Le Divorce De Jeannette
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JEANNETTE VERMEERSCH Une page tournée... JEANNETTE VERMEERSCH ET MAURICE THOREZ ...sur une tranche d'histoire onimunisme Une excellente voix pour les mee- monde, connaîtra certains affronte- tings et la tribune, grave, chaude, ments entre « Geta de l'intérieur » et parfois rauque. Un style direct qui « ceux de l'extérieur ». cogne et qui porte. « Notre meilleur 1945 .-1947. « Mon parti m'a rendu orateur, dit-on dans le Parti, est cette les couleurs de la France », chante Le divorce jeune oratrice. » Aragon. Le « parti des fusillés », le L'ouvrière de Lille rencontre, dans parti des F.T.P., devient parti de une réunion publique, un chtimi gouvernement aux côtés de la comme elle, Maurice Thorez, le mi- S.F.I.O. et des M.R.P. De Gaulle de Jeannette neur de Noyelles-Godault, devenu, épouse la France, Jeannette épouse depuis trois ans, secrétaire général Maurice. Elle lui donne un troisième du P.C.F. Idylle. Amour et politique. fils. Il est ministre d'Etat et vice- Rudes combats du « fils du peuple » président du Conseil. Elle est mem- * L'a crise du 20 octobre et de sa compagne. Le « vaillant parti bre du comité central du P.C.F. et qui a divisé le comité central du P.C., communiste » que chante Aragon est député. Stabilité familiale. Respecta- c'est, derrière «vingt-quatre heures de la vie d'une femme», alors très `ouvrier et un peu ouvrié- bilité du pouvoir. Le P.C. est le pre- riste, mais lorsque, devant la « mon- mier parti de France, Jeannette Ver- vingt-quatre ans de la vie d'un parti - tée des périls » du nazisme, Moscou meersch la first lady- de la gauche. décide de favoriser la constitution de Le 21 octobre, à la sortie vrières comme celles du Nord, du vastes fronts démocratiques antifas- De l'Olympe au ghetto de la grande salle de la mai- Pas-de-Calais, des Basses-Pyrénées, cistes dans les pays d'Europe occi- rie d'Ivry, où vient de se pour constituer, au sein du Parti, si- dentale, Maurice Thorez, prodigieux Elle assume avec bonheur ce rôle tenir une session vraiment non une fraction, du moins une ten- organisateur, transforme ce mouve- olympien. Grande, sobrement élé- historique du comité central du dance plus ou moins avouée, mais la ment d'avant-garde en un grand mou gante, le plus souvent vêtue d'une parti communiste, chacun s'interroge : plupart d'entre eux ne sont plus de veinent de masse, populaire et natio- jupe et d'une veste bleu marine, por-: Jeannette Verrneersch, en donnant sa la première jeunesse et ils ne parais- nal. Jeannette Vermeersch fonde à tant talons plats et cheveux courts démission du bureau politique et du sent pas assez dynamiques pour en- Paris, avec Danielle Casanova et Ma- avec une mèche rebelle sur le front, comité central du Parti communiste traver sérieusement, au cours des rie-Claude Vaillant-Couturier, une or- elle a de la prestance et de la pré- français, veut-elle signifier son adieu mois qui viennent, le processus de ganisation assez large l'Union des sence. Dans les réceptions officielles à la politique active'? Ne rentre-t-elle, rénovation lent, mais irréversible, qui jeunes filles de France. et les mondanités du Tout-Paris, l'an- au contraire, dans le rang que pour s'est amorcé au sein 'du P.C.F. Front popu. Plis mêlés du drapeau cienne ouvrière, la fille du docker et mieux regrouper autour d'elle ceux La journée du 20 octobre, au cours rouge et du drapeau tricolore. Le de la tisserande fait preuve d'une qui, dans le Parti, s'accrochent encore de laquelle Jeannette Vermeersch n'a pain, la paix, la liberté. La bataille aisance étonnante, sachant conserver , au dogme de l'infaillibilité mosco- pas