeur américain a l’heure actuelle de nouveaux projets en préféré avoir recours à Forest Whitaker développement. pour la voix d’Ernest, le reste du casting étant notamment composé de Lauren Bacall, Paul Giamatti ou encore William II. Suivre la production du film H. Macy. Nous avions néanmoins un droit de regard sur les talents locaux qui En tant que coproducteur et co-dé- allaient assurer le doublage dans les dif- veloppeur, nous étions autant impli- férents pays.

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Enfin, en tant qu’agent de ventes, mais nombreuses réactions positives et la surtout que coproducteur, nous avons mention spéciale du jury SACD nous ont aussi été sollicités pour donner notre effectivement beaucoup aidé pour nos avis sur les différentes étapes du mon- ventes. Ensuite, le Festival d’Annecy a tage avant de valider la version finale. permis au film d’affirmer une fois de plus ses grandes qualités artistiques et III. Lancer le film la sélection au Festival de Toronto dans la section Kids en 2012 a lancé sa car- Nous avons très vite décidé de sortir le rière américaine. film en France au mois de décembre 2012 afin de profiter des vacances de Lors de l’AFM, nous avons réuni nos Noël. S’est ensuite posée la question acheteurs l’occasion d’un cocktail pour du meilleur marché pour annoncer le leur présenter toute la stratégie de sortie projet. Nous avons décidé de commen- française et la campagne marketing cer les ventes lors des Rendez-vous mise en place. Au final le film a été en UniFrance de janvier 2012 soit près vente lors des cinq marchés qui ont d’un an avant la sortie française. Pour rythmé l’année 2012 si bien qu’il était accompagner cette annonce, nous pratiquement vendu partout avant sa avons fait fabriquer un promoreel illus- sortie française. trant les qualités visuelles du projet. Il s’est avéré qu’avoir très tôt cet outil IV. Promouvoir le film à l’international marketing a eu un véritable impact sur les ventes car lorsqu’il s’agit d’anima- Pour promouvoir Ernest & Célestine tion, il est important de pouvoir montrer après la sortie française, nous nous aux acheteurs un aperçu de l’univers sommes beaucoup appuyés sur le visuel du projet très en amont puisque succès du film mais aussi sur les fes- le simple scénario ne leur permet pas tivals. En accord avec nos distributeurs de se faire une idée du rendu final. locaux, nous avons décidé de présenter Nous mettions surtout en avant le le film dans un maximum de festivals côté traditionnel de l’animation, le gra- afin de les inciter à sortir le film de la phisme original à la fois épuré et très manière la plus large possible. Ainsi, travaillé qui contrastait avec les ten- entre octobre 2012 et mai 2014, le film dances actuelles de l’animation digi- a notamment été sélectionné à Québec, tale. à Copenhague, à Dubaï, au Cinekid d’Amsterdam, en Pologne, à Lund Après ces rendez-vous de Paris, nous en Suède, au New York International avons continué à vendre le film à Berlin, Children’s Film Festival, en Suisse, en mais c’est vraiment la sélection du film Roumanie, à Stuttgart, à Munich, en à la Quinzaine des Réalisateurs qui Hongrie, ou encore à Seattle. La plupart a marqué le deuxième temps fort. Le du temps le film était primé, créant ainsi prestige de la sélection ainsi que les un buzz local avant la sortie.

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Nous pouvions compter sur la grande tionnelle qui a permis d’impulser les dif- implication du réalisateur, Benjamin férents plans marketing internationaux Renner, qui s’est déplacé dans la plu- y compris en France. Seule exception, part des festivals pour défendre son film le distributeur américain GKIDS a pré- auprès du public. Il s’est plus particu- féré mener sa propre campagne plutôt lièrement investi pour accompagner les que d’avoir recours à nos outils marke- sorties japonaise et américaine et pour ting qui permettent d’harmoniser les mener à bien la campagne des Oscars stratégies de sortie dans les différents jusqu’à sa nomination qui lui a permis territoires. Une fois le film distribué d’assister à la cérémonie de 2014 avec dans les différents pays, nous avons ses producteurs. suivi les sorties en mettant à contri- bution les équipes de StudioCanal Enfin, contrairement à nos habitudes en charge du marketing pour valider lorsqu’il s’agit d’un film français, pour les plans de sortie ainsi que celles en Ernest & Célestine c’est l’équipe en charge des royalties pour surveiller les charge du marketing international qui remontées de recettes sur ce film dont a orchestré toute la campagne promo- nous sommes très fiers.

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C. Un accompagnement indispensable

Le métier de vendeur international n’est donc pas sans difficultés ou sans risques. Certes, ceux qui l’exercent peuvent compter sur le soutien d’un organisme comme UniFrance pour les accompagner dans leur travail au quotidien. Mais il serait juste que les agents de ventes soient soutenus par le CNC au même titre que les produc- teurs ou que les distributeurs.

I. Un accompagnement européen et français imparfait

Le dispositif de soutien aux agents de vente existe dans le cadre du programme Europe Créative (MEDIA) de l’Union Européenne, mais celui-ci ne récompense glo- balement que les sociétés les plus performantes. En effet, l’objectif de ce sous-pro- gramme, qui s’élevait à 2,8 millions d’euros en 2014 pour une cinquantaine de sociétés, est d’encourager la circulation de films européens non nationaux grâce à un fonds alimenté en fonction des performances des mandataires internationaux. Seules les entreprises qui détiennent les mandats de huit films européens (dont un non-national) dans au moins dix pays participants au programme MEDIA peuvent réinvestir le soutien reçu en minimums garantis ou en frais de prospection dans des films européens non-nationaux à condition qu’au moins trois de ces films soient sortis dans les salles de cinéma d’au moins trois pays européens. Ce dispositif laisse peu de place aux nouveaux rentrants et renforce la vente de films non-nationaux dans le portefeuille de chaque vendeur.

En France, la vente internationale reste aujourd’hui l’activité la moins soutenue par le CNC puisque les aides sélectives à la prospection internationale représentent à peine 0,5% de son budget. À titre de comparaison, la production cinématogra- phique représente 20% de ce même budget, l’exploitation des salles en représente 13%, la distribution 6% et la vidéo 2%. Si depuis sa création en 2013, le Fonds d’Avances Remboursables pour l’Acquisition, la promotion et la Prospection de films à l’étranger (), crédit destiné à soutenir les sociétés françaises de distribution inter- nationale, a fait ses preuves, il est désormais important d’inclure les distributeurs internationaux dans le dispositif du fonds de soutien duquel ils sont à ce jour les seuls grands exclus.

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Dans cette perspective d’amélioration, il faudrait également repenser la place actuellement accordée aux vendeurs internationaux dans la plupart des commis- sions du CNC. À l’exception de l’Aide à la prospection pour la vente à l’étranger et de l’Aide aux cinémas du monde, les distributeurs internationaux ne sont que peu présents. Or, il semble pourtant cohérent d’apporter un point de vue plus internatio- nal en impliquant les agents de ventes en amont dans les dispositifs de financement public du cinéma français. Quant à la commission de sélection des films pour les Oscars, le CNC a fait de nombreux aménagements ces dernières années, sans pour autant arriver à un système totalement satisfaisant.

Cependant il convient de nuancer tous ces propos car même si les mécanismes d’aides en place sont tout à fait perfectibles, les agents de ventes peuvent bénéficier d’une aide logistique ou d’un suivi du box office par le biais d’UniFrance pour les films français qu’ils représentent.

II. UniFrance : un soutien nécessaire pour les vendeurs internationaux

Créé en 1949 juste après la Seconde Guerre mondiale, UniFrance est chargé de la promotion du cinéma français à l’international. Trois ans après la création du CNC, les autorités publiques ont ainsi affirmé leur grande volonté politique d’inscrire dans l’international l’action du cinéma français grâce à cet organisme placé sous le contrôle des pouvoirs publics et dont il reçoit 80% de son budget annuel de neuf millions d’euros. UniFrance aide les vendeurs internationaux dans plusieurs direc- tions. L’organisation joue avant tout un rôle de soutien logistique et financier pour la trentaine de sociétés françaises du secteur. À l’occasion des festivals de Berlin et de Toronto et pendant les marchés du Filmart et de l’AFM, UniFrance loue direc- tement des stands et les met à disposition des agents de ventes français. Cela leur permet de diminuer leurs coûts de déplacement en marché puisque la participation demandée par l’organisme est inférieure à ce que coûterait une location directe de ces stands. UniFrance organise également plusieurs évènements dédiés uniquement aux pro- fessionnels français du secteur destinés à les accompagner dans leurs relations clients en leur offrant un espace-temps privilégié : cocktails, déjeuners, festivals ou encore marchés. Le plus important d’entre eux, les Rendez-Vous du Cinéma Français à Paris, se tient depuis dix-sept ans à la mi-janvier. Ce marché permet aux vendeurs français de présenter les films récemment terminés dans un cadre très privilégié. Cet événe- ment, qui était en premier lieu conçu pour les acheteurs européens, se mondialise de plus en plus et est ainsi devenu un moment incontournable dans la vie des vendeurs français. Lors de ce Rendez-Vous des rencontres avec la presse (press junket) sont également organisées en collaboration avec les vendeurs français pour

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que les films déjà vendus puissent bénéficier d’une bonne couverture médiatique. UniFrance va même jusqu’à prendre en charge une partie des frais de déplacement des journalistes et des acheteurs internationaux pour s’assurer du succès de son marché. Ainsi, près de mille interviews sont organisées pendant les quatre jours des Rendez-Vous. Toujours à l’initiative d’UniFrance, ce type d’évènement existe également à New-York, et à Tokyo et bientôt en Amérique Latine et à Miami. Ces évène- ments permettent aux vendeurs français de tisser des liens particuliers avec les acheteurs des différents pays et facilitent ainsi grandement leur travail au quo- tidien. UniFrance apporte également son appui au travail des agents de ventes en accueillant plusieurs fois par an dans ses locaux parisiens les directeurs de grands festivals internationaux pour leur montrer des films représentés par des sociétés françaises. En plus de ce soutien logistique, UniFrance joue également un rôle important de veille économique en collectant des données à travers le monde. Chaque année l’organisme fournit ainsi à tous les mandataires internationaux des publications sur chaque marché cinématographique mondial. Il réunit aussi les résultats hebdo- madaires des films français dans quarante pays et donne en fin d’année ceux de quatre-vingt pays, et les envoie de manière ciblée aux sociétés concernées. Ce suivi du box-office international est très important car il reste très compliqué d’obtenir des résultats fiables des films à l’international. Dans sa mission de promotion du cinéma français à l’international, UniFrance tente aussi de faire connaître la richesse et la diversité de notre production nationale en utilisant les nouveaux modes de diffusion des films. Le festival en ligne MyFrenchFilmFestival a ainsi été lancé il y a cinq ans pour permettre au public du monde entier de découvrir en vidéo à la demande des films français de la nouvelle génération d’auteurs hexagonaux qui n’auraient jamais pu béné- ficier d’une sortie sur ces territoires. Globalement, l’action d’UniFrance permet de fédérer les vendeurs français et favorise la cohésion du secteur. C’est donc par des actions riches et diversifiées qu’UniFrance apporte un soutien certain aux agents de ventes.

III. Des partenaires fidèles et réguliers : TV5Monde et l’Institut Français

Des partenaires commerciaux fidèles répondent présent de manière régulière pour accompagner l’activité des vendeurs internationaux. Le premier est sans nul doute TV5MONDE qui accompagne le cinéma francophone chaque année en en faisant la promotion à travers le monde. Doté d’un budget de 3,2 millions d’euros qui lui permet par an d’acheter les droits de près de 250 films en langue française, essentiellement auprès des sociétés tricolores puisque 80% sont des films français. Le groupe consacre au cinéma le tiers de son enveloppe annuelle d’acquisitions.

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Si l’on ajoute les rediffusions et les différentes programmations selon les zones géo- graphiques, le groupe propose près de 2 500 diffusions de films chaque année et qui confirme ainsi en volume sa place de principal partenaire commercial des vendeurs internationaux.

L’autre partenaire essentiel des agents de ventes est l’Institut français, premier client pour les droits non commerciaux. Cet opérateur de l’action culturelle française « acquiert des droits non exclusifs de diffusion non commerciale pour l’organisation de projections publiques par les établissements culturels français à l’étranger et leurs partenaires. (…) La mise à disposition des films est donc gratuite dans les pays pour lequel les droits ont été acquis » 1. Cette action indispensable véhicule la création cinématographique française à travers le monde et rend visible certains films tricolores dans des zones géographiques où ils ne sont pas distribués commer- cialement. Etant donné qu’il existe aujourd’hui un réseau de 98 Instituts français et de 111 antennes présents dans 93 pays, auxquels s’ajoutent plus de 900 alliances françaises, force est de constater qu’une grande partie du monde est ainsi couverte par un établissement culturel français. Mais les importantes coupes budgétaires de ces dernières années tendent à limiter un peu son importance commerciale. Pilotée par les différentes institutions, une récente initiative de numérisation de salles dans divers Instituts Français permettra un renforcement des possibilités de projections commerciales des films français à travers le monde.

En conclusion, même si la distribution internationale en France dispose d’un appui fort des différentes institutions, son rôle clé dans l’économie du cinéma n’est pas suffisamment valorisé à l’heure actuelle. Il y a donc une réelle nécessité de renfor- cer ce secteur et d’améliorer le dispositif de soutien aux ventes internationales. De la même manière que les films bénéficient d’aides publiques pour être produits et distribués en France, il conviendrait d’en faire autant pour leur permettre d’être vus hors de nos frontières.

1. www.institutfrancais.com/fr/modalites-dexploitation-des-films

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Thomas Langmann זßאן דוזßרדן presents ברניס בזßו

קאן 2011

סרטו של מישל הזנוויציוס

Étude de cas « The Artist »

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The Artist : vendre un film muet en 2011 (et remporter cinq oscars)

Par Carole Baraton (Wild Bunch) Mai 2015

I. Accompagner la naissance du film lités pour bien se vendre. Nous avons également noué de très bonnes relations Contrairement à d’autres projets sur les- avec le producteur et le réalisateur ce quels nous sommes impliqués très en qui nous a amené depuis à retravailler à amont et avons suivi le film dans les dif- plusieurs reprises sur des films produits férentes phases de son développement, par La Petite Reine, notamment celui de l’exemple de The Artist est un cas assez Michel Hazanavicius, The Search, pré- singulier. Nous venions de travailler senté à Cannes en 2014 mais qui n’a pour la première fois avec la société de malheureusement pas réussi à trouver production La Petite Reine sur le film de son public. Christophe Barratier, La Nouvelle guerre des boutons, quand Thomas Langmann II. Lancer le film nous a montré un premier montage du nouveau film de Michel Hazanavicius, Même si nous n’avons pas apporté The Artist. Il était parvenu à produire d’investissement financier dans le film, ce projet sans l’apport d’un vendeur notre expertise internationale a permis international dans son plan de finance- de faire le meilleur lancement possible. ment. Il faut dire que sur le papier, un Conscients de la singularité de cet objet film muet en réalisé par filmique que nous représentions à l’in- un Français mais faisant hommage au ternational, nous avons très vite pris la cinéma américain des années 1920 décision de mettre en place une stra- était plutôt un pari risqué qui pouvait tégie du secret. L’idée était de dévoiler faire fuir les investisseurs. le moins d’éléments sur ce film risqué avant qu’il soit montré dans un festival Dès le premier visionnage, nous avons majeur. Nous avions compris qu’il fallait été séduits et avons senti le potentiel voir le film dans sa globalité pour se faire international du film. C’est pour cette une opinion c’est pourquoi nous n’avons raison que nous nous sommes lancés pas fait de promoreel pour le festival de dans cette aventure, sans passer par le Berlin 2011. Un tel outil nous aurait versement d’un MG car le film était déjà uniquement au mieux permis de faire produit. Toute cette phase de post-pro- quelques petites ventes et au pire d’ef- duction s’est passée dans d’excellentes frayer ou de refroidir certains acheteurs. conditions car ce premier montage était Du coup nous sommes arrivés à Berlin déjà très fort et possédait toutes les qua- avec comme seul outil une photo tirée

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du film. Notre catalogue ne comportait pour lesquels nous sommes parvenus à même pas de synopsis afin d’entretenir trouver des distributeurs dans les mois le mystère sur ce projet. qui ont suivi.

