Raoul Boyer Sian tout d’ami galoi e libre

Frederi Mistral

REVISTO CULTURALO  REVUE CULTURELLE

PROUVENÇAU  FRANÇAIS

EDITOURIAU Michel Compan Georges Brassens et Pierre Paul (suite) André Chiron

Occitanie, Aquitaine : aux sources Jean Lafitte "Prix Nobel" et "nobélisables" Sven Björkman L’esparganèu, dans le Poème du Rhône Roseline Lombard Les 700 ans de l’Enclave des Papes Simone Méance A. Compan, un grand linguiste historien Michel Compan Dins un armàri, à l’oustau de famiho Pierre Avon Sainte Hélène d’Anjou, Reine de Serbie Milenko Šmakìć Le destin d’un peuple, les Caréliens Artur Laast La quadrilette en compétition Norbert Michel La davalado de l’Ardecho Marcel Bosqui La descente de l’Ardèche en Kayak François Bosqui Les Jeux olympiques de Rio 2016 Françoise Vilela La férule et le fenouil C. Mangiapan BREVES « La glottophobie » par P. Blanchet Henri Féraud Gitanjali, poèmes indous de R. Tagore Henri Féraud traduits par J.M Courbet

Guy Bonnet et Eric Breton en concert Michèle Féraud Jeanne Darmure épouse Ripert – 1829 collection particulière

« ne

la langousto N° 25 Semestrau Autouno 2016

Les Amis de Font-Ségugne – Lis Ami de Font-Segugno

Association culturelle bilingue (régie par la Loi de 1901) Siège historique : Le Château de Font-Ségugne Siège social : Mairie de Châteauneuf de Gadagne - 84470 Châteauneuf de Gadagne Correspondance : 6 bd Paul Chabas – 84000 Avignon courriel : [email protected]

PRESIDENCE D’HONNEUR Monsieur et Madame Geren, propriétaires du Château de Font-Ségugne

COMITE D’HONNEUR Alice Colby-Hall, professeur de langues romanes à la Cornell University of New York Patrick de Carolis, écrivain - Ex PDG de France Télévision Pierre Jourdan

MEMBRES DU CONSEIL D’ADMINISTRATION (élus à l’Assemblée générale du 19 avril 2015)

Michèle Benvenutti, Guy Bonnet, Mireille Bosqui , Dominique Boyer, Michel Compan, Henri Féraud, Christiane Mangiapan, Georges Massieye, Evelyne Ricord, Monique Site.

MEMBRES DU BUREAU (nommés par le Conseil d’Administration le 25 avril 2015)

Président : Henri Féraud Vice-Présidente : Mireille Bosqui Vice-Président : Georges Massieye, délégué aux relations internationales Secrétaire : Dominique Boyer Trésorière : Evelyne Ricord Trésorière adjointe : Monique Site

L’association a pour but de contribuer au rayonnement international de l’Ecole littéraire de Font-Ségugne, de veiller au respect de ce lieu historique, à répandre et perpétuer la culture et la langue provençales illustrées par Frédéric Mistral.

Ses moyens d’action sont : A. La parution semestrielle d’une revue culturelle bilingue ayant pour titre « Li Letro de Font-Segugno » qui contribue au développement de l’Ecole littéraire de Font-Ségugne.

B. L’organisation de conférences, tables rondes, auditions poétiques et musicales, théâtre et cinéma, expositions, tous autres moyens audio-visuels.

C. L’organisation du « Prix de Font-Ségugne » ayant pour but de favoriser la création contemporaine d'une œuvre littéraire, de musique, de peinture et arts plastiques ayant trait à la Provence, avec attribution d’une médaille aux lauréats.

COTISATIONS POUR L’ANNEE 2016 : 2 numéros par an Cotisation individuelle : 25 euros – Cotisation par couple : 30 euros A verser par chèque à l’ordre de : « Les Amis de Font-Ségugne » - Evelyne RICORD – 11 rue Augustin Tardieu – 13200 ARLES

Directeur de la publication : H. Féraud - Secrétaire de rédaction : G. Massieye - Comité de rédaction : Monique Site – Mireille Bosqui – Evelyne Ricord

Tous droits réservés sur l’ensemble des textes inédits publiés dans Li Letro de Font-Segugno. Déclaration de l’Unioun dis Escrivan Prouvençau signée en 1982 : Les écrivains en langue provençale, conscients de leur devoir de témoigner en faveur de leur culture authentique, déclarent s’opposer sans aucune limitation de durée et sans aucune exception, en France et à l’étranger, à toute transposition ou adaptation de leurs œuvres, demandent, au vu du droit moral de l’auteur (art. L.121-1 et 2 du CPI), la préservation de la graphie ou orthographe choisie par l’auteur. Il en résulte que, même tombée dans le domaine public, leurs œuvres ne pourront être transposées totalement ou partiellement dans un système autre que celui choisi par son auteur, qu’elles aient été publiées sous leur nom ou sous un pseudonyme. Aucun de leurs ayants-droit n’est autorisé ultérieurement à revenir sur tout ou partie de cette interdiction. Liste des 24 membres fondateurs (juillet 2002)

Arnaud Robert, vice-président du Collectif Provence

Barracan Madeleine, déléguée de Gascogne-Béarn

Bonnet Guy, auteur, compositeur de chants provençaux

Bosqui Mireille, maîtresse d’œuvre du Félibrige, administratrice au Palais du Roure

Boyer Raoul, professeur de médecine, diplômé de provençal moderne, maître en Gai Savoir du Félibrige, Prix Mistral

Boyer Sadia, avocate au Barreau d’Avignon, membre de la Nation Gardiane

Charrasse Alain, provençaliste, cadre secteur Le fenouil sauvage bancaire, ancien maire de Beaumont-du-Ventoux N°25 AUTOUNO 2016 Compan André, docteur es lettres, majoral du 13ème année

Félibrige 1 Sommaire Desiles Emmanuel, professeur de lettres, président du EDITOURIAU Michel Compan 2 Prouvençau à l’Escolo 1 Brassens et Pierre Paul (suite) André Chiron 4 Fabre Edmond, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, ex professeur de lettres au lycée Frédéric Occitanie, Aquitaine Jean Lafitte 11 Mistral, ancien maire des Angles Prix Nobel et Nobélisables Sven Björkman 18

Favre Michel, président de l’association de musique L’esparganèu, poème du Rhône Roseline Lombard 23 ancienne Li 700 an de l’Enclavo di Papo Simone Méance 31 Féraud Henri, membre fondateur et Trésorier de André Compan, un grand linguiste Michel Compan 32 l’Union Provençale, Prix Mistral

Gabriel André, professeur au Conservatoire National Dins un armàri de famiho Pierre Avon 35 de Région "Pierre Barbizet" de Marseille ainsi qu’au Sainte Hélène d’Anjou Milenko Šmakìć 44 Conservatoire à rayonnement régional d’Avignon Le destin du peuple carélien Artur Laast 48

Jourdan Pierre, cadre supérieur secteur bancaire, La quadrilette en compétition Norbert Michel 50 retraité La davalado de l’Ardecho Marcel Bosqui 59 Julian Claude, membre du Comité du Museum Arlaten, Membre du jury du Prix Mistral La descente de l’Ardèche François Bosqui 60

Moucadel René, professeur de lettres, prix Mistral et Les Jeux olympiques de Rio 2016 Françoise Vilela 62 Grand Prix de Provence, ancien maire de Maillane La férule et le fenouil Christiane Mangiapan 64

Parat Thérèse, félibresse, professeur des écoles BREVES

Mgr. Reyne André, doyen du Chapitre de N.D.des « la glottophobie » par P. Blanchet Henri Féraud 66

Doms, Maître d’œuvre du Félibrige Gitanjali, 103 poèmes de Tagore Henri Féraud 67

Roche Christiane, co-présidente de l’Union traduits par Jean-Marc Courbet

Provençale Guy Bonnet, Eric Breton en concert Michèle Féraud 68

Soubeyras Jean, professeur de mathématiques, professeur de provençal au Flourège d’Avignon

Tennevin Jean-Pierre, ex professeur de lettres, majoral du Félibrige, prix Mistral

Tronconi Max, médecin, président de l’Académie de Provence, membre de l’association des poètes français

Venture Rémy, bibliothécaire, prix Mistral, Grand Prix de Provence, Majoral du Félibrige

Vouland Pierre, professeur de linguistique à la Faculté de Nice, Majoral et ancien baile du Félibrige, adjoint au maire de Cannes L’esparganèu

EDITORIAL Par Michel COMPAN

L’attentat du 14 juillet, à Nice, a provoqué l’opprobre général de cette BARBARIE renouvelée de l’islam radical. Nos pensées fraternelles vont aux victimes et à leurs parents, ainsi qu’aux blessés qui souffrent toujours dans leur chair. Les nationalités touchées reflètent bien la composition actuelle de nos populations, sur la zone littorale, avec une proportion importante de touristes du mois de juillet, et de nombreux représentants des villages du Haut Pays. A côté des panneaux affirmant « Nous sommes Nice ! », lors des hommages de la population et des élus, il y a eu de très nombreux « Sian Nissa », relayés par les télévisions et les journaux, et illustrant bien cette composante linguistique de notre « koiné ». Cette identité affirmée dans la joie des victoires sportives, s’exprime aussi dans la douleur.

Un mois avant, les Fêtes du Félibrige avaient célébré, à Nice (au même endroit, sur la « Prom »…°l’ alliance indissoluble du Comté et de la Provence, à travers ses écrivains d’Oc, à travers son théâtre vivace et productif. La fierté de l’intelligence provençale, dans Nice « Cap de Prouvènço » (Mistral), comme à Menton, apparait dans la diversité des dialectes, et dans la solidarité de l’histoire, avec comme point commun, aujourd’hui comme dans l’Antiquité, l’importance des deux grands pôles régionaux Marseille et Nice ; tout cela se situe le long d’un grand axe pérenne de communication, issu de la « Via Julia », qui égrène par Antibes, Cannes, Fréjus, Brignoles, Aix ses étapes multi séculaires. Rappelons que 60 % du territoire de notre Région, le long de la côte, concentre 94 % de la population. L’Unioun Prouvençalo propose de partager le pouvoir exécutif et législatif dans deux sièges distincts, à Marseille et à Nice, pour un rééquilibrage nécessaire, qui toucherait aussi le domaine judiciaire. Et le nom devrait alors s’imposer, avec le terme mondialement connu de « PROVENCE », pour l’ensemble de notre Région (appellation déjà utilisée par les logos commerciaux).

Notre numéro présentera aussi la suite des chansons de Brassens transcrites en provençal par Pierre Paul ; l’Occitanie, l’Aquitaine dans la réforme territoriale des régions ; notre délégué suédois nous explique comment Frédéric Mistral a été lauréat du prix Nobel en 1904 ; la symbolique de l’esparganèu dans le « Poème du Rhône » ; une biographie de l’écrivain et historien niçois André Compan ; les poèmes de Felip Vève en 1820 ; l’histoire de Sainte Hélène d’Anjou de Serbie par notre correspondant serbe ; le destin d’un peuple, les Caréliens par notre délégué estonien ; une présentation des courses historiques du Mont Ventoux ; une étude sur les Jeux Olympiques 2016 à Rio de Janeiro par notre déléguée du Brésil …

Fiers de notre passé, nous sommes en prise directe avec les difficultés et les atouts de notre chère Région, composante de notre Etat, pierre de l’édifice national. C’est l’action mistralienne qui a fait ses preuves depuis plus de 160 ans qui reste toujours d’actualité.

A l’occasion de la parution de ce numéro d’automne, nous sommes très heureux de féliciter nos amis correspondants étrangers, provençaux et des autres régions françaises pour l’abondance et la qualité de leurs articles qui montrent l’importance de notre belle revue littéraire bilingue « Li Letro de Font- Segugno ».

Le Comité de Rédaction

EDITOURIAU Per Miquèu Compan

L’attentat dóu 14 de la Madalèna, à Nissa a mandat l’opproba d’en toui au vist de la BARBARÌA remandat de l’islam dei ràia. Li nouostri pensada de fraire soun per lu mouort e per li parent, couma per li ferì que patissoun encuei dins lu carn. Li naciounalita toucada mandoun lou reflèt segur de la coumbricoula dei gent que soun, en aqueu moumen, sus la coustièra, embé un mouloun de fourestié dóu mes de juillet, ma tamben de gent noumbrous vengut dei cantoun dei valada. A cousta dei panouncèu doun era escrich « Nous sommes Nice », coura s’es dounat li oumenage poupulari e dei élégi, aven vist de fube d’autre doun era marcat « Sian Nissa », e s’es ben vist en la télévisioun e dins li journau ; acò, fau lou dire, es lou marcamen de la nouostra lenga en la « koiné » nissarda ! L’identita affirmada dins la joia, couma per li vitoria de l’esport, a la siéu espressioun parié dins la doulou.

Un mes fa, lou Coungres e li fèsta de la Santa Estella dóu Felibrige (just à l’endré en Proumenada dei Englès…) avioun soulignà lou parage insécabile dóu Countat e de la Prouvença, per lou biais dei escrivan d’Oc, couma per la vida vidante dóu teatre e li sieu noumbrousa pèça. La fierta de l’esperit prouvençau, dins Nissa « cap de Prouvènço » (Mistral), couma per Mentoun, es recouneissu dins la diversità dei dialète, dins la soulidarità de l’Istòria, tout acò a un pounch en coumun, au jou d’ahura, couma dins l’Antiquità : lou foundament dei doui cap de Regioun, Marsiha e Nissa. Es, de segur, sus l’aubre mage dei ana vèni, sus la routa qu’en la roumanita si sounava la « Via Julia », que se rescountre Antibo, Cano, Freju, Brignolo, Ais, aqueli gran païs dei secoulou passat e dóu temp nouostre. Fau se remembra que 60% dóu terradou regiounal, en riba de mar fa vieure 94% dei gen. L’Unioun Prouvençalo a proupousà de laissa lou poudé esecutieu e aqueu legislatieu, dins la Regioun, dins doui siège desseparat à Marsiha e à Nissa, per redounà d’equità, embé acò per lou doumani dei tribunau. E aloura per lou noum de la nouostra Regioun es lou mot counouissut en tout lou mounde « PROUVENÇA » qu’imposa la sieu necessità, de segur ! (Aqueu mot es emplegat per li « logo » dei merce).

Aqueu numerò dei « Letro de Font-Segugno » va parla en d’articoulou sus li cansoun de Brassens, revirada en prouvençau per Pèire Pau ; l’Oucìtania, l’Aquìtania dintre la refourma territouriala dei regioun ; lou nouostre delegat de Suèda nous mouostra couma Frederic Mistral es estat courounat dei Nobel en 1904 ; la simbolica de l’esparganèu dintre lou « Pouèmo dóu Rose » ; una biougrafìa de l’escrivan e istourian de Nissa, Andrieu Compan ; li pouesìa de Felip Vève, en 1820 ; de Santa Elena d’Anjou, in Serbia, parla lou courespoundent serba ; lou nouostre delegat d’Estounìa nous assabenta sus lou destin dóu pople carelian ; una presentacioun dei virada istourica au Mount Ventour ; la delegada dóu Brasil parla dei Juec oulimpic 2016 dins Rio de Janeiro ; la calada de l’Ardecha ; encà mai un brout de boutanica…

Fier dóu passat noustral, sian en pihadura drech sus li cruci e li chança de la nouostra tant cara Regioun, que coumpaua lou nouostre Estat, peira de la maioun naciounala. Es just cen que nous a moustra Frederi Mistral ; acò a fach li sieu prova, despì mai de 160 annada e resta toujou d’atualità.

Aproufichan de l’espelido d’aquest numerò d’autouno pèr de dire à nòstis ami courrespoundènt fourestié, prouvençau e dis àutri regioun franceso que, pèr l’aboundànci e la qualita de sis article, aduson la bello demoustranço de l’impourtanço de nosto drudo revisto literàri bilengo, « Li Letro De Font-Segugno » Lou Coumitat de redacioun AIDE A LA LECTURE DES CHANSONS DE BRASSENS

TRADUITES EN PROVENÇAL PAR PIERRE PAUL

Suite de l’article paru dans le n° 24 Printèms 2016

Par André Chiron

CUPIDOUN SE N'ENCHAU

CUPIDON S'EN FOUT

7 strophes en français 7 strophes en provençal

Chanson traduite quasi littéralement et point difficile à suivre, quelques mots de vocabulaire pour parfaire votre connaissance de la langue provençale.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron … … … Mais, ce jour-là, Vénus était distraite, Dins soun arquiero avié plus de sageto… Dans son carquois il n’avait plus de flèches Il est des jours où Cupidon s'en fout. (bis) De cop que i’a Cupidoun se n’enchau Des fois Cupidon s’en fout

1ère strophe : Sageto = flèche Ne pas confondre se n'en chala = s'en délecter, se régaler et se n'enchaure qui veut dire s'en moquer, s'en f…. enchau = venant du mot français peu usité : chaloir ex: peu me chaut que….)

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron … … … Des jours où il joue les mouches du coche. Coume un tavan quàuqui fes virouiejo Comme un taon quelquefois il volette Où elles sont émoussées dans le bout, Sèns saupre soulamen mounte ié fau Sans savoir seulement où il faut Les flèches courtoises qu'il nous décoche, Manda si flècho e sèmblo que galeja… Il envoie ses flèches et semble s’amuser Il est des jours où Cupidon s'en fout. (bis) De cop que i’a Cupidoun se n’enchau Il y a des fois Cupidon s’en fout

2ème strophe Tavan = taon, grosse mouche. Virouieja = voltiger, voleter, pirouetter.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron … … … Se consacrant à d'autres imbéciles, Atenciouna pèr d’autre calignaire Attentionné pour d’autres amoureux Il n'eut pas l'heur de s'occuper de nous, Nous a leissa nè coume de gournau Il nous a laissés penaud comme des naïfs Avec son arc et tous ses ustensiles Que de nous autre s’óucupavo gaire… Que de nous autres il s’occupe guère…

3ème strophe Nè = interdit, penaud, déconcerté. Gournau = naïf, ébahi, badaud

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron … … … Sur l'herbe tendre, on s'est roulés, mais vous Se sian viéuta, gatiha. Es egau ; On s’est roulé par terre, on s’est chatouillé Avez perdu la vertu, pas la tête T’ai pas pouscu faire perdre la tèsto… Il t’a pas pu faire perdre la tête

4ème strophe Viéuta = rouler par terre. - Gatiha = se chatouiller.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron … … … Si vous m'avez donné toute licence, ‘Mé nautre ansin, jougant is escoundudo, Ainsi jouant en cachette avec nous Le cœur, hélas, n'était pas dans le coup ; Dóu grand amour nous leissè au lindau. Il nous laissa au seuil du grand amour Le feu sacré brillait par son absence… Lou sounavian pamens à la perdudo… Nous l’appelions cependant éperdument…

5ème strophe Escoundudo = en cachette (ainsi jouant en cachette avec nous, nous laissa au seuil du grand amour). Lindau = seuil, entrée d'une maison. Perdudo (à la) = éperdument.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron … … … On effeuilla vingt fois la marguerite, Ai enciha vint cop la margarido J’ai effeuillé vingt fois la marguerite Elle tomba vingt fois sur "pas du tout". Sènso encapa ni « proun » ni meme « un pau ». Sans attraper ni beaucoup ni même peu Et notre pauvre idylle a fait faillite, Nosto passioun bèn lèu s’es avanido… Notre passion bien vite s’est évanouie…

6ème strophe Enciha = forme rhodanienne de "eiciha" (enlever les cils) enlever les pétales d'une fleur. Avanido = affaiblie, évanouie. ni « proun » ni meme « un pau » : rappelle les paroles de la comptine qui s’égrène lorsqu’on enlève les pétales à une marguerite : je t’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron … … … Quand vous irez au bois conter fleurette, Se voulès preserva vósti jouguino Si vous voulez préserver vos badinages Jeunes galants, le ciel soit avec vous. E que pèr vous perdure l’an badau Et que pour vous perdure vos illusions Je n'eus pas cette chance et le regrette, Vous fisès jamai de si matrassino… Ne vous fiez jamais à ses flèches…

7ème strophe Jouguino = badinages, ébats, caresses, distraction. L'an badau = première année du mariage (ou l'on "bade" encore), année des illusions pas encore perdues. Matrassino = flèche – glaçon que charrie une rivière – matras/une grosse flèche

LOU GOURIHO Cansoun peludo

LE GORILLE 9 Strophes en français 9 Strophes en provençal,

Idem en provençal, avec en sous-titre "cansoun peludo" qui peut se traduire par chanson paillarde, ou "poilue", comme le gorille.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron … … … Contemplaient un puissant gorille, Badavo un enorme gouriho Badaient un énorme gorille Sans souci du qu'en-dira-t-on ; pelous dóu su jusqu’i taloun ; Poilu de la tête au talon ;

Dans la première strophe, en provençal, au 4eme vers, le gorille est poilu du dessus jusqu'aux talons "pelous dóu su jusqu'i taloun", le reste de la strophe est littéral.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron … … … S'ouvre, on n' sait pourquoi (je suppose Se duerb. Tant se pòu la sarraio S’ouvre. Il se peut que la serrure Qu'on avait dû la fermer mal) ; desglesido barravo mau. Démolie fermait mal Le singe, en sortant de sa cage, Lou mounard sourtènt de sa carce Le penaud sortant de sa prison Dit : "C'est aujourd'hui que j'le perds !" cridè : « Lou courdoun vai peta ». Cria : « le cordon va péter ! »

La 2ème strophe est, elle aussi, littérale mis à part que la serrure «deglesido" (démolie), ferme mal. Mounard qui se traduit par singe veut également dire penaud Dans le dictionnaire « Le Trésor du Félibrige » de Frédéric Mistral, faire peta lou courdoun se traduit par se marier ou rompre son vœu de virginité qui en réalité ne s'applique qu'aux filles.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron … … … Criait, éperdu : "Nom de nom ! Diguè : « sian dins un brave mèu Dit : « on est dans une brave m… C'est assommant, car le gorille qu’a jamai vist, moun pensiounàri, Qu’il n’a jamais vu, mon pensionnaire, N'a jamais connu de guenon !" de mounino o singe femèu. » De guenon ou de singe femelle … … … Dès que la féminine engeance… sut Entre que li femo sachèron Dès que les braves femmes surent … … … Au lieu de profiter de la chance, Fourro-bourro s’enfugiguèron Fuirent pêle-mêle Elle fit feu des deux fuseaux ! En se caucignant lis artèu. En s’écrasant les orteils

Dans la 3ème strophe on est "dins un brave mèu" (litt : dans un brave miel) on pourrait dire en français dans la m…et les braves femmes fuient pêle-mêle en s'écrasant les orteils.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Fuirent, prouvant qu'ell’s n'avaient guère Gratavon camin en desbrando. Fuient en débandade De la suite dans les idées ; chanjadis es lou femelan ! Souvent femme varie !