trouvé un seul défenseur devant du pain est gagnée grâce aux grandes sa personnalité en évitant la déma- irite ? Jusqu'à quel point faut-il pren- le comité central d'Ivry, fera date dans conquêtes de 1936, la bataille de la gogie populiste sans se transformer dre garde à la « vieille garde »? l'histoire du communisme français. paix et de la liberté perdue parce que en bourgeoise. Elle impressionne La question se pose en termes d'au- Une époque se termine, celle de 1944- l'U.R.S.S., la Grande-Bretagne et la de Gaulle, fascine d'Astier: C'est la tant plus brûlants qu'à l'heure ac- 1968, où l'épouse de Maurice Thorez France ne savent pas s'unir pour faire grande période d'une grande dame. tuelle l'U.R.S.S. et ses alliés les plus joua un rôle si crucial. La crise du reculer Hitler. Pacte germano-sovié- Tout cela s'écroule en 194:7, ba- proches envoient, massivement et di- 20 octobre, c'est, derrière les drama- tique. Guerre mondiale. Thorez exé- layé par le vent glacé de la « guerre rectement, à des responsables et à tiques « 24 heures de la vie d'une cute l'ordre du Komintern qui lui froide ». Doctrine Truman, plan des militants communistes français, femme », 24 ans de la vie d'un parti. enjoint de gagner l'U.R.S.S., car le Marshall, guerre d'Indochine. Rama- toute une littérature tendant à justi- Une page tournée. Une tranche d'his- temps n'est pas encore venu où l'on dier chasse ses ministres communistes,. fier l'intervention soviétique à Pra- toire. peut contester, dans le mouvement les pro-Américains triomphent à Pa- gue et qu'une délégation, présidée par communiste international, une déci- ris, I'a.ntisoviétisme se déchaîne, le' le secrétaire général du P.C.F., ren- Lille, Paris, Moscou sion de Moscou. Jeannette Vermeersch P.C. retourne au ghetto. Jeannette contre une délégation du P.C. sovié- l'accompagne. Tous deux passeront Vermeersch règne encore largement, tique pour lui faire connaître son Le prologue, qui remonte à toute la guerre en Union soviétique. mais sur le seul monde communiste, désir de renforcer, en dépit des désac- l'avant-guerre, est dur et pur. Lucile Ils ne participeront pas personnelle- sur un univers rétréci, tronqué, qui cords sur la Tchécoslovaquie, l'unité (c'est son vrai prénom), petite-fille ment à cette résistance sur le sol se durcit de plus en plus au fur et à d'action entre les deux partis sur les d'une famille très nombreuse et très national dans laquelle les communistes mesure qu'on l'isole et qu'il s'isole. grands problèmes internationaux — pauvre, travaille, dès l'âge de 12 ans, se montreront si courageux et si effi- Elle dirige son mini-royaume de- mais aussi pour réclamer que Mos- dans une usine de textile du Nord caces. Thorez en ressentira, après la puis son bureau d'angle presque ano- cou cesse d'intervenir lourdement et devient, à 18 ans, une gréviste, une victoire, un sentiment de frustration. nyme, au premier étage du bâtiment dans les affaires intérieures du com- militante, une responsable au bureau Jeannette Vermeersch réagira avec une du comité central, 44, rue' Le Pele- munisme français. national des Jeunesses communistes. susceptibilité et une irritabilité parti- tier, et sa « résidence secondaire », au Les e compagnons de Jeannette » Si elle grimpe si vite, c'est que ses culières lorsque, à l'occasion de quatrième étage de l'immeuble annexe sont sans doute assez nombreux, sur- qualités sont évidentes. De la force, l'affaire Tillon, par exemple, le P.C. du Parti, 19, rue Saint-Georges. C'est tout dans les vieilles fédérations ou- de la flamme. Le sens des fouies. français, comme tous les P.C. du de là qu'elle supervise l'action des Page 20 Lundi .28 octobre 1968.