Après Berlin, nous avons contacté En conséquence, la campagne pour Harvey Weinstein car nous savions que les Oscars qui a pris la suite n’a pas eu ce film avait un fort potentiel internatio- d’effet sur les ventes ni même sur les nal et qu’il était susceptible de l’acheter premières sorties internationales qui sans attendre les premières réactions ont eu lieu peu après la sortie française du public et de la presse. Plutôt que d’octobre 2011. Pour les sorties plus de nous déplacer avec le film dans nos tardives, cette campagne s’est révélée bagages, nous l’avons fait venir à Paris très bénéfique car le buzz qui entourait pour assister à une projection privée. Il le film a permis d’attirer plus de specta- en est ressorti emballé et persuadé qu’il teurs dans les salles. Au final, The Artist pouvait l’emmener très loin et pour- a très bien marché même si certains quoi pas jusqu’aux Oscars. C’est donc territoires nous ont un peu déçus. Nous tout naturellement qu’il a acheté le film avons quand même un peu regretté de pour tous les territoires anglophones ne pas avoir opté pour une stratégie de ainsi que pour d’autres territoires dans sortie internationale, y compris fran- le monde, notamment en Asie. Nous çaise, plus proche de la sortie améri- arrivions ainsi à Cannes avec un atout caine pour pleinement bénéficier de cet majeur : la présence d’Harvey Weinstein effet Oscar. Mais le film est néanmoins à nos côtés. ressorti en salles dans beaucoup de pays après son triomphe ce qui a permis En ce qui concerne les festivals, notre de doper les entrées mondiales. Au stratégie s’est très tôt concentrée sur final, le grand succès du film à l’interna- Cannes. Nous voulions vraiment faire de tional a renforcé notre vigilance vis à vis la présentation de ce film un des évè- des dépenses de sorties engagées par nements cannois, et visions pour cela les distributeurs. Tous les P&A ont été la compétition en 2011. Le film a dans approuvés avec une grande attention et un premier temps été sélectionné Hors nous avons lancé des audits de tous nos Compétition, avant de finalement la distributeurs qui avaient acheté ce film rejoindre à une semaine du lancement pour vérifier les remontées de recettes. du festival, ce qui a permis ensuite à Jean Dujardin de remporter le Prix d’in- III. Promouvoir le film à l’international terprétation masculine. Les projections à Cannes et la très bonne réception Très tôt dans le calendrier post-Cannes, publique et critique nous ont permis la question des Oscars s’est imposée. de bien vendre le film sur place si bien Il a fallu être un peu pédagogue dans qu’après le festival, il ne restait que un premier temps pour expliquer au quelques petits territoires disponibles réalisateur ainsi qu’aux comédiens

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l’importance stratégique de mener une ou New York pour assister à des récep- campagne de fond, longue et inten- tions, projections, diners… Bref tout ce sive, pour pouvoir espérer remporter qui est indispensable pour convaincre une statuette. Bien évidemment, pour les membres de l’Académie de voter en gagner cinq, l’implication de tous pour le film. De nombreux festivals ont les talents a été plus qu’indispensable. également sélectionné le film pendant Nous avons travaillé en étroite collabo- toute cette campagne, au premier rang ration avec la Weinstein Company pour desquels ceux de Toronto et de Telluride, organiser et coordonner tous les dépla- le plus souvent en présence de l’équipe. cements du réalisateur et des principaux Tout cela s’est terminé en beauté le 26 comédiens. Pendant plusieurs mois, ces février 2012 par le sacre de The Artist au derniers n’ont eu de cesse de faire des Kodak Theater. allers-retours entre Paris et Los Angeles

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Une activité en 3 évolution permanente adef • Le Livre Blanc de l’export

La vente internationale des films s’est, comme de nombreux secteurs, profondé- ment transformée au fil des ans. La crise économique récente a beaucoup impacté le secteur, aussi bien conjoncturellement que structurellement. Dans les prochaines années, l’agent de ventes devra d’une part faire face au succès grandissant des nouveaux modes de diffusion et au fort développement des programmes audiovi- suels, et d’autre part s’adapter à l’émergence de nouveaux territoires qui peuvent être de futurs débouchés. Le métier doit donc se réinventer constamment.

A. Un secteur bouleversé

Ces dernières années, le profil des sociétés de distribution internationale a claire- ment évolué vers une plus grande diversité des films proposés pour mieux satisfaire la demande mondiale. Les sociétés françaises se sont ainsi ouvertes aux grands auteurs internationaux tout en continuant de représenter les talents tricolores. Les difficultés conjoncturelles ont eu des répercussions immédiates sur les prix d’achats des distributeurs, et certains territoires se sont effondrés plus fortement que d’autres. Pour maintenir un niveau de ventes constant, le vendeur international a du à la fois s’adapter en intensifiant sa présence sur les marchés de films qui ryth- ment l’année, mais aussi agir pour tenter de limiter l’impact dramatique du piratage.

I. Les mutations des sociétés de ventes internationales

Il y a encore quinze ans, ceux qui exerçaient en France ce métier de vendeur ne représentaient essentiellement à l’international que la production française. Attentifs à la demande internationale, ils ont su les premiers diversifier leurs line-up en pro- posant à leurs acheteurs des films du monde entier et sont désormais réputés pour leur savoir faire. Cela explique pourquoi les plus grands auteurs internationaux leur confient de plus en plus souvent leurs nouveaux films. Il y a encore quelques années, même les grands studios allemands s’adressaient aux vendeurs français pour représenter leurs productions. Depuis, des sociétés basées outre-Rhin se sont inspirées du modèle français pour vendre avec succès des films nationaux et internationaux. Cette ouverture au monde ne signifie bien sûr pas que les agents de ventes tricolores ne représentent plus les films natio- naux. Bien au contraire, avec l’intensification de la production française, celle-ci a

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besoin de sociétés de distribution internationale pour exister à l’étranger : le nombre d’entreprises du secteur a augmenté en France. Ces nouveaux entrants peuvent choisir de se positionner sur des genres bien précis. Pourtant, sur les 240 films en moyenne produits chaque année depuis dix ans, l’ADEF a estimé qu’environ 150 avaient un agent de ventes pour les représenter à l’international. Il y a des films français qui ne trouvent pas de vendeur, et il peut également arriver que certaines sociétés ne représentent que très peu de films hexagonaux à l’international.

La situation a également changé du côté des distributeurs étrangers. Il fut un temps où les distributeurs de cinéma d’auteur n’achetaient que des films d’auteur et les dis- tributeurs de cinéma commercial que des films commerciaux. Les lignes ne sont plus aussi claires aujourd’hui ce qui représente un défi car le vendeur international doit sans cesse affiner sa connaissance du marché et des différents acteurs pour trouver de nouveaux clients. Cette évolution est inhérente au marché et à ses transformations. Lorsque la concurrence était moins forte, la part de choix personnel, de goût, et le vrai « coup de cœur » rentraient en compte dans la prise de décision. Aujourd’hui, les cri- tères d’achat se sont rationalisés. Les acquisitions doivent être validées par un nombre toujours plus important d’intermédiaires tels que les journalistes, les exploitants ou même les collaborateurs, ce qui rallonge passablement le temps de prise de décision et de négociation. Plus les échos sont excellents, plus la demande va se concentrer sur les mêmes films ce qui a un impact direct sur les prix et peut parfois créer une sur- valorisation de certains films. L’hésitation est devenue la norme, et l’étude de marché la condition préalable à toute acquisition d’un film par un distributeur étranger.

Certes, aujourd’hui plus de films français sortent à l’étranger qu’auparavant. Mais les carrières sont de plus en plus courtes et il faut plus de films pour faire autant d’entrées que par le passé. Fait notable, il est devenu de plus en plus difficile de vendre nos films en Suisse et en Belgique, territoires francophones voisins qui dif- fusaient pourtant largement notre cinématographie il y a quelques années encore. Les succès y sont devenus plus rares ce qui se traduit dans les chiffres par un net recul des ventes de films français sur ces territoires. Malgré ce contexte difficile, le mandataire international est de plus en plus sollicité pour participer au financement dès le développement des films. Le rapport de force s’est quelque peu inversé si bien que les sociétés de ventes internationales n’hésitent plus à faire valoriser leurs risques en exigeant contractuellement d’obtenir des parts producteurs.

II. L’impact de la crise économique

La crise économique de 2008 a amené des changements structurels mais aussi conjoncturels assez forts, non sans répercussions immédiates sur la pratique du métier. Tout d’abord, les prix d’achats des distributeurs étrangers ont nettement

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diminué. Alors qu’il y a quelques années les sommes proposées aux agents de ventes étaient indexées sur la valeur de la revente ultérieure aux chaînes de télévi- sion, la situation n’est plus aussi simple aujourd’hui et les acheteurs ne sont plus assurés de trouver un débouché pour rembourser leurs acquisitions. Les chaînes de télévision, même publiques, achètent de moins en moins de films, les parts de marché du cinéma n’étant pas suffisantes. Elles préfèrent se tourner vers d’autres formats. Par ailleurs, les distributeurs ne peuvent compter ni sur le coussin de sécu- rité du marché vidéo, celui-ci s’effondrant sur la plupart des territoires, ni sur la vidéo à la demande (VOD) qui n’a pas encore pris le pas. Et le marché du « direct to video », qui permettait à des filmsd’être édités en DVD sans pour autant avoir été distribués dans les salles, disparaît peu à peu. Tout cela dans un contexte d’aug- mentation des frais de sortie des films. En conséquence, les acheteurs ont désor- mais besoin d’estimer les retombées économiques du seul succès en salle pour déterminer leur investissement maximal dans l’acquisition d’un film, ce qui fait bais- ser les prix d’achats. Dans ce contexte difficile, un véritable climat de méfiance s’est instauré chez certains acheteurs. Il est effectivement de moins en moins fréquent de pré-vendre des films s’ils ne sont pas clairement identifiés et leur prix facile à déterminer en fonction de leur auteur, du casting ou du genre. Certes les grands auteurs internationaux continuent à bien se vendre sur scénario. Pour les autres, les acheteurs peuvent préférer attendre de voir le film fini avant de s’engager, et parfois même la première sortie dans le pays de production ou les premières réactions de la presse avant de faire la moindre offre.

Afin de limiter la baisse de ces revenus et maintenir un chiffre d’affaires à peu près constant, les vendeurs internationaux doivent à la fois augmenter le volume de films dans les line-up mais aussi multiplier les contrats pour de plus petits montants et sur de nouveaux territoires. Il arrive aussi que, lorsque plusieurs clients de médias différents manifestent de l’intérêt pour un même film sur un territoire donné, le mandataire international négocie des ventes séparées pour chaque mode de dif- fusion. Ce à quoi s’ajoute le nécessaire renforcement du suivi des sorties pour ne pas laisser passer les éventuelles remontées de recettes. Cela se traduit par une multiplication des audits, pratique qui était assez peu courante il y a encore dix ans, mais aussi par la création de services spécifiquement dédiés au suivi des différentes sorties à travers le monde : validation des frais de sortie, contrôle du box-office, suivi des remontées de recettes… De manière générale, cette augmentation globale du volume d’activité pour enrayer la baisse du chiffre d’affaires, nécessite une augmen- tation de la taille des équipes et donc des charges de l’entreprise.

En plus de ces changements structurels, de nombreuses évolutions conjoncturelles ont affecté les vendeurs internationaux. De nombreux pays très porteurs il y a dix ans ont, sinon disparu, du moins nettement perdu de l’importance. Le marché japonais s’est ainsi totalement effondré avec la disparition de la vidéo, puis s’est

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replié sur lui-même après la catastrophe de Fukushima. En conséquence, les prix d’achats ont été divisés par dix par rapport à la période d’avant crise. Ces dernières années, le pays semble être en passe de se relever mais les prix ne seront sans doute plus jamais les mêmes qu’auparavant. La crise du rouble en Russie a provoqué une baisse des ventes de proportions identiques, tant en termes de prix que de nombre de films vendus. De nombreux distributeurs n’honorent plus leurs contrats une fois les films livrés, tandis que le piratage y connaît une ampleur sans précédent. L’effondrement du marché dans ces territoires majeurs impacte sévèrement les chiffres d’affaires des vendeurs. Rappelons que pendant l’âge d’or, il était fréquent de vendre n’importe quel film dans ces pays pour plusieurs centaines de milliers d’euros ce qui n’est plus possible à l’heure actuelle. La crise a également impacté nos voisins européens. Autrefois friandes de nos pro- ductions nationales qui y réunissaient de nombreux spectateurs, l’Espagne et l’Italie se sont soudainement refermées sur elles-mêmes et achètent moins de films fran- çais. Reste l’Allemagne, véritable eldorado pour certaines comédies tricolores aussi bien dans les salles, près de quatre millions d’entrées pour Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? en 2014, qu’en vidéo, mais où les films d’auteurs ont plus de difficultés à s’imposer.

III. L’importance des marchés de films

Terminons par rappeler que le commerce des droits cinématographiques continue à s’effectuer essentiellement lors de marchés organisés aux quatre coins du monde. Afin de couvrir au mieux les différentes zones du monde et d’y rencontrer le maxi- mum d’interlocuteurs et donc de potentiels clients, l’agent de ventes doit se dépla- cer plus souvent pour représenter ses films sur de nouveaux marchés.

Certains grands marchés historiques ont conforté leur position dominante. Le pre- mier d’entre eux reste Cannes, événement annuel incontournable pour tout acheteur et tout vendeur du monde entier. Quelques mois plus tôt dans l’année, le marché de Berlin est désormais l’un des plus stratégiques pour pré-vendre les films qui seront éventuellement sélectionnés à Cannes. Il faut aussi signaler le chemin parcouru par le festival de Toronto qui s’est progressivement imposé comme un rendez-vous à ne pas manquer pour les agents de ventes alors même qu’il n’y a pas de véritable marché organisé sur place. Ensuite, il y a d’autres marchés qui ont aussi émergé ces dernières années. En Amérique du Sud, Ventana Sur, permet aux mandataires étrangers de rencontrer les acheteurs latino-américains qui se déplacent de moins en moins. En Asie, le Filmart d’Hong Kong s’est imposé comme le marché asiatique de référence. Et au niveau européen, les Rendez-Vous de janvier organisés par UniFrance sont une vraie réussite, si bien qu’il arrive même que certaines sociétés

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de ventes étrangères, pourtant non conviées, fassent le déplacement pour venir représenter leurs films. Pour ceux qui représentent des films en langue anglaise et avec un casting international, l’American Film Market (AFM) reste un rendez-vous important. Toujours aux Etats-Unis, le festival de Sundance et le South by Southwest (SXSW) d’Austin sont devenus indispensables pour dénicher, acquérir ou vendre les droits des projets américains de qualité. Certains marchés autrefois importants ont malheureusement disparu. Ainsi, en Italie, le MIFED à Milan n’existe plus. Venise reste essentiellement un festival de renommée internationale mais son marché n’a pas encore réussi à émerger. Enfin, comme évoqué précédemment, afin d’élargir au maximum l’exposition des films, les vendeurs internationaux se tournent davantage vers les diffuseurs télévisuels mais aussi vers les plateformes VOD/SVOD et les services de divertissements à bord offerts par les compagnies aériennes. Ces nouveaux clients ont cependant pour habitude d’assister à d’autres marchés, plus télévisuels, pour acheter leurs pro- grammes. Les deux principaux sont le MIPTV et le MIPCOM où les agents de ventes vont rencontrer ces différents acheteurs, mais parfois aussi certains distributeurs tous droits qui font le déplacement. Ces marchés sont donc devenus, au fil des ans, quasiment indispensables pour les vendeurs internationaux.

IV. Le problème endémique du piratage

Un autre phénomène qui a complètement bouleversé le métier ces dernières années concerne le piratage des œuvres cinématographiques. En effet, l’émergence d’Inter- net a facilité la circulation des œuvres piratées à travers le monde. Il peut désormais arriver que des longs métrages soient disponibles illégalement en ligne avant même leur sortie dans les différents pays du monde ce qui va inciter les distributeurs à renégocier leurs contrats. Prenons un exemple simple et concret : une production américaine pour laquelle chaque contrat signé avec les clients étrangers impose un « holdback » c’est à dire une obligation qui garantit au distributeur américain la primauté de la sortie sur son territoire. Si ce dernier opte pour une sortie simultanée (day and date) en salles et en VOD, le film a de grandes chances de se retrou- ver piraté très rapidement ce qui va nuire aux autres distributeurs anglophones voire même mondiaux. Dans ce cas, chaque distributeur va probablement tenter de changer les termes de son contrat pour pallier le préjudice. De même lorsqu’un film fuite sur le web avant sa sortie, comme ce fut le cas fin 2014 avec le piratage de Sony 2, les distributeurs étrangers s’estimeront lésés par cette mise à disposition illégale et le vendeur international sera contraint de renégocier avec eux les termes de leurs contrats en sa défaveur.

2. Fin novembre 2014, quatre films distribués par Sony ont fuité sur Internet suite au piratage dont a été victime le studio. Il s’agissait de Fury, Still Alice, Mr. Turner et To Write Love on Her Arms

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En partenariat avec les producteurs, les mandataires internationaux doivent donc trouver des solutions pour se prémunir contre le piratage ou du moins pour limiter son impact. Bien souvent, ils ont recours à des sociétés extérieures qui vont traquer les fichiers illégaux et supprimer les liens de téléchargement. Mais ces solutions techniques ont un prix souvent élevé et n’empêchent pas les distributeurs étran- gers de chercher à modifier les conditions prévues par leurs contrats. L’agent de ventes, et plus généralement les ayants droit, sont en première ligne lorsqu’il s’agit de piratage des films, et la perte financière potentielle va les affecter encore plus directement que les clients. Le métier s’est profondément transformé ces dernières années, d’abord pour mieux répondre à la demande internationale et pour s’adapter aux conséquences de la crise.