Dans la 4ème strophe l'ensemble des femmes (lou femelan) est "'chanjadis", souvent femme varie ! Il y en a de très laides qui, si elles avaient attendu, pouvant passer pour des guenons, auraient pu en profiter.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Hors d’atteinte du singe en rut Liuen dóu singe qu’èro en gèst Loin du singe en rut … … … Le quadrumane accéléra Lèu lou quadrimane se tra- Vite le quadrumane se jette Son dandinement vers les robes Guè balin-balan sus li piado Balin-balan sur les traces De la vieille et du magistrat. de la vièio e dóu magistrat De la vieille et du magistrat. … … …

La 5ème strophe est littéralement traduite, mais une particularité apparaît au 6ème vers où Pierre Paul coupe le mot "traguè" pour rimer avec le mot "magistrat"

Lèu lou quadrimane se TRA- GUÈ balin-balan sus li piado De la vièio e dóu magistrat.

écriture que Brassens emploie quelquefois pour terminer un vers. A noter toutefois que la traduction de "en rut" par "èro de gest" s'applique à la femelle en chaleur (cf.: gestation) et non au mâle (licence poétique ?) Idem pour "peta lou courdoun" dans la 2ème strophe qui en réalité ne s'applique qu'aux filles

Les 6ème et 7ème strophes sont traduites quasiment mot à mot.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron … … … On sait qu'en revanche il ne brille Es pas pèr l’esperit que briho Ce n’est pas par l’esprit qu’il brille Ni par le goût ni par l'esprit ni pèr lou goust qu’es un bèu niais. Ni par le goût que c’est un niais

Il saisit le juge à l’oreille Prenguè lou juge à la tignasso Il prit le juge à la tignasse Et l’entraîna dans un maquis ! e l’estroupè de pèr darrié… Et le troussa par derrière…

La 8ème strophe est intéressante car le gorille qui n'a pas de goût et pas d'esprit chez Brassens, est devenu "niais" (prononcer niaï) chez Pierre Paul. Il prend (le gorille, pas Pierre Paul) le juge à la tignasse et non par l'oreille et "l'estroupè de pèr darrié". Cette phrase coquine est à double sens en provençal. "De pèr darrié" veut dire bien sûr par derrière, connotation grivoise, mais cela veut aussi dire "à l'insu de tout le monde, de façon secrète, en catimini". Sachant aussi que "estroupa" a aussi le sens de "trousser ou violer" le gorille entraine le juge dans un "maquis" loin de tous et de tout, à l'abri des regards indiscrets. On voit donc que la traduction est fidèle à l'idée de la chanson.

La 9ème et dernière strophe est traduite littéralement.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

La suite serait délectable, La seguido sarié plasènto. La suite serait plaisante., Malheureusement je ne peux Malurousamen pode pas Malheureusement je ne peux Pas la dire et c’est regrettable, vous la dire ; es pas counvenènto. Pas vous la dire ; ce n’est pas convenable, Ça nous aurait fait rire un peu Vous aurié pamens amusa, Elle vous aurait cependant amusé, Car le juge au moment suprême Que lou juge au moumen suprème Car le juge au moment suprême Criait « Maman », pleurait beaucoup quilè e bramè de la pòu Criait et bramait de peur Comme l’homme auquel le jour même coume l’ome en quau lou jour meme Comme l’homme auquel le jour même Il avait fait trancher le cou. eu, avié fa tranca lou còu Il avait fait trancher le cou. Gare au gorille… Garo au gouriho ! Gare au gorille…

LA CASSO I PARPAIOUN

LA CHASSE AUX PAPILLONS 6 Strophes en français 6 Strophes en provençal

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Un bon petit diable à la fleur de l'âge Escarrabiha, au bèu de soun age Dégourdi, au bel âge, La jambe légère et l'œil polisson Levant lou pèd net, un pichot diabloun Levant le pied net, un petit diablotin Et la bouche pleine de joyeux ramages ‘mé la bouco pleno de gai ramage Avec la bouche pleine de gais ramages Allait à la chasse aux papillons Anavo à la casso i parpaioun. Allait à la chasse aux papillons

Comme il atteignait l'orée du village Quand se capitè foro dóu vilage Quand il arriva hors du village Filant sa quenouille, il vit Cendrillon Devistè d’asard un poulit tendroun, Il aperçut par hasard un joli tendron Il lui dit : "Bonjour, que Dieu te ménage Ié diguè : « Bon-jour, que Diéu te meinage, Il lui dit : « Bonjour, que Dieu t’épargne, J't'emmène à la chasse aux papillons" Te mene à la casso au parpaioun. » Je t’emmène à la chasse aux papillons. » … … …

Type de chanson traduite littéralement et pour peu que l'on ait un dictionnaire Provençal-Français (type Pichot Trésor) l'on voit que les mots provençaux correspondent aux mots français. La seule chose qui différencie la version provençale est que pas une seule fois le nom de Cendrillon n'est prononcé, mais par expérience et pour l'avoir chantée maintes et maintes fois, c'est une des chansons les plus facilement compréhensibles pour qui n'a pas l'habitude de la langue provençale et pour peu que l'on connaisse bien la version française… Nota : Dans la version française, Brassens emploie une formule que l'on entend souvent dans les vieilles chansons françaises, la liaison avec la lettre "T" pour éviter le hiatus de la répétition de deux voyelles. Ex : "qu'on va-t-à la chasse aux papillons"

LOU CHAPLE

HECATOMBE 6 strophes en français 6 strophes en provençal.

Brassens ne donnait pas des titres hasardeux à ses chansons, et celle-ci est d'autant plus remarquable qu'elle est bâtie, au départ, sur une idée très originale à propos d'une vieille locution française que l'on trouve dans le dictionnaire historique ou sur le Robert.

"SE DISPUTER Á PROPOS DE BOTTES"

A partir de là, Brassens cherche et trouve qu'à Brive- la- Gaillarde il y a un important marché agricole et qu'on y trouve naturellement des oignons en grande quantité, les bottes sont donc toutes trouvées. Mais se disputer "à propos de bottes" veut dire, se disputer pour des vétilles, pour des petits riens. Une petite partie de la chanson est d’ores et déjà trouvée. !

Le titre lui, est une petite merveille historique eu-égard au déroulement de la chanson elle-même. En effet une "hécatombe" est le sacrifice des bœufs qui se faisait dans la Grèce antique. Hécatombé = hécaton : cent, qui a donné par la suite le mot hecto (grammes- mètres) Bous = bœufs. Ce mot par la suite passe dans le langage courant pour signifier massacre ou catastrophe survenue auprès d'animaux ou de personnes. Brassens pour emboiter le pas à l'imagerie populaire traite les gendarmes de "vaches", qualificatif habituel et qui fut employé bien avant le mot de "flic" qui, lui, est de souche argotique, de même que le mot "cognes". Mais venons-en à l'interprétation de Pierre Paul qui par un clin d'œil malicieux que n'aurait pas renié Brassens, situe le champ des opérations à Barbentane et Tarascon, villes des Bouches-du-Rhône.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Au marché de Briv'-la-Gaillarde, A la fiero de Barbentano A la foire de Barbentane A propos de bottes d'oignons, o, tant se pòu, de tarascoun Ou, peut-être, de Tarascon Quelques douzaines de gaillardes un jour pratico et partisano Un jour, marchandes et clientes de légumes Se crêpaient un jour le chignon. s’arpiguèron pèr lou tignoun. Se saisirent par le chignon. A pied, à cheval, en voiture, Un gendarmo que d’aventuro Un gendarme qui d’aventure Les gendarmes, mal inspirés èro sus lou prat bataié Etait sur le champ de bataille Vinrent pour tenter l'aventure dounè l’alerto à la veituro Donna l’alerte à la voiture D'interrompre l'échauffourée. en patrouio dins lou quartié. En patrouille dans le quartier.

Dans la 1ère strophe Pierre Paul assimile les gaillardes (de Brive) à des "pratico e partisano", des clientes, marchandes et revendeuses et le gendarme mal inspiré se retrouve tout seul sur le champ de bataille et donne l'alerte à la voiture "en patrouille dans le quartier."

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Or, sous tous les cieux sans vergogne, Li gabian de la galeriano Les gendarmes du panier à salade C'est un usag' bien établi, en assajant d’apasima En essayant d’apaiser Dès qu'il s'agit d'rosser les cognes la batèsto di partisano La bataille des partisanes Tout l'monde se réconcilie. empurèron lou pugilat, Attisèrent le pugilat, Ces furies, perdant tout' mesure, que, se saup, dins talo escasènço L’on sait que dans une telle occasion Se ruèrent sur les guignols, pèr pica sus li pouliçoun Pour taper sur les policiers (ou polissons) Et donnèrent, je vous l'assure, meme aquéu que, de-bon, n’es sènso Même celui qui n’a pas beaucoup de sens Un spectacle assez croquignol. trobo toujour quauco resoun. Trouve toujours quelque raison.

Dans la 2ème strophe "la galeriano" est le panier à salade bien connu (où l'on mettait les galériens), ces policiers essaient d'apaiser (apasima) la bataille des partisanes mais ne font qu'attiser (empura) le pugilat et dans les quatre derniers vers Pierre Paul dit que "l'on sait que… dans une telle occasion, pour taper sur les policiers (pouliçoun : jeu de mot avec petits policiers et polissons) même celui qui n'a pas beaucoup de sens trouve toujours quelque raison.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

En voyant ces braves pandores 'M’acò sènso batre l’alarmo, Ainsi sans battre l’alarme, Etre à deux doigts de succomber, d’un meme vanc endemounia D’un même élan démonique Moi, j'bichais, car je les adore pèr garça la rousto i gendarmo Pour filer la rouste aux gendarmes Sous la forme de macchabées. lou femèu s’es repatina. La gente femelle se réconcilie. De la mansarde où je réside, Uno di repetiero aganto Une des bavardes attrape J'excitais les farouches bras lou vièi marescau di lougis Le vieux maréchal de logis Des mégères gendarmicides, qu’èro aqui la bouco badanto Qui était là la bouche grand’ouverte En criant : "Hip, hip, hip, hourra !" e ié fai boufa soun kepi. Et lui fait avaler son képi

Dans la 3ème strophe les bagarreuses d'un même élan démoniaque (vanc endemounia) pour filer la rouste aux gendarmes, l'ensemble des femmes (lou feméu) se réconcilie. La mansarde est devenue fenêtre d'où l'on observe et Pierre Paul fait intervenir une des revendeuses (repetiero) attrape le vieux maréchal-des-logis qui était là, la bouche grande ouverte et lui fait manger le képi (*)

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Frénétiq' l'une d'ell's attache Un esclapas de petardiero Un sacré morceau de femme au gros cul Le vieux maréchal des logis, sout si patello de gigant Sous ses fesses de géant Et lui fait crier : "Mort aux vaches, armo mouflo mai murtriero Arme dodue mais meurtrière Mort aux lois ! Vive l’anarchie !" estoufego soun ajudant. Etouffe son adjudant. … … …

Dans la 4ème strophe la femme "frénétique devient "un esclapas de petardiero" qui signifie : sacré morceau de femme qui a un gros cul (sic) on dit couramment un esclapas de femme = un sacré morceau de femme. La petardiero étant la selle, et que pose-t-on généralement sur une selle ? Elle a des fesses de géante, dodues (mouflo) mais meurtrières et elle étouffe un adjudant

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

La plus grasse de ces femelles, Uno cacano mameludo Une dame des halles à grosses mamelles Ouvrant son corsage dilaté, qu’avié pancaro boulega Qui n’aait pas encore bougé Matraque à grands coups de mamelles pèr fin de lé pourta d’ajudo Pour leur venir en aide Ceux qui passent à sa portée. se bouto à se despiessara Se met la poitrine à nu … … … Il paraît que cette hécatombe elo, ensuco emé si poussasso, Elle assomme avec ses tétasses Fut la plus bell' de tous les temps. lou restant de la coumpagnié. Le restant de la compagnie

Dans la 5ème strophe, Brassens parle d'une grasse femelle ouvrant son corsage dilaté. Pierre Paul traduit par "cacano mameludo" (dame des halles à grosses mamelles) qui n'avait pas encore bougé. Pour leur venir en aide se met à " se despiessara" (mettre sa poitrine à nu), tout un programme…on dirait de nos jours en français "strip tease" (??). Pendant qu'une autre écrase sous son cul le brigadier, elle s'emploie à assommer le restant de la compagnie.

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Jugeant enfin que leurs victimes Quand veguèron sis aversàri Quand elles virent leurs adversaires Avaient eu leur content de gnons, que gençavon de-rebaloun Qui gémissaient en se traînant par terre, Ces furies, comme outrage ultime, tóuti aquéli femo en desvàri Toutes ces femmes en plein trouble En retournant à leurs oignons, se rounsèron sus lou mouloun Se ruèrent sur le tas de pandores Ces furies, à peine si j'ose e pèr assouida sa vitòri, Et pour achever leur victoire Le dire, tellement c'est bas, se leissant ana is eicès, Se laissant aller aux excès Leur auraient mêm' coupé les choses : tant, i’aurien coupa li belòri. Et peut-être elles auraient coupé leurs bijoux Par bonheur ils n'en avaient pas ! Gau pèr éli que n’avien ges ! Heureusement pour eux ils n’en avaient pas !

La 6ème strophe est délicieuse, on croirait voir une bagarre digne des femmes des gaulois d'Astérix, car ces femmes qui virent leurs adversaires qui gémissaient en se trainant par terre, toutes ces femmes en plein trouble (en desvàri) se ruent sur le tas de pandores, et pour achever et parfaire le travail, la victoire (assouida sa vitòri) elles se laissent aller à l'excès, et peut-être leur auraient-elles coupées "li belòri" (les bijoux) heureusement ces derniers n'en avaient pas. Magnifique traduction, fidèle tant dans la métrique que dans l'idée et c'est une des chansons de Brassens la plus "gauloise" dans sa conception dont la version provençale reste fidèle dans la franche rigolade. (*) Pour ce qui est de cette version se reporter au disque (vinyl ou C.D) car la version du livre a été remaniée par la suite.

LI FRETADOU

LES AMOUREUX DES BANCS PUBLICS 4 strophes + refrain en français idem en provençal

à noter le sens de fretadou : Pierre Paul traduit les « amoureux » par fretadou signifiant frottoir, plumeau et par extension branches qui se frottent avec douceur. Il lui donne l’image d’amoureux se caressant. Chanson traduite quasi littéralement et avec l'aide d'un dictionnaire provençal rien de plus facile, pour certains mots, de retrouver l'esprit de Brassens

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Les gens qui voient de travers N’i’a que pènson de l’envers ; Il y en a qui pensent à l’envers ; Pensent que les bancs verts creson que li banc verd ils croient que les bancs verts Qu'on voit sur les trottoirs de nòsti trepadou de nos trottoirs Sont faits pour les impotents soun fa pèr lis endeca sont fait pour ceux qui ont des défauts Ou les ventripotents e lis ipouteca et les éclopés Mais c'est une absurdité mais es uno absurdeta mais c’est une absurdité Car à la vérité car à la verita car à la vérité Ils sont là, c'est notoire es un espelidou c’est un lieu d’éclosion Pour accueillir quelque temps que fai eissi qui fait sortir Les amours débutants lis amour de l’iòu juste beca les amours de l’œuf juste amorcées

Les amoureux qui s'bécotent sur les bancs publics Li fretadou calignant sus li banc publi, les amoureux se câlinant sur les bancs publics, Bancs publics, bancs publics banc publi, banc publi, bancs publics, bancs publics, En s'foutant pas mal du r'gard oblique s’enchauton pas mau de ço que di- ne se soucient pas mal de ce que di- Des passants honnêtes son li gènt ounèsto. sent les gens honnêtes. Les amoureux qui s'bécotent sur les bancs publics Li fretadou calignant sus li banc publi, Les amoureux se câlinant sur les bancs publics, Bancs publics, bancs publics banc publi, banc publi, bancs publics, bancs publics, En s'disant des Je t'aime pathétiques an dins si regard amourousi* ont dans leur regard amoureux Ont des p'tites gueules bien sympathiques la benuranço di ravi la béatitude des heureux.

Néanmoins les impotents et les ventripotents sont devenus "endeca" (qui ont des deco, des défauts) et lis "ipouteca (les infirmes, éclopés) ces deux mots ayant tout de même à peu près le même sens. Espelidou : endroit de naissance, d'éclosion. *J'ai fait changer à Pierre Paul le mot "amourousi" qui pourrait se traduire par "énamouré", car à l'époque où le premier disque est sorti, sévissait sur les antennes de télévision Yves Mourousi, et parfois ceux qui ne comprenaient pas bien le provençal me demandaient ce que venait faire ce personnage dans la chanson…

An dins si regard amourousi Que dins si regard se vèi lusi Dans le regard de qui on voit luire La benuranço di ravi la benuranço di ravi la félicité des heureux

Dans le 3ème la "saint’ famill’ machin" est devenue :

Paroles de Georges Brassens Adaptation par Pierre Paul Traduction par André Chiron

Quand la saint´ famill´ machin Lou mounde qu’es coume fau Le monde comme il faut Croise sur son chemin Que n’a ges de defaut, Qui n’a pas de défaut Deux de ces malappris Gachant de-regardoun Guettant de travers Ell´ leur décoche hardiment Escudello soun venin Déverse son venin des propos venimeux Quand n’en vèi un parèu. Quand il voit un couple (amoureux) N´empêch´ que tout´ la famille Acò li fai tarleca Cela leur fait envie Le pèr´, la mèr´, la fille Mai l’avouaran pas Mais ils ne l’avoueront pas Le fils, le Saint Esprit Aquéli cafardoun Cette espèce de cafards Voudrait bien de temps en temps Qu’amarien, de fes que i’a, Qui aimeraient des fois Pouvoir s´conduir´ comme eux Pousqué faire coume éu. Pouvoir faire comme eux. … … … Quand les mois auront passé, Quand si bèu pantai d’antan Quand leurs beaux rêves d’antan Quand seront apaisés au debana dis an Au fil des ans Leurs beaux rêves flambant se saran esvali, Se seront évanouis … … … Qu'ils ont vécu La frago de sis amour Le meilleur de leurs amours le meilleur morceau de leur amour... dins soun pu bèu soulas Dans son plus beau plaisir

Escudella: renverser l'écuelle (déverser le venin dans la version provençale) Tarleca: dévorer des yeux, faire envie.

La dernière phrase est une très belle composition de Pierre Paul. C'est joli non ?... 29 septembre 2016 Occitanie, Aquitaine : le retour aux sources Par Jean Lafitte Avant-propos On sait qu’à compter du 1er janvier dernier, la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 a réduit de 21 à 12 le nombre des régions métropolitaines continentales, en groupant 16 d’entre elles par deux ou trois. Son article 2 prévoyait que le nom et le chef-lieu des sept nouvelles régions issues de ces groupements seraient l’objet d’un avis de chaque Conseil régional concerné, donné avant le 1er juillet 2016, puis fixés par décret en Conseil d’État pris avant le 1er octobre. C’est ainsi que les noms de « Occitanie » et « Nouvelle-Aquitaine » ont été adoptés les 24 et 27 juin par leurs Conseils régionaux respectifs. Et le Journal officiel de ce 29 septembre publie sept décrets datés du 28, qui entérinent les vœux des Conseils généraux. Dans les deux cas, sciemment pour « Aquitaine » où la question fut étudiée par une com- mission présidée par une historienne, et sans doute inconsciemment pour « Occitanie » où ce sont les habitants qui se sont prononcés avant les élus, les dénominations choisies renouent clairement avec l’Histoire, globalement du moins. Ces choix n’ont guère été contestés par la population, sans doute plus préoccupée d’abord par les vacances, puis bien vite par les attentats djihadistes. Samedi 10 septembre, cependant, la “rentrée” avait été l’occasion d’une manifestation sur ce sujet dans les rues de Perpignan : entre 7.800 (police) et 10.000 (organisateurs) personnes des Pyrénées-Orientales avaient re- vendiqué pour que « Pays catalan » fût ajouté au nom de « Occitanie ». En vain. L’Histoire devrait nous aider à apprécier sereinement ces décisions officielles.