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זוכה דקל הזהב קאן 2012

ובהשתתפות ז’אן-לואי טרינטיניאן עמנואלה ריבה איזבל הופר

סרט של מיכאל הנקה

LES FILMS DU LOSANGE X FILME CREATIVE POOL WEGA FILM PRESENT JEAN-LOUIS TRINTIGNANT EMMANUELLE RIVA WITH THE PARTICIPATION OF ISABELLE HUPPERT “AMOUR” A FILM BY MICHAEL HANEKE WITH ALEXANDRE THARAUD WILLIAM SHIMELL RAMÓN AGIRRE RITA BLANCO, CAROLE FRANCK, DINARA DROUKAROVA, LAURENT CAPELLUTO, JEAN-MICHEL MONROC, SUZANNE SCHMIDT, DAMIEN JOUILLEROT, WALID AFKIR SCRIPT & DIALOGUES MICHAEL HANEKE DIRECTOR OF PHOTOGRAPHY DARIUS KHONDJI A.S.C.,A.F.C. PRODUCTION DESIGNER JEAN-VINCENT PUZOS COSTUME DESIGNER CATHERINE LETERRIER SOUND BY GUILLAUME SCIAMA AND JEAN-PIERRE LAFORCE EDITED BY MONIKA WILLI AND NADINE MUSE A FRENCH-GERMAN-AUSTRIAN COPRODUCTION PRODUCED BY MARGARET MENEGOZ LES FILMS DU LOSANGE STEFAN ARNDT X FILME CREATIVE POOL VEIT HEIDUSCHKA MICHAEL KATZ WEGA FILM SUPERVISING PRODUCER MARGARET MENEGOZ COPRODUCED BY FRANCE 3 CINEMA ARD DEGETO BAYERISCHER RUNDFUNK WESTDEUTSCHER RUNDFUNK IN COOPERATION WITH FRANCE TELEVISIONS CANAL+ CINE+ ORF FILM/FERNSEH-ABKOMMEN WITH THE SUPPORT OF MINISTERE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L’IMAGE ANIMEE REGION ILE-DE-FRANCE FILMFÖRDERUNGSANSTALT MEDIENBOARD BERLIN-BRANDENBURG CNC/FFA MINITRAITE ÖSTERREICHISCHES FILMINSTITUT FILMFONDS WIEN EURIMAGES MEDIA INTERNATIONAL SALES: LES FILMS DU LOSANGE ©2012 LES FILMS DU LOSANGE – X FILME CREATIVE POOL – WEGA FILM – FRANCE 3 CINEMA ARD DEGETO – BAYERISHER RUNDFUNK – WESTDEUTSCHER RUNDFUNK

זוכה דקל הזהב קאן 2012

ובהשתתפות ז’אן-לואי טרינטיניאן עמנואלה ריבה איזבל הופר

סרט של מיכאל הנקה

LES FILMS DU LOSANGE X FILME CREATIVE POOL WEGA FILM PRESENT JEAN-LOUIS TRINTIGNANT EMMANUELLE RIVA WITH THE PARTICIPATION OF ISABELLE HUPPERT “AMOUR” A FILM BY MICHAEL HANEKE WITH ALEXANDRE THARAUD WILLIAM SHIMELL RAMÓN AGIRRE RITA BLANCO, CAROLE FRANCK, DINARA DROUKAROVA, LAURENT CAPELLUTO, JEAN-MICHEL MONROC, SUZANNE SCHMIDT, DAMIEN JOUILLEROT, WALID AFKIR SCRIPT & DIALOGUES MICHAEL HANEKE DIRECTOR OF PHOTOGRAPHY DARIUS KHONDJI A.S.C.,A.F.C. PRODUCTION DESIGNER JEAN-VINCENT PUZOS COSTUME DESIGNER CATHERINE LETERRIER SOUND BY GUILLAUME SCIAMA AND JEAN-PIERRE LAFORCE EDITED BY MONIKA WILLI AND NADINE MUSE A FRENCH-GERMAN-AUSTRIAN COPRODUCTION PRODUCED BY MARGARET MENEGOZ LES FILMS DU LOSANGE STEFAN ARNDT X FILME CREATIVE POOL VEIT HEIDUSCHKA MICHAEL KATZ WEGA FILM SUPERVISING PRODUCER MARGARET MENEGOZ COPRODUCED BY FRANCE 3 CINEMA ARD DEGETO BAYERISCHER RUNDFUNK WESTDEUTSCHER RUNDFUNK IN COOPERATION WITH FRANCE TELEVISIONS CANAL+ CINE+ ORF FILM/FERNSEH-ABKOMMEN WITH THE SUPPORT OF MINISTERE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L’IMAGE ANIMEE REGION ILE-DE-FRANCE FILMFÖRDERUNGSANSTALT MEDIENBOARD BERLIN-BRANDENBURG CNC/FFA MINITRAITE ÖSTERREICHISCHES FILMINSTITUT FILMFONDS WIEN EURIMAGES MEDIA INTERNATIONAL SALES: LES FILMS DU LOSANGE ©2012 LES FILMS DU LOSANGE – X FILME CREATIVE POOL – WEGA FILM – FRANCE 3 CINEMA ARD DEGETO – BAYERISHER RUNDFUNK – WESTDEUTSCHER RUNDFUNK

Étude de cas « Amour »

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Amour : représenter à l’international un auteur doublement palmé

Par Agathe Valentin (Les Films du Losange) Juin 2015

I. Accompagner la naissance du film pour son précédent, et dont la renom- mée internationale était importante. La Notre première collaboration avec Michael qualité du Ruban Blanc était telle que Haneke remonte à 2002 et son film Le beaucoup d’acheteurs craignaient qu’il Temps du Loup que nous avions produit, soit difficile voire impossible de faire vendu et distribué en France. Nous avions aussi bien avec ce nouveau film. Et ce retravaillé ensemble sur Caché en 2005 n’est pas l’histoire totalement différente puis étions coproducteur minoritaire, dis- et le minimalisme du dispositif (un tributeur France et vendeur international scénario de cinquante pages, un seul de son film suivant, Le Ruban Blanc, en appartement pour cadre, deux acteurs 2009. C’est donc naturellement que nous âgés dont l’un est en train de mourir avons été impliqués dès le départ sur son à l’écran) qui jouaient en notre faveur. nouveau projet pour exercer une fois de Malgré ces quelques réticences, les dis- plus ces trois fonctions. tributeurs du Ruban Blanc, satisfaits de sa carrière en salles, avaient vraiment Comme à son habitude, le scénario était envie de suivre le réalisateur sur ce nou- de très grande qualité lorsque Michael veau film. L’essentiel de nos préventes Haneke l’a remis à la production. s’est fait auprès de ces derniers avec Margaret Ménégoz, la productrice aux qui nous avions l’habitude de travailler. Films du Losange a suivi de près l’éla- De manière générale, nous accordons boration du film, du casting jusqu’au une grande importance à la fidélité travail de montage et à son lancement vis-à-vis de nos distributeurs dès que en France et à l’international. Tout s’est la collaboration s’est révélée efficace donc très bien passé entre Michael et agréable. Cela ne veut pas dire pour Haneke et Les Films du Losange, ces autant que le film n’a été vendu qu’aux derniers sont d’ailleurs actuellement en distributeurs historiques de Michael train de financer son prochain film pour Haneke. Au Japon par exemple, c’est lequel ils seront également le distribu- un nouveau distributeur qui a acquis teur France et le vendeur international. les droits du film. Au final, c’est avant tout par la renommée de l’auteur plus II. Lancer le film que par son sujet que nous avons réa- lisé l’essentiel de ces préventes. Lors de Pour Amour, nous arrivions avec le nos discussions avec les distributeurs, nouveau film d’un réalisateur primé nous étions persuadés que la puissance

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des interprétations d’Emmanuelle Riva des ventes s’est fait pendant le Marché et de Jean-Louis Trintignant pouvait les car les réactions des spectateurs et les voir récompensés par des Prix d’Inter- critiques dithyrambiques ont créé un prétation cannois, et qu’il était un peu bouche à oreille très favorable autour du moins probable de voir un réalisateur film qui nous a permis de conclure des fraichement primé obtenir de nouveau ventes sur des territoires pour lesquels la récompense suprême pour son nou- nous n’avions jamais vendu un de nos veau film. films comme en Thaïlande par exemple. Et la Palme nous a permis de signer Pour promouvoir le film avant Cannes, les derniers pays encore disponibles nous nous sommes pliés aux exi- comme l’Afrique du Sud ou la Chine. gences du réalisateur qui voulait avoir le contrôle sur tout le marketing et III. Promouvoir et suivre le film à l’inter- rester très secret sur son nouveau film. national Il ne souhaitait pas que des photos montrant le personnage interprété par Pendant le Festival de Cannes, nous Emmanuelle Riva affaibli circule dans savions que Michael Haneke n’allait les médias pour éviter de véhiculer une séjourner que trois jours sur place. image trop négative autour du film. De Nous nous sommes donc mis d’accord même, il ne voulait pas trop montrer avec l’attaché de presse et tous les dis- Isabelle Huppert car, même si elle jouait tributeurs qui avaient préacheté Amour bel et bien dans le film, son rôle n’était pour coordonner ses interviews. Chacun que mineur comparé à celui de Jean- devait nommer des journalistes par Louis Trintignant et d’Emmanuelle Riva. ordre de priorité pour faire en sorte que Même pendant le Marché du film, nous tout le monde puisse avoir son entretien n’avions qu’une petite brochure qui pré- avec le réalisateur. sentait les acteurs, deux photos approu- vées et deux lignes de synopsis. Pour Avec Amour, nous étions face à un cas ces mêmes raisons, nous n’avions pas de figure assez singulier. En effet, étant fait de promoreel et utilisé uniquement donné l’âge des deux comédiens, leurs la petite bande annonce française pour déplacements étaient un peu plus com- montrer quelques images du film. Afin pliqués. Et Jean-Louis Trintignant jouait de promouvoir le film à Cannes, nous au théâtre pendant toute la tournée pro- avons quand même acheté une page motionnelle ce qui n’était pas pour faci- publicitaire dans Variety et une autre liter les choses. La grande majorité des dans Screen mais rien de plus. entretiens a été réalisée par téléphone ou pendant le Festival de Cannes afin Au final, cette stratégie du secret a d’assurer une couverture médiatique plutôt bien marché puisque le film était suffisante au moment des sorties du pratiquement pré-vendu partout avant film. Néanmoins, ils se sont tous deux le début du Festival de Cannes. Le reste déplacés en Italie pendant un week-

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end, en raison de l’attachement fort de Mais nous nous sommes très vite rendu Jean-Louis Trintignant et de sa volonté compte qu’il était difficile de tout contrô- manifeste à retourner dans ce pays ler par nous-mêmes, c’est pourquoi dans lequel il avait beaucoup tourné. nous avons embauché une personne Emmanuelle Riva a fait quelques dépla- pour s’occuper du suivi des sorties. cements dans les pays voisins comme la Suisse ou la Belgique car accessibles par le train. Elle s’est aussi rendue à deux reprises aux Etats-Unis, d’abord à New-York pendant la campagne des Oscars puis à Los Angeles pour assister à la cérémonie pour laquelle elle était nommée en tant que meilleure actrice.

Cette campagne pour les Oscars a d’ail- leurs été un temps fort dans la vie du film même si nous n’avons pas été très impliqués dans cette étape. Nous avons fait confiance au distributeur américain Sony Pictures Classics qui a une grande expérience dans ce genre de cam- pagne. En effet, en bon connaisseur, Sony, qui avait acheté le film juste avant Cannes, a organisé avec succès cette campagne, faisant voyager Michael Haneke à plusieurs reprises à Toronto, New York ou Los Angeles pour assister à des projections, rencontrer les membres de l’Académie des Oscars et promouvoir son film. Le tout s’est terminé en beauté le 24 février 2013 par la victoire du film au Dolby Theatre.

Enfin, le très grand succès du film à l’in- ternational nous a énormément occupé par la suite. Pendant une année, nous avons été constamment sollicités pour la livraison du matériel et le contrôle des dépenses de sortie en essayant autant que possible de rester dans des enve- loppes adaptées à chaque distributeur.

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B. Quel avenir pour les ventes internationales ?

Le métier de vendeur international est en constante évolution. L’arrivée en force des nouveaux modes de diffusion risque de modifier l’exercice de la profession, autant que la montée en puissance des nouvelles œuvres de qualité destinées à une diffu- sion audiovisuelle. À cela s’ajoutent les nouveaux territoires susceptibles d’émerger à court et moyen terme. Quels sont les enjeux futurs de ce secteur stratégique dans l’économie du cinéma ?

I. Quelle stratégie adopter face aux nouveaux modes de diffusion et aux nouveaux formats ?

L’arrivée très remarquée de plateformes américaines comme Amazon ou Netflix sur le marché de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) n’est pas sans poser un certain nombre de questions aux vendeurs internationaux. En effet, la force de frappe financière de ces groupes est sans commune mesure avec les capacités d’investissements des distributeurs traditionnels. La course folle aux contenus les plus ambitieux dans laquelle se sont engagées ces plateformes les poussent à faire des offres toujours plus agressives pour s’en assurer les droits de distribution exclu- sive dans le monde. L’argument mis en avant est que la salle traditionnelle ne peut plus recevoir toutes les productions et que, pour certains films bien identifiés, une exploitation directe en SVOD est le meilleur moyen de les faire exister. Le problème vient du fait que les séries télévisées sont le produit phare de ces plateformes. Celles-ci sont mises en avant en priorité, à grand renfort de campagnes marketing intensives. Il y a un véritable risque de perte de valeur de certains longs métrages qui ont besoin de l’exploitation salle pour devenir films de cinéma. La grande ques- tion qui se pose est de savoir s’il ne vaut pas mieux gagner moins d’argent au départ et faire un pari sur le moyen terme : que le film sera capable de générer plus de revenus suite à ses différentes exploitations, salle, vidéo, TV, VOD-SVOD, que s’il avait été directement diffusé sur une plateforme de SVOD, qui pourra d’ailleurs l’acquérir par la suite. Il faut reconnaître que la plupart des contrats signés avec ces plateformes s’apparentent à des « flat deals », c’est à dire à des accords sans remontées de recettes postérieures, en raison de la grande difficulté à valoriser le visionnage du film lorsque les coûts d’abonnements sont faibles et les programmes

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nombreux. Dès lors, les ayants droit risquent de ne rien toucher par la suite, ou d’obtenir seulement de faibles pourcentages, s’ils optent pour l’exploitation exclu- sive de leur œuvre sur ces plateformes. Quand on sait que Netflix demande souvent aux vendeurs internationaux de fournir en plus les doublages et les sous-titres pour les différents territoires dans lesquels le film a été vendu, y compris pour les pro- grammes de catalogue, on imagine que la vente exclusive en première fenêtre sera compliquée.

À court terme, ces plateformes de SVOD restent des acheteurs pour les clients tra- ditionnels des agents de ventes mais ne sont pas encore devenues un interlocuteur privilégié pour les films récents. Ce marché bougeant tellement vite, il y a un véritable manque de recul pour appréhender l’avenir de ce mode de diffusion. Ce qui est sûr, c’est qu’il est difficile voire impossible de sortir les droits SVOD des contrats signés avec les distributeurs étrangers, contrairement aux fenêtres de TV5MONDE ou de certaines télévisions par abonnement panaméricaines. La Weinstein Company a tenté l’expérience avec le dernier film de Quentin Tarantino,The Hateful Eight, pour lequel elle avait commencé à négocier un accord exclusif avec Netflix pour la SVOD et proposait à ses acheteurs le film sans cette fenêtre à des prix forts ce qui a glo- balement bloqué les négociations. Reste à voir comment évolueront les films Beasts of No Nation de Cary Fukunaga, récompensé par le Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir lors de la 72e Mostra de Venise, sorti le 16 Octobre 2015, ou encore War Machine de David Michod avec Brad Pitt dont les droits monde exclusifs ont été respectivement achetés pour douze et plus de trente millions de dollars ! Pour ces exemples précis, malgré l’intention de Netflix de les sortir simultanément dans les salles, la réaction immédiate des grands exploitants américains fut d’annoncer le boycott des films. Néanmoins, de telles pratiques restent limitées à quelques films à fort potentiel, et l’avenir nous dira si ce type de distribution est envisageable et souhaitable sur le long terme. En attendant la prudence reste de mise chez les mandataires internationaux et les ventes aux distributeurs traditionnels semblent avoir encore de beaux jours devant elles.

Une autre question qui se pose est celle de la diversification des contenus. En effet, avec l’importance croissante de la consommation de programmes audio- visuels et de séries TV, qui s’explique notamment par le rapide développement de ces nouveaux modes de diffusion, il semble normal de se demander si les vendeurs doivent se mettre à représenter à l’international ce type de programmes. Alors que certaines sociétés ont pris les devants en décidant de vendre à l’interna- tional des séries TV et des programmes audiovisuels, à l’instar de Wild Bunch qui annonçait fin septembre 2015 le lancement de Wild Bunch TV, il faut reconnaître que rien n’est encore tranché pour la grande majorité des autres. D’un côté, une partie des agents de ventes y songe très fortement mais attend le bon projet avant de s’engager. Un des éléments qui pourrait les pousser à s’engager sur une série

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est la fidélité aux auteurs. En effet, lorsque de grands réalisateurs de cinéma, ayant pour habitude de collaborer avec des vendeurs bien identifiés, décident de se lancer dans des projets pour la télévision, ils peuvent être incités à prolonger cette collaboration, pensant que les qualités artistiques du programme final seront similaires aux œuvres de long métrage précédemment réalisées. D’un autre côté, clients et marchés étant fort différents ce qui augmenterait considérablement la charge de travail des commerciaux, il y a parfois un refus catégorique de vendre d’autres formats que le film de cinéma. Mais à l’heure où les séries TV ont des véritables budgets de films et se retrouvent parfois sélectionnés dans les plus grands festivals internationaux, comme pour le P’tit Quinquin de Bruno Dumont à la Quinzaine des Réalisateurs 2014, la question reste pleinement ouverte. L’ouverture aux fictions TV de l’European Film Market à Berlin et au Festival de Toronto en 2015 pour ne citer qu’eux, semble plaider pour un assouplissement de la distinction très franco-française qui n’a pas vraiment de sens à l’international. En effet, un film produit pour la télévision française peut tout à fait sortir en salles à l’étranger. Cette frontière est par ailleurs de moins en moins présente dans les line-up des vendeurs internationaux français.