Du Languedoc du XIIIe s. à l’Occitanie, un territoire peu modifié XIIIe s. : un (mauvais) nom de langue devient le nom d’un territoire Comme on le verra au paragraphe suivant, « langue d’oc » est présenté en 1291 comme une expression de la « langue vulgaire » ; elle dut désigner d’abord sans grande précision les parlers de territoires méridionaux du royaume, puis le plus souvent ces territoires eux-mêmes, et cela, en dehors de ces territoires, car aucune de ses premières mentions ne se trouve dans des textes écrits autochtones. L’historien béarnais Pierre de Marca (1594-1662), président du Parlement de Navarre en 1621 et finalement archevêque de Paris à sa mort, l’a fort bien expliqué dans son Histoire de Béarn, Paris : Camusat, 1640, p. 684 : la dénomination « de Languedoc, ou langue de Oc […] est prouenuë, de ce que les Rois distribuèrent dans leurs Ordonnances, il y a trois cens cinquante ans [donc vers 1290], le Royaume de France en deux langues, sçauoir langue d’Oui, & langue d’Oc ». La croisade menée par Simon de Montfort fut en effet dirigée contre les seigneurs qui favorisaient les Albigeois ; et comme leurs « terres n’estoient pas comprises sous le nom d’vn seul Duché, comme estoit la Guienne, mais estoient departies en Eueschés, Comtés, & Vicomtés differents, les François qui venoient pour y faire la guerre, nommoient toutes ces contrées, le païs de Langue d’Oc. » Mais cette origine populaire et utilitaire explique son caractère peu scientifique. Dès 1356, les bourgeois érudits de Toulouse allaient en quelque sorte en témoigner dans leurs Leys d’amors, sorte de règlement de leur concours poétique annuel. D’abord, ils usent de l’expression « langue d’oc » par deux fois, au début du Livre Ier, mais uniquement dans le sens territorial que lui a donné l’administration royale : la convoca- tion de 1323 pour les premiers Jeux floraux fut adressée « per diversas partidas de la Lenga d’Oc », dans différentes régions de la Langue d’Oc, et l’éloge du principal rédacteur Guilhem Molinier le présente comme « Cosselh veray de tota Lenga d’Oc », véritable conseiller de toute la Langue d’Oc.

Mais pour désigner leur propre langue de Toulouse seule admise normalement au con- cours, ces lettrés n’usent jamais que de « (nostre) romans », ce qui confirme que « langue d’oc » n’a pour eux aucune signification linguistique. Pourtant certains genres de poésies (partimen, descort) sont réservés aux « lengatges es- tranhs », et leur nécessaire définition va être l’occasion de réintroduire « oc » dans le débat. Entre les règles du descort et celles de la dansa est en effet placée une strophe de 26 vers, au titre bien explicite : Mostra quals lengatges es estranhs, Montre quelle langue est étrangère. D’emblée, il est convenu qu’une telle langue n’est pas soumise au droit commun des Leys, sauf à respecter le sens de la phrase, la mesure et la rime, et même si possible l’accent ; mais on ne doit tenir compte d’aucune autre figure de style. Suit en 6 vers l’exemple d’idiomes (parladuras) étrangers : français, normand, picard, breton, flamand, anglais, lombard, navar- rais, espagnol et allemand, et en guise d’et cœtera, « tous ceux qui leur ressemblent pour ne pas avoir “Oc” dans leur parler ». Le corollaire, en 11 vers, c’est la soumission aux Leys des autres idiomes, ceux « qui di- sent Oc ou O », avec une liste de régions concernées. La particule « Oc ou O » apparait donc comme critère de soumission aux Leys, critère nécessaire mais non suffisant, selon les deux derniers vers : « Pero de nostras leys s’aluenha / La parladura de Gascuenha », mais de nos lois s’éloigne l’idiome de Gascogne. Plus généralement, avant 1823, on n’a aucun exemple d’emploi dans les « pays d’oc » de « langue d’oc » pour désigner collectivement leurs parlers, et seuls furent utilisés les noms propres de catalanesch/cathala et gascon, attestés respectivement dès 1293/95 et 1313. De fait, en 1823, Jean-Baptiste Lascoux, ecclésiastique périgourdin, use de « langue d’oc » pour désigner des parlers autochtones, dans un ouvrage au service du français, les Gasconismes corrigés, particuliers au département de la Gironde, et aux départements circonvoisins, […] par J. B. L., Professeur, Bordeaux : Lavigne, p. iij. Mais placé dans un Avant-propos, que si peu lisent, et un ouvrage d’intérêt local, cet usage passera inaperçu. Mais en 1846, parait le premier tome du Dictionnaire provençal-français ou Dictionnaire de la langue d’oc ancienne et moderne du Dr. Honnorat, qui affiche « langue d’oc » comme synonyme de « provençal » étendu à tous les idiomes d’oc. Mistral suivit et popularisa cet emploi… et l’équivoque entre provençal et langue d’oc ! Trois appellations historiques d’un même territoire, le Languedoc Curieusement, c’est en catalan, chez le chroniqueur Bernat Desclot écrivant entre 1285 et 1288, qu’on trouve la première mention connue de lengua doch, et le contexte montre qu’il s’agit déjà d’un territoire et non d’un idiome. Très vite, cependant, lingua d’oc apparait en France dans un acte public en latin dressé le 2 février 1291 à Lagny, à quelque 25 km de Paris, par Raimond de Melgorio (Melgueil, au- jourd’hui Mauguio), notaire de Montpellier et des marchands de provinces méridionales aux foires de Champagne (Histoire générale de Languedoc – HGL, t. X, 1885, col. 245) : ce sont des marchands « de Lingua videlicet que vulgariter appellatur Lingua d’oc », (de la “langue” qu’on appelle Langue d’oc en langue vulgaire), formule qui explicite par une expression cou- rante en pays d’oïl le qualificatif latin « Provinciales » appliqué d’abord à ces marchands. Ces deux attestations témoignent d’un large usage social, en cette fin du XIIIe s., de cette expression désignant les territoires qui avaient relevé du comte de Toulouse. Or cette forme mêlait latin et français ; elle fut très vite entièrement latinisée en lingua de hoc dans un acte de Philippe le Bel du 26 mars 1295, en encore mieux avec lingua occitana dans une charte des Consuls de Montpellier du 15 septembre 1298 ; et vers 1299/1300, elle fut entièrement francisée en Lengue d’Oc dans des notes de l’administration de Philippe le Bel, à propos de la guerre avec l’Angleterre. Entre temps, le 31 mars 1300, un autre acte des Consuls de Montpellier avait en quelque sorte décrypté l’adjectif nouveau venu occitana (ici, au génitif) comme équivalent de « d’oc » : « mercatoribus Lingue Occitane sive d’oc ». De cet adjectif on va tirer le latin Occitania traduisant le français « Langue d’oc » ; on le rencontre à partir de 1345 dans le groupe partes Occitanie (régions de langue d’oc), ou patria Occitanie (région, et non patrie !) ; en effet, il n’est jamais seul dans les actes officiels, comme si les scribes de l’administration avaient craint que ce mot savant ne fût pas compris dans son sens territorial, qui est toujours l’équivalent latin du français Languedoc. De plus, en 1345, c’est dans une lettre du 19 novembre, dans la titulature d’un lieutenant du roi : « Petrus, dux Borbonensis, […] et locum tenens domini mei regis in partibus Occita- nie et Vasconie » (Archives historiques du département de la Gironde, vol. 33, 1898, p. 150) ; là, les éditeurs l’ont ainsi traduite : « Pierre, duc de Bourbon, […] et son lieutenant aux par- ties de Languedoc et de Gascogne. » Il est remarquable que dès cette première attestation, la Vasconia est formellement distinguée de l’Occitania. En 1359, c’est l’Auvergne qui en sera distinguée dans la titulature de Jean, comte de Poi- tiers, fils du roi Jean le Bon et son lieutenant in partibus Occitanie & Alvernie, dans les régions de Langue d’oc et d’Auvergne (HGL - Histoire générale de Languedoc, t. X, 1885, col. 1176). En 1571, Occitania apparait enfin seul, mais c’est dans un ouvrage privé d’un pasteur et historien protestant, car l’administration royale n’use plus que du français. À partir de 1634, les États du Languedoc, conseil régional de l’époque, redonnent un caractère officiel à l’« Occitania » latin en nommant ainsi leur province sur leurs jetons. Ci- contre, par exemple, celui de 1715. Et pour les honneurs fu- nèbres de la reine Marie-Thérèse d’Autriche, l’épouse de Louis XIV, que ces États avaient organisés le 25 octobre 1683 en l’église Notre Dame des Tables de Montpellier, « Il y avoit au-dessus de la porte un grand tableau [où figurait, sous l’allégorie de leur province en pleurs] un cartouche aux armes de la Province de Languedoc avec cette inscription en lettres d’or : OCCITANIA. » (HGL, t. XIV, col. 1271). Le français « Occitanie » pour Languedoc apparait en 1644, dans une œuvre littéraire, mais on n’a pas la moindre trace d’une utilisation officielle ultérieure. L’adjectif français dérivé occitanien apparait à son tour en 1732 dans la Préface du tome III des Ordonnances des Roys de France de la Troisième race publiées par l’avocat parisien Denis-François Secousse (1691-1754). Cette longue Préface présente notamment une chrono- logie des principaux évènements permettant de mettre en contexte les actes publiés dans l’ouvrage ; ainsi, à la p. liv (54), Secousse mentionne la convocation à Toulouse, en 1356, des principales autorités religieuses et civiles « des Senechaussées de Toulouse, Carcassonne, […] et de quelques autres provinces de la Langue occitanienne. » ; en marge, un renvoi : « Lingue Occitane, c’est-à-dire, du Languedoc. » ; « Lingue Occitane » est effectivement la forme latine de l’acte de convocation publié p. 101. Au lien ci-après qui en donne le titre, on peut voir une belle carte imprimée à Nuremberg en 1742 qui use du latin « Languedocia » en rappelant explicitement l’ancien « Occitania » : http://raremaps.com/gallery/detail/11783/Gubernatio_Generalis_Languedociae_Occitania_oli m_dictae_in_3_generals/Homann Heirs.html. Enfin « Occitania » en languedocien de l’est apparait en 1838, toujours pour désigner la seule province de Languedoc, dans l’Apouthéosa dé Pierré Paul Riquet ; c’est une poésie présentée par Jean-Antoine Peyrottes (1813-1858), potier à Clermont-l’Hérault, à un concours ouvert par la Société archéologique de Béziers (Revue des langues romanes, I, 1870, p. 266). Le Languedoc historique à nouveau réuni en 2016 : retour à « Occitanie » Avec pour chef-lieu Toulouse, capitale de l’ancien Languedoc, la région Midi-Pyrénées réunissait à la partie occidentale de cette province les 2/5 orientaux de l’ancienne Gascogne, le Quercy et l’Aveyron pris à l’ancienne Guyenne, et le comté de Foix. Et la région Langue- doc-Roussillon gardait le nom et une bonne partie de l’est de l’ancien Languedoc, en y joi- gnant le Roussillon, mais perdait, au profit de la région Rhône-Alpes, le Velay et le Vivarais, sénéchaussée d’Annonay comprise.

Il convient de rappeler ici que l’ancienne province de Roussillon n’a été constituée qu’après le traité des Pyrénées (1659) qui transférait à la France le Roussillon proprement dit, les pays de Vallespir, de Conflent et de Capcir et les bourgs et villages du nord du comté de Cerdagne, formule qui permettra à l’Espagne de conserver en enclave Llivia, « ville » et non « bourg ou village » ! En 1790, pour former le département des Pyrénées-Orientales, la Révolution y ajoutera les Fenouillèdes de parler languedocien, prises à la province de Languedoc. Rien ne permet de penser que les langues autochtones aient jamais été prises en considération dans la formation de ces circonscriptions. Avec la dernière réforme, gains et pertes ne changent pas, mais on obtient ce qui parait essentiel dans la recherche d’un nom cautionné par l’Histoire : le gros de l’ancien Languedoc, défini depuis le milieu du XIVe s. par les sénéchaussées de Toulouse, Carcassonne et Beau- caire, se retrouve uni comme le montre la carte ci-dessous (la limite de la nouvelle grande région a été reportée par un trait gris bordé de blanc).

Puisque les États du Languedoc avaient adopté Occitania pour nom latin de leur province, il était naturel d’adopter aujourd’hui le nom d’Occitanie qui l’adapte en français depuis près de 400 ans. Les habitants de l’« Occitanie », des « Occitaniens » Il pourrait être tentant d’appeler « Occitans » les habitants de la région nouvelle. Mais il existe au moins un parti politique, le Parti occitan, qui a vulgarisé ce nom pour tous les habitants d’une « Occitània » prétendument étendue à toutes les régions du midi, en les opposant aux « Français » cantonnés dans le nord de la France. Mieux que des phrases, les deux cartes de la page suivante le montrent clairement : la première occupait toute la « une » du périodique Aquò d’Aquí de mai 1998, la seconde ornait le site de campagne de M. David Grosclaude, alors président du Parti occitan, et candidat aux élections régionales de mars 2010. Certes, le scrutin de liste et une alliance de circonstance avec Europe-Écologie-Les Verts, permirent alors à M. Grosclaude d’être élu Conseiller régional d’Aquitaine. Mais le scrutin uninominal des élections législatives de 2012 allait montrer son véritable « poids électoral » dans une circonscription qui compte encore des locuteurs du béarnais : 3,07 % des voix contre 56,31 % à M. Habib, député P.S. sortant, réélu dès le 1er tour. Et comme l’alliance de 2010 ne s’est pas renouvelée en décembre 2015, M. Grosclaude n’est plus conseiller régional.

Retenir « Occitans » apporterait ingénument de l’eau à ce moulin en faillite. Aussi, pour éviter toute ambigüité, les habitants de l’Occitanie, région française, seront tout simplement des Occitaniens, puisque le mot existe depuis au moins 1732, tout comme ceux de l’Italie sont des Italiens, de la Mauritanie des Mauritaniens (et non des Maures, Mauritans ou Mauri- tains), etc. La revendication catalane était-elle recevable ? Cette revendication avait pour slogan « Catalans, pas Occitans ! » ; à supposer qu’elle fût le fait de tous les « Catalans » des Pyrénées-Orientales, elle serait portée par quelque 450 000 habitants, puisque les 12 000 habitants des Fenouillèdes ne sont pas Catalans, mais Langue- dociens. Mais en Midi-Pyrénées, le Gers et les Hautes-Pyrénées, en totalité, l’Ariège, la Haute- Garonne et le Tarn-et-Garonne, pour environ la moitié, appartenaient à la Gascogne, caracté- risée par la langue gasconne que les érudits de Toulouse déclaraient « étrangère » dès 1356 ! Or ces Gascons de Midi-Pyrénées, qui ne furent jamais « Languedociens », donc « Occi- tans », étaient chez eux jusqu’à la Garonne dans Toulouse même, et on peut les évaluer rai- sonnablement à un million. Ils sont donc en droit de refuser eux aussi ce nom d’Occitans et auraient eu de bonnes raisons de revendiquer d’ajouter « Pays gascon » au nom de région. Et les plus de 150.000 Cévenols du Gard, de Lozère et d’Ardèche en ont aussi de refuser le nom d’« Occitans », car il y a trois siècles, c’est du Languedoc que sont venues les troupes les plus nombreuses qui réprimèrent les Camisards luttant pour la religion protestante. Sans les mêmes raisons historiques, les autres Gardois, qui sont de langue provençale, peuvent sans doute refuser eux aussi ce nom d’Occitans, trop lié au languedocien. Mais en fait, la démarche catalane est politique, étroitement liée à l’indépendantisme de la Catalogne ibérique. Car depuis les comtes de Barcelone devenus rois d’Aragon, les Cata- lans ont toujours eu des visées sur le midi de la France ; il fallut pour y mettre fin — les histo- riens catalans ne le cachent pas — la victoire remportée à Muret, le 12 septembre 1213, par les croisés de Simon de Montfort sur Pierre II d’Aragon, qui y trouva la mort, et sur son allié le comte de Toulouse. Quand ils y ont eu intérêt, les Catalans se réclamèrent de « la langue d’oc », notamment par une lettre du roi d’Aragon Jacques II donnant en 1309 ses instructions à ses ambassadeurs auprès du Pape, à Avignon. Mais quand il y eut des risques d’hégémonie provençale avec Mistral, languedocienne avec l’occitanisme, les Catalans s’affirmèrent éner- giquement Catalans… quittes à remettre les pieds en France selon leur intérêt. Dernièrement, en effet, le Parlement de Catalogne a adopté une loi, promulguée le 1er oc- tobre 2010, tendant à la protection de la « langue occitane » et de son « unité », au prétexte que le minuscule Val d’Aran parle « occitan », alors que c’est du gascon !! Une façon comme une autre de se mêler des affaires de France, quitte à éliminer définitivement le gascon… Les responsables français ne doivent pas être dupes. Pratiquement, enfin, plus le nom d’une institution est long, plus il est exposé à se réduire à un sigle qui ne parle plus qu’aux initiés, comme le malheureux PACA qui fait disparaitre la Provence… Mais nommés « Occitaniens », les Catalans ne seront pas appelés « Occitans » !

Aquitaine : un nom, quatre étendues territoriales Avec l’Aquitaine, la situation est paradoxalement plus sereine, alors que son étendue a beaucoup plus varié que celle du Languedoc. Mais c’est sur 2000 ans d’Histoire, 1300 de plus que pour le Languedoc ! L’Aquitaine de César (d’avant 44 à 27 avant J.-C.) Les noms d’Aquitains et Aquitaine apparaissent dans l’Histoire au premier chapitre de La guerre des Gaules (De bello gallico) de Jules César, mort assassiné en 44 avant J.-C. : « Toute la Gaule est divisée en trois parties, dont l’une est habitée par les Belges, l’autre par les Aquitains (Aquitani), la troisième par ceux qui, dans leur langue, se nomment Celtes, et dans la nôtre, Gaulois. Ces nations diffèrent entre elles par le langage, les institutions et les lois. Les Gaulois sont séparés des Aquitains par la Garonne, … « L’Aquitaine (Aquitania) s’étend de la Garonne aux Pyrénées, et à cette partie de l’Océan qui baigne les côtes d’Espagne ; elle est entre le couchant et le nord. » Cette première Aquitaine de l’Histoire a même donné le nom du « triangle aquitain » entre Garonne, Pyrénées et Océan, tandis que de nos jours, Simin Palay achevait l’édition 1963 de son célèbre Dictionnaire en souhaitant qu’une sorte d’académie en tire un « LEXIQUE GÉNÉRAL du Gascon blous e naturau susceptible d’être compris de tous les Aquitains. » L’Aquitaine d’Auguste à Aliénor et au delà (de 27 avant J.-C. à 1453) L’Aquitaine de César ne devait durer qu’une vingtaine d’années dans ces limites, puisque en 27 av. J.-C., l’empereur Auguste l’étendait jusqu’à la Loire au nord, et au-delà du Puy-en- Velay à l’est. Cette seconde Aquitaine allait durer près de 15 siècles, car on la retrouvait dans les terres de la fameuse Aliénor (vers 1122/1124-1204) qui l’apporta successivement au roi de France Louis VII et à Henri II Plantagenêt, qui allait devenir roi d’Angleterre. Le système féodal permit ainsi au roi d’Angleterre d’être le suzerain de vastes territoires du royaume de France. Mais ce n’était pas du gout du roi de France qui contrôlait mal ses vassaux. Par le droit féodal et par les armes, Philippe-Auguste réduisit sérieusement le do- maine français du roi de Londres, Jean-sans-Terre, non sans retours ultérieurs. Et en excipant de la « loi salique », les juristes du début du XIVe s. écartèrent le roi d’Angleterre de la suc- cession au trône de France qui lui revenait par sa mère. D’où la guerre de 100 ans, qui s’acheva par la défaite anglo-gasconne de Castillon, et la fin du grand duché d’Aquitaine, pos- session du roi de Londres. L’Aquitaine de 1956, cadre d’action économique En 1955, les difficultés économiques appellent à une action vigoureuse, que le Gouver- nement est autorisé à décider par des décrets intervenant dans le domaine habituel de la loi. Un tel décret, n° 55-873 du 30 juin, fixe les conditions d’établissement de programmes d’action régionale ; l’arrêté du 28 novembre 1956 définit les régions dans le cadre desquelles seront arrêtés de tels programmes. La « Région d’Aquitaine » comprend les départements de Dordogne, Gironde, Landes et Lot-et-Garonne. Les Basses-Pyrénées relèvent de la « Région du Midi et des Pyrénées ». Mais cinq ans après, un décret n° 60-516 du 2 juin 1960 « portant harmonisation des cir- conscriptions territoriales » transfère les Basses-Pyrénées dans la « circonscription d’action régionale » Aquitaine. Et par décret du 10 octobre 1969, ce département sera « autorisé à por- ter le nom de Pyrénées-Atlantiques. » La nouvelle région d’Aquitaine et autres de 2016 Comme pour retrouver l’Aquitaine d’Auguste et d’Aliénor, la dernière réforme réunit à l’Aquitaine le Limousin et le Poitou-Charente. Voici en effet, en rouge, le duché d’Aquitaine en 1180, sur lequel j’ai reporté la limite de la nouvelle région par un trait noir ; elle ressemble beaucoup au duché, même si elle se trouve amputée de l’Auvergne et des 2/5 environ de ses terres gasconnes.

Lui conserver son nom bimillénaire d’Aquitaine était donc la sagesse même. Mais je trouve dommage de l’avoir alourdi en le préfixant par « Nouvelle », pour une “nouveauté” qui réduit l’horizon historique de deux millénaires à la période mesquine 1956- 2016. Et plus prosaïquement, sur la liste alphabétique des régions, ce préfixe fait passer la région de la 2ème place sur 21 à la 9ème sur 12… « Prix Nobel » et « nobélisables » Un coup d’œil sur l’histoire du comte suédois Birger Mörner et sur quelques pages de son album amicorum Par Sven Björkman

On sait que les éleveurs anglais de chevaux ou de chiens de race ont l’habitude de mener un soi-disant stud-book ou pedigree book, où ils décrivent la généalogie de l’animal. Le terme français est ‘livre de race’ ou ‘livre des origines’. En Allemagne, on utilise le mot Stammbuch, en Suède stambok (le mot Buch/ bok signifiant ‘livre’ et le mot Stamm/ stam équivalant à ‘tronc d’arbre’ et, par extension, ‘racine, souche’).

En allemand et en suédois, le terme Stammbuch/ stambok s’utilise aussi dans un sens plus désuet, qui se réfère à des êtres humains. Dans ce cas, il désigne un livre qui contient des renseignements sur les ancêtres d’une personne ou d’une famille, souvent noble ou autrement distinguée. Il se réfère aussi, de façon savante, à un phénomène culturel qui n’existe guère plus, mais qui attire de plus en plus l’intérêt des spécialistes de l’histoire du livre. On pourrait dans ce cas employer le mot ‘album d’amis’, du latin album amicorum.

Depuis la Réforme, certaines personnalités de marque, nobles, théologiens, écrivains etc., mais surtout de nombreux étudiants, venus des pays protestants du Nord de l’Europe, étaient équipés d’un Stammbuch/ stambok durant leurs pérégrinations d’un pays, d’une cour seigneuriale ou d’une université à l’autre. Au début, ces livres étaient surtout tenus en latin ou en allemand. Au 18e siècle, lorsque la mode des « grands tours » se répandit dans les couches supérieures de la société, ils furent aussi rédigés en français, anglais ou d’autres langues. La signature d’un grand maître universitaire ou d’un poète renommé était la preuve qu’on avait rencontré un personnage universellement connu ou suivi des cours dans un établissement de haute réputation. L’album en question constituait une espèce de certificat qui pouvait servir à promouvoir la carrière du propriétaire. Cette tradition vécut jusqu’à la fin du 19e siècle.

Ces ‘albums d’amis’ se développèrent parfois en de véritables albums de souvenirs, contenant des autographes, des salutations personnelles et des citations de textes écrits par les contributeurs. Parfois, les signatures et les textes furent enrichis de dessins ou d’aquarelles. Ce fut donc, si on veut, l’inverse des ‘livres d’or’ modernes (anglais guestbooks, allemand Gästebücher, suédois gästböcker), où ce sont les invités qui écrivent leurs noms et expriment leurs sentiments d’estime ou d’amitié, au moment d’une visite privée. Il y a aussi une affinité évidente avec les albums de poésie tenus par les jeunes filles.

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Le comte suédois Birger Mörner (1867–1930) a laissé un magnifique album amicorum, qui fut acquis dès son vivant par les Amis des bibliothèques de la ville départementale d’Örebro (non loin de sa petite ville natale de Nora) et donné, en 2001, à la bibliothèque universitaire récemment établie dans cette ville, ce qui le rendit publiquement accessible. Son contenu date de 1888 à 1918.

Le père de Mörner était apothicaire à Nora et plus tard à Norrköping, une ville importante qui fut alors le centre de l’industrie textile en Suède. Il légua à son fils le titre de comte mais, comme il appartenait à une branche pauvre de la famille, ne lui laissa pas de fortune. Birger Mörner étudia le droit et se lança, après un temps, dans la carrière consulaire. Il fut entre autres consul de Suède à Gênes, Barcelone, Copenhague, Constantinople et Sydney. Mörner était juriste et diplomate par profession et homme de lettres par goût personnel. Il fut un grand voyageur, surtout attiré par l’Orient et ce qu’on appelait le monde exotique. De nature ouverte et expansive et très doué pour gagner et maintenir des amitiés, il entretenait un vaste réseau de contacts dans le monde littéraire et artistique. Ayant pris une retraite prématurée, après une vie errante et quelque peu excentrique, Mörner s’adonna au métier d’auteur et de conférencier. En 1921, il contracta son troisième mariage. Son épouse fut Gertrud Nissvandt, la fille d’un industriel de la même ville que lui, dont la demi-sœur cadette Karin est célèbre pour avoir épousé plus tard le comte Lennart Bernadotte, petit-fils du roi Gustave V, et héritier du château de Mainau en Allemagne. (Son grand-père, « Mister G. », féru de tennis, passa volontiers ses vacances à Nice, où une rue porte son nom.) Mörner acheta un beau château en Suède, Mauritzberg*, situé non loin de Norrköping sur la côte de la mer Baltique. Il en fit un centre culturel et y composa un roman sur l’histoire de sa famille. Il correspondit entre autres avec August Strindberg, très occupé pendant cette période à chercher une méthode pour faire de l’or. Grand travailleur et doué pour les langues, Mörner publia deux recueils de poèmes et traduisit des textes du danois, du norvégien, de l’allemand, de l’anglais (Jack London – malheureusement un échec, car ces textes ne lui convenaient pas du tout), du français (Guy de Maupassant), de l’espagnol (José Echegaray) et du catalan (Eusebi Güell). Dans son temps, Birger Mörner fut un auteur très apprécié et beaucoup vendu. Aujourd’hui, la plupart de ses livres sont oubliés, mais le souvenir de sa personne reste vivant. Son ample correspondance et sa collection de manuscrits d’auteurs célèbres (par exemple un échange de lettres entre Strindberg et Nietzsche) provoquent la curiosité des chercheurs.

Ses succès littéraires, quoiqu’éphémères, expliquent peut-être comment le jeune diplomate, dépourvu de fortune personnelle, pouvait mener grand train comme le faisait Mörner. Son salaire de consul devait être minimal, même si son employeur, le gouvernement suédois, l’aida sans doute à couvrir toutes sortes de frais supplémentaires. Mais sa table fut toujours ouverte aux amis, et il les soutint tant qu’il put. Ce fut « la belle époque » pour les nantis et Mörner trouva sans problème à Barcelone une jolie villa avec un jardin, à louer pour l’équivalent actuel de 70–80 euros par an. Pendant les vacances, la famille retourna en Suède ou loua une maison dans quelque coin pittoresque de l’Europe, comme à Wurtzbourg en Allemagne.

Mörner était, semble-t-il, plus orienté vers le monde espagnol et catalan que vers celui du français et du provençal. Mon ami et ancien collègue Dan Nosell, qui enseigne le catalan à l’université d’Uppsala, a dressé dans un article (publié dans Ständigt denne Mörner [‘Toujours ce Mörner’], réd. Gunilla Hammarland, Örebro, 2002, p. 115–147) une liste de poètes catalans contemporains de Mistral et présents dans l’album de Mörner. Y figurent, avec des poèmes représentatifs de la Renaixança et du Modernisme catalans, Jaume Massó i Torrents, Joan Maragall, Manuel de Montoliu, Josep Maria Roviralta, Francesc Matheu, Pere Riera i Riquer et Santiago Rusiñol, mais y manque le nom le plus important, celui d’Àngel Guimerà y Jorge. Le consul suédois devint très attaché à Barcelone et à la Catalogne et pressentit sans doute un bel avenir pour cette région dynamique et bouillonnante de culture et peut-être aussi pour sa langue qu’il trouva d’ailleurs « concise et distincte mais d’une sonorité incroyablement disgracieuse » !

Pour réaliser son bel album, Mörner dut constamment se déplacer où écrire des lettres soigneusement rédigées. Parmi les autographes réunis par Mörner, on trouve des textes de trois écrivains et poètes français très admirés dans leur temps, à savoir Pierre Loti, Sully Prudhomme et Frédéric Mistral. Tous trois furent proposés pour le prix Nobel de littérature et deux d’entre eux le reçurent.

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L’officier de marine Pierre Loti, né à Rochefort en 1850 et mort à Hendaye en 1923, fut un prosateur très productif, élu à l’Académie française en 1891. Il ne reçut jamais le prix Nobel, quoiqu’il fût nommé pour cette distinction quatre ans de suite (1910–1913). Sa candidature était très forte, et il était beaucoup lu en Suède. (Son roman Pêcheur d’Islande figurait d’ailleurs sur les rayons de mes parents et m’inspira à passer deux étés successifs en Bretagne dans ma jeunesse.) Le secrétaire perpétuel de l’Académie et président du comité du prix, Carl David af Wirsén, avait lu tous ses livres et le considérait comme parfaitement qualifié pour le prix, « grâce à sa maîtrise formelle et son coloris poétique ». Mais sa candidature fut tout de même rejetée, à cause de « sa bizarrerie érotique et sa mélancolie inconsolable, due à un scepticisme insurmontable ». Pour le moraliste et croyant que fut Wirsén, c’étaient des objections de poids. À ses yeux, il ne fallait surtout pas être dépourvu d’« idéalisme » et de foi en l’avenir. Or, il faut constater que, sur le plan mondial, Loti reste peut-être aujourd’hui le moins oublié des trois. C’est à lui et à son œuvre que ressemblent le plus la personnalité et les écrits de Birger Mörner : aliénation devant la civilisation moderne, esprit d’aventure, primitivisme raffiné, le tout résultant dans une attitude tragico-héroïque devant la vie.

Pierre Loti s’appelait en réalité Louis-Marie-Julien Viaud ; il avait trouvé son pseudonyme à Tahiti. Ses descriptions de voyage ne relèvent pas de la fiction mais sont basées sur des événements réels, souvent vécus par l’écrivain lui-même. Elles ont en même temps un caractère onirique. L’intrigue est secondaire dans ces romans hauts en couleur, qui traitent de la déchéance de la civilisation occidentale, de la vie de marin, d’amour dans des pays lointains, de la peur et de la nostalgie de la mort.

Loti se considérait comme porteur d’une âme « à moitié arabe ». Sur la page 352 de l’album de Mörner, il a évoqué ce qu’il dit être un vieil adage arabe :

Mieux vaut être assis que debout, couché qu’assis, mort que couché.

Pierre Loti mit ce proverbe résigné par écrit le 3 décembre 1903 à Constantinople. Il se trouvait alors en Turquie – un pays qu’il aimait – en tant que commandant du navire « Vautour », qui avait fait escale dans le port de la capitale. Mörner était vice consul de Suède dans la vieille ville byzantine la même année.

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Le premier lauréat du prix Nobel, en 1901, Sully Prudhomme, originairement René François Armand Prudhomme, naquit à Paris en 1839, fut élu à l’Académie française en 1881 et mourut à Châtenay, au sud de Paris, en 1907. Il est représenté dans l’album de Birger Mörner par une strophe de quatre vers :

J’ai dans mon cœur, j’ai sous mon front Une âme invisible et présente : Ceux qui doutent la chercheront ; Je la répands pour qu’on la sente.

Le poème « L’âme », que commence et termine cette même strophe, fait partie du recueil Stances et poèmes, de 1865. La feuille où il figure n’est pas datée, mais constitue la page 388 de l’album. Elle suit de deux pages seulement celle signée par Mistral, qui est de 1905. L’année de son inscription est donc probablement la même. Un certain anonymat traîne autour de ce poète réservé. Visiblement, Mörner ne se soucia de demander la signature de Sully Prudhomme qu’une fois obtenue celle de Mistral.

Durant les années 1905–1906, Birger Mörner occupait le poste de vice consul remplaçant à Copenhague. Il semble peu probable qu’il ait pu s’absenter du haut Nord uniquement pour aller voir sur place les deux premiers lauréats du prix Nobel français, celui de 1901 et celui de 1904. Peut-être se contenta-t-il de leur faire sa cour par correspondance. De nombreuses lettres et feuilles ont été collées sur les pages de l’album, ce qui semble indiquer que Mörner les a reçues par courrier (ou qu’il n’avait pas toujours son album disponible).

Sully Prudhomme avait entamé une carrière bourgeoise d’ingénieur et rêvait, comme Ernest Renan, de joindre poésie et science. Ce parnassien éthérique, suivant les mots du secrétaire Wirsén « un esprit noble, triste, réfléchissant », avait, écrit-il, réussi à joindre dans sa poésie « des éléments aussi disparates que la sensibilité et la réflexion, qui s’étaient amalgamées dans son œuvre de la manière la plus intime ». On considérait qu’il avait réalisé l’« idéal » littéraire prôné par Alfred Nobel mieux que d’autres candidats proposés, comme Tolstoï, Ibsen et Strindberg. On louait surtout ses sonnets, parmi lesquels le numéro de bravoure était « Le vase brisé ». Ce poème était si connu qu’on crut devoir omettre de l’insérer dans les recueils scolaires et autres, les enfants le connaissant déjà par cœur. Par conséquent, on le trouve aujourd’hui, lorsque l’étoile de Sully Prudhomme a pâli, plus facilement sur internet que dans les bibliothèques.

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Le troisième contributeur, Frédéric Mistral, signa, le 21 avril 1905, à Maillane, un poème qu’il avait choisi pour Birger Mörner. Ce fut à une date où le prestige littéraire de Mistral venait d’atteindre son comble.

Il n’est peut-être pas nécessaire de rappeler ici que Mistral était né en 1830 au mas du Juge (lou mas dóu Juge), à quelques kilomètres au sud de Maillane, et qu’il mourut en 1914 dans une maison qu’il s’était fait construire dans le village, où il avait passé presque 40 ans de sa vie. Il avait déjà été le favori d’hommes de grande influence dans le jury pour le premier prix Nobel, mais cela n’avait pas suffi. Au moment d’être couronné, trois ans plus tard, il avait donné l’essentiel de son œuvre, même s’il fallait encore attendre ses Memóri e raconte (Mémoires et récits), publiés en 1906, et son grand adieu à la poésie, Lis Óulivado (Les Olivades), paru en 1910. Mistral ne fut pas seulement un lettré mais aussi un érudit, auteur du magnifique Tresor dóu Felibrige, le grand dictionnaire en deux tomes du provençal (Dictionnaire provençal-français embrassant les divers dialectes de la langue d’oc moderne), écrit pour donner une forme définitive et durable à la langue et pour transmettre son vocabulaire dans toute sa richesse à la postérité. Selon la manière de penser du comité du prix de ces premières années, ce travail scientifique plutôt que littéraire avait un rôle à jouer pour promouvoir sa candidature. Or, son dévouement à la langue provençale, quoique rarement exprimé de façon militante, fit nécessairement de lui un ennemi de l’esprit jacobin et unificateur qui régnait dans les hauts cercles politiques français. C’est une chose dont les professeurs romanistes allemands et suédois qui travaillaient en sa faveur étaient parfaitement conscients et qu’ils savaient exploiter. Si, donc, Mistral trouva une reconnaissance sans réserve à l’étranger, la France lui refusa des honneurs qu’il méritait et n’acclama point unanimement le grand prix littéraire que lui accorda l’Académie suédoise.

Dans sa longue motivation, écrite avec un enthousiasme et une admiration que le lecteur peut encore sentir vibrer entre les lignes un siècle plus tard, Wirsén loue tout ce qu’il a écrit, mais particulièrement ses poèmes épiques Mirèio (Mireille) et Calendau (Calendal), pour leur « naïveté populaire » et pour « leur inspiration vraie et fraîche comme la rosée ». Mais Mistral dut partager son prix avec un Espagnol, le dramaturge José Echegaray (1832–1916). Sa pièce Bodas trágicas (Noces tragiques) avait été traduite par Birger Mörner et jouée au Théâtre dramatique de Stockholm en 1903. Mistral fut moins heureusement traduit en suédois et on a prétendu que cela desservit sa candidature. En même temps, certains pensent qu’Echegaray, jugé inférieur à Mistral, devint son co-lauréat par respect pour l’Académie espagnole, qu’Alfred Nobel avait mis sur un pied d’égalité avec l’Académie française. D’après la décision du légataire, les deux devaient être consultées avant que l’Académie suédoise ne fasse son choix. Mais ce qui est plus remarquable encore, c’est que, par la suite, un autre candidat sérieux, représentant d’une langue minoritaire presque voisine du provençal, le Catalan susdit Àngel Guimerà, fut proposé sans succès non moins de 17 fois (1907–1923), jusqu’à sa mort en 1924. Ironiquement, il ressemblait par sa manière d’aiguiser un conflit dramatique à Echegaray, qui le traduisit d’ailleurs en espagnol. Guimerà fut constamment mis en avant par les membres de la Real Academia de Buenas Letras et par l’Institut d’estudis catalans à Barcelone, et l’Académie suédoise se prononça en principe favorablement (quoique brièvement) pour lui. Le fait que le catalan n’était pas une langue nationale nuisait à sa candidature (tandis qu’on n’avait jamais reproché à Mistral d’écrire en provençal), et lorsqu’il fallut enfin renoncer à cet argument démodé, on critiqua sa « monotonie » et l’orientation dite trop provinciale de sa thématique.

Voici la première strophe du poème intitulé « À Evo » (« À Ève »), de Frédéric Mistral, qui est celle qui figure dans l’album, à la page 386 :

Qu’es la perlo Qu’est-ce que la perle qu’en bousserlo qui en globules se coungreio dins li nais se procrée dans les gouffres se noun briho si elle ne brille à l’auriho à l’oreille d’Afroudite que ié nais. d’Aphrodite qui y naît.

Bien conscient que la langue provençale avait plus d’admirateurs que de lecteurs, Mistral joignit, selon son habitude, une traduction française à son poème.

Ce poème se retrouve dans Lis Óulivado (Les Olivades), qui parut donc en 1910. À ma connaissance il n’avait pas été publié avant cette date, et comme la contribution de Mistral à l’album fut faite dès 1905, il peut y être considéré comme inédit.

Le poème est très représentatif de l’inspiration de Mistral, qui préfère les motifs provençaux mais se nourrit amplement de mythologie classique, surtout grecque, et qui est souvent empreinte d’une forte sensualité. Aphrodite, née des écumes marines provoquées par l’attaque de Chronos à son père Ouranos, une lutte sanglante qui symbolise la séparation du ciel d’avec la terre, était une référence naturelle pour Mistral. Il connaissait parfaitement la culture antique et se voyait comme l’« umble escoulan dóu grand Oumèro » (Mirèio, 1859). On sait que Lamartine (Cours de littérature, « 40e entretien », 1859) a décrit Mirèio comme une île grecque, un Délos nageant, qui s’étant détaché de l’archipel environnant était « venue sans bruit s’annexer au continent de la Provence embaumée... ».

Lis Óulivado réunit des poèmes qui appartiennent à la période de maturation littéraire de Mistral. L’allusion à la récolte tardive des olives saute aux yeux. Mais qui est l’Ève à laquelle ce beau poème choisi pour Mörner semble dédié ? Un amour de jeunesse de Mistral ? Il est peut-être plus vraisemblable qu’il s’agit de l’Ève biblique. Ève, la mère ancestrale de l’humanité, fut créée par Dieu mais, séduite elle-même par le serpent, causa la chute de l’homme. Elle devint ainsi un symbole de la séduction et de la sexualité. Elle partage évidemment ces attributs avec l’Aphrodite, ou la Vénus, des Anciens. Mais Aphrodite, autre fille d’un dieu et elle-même déesse de l’amour, rayonne une sensualité plus joyeuse qu’Ève, où n’entre aucun sentiment de péché et de culpabilité. Mistral loue sa nudité sculpturale, dont il ne met pas en cause l’innocence. Aphrodite est représentée comme une statue de marbre, mais le poète réussit à la rendre vivante et attrayante en s’attardant sur la splendeur de ses bijoux et de ses vêtements, pour se fixer finalement sur ses « appâts » et sur sa nudité découverte. Mistral voulait-il discrètement « rappeler » à Ève qu’elle aurait pu choisir d’être une « pécheresse heureuse », comme Aphrodite ?

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Un projet de digitalisation de tous les alba amicorum existant dans les bibliothèques de recherches suédoises (la bibliothèque universitaire d’Uppsala en possède le plus grand nombre, soit 150) est en cours, et on va y intégrer celui de Birger Mörner. Les œuvres des écrivains mentionnés dans ces albums figurent ou figureront sur internet, sous forme d’extraits ou dans leur totalité. S’il est peut-être trop hardi d’y voir le signe d’un regain de leur popularité de jadis, c’est au moins un encouragement à la lecture de livres souvent difficiles à retrouver en librairie ou dans les bibliothèques ordinaires. C’est aussi une nouvelle confirmation du statut comme classiques des trois auteurs français choisis par Birger Mörner.

* Ce château a une histoire complexe et fascinante. Ses origines datent du 16e siècle, et parmi ses propriétaires il y eut au 17e siècle un Français, le fournisseur de la cour de la reine Christine, Claude Roquette, anobli Hägerstjärna (von Hegerstiern), né dans le Languedoc, peut-être à Nîmes. Ce réfugié huguenot fut probablement, pendant quelques décennies, l’homme le plus riche de la Suède. L’ESPARGANÈU dans « Lou Pouèmo dóu Rose » de Frédéric Mistral Par Roselyne Lombard – avril 2016

La vie de Frédéric Mistral a été illuminée par deux plantes aquatiques aux fleurs éblouissantes qui ont marqué sa sensibilité au plus profond de son être. « Li flour de glaujo », les fleurs de glais d’un jaune solaire poussaient dans le fossé du « Puits à roue » au mas du Juge à Maillane. Ces « fleurs de lis d’or, armes de France et de Provence qui brillaient sur fonds d’azur » comme il l’écrit dans « Mémoires et récits », l’attiraient immanquablement au point qu’il faillit se noyer à trois reprises malgré les recommandations et la fessée de sa chère mère alors qu’il avait quatre ou cinq ans. Il y cite déjà « le butome au trochet de fleurs roses » qui une soixantaine d’années plus tard prendra une place de choix dans « Le Poème du Rhône ».