II. Quels sont les territoires de demain pour les ventes internationales ?

Le dernier enjeu d’avenir qui attend les agents de ventes reste la conquête des mar- chés émergents. En effet, certains marchés sont en pleine explosion, notamment en Amérique Latine avec une forte poussée de la Colombie et du Brésil où de plus en plus de salles se construisent. D’autres pays comme l’Argentine sont devenus assez compliqués et fermés en raison du contexte politique. Une action ciblée est donc plus que nécessaire dans les années à venir. En échangeant avec les vendeurs internationaux, UniFrance a pris conscience de l’importance stratégique de la zone latino-américaine puisque l’organisme a mis en place un marché pour réunir les vendeurs français et les acheteurs de cette région qui se tiendrait juste après les rendez-vous de New-York, au mois de mars. Il est également probable que les marchés africains, francophones et anglophones, connaissent un véritable pic de croissance dans les années à venir avec la construc- tion intensive de nouvelles salles de cinéma. Dans des pays où la production ciné- matographique reste faible, les agents de ventes français seront fort probablement amenés à jouer un rôle de premier plan. Cela se confirme avec la récente création des Rencontres du Cinéma Francophone d’Abidjan organisées par UniFrance, dont la première édition qui s’est tenue en juin 2015 a permis de rassembler les profes- sionnels et les institutionnels francophones pour discuter des problématiques du financement, de diffusion et des opportunités de développement du cinéma sur le continent africain.

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Enfin, sur le continent asiatique, après l’émergence puis le déclin du Japon et l’im- portance croissante de la Corée du Sud, pays qui achète de plus en plus de films français, il est fort probable que l’Inde et la Chine, les deux géants de cette zone géographique, se réveillent ces prochaines années. En ce qui concerne l’Inde, il semblerait cependant que le marché soit très peu porteur pour les films français en raison de trop fortes différences culturelles. Les spectateurs indiens sont très consommateurs des films de Bollywood qui restent très éloignés de nos productions hexagonales. Mais le véritable enjeu d’avenir à court et moyen terme reste la Chine. Pour faire bril- ler notre cinématographie nationale dans ce pays, UniFrance a ainsi une représen- tation depuis 2005 à Pékin afin de « fournir une assistance financière et logistique aux distributeurs et festivals qui présentent des films français récents au public chinois, alimentant ainsi le lien culturel et commercial entre les industries cinéma- tographiques française et chinoise » 3. Saluons ici le travail politique effectué par UniFrance, main dans la main avec le CNC et le Ministère de la Culture, afin d’amé- liorer les relations cinématographiques entre les deux pays. Pour accompagner les distributeurs chinois dans les sorties des films vendus depuis la France et pour s’occuper des ventes de films de catalogue, StudioCanal va ouvrir prochainement sur place un bureau local. De même, le renouvellement pour cinq ans de l’accord entre EuropaCorp et Fundamental Films qui garantit à cette dernière l’exclusivité de la distribution sur le territoire chinois des films produits et vendus par la structure de Luc Besson, est un bon indicateur de l’importance stratégique accor- dée à ce pays pour les années à venir. Il faut dire que les chiffres confirment déjà le fort potentiel de ce territoire. En effet, après une année 2013 record qui avait ras- semblé 5,2 millions de spectateurs pour six films français distribués, l’année 2014 fut absolument exceptionnelle puisque le nombre d’entrées a plus que triplé pour un total qui avoisine les 17,4 millions. Certes, le film Lucy de Luc Besson rassemble à lui seul 7,1 millions de spectateurs, mais le reste des entrées provient d’un petit nombre de productions françaises comme par exemple Minuscule : la vallée des fourmis perdues qui dépasse les 800 000 tickets vendus. Pour la deuxième année consécutive, ce pays est le deuxième territoire mondial pour notre cinématographie nationale devant l’Allemagne et l’Italie mais derrière l’Amérique du Nord, Etats-Unis et Canada anglophone, qui totalise 20,5 millions de spectateurs. Les comédies fran- çaises ou les productions en langue anglaise fonctionnent plutôt bien en Chine où la production cinématographique nationale n’est pas suffisante pour alimenter des salles qui se construisent à une vitesse phénoménale. Rien qu’en 2013, la Chine a inauguré plus de 5 000 nouveaux écrans et ouvert plus de 900 multiplexes ! 4 Les distributeurs ont ainsi besoin de se fournir en films auprès des vendeurs interna- tionaux ce qui renforce la position stratégique de ce territoire pour les années à

3. www.unifrance.org/corporate/nos-bureaux 4. www.variety.com/2014/biz/news/china-adds-5000-cinema-screens-in-2013-1201062132/

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venir. Toutefois, pour se protéger, la Chine a instauré un système de quotas et de censure commerciale et morale applicable aux films étrangers, qui restreint l’accès des salles pour nos films français. Ce lourd contrôle n’autorise actuellement pas plus de 34 films étrangers par an à être distribués largement sur le territoire (dont 14 uniquement pour les productions en IMAX 3D). En conséquence, la France ne parvient à sortir qu’entre trois et sept films sur le territoire chinois chaque année. Il faudrait donc agir politiquement pour tenter, soit de faire lever ces quotas, soit d’instaurer un autre système autorisant quelques films d’auteur. Ceux-ci n’ont pas forcément besoin de sortir sur 3 000 écrans mais gagneraient à être distribués sur des combinaisons plus restreintes de salles à travers le pays. À l’heure actuelle, ces films se retrouvent diffusés uniquement sur les plateformes de vidéo à la demande ou à la télévision.

Le métier de vendeur international est ainsi contraint à poursuivre sa mutation dans les prochaines années. De nombreux défis sont au programme et plaident pour un meilleur accompagnement de nos sociétés dans les années à venir pour préserver ce maillon essentiel de l’économie du cinéma.

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“A LUSH, STYLISH AND EVOCATIVE JOURNEY. BERTRAND BONELLO’S MAGNIFICENTLY MOUNTED BIOPIC SUCCEEDS AS A WARTS AND ALL STORY OF THE LEGENDARY FASHION DESIGNER YVES SAINT LAURENT.” -Mark Adams, SCREENDAILY

MANDARIN CINEMA И EUROPACORP ПРЕДСТАВЛЯЮТ

THE STORY THAT HAS NEVER BEEN TOLD BEFORE

C 16 ОКТЯБРЯ В КИНОТЕАТРАХ ФИЛЬМ A SONY PICTURES CLASSICS RELEASE MANDARIN CINEMA and EUROPACORP present “SAINT LAURENT” a film by BERTRAND BONELLO БЕРТРАНА GASPARD ULLIEL БОНЕЛЛО JEREMIE RENIER LOUIS GARREL LEA SEYDOUX AMIRA CASAR AYMELINE VALADE HELMUT BERGER MICHA LESCOT with the participation of VALERIA BRUNI-TEDESCHI VALERIE DONZELLI JASMINE TRINCA AND DOMINIQUE SANDA screenplay and dialogues THOMAS BIDEGAIN AND BERTRAND BONELLO director of photography JOSEE DESHAIES set KATIA WYSZKOP costumes ANAÏS ROMAND casting RICHARD ROUSSEAU first assistant director ELSA AMIEL continuity girl ELODIE VAN BEUREN original music BERTRAND BONELLO sound NICOLAS CANTIN NICOLAS MOREAU JEAN-PIERRE LAFORCE editing FABRICE ROUAUD ГАСПАР УЛЬЕЛЬ production manager PASCAL ROUSSEL post-production manager PATRICIA COLOMBAT produced by ERIC AND NICOLAS ALTMAYER a coproduction MANDARIN CINEMA EUROPACORP ORANGE STUDIO ARTE FRANCE CINEMA SCOPE PICTURES BELGACOM with the participation of CANAL+ CINE+ ARTE ЖЕРЕМИ РЕНЬЕ in association with SOFITVCINÉ LA BANQUE POSTALE IMAGE 7 and FILMS DISTRIBUTION with the support of LA REGION ILE-DE-FRANCE LA PROCIREP and with CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE ЛЕА СЕЙДУ ЛУИ ГАРРЕЛЬ АМИРА КАЗАР WWW.SAINTLAURENTMOVIE.COM WWW.SONYCLASSICS.COM ЭМЕЛИН ВАЛАД И ХЕЛЬМУТ БЕРГЕР

МИША ЛЕКОТ ВАЛЕРИЯ БРУНИТЕДЕСКИ ВАЛЕРИ ДОНЗЕЛЛИ ЯСМИН ТРИНКА ДОМЕНИК САНДА

СЦЕНАРИЙ И ДИАЛОГИ ТОМ БИДГЕН БЕРТРАН БОНЕЛЛО

ОПЕРАТОР ЖОЗЕ ДЕЭ ПРОДАКШН-ДИЗАЙН КАТЯ ВИСКОП КОСТЮМЫ АНАИС РОМАН КАСТИНГ РИШАР РУССО 1-Й АССИСТЕНТ РЕЖИССЕРА ЭЛЬЗА АМЬЕЛЬ СКРИП-СУПЕРВАЙЗЕР ЭЛОДИ ВАН БЁРЕН МУЗЫКА БЕРТРАН БОНЕЛЛО ЗВУК НИКОЛЯ КАНТЕН НИКОЛЯ МОРО ЖАН-ПЬЕР ЛЯ ФОРС МОНТАЖ ФАБРИС РУО ПРОДАКШН-МЕНЕДЖЕР ПАСКАЛЬ РУССЕЛЬ ПОСТ-ПРОДАКШН ПАТРИСИЯ КОЛОМБА ПРОДЮСЕРЫ ЭРИК И НИКОЛЯ АЛЬТМАЙЕР ПРОИЗВОДСТВО MANDARIN CINEMA EUROPACORP ORANGE STUDIO ARTE FRANCE CINEMA SCOPE PICTURES BELGACOM ПРИ УЧАСТИИ CANAL+ CINE+ ARTE А ТАКЖЕ SOFITVCINÉ LA BANQUE POSTALE IMAGE 7 И FILMS DISTRIBUTION ПРИ ПОДДЕРЖКЕ РЕГИОНА ИЛЬ-ДЕ-ФРАНС PROCIREP И НАЦИОНАЛЬНОГО ЦЕНТРА КИНО И АНИМАЦИИ

Étude de cas « Saint Laurent »

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Saint Laurent : vendre un film d’auteur sur une icône dans un contexte concurrentiel

Par Marie-Laure Montironi (EuropaCorp) Juin 2015

I. Accompagner la naissance du film première fois avec Mandarin qui nous a poussé à devenir coproducteurs délégués La singularité de ce film sur Yves Saint du projet. Nos excellentes relations avec Laurent c’est avant tout que ce projet Mandarin sur ce film nous ont par ailleurs nous a été apporté par un autre vendeur, amené à immédiatement retravailler avec Films Distribution. Ces derniers avaient eux sur le filmFastflife de Thomas N’Gijol. déjà travaillé sur les deux précédents La qualité de leurs productions et les très films de Bertrand Bonello (De la guerre & bonnes relations nouées grâce à ces deux L’Apollonide) et commencé à développer films nous donnent fortement envie de ce nouveau long métrage. Ils ont très vite retravailler avec eux à l’avenir. C’était éga- eu besoin d’un renfort financier et nous lement notre première collaboration avec ont alors contactés. Au départ, les discus- Bertrand Bonnello, collaboration qui fut sions portaient uniquement sur un accord fort agréable car c’est une personne très de distribution simple avec la partie inter- attachante et talentueuse, qui a été extrê- nationale laissée à Films Distribution. Mais mement aidante pour son film et continue en acceptant de rajouter le montant qui de l’être. Ce serait donc avec grand plaisir manquait au budget relativement impor- que nous retravaillerions avec lui à l’avenir. tant du film, et dont les producteurs de Mandarin avaient absolument besoin II. Suivre la production du film pour boucler leur plan de financement, Films Distribution a accepté de nous En tant que coproducteurs délégués céder le mandat international pour ce nous avons bien entendu discuté du film. Les quelques deals déjà négociés par scénario, du casting puis du montage du ces derniers nous ont été transmis et tout film mais à chaque fois nous avons laissé cela s’est passé de manière très fluide, en libre court à Bertrand Bonello car sa bonne intelligence entre deux sociétés qui notoriété et la très grande qualité de ses font le même métier. précédentes réalisations ne nous per- mettait pas d’intervenir comme il nous Le film n’a donc pas été directement déve- arrive de le faire sur des premiers films. loppé par EuropaCorp, mais c’est vraiment Pour le scénario, le contexte était bien par- un coup de cœur de Luc Besson et de ticulier car il y avait un autre projet concur- Christophe Lambert à la lecture du scé- rent en développement simultané sur la nario ainsi que l’envie de travailler pour la vie d’Yves Saint Laurent ce qui a suscité de

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nombreux débats. Le principal problème qui avaient travaillé sur L’Apollonide pour était que les premières ventes sur ce projet leur présenter en priorité ce projet. D’une concurrent avaient commencé six mois manière générale, nous avons pu consta- avant les nôtres. Nous avons donc essayé ter que le nom de Bertrand Bonello faisait de nous éloigner le plus possible du film vraiment la différence sur les marchés. de Jalil Lespert, notamment en décalant Bien entendu nous ne critiquions jamais le tournage puis en repoussant la date l’autre projet mais mettions plutôt en avant de sortie pour éviter un effet « Guerre des la vision différente et le point de vue du Boutons » comme en 2011 où les deux metteur en scène qui permettait de les dis- films étaient sortis à une semaine d’inter- tinguer. Et nous étions quand même face valle. Au final, le premier est sorti début à deux projets concurrents avec des per- janvier et le nôtre fin septembre soit huit formances d’acteur de très grande qualité. mois plus tard. Néanmoins, il n’est jamais bon d’arriver en deuxième avec un projet Au niveau des outils marketing, nous similaire et cette position a nécessairement avons très vite lancé, début 2013, une compliqué la tâche même si les deux pro- première photo teaser de Gaspard Ulliel jets étaient très différents. pour essayer de créer un peu le buzz. Puis nous avons mis en place une stratégie de III. Lancer le film dévoilement progressif pour « teaser » le marché. Nous avons notamment profité Chez EuropaCorp, nous savions d’emblée du festival de Berlin 2014, pour dévoiler que ce film allait être un peu plus compli- une sélection de photos aux acheteurs qui qué en termes de chiffres de ventes que illustrait les ambiances du film ainsi qu’un nos projets habituels mais qu’il avait le promoreel de sept minutes qui a été un potentiel pour attirer son public à l’étranger vrai déclencheur de ventes. Même si nous grâce au travail d’un certain type de dis- étions parvenu à pré-vendre le film sur tributeurs capables de faire le faire rayon- scénario grâce au nom du réalisateur, cette ner. Il faut dire que nous accordons une vidéo qui illustrait la valeur de production grande importance à avoir un catalogue nous a permis de conclure de nouvelles assez varié pour diversifier nos clients. ventes dans cinq ou six pays supplémen- Pour nous démarquer sur les marchés taires, en Europe et en Amérique Latine avec ce deuxième film sur la vie d’Yves essentiellement, si bien qu’avant même la Saint Laurent, nous avons énormément première projection cannoise nous avions joué sur le nom de Bertrand Bonello et une dizaine de territoires qui avaient sur sa filmographie. Nous avons mis l’ac- déjà acheté ce long métrage. La sélec- cent sur la patte très cinéphile du long tion du film en compétition à Cannes, et métrage et sur le fait que ses précédentes le très bon accueil critique qu’il y a reçu, réalisations avaient toutes été présentées nous ont beaucoup aidé pour nos ventes dans les grands festivals avec notamment puisque cela nous a entre autres permis deux compétitions cannoises. Nous avons de le vendre à Gaga au Japon et à Sony aussi pris contact avec les distributeurs Classics aux Etats-Unis.