Qui n’a pas lu cette fantastique épopée ne peut réellement comprendre notre Provence rhodanienne. Ce poème épique, œuvre de la maturité et d’« une longue incubation », comme le dit Mistral lui- même, paraîtra dans « La Nouvelle Revue » de Juliette Adam en 1896, il y a tout juste cent vingt ans. Pourtant cette œuvre centenaire n’a pas pris une ride, sa vision du monde, la philosophie qui s’en dégage sont toujours d’actualité bien que le récit nous plonge dans une époque aujourd’hui disparue : celle de la batellerie au temps du halage.

D’Arles à Lyon, la remonte des bateaux était assurée grâce à la force de magnifiques et puissants chevaux de trait conduits par des « bailes » sur terre, dirigée par le « patron » ou maître du convoi sur l’eau.

O temps des vieux, temps gai, temps de simplesse, O tèms di vièi, tèms gai, tèms de simplesso, Où sur le Rhône tourbillonnait la vie, Qu’èro lou Rose un revoulun de vido Où nous venions, enfants, voir sur l’eau longue, Ounte venian, enfant, sus l’aigo longo Voir passer fiers, les mains au gouvernail, Vèire passa, fièr, li man à l’empento, Les Condrillots ! Le Rhône, grâce à eux, Li Coundriéulen ! Lou Rose, gràci à-n-éli, Fut une ruche énorme, pleine de bruit et d’œuvre. Èro un grand brusc plen de vounvoun e d’obro

Chant 1 – laisse III

Dès les temps anciens, Grecs et Romains tirèrent profit de cette voie fluviale pour commercer, apportant leur propre langue, leurs courants de pensées, leurs religions, leur civilisation… Temps héroïques qui firent la prospérité de la vallée ! Jusqu’au XIXe siècle la foire de Beaucaire rayonnait dans tout le bassin méditerranéen et en Europe. Elle se tenait chaque année au mois de juillet pour la Sainte-Madeleine.

De notre mer, De la mar nostro, des côtes barbaresques ou levantines Di costo barbaresco e levantino et du Ponant et de la Mer Majeure, E dóu Pounènt e de la Mar Majouro, ils ont gagné Beaucaire pour la foire. An pouja vers Bèu-Caire pèr la fiero. Et il y en a ! les uns portant la voile aiguë, E n’i’a ! Lis un pourtant la velo agudo, latine la plupart, d’autres quadrangulaire : Lou mai latino, e d’autre à quatre caire : allèges d’Arles et trois-mâts de Marseille, Li lèuge d’Arle e trei-mast de Marsiho, les tartanes de Gênes ou de Livourne, Li tartano de Gèno o de Ligourno, les brigantins d’Alep, les balancelles Li bregantin d’Alèp, li balancello de Malaga, de Naples et de Majorque, De Malaga, de Naple e de Maiorco, les goëlettes anglaises ou du Havre-de-Grâce, Li brigouleto angleso o dóu Grand-Vabre, les groins-de-porcs d’Agde et de Cette E li mourre-de-porc d’Agte e de Ceto et les trabacs noirs de l’Adriatique. E li trabaco negro de Veniso. C’est un vacillement sur le Rhône, une danse Es un balun sus Rose que gançouio dans le soleil, la houle et la rumeur Dins lou soulèu, lou trango e lou baruge de tous les jargons des gens de marine. De tóuti li jargoun di marinaio.

Chant X- Laisse LXXXII

Hélas, la révolution industrielle avec l’utilisation de la force nouvelle des machines à vapeur va signer sa fin. Le transport par train va supplanter celui de la batellerie même si celle-ci se modernise. Beaucaire ne sera plus la capitale commerciale du Midi comme elle l’avait été pendant plusieurs siècles.

Frédéric Mistral va nous entraîner dans cette vibrante aventure dont le Rhône est le principal personnage embelli par une plante qui aujourd’hui a disparu de ses berges : « l’Esparganèu » ou le Butome en ombelle, Butomus Umbellatus, le jonc fleuri, la fleur de cygne des brumes hollandaises. Dans toute l’Europe, au bord des ruisseaux, dans les marécages, elle dressait sa tige haute et vigoureuse, les pieds (pardon, le rhizome) dans l’eau, la tête au soleil c’est-à-dire un bouquet en ombelle de fleurettes d’un rose délicat rehaussé d’étamines pourpres si bien décrit par Mistral au chant VIII, laisse LXVI.

Or, en ombelle, En paro-pluieo juchée au bout d’un jonc, la fleur rosée Quihado au bout d’un jounc, la flour rousenco s’épanouissait seule dans la vase S’espandissié souleto sus la limo d’une petite mouille peu profonde. D’uno pichoto mueio noun prefoundo.

Chant VIII – laisse LXVI

Depuis la nuit des temps, les fleurs ont toujours fasciné l’être humain à qui elles ont prodigué leur séduction par la variété de leurs formes, de leurs couleurs, de leurs parfums. Source de nombreuses légendes, entourées d’une aura mystique, elles s’imposent dans les cérémonies religieuses chez les Egyptiens, les Grecs, les Romains pour ne parler que de notre culture. Dès le début de la Vie, la plante n’est-elle pas le lien entre le milieu aquatique et le monde terrestre ? Dans les sociétés primitives le dieu mâle, sous la forme de l’eau, ne féconde-t-il pas la terre mère pour donner chaque année de belles récoltes ?

Les mythes grecs et romains regorgent d’histoires complexes et merveilleuses où végétaux et humains sont intimement liés. On peut évoquer rapidement l’anémone goutte de sang, l’adonis qui croît près des ruisseaux et témoigne d’amours incestueuses, de rivalités féminines, d’interventions divines relatant la complexité de l’âme humaine. Ainsi, au début de l’été, le jeune Adonis revient sur terre sous l’apparence d’une fleur écarlate, l’anémone goutte de sang, dans la vallée où il est mort. Chez les Grecs cette fleur est un symbole d’immortalité.

Et notre Esparganèu, que représente-t-il ? Pétri de culture classique, Mistral est nourri dès son plus jeune âge de tous ces récits fabuleux riches de merveilles et de mystères qui l’effraient et l’enchantent à la fois. Aussi va-t-il créer sa propre légende pour cette plante d’eau commune qui n’est même pas répertoriée chez les auteurs du langage secret des fleurs. Mistral va lui donner ses lettres de noblesse. Il va être le Ronsard du jonc fleuri ! Voici sa légende dans le chant VIII, laisse LXVI :

Dans une gorge, Dins uno gorgo, au pied d’une falaise, la belle Galatée Au pèd d’un baus, la bello Galatèio et le berger Acis, une fois, E lou pastour Acis, uno vegado, assis par terre, se contaient fleurette. Asseta au sòu, se countavon jouïno. Et ne songeant à rien – qu’à leur bonne fortune, Pensant en rèn – qu’à sa bono fourtuno, pendant que là ils se buvaient l’un l’autre, Dóu tèms que se bevien aqui l’un l’autre, du haut du mont le pâtre Polyphème, Pereilamount lou pastras Poulifème, qui était un cyclope et jaloux de la nymphe Qu’èro un Uiard e jalous de la ninfo comme il ne se peut plus, le vilain monstre ! Coume se pòu pas mai, - oh ! lou laid moustre ! les découvre là-bas qui se jouaient. Li vai decebre avau que fadejavon. Enflammé de dépit, il arrache d’un roc Abrama d’iro, arranco d’uno roco, un quartier qui, roulant, se précipite Éu, un clapas que toumbo à la barrulo et, las ! vient écraser sur le gazon E vèn, pecaire ! escracha sus la tepo le beau couple. Leur sang mêlé ruisselle ! Lou bèu parèu. Mescla, soun sang regolo ! La terre maternelle, les dieux eux-mêmes, pris La terro maire e li diéu, coumpassible de grand’pitié, montrèrent un prodige : Bèn talamen ! n’en moustrèron miracle. Acis fut changé en ruisseau ; Acis en rajeiròu faguè sa mudo ; en fleur fut changée Galatée, En flour faguè la siéuno Galatèio, la fleur en ombelle qui sort dans ses eaux, La flour d’esparganèu que ié sort dintre, encore un peu rouge, encore un peu pâle. Rouginello enca’n pau e palinouso.

Chant VIII, laisse LXVI

C’est ce que conte le prince d’Orange à l’Anglore, petite orpailleuse au Malatra, au confluent du Rhône et de l’Ardèche juste avant l’arrivée à Pont-Saint-Esprit. Ils se sont rencontrés sur le « Caburle », le bateau de Maître Apian. Le Patron va guider le convoi de sept barques de Lyon à Beaucaire pour la grande foire annuelle. Sur le quai, dans le brouillard matinal, quelle effervescence pour embarquer gens, marchandises et chevaux pour tirer les bateaux au retour.

Les mariniers de ce temps-là étaient d’une force peu commune, d’un courage exceptionnel pour pouvoir affronter les éléments et lutter contre eux : puissance du courant renforcé par les pluies automnales, tourbillons violents près des arches du pont Saint-Esprit où de nombreux bateaux sont venus s’y fracasser. Mais aussi écueils, rochers, ensablement… Sans oublier à la remonte le mistral, ce « brigand de chasse-mouches, ce débraillé de Dieu, ce mange-fange. » C’est ainsi que le nomme patron Apian. Notre poète décrit les bateliers comme « des colosses à barbe épaisse, grands, corpulents, jurant sans cesse, au visage doré comme un bronze par le hâle du soleil » ; grands mangeurs, grands buveurs dignes descendants de Gargantua …

Face à ces surhommes dont la puissance physique est gage de survie, va apparaître un personnage mince, pâle, élégant (à son clavier de montre pend une fleur d’émail qui n’est autre que le butome…). Il a les mains fines et il se murmure qu’il est le fils aîné du roi de Hollande.

Deux histoires vont alors se croiser et s’imbriquer l’une dans l’autre. Dans ce monde rude où règne la force et le solide bon sens vont s’enchasser le merveilleux, le divin et la pure poésie. Réalité et fantastique vont se lier étroitement, naturellement et nous emporter dans la geste mythique qui bouillonne dans l’âme du poète.

C’est ainsi qu’à Vernaison embarque un beau jeune homme à la barbe blonde, entouré de mystère :

Et quel est-il ? C’est le Prince d’Orange, Quau es aquéu ? Es lou prince d’Aurenjo, le fils aîné, dit-on, du roi de Hollande. Lou maje fiéu, se dis, dóu rèi d’Oulando. Et de toute façon les langues conjecturent : E de tout biais li lengo presumisson, et pour les uns ce n’est qu’un éventé, Afourtissènt, lis un, qu’es un levènti, qu’un drille, assurent-ils, qu’une tête fêlée, Qu’es un arquin, qu’es uno tèsto routo qui, se brouillant avec le roi son père, E’n se brouiant emé lou rèi soun paire, a dû partir pour courre l’aventure, Qu’éu es parti pèr courre l’aventuro, le guilledou, la prétentaine, La vau-coundriéu emé la patantèino à travers le pays. Selon les autres, A travès de païs. Segound lis autre, il s’est opiniâtré tant et tant sur les livres, S’es afisca tant e tant sus li libre, il s’est acoquiné tellement à l’étude S’es óupila talamen à l’estùdi qu’il en est, le pauvret, tombé en chartre, Que n’es toumba, pauroun, dins la marrano, comme un enfant qui mange de la cendre ; Coume un enfant que manjarié de cèndre ; et vers le Rhône les médecins l’ont envoyé E l’an manda, li mège, vers lou Rose, boire le bon soleil qui ravigote, Béure lou bon soulèu que reviscoulo boire le souffle vif du rude Maëstral. E l’alen viéu dóu rufe Manjo-fango.

Chant II – Laisse XI

Il fraternise rapidement avec les bateliers, leur offre des cigares, son flacon d’eau-de-vie « qui liquéfie les brumes » et leur confie qu’il veut connaître le pays de ses ancêtres et s’initier à leur langue, « la langue allègre/ en laquelle chanta la Comtesse de Die/ ses lais d’amour avec Rimbaud d’Orange. » Et il livre aussi le fond de son âme dans le Chant II, laisse XII :

Et il s’est mis en tête une folie d’amour, Uno foulié d’amour s’es mes en tèsto, lubie de prince imaginatif, rêveur ; Farfantello de prince pantaiaire ; il s’est mis dans la tête de trouver en voyage S’es mes en tèsto d’atrouva pèr orto l’éclosion de la Naïade antique L’espelimen de la Naiado antico et la fleur d’eau épanouie sur l’onde E la flour d’aigo espandido sus l’oundo où la Nymphe se cache nue, Ounte la Ninfo es amagado e nuso, la Nymphe belle et pure et claire et vague La Ninfo bello e puro e lindo e vaigo que l’esprit conçoit et désire, Que l’esperit councéu e que desiro, que le pinceau retrace, que le poète Que lou pincèu retrais, que lou pouèto dans ses visions éternellement évoque, Dins si vesioun eternamen evoco, la Nymphe séductrice, voluptueuse, La Ninfo atrivarello e vouluptouso qui, autour du nageur, au cours de l’eau, Qu’, à l’entour dóu nadaire, au briéu de l’aigo laisse flotter sa chevelure Bandis floutanto sa cabeladuro et se confond et fond avec le flot. E se counfound e found emé la riso. Et de canal en canal, par la Saône, E, de canau en canau, pèr la Sono, il descendit de son pays de Flandre, Es descendu de soun païs de Flandro, comme descendent du nord brumeux les cygnes Coume davalon dóu neblun li ciéune aux « clairs » du Vacarés, quand vient l’automne. I clar dóu Vacarés, quand vèn l’autouno.

Chant II, laisse XII

Sa quête concerne aussi « la fleur d’eau » dont il parle dans la laisse suivante comme aurait pu le faire un troubadour :

- « Fleur de mystère, dit-il, inconnue - Flour de mistèri, dis, incouneigudo aux profanes terriens, car dans les eaux Is ome d’enfre terro, car dins l’aigo elle fait son séjour et s’y épanouit, Fai soun sejour emai soun espandido, fleur de beauté, fleur de grâce et de rêve Flour de pantai, de gentun, de belesso, que mes Flamands appellent « fleur de cygne » : Que mi Flamen la noumon « flour de ciéune » par tout pays où on la trouve, E que, pèr tout païs ounte s’atrovo, l’homme est joyeux, la femme belle. » L’ome i’es gai e la dono i’es bello. - « Cela ? en s’approchant dirent les bateliers, - Acò ? diguèron en s’aprouchant tóuti, mais c’est la fleur de Rhône, mon beau prince, Mai es la flour de Rose, moun bèu prince, le jonc fleuri, qui se nourrit sous l’onde L’esparganèu, que souto l’oundo naiso et que l’Anglore aime tant à cueillir ! » E qu’amo tant, l’Angloro, d’ana cueie ! - « L’Anglore ? » - L’Angloro ? Chant II, laisse XIV Qui est donc cette jeune fille qui va « pieds-nus sur le sable fin », « riant avec ses dents qui mordent » comme le dit Jean Roche le prouvier qui aimerait bien « faire couple avec cette fauvette d’oseraie » qui n’a « qu’un amour : rôder le long des mouilles / pour s’y mirer seulette / ou y cueillir parfois la fleur du Rhône /… et cribler les sables de l’Ardèche / pour orpailler… les bluettes d’or qu’il peut y avoir » ?

Cette « petite bohémienne qui a les astres pour elle » pique la curiosité de Guilhem qui y voit un signe. « Il a le cœur ivre… l’élan d’amour ne tarde pas à naître…Sans l’avoir vue / à moi aussi, me danse par la tête » se dit le prince d’Orange en pensant « à cette jeune inconnue… cette perle des grèves qui scintille à l’imagination de tous. » Sous la tente où il se repose « un doux rêve d’amour l’envahit. Il songe / à l’Eve inconnue qui l’attend/ quelque part, le cœur en fleur, seulette. » Ainsi nous sont contées les prémices de leur amour au Chant IV, laisse XLI.

On a le temps de rêver sur le Caburle qui continue à voguer et va faire halte à « la table du Roi », un grand rocher plat que l’on peut voir encore où, dit-on, Saint Louis déjeuna quand il partit en guerre contre les Sarrasins. Elu cette année-là « Roi de la Marine », Maître Apian offre à tout son équipage un repas pantagruélique où l’invité d’honneur Guilhem d’Orange lève son verre en clamant :

- « Brinde à l’Anglore ! - Brinde à l’Angloro ! cria Guilhem ; sans savoir davantage, Cridè Guihèn ; iéu, sènso n’en mai saupre, avec ce moût des vignes escarpées Em’ aquest moust di vigno ribassudo mon premier brinde est pour la fleur du Rhône ! Moun proumié béure es pèr la flour de Rose ! Et mon second, pour le Rhône lui-même E moun segound ! es pèr lou Rose éu-meme qui reflète en ses eaux la fleur mystérieuse ! Que miraio la flour misteriouso ! Et mon troisième est pour le soleil clair E moun tresen es pèr lou soulèu cande qui nous convie à vivre dans la joie ! » Que nous counvido à viéure dins la joio !

Chant III, laisse XXX

C’est ainsi que l’« Esparganèu » va prendre une dimension allégorique reliant le monde aquatique au monde terrestre comme un trait d’union symbolisant l’amour et le terroir. Mais aussi l’élan céleste avec l’évocation du soleil. Guilhem avait également dit aux mariniers : « Moi, frères, je vois la fleur du Rhône là-bas dans le soleil de ce Midi où nous allons. » Les trois éléments fondamentaux sont réunis dans cette modeste plante devenue quasi divine. L’Esparganèu appartient entièrement au fleuve, c’est la fleur du Rhône.

Bientôt les bateaux arrivent au Malatra en amont de Pont-Saint-Esprit

- « La voilà ! la voilà ! » cria-t-on dans les barques. -Vès-la ! vès-la ! cridèron dins li barco. Le poing sur la hanche, au bord du grand Rhône, Lou poung sus l’anco, en ribo dóu grand Rose, et dans ses belles hardes du dimanche, Dins si raubiho bello dóu dimenche, et à la main son cabas de jonc fin, A la man soun cabas de sagno primo, elle, l’Anglore, attendait souriante. Elo, l’Angloro, esperavo risènto. Car avec ces nochers des équipages Car em’ aquéli gènt dis equipage elle s’était rendue peu à peu familière, S’èro à cha pau rendudo famihiero, folichonnant, badinant avec eux. Fantaumejant e fadejant em’ éli

Puis elle avait grandi, s’était faite arrogante Pièi s’èro facho grando, arrouganteto, et même assez jolie. Elle n’était que brune, Emai poulido proun. Èro que bruno ; mais une brune claire, ou, pour mieux dire, Mai uno bruno claro o, pèr miés dire, le reflet du soleil l’avait dorée ; Lou rebat dóu soulèu l’avié daurado ; et des yeux de perdrix, où difficilement Emé d’iue de perdris, qu’èro de peno on pouvait deviner s’ils riaient enfantins De saupre se risien d’enfantoulige ou d’allégresse folle ou bien par gausserie. O d’alegresso folo o bèn pèr trufo.

Chant V, laisse XLIV

Celle qui porte le nom du petit lézard gris que l’on nomme à Nîmes « angloro » rejoint le Caburle et voit arriver Guilhem, un brin de jonc fleuri à la main. Soudain, devenue pâle elle reconnaît en lui le Drac, le dieu légendaire du fleuve qu’elle avait aperçu une chaude nuit d’été alors qu’elle se baignait au clair de lune. Elle n’a pas oublié

Un beau jouvenceau qui lui souriait. Un bèu jouvènt que ié fasié cachiero. Roulé comme un dieu, blanc comme l’ivoire, Enroula coume un diéu, blanc coume evòri, il ondulait dans l’onde et sa main effilée Oundejavo emé l’oundo e sa man linjo tenait une fleur, fleur de « jonc fleuri », Tenié ’no flour d’esparganèu sóuvage qu’il présentait à la fillette nue. Que presentavo à la jouvènto nuso. Et de ses lèvres tremblantes et pâles E de si bouco atremoulido e marfo sortaient des mots d’amour mystérieux, Sourtien de mot d’amour o de mistèri dans l’eau se perdant incompréhensibles. Que s’esperdien dins l’aigo incoumprensiblo. Avec ses yeux félins, fascinateurs, De si dous iue catarèu, pivelaire, il la faisait venir, craintive, stupéfaite, Éu la fasié veni, gravoujo, nèco, et haletante de désir, à l’endroit Desalenado e barbelanto, au rode où crient merci le corps et l’âme. Ounte lou cors e l’amo cridon sebo

Chant VI, laisse LIII

Petite Anglore, ton rêve serait-il en train de se réaliser ? L’Esparganèu serait-il le mot de passe qui ouvre les portes de la re-connaissance et de l’amour ?