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IV. Promouvoir et suivre le film à l’inter- étranger ce qui a été une grande fierté. national Malheureusement, la forte concurrence de cette année record en nombre de films Après Cannes, nous avons très vite mis soumis à l’Académie ne lui a pas permis en place une stratégie festival ciblée pour d’être sélectionné dans la shortlist. ne pas se tromper d’événement dans chacun des pays. Nous voulions vrai- Même si plusieurs territoires n’ont tou- ment que le film soit porté par le festival jours pas sorti le film, nous pouvons capable d’être le meilleur tremplin pour d’ores et déjà affirmer que nous avons sa carrière dans les salles ou, lorsqu’il été très attentifs aux dépenses de sor- n’était pas encore vendu, de générer une ties des différents distributeurs car Saint nouvelle vente. Nous avons travaillé cette Laurent ne correspondait pas aux pro- stratégie festival en association avec les jets sur lesquels nous étions habitué à distributeurs qui avaient déjà acheté le travailler comme Lucy de Luc Besson. film pour déterminer le festival majeur Les campagnes étaient plus ciblées, capable de le lancer dans leurs pays. plus orientées vers un public de ciné- Pour autant, une sélection en festival ne philes. Nous avons fourni à chacun de veut pas nécessairement dire que le film nos distributeurs les éléments marketing trouvera un acheteur puisque, malgré sa de base (poster, photos, bande annonce) présentation à Séville, Saint Laurent ne mis en place pour la sortie française tout sera pas distribué en Espagne. en leur laissant la possibilité d’adapter leurs campagnes promotionnelles sous Ce qui a beaucoup aidé pour promouvoir réserve d’avoir notre approbation. ce film c’est le travail absolument formi- dable de Bertrand Bonello et de Gaspard Enfin, comme à notre habitude, c’est Ulliel qui l’ont accompagné dans la plu- notre équipe marketing international qui part des festivals à travers le monde car a été en charge des missions de suivi des ils étaient conscients de l’importance que sorties et notamment de vérification et pouvait avoir leur implication à l’internatio- de discussion des P&A. Le film a été très nal. Nous avons quand même dû faire face bien accueilli à travers le monde et nous aux contraintes personnelles et profession- espérons que ce sera également le cas nelles de chacun ce qui a un peu com- pour les sorties à venir. La sortie amé- pliqué les choses. Nous avons essayé de ricaine début mai 2015, pour laquelle choisir à chaque fois leurs déplacements Gaspard Ulliel et Bertrand Bonello ont en fonction de leurs plannings. Puis, après assuré la tournée promotionnelle, était être allé personnellement défendre le film d’ailleurs très encourageante puisque le en tant que vendeuse internationale et film a généré près de 300 000 dollars présenter son distributeur américain à la lors de son premier mois d’exploitation. commission nommée par le CNC, le film a été désigné comme représentant de la France pour l’Oscar du Meilleur film

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Vers un dispositif performant pour la promotion et la circulation des films à l’international adef • Le Livre Blanc de l’export

Nous l’avons montré tout au long de ce Livre Blanc, les vendeurs internationaux français sont compétitifs, combattants, prêts à investir et s’investir autour du cinéma français, répondant ainsi à de multiples défis.

La situation du marché mondial, toujours plus compliquée et concurrentielle, l’ar- rivée de nouveaux médias et nouveaux formats, l’émergence de cinématographies nationales dans le monde entier, nous obligent à constamment réinventer notre métier et à nous adapter. Ce savoir-faire acquis sur un plan international ne peut qu’être bénéfique à l’ensemble de la chaîne cinématographique française qui gagnerait à être davantage orientée vers les marchés étrangers pour augmenter sa visibilité et son prestige.

Or, à ce jour, notre corps de métier ne fait pas partie de la base même du finance- ment de la cinématographie française, le mécanisme du fonds de soutien. L’ADEF a pensé concrètement au fil des années à la mise en place d’un tel système. Nous souhaiterions en évoquer les grandes lignes.

Comme tous les mécanismes existants, le fonds de soutien international vise- rait avant tout à renforcer la distribution internationale des films agréés par le CNC qui, eux seuls, pourront générer et recevoir du soutien. Ce compte de sou- tien pourrait être alimenté dès la première entrée à l’international recensée par UniFrance selon un barème à tranches dégressif, avec un plafonnement de sou- tien généré par film. Le système de dégressivité garantit le respect de la diversité des sociétés françaises.

Plusieurs propositions de majoration ont été soumises au CNC, pour inciter – l’investissement dans les premiers et deuxième films – l’investissement sur scénario – l’investissement dans les films d’expression originale française

En ce qui concerne le déploiement de ce compte de soutien, les sommes dis- ponibles devraient être réinvesties en grande partie en minima garantis afin de prendre les mandats internationaux de nouveaux films agréés. Une autre partie devrait être réservée à l’investissement en frais de promotion internationale, afin

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de renforcer pour chaque film le marketing de lancement et les capacités de faire exister le film à l’international. Dans ces deux cas précis, le vendeur international restera bien évidemment soumis à la règle européenne de limitation des aides publiques à 50% des dépenses totales engagées sur un film, sauf pour les pre- miers et deuxièmes films et les budgets inférieurs à 1,25 millions d’euros où ce pourcentage peut actuellement aller jusqu’à 70%.

Au sujet de l’alimentation de ce fonds de soutien, en plus de l’apport majoritaire du CNC, les agents de ventes devront verser une contribution calculée selon leur chiffre d’affaires. L’ADEF préconise un pourcentage de 2% du chiffre d’affaires réalisé sur les ventes tous droits de films agréés, et ce au prorata des commis- sions. Afin d’éviter qu’un film ne génère à lui seul une contribution trop impor- tante, un double plafond de contribution par film et par société a également été suggéré par l’ADEF.

Terminons par une estimation chiffrée de ce nouveau mécanisme de soutien. En analysant les entrées des films français à l’étranger depuis plus d’une décen- nie, il semblerait qu’un dispositif tel que proposé ci-dessus s’élèverait à environ quinze millions d’euros par an. Financé à la fois par la contribution des exporta- teurs et abondé par le CNC, l’impact sur le rayonnement international du cinéma français au sens large n’en sera que plus important.

Le fonds de soutien international viserait à rendre compétitifs les agents de vente très tôt dans la vie d’un film et à les inscrire comme partenaires, y compris finan- cier, de toute la chaîne de production afin d’augmenter le potentiel international du cinéma français, véritable enjeu stratégique pour les années à venir.

Face à la complexité que l’environnement actuel nous impose, nous nous devons d’avancer collectivement pour préserver et renforcer notre diversité, garante de l’exception culturelle française unique au monde.

Daniela Elstner Présidente de l’ADEF

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Ils parlent de nous : des professionnels du cinéma nous parlent des ventes internationales adef • Le Livre Blanc de l’export

Alain Vannier, cofondateur de l’ADEF

Quels sont les principaux changements du métier de vendeur international ces dernières années ? Il y a eu plusieurs changements fondamentaux du métier.

Tout d’abord, les frontières ont changé. Aujourd’hui, on ne se borne plus à vendre pour un territoire avec des frontières bien définies parce que les droits partent un peu partout et notamment dans les airs. Certains clients vont même distribuer les films dans plusieurs pays.

Par ailleurs, on s’aperçoit aussi que des films qui ne s’exportaient pas hier, comme les comédies, se vendent très bien aujourd’hui ce qui signifie que les marchés se sont ouverts à ce genre cinématographique. Les films représentés par les vendeurs français ont également changé. Je ne m’oc- cupais pratiquement que de productions françaises alors qu’aujourd’hui les sociétés prennent les mandats de longs métrages en provenance du monde entier.

D’un point de vue plus économique, les recettes apportées par l’international sont devenues de plus en plus importantes dans le financement de la production cinéma- tographique. Il semble légitime d’obtenir davantage de soutien pour les ventes inter- nationales afin de permettre à ces sociétés de réinvestir des sommes conséquentes dans la production de nouveaux longs métrages. Les agents de ventes sont également mieux rémunérés aujourd’hui que moi je ne l’étais à l’époque, quand je ne prenais qu’une commission de 5% mais sans verser de minima garantis. Mais je dois reconnaître que, sauf cas exceptionnel, les recettes d’alors étaient bien plus importantes qu’elles ne peuvent l’être aujourd’hui.

Enfin, la circulation des informations a également progressé avec les nouveaux moyens technologiques, et il est désormais possible de connaître beaucoup plus faci- lement les recettes d’un film qu’auparavant. Je me souviens m’être battu pendant des années chez UniFrance pour développer ce suivi des entrées des films à travers

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le monde. Je suis donc très satisfait de voir qu’aujourd’hui, UniFrance envoie des renseignements détaillés sur les sorties des films à l’international mais aussi sur les dates de diffusion à la télévision. La tendance actuelle au renforcement du suivi des sorties est une bonne chose car les frais (P&A) ont toujours été le point problématique du secteur. Nous ne contrôlions pas systématiquement si les P&A avaient bien été dépensés pour le film en question, et il était donc fréquent d’avoir des mécanismes de vases communicants entre plusieurs sorties de films pour éviter de remonter les recettes d’un film bénéficiaire lorsqu’un distributeur avait également perdu de l’argent sur un autre long métrage vendu par le même mandataire international.

En quoi l’arrivée des nouveaux modes de diffusion et le développement crois- sant des nouveaux formats comme les séries télévisées peuvent-ils impacter ce métier ? Je pense que les nouvelles plateformes sur internet ne perturbent pas le marché mais s’ajoutent aux clients déjà existants. Je reste confiant dans le pouvoir de la salle à atti- rer de nombreux spectateurs chaque année. Après, il y a ce que nous appelions les droits annexes, catégorie dans laquelle rentrent ces nouveaux diffuseurs. Aujourd’hui, il n’y a plus de frontières sur les droits annexes. Les mandataires vendent tous les droits aux distributeurs qui vont par la suite revendre ces droits annexes pour rentabi- liser leur investissement. À une époque, certaines sociétés de ventes internationales gardaient les droits de diffusion télévisée et prenaient des MG moins importants pour la salle de la part de leurs clients. Mais aujourd’hui, ceux qui mettent de l’argent pour une sortie en salle veulent aussi avoir ces droits annexes ce qui rend cette frontière plus poreuse.

En ce qui concerne les nouveaux formats, je pense qu’il faut toujours essayer d’élar- gir son action. Quand je faisais de la vente internationale, j’ai élargi mon activité en prenant les mandats de vente à la télévision en France en plus des droits étrangers. Néanmoins, je pense quand même qu’aujourd’hui, la vente internationale de séries télévisées et celle de films cinématographiques s’adressent à des interlocuteurs diffé- rents. Il me semble donc difficile de vendre ces deux types de droits dans les mêmes pays. C’est pourquoi, il faut idéalement avoir un spécialiste des droits cinématogra- phiques et un spécialiste des droits audiovisuels.

81 adef • Le Livre Blanc de l’export © Wild Bunch

Patrice Leconte, réalisateur

Comment voyez-vous le métier de vendeur international de films ? Ce métier est sûrement plus difficile, plus âpre, moins confortable, pour un vendeur français, chargé de promouvoir et vendre des films français à l’étranger, que pour son homologue américain qui, lui, peut se contenter d’attendre que son téléphone sonne.

Est-il important, en tant que réalisateur, que vos films soient vus un peu partout à travers le monde ? Un réalisateur qui prétendrait se fiche que son film soit vu ou non est un menteur. Nos films sont faits pour circuler, être vus, aimés si possible, en France bien sûr, mais au Japon et en Argentine aussi, et ailleurs, le plus possible, sinon, à quoi bon ?…

Prenez-vous en compte « l’exportabilité » éventuelle dès le lancement de vos projets ? Quand j’ai un nouveau projet de film, je veux avant tout qu’il me plaise à moi. Cela peut sembler prétentieux et égoïste, mais je ne crois pas que ça le soit. On ne peut pas imaginer un film en pensant aux divers publics possibles, sinon, la sincérité s’envole. Mais il est indispensable de ne jamais oublier que ce film est destiné, en France et ailleurs, à être vu par des spectateurs assis dans une salle, et que ce sont eux qu’il ne faut pas décevoir.

Quels ont été les apports et les bénéfices des agents de ventes pour votre travail de réalisateur ? À partir de Monsieur Hire, qui, grâce à la sélection à Cannes, a été « vu et désiré » à l’étranger, ma vie a changé. Et, depuis ce film, grâce aux vendeurs internationaux qui ont su profiter de «l’effet Cannes » et le prolonger, la plupart de mes films ont connu de belles carrières hors de France.

En quoi le travail du mandataire international joue-t-il un rôle sur l’image de vos films à l’international ? Un film est entre les mains du vendeur international. Comme il est entre les mains, sur son territoire, du distributeur. Je préfère faire confiance que faire méfiance à ces

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personnes chargées de faire circuler à l’étranger mon travail. Le meilleur vendeur, en plus de son carnet d’adresses et de contacts, reste celui qui aime passionnément le film qu’il vend. Sinon, c’est foutu.

Pensez-vous que la carrière internationale de vos films soit en partie due au travail des vendeurs internationaux ? Oui, bien sûr. Sans les agents de ventes, tous confondus, certains étant évidem- ment meilleurs que d’autres, mes films ne seraient pas aussi connus et reconnus à l’étranger.

Prêtez-vous attention aux remarques artistiques que peuvent vous faire ces der- niers sur votre film ? Je n’ai jamais eu ce genre de remarque de la part d’un vendeur. Mais si cela devait arriver, je sais que je serais à la fois à l’écoute et terriblement méfiant. Parce que ça n’est pas en écoutant 138 avis que l’on fait les meilleurs films. Et ça n’est pas non plus en cherchant à plaire à tout prix que l’on plaît. Méfiance…

Est-il important pour vous de travailler avec les mêmes agents de ventes sur chacun de vos projets ? Bien sûr, ce serait mieux de fidéliser l’international, de travailler toujours avec le même vendeur. Cela pourrait créer des liens d’amitié, une complicité, une confiance, une connivence. J’aimerais beaucoup. Mais hélas, c’est impossible. Le vendeur à l’étranger est lié au producteur, au distributeur parfois, et je n’ai pas mon mot à dire, ce qui est normal.

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Marc Missonnier, producteur

Que représente la vente internationale des films pour vous ? Depuis que j’ai commencé à faire ce métier, la circulation internationale des films a toujours été très importante pour moi. Chez Fidélité, nous avons toujours veillé à ce que nos films aient bien sûr une exploitation en France mais puissent aussi circuler le plus largement possible à l’étranger. Il y a plusieurs raisons à ça. La première est évidemment économique puisque les ventes internationales de nos films vont nous rapporter de l’argent. La deuxième raison est que cela permet de suivre un auteur sur la durée et d’aider à construire une carrière y compris à l’étranger. Il me semble très important, même s’il s’agit de petites ventes, de faire en sorte que les œuvres circulent car les distributeurs et les spectateurs étrangers vont se familiariser avec un auteur. Enfin, la troisième raison est de pouvoir profiter de l’expertise à la fois artistique et économique que le vendeur international va être en mesure d’apporter sur les projets que nous produisons. Prendre en compte la dimension internationale dès l’origine est donc très important.

Comment travaillez vous avec les agents de ventes ? Prêtez-vous attention aux remarques artistiques qu’ils peuvent vous faire sur vos productions ? Chez Fidélité, nous avons pour habitude de présenter un package lorsque nous allons voir les différents mandataires. Nous leur proposons un scénario, un réalisa- teur, un casting et un budget. Ces mandataires vont nous faire des commentaires sur ce package, et il peut arriver qu’on le modifie mais nous avons toujours une proposition artistique, économique et commerciale complète. Bien entendu, nous tenons compte de leurs remarques lorsque l’on trouve qu’elles sont fondées. Si elles font sens et que le metteur en scène est d’accord, nous les utiliserons bien évidemment. En règle générale, le producteur et le réalisateur sont très avides de ce genre de conseils ou d’avis. Nous avons tous envie que nos films soient le plus vus possible. Donc, si on peut intégrer ce genre de conseils sans dénaturer l’œuvre d’origine, nous le faisons bien évidemment.

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Après, si je dois trouver un point faible chez les vendeurs internationaux c’est au niveau du suivi des sorties. De toutes les sociétés avec lesquelles Fidélité a travaillé, nous avons pu constater que le suivi des rendus de comptes des distributeurs locaux laisse en général à désirer. Nous sommes certes tenus au courant lorsque les talents sont demandés pour les sorties et qu’on doit les envoyer à l’étranger mais c’est bien souvent très compliqué d’avoir un suivi précis en temps réel. S’il y a un domaine dans lequel ils doivent faire un effort c’est bien celui là.

En quoi le travail du vendeur international joue-t-il un rôle sur l’image de vos films dans le monde ? Je pense qu’une relation suivie dans la durée avec un agent de ventes peut contri- buer à donner une image au film, à son réalisateur voire même à son produc- teur à l’international. Nous avons démarré avec François Ozon et le travail qu’a fait Hengameh Panahi chez Celluloid Dreams sur ses premiers films a beaucoup contribué à son image mais aussi à notre image à l’international.

Par ailleurs, le travail marketing sur l’international est en général la première étape de la promotion d’un film donc son importance est cruciale. Je pense tout particu- lièrement au promoreel international qui est le premier élément marketing réalisé sur un film. Et c’est souvent à partir de cette vidéo qu’est conçue la bande annonce française puis toute la campagne promotionnelle.

Est-il important de diversifier vos collaborations avec les vendeurs ? La France a la chance d’avoir des sociétés de distribution internationale qui sont extrêmement dynamiques et parmi les plus intéressantes dans le monde. Après c’est par fidélité, un peu par habitude et aussi par confiance dans les personnes qui y travaillent que nous allons avoir des relations assez privilégiées avec un certain nombre de ces sociétés et a priori se tourner assez spontanément vers celles-là pour nos nouveaux projets. Nous recherchons une forme d’expertise, et travailler avec les mêmes personnes permet d’avoir une plus grande confiance dans l’avis qui nous sera donné. Mais cela nous arrive de diversifier nos collaborations comme pour le film Marguerite de Xavier Giannoli pour lequel nous avons travaillé avec Memento Films International pour la première fois.

Maintenant, nous essayons quand même de faire en sorte qu’il y ait une certaine adéquation entre un auteur et son vendeur car nous savons qu’il y a une image, une habitude de travail et un argumentaire de ventes qui se créent au fil des collabora- tions. En effet, lorsqu’un mandataire international va vendre un scénario d’un auteur avec lequel il a déjà travaillé, il sera beaucoup plus crédible dans son argumentaire de ventes face à des distributeurs qui lui ont déjà acheté un film du même auteur ou du même producteur.