LAISSE LVI LAISSE LVI

- « C’est lui ! c’est lui ! » cria-t-elle affolée, - Es éu ! es éu ! – quilè coume uno folo en s’agrippant à reculons aux courbes ; En s’agripant de-reculoun i courbo ; et, tel qu’un dieu, la pauvrette était là E tau qu’un diéu, èro aqui, la paureto, qui l’admirait, amoureuse et craintive, Que lou belavo, amourouso e cregnènto, ainsi qu’une fauvette fascinée Coume uno bouscarrido pivelado qui, au regard d’une couleuvre, Que, d’un serp à la regardaduro, irrésistiblement est obligée de choir. Irresistiblamen fau que degole. Mais, l’esprit et le cœur émerveillés, L’esperit e lou cor en meraviho, en souriant d’une façon courtoise En ié risènt d’uno façoun courteso, Guilhem lui a dit : - « Je te reconnais, Guihèn alor ié dis : - Te recounèisse, ô fleur de Rhône épanouie sur l’eau ! O flour de Rose espelido sus l’aigo ! Fleur de bonheur que j’entrevis en songe, Flour de bonur qu’ai entre-visto en sounje, petite fleur, sois-tu la bien trouvée ! » Pichoto flour, la bèn trouvado fugues ! – Et elle répliqua, tout d’un coup enhardie : Respoundeguè, tout-d’un-cop enardido : - « Drac, je te reconnais ! car sous la lone - Te recounèisse, o Dra ! Souto la lono je t’ai vu dans la main le bouquet que tu tiens. T’ai vist en man l’esparganèu que tènes. A ta barbette d’or, à ta peau blanche, A ta barbeto d’or, à ta pèu blanco, à tes yeux glauques, ensorceleurs, perçants, A tis iue glas qu’embernon e trafuron, je vois bien qui tu es. » Guilhem lui donne Vese quau siés. – Guihèn la flour ié douno la fleur, et tous les deux, liés par le mystère, E tóuti dous, liga pèr lou mistèri, ont tressailli. Car les amours vont vite, An tresana. Car lis amour van vite, une fois dans la nef qui les emporte, Uno fes dins la nau que lis emporto, prédestinés, sur le flot. Predestina, sus lou flot.

LAISSE LVII LAISSE LVII

Les arcades Lis arcado Du Pont Saint-Esprit, prodigieuses, Dóu Pont Sant-Espertit, espetaclouso, Leur passent en triomphe sur la tête. Ie passon en triounfle sus la tèsto. Les bateliers, baissant le front, saluent Li barcatié, beissant lou front, saludon Saint Nicolas dans sa chapelle antique, Sant Micoulau dins sa capello antico, Démolie aujourd’hui, mais qui sauvegardait Demoulido au-jour-d’uei, mai qu’aparavo Aux temps anciens « l’arcade marinière », I tèms ancian l’arcado mariniero, Dont l’ouverture était si dangereuse Pèr soun engoulidou tant dangeirouso Qu’on n’y compte plus les bateaux perdus. Que li batèu perdu noun se ié comton. La Provence apparaît, car son entrée, La Prouvènço aparèis : es soun intrado,

C’est le Pont Saint-Esprit avec ses piles Lou Pont Sant-Esperit emé si pielo Et ses vingt arcs superbes qui se courbent E si vint arc superbe que se courbon En guise de couronne sur le Rhône. En guiso de courouno sus lou Rose

Chant VII – laisses LVI et LVII

Ils se sont enfin trouvés grâce à la fleur du Rhône, symbole de leur attirance et de leur amour idéal. Les jeux sont faits. « Quand les choses sont écrites dans les astres, il faut qu’elles se fassent », disait patron Apian. Leur destin maintenant peut s’accomplir. L’Angloro peut rêver à ses noces : « mon sort aura fleuri avant que passe / la fleur d’Esparganèu. » dit l’Angloro au Chant XI laisse XCV. Bientôt, bientôt ! chante-t-elle dans sa tête.

A la foire de Beaucaire, le batteur d’or a ouvragé deux alliances, l’une avec le Drac pour Guilhem, l’autre avec un petit lézard pour l’Anglore.

Heureux, émerveillés, de retour sur le Caburle qui a entrepris la dure remonte, ils continuent leur belle mélodie, échangeant des aveux enflammés.

… - « Aie confiance en moi, Anglore ! … - Fiso-te de iéu, Angloro ! Parce que librement je t’ai élue, Pèr-ço-que libramen t’ai elegido, m’apportant ta foi, ta profonde foi Pèr-ço-que m’as adu ta fe prefoundo au merveilleux superbe de la fable, I meraviho bello de la fablo, parce que tu es celle qui, insoucieuse, Pèr-ço-que siés aquelo qu’inchaiènto se fond dans son amour comme la cire Se found dins soun amour coume la ciro à la lumière, parce que tu vis Au lume, pèr-ço-que vives en foro en dehors de nos liens et de nos fards, De tóuti nòsti faisso e fardaduro, parce que dans ton sang et ton sein pur Pèr-ço-que dins toun sang e toun sen mounde gît la rénovation des vieilles sèves, Caup lou renouvelun di vièii sabo, moi, sur ma foi de prince, je te jure Iéu, sus ma fe de prince, t’aproumete que nul autre que moi, ô fleur du Rhône, Que res autre que iéu, o flour de Rose, n’aura l’heur, le bonheur de te cueillir Noun aura l’ur de faire ta culido et comme fleur d’amour et comme épouse ! » E coume flour d’amour e coume espouso ! - « Mais quand ? bientôt ? » demanda-t-elle. - Mai quouro ! lèu ? elo diguè tout-d’uno. – Guilhem répondit : - « Ma belle petite, Guihèn respoundeguè : - Ma bello chato, je te dirai cela ces jours-ci... Entends-tu Aquésti jour te lou dirai … L’entèndes, souffler le mistral ? C’est la musique Aquéu mistrau que boufo ? Es la musico majestueuse qui annonce nos noces ! Majestouso qu’anóuncio nòsti noço ! C’est l’air du Rhône, le ciel, les frondaisons Es lou Rousau, es lou cèu, es li broundo qui de concert nous chantent le prélude ! » Qu’ensemblamen nous canton lou prelùdi ! –

Chant XI, laisse XCIX

Guilhem lui promet que leurs épousailles auront lieu à la fontaine de Tourne devant le rocher où est gravé le bas-relief du dieu Mithra. C’est là,

« … que nous allons, petite Anglore, nous lier. … Que nous anan liga, pichoto Angloro, Et sous le regard de la Lune E, souto lou regard pièi de la Luno et de toutes les bêtes vagantes dans la nuit E de tout lou feran de la chauriho que nous aurons pour témoins et tutelle, Que nous van èstre pèr temouin e sousto, dans le Grand-Gouffre de la source, embrassés, Dins lou Grand-Gourg de la font, en brasseto nous nous engloutirons. » Ensorcelée, l’Anglore Nous aprefoundiren. – Elo, enmascado, lui répondit : - « Mon Drac, la fleur du Rhône Respoundeguè : - Moun Dra, la flour de Rose n’eut jamais peur des ondes bleues Noun aguè jamai pòu dis aigo bluio où le ciel mire ses Insignes. Ounte lou cèu miraio sis Ensigne. Je nagerai avec toi, de conserve, Nadarai emé tu, iéu, de-counservo, comme fait le poisson printanier – qui remonte, Coume lou pèis de primo, quand remounto au temps du frai, la vallée du fleuve. » Lou ribeirés, au tèms de l’eissagage.

Chant XII, laisse CV

L’Anglore s’identifie maintenant à sa fleur bien-aimée. Elle se nomme elle-même « la fleur du Rhône ». Fait-elle partie du monde aquatique ? Elle entre dans le mythe de son plein gré.

Pendant ce temps, le convoi continue sa remonte vers le nord tout chargé des nouvelles marchandises acquises à la foire. Il va lentement tiré par ses beaux haleurs. Bientôt s’annonce le passage périlleux sous le pont Saint-Esprit.

Or un bruit bizarre se fait entendre, une fumée noire alerte l’équipage. Caché jusqu’alors par un rideau d’arbres, surgit un long « bateau à feu » dont les roues à aubes soulèvent des vagues énormes. Il heurte le convoi de maître Apian entraînant dans les remous les autres barques. Les grands chevaux reculent emportés par les cordages. Les bateliers impuissants ne peuvent empêcher la catastrophe et nagent ferme.

Un grand cri monte… Aïe ! malheur ! du Caburle Mounto un grand crid… Ai ! paure ! dóu Caburle un tourbillon effrayant enveloppe Un remoulin esfraious agouloupo la barque en son remous : un heurt terrible Dins soun revòu la barco : un tuert terrible tonne contre le Pont et tout se brise. Brounzis contro lou Pont e tout s’esclapo. Guilhem, du contre-coup, au sein des vagues Guihèn, dóu contro-cop, dintre lis erso est projeté, ayant l’Anglore dans ses bras. Es bandi, dins si bras aguènt l’Angloro. Et il nage, battu par les tronçons de poutre, E nado, bacela di tros de fusto, et il nage, tenant à fleur d’eau son amie, E nado, la tenènt à cimo d’aigo, et tant qu’il peut il nage. Mais les flots irrités E nado tant que pòu. Mai lou subroundo le submergent enfin et sous la houle A la perfin la suberno enmalido, il disparaît. E desparèis.

Chant XII, laisse CXII

« Souillés d’écume, la face en sang, enlisés dans la vase, affligés, la tête basse recueillant les épaves » les membres de l’équipage se comptent. Ils y sont tous. Mais il manque la petite orpailleuse et son amoureux. « Le prince d’Orange, ne serait-il pas le Drac ? » s’interroge Jean Roche, le prouvier ? « N’aurait-il pas emporté l’Anglore dans ses gouffres ? » Maître Apian voit l’œuvre de sa vie anéantie, ses sept barques englouties, ses beaux chevaux noyés. « A creba, vuei, pèr tóuti, lou grand Rose ! » et courageusement sans autre plainte, la troupe suivant le rivage remonte vers Condrieu.

Ainsi se termina le temps du halage. La navigation fut assurée par les moteurs à vapeur. Néanmoins le passage sous le viaduc médiéval présentait toujours de grandes difficultés : le chenal navigable mais sinueux s’engouffrait sous les premières arches de la rive droite, continuant à provoquer accidents et naufrages. En 1854 il fut décidé de démolir une pile et de construire une grande arche en fonte. Celle-ci fut bombardée le 15 août 1944 par les forces alliées pour couper la route aux troupes d’occupation. Dix ans après une nouvelle arche marinière en béton fut inaugurée.

Hélas, la paix retrouvée, un autre chantier sonna définitivement le glas pour le Seigneur fleuve : la construction du canal de Donzère à Mondragon et son écluse fournissant l’électricité détourna une grande partie des eaux. « Le Pelvoux », « Le Pilat », « Le Simplon » fonctionnant encore au charbon tiraient jusqu’à cinq barges ! Il n’y eut plus de remorqueurs à hélice comme « Le Rhodania », « Le Frédéric Mistral », marchant au fioul. Les embarcations désertèrent le port. On ne vit plus monter le soir les mariniers dans leur caban bleu marine, coiffés de leur casquette. Les Spiripontains pouvaient dire comme patron Apian : « Il a crevé pour tous, aujourd’hui le grand Rhône ! »

Quant à l’« Esparganèu » qui fleurissait en abondance sur ses rives, il ne résista pas lui non plus au progrès. La pollution générée par les rejets toxiques des bateaux et des usines lui fut fatale. En 1965, pour commémorer la pose de la première pierre du pont, sept cents ans auparavant, les organisateurs, MM. Ribière et Robert la cherchèrent de Lyon à Port-Saint-Louis, en vain. Les enfants de M. Robert en avaient tellement entendu parler que sans l’avoir vue ils la reconnurent au cours d’un voyage dans le Marais poitevin. Devant eux, ébahis, émerveillés, s’étalait un terrain fleuri d’« Esparganèu » ! Avec précaution ils prélevèrent quelques rhizomes qu’ils rapportèrent précieusement à Saint-Alexandre, village voisin de Pont-Saint-Esprit. La plante y prospère depuis dans leur jardin.

« Butomus Umbellatus » fleurit donc dans notre région, tout près du Rhône et de son célèbre pont… mais dans des pots ! Dans « Le Grand Trésor » on apprend que ce nom vient du latin sparganium, plante aquatique d’où en provençal « Esparganèu ». On peut la désigner sous les termes de Carrelet ou Queirello (plante à feuilles triangulaires).

Pour la cultiver, il faut chaque année l’installer dans un bac ou une jarre sans trou d’évacuation pour que l’eau d’arrosage garde la terre humide. Ne mettre qu’un seul plant par pot. Il lui faut de la place pour s’étaler. Une profondeur de 25 à 30 cm, une terre riche, sablonneuse. Elle est délicate car elle n’aime pas l’eau javellisée, ni les engrais chimiques. Mais elle est aussi robuste : l’hiver, elle résiste au gel (les feuilles ont disparu, le rhizome ne craint pas la glace), l’été, la canicule ne la gêne pas. Quelquefois elle boude et ne nous honore pas de ses belles fleurs roses disposées en ombelle. Elle fait partie de la famille des butomacées. Parfois le même plant peut donner jusqu’à dix tiges florales. Mystère…

Si vous désirez vous en procurer, n’hésitez pas à me contacter et même à venir jusqu’à Pont-Saint- Esprit. Vous pourrez admirer le seul pont médiéval de cette longueur (900 m environ) qui se tient encore debout en France et sans doute en Europe.

Une visite au musée d’Art Sacré vous permettra de découvrir, parmi ses richesses, des croix de mariniers qui protégeaient les fameux bateaux à bois.

Bon voyage sur le Rhône avec Frédéric Mistral !

Bon jardinage si vous cultivez l’« Esparganèu » !

E, fai tira la maio !

Photos de Roselyne Lombard

Roselyne Lombard – 192 chemin de Chiffaud – 30760 Saint Julien de Peyrolas – tél : 04 66 82 12 21

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Un évènement d’importance se déroulera l’an prochain à Valréas et l’Enclave des Papes : « Les 700 ans de l’Enclave des Papes ».

Nous vous en parlerons dans le prochain numéro UN GRAND LINGUISTE ET HISTORIEN ANDRE COMPAN 1922 - 2010 Essai de biographie Par Michel Compan

Né en 1922, à Nice au quartier du Port, André Compan est issu d’une famille Villefranchoise de gens de mer (pêcheurs, marins de commerce et de guerre) depuis le XVè siècle. Ses parents comprennent mais ne parlent pas le Niçois, rameau de la langue d’oc, mais ses grands-parents oui et c’est eux qui le lui apprennent.

Après des études secondaires au collège et au lycée de l’Ecole Massena (Stanislas actuel), il a acquis une formation classique en Grec et en Latin pour laquelle il gardera toujours une admiration reconnaissante envers les Religieux qui lui enseignèrent l’amour des Belles Lettres. Vers 18 ans il se passionne ainsi pour des concours d’éloquence où il gagne des prix (ex : la Coupe Grac* à Cannes en 1940). Ses études universitaires l’orientent vers les deux piliers de son enseignement futur : la Linguistique et l’Histoire. Il rejoint pourtant la Faculté des Lettres d’Aix-en-Provence pour des études d’Allemand ; celles-ci vont être interrompues par la guerre ; à 21 ans il est déporté dans un camp en Silésie, à Bunzlau, sur dénonciation aux nazis par son professeur de faculté, un français, admirateur du IIIème Reich contre lequel il avait mené la révolte. Ayant subi en Germanie les conséquences d’une cohabitation avec des typhiques et un début de perte de la vision pour un travail forcé devant un four à fonte (sans équipement…), il réussit à s’évader grâce à la complicité d’un administratif, supplétif tchèque et à la désorganisation du front de l’est. C’est le retour vers la France par des routes détournées où sa connaissance de l’allemand et de la géographie le sauve. Membre du Comité de Libération de Beaulieu, il reprend ensuite ses études, cette fois en Histoire et Géographie (1945-1947).

Marqué physiquement par sa déportation, André Compan commence sa carrière et son MAGISTERE d’« histoire-géo » au Lycée Carnot de Cannes (1950-1959). C’est là qu’il entreprend son action pour la langue d’Oc en démarrant, dès la loi Deixonne (1951) le premier cours de Provençal ouvert dans les Alpes Maritimes (qu’il double bientôt au Lycée Jules Ferry) avec des élèves internes venus du Var (Fréjus, Saint-Raphaël, Saint-Tropez à l’époque n’avaient pas de lycée). Comme il aimait à le déclarer alors : « Lou nissart e lou prouvençau soun doui mouceu de l’aubre d’Oc ». Il tisse des liens étroits avec l’Académie Provençale et le groupe de Victor Tuby, au Moulin Forville, et avec le juriste Roland Moncho, avec Pierre Vouland, Mme et Mr Massa, président de l’Escolo Felibrenco Estello de Lerin à Cannes (il intervient aussi avec un autre cours au Lycée Bristol). Il accroit inlassablement le nombre de ses diplômes supérieurs.

- En 1950 : Diplôme d’Etudes Romanes à l’Université de Montpellier : « Rancher, toute l’œuvre, édition critique » (numéro spécial de la Revue des Langues Romanes). - En 1965 parait la « Grammaire niçoise » (4 éditions) - En 1967 « Le glossaire raisonné de la langue niçoise » (4 éditions) - En 1969, il soutient une thèse sur « La chronique de Jean Badat » pour le titre de Docteur en Linguistique Romane. - En 1969, donc la même année, c’est la thèse de doctorat en Histoire, à Nice Lettres : « Démographie du Comté de Nice sous la Restauration Sarde ». - En 1975, c’est le Doctorat d’Etat en Sorbonne Paris IV (dans le grand amphithéâtre) en Linguistique : « Les noms de familles du Comté de Nice, XIIIe, XIVe, XVe siècles » (paru chez Champion, Paris, 2 éditions).

Disciple de Charles Rostaing, Capoulie du Félibrige, professeur en Sorbonne, lui-même principal disciple et continuateur de Dauzat, le plus grand linguiste français, il apprécie ce maître « un ome saberu ma tambèn e simplamen un fièr prouvençau ».

En dehors des cours de Niçois qu’il exerce en parallèle avec ceux d’Histoire Géographie au lycée du Parc Impérial et au lycée Masséna, à Nice (à partir de 1962), il met en place, dès 1970, un enseignement des Langues Romanes à la faculté des Lettres de Nice et au Centre de Romanistique. Il assurera donc la suite de son œuvre en formant les futurs professeurs de Provençal et de Niçois, dont certains en fonction actuellement sont à leur tour des écrivains et des passeurs de témoin. Devenu Conseiller du Recteur de l’Académie de Nice en 1975 pour la Langue d’Oc, il dirige de nombreux Diplômes et Thèses, dont celle du Majoral Viani. Inspecteur Général Académique pour les Langues Régionales, il intervient souvent dans le Var et les Alpes Maritimes, et dirige de nombreux séminaires d’enseignements ; il participe à des tables rondes ministérielles, pour son domaine. Et ceci se déroule jusqu’à sa retraite, en 1983.

Son action militante pour le Niçois et le Provençal pourrait se résumer par la formule qu’il utilisait dans les « tables rondes » universitaires qu’il animait : « Fau se boulega per aquela bella lenga dei antènat e faire passa lou testimoni ». Entré au Félibrige en 1948, il a été très influencé par ses nombreuses lectures, de Mistral en premier, d’Emile Rippert, comme des dictionnaires de Pélas, de l’Histoire de Papon, de celles de Gioffrédo, de Latouche, des linguistes allemands (Von Wartburg) ou des Archivistes Imbert, Baratier, Hildesheimer, du professeur Palanque, ou de son maître es histoire Emile G. Léonard, spécialiste de la Reine Jeanne et du grand linguiste provençal Charles Rostaing. Il fut secrétaire de la maintenance de Provence, de 1952 à 1955. Mestre en Gai Sabé en 1954, Majoral de la Cigale de Remembrança en 1969, à la Sainte Estello de Saint-Flour, succédant à Frédéric Mistral Neveu.

Entré à l’Académia Nissarda en 1948 (parrain le Majoral Giordan), membre du conseil de direction, puis secrétaire général de 1950 à 1962, il était également membre fondateur de l’Académie Internationale des Langues dialectales de Monaco qui rassemble les principaux Linguistes et Historiens de l’Europe Romane. Il participe donc activement aux manifestations du Félibrige à Nice ; en 1954 c’est le centenaire de Mireille ; en 1960 et 1982 c’est la mise sur pied des deux Santo Estello de Nice et les cérémonies connexes du centenaire du rattachement.

Sa production littéraire bilingue est également importante : - Le recueil de poésies « Tros e Glaugna », pièces et morceaux, 1955. - « Laus de Frederi Mistral Neveu », 1970. - « Anthologie de la littérature niçoise », 1971. - « lou libre dou nissart pèr l’escoulan », 1972. - « Lou dich dóu Cambarouset » (recueil de poèmes qui vont être, en 1973, l’occasion de liens étroits avec Henri Bosco, lequel vient s’installer à Nice). - « Escarchadura » (poèmes) 1975. - Et surtout « L’illustration du Nissart et du Provençal », 1990 ; ce gros livre recueille une partie des trois cents articles parus dans le journal « Nice Matin » sur près de trente-cinq ans ; ils ont diffusé la langue et défendu notre héritage culturel auprès d’un très vaste public. Ce sont également de multiples articles parus dans les revues Nice Historique, les Annales de l’Académie Monégasque, le Païs Nissart, l’Armanac Nissart, L’Armana Prouvençau. Tous les sujets régionaux ou transfrontaliers historiques, linguistiques et onomastiques sont abordés. Cela donne matière à de nombreux livres : - « Les noms des communes des Alpes Maritimes » publication du CRDP et du Rectorat de Nice (2 éditions 1970 et 1995) - « Les toponymes de Venanson, St Etienne de Tinée, Valdeblore, St Martin de Vésubie et Roquebillière ». - L’œuvre majeure, car la plus diffusée, reste son « Histoire de Nice et de son Comté » (11 éditions de 1978 à nos jours). C’est l’ouvrage de référence sur ce sujet.