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Est-il devenu nécessaire d’avoir un agent de ventes pour boucler vos plans de financement de films ? La présence d’un vendeur n’est pas forcément nécessaire au stade du développe- ment mais dès que le package est complet oui. Il est extrêmement rare de produire un film sans avoir un mandataire international dans le tour de table financier de départ. Par contre, lorsqu’il s’agit de films à très gros budget, les préventes inter- nationales ou les coproductions sont indispensables. Si je prends l’exemple du film L’Odyssée sur le Commandant Cousteau, l’international compte énormément dans le financement.

Est-il important de pouvoir compter sur les équipes artistiques pour accom- pagner les films à travers le monde ? Il est évident que cela fait une différence sur la carrière des films, de leurs auteurs et même des comédiens à l’international. Peut-être pas sur le court-terme sur un film donné mais c’est évident que la répétition va faire une différence. La raison pour laquelle Patrice Leconte est aujourd’hui vendu dans le monde entier c’est parce qu’il se déplace partout dès qu’il est invité. Il se débrouille toujours pour répondre favorablement aux demandes des distributeurs ou des festivals étrangers même si cela lui prend parfois beaucoup de temps. Au final cette attitude s’est révélée payante sur le long terme puisque les distributeurs le connaissent et l’exposition médiatique de ses films est meilleure car il se trouve systématiquement sur place pour rencontrer les journalistes.

Nous le répétons inlassablement aux talents et à ceux qui les représentent mais c’est encore quelque chose pour lequel nous avons un vrai problème en France. Il faut essayer d’impliquer plus les talents lors de la promotion internationale. Au sein de l’Association des Producteurs de Cinéma (APC) nous avons un groupe de travail qui essaie de trouver un accord avec les agences artistiques pour avoir un système dans lequel chacun y trouve son compte. La solution serait, me semble- t-il, de conditionner une partie de la rémunération des comédiens à la délivrance d’une prestation de promotion internationale sur un certain nombre de territoires stratégiques.

86 adef • Le Livre Blanc de l’export © Bai Long

Jean-Jacques Annaud, réalisateur

Que représente la vente internationale des films pour vous et comment voyez- vous ce métier et ses évolutions ? L’international a été, dès mon tout début, le seul moyen de financer mes films. J’ai démarré et survécu dans le long-métrage grâce à ceux qui ont cru à mes projets en dehors de la France. Mon pays ne représente que 10 à 20% de la recette finale, à l’exception de mon second film (Coup de Tête, 1978) où le rapport s’est inversé malgré la vente sur film fini à une dizaine de territoires.

J’ai l’intuition que ce métier s’est professionnalisé avec le temps. Il faut dire que les sources de financement étaient plus simples, plus limitées, moins dispersées autrefois.

Beaucoup de mes films ont été des co-productions ou des co-financements – pour les deux tiers à forte majorité étrangère. Chaque partie a fait jouer son réseau de distributeurs régionaux en fonction des territoires qu’elle avait acquis, sans toujours passer par l’intermédiaire d’agents de ventes spécialisés. C’est le cas des films que j’ai réalisé avec les majors américaines, ou plus récemment chinoises. Ces monstres tentaculaires ont leur service intégré. Les responsables des départe- ments « foreign sales» jouent aux seins des succursales et compagnies alliées, le même rôle que les vendeurs internationaux auprès des indépendants.

Est-il important, en tant que réalisateur, que vos films soient vus un peu partout à travers le monde ? Sans le soutien du monde, j’aurai dû me concentrer sur un cinéma ciblé sur les sources de financement de la France, passer par les diktats de telle ou telle chaîne de télévision, fraterniser avec les pourvoyeurs de fonds officiels, faire des films qui plaisent à leurs confrères dans les festivals qu’ils fréquentent. Moins je suis dépen- dant de chacun, plus je suis libre.

87 adef • Le Livre Blanc de l’export

Prenez-vous en compte la supposée « exportabilité » des films dès le lancement de vos projets ? Non, je n’ai jamais réfléchi à cet aspect là. C’est l’aventure dans un genre artistique différent qui me tente. Mon expérience est que « l’exportabilité » n’est pas liée à la commodité du doublage mais à l’universalité du propos. De même, je ne réfléchis jamais au financement avant de me lancer sur un projet. C’est le projet qui va sus- citer le financement.

Quels ont été les apports et les bénéfices des vendeurs pour votre travail de réalisateur ? Que « devez-vous » à ces derniers ? Je dois tout à ceux qui me font confiance, à ceux qui se jettent avec moi du haut de la falaise en me tenant la main. Ils sont ces « merveilleux fous volants » qui espèrent pouvoir déployer leurs ailes d’anges avant l’atterrissage. Ils incarnent la cocasserie et l’honneur de notre métier.

Sans les créateurs, les mandataires internationaux n’auraient rien à vendre. Sans les mandataires internationaux les créateurs verraient leurs œuvres disparaitre sous la poussière d’une étagère et finir à la benne… ou à la Cinémathèque !

En quoi le travail du vendeur joue-t-il un rôle sur l’image de vos films à l’in- ternational ? « Convaincs-moi, je convaincrai les autres » m’avait soufflé mon premier « vendeur à l’étranger », le délicieux et mythique Alain Vannier. La passion – ou le manque de passion – dans les yeux du vendeur aura un effet décisif sur l’urgence brûlante de sortir le carnet de chèque et de grimper au cocotier pour rembourser la folle somme avancée.

Pensez-vous que la carrière internationale de vos films soit en partie due au travail des vendeurs internationaux ? Les agents de ventes sont indissociables de la chaîne de la réussite, comme tous les participants du film, techniciens ou stars. Le cinéma est un sport collectif.

Prêtez-vous attention aux remarques artistiques que peuvent vous faire ces derniers sur votre film ? Je suis toujours prêt à écouter ceux qui aident à la création de mon rêve. Puisqu’ils sont venus à moi, ils ne me sont pas hostiles. Puisqu’ils ont mis de l’argent et leur crédibilité sur mon projet, pourquoi se priver de leur jugement amical ? J’écoute avec attention les réserves. J’aime qu’on me signale une panne, un défaut, mais je ferme mes oreilles aux remèdes qu’on me propose. C’est à moi le garagiste, le chirurgien, de rectifier ce qui coince.

88 adef • Le Livre Blanc de l’export

Est-il important pour vous de travailler avec les mêmes vendeurs internatio- naux sur chacun de vos projets ? Si oui, cela permet-il une plus grande liberté dans votre travail ? Cela facilite-t-il le dialogue ? Travailler avec les mêmes vendeurs, les mêmes producteurs, les mêmes acteurs et techniciens procure souplesse et confort. On ne danse jamais mieux qu’avec son partenaire habituel. Mais la vie du cinéma est frivole. Le partenaire n’est pas toujours sur la banquette du bal de la même ville. Alors il faut s’engager sur la piste en enserrant la taille d’une ou d’un autre, dans l’envie d’une gracieuse et efficace nouvelle aventure.

89 adef • Le Livre Blanc de l’export © F. Catonne © F.

Denis Freyd, producteur

En quoi le travail des vendeurs internationaux vous semble-t-il indispensable pour vos productions ? En tant que producteur de films d’auteur, je dois reconnaître que leur travail est essentiel à plusieurs niveaux. Tout d’abord, le vendeur international va permettre de créer la notoriété des films et des cinéastes à l’international. Les agents de ventes sont vraiment capables d’intensifier la notoriété des auteurs à l’international ce qui peut même avoir des conséquences directes sur l’image de ces cinéastes dans leurs pays d’origine et ainsi faciliter le financement de leurs films suivants. De même, lorsqu’un mandataire international s’est battu pour qu’un film soit sélectionné dans un grand festival, l’exposition et le prestige que va apporter la participation à cet événement peuvent aussi aider à la production du prochain film du réalisateur. Je dois admettre que nous les producteurs nous ne sommes pas capables de faire leur travail. Nous avons besoin de fins connaisseurs des marchés internationaux, des distributeurs dans les différents pays, des publics locaux, ou encore des festivals, pour construire cette carrière internationale des cinéastes. Ensuite, il est toujours très satisfaisant pour un producteur de voir ses films toucher un large public dans des pays de culture différente et de voir comment des sujets très ancrés dans une réalité française ou européenne peuvent parler à des spec- tateurs du monde entier. Par exemple, j’ai la chance de travailler avec les frères Dardenne dont les films sont vendus dans le monde entier et qui ont acquis une notoriété considérable dans la plupart des pays.

Quels peuvent être les autres apports des agents de ventes pour votre travail de producteur au quotidien ? Un des autres points essentiels est de nature économique. Bien souvent, l’interna- tional peut représenter pour un producteur de films d’auteur la principale source de recettes, y compris devant les recettes liées à l’exploitation française. En ce qui concerne le financement des films, j’ai souvent travaillé avec des minima garantis significatifs versés par les mandataires internationaux et qui se sont révélés déter- minants dans le montage financier des projets. Il m’arrive moins souvent de finan-

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cer mes productions grâce à des préventes internationales mais cela peut arriver ponctuellement. Le vendeur est donc un véritable partenaire économique pour les films que je produis. D’un point de vue créatif, je suis toujours très intéressé par l’avis que peut avoir ce dernier lorsque je lui fais lire le scénario d’un film ou lorsque je lui en montre le premier montage. Les films sont produits autour du trio auteur/réalisateur/produc- teur, mais le distributeur France et le vendeur international sont deux interlocuteurs privilégiés et nous sommes très attentifs à leurs remarques. Enfin, je trouve qu’il est important, autant que faire se peut, de garder le même agent de ventes pour un cinéaste. Cela permet au vendeur d’avoir une vraie connaissance du réalisateur et une façon de parler de ses films qui lui est propre. Il va également suivre et protéger la relation entre les cinéastes et un certain nombre de distribu- teurs nationaux qui eux-mêmes ont envie de développer des relations de fidélité. Le vendeur international est donc un interlocuteur essentiel dans mon travail quotidien de producteur.

91 adef • Le Livre Blanc de l’export

Céline Sciamma, réalisatrice

Est-il important que vos films soient distribués et vus un peu partout à travers le monde ? Bien sûr ! Au moment où mes films naissent, c’est à dire quand ils sont vus pour la première fois, j’accorde une attention égale à la façon dont la critique s’en empare, à la façon dont il sont reçus par les professionnels français, et à la façon dont ils sont perçus par les distributeurs étrangers potentiels.

J’ai eu de la chance car mes films ont été beaucoup vendus et distribués à l’étran- ger. Au-delà de la simple réussite mercantile, la distribution internationale de mes films est très importante car les sortir s’apparente souvent à un acte politique au regard des sujets abordés. Je fais des films depuis la France mais je ne les fais pas que pour la France car je pense au public au sens large. Par exemple, Tomboy était un film conçu et pensé dans une dynamique universelle et cela aurait été un échec s’il n’avait pas été distribué largement à l’international.

Comment travaillez-vous avec les vendeurs internationaux ? Quelles incidences peuvent avoir leurs remarques sur votre manière de travailler ? Je suis très attentive aux différentes remarques des agents de ventes. Pour preuve, je ne fais venir que très peu de personnes dans ma salle de montage car j’aime travailler dans le secret, mais mon vendeur international y a accès car je tiens à l’associer aux différentes étapes de la vie de mes films. Je peux aussi évoquer avec lui des projets que j’aimerais réaliser, j’aime l’associer à cette réflexion et à mon désir de faire des films. J’aime également entendre les vendeurs internationaux parler des films car ils ont leur propre langage et un champ lexical très commercial… Ils prouvent que Malraux avait raison, « le cinéma est un art, et par ailleurs une industrie ».

Vous déplacez-vous beaucoup à l’étranger pour vos films ? Oui. Il me semble important voire indispensable d’accompagner un peu partout dans le monde mes films car la présence des équipes peut avoir une incidence énorme sur l’exposition des films et sur leur existence médiatique dans l’espace

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public, même si cela n’a pas forcément d’impact sur les résultats dans les salles. Mes films n’ayant pas de têtes d’affiche, j’assure généralement leur promotion seule, ce qui me prend pas mal de temps. Cela peut aussi me permettre de nouer des relations avec certains distributeurs et d’avoir envie de les associer sur mes prochains films.

Un mot de la fin ? Je suis très heureuse de travailler avec la même société de ventes internationales depuis mon premier film. Pour de jeunes cinéastes comme moi, faire partie d’un line-up dans lequel se trouve des grands auteurs reconnus est quelque chose de très prestigieux.

93 adef • Le Livre Blanc de l’export © Christophe Brachet

Philippe Carcassonne, producteur

Que représente la vente internationale des films pour vous et comment voyez- vous ce métier ? Pour un producteur, le vendeur est avant tout un partenaire qui l’accompagne sur toute la durée de vie d’un film. La dimension spécifique de l’activité de ventes, dans ses aspects commerciaux et techniques, est évidemment importante. Mais c’est peut-être sur la notion de conseil qu’il fait la différence : quand et où aller ; quels festivals privilégier ; sonder les marchés sur un scénario, un promoreel, ou attendre au contraire que le film soit terminé ; savoir à quel niveau de prix il faut « lâcher » ou « rester ferme » ; interpréter le contexte économique et réglementaire de tel ou tel pays pour en déduire la meilleure stratégie, etc.

Est-il important pour vous que vos productions soient montrées et distribuées un peu partout à travers le monde ? Euh… pas mal, quand même, plutôt.

Quels ont été les apports et les bénéfices des agents de ventes pour votre travail de producteur ? C’est une question difficile, parce que l’histoire – et les films – ne se répète jamais. On ne peut exactement savoir si changer de décision, voire de partenaire, aurait – toutes circonstances égales par ailleurs – amélioré ou empiré le résultat final. Mais je dois admettre que les mandataires internationaux avec lesquels j’ai le plus souvent collaboré ont presque toujours fait preuve de clairvoyance : le potentiel de ventes, estimé dès le scénario, n’est jamais très éloigné du chiffre d’affaires effec- tivement réalisé.

Pensez-vous que la carrière internationale de vos films soit en partie due au travail de ces vendeurs ? Oui, à l’évidence. Les agents de ventes ont, en principe, une connaissance appro- fondie des marchés et des distributeurs. Ils peuvent nous éviter les mauvais clients, les contrats improbables, les voies de garage… Il n’y a pas de belle carrière inter-

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nationale, aussi réussi que soit un film, sans partenaires locaux bien choisis, et le conseil des vendeurs est crucial en la matière.

Est-il devenu nécessaire d’avoir un mandataire international pour boucler vos plans de financement de films ? Il faut distinguer entre les films qui nécessitent un financement de groupe, auquel cas le mandat international est presque toujours inclus dans l’équation, et ceux que l’on peut monter en séparant les investisseurs, auquel cas la présence initiale de l’agent de ventes est moins systématique. Ceci posé, je pense qu’il est toujours préférable d’intégrer le vendeur « en amont » de la production, qu’il joue ou non un rôle de levier financier.

Prêtez-vous attention aux remarques artistiques qu’ils peuvent vous faire sur vos productions afin d’augmenter leur « exportabilité » ? On ne peut séparer cette « exportabilité » de la démarche globale du producteur. Toute remarque permettant de renforcer la cohérence d’un film est bonne à prendre, d’où qu’elle vienne. Lorsqu’un vendeur fait un commentaire sur un scénario ou sur un premier montage, il doit – et généralement, c’est le cas – penser au film dans son ensemble, pas juste à sa capacité de performer à l’international.

Est-il important pour vous de diversifier vos collaborations avec les manda- taires internationaux ? Tout dépend du film et des circonstances. Selon son goût, son actualité, ou l’état de son line-up, un vendeur international sera adéquat pour tel film, et moins pour tel autre. Chaque film est un prototype, et chaque aventure commerciale est unique. Qu’on en soit à sa première collaboration avec un vendeur ou à sa cinquantième, il faut toujours remettre le compteur à zéro.

95 adef • Le Livre Blanc de l’export

Philippe Muyl, réalisateur

Est-il important que vos films soient montrés et distribués un peu partout à travers le monde ? Personnellement, j’apprécie beaucoup que mes films soient projetés aux quatre coins du monde car j’aime bien voyager. Je suis toujours partant pour aller à un festival ou pour accompagner une sortie et je réussis de moins en moins à envisa- ger le cinéma comme étant un produit uniquement de consommation intérieure. Je pense qu’un film a vocation à voyager et cela m’énerve s’il ne voyage pas. Fort heureusement, nous pouvons compter sur UniFrance qui est un outil formidable de promotion des films à l’étranger. Mais encore faut-il avoir un film qui puisse être vendu et également un bon vendeur.

La circulation des films ne fait pourtant pas tout. Certains vont beaucoup voyager et faire le tour des festivals mais ne vont pas se vendre. En ce qui me concerne, j’ai eu la chance d’avoir deux ou trois films qui se sont bien vendus, surtout les derniers comme Le Papillon, Magique ou Le Promeneur d’oiseau. Je pense que la bonne dis- tribution internationale dépend surtout du long métrage lui-même. Je fais des films qui sont un peu des fables universelles donc qui peuvent voyager plus facilement.

Pensez-vous que l’international soit un enjeu futur du cinéma français ? Je pense que l’international est un avenir nécessaire pour certains, et souhaitable pour beaucoup. Un jour ou l’autre, il va falloir que la France se frotte à l’international sérieusement car le système actuel ne peut pas perdurer. Il est attaqué et va l’être plus encore par Bruxelles, il va être fragilisé par la diminution des financements intérieurs et va être remis en question par les nouveaux modes de diffusion. La seule solution pour résister est de s’internationaliser ce qui pose le problème de la langue. Actuellement, le cinéma français continue d’avoir une belle aura grâce à nos nombreux films qui vont dans les grands festivals et dont certains sont estimés mais dont la force marchande est restreinte en raison de la langue. Un film en français n’est certes pas facile à vendre, mais je ne pense pas que la langue soit le véhicule exclusif de la culture. Il y a aussi le « genre » auquel le film appartient, qui

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va plus ou moins bien se vendre, et surtout le choix des histoires et la façon dont on les raconte. Et enfin, il y a la question du casting, car il faut bien reconnaître que la notoriété des comédiens français à l’étranger est extrêmement faible.

Mon dernier film, Le Promeneur d’oiseau, est un film chinois réalisé par un Français. Il parle de la Chine mais le traitement est très européen ce qui lui permet de circuler un peu partout puisque la narration peut être lue internationalement, ce qui n’est pas le cas de nombreux films chinois qui ne sont pas construits de la même façon. Pour faire ce film, nous n’avons pas eu un euro d’argent français puisqu’il a été refusé à l’Aide aux cinémas du monde deux fois – sur scénario et sur film fini – et qu’aucune chaîne de télévision ne l’a acheté alors même qu’il était le candidat de la Chine pour les Oscars. Le financement a donc été exclusivement international.

Comment voyez-vous le métier de vendeur international de votre point de vue de réalisateur ? Ce n’est pas facile de vendre des longs métrages, surtout dans un contexte où les prix baissent et où le système de distribution et de commercialisation des films à l’étranger change. Tout évolue très vite. En réalité, le réalisateur n’a pas grand chose dire sur le travail du vendeur. Il fait son film et le producteur en est le propriétaire. Ce dernier va ensuite déléguer le mandat de ventes à un agent qui va tenter de trou- ver des acheteurs dans les différents pays du monde. En général, le réalisateur n’a pas beaucoup de retours sur les ventes sauf si il cherche à avoir des informations. Je n’ai donc pas un bénéfice direct en ce qui concerne les ventes internationales. Eventuellement la notoriété mais c’est tout.

Justement, pensez-vous que la carrière internationale de vos films soit en partie due au travail de ces vendeurs ? Ma « carrière internationale » est due à un ensemble de choses. Il y a bien entendu mes films en eux-mêmes, mais également le travail des vendeurs, et complémen- tairement la disponibilité du réalisateur ou des acteurs pour les accompagner, et enfin une part de chance. Mais il est vrai que pour obtenir une certaine notoriété internationale, il faut que le vendeur fasse circuler le film, qu’il le propose aux dif- férents acheteurs et festivals. C’est un gros travail de suivi car n’oublions pas qu’un film chasse l’autre.

Maintenant, ma notoriété en Chine n’est pas due à un vendeur international. Elle est plutôt due à un pirate international ! En effet, France TV Distribution, qui avait les mandats internationaux de mon filmLe Papillon l’a vendu à Taiwan. Sa sortie fût un succès si bien qu’il a été piraté massivement en Chine où il est alors devenu un film culte puis a finalement été acheté légalement pour une diffusion à la télévision et ensuite en VOD sans avoir jamais été projeté dans les salles du pays. À ce jour, je pense que 25 à 30 millions de chinois ont vu ce film.

97 adef • Le Livre Blanc de l’export

Comment travaillez vous avec les agents de ventes ? Prêtez-vous attention aux remarques artistiques qu’ils peuvent vous faire ? Je n’ai jamais été exposé à ce cas de figure. En général le vendeur arrive quand le film est déjà pré-monté ou monté. C’est déjà suffisamment compliqué de monter un film. Ils le prennent tel quel soit sur scénario, soit sur visionnage ou ils ne le prennent pas. Je ne pense pas que ce soit une solution que de prendre l’avis des vendeurs internationaux sur ces sujets sauf bien entendu si le financement interna- tional constitue une part importante du financement global, ce qui peut d’ailleurs conduire un vendeur à être coproducteur.

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Philip Boëffard, producteur

Que représente le métier de vendeur international de votre point de vue de producteur ? C’est avant tout un beau métier ! Le vendeur international est un maillon fondamen- tal de l’exploitation d’un film. Très simplement, il y a d’un côté la France et de l’autre l’étranger. Sur la France, il y a des mandats qui sont plus facilement valorisables comme la salle, la vidéo/VOD et l’exploitation du catalogue à la télévision, mais le mandat international est vraiment la porte sur le monde. Cela représente des perspectives de recettes et d’exploitation qui peuvent être très pertinentes et parfois même conséquentes. L’agent de ventes est en quelque sorte le passeur, celui qui permet au film de rayonner à travers le monde d’un point de vue critique, artistique mais aussi commercial. Pour nous, ce métier ne consiste pas uniquement à vendre nos films et à ramener des recettes mais surtout à partager l’idée du projet, ses valeurs, et être aussi enthousiaste que les différents partenaires pour pouvoir faire en sorte qu’il soit le plus vendu possible.

Est-il important que vos productions soient montrées et distribuées un peu partout à travers le monde ? Oui bien sûr. Nous faisons des longs métrages pour qu’ils soient d’abord vus dans les salles de cinéma. Les films sont aussi un objet économique, et pour une struc- ture comme une société de production, il y a un besoin de rentabilité pour éviter que tout ne s’écroule. Au delà de cet aspect purement financier, l’essence même d’un film est liée à sa visibilité. Il est fondamental qu’il puisse exister dans différents terri- toires. Il y a tout un travail qui a été fait pour aboutir au film final donc sa circulation à l’international est en quelque sorte une valorisation des efforts du producteur mais aussi des auteurs et des équipes techniques et artistiques qui se sont battus tous ensemble pour que le projet aboutisse.

Chez Nord-Ouest, l’international est peut être le secteur sur lequel nous devrions progresser dans le futur car nos productions ne sont pas forcément conçues dans une logique globale dès le départ comme peuvent l’être celles d’EuropaCorp. Nous

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travaillons essentiellement avec des auteurs français ce qui n’est pas incompatible avec une renommée mondiale puisque certains peuvent avoir une exploitation inter- nationale comme François Ozon ou Jacques Audiard. Mais pour d’autres auteurs reconnus sur le territoire national, cela reste plus compliqué. Nous devons donc faire en sorte de moins subir le marché international en essayant d’anticiper les éventuelles attentes et les désirs des spectateurs étrangers, ou au moins essayer de mieux le connaître pour augmenter le potentiel international de nos productions.

Comment travaillez-vous avec les mandataires internationaux ? Nous écoutons toujours les remarques qu’ils peuvent nous faire. Le problème est qu’elles arrivent souvent en bout de course. En effet, nous travaillons d’abord sur les idées et sur les scénarios, et une fois le projet avancé nous essayons de trouver des mandataires qui puissent s’en emparer et éventuellement amener des mini- mums garantis ou effectuer des préventes à l’étranger. Comme tout cela se passe une fois que le scénario est terminé, l’interactivité qui pourrait être pertinente est un peu tardive et nous en sommes en partie responsable. Les vendeurs donnent leur avis sur le scénario mais leur rôle n’est en général pas si important que ça dans le processus créatif. Sans compter que bien souvent, ils récupèrent un film fini et essaient de faire leurs ventes avec les différents outils à leur portée. Il n’y a pas de vraie interactivité et on ne se nourrit pas assez l’un de l’autre pour positionner le film de la meilleure façon possible vers l’international. Une fois le film terminé, il a beau être de grande qualité, si le marché étranger ne lui trouve pas de place, les ventes peuvent être inexistantes ou uniquement symboliques.

Il y a un véritable besoin d’avoir cette discussion et cette implication des vendeurs dans le développement des projets. Pour cela, il nous faudrait être à même de trou- ver des mandataires internationaux suffisamment tôt pour pouvoir tisser un lien et un dialogue plus constructif avec eux et nous nourrir de leurs réflexions afin de tra- vailler le film via son «exportabilité » dans le choix du casting ou d’autres enjeux de production. Cependant, nous avons quand même vécu des belles histoires avec des agents de ventes pour Joyeux Noël ou encore Azur et Asmar car ces films avaient un vrai calibrage international. Nous avions alors collaboré très en amont avec eux pour réaliser des préventes et travailler cette image internationale afin d’apporter de nouvelles sources de financement.

Est-il devenu nécessaire d’avoir un mandataire international pour boucler vos plans de financement de films ? Ça l’a toujours été en réalité puisque si vous vous lancez sans un vendeur, cela veut dire que vous n’avez pas pré-validé « l’exportabilité » de votre projet. L’ensemble des partenaires (chaînes de télévision, SOFICA, etc.) va alors juger le potentiel interna- tional du film comme étant nul et ainsi renoncer à investir. L’agent de ventes fait partie des premiers contacts que l’on tisse sur un film car son importance est tout

100 adef • Le Livre Blanc de l’export

simplement stratégique d’un point de vue financier. Son apport est peut être moins valorisé que celui de nos partenaires sur le marché français mais il reste quand même fondamental et indispensable au lancement de la production.

Est-il important de diversifier vos collaborations avec les vendeurs internatio- naux d’une production à l’autre ? Le fait de travailler avec des mandataires internationaux de façon récurrente apporte une certaine confiance car nous connaissons les équipes avec lesquelles nous allons collaborer et leur efficacité. Il est toujours plus agréable de travailler dans un environnement de confiance. Mais il faut aussi se sentir libre et chaque type de film peut être apprécié par des vendeurs et par des distributeurs différents. Nous diversifions de plus en plus nos collaborations aussi bien pour la France que pour l’étranger car nous pouvons apprendre des différentes méthodes de travail des uns et des autres et nous nourrir du regard de chacun sur le marché international. Le plus important est que le vendeur international, tout comme le distributeur, soit passionné par le projet pour s’impliquer efficacement. Le risque d’un travail par habitude avec les mêmes partenaires est de ne plus avoir assez de passion ce qui est problématique car le mandataire international doit mouiller sa chemise sur les marchés pour vendre le film efficacement.

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Olivier Nakache & Éric Toledano, réalisateurs

Que représente la vente internationale des films pour vous, et comment voyez- vous ce métier ? La place de l’international pour nous est prépondérante. En effet, c’est quelque chose que nous avons toujours eu en tête même si nous n’aurions jamais pu ima- giner être autant distribués dans le monde avec un film comme Intouchables. Mais il est vrai que dès nos trois premiers longs métrages nous avons attaché une impor- tance particulière à la manière dont ils pouvaient être reçus à l’étranger.

Comment travaillez-vous avec les vendeurs internationaux ? Pour que nos comédies fassent rire dans les différents pays du monde, nous avons toujours supervisé nous même les traductions de nos films, spécialement pour la comédie puisqu’il faut être capable de trouver des équivalents locaux pour des vannes franco-françaises. Ne serait-ce que pour Intouchables dans lequel nous citons Chantal Goya ou José Bové par exemple, il faut trouver les dialogues équiva- lents pour pouvoir faire rire dans chacun des pays.

Ensuite, nous devons reconnaître que Cécile Gaget chez Gaumont a vraiment fait un travail de fond sur Intouchables. Avant que le film ne sorte, il y avait déjà une straté- gie implacable pensée très en amont avec un lancement cannois. Et cela a très bien fonctionné puisque le promoreel de huit minutes montré à cette occasion a permis de vendre une vingtaine de territoires. D’un point de vue plus artistique, avant de finir le montage d’un film, nous le montrons systématiquement à nos vendeurs et nous essayons d’être à l’écoute de leurs remarques.

Nous avons même construit une relation en dehors du cadre strictement pro- fessionnel avec Cécile Gaget. Dans l’idéal, nous voudrions continuer à travailler ensemble sur nos prochains projets mais ces choix ne dépendent pas que de nous et reviennent également à ceux qui s’occupent du financement de nos films.

102 adef • Le Livre Blanc de l’export

Est-il important d’accompagner vos films à travers le monde ? En tant que réalisateurs, nous pensons que c’est une partie prenante de notre métier que d’aller à la rencontre de publics différents qu’ils soient en province ou à l’étranger. En discutant avec le distributeur international de nos deux derniers films, Gaumont, nous avons pris conscience que l’impact sur les résultats des films n’était pas le même lorsque l’on se déplace pour accompagner la sortie d’un film à l’étranger et lorsqu’on ne se déplace pas. Il y a donc un premier aspect économique qui impacte la carrière commerciale des films lorsque l’équipe joue le jeu de la promotion internationale. Mais c’est surtout d’un point de vue purement intellectuel et artistique que le déplacement vaut la peine puisque l’échange avec les publics étrangers n’est jamais décevant. C’est toujours un enchantement que d’aller ren- contrer les spectateurs de nos films aux quatre coins du monde même s’il faut être en mesure de réaliser beaucoup d’interviews et beaucoup d’échanges avec le public dans un délai très court.

Par exemple, dès notre premier film, Je préfère qu’on reste amis, nous nous sommes déplacés pour le présenter notamment en Chine avec UniFrance, pour tester les réactions du public. Cela nous a fasciné et nous avons voulu poursuivre cette démarche pour nos films suivants. Par chance, Nos jours heureux s’est encore mieux vendu et nous avons accompagné le film dans de nombreux festivals ou pour ses différentes sorties. À chaque fois, ce qui nous intéressait c’était cette idée qu’un film puisse voyager et rencontrer des publics de cultures et de visions différentes. Alors quand la déferlante Intouchables est arrivée, nous nous sommes bien entendu prêtés au jeu avec plaisir et sommes en quelques sorte devenus les ambassadeurs du film à l’international. Cela a duré près d’un an et demi mais c’était quelque chose d’unique à vivre. Ce désir inavouable d’international était enfoui en nous et Intouchables nous a permis de le réaliser. De même pour Samba, nous avons bénéficié de la notoriété d’Intouchables ce qui a permis au film de sortir dans une quarantaine de pays.

Concevez-vous vos films dans une logique internationale ? Non, pas du tout. Au moment de la création de nos films, nous ne pensons pas à leur perception éventuelle par un public international car cela risquerait de pertur- ber l’écriture. Rien n’est calculé à l’avance mais notre inconscient nous attire vers des histoires qui sont universelles. Si l’on prend l’exemple d’Intouchables, dans chaque pays il y a des riches et des pauvres, des personnes handicapées et des personnes valides… Le message est donc plus facilement perceptible en dehors de notre frontière. Preuve supplémentaire : la première chose que l’on nous a dit lorsque nous avons commencé à travailler c’est que la comédie était le genre ciné- matographique qui se vendait le moins à l’international car l’humour est quelque chose de très culturel et de très local. Intouchables a, en ce sens, apporté un démenti formidable puisque c’est une comédie qui reste très ancrée dans la réalité

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française et qui a pourtant traversé les frontières. Donc si nous avions voulu plaire à tout prix, nous n’aurions pas choisi de réaliser des comédies mais plutôt un genre qui se vendait mieux à l’époque.

Est-ce que votre image à l’international s’est construite progressivement grâce au travail de vos différents vendeurs ? Notre image à l’international est bien entendue liée aux succès de nos films mais rien n’aurait été possible sans nos vendeurs et sans UniFrance qui nous a éveillé à l’étranger. C’est la meilleure invention qu’il y ait eu pour le cinéma français et c’est un véritable bijou qu’il faut garder et développer. En effet, nous avons fait partie de tellement de voyage organisés par UniFrance que nous ne pouvons que reconnaître la grande nécessité de cet organisme.

Mais c’est aussi bien entendu le succès d’Intouchables à travers le monde, avec plus de 31 millions de spectateurs, qui a terminé de façonner cette image. Nous avons depuis reçu des propositions de films venant de l’étranger. Pourtant, malgré ce succès, il faut être capable de faire ses preuves à chaque nouveau film.Samba a réussi à faire de bonnes performances à l’étranger mais pas dans la même mesure qu’Intouchables.

Enfin, la sélection de nos films dans les grands festivals a également joué un rôle important sur notre image à l’international. Après il faut savoir s’y retrouver car il y a tellement de festivals dans le monde qu’il faut être capable de connaître ceux qui sont bons pour le film. En général le vendeur et UniFrance ont ensemble une stratégie festivals bien précise. Par exemple, la présentation de Samba à Toronto plutôt qu’à Venise s’est révélée être une stratégie payante tout comme la clôture de San Sebastián pour Intouchables comme pour Samba. Il faut être présent dans les bons festivals c’est à dire dans ceux qui ont une influence sur le marché, sur les journalistes et sur le public.

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Nadia Turincev, productrice

Que représente la vente internationale des films pour vous, et comment voyez- vous ce métier ? Nous avons créé Rouge International il y a huit ans avec pour principe fondateur de faire des films à vocation internationale. Aussi bien des films français pensés pour l’international que des films étrangers capables de fonctionner en France. Nous pro- duisons des films pour qu’ils circulent et le mandataire international est celui qui va avoir pour mission de les vendre en dehors de leur territoire national. Les vendeurs internationaux vont d’abord agir comme un label, c’est à dire que suivant la société avec laquelle vous allez travailler, votre film sera connoté plus ou moins auteur ou commercial. Et c’est ce label qui va pouvoir agir sur les sélections dans les festivals et attirer des acheteurs.