Il fut le correspondant du Musée des Arts et Traditions populaires du Palais de Chaillot et du Musée de l’Homme ; il fut aussi le correspondant niçois de l’Atlas Populaire de France, enrichissant la sonothèque de nombreux enregistrements uniques ; il fut la référence niçoise de l’Atlas linguistique de Provence, initié par Charles Rostaing et achevé par J.C Bouvier et dont il dirigea de nombreuses enquêtes. IL dirigea l’ouvrage collectif sur le Comté de Nice, collection Peuples et Pays de France chez Seghers (1980). Il faut aussi mentionner une centaine de conférences prononcées devant tous les auditoires, surtout dans le Sud de la France pour privilégier le rapport direct avec les personnes, « perqué, la paraula, es acò que marca touplen lou ment e l’esperit ». Le meilleur moment reste alors le temps des questions posées ; de la même manière il a toujours tenu dans les journaux et revues une rubrique pour les demandes particulières, ce qui exigeait de lui une immense correspondance, dont il subsiste des témoignages des intérêts historiques et linguistiques de nos contemporains. Ce travail, il le considérait comme un hommage à la globalité de nos ancêtres « nissart de la bouona, e de redris, dóu soum dei mount fin ai pescaire d’en riba de mar ».

Cette somme a été récompensée par la Grand Prix Littéraire des Traditions Niçoises, le Prix du Mesclum, l’Aigle d’or de la Ville de Nice, la Médaille d’or de l’Académia Nissarda en 2004 et enfin le Grand Prix Littéraire de Provence à Aix en 2008. « Se pau dire qu’en lou Coumtat era Couneissut per si obra, per si charadissa, per la sieu vous, e per soun estrambord felibrenc, e de tout acò n’en sieu fier de vous avé parla ! »

* Grac nom du créateur cannois de ce concours d’éloquence

PRENDRE GARDE ! PHULATTOU ! Qui méprise hautain le parler de son père, Qu desprèa d’en aut lou parla dóu siéu paire, Qui ne croit qu’à sa valeur, que le vulgaire détériore, Qu si cres d’èstre bèu, qu’esgarra lou labrut, Et se moque ironique du paysan robuste, E si garça, laugié, dau paisan nerbourut ; Que la terre s’ouvre et l’anéantisse ! Que la terra si duèrbe e li fague l’afaire !

Qui vend le pays où passait la charrue, Qu vènde lou paìs doun passava l’araire, Qui vend la côte escarpée où danse la tartane, Que vènde lou ribas, doun bala lou lahut, Qui renie son berceau, qui abandonne ses morts, Qu renega lou brès, qu laissa l’atahut, Qu’il crève tout seul, comme les vagabonds ! Que crèpe tout soulet, couma lu barounaire !

Et qu’un jour, teigneux, infirme et sans gloire, E qu’un jour, rascassous, ploumbat e sènsa glòria, Guenille reléguée d’un coin de l’histoire, Estrassoun rebafat d’un cantoun de l’istòria, Il soit le décrottoir des seigneurs de l’argent. Sìgue lou cura-pèn dai mèstre de l’argènt.

Sans sol, sans fils, mal châtré de sa langue, Sènsa souòl, sènsa fiéu, mau castrat de la lènga, Gueux tremblotant et vil, proie laide des charlatans, Gus agantat dau trem, estramassat d’arènga, Qu’il aille se noyer au milieu de ses semblables ! Que s’en vague negà tra mitan dai siéu gènt !

André Compan - Escarchadura, pouema, édition l’Astrado 1975

Information :

L’article « L’identité des Alpes Maritimes » d’Henri Costamagna publié dans le n° 24 Printems 2016

a paru en 1988 dans les Actes du Colloque de Grasse organisé par l’Union Provençale.

Henri Costamagna est ancien professeur d’histoire à l’université de Nice.

Son article est en phase avec l’actualité d’aujourd’hui. DINS UN’ARMARI, A L’OUSTAU DE FAMIHO Par Pierre Avon

Li Primadié e aquéli que lis an segui an ressenti – belèu sènso s’en avisa - que lou prouvençau èro à si darrié badai perqué soulamen lou parlavon plus que li mestierau emé « li pastre e gènt di mas ». An agu l’engèni e lou gàubi de coungreia un’obro que res aurié pouscu faire espeli s’avien pas ausi aquèu cor que picavo encaro dins lou parla de la vido ourdinàri di Prouvençau.

Mai, desenant, res e rèn emplènon lou grand boulidou ounte se coungreiavon la car e la sausso de la lengo. Es ansin, anen pas ploura d’abord qu’avèn lou bonur d’avé reçaupu un tresor que s’abeno pas. La lengo qu’an fa trelusi nòstis àvi, sèmpre nous afourtira pèr li tèmo sempiterne; foro d’acὸ, pèr parla de la vido ourdinàri de noste tèms, sian coundana au revirage di mot que soun pas esta cue pièi mastega au nostre.

Es pèr acὸ que vous vau parla dóu tèms passa.

Dins un’armàri, à l’oustau de famiho, i’ avié quàuqui cartabèu manuscri, qu’èron l’obro d’un grand-ouncle de ma grand. Felip Vèvo – ansin signavo - èro grangié à Mourmeiroun, e sèmblo que se sentié despatria perqué èro nascu e esta abari à Sant Estevo… Au mitan de si terro, beléu davans soun fiὸ, a debana, dins soun parla, la visto qu’avié de soun mounde, parla lega pèr si gent, li capelan, soun mestié, e peréu pèr l’escolo qu’ero pancaro aquelo de la Republico, estènt qu’èro nascu en 1814. M’agrado de parla d’éu qu’èro proun sutiéu pèr saupre que sis escri èron pas un’obro literàri mai soucamen un biais pèr afourti sa fe e ço que i’agradavo en aquéli qu’amavo.

La lengo que parlavo e qu’escrivié, es aquelo dóu pople coumtadin au siècle dès-e-nouven. (Lou Tresor dὸu Felibrige fuguè publica pèr l’an 1886). Avié lou gàubi pèr chausi lis èr que i’anavon bèn pèr si cantico e si nouvè, qu’acὸ èro avenènt pèr noun s’entrambla dins la prousoudìo e pèr faire canta lis assemblado.

Fau dire que soun francés – a coumpausa tambèn quàuqui pouèmo dins aquelo lengo - revèlo lou bon elèvo à l’escolo, mai encaro lou legissèire afouga. Au contro, escrivié lou provençau coume lou parlavo, e sèmblo qu’avié jamai legi de tèste foro, beléu, quàuqui nouvè de Saboly1. Sa lengo es aquelo dóu païsan coumtadin, souvènti-fes mesclado de mot e de biais franchimand.

Ai pas revira2, pas fa de courreicioun, emai pèr li fauto d’atencioun o lis auvàri de grafìo e d’acentuatioun (aqui noun se pὸu parla d’ourtougràfi !) ; ansin, aquéu que legi en aussant lou toun, se douno uno idèio de ço qu’èro la prounounciacioun à Mourmeiroun en aquéu tèms. Pamens ai ensigna ounte m’ère entrambla…. e lis agensamen que m’an fa chiffra, iéu, e aquéli, mai saberu, qu’ai questiouna3.

Crese que sarié uno marrido acioun de debana lou tout : acὸ, me lou sèmblo, aurié pas agrada à noste rèire : de segur se cresié pas mai escrivan qu’aquéu que, cantant la sièuno quouro arrivo lou dessèr, se pren pèr un cantaire d’oupera !

Adounc, vous deliéure soulamen, tau que soun, quàuqui frut qu’an seca, mai qu’an garda la redoulènci de la vido dis ome e de la lengo d’aquéu tèms.

Dins lou cartabéu di Nouvè, ai peluqueja, e n’ai culi dous que soun pas, veramen, de nouvè - un nouvè es d’abord un cantico - mai pulèu de pichot tablèu de la fèsto calendalo dins li famiho en aquéu tèms e en aquéu liὸ : -La véhio de Nouvè ; - Lou soupa de la vèhio de nouvè per la famihio. Mai Felip Vève avié la visto e l’auriho pounchudo… e èro tambèn lipet ; quatre cansoun moustron perèu que sabié regarda e escouta emé maliço mai simpatìo aquéli qu’èron à son entour : - La cansoun di castagno ; - Un ououragé dὸu mès dé maai et la bugado à la ribièrou ; - Counséou douna à l’oucasioun d’ouou colera ; - Cansoun per la vihado di grangier dei Briguièro.

Dins lou mouloun de cantico – à Nosto- Damo dis Angie, à ND di Nègio, patrouno de Blouva et de Sant Estevi, à Sant Gens- ai retengu : - Cantiquo à Nosto-Damo di Briguièro, que rès a jamai ausi parla d’aquelo patrouno, e que degun, foro éu, sa famiho, e belèu quàuqui grangié e grangiero di Briguiero an jamai prega.

LA VEHIO DE NOUVE Er, de bon matin din la campagno Air d’un Noël de Nicolas Saboly

1 4 La vèhio de Nouvè tout eis énnahio4 Jiamaï s’ei vis tal aquipagie Surtout aque’èlli fémélahio5 Jiamaï s’ei vis taou badinagie De bon matin chiaplon si tian Li pla gargoutoun de pèrtout Tan, tan, patatin tan tan Glou glou glouglou glou glou Après van lava sa taratrio6 Maï Jianeto ei despoutentado Dessous lou roubiné que rahio Ello à poù de resta encalado Lis assieto fan cascahiu7 Lou peissoun faï vitte soùta Gla gli glu galali gla glu Fla fla fla fla fli flu fla

2 5 Après s’en van à la rigolo Tout d’un co aribo la famihio Escuron be la casseirolo Tout lou mounde s’escarabihio N’en fan ana lou coussoùdoun8 De n’en veire tan de frico Broun broun fri fra froun froun Hoi ho! ho ! ohoho ho ho. Escuron cuillet é fourchieto Alor Jianet dit à sa maïre Li candellin é la cassèto Perque nous faire tan d’afaire Semblo que fan chieribelin9 Aqui s’anan ben regala Din din din dellidin din din Tandeeanla lanla lanla.

3 6 Fréton tamben la lichiafroi10 Mignot nostro réjouisseço Lei cuberapla11 n’en soun en joio Ei per ounoura la neissenço Branton l’oula amaï la sartan Doù bel enfant que nois à soùva Glan glangla galali glan glan Alé, ale, aleluia Apré qu’an frèta la machino Quand oùren fa lou fihoulage12 Intron tout désuito en cousino Enfant renden nostri oùmage Per ben aluma lou tisoun Où Diéu qu’ei na din Betelen Boufoun boufoun boufoun boufoun Amen amen amen amen

LOU SOUPA DE LA VEHIO DE NOUVE PER LA FAMIHIO

Taulo calendalo – Oustau Fléchier – Museon di tradicioun coumtadino - Perno li Font

REFRIN 5 REFRIN Vénes venes pécaïre Aqueù sountout en joio Vénes vénes pecaire Vénes venes enfant Enjusquo la sartan Venes venes enfant Soupa ame vostre païre E aquèllo bonbojo Prègua ame voste païre Lou plu beù jour de l’an Faï rire lis enfant Aqueù divin enfant

1 6 11 Noùve eis un jouur de fèsto Lou paoure viei où caïre Aqueù divin Soùvaïre Lou plu gaï de tout l’an Benis lou cachia fio Fièu d’un païre éterneu Lou frico a sus la testo13 N’aven plus ren a faïre Se s’ei fa noste païre Aqueù souar tout es abran14 Aduses lou frico Ei per nous ména où cieù

2 7 12 Aqueù souar tous ennahio15 Ame lou paoure païre O maïre benesido Se fai bien de frico Trinquas trinquas enfant Tu qu’as quèl enfant Aqueù souar tout travahio Oùtan n’en pousquen faïre T’aïmaren per la vido E se faï tout oùco16 Dedin vingt cinq ans A tu se consacrant

3 8 L’un vai rempli la fiolo Lou nouga s’engamachio Doù vin quei lou plus bouan Aduses lou vin blanc L’aoutro à la casseirolo Aduses la granachio Faï souta lou merlan Que fan que s’empegan

4 9 De cent sorto de caouso Aven fa la soupado Se faï de fricoutoun Bastissen un bonfio Lei paouri cacalaouso La fiolo ei pas courado18 Canton din lou patoun Chiman encaro un co

REFRIN 10 Vénes venes pécaïre Aquèu fustin19 aimable Vénes venes enfant Ei per lou bel enfant Soupa ame vostre païre Quei nascu din l’estable Lou plu beù jour de l’an Y’a désavieu20 cents an

LA CANSOUN DI CASTAGNO Er : o Mario la patrio

REFRIN 2 5 Léi castagno soun maduro Coumo la vèrtu ei précieuso Se la mangiarias boulido Pouden faire Sant Martin S’éscoundo din soun bouceù24 Mangiarias jusqu’à deman Ami d’uno jiogo puro Sus l’aoubre ei pas trop gracieuso A la sartan ben roustido Canten un gai refrin D’espigno fai soun manteù Vous lévariè mièu la fan Li castagno 3 6 L’ou lei21 bagno La castagno eis exelento Eis un vieure qu’engavaiço Ame de vin Sa farino a de douçour Ello eis un propre fricot Resquiharan mies ansin Préservo de la courento Per faire èsquihia sa graisso Oui lou galan fustin22 Es un désser de signour Ami buven un buon co. 1 4 Jiamai tan bono fruchio La castagno ei de pitanço Que fai trouva lou vin bouan Sarie de pan où besoun Arousas lei quand soun cuosso23 Tamben l’on farie boumbanço Am’un got de bon vin blanc Ame quaouqu’es oucèloun

UN OUOURAGE DOUOU MES DE MAAI ET LA BUGADO A LA RIBIERO

MS2121 fol 25 1 25 fol MS2121

Inghimbertine Inghimbertine

Inghimbertine MS2121 fol 33 33 v fol MS2121 Inghimbertine

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Carpentras Carpentras

Carpentras, Carpentras,

© Denis Bonnet 1865 – Carpentras Bibliothèque-Musée © Denis Bonnet – Carpentras Bibliothèque-Musée Inghimbertine Inghimbertine - Propriétaire/auteur du cliché Propriétaire/auteur du cliché

1 5 9 faai proun béouten per la campagnou vous aaï racounta la disgraçou per ansin dina sus l’herbetou maai la bugado que se bagnou qué la véyou de san pancraçou,30 n’avien pas besoun de fourchetou ououriè besoun d’un beou souleou, per la bugadou epprouvéyan per napp’avien un tapis verd, afin que se séquessé leou. tout coumou lou vésin bastian31 léi fouyé38 piei veiré ouou dessert sé vésié delon la ribierou, ououbliden aquélou journado aguen escoula très bouteyou quand plou couré lèi bugadièrou, car coumou tant d’aoutre ei passado, la joua39 dévengue sen pareirou40 per ranbaya lou linge eissu, permété mé dé racounta que tapien lou branl’alentour metton sen dessous dessu unou histoirou drol’escouta se cresien hurousou aquèù jour

2 6 10 N’éi pas ma fé pichot enragé25 vous aai parla déi bugadiérou ensuitou ame maai de courage quand tout d’un co surven l’ououragé toutéi troubladou à la ribiérou, se remetoun à l’ououvrage qu’ave fa soun lingé estendu maai véici lou costa plesen, dé la lengo ououtan que di man et qu’à l’houstaou n’ei pas rendu léissa mé diré et digué ren : yé manavoun41 ségur pas plan ! alor fraçoun26 marthe et mietou un jour qué lou souléou briavou, as-ti sabouna ta camiso ame ilegible camise et coutihoun et qué passablamen cououssavou32, demandou françoun à louiso ?42 soun linge an pas ten dé counta à l’oumbrou d’un saouzé asséta, lavé ma cououffou et moun fououdaou an poou dè lou vieire empourta lis entendiéou ben caquéta. manquon pas saboun à vidaou43.

3 7 11 Coumo tronon, misericordou èrou l’hourou dé la dinadou dison qué claoudé44 sé maridou, pléguen ben vité nostéi cordou et sous dé piboulou assétadou, qu’à la fin yé dounoun que vuou tarden pas de nous esbigna chacunou sort soun tros dé pen lei paren soun toumba d’accor, car nous anen segur bagna voulountié lou met sous la den. ellou a countant cen louis d’or per ana vité à nosté gitou faai me passa léi coustélétou donoun à claoudou uno sououmadou45 ououbliden ren dit margaritou27 digué d’abord marthe à suzétou33 de terrou toutou samenadou, metten tout din li canestéou noun, me troumpé léis avisou lou gran qué yé reculiran anen carguen et parten léou aco mé met la vidou ouou cor. l’accabaran pas dins un an.

4 8 12 hélas en camin la bugadou pourgé mé vité la boutéyou l’aoutre jour restéré estounadou d’un gran a agu l’espoussadou cridou marioun dé raméyou,34 quand me diguéroun qué nouvadou,46 démanfoudra récoumença senté qué mé voou estrangla …ilegible……………………………. dé l’estendré et dé l’éspououssa ; et qué podé plus avala ; sourti..y a paou dé l’èspitaou maai sé la pluuou vous révoltou malamestou 35dé la pansardou36 gaaire dé pan à la panièrou en que sert dé s’impatienta ? nous fayes pas tasta léi sardou, et ben men dé soou47 que de nièrou diéou pas28 pas touti ilegible intenta29 disié margarit’à françoun37 pourra certainamen din l’an et tu faai tasta léi pebroun apprendré ce qu’éi qué la fan.

13 coumou tout à la fin nous lassou, fougué pourtan quitta la plaçou Dessin Denis Bonnet 1865 car quand dé caousou a racounta saviéou maai de ten escouta ; d’abusa de vostou patiençou foudrié gis avé de counsciençou ; Carpentras, bibliothèque- certou fayé encarou proun musée Inghimbertine d’entendré toutou ma cansoun MS2121 fol. 24 Propriétaire/auteur du cliché

COUNSEOU DOUNA A L’OUCASIOUN D’OUOU COLERA

1 4 7 Din Aquestou lunou quand din la journado, et pastéqu’et figuou moun ami piérot té senten bien caou surtout léi meloun mangés gis de prùnou té siès alouougeado51, dedin téi fatiguoun nimai d’aubricot cren dé prendré maoù léissou madeloun58 car la cagarelou et déi portou ououvertou aguès la prudençou poudrié t’arapa cren leis air couren de te n’en priva et sayé cruellou sentiès léou certou veiroes d’évidençou din lou coléra. que fan gis dé ben. la mort arriva.

5 2 8 pas trop de bonbançou gis d’excés de taoulou pas trop din la crentou faguès pas bastian52 sé vos pas créba ; siguès pas suzoun59 méinageou ta pançou car sus ma paraoulou pren d’aaigo de menthou quand te sentès san. poudriès trepassa, quand n’ououras besoun pas d’aaaigou soulétou mangès gis d’herbagé agues dé couragé foou béouré éi repas té relachayen pren de precautioun metyé un poou suzétou,53 maai léi bon poùtagé suis l’avis ben sagé dé vin éi lou cas té restouourayen d’éstre en dévoutioun

6 3 Dedin l’aaiguou fréjou pas gis de saladou foou pas gatouya54 d’aoutre crudita, sentiès léou déjou55 nuisien nouvadou48 éi n’en rétira possou49 à ta santa d’infusioun ben caoudou lou souar eicarrierou50 de flour d’ououlivié prenguès pas lou frès bououyé léou nouvadou56 per té mettre en biérou té metten ououyé57 lou fléou sayé près.