L’agent de ventes va réfléchir à des stratégies de festivals, avec un calendrier qui fait sens et des premières mondiales ou régionales qui correspondent aux besoins des films et des distributeurs étrangers. En tant que productrices, nous comptons énor- mément sur les vendeurs pour élaborer une bonne stratégie festival. Par ailleurs, les festivals vont également avoir l’effet inverse. En effet, lorsqu’un film est sélectionné dans un festival majeur et qu’aucun mandataire international n’y est attaché, cela peut faciliter les choses en permettant à un vendeur de se rattacher tardivement à l’aventure. Cela nous est arrivé avec le film Bonsái de Cristián Jiménez qui a été sélectionné au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard. C’est seule- ment après l’annonce de sa sélection qu’un agent de ventes a acquis les mandats internationaux du film, avec un MG bien supérieur à ce qu’on aurait pu espérer obtenir sans cette prestigieuse sélection.

Est-il devenu nécessaire d’avoir un mandataire international pour boucler vos plans de financement ? Je pense qu’il est aussi important d’avoir un vendeur international qu’un distribu- teur France dès le lancement d’un projet. Malheureusement, mis à part nos toutes

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dernières productions, nous n’avons jamais eu d’agent de ventes attaché dès le stade du développement. D’un point de vue purement économique, le minimum garanti d’un vendeur n’est pas nécessairement indispensable pour boucler un plan de financement. Ce dernier est souvent indispensable pas tellement en termes financiers mais plutôt en termes de viabilité d’un film puisque un projet qui avance accompagné d’un vendeur international va inspirer plus de confiance aux autres partenaires. En s’engageant en amont sur un film, cela veut dire que le mandataire international croit à son potentiel commercial et de circulation.

Prêtez-vous attention aux remarques artistiques que peuvent vous faire les vendeurs sur vos productions ? Pour l’instant cela ne nous est jamais arrivé. L’idée est bien entendu de travailler ensemble et d’aligner les intérêts donc si nous avions eu affaire à un vendeur qui aurait exprimé un avis sur ce genre de questions, nous l’aurions très certainement écouté.

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Michel Hazanavicius, réalisateur

Que représente la vente internationale des films pour vous, et comment voyez- vous ce métier ? C’est très important. C’est potentiellement une deuxième vie pour le film. C’est aussi une manière différente pour le film d’être vu. En dehors des querelles de critiques franco-françaises, un film est plus vu pour ce qu’il est à l’étranger. Le rôle du ven- deur international est donc primordial, puisqu’il peut permettre au film d’être vu et apprécié dans de bonnes conditions s’il est vendu au bon distributeur, s’il va dans le bon festival, s’il est bien accompagné, etc.

Est-il important, en tant que réalisateur, que vos films soient vus un peu partout à travers le monde ? Oui, autant que possible. D’abord si vous avez la chance de faire un film qui marche hors de ses frontières, c’est la possibilité pour la suite d’avoir de nouvelles sources de préfinancement. C’est extrêmement important car c’est aussi l’opportunité de confronter votre travail à d’autres cultures, d’autres cinématographique, d’autres sensibilités, et de pouvoir bénéficier d’un autre regard sur votre travail en dehors du circuit traditionnel promotion-critique-exploitation.

En quoi le travail du vendeur joue-t-il un rôle sur l’image de vos films à l’in- ternational ? C’est un rôle de passeur, de transmission. Présenter le film au bon festival, trouver le bon distributeur étranger, faire le bon promoreel et le présenter au bon endroit au bon moment, ça peut évidemment faire la différence. Même si en dernier recours, le film à en lui ou non les qualités pour réussir à l’étranger, le vendeur assume un rôle clé dans ce circuit.

Pensez-vous que la carrière internationale de vos films soit en partie due au travail des ces agent de ventes ? En partie oui. J’imagine que selon les cas, cette responsabilité fluctue. Parfois un film doit énormément à son vendeur, parfois moins. Mais même dans le cas ou un

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vendeur international n’aurait pas une énorme responsabilité, au moins s’il ne nuit pas au film c’est déjà beaucoup.

Prêtez-vous attention aux remarques artistiques qu’ils peuvent vous faire sur votre film ? Dans la mesure où les distributeurs étrangers préfinancent le film, oui vous pouvez avoir à tenir compte des remarques du vendeur qui en l’occurrence se fait le relais d’un certain marché. En ce qui me concerne, je n’ai eu des remarques qu’à l’étape du casting, et oui je les ai suivies, car cela avait une influence directe sur les sommes engagées.

Travaillez-vous régulièrement avec les mêmes vendeurs internationaux ? Si possible oui, mais n’étant pas producteur délégué de mes films, je n’ai pas forte- ment la main sur cette décision.

Quels ont été les apports et les bénéfices des vendeurs internationaux pour votre travail de réalisateur ? Que leur devez-vous ? Pour les OSS 117, les deux films n’ont pas eu une carrière étrangère extraordinaire. Pour The Artist, le film a très bien marché partout dans le monde. On ne peut que saluer le travail du vendeur international, même si l’on ne peut pas en l’occurrence occulter le travail fait par le distributeur américain Harvey Weinstein. D’autant qu’il a lui même revendu le film sur beaucoup de territoires. Il est de toute façon toujours compliqué de définir les responsabilités des uns et des autres. Surtout dans le cas d’un succès. Dans le cas d’un échec, on sait que c’est la faute du film, donc du réalisateur.

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Annexes adef • Le Livre Blanc de l’export

ANNEXE 1 : LES INVESTISSEMENTS DES VENDEURS INTERNATIONAUX DANS LA PRODUCTION FRANÇAISE

180 160 LES INVESTISSEMENTS EN MANDATS ÉTRANGERS (EN M€) 140 120 180 100 160 80 140 60 120 40 100 20 80 0 60 2009 2010 2011 2012 2013 2014 40 20 0 2009 2010 2011 2012 2013 2014

LES INVESTISSEMENTS DANS LES FILMS D’INITIATIVE FRANÇAISE (EN M€)

1200

1100

1000 1200

900 1100

800 1000

700 900

600 800 2009 2010 2011 2012 2013 2014

Source700 : CNC – La production cinématographique en 2014 – Mars 2015

110 600 2009 2010 2011 2012 2013 2014 adef • Le Livre Blanc de l’export

ANNEXE 2 : LES VENDEURS INTERNATIONAUX FRANÇAIS, UNE EXCELLENCE QUI SE CONFIRME DEPUIS QUINZE ANS

12 Palmes d’Or au Festival de Cannes

2015 Dheepan de Jacques Audiard – Celluloid Dreams & Wild Bunch 2014 Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan – Memento Films International 2013 La Vie d’Adèle – Chapitre 1 & 2 d’Abdellatif Kechiche – Wild Bunch 2012 Amour de Michael Haneke – Les Films du Losange 2009 Le Ruban Blanc de Michael Haneke – Les Films du Losange 2008 Entre les murs de Laurent Cantet – Memento Films International 2007 4 mois, 3 semaines et 2 jours de Cristian Mungiu – Wild Bunch 2006 Le Vent se lève de Ken Loach – Pathé International 2005 L’Enfant de Jean-Pierre et Luc Dardenne – Celluloid Dreams 2004 Fahrenheit 9/11 de Michael Moore – Wild Bunch 2002 Le Pianiste de Roman Polanski – StudioCanal 2001 La Chambre du fils de Nanni Moretti – Wild Bunch

9 Grands Prix au Festival de Cannes

2015 Le Fils de Saul de László Nemes – Films Distribution 2013 Inside Llewyn Davis de Joel et Ethan Coen – StudioCanal 2011 Le Gamin au vélo de Jean-Pierre et Luc Dardenne – Wild Bunch 2010 Des Hommes et des Dieux de Xavier Beauvois – Wild Bunch 2009 Un Prophète de Jacques Audiard – Celluloid Dreams 2007 La Forêt de Mogari de Naomi Kawase – Celluloid Dreams 2006 Flandres de Bruno Dumont – Films Distribution 2003 Uzak de Nuri Bilge Ceylan – Pyramide International 2001 La Pianiste de Michael Haneke – MK2

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12 Caméras d’Or

2015 La Tierra y La Sombra d’Augusto Cesar Acevedo – Pyramide International 2014 Party Girl de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis – Pyramide International 2013 d’Anthony Chen – Memento Films International 2011 Les Acacias de Pablo Giorgelli – Urban Distribution International 2010 Année bissextile de Michael Rowe – Pyramide International 2009 Samson & Delilah de Warwick Thornton – Elle Driver 2007 Les Méduses d’Etgar Keret et Shira Geffen – Pyramide International 2006 12 h 08 à l’est de Bucarest de Corneliu Porumboiu – Coproduction Office 2005 La Terre abandonnée de Vimukthi Jayasundara – Onoma 2002 Bord de mer de Julie Lopes-Curval – Pyramide International 2000 ­ de Hassan Yekpatanah – Celluloid Dreams Un temps pour l’ivresse des chevaux de Bahman Ghobadi – MK2

4 Ours d’Or à la Berlinale

2015 Taxi de Jafar Panahi – Celluloid Dreams 2011 Une Séparation d’Asghar Farhadi – Memento Films International 2002 Le Voyage de Chihiro de Hayao Miyazaki – Wild Bunch 2001 Intimité de Patrice Chéreau – StudioCanal

10 Lions d’Or à la Mostra de Venise

2015 Desde allá de Lorenzo Vigas – Celluloid Dreams 2014 Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence de Roy Andersson – Coproduction Office 2013 Sacro GRA de Gianfranco Rosi – Doc & Film International 2010 Somewhere de Sofia Coppola –Pathé International 2009 Lebanon de Samuel Maoz – Celluloid Dreams 2008 The Wrestler de Darren Aronofsky – Wild Bunch 2006 Still Life de Jia Zhang-Ke – Memento Films International 2004 Vera Drake de Mike Leigh – StudioCanal 2002 The Magdalene Sisters de Peter Mullan – Wild Bunch 2000 Le Cercle de Jafar Panahi – Celluloid Dreams

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De nombreux Oscars dans des catégories majeures (Film, réalisateur, acteur, actrice & film en langue étrangère)

2015 Still Alice de Wash Westmoreland et Richard Glatzer (Meilleure actrice) – Memento Films International 2014 La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino (Meilleur film en langue étrangère) – Pathé International 2013 Amour de Michael Haneke (Meilleur film en langue étrangère) – Les Films du Losange 2012 The Artist de Michel Hazanavicius (5 Oscars dont Meilleur film, Meilleur réalisateur & Meilleur acteur) – Wild Bunch The Iron Lady de Phyllida Lloyd (Meilleure actrice) – Pathé International Une Séparation d’Asghar Farhadi (Meilleur film en langue étrangère) – Memento Films International 2009 Slumdog Millionaire de Danny Boyle (8 Oscars dont Meilleur film, Meilleur réalisateur & Meilleur scénario adapté) – Pathé International 2008 La Môme de Olivier Dahan (Meilleure actrice) – TF1 International 2007 The Queen de Stephen Frears (Meilleure actrice) – Pathé International 2004 Les Invasions Barbares de Denys Arcand (Meilleur film en langue étrangère) – Pyramide International 2003 Le Pianiste de Roman Polanski (3 Oscars : Meilleur réalisateur, Meilleur acteur & Meilleur scénario adapté) – StudioCanal

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GLOSSAIRE

Bidding war : « Guerre des enchères ». Situation dans laquelle deux acheteurs ou plus sont intéressés par le même film et doivent, pour obtenir les droits, faire des offres toujours plus élevées parfois du prix qu’ils paieraient normalement pour ce type de projet. Situation idéale pour un vendeur international.

DCP (Digital Cinema Package) : Ensemble de fichiers informatiques qui regroupent tous les élé- ments permettant de projeter un film numériquement (images, sons, sous-titres). Ces fichiers sont généralement livrés sur un disque dur externe afin d’être stockés sur le serveur d’une cabine de projection numérique.

Flat deal : Contrat d’acquisition des droits d’exploitation d’un film qui ne prévoit pas de remon- tées de recettes futures. Une fois le montant de la vente versé, le distributeur étranger pourra garder l’intégralité de ses éventuelles recettes réalisées grâce au film.

Holdback : Date avant laquelle toute diffusion d’un film sur un support donné est formellement interdite. Ce mécanisme a pour but de garantir au distributeur du pays de production, la pri- mauté de sortie sur son territoire et sur tous supports.

Line-up : Liste des films récemment terminés et en projet représentés par un vendeur interna- tional sur un marché donné. Exemple : line-up cannois. Les films plus anciens seront regroupés dans le catalogue du vendeur.

Mandats croisés : Pratique qui consiste, pour un distributeur, à acquérir plusieurs mandats pour un même film (France, étranger, vidéo) en versant un minimum garanti qui les englobe tous (cross). Cela permet d’optimiser l’amortissement des frais d’édition et du MG puisqu’il n’y aura de remontée aux ayants droits que si l’ensemble des recettes générées par ces mandats croisés dépasse l’investissement total (MG+P&A) du distributeur.

Market premiere : Première projection de marché d’un film. Seuls les acheteurs potentiels peuvent y avoir accès car le film pourra être plus tard sélectionné dans un grand festival qui exigera d’avoir l’exclusivité de la première projection publique hors du pays de production.

Minimum garanti (MG) : Avance ferme et non remboursable consentie par un vendeur inter- national sur les recettes futures générées par les éventuelles ventes d’un film et versée au

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GLOSSAIRE

producteur au moment du financement du projet. Cette somme lui reste acquise en toute hypothèse, même si le montant total des gains futurs n’atteint pas le montant payé au titre de ce minimum garanti. Par la suite, l’agent de ventes va également chercher à obtenir de ses clients des MG en leur cédant les droits d’exploiter le film sur tous supports sur un territoire donné contre une avance calculée sur un montant de recettes futures espérées et également non remboursables même si le film est un échec.

P&A (Prints and Advertising) : Frais d’édition dépensés par les distributeurs pour les sorties des films. Ces dépenses peuvent être de quatre natures différentes : • Les frais techniques de duplication et de transport des fichiers numériques DCP • Les achats d’espaces publicitaires (affichage, radio, presse, cinéma, internet, etc.) • La conception et la fabrication du matériel publicitaire (affiches, pages web, bandes annonces) • Les frais de relations presse (avant premières, festivals, attachés de presse, déplace- ments des équipes, etc.)

Prévente : Vente anticipée d’un film, avant que celui-ci ne soit terminé. La prévente peut inter- venir après une présentation détaillée du projet mais aussi suite à la lecture du scénario ou au visionnage d’extraits vidéo. Une fois le film finalisé et montré aux acheteurs, les préventes laisseront leur place aux ventes.

Promoreel : Longue bande annonce (entre quatre et dix minutes) destinée aux acheteurs de films. Le but est avant tout de montrer les qualités cinématographiques du projet, le traitement de l’intrigue, la mise en scène ou encore l’interprétation des acteurs pour déclencher une vé- ritable volonté d’acheter le film. Contrairement à une bande annonce pour le grand public qui garde une certaine part de mystère, le promoreel pourra dévoiler la fin de l’intrigue pour mieux illustrer son traitement.

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REMERCIEMENTS

Jean-Jacques Annaud – Réalisateur Carole Baraton, Olivier Barbier & Emmanuelle Castro – Wild Bunch Philip Boëffard – Producteur, Nord-Ouest Charlotte Boucon – SND / Groupe M6 Philippe Carcassonne – Producteur, Ciné@ Sabine Chemaly – TF1 International Yohann Comte – Gaumont Frédéric Corvez – Urban Distribution International Alice Damiani & Daniela Elstner – Doc & Film International Laurent Daniélou – Loco Films Nicolas Eschbach & Beata Saboova – Indie Sales Denis Freyd – Producteur, Archipel 33 > 35 Emilie Georges – Memento Films International Isabelle Giordano & Gilles Renouard – UniFrance Films Michel Hazanavicius – Réalisateur Julien Herlory – Iris Productions Kasia Karwan & Jean-Charles Mille – Premium Films Eric Lagesse – Pyramide International Patrice Leconte – Réalisateur Anna Marsh & Pierre Mazars – Studiocanal Marc Missonnier – Producteur, Fidélité Films / Président de l’APC Grégoire Melin – Kinology Marie-Laure Montironi – Europacorp Philippe Muyl – Réalisateur Olivier Nakache & Eric Toledano – Réalisateurs Camille Neel – Le Pacte Hengameh Panahi – Celluloid Dreams Franka Schwabe & Gilles Sousa – Bac Films International Céline Sciamma – Réalisatrice Nadia Turincev – Productrice, Rouge International Agathe Valentin – Les Films du Losange Alain Vannier – Orly Films François Yon – Films Distribution

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REMERCIEMENTS

Merci aux relectrices : Monique Brosseau, Lucie Girre et Marie Wintenberger

Remerciements spéciaux :

Le CNC : Frédérique Bredin et la Direction des affaires européennes et internationales : Pierre-Emmanuel Lecerf, Michel Plazanet, Catherine Souyri-Desrosier & Catherine Jouen

René Bonnell Jean-Paul Commin Florence Gastaud Et les membres du bureau exécutif de l’ADEF.

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Avec le soutien du Centre national du cinéma et de l’image animée

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