CANSOUN PER LA VIHADO DI GRANGIER DEI BRIGUIERO

© Ville d’Avignon – Palais du Roure – Fondation Flandreysy-Espérandieu

1 3 Vènes venes mi bravi damisello Vénes venes où bal de la famiho Vènes vènes à nosto rendèvou Venes venes vaoutri bravi garssoun Nosto fèsto eis amicalo è bèllo Fugues prudent ame li jiounei fihio Ei gracieùso eis hounesto avant tout Cantes jiamaï de marido cansoun (bis)

REFRIN 4 Mei bravi vésin Vivo vivo nosto rèjiouvissenço Sus lou tambourin Vivi vivo noste rassemblamen Dansen touti lou rigoudoun Aqui lou viei eis à la rèneissenço Dansas pichito Coum’un jouven eù s’amuso un moumen (bis) Dansas mignoto Dansas senso mai de façoun (bis) 5 Veires toujours uno festo poulido 2 Quan li grangier fan uno réunioun Venes venes vaoutre que sias li maïre La gahièta s’atrovo à la partido Vènes rires ame vostis enfant L’on ris ben mai que dedin Avignoun (bis) Vènes vaoutre que sias li païre Faises dansa vosti bravi fihian (bis)

© Ville d’Avignon – Palais du Roure – Fondation Flandreysy-Espérandieu

CANTIQUO A NOSTO DAMO DI BRIGUIERO Er : un poù après li tempouro - Saboli

REFRIN 3 Nosto damo di Briguièro Tu de la soulhitudo A ti peds sian à jinoun N’en fas un temple chiarmant Traï sus la récordo entièro Léves touto l’inquiètudo Ta Santo bénédictioun A ti malurous enfants Canten à nosto manièro Moùgra nosto lassitudo Escouto nosti préguièro (bis) N’en perdren pas labitudo (bis) Douno nous ta proutectioun De t’ounoura touis lis an

1 4 Bonno maïre oh ! que sies bèllo Fugues eici nosto damo Tréluses coum’un soulèù La patrouno doù quartié Dedin ta novo capèlo60 Toun pople te lou réclamo Sies plus douço que lou mèu Se counsacro tout entier Din ta bounta maternèllo Te douno soun corp soun amo Douno nous toujour lou zèlo (bis) Embraso lou de ta flamo (bis) Per sèrvir toun divin fièu Te serviren voulountier

2 5 De nosti paouri campagno Te sérviren o Mario Sies la grâci è la fresquour Toujour tant que saren vièu Où ped d’aquèsto mountagno Bénésis nosti famihio Tu sies l’astre è lou bèu jour Nosti fihio è nosti fièu Din li pèno è li magagno E quand vendra l’agounio Coumo dédin nosti lagno (bis) Mèno nous dins ta patrio (bis) Nous assistaras toujour Canta li glori de Dièu

1]Soun prouvençau sèmblo un apietrimen de la lengo [29] manco, de segur, la proumièro silabo qu’escrivié lou Mountelen. [30] Sant Brancàci [2] Aquéli que legiran moun tèste soun, [31] Bastian : noum d’un vesin ? de segur, capable de lou faire ! [32] un pau de patoues pèr dire : charravon ? [3] Simon Calamel, proufessour de prouvençau, e Lucette [33] Marthe, Suseto Besson qu’a revira l’obro estampado de Francés Jouve [34] Raméio : noum d’oustau 4] En aio [35] malapèino ? [5] femelaio [36] ???? [6] terraio [37] Margarido, Françoun [7] cascaia [38] faudrié ? [8] fretoun pèr rascla li platet [39] encaro un pau de patoues : la joio ? [9] Charivarin ?? [10] lichafroio [40] senso pariero ? [10] lichafroio [41] menavon ? 11] Cuerbe-plat?? [42] Françoun, Louviso 12] coumparitudo dóu soupa calendau em’uno taulejado pèr [43] noum dóu marchand de saboun ? lou « batisme » dóu Crist qu’ei nascu ? [44] Claudo [13] ??? [45] saumado [14] abranda [46] belèu : lou prenoum : Nourado [15] En aio [47] mau escri, belèu : sὸu ? [16] auco ? l’auco roustido ? o : tout acὸ (encauso de la rimo [48] Nourado ? emé fricot) ? [49] ? [17] ????? bambocho ? [50] dins la carriero [18] escoulado ? [51] perqué lou femenin : aloungado ? [19] festin [52] encaro lou vesin : acabaire de tian ? [20] Dès-e-vue [53] de vin de Suzeto ?? [21] l’on lei bagno ?? [54] Garouia ? [22] festin [55] marrit biais d’escrituro pèr : lou rege ? [23] cuecho ? [56] Nourado ? [24] bourcèu ? [57] au lié ? [25] desfourmacioun venènt d’ enraja ? [58] Madeloun ???! [26] Françoun, Marto, Mièto. [59] Suzoun ?? s’adrèisso en uno chato ? [27] Margarido [60] Aquelo capelo èro un ouratὸri agensa dins uno granjo [28] pὸu ?

Manuscri de Felip Vèvo UN OUOURAGE DOUOU MES DE MAAI ET LA BUGADO A LA RIBIERO

“Aro, nous vèn pas l’idèio d’uno vido sènso radiò, o viro-disco, sènso founfòni sempiterno. Dins lou tèms la musico s’espampaiavo pau à cha pau e s’entaiavo dins li memὸri d’aquèli que l’amavon.

Ansin, li mai famouso meloudìo èro cantado pèr tóuti pèr lou biais di soucieta musicalo, dóu cant courau, o dins la vido persounalo.

Ero un’ abitudo pèr aquèli que rimejavon de cansoun, de cantico, de chausi un èr bèn couneigu (ansin èron segur d’arrapa lis esperit) : Saboly, Charloun Riéu, n’en soun d’eisèmple d’elèi, mai Felip Vèvo prouvo qu’èron pas l’eicecioun…. “

La Vallée des Lilas de Sainte Hélène d’Anjou, Reine de Serbie (en serbe Jelena Anžujska) / jɛlɛna ãžujska Ses origines et son identité par Milenko Šmakié

Les origines d'Hélène d'Anjou, reine et bienfaitrice, ne sont pas pleinement établies. De nombreux historiens serbes et étrangers essayaient d'expliquer ses origines. Parmi les historiens serbes, le plus célèbre, c'est Danilo II, archevêque, mort en 1337, contemporain de la Reine et son biographe, qui la connaissait personnellement et qui l'adorait. Malheureusement Danilo II ne se soucie trop peu en matière de date et d'ascendants. Il dit : "Ourosch le Grand avait épousé une Française, la princesse Hélène, parente des Anjou de Naples".

Dans une lettre de 1273 Charles I décrit Hélène comme une très proche parente, l'appelant, "consanguina nostra carissima".

Le chroniqueur italien Marlino Barletti indique les termes dans lesquels Charles d'Anjou s'adresse à Hélène et à son fils Miloutine, l'appelant "carissimo sororis" c’est-à-dire au plus cher (des enfants) de ma sœur. Selon l'historien allemand Karl Hopf, Hélène est l'épouse du roi serbe, le puissant Uroš Ier et cousine du roi de Naples Charles Ier d'Anjou.

Hélène d'Anjou, née vers 1236, décédée le 8 février 1314, était donc d'origine royale française. Vers 1250 elle a épousé Uroš Ier (Ourosch), le roi de Serbie de 1243 à 1276. Elle a donné à la Serbie deux fils, futurs rois : Stefan Dragutin (Etienne Dragoutine), roi de Serbie de 1276 à 1282 et Stefan Milutin (Etienne Miloutine), roi de Serbie de 1282 ã 1321. La reine a mis aussi au monde une fille, Bérénice, qui était religieuse et qui est morte très jeune.

Pourquoi ce titre "La Vallée des Lilas de Sainte Hélène d'Anjou" ?

La légende dit que le roi Uroš Ier, avant d'épouser Hélène, avait demandé aux propriétaires de terrains sur les bords de la rivière de l'Ibar de planter des lilas pour que sa femme et future reine puisse jouir des rives bordées de lilas. Une vallée de plus de 100 kilomètres plantée de lilas, plusieurs années avant le mariage, afin que l'épouse venant d'un pays doux et raffiné, puisse admirer les beaux paysages de sa nouvelle patrie, se rappelant sa Provence natale. La Vallée des Lilas existe depuis des siècles, là où Sainte Hélène d'Anjou a fait bâtir le monastère de Gradac, dédié à la Mère de Dieu. À propos de ce monastère Danilo II, son biographe a écrit "une belle église pour la Mère de Dieu, dédiée à l'Annonciation, dans un endroit appelé Gradac. Elle (la reine) s'exerçait n'ayant nul repos ni jour ni nuit, pour accomplir avec succès le travail qu'elle avait commencé. Elle exigeait que l'on trouvât les meilleurs artisans de son pays, et choisissait parmi eux les plus doués, désirant qu'ils fassent de cette église un acte de louange suprême". Devenue religieuse au monastère Saint-Nicolas à Shkodra (aujourd'hui Albanie), la reine sera inhumée près de sa fille à Gradac. Sauf Gradac, monastère orthodoxe, Sainte Hélène a fait construire quatre monastères catholiques : à Kotor, Budva et Ulcinj (aujourd'hui Monténégro) et Shkodra (aujourd'hui Albanie).

Venue en Serbie, la princesse catholique de sang royal a confessé la foi orthodoxe, mais elle a continué d'entretenir des relations avec l'Église occidentale pendant toute sa vie. Par sa vie et ses activités elle a réussi à concilier les deux extrêmes difficiles, la papauté et la Serbie, ce que personne n'avait réussi à faire avant elle : ni les papes, ni les patriarches, ni les empereurs, ni les rois. Les papes qu'elle aidait généreusement, la respectaient en tant que fille fidèle du catholicisme, de telle façon qu'un des papes de l'époque l'appelait "ma fille bien aimée en Christ". Cependant Sainte Hélène a accepté honnêtement le peuple serbe comme le sien et l'Église serbe l'a canonisée pour ses mérites pour l'Eglise, l'Etat et la culture serbes.

Gradac, la dernière demeure de Sainte Hélène d'Anjou

Les premières écoles d'Hélène d'Anjou en Serbie

Après la mort de son mari qui avait abdiqué pour devenir moine, la reine continue à vivre dans son château de Brnjaci (Kosovo et Méthochie). A Brnjaci, elle a fondé la première école de filles qu'elle dirigea personnellement. Son biographe, archevêque Danilo II dit : "Elle ordonna de rassembler, dans tout le Royaume, les filles des familles pauvres. Les nourrissant dans sa demeure, elle leur apprenait les lettres, les bonnes manières et le travail à l'aiguille, comme il sied aux femmes. Devenues grandes, la reine les mariait après les avoir comblées de richesses. Puis, elle prenait d'autres jeunes filles à leur place." Ainsi, son école connut un grand succès. Les études terminées, les jeunes filles retournaient dans leurs milieux où elles contribuaient à la promotion du travail à domicile et y vendaient leurs ouvrages. La reine avait également fondé un refuge pour les orphelins, les protégeant et leur offrant un asile dans sa maison.

Il va sans dire que la reine d'origine française était adorée du peuple serbe, tandis que le haut clergé serbe a accepté avec beaucoup de bienveillance la princesse catholique, en admettant sa grande dévotion. Selon son biographe elle était une femme lucide, douce et ferme ; elle était également bien instruite et très pieuse et pour cela respectée dans les Eglises romaines et orthodoxes. Il faut souligner que la reine joua un rôle décisif dans la culture et la politique de la Serbie de son temps.

Quelques jours avant sa mort (la reine s'était retirée dans le monastère, y vivant en religieuse) elle a appelé son fils aîné, Dragoutine, lui disant : "Tu es aujourd'hui ici et demain on ne sait où, aujourd'hui monarque et demain sujet, aujourd'hui opulent et demain misérable".

Hélène d'Anjou a joui en Serbie d'une grande réputation de sainteté et l'Église serbe l'a canonisée. On la fête le 12 novembre (30 octobre selon le calendrier julien) qui est aussi le jour de l'Association de l'amitié franco-serbe. Le roman "Hélène", éd. l’Age d'Homme, Lausanne, raconte aussi la vie de cette Sainte Reine.

L'expansion territoriale et le développement socio-politique, économique et culturel de la Serbie à l'époque du roi de Serbie Stefan Milutin (Etienne Miloutine)1282 - 1321, fils d’Hélène d'Anjou

Vers la fin du XIIIe siècle et la première moitié du XIVe, la Serbie était une puissance respectable. Son souverain Stefan Milutin sous le nom d’Etienne Ourosch II, fit d'importantes conquêtes en Macédoine byzantine, Bulgarie et Albanie. Les deux tiers de la Macédoine byzantine et le nord de l'Albanie tombèrent dans les mains du roi de Serbie qui établit sa capitale à Skoplje.

Pour Byzance, la fin du siècle fut une époque de troubles perpétuels : d'un côté c'étaient Venise et Gênes qui attaquaient Constantinople depuis des années, et de l'autre côté, les Turcs pénétraient de plus en plus souvent sur le territoire byzantin, justifiant leurs actions comme une forme de jihad, de guerre sainte contre les "infidèles". Cependant, les petits princes balkaniques, aveuglés par leurs propres ambitions, ne voyaient pas que le vrai danger pour eux et pour toute la chrétienté venait des Turcs et que la Byzance forte et unie aurait pu les sauver tous.

Dans cette situation-là, Andronic II Paléologue décide, pour des raisons d'alliance, d'offrir en mariage au plus puissant souverain serbe du Moyen Âge, sa fille Simonide, âgée de cinq ans, tandis que son futur mari en avait environ quarante. La seule condition était que la fillette fût élevée à la Cour de Serbie jusqu'à l'âge où elle soit prête pour le mariage. En 1299, à Pâques, Andronic accompagna personnellement Simonide à Thessalonique, où son futur mari l'attendait. L'alliance entre les deux familles royales dura. En 1312 beaucoup de régions en Asie Mineure étaient tombées aux mains des Turcs Ottomans. Andronic demanda à Stefan Milutin de l'aide. Le roi de Serbie envoya son armée qui combattit les Turcs pendant un an.

Stefan Milutin initia l'exploitation de premières mines en Serbie. Cette exploitation se développait grâce aux mineurs saxons qui étaient venus de Transylvanie. Il réforma également le système juridique et cela fut fait selon le modèle byzantin, mais en respectant les traditions serbes. Il décida aussi de la compétence et la composition des tribunaux, composition qui tenait compte de l'égalité et de la liberté des Serbes. Le roi Milutin a fait renforcer le dinar serbe, mis en circulation en 1214 par son grand-père le roi Stefan Ier Nemanjié, Premier Couronné, ce qui fait du dinar, avec la Livre Sterling, la plus ancienne monnaie d'Europe.

Stefan Milutin fut le plus grand bâtisseur serbe de monastères et d'églises. Il a fait bâtir ou restaurer 42 édifices religieux. Il a fait construire en Serbie, mais aussi à Constantinople, à Jérusalem, à Thessalonique, dans les grands ports de la Mer Egée. À la suite de Saint Sava, qui fut le premier archevêque serbe et avec son père Nemanja fondateur de la dynastie Nemanjici (Némanides), le roi Milutin a fait construire un monastère à Hilandar et l'église de l'Ascension sur le Mont Athos.

Parmi ses églises et monastères les plus importants, érigés en Serbie, il faut mentionner :  L'Église de l'Ascension de la Sainte Vierge à Gračanica (Kosovol et Méthochie),

Gračanica

 l'Eglise de l'Ascension de la Sainte Vierge Ljeviška à Prizren (Kosovo et Méthochie), (brûlée 2004).

 L'Église du Premier Martyr et apôtre du Christ, Saint-Etienne, à Banjska (Kosovo et Méthochie) Eglise-dotation du Roi.

La Serbie du roi Milutin était entourée des pays voisins : Bosnie, Hongrie, Bulgarie, Byzance et la Mer adriatique.

Durant le règne de Stefan Milutin, la Serbie connut une expansion territoriale considérable, à la fois au sud et au nord. Elle était dotée d'une solide administration, des activités artistiques importantes…Sous l'influence de sa mère Sainte Hélène d'Anjou, le roi Stefan Milutin a fait de la Serbie un grand pays d'Europe, qui de l'autre côté, était très influencée par la Rome d'Orient, Constantinople, présente partout dans la vie quotidienne : l'administration, l'armée, l'éducation, l'art… Les Serbes acceptaient facilement la culture grecque parce que Byzance, contrairement au catholicisme, n'imposait pas sa langue. De cette façon, les Serbes avaient l'impression de ne pas perdre leur identité slave et pour cela ils se tournaient vers Constantinople plutôt que vers Rome qui leur imposait le latin et prétendait faire des souverains serbes des vassaux de la papauté.

l)Kosovo est pour les Serbes et la Serbie ce qu'est l'Ile de France pour Paris.

Bibliographie Sources : L'Archevêque Danilo II : "La Vie de la Reine Hélène", Belgrade John Julius Norwich : "Histoire de Byzance", éd.Perrin, Paris MomirJovié, Kosta Radié : "Srpske zemlje i vladari" (Les Pays serbes et ses souverains), éd. Mladinska knjiga, Ljubljana Georges Palyitch : "la Reine serbe Hélène d'Anjou", Belgrade Wikipedia Le destin d´un peuple : les Caréliens Par Artur Laast

La Carélie orientale, connue également sous les noms de Carélie de l'Est ou Carélie russe, est l'appellation désignant la partie de la Carélie, Karjala, qui reste, depuis le traité de Stolbovo en 1617, chrétienne orthodoxe sous autorité russe. Elle est séparée de la partie occidentale de la Carélie, nommée par contraste Carélie finlandaise ou historiquement Carélie suédoise (avant 1808).

Au XIXe siècle, le parti patriotique des fennomanes considéra la Carélie orientale comme le berceau de la culture finnoise, libre des influences tant scandinave que slave. Le fameux médecin et écrivain Elias Lönnrot rassembla des contes folkloriques qui deviendront par la suite l'épopée nationale finlandaise, le Kalevala1.

Histoire. La Carélie a été amèrement disputée par les Suédois et la République de Novgorod pour une période commençant au XIIIe siècle. Le traité de Nöteborg en 1323 a divisé la Carélie entre les deux. Vyborg (finn. Viipuri) est devenue la capitale de la nouvelle province (un duché) suédoise. Par le Traité de Stolbovo en 1617 une grande partie de la Carélie russe a été cédée à la Suède.

Le traité de Nystad (finn. Uudenkaupungin rauha) en 1721 entre la Russie impériale et la Suède céda la plupart de la Carélie à la Russie. Par la suite, la Finlande fut occupée par la Russie en 1809 (traité de Hamina) ; certaines parties de la Carélie cédées furent incorporées dans le Grand-Duché de Finlande, partie autonome de l´empire. En 1917, la Finlande est devenue indépendante et la frontière avec la Russie a été confirmée par le traité de Tartu (Estonie) en 1920.

Les partisans finlandais ont été impliqués dans des tentatives de renversement des Bolcheviks en Carélie orientale en 1918-1920. Ils voulaient incorporer le reste de la Carélie à la Finlande, mais ces expéditions principalement privées ont été terminées après le traité de paix de Tartu. Après la fin de la guerre civile russe et la mise en place de l'Union soviétique en 1922, la partie russe de la Carélie est devenue la République autonome de Carélie soviétique en 1923.

En automne 1939 Staline exigeait que la Finlande cède ses îles du golfe de Finlande et les îles Åland. Ainsi il faisait reculer la frontière à 70 kilomètres de Léningrad, annexant l'isthme de Carélie. La nouvelle frontière serait en outre démilitarisée, alors qu'elle était fortifiée par la ligne Mannerheim. En échange, la Finlande recevrait des territoires en Carélie russe.

La Finlande refuse catégoriquement de se soumettre aux exigences soviétiques et le 30 octobre 1939 (conformément au protocole secret du pacte germano-soviétique) l'Union soviétique a attaqué la Finlande, commençant ainsi la Guerre d'Hiver. Malgré une résistance héroïque la Finlande devait accepter au Traité de paix de Moscou de 1940 des pertes territoriales considérables (Carélie finlandaise et une partie de la Laponie : plus de 10% de ses ressources industrielles et agricole). Environ 400.000 personnes, presque toute la population, ont dû être déplacés en Finlande. En 1941, toute la Carélie a été libérée par les Finlandais pendant trois ans au cours de la Guerre de Continuation de 1941-1944. Cependant, la Finlande ne participe ni au blocus de Leningrad, ni aux bombardements de la voie ferrée de Mourmansk.

La Guerre d'hiver et l'expansion soviétique suivante ont causé beaucoup d'amertume en Finlande, qui a perdu à la fin de la guerre mondiale sa deuxième plus grande ville, Viipuri, son centre industriel, le canal de Saimaa qui reliait la Finlande centrale avec le golfe de Finlande, l'accès aux eaux de pêche du lac Ladoga (finn. Laatokka), et a fait un huitième de ses citoyens réfugiés sans chance de retour. A partir des territoires cédés à l'Union soviétique, toute la population a été évacuée (chassée) et réinstallée dans d'autres parties de la Finlande. Aujourd'hui il y a environ un million de personnes en Finlande ayant leurs racines dans la zone cédée à l'Union soviétique après la Seconde Guerre mondiale. Ils ont gardé leur foi orthodoxe (le reste de la Finlande est luthérien). Même l'ancien monastère carélien Valaam sur l´ile du lac Ladoga profané depuis 1944 a été restauré en Finlande par les moines chassés. Mais pendant 70 ans les Caréliens ont perdu leur langue natale, ils parlent maintenant la langue finnoise, assez proche/similaire au carélien. La Carélie finlandaise actuelle se compose des régions (maakunta) de Carélie du Sud et de Carélie du Nord.

Les habitants actuels des anciennes pièces de Carélie finlandaise perdues comme la ville de Vyborg / Viipuri et l'isthme de Carélie, sont des immigrants russes. L'isthme de Carélie et Viipuri appartiennent à l'oblast de Leningrad. La Carélie russe s´appelle dès 1991 la République de Carélie en Fédération de Russie. Aujourd'hui encore la question des territoires perdus est assez présente dans la vie politique finlandaise, et une des pierres d'achoppement des relations avec la Russie.

Il y a quelques groupes petits mais enthousiastes de Finlandais qui militent pour des liens plus étroits entre la Finlande et la Carélie. L'expression politique de ces espoirs irrédentistes est appelée la question de Carélie et concerne la ré-acquisition par la Finlande de la Carélie finlandaise cédée. Ces espoirs vivent, par exemple, dans les mouvements Karjalan Liitto et ProKarelia. Cependant, les ambitions pour des liens plus étroits avec la Carélie orientale, totalement russifiée ne comprennent pas les revendications territoriales.

La situation actuelle. L´effondrement de l'Union soviétique a conduit aussi à l´effondrement économique de la Carélie orientale. Depuis la dissolution de l'Union soviétique, la région a connu une décroissance urbaine massive. Les bâtiments construits à partir de l'ère soviétique, ainsi que des maisons anciennes restant de l'époque finlandaise, sont abandonnés à cause de l´inexorable déclin de la population. Elle diminue chaque année et ne représente actuellement que 630 mille personnes.

C´est une région où les pouvoirs ont mené à bien le nettoyage ethnique. Seulement 4% de la population parlent encore le carélien, c´est-à-dire quelques 20 mille personnes et exclusivement dans les villages d´où les jeunes s´en vont. Aucun parmi les 50 membres de l´Assemblée législative de cette république "nationale" ne parle ni finnois ni carélien. Ni le président ni les ministres ne sont Caréliens de cette région autonome russe en Russie. Vraiment un drôle d´État.

Aujourd'hui Karjala - la Carélie, belle terre millénaire devient un nom géographique privée de son peuple, de sa langue et de son identité historique.

1 Le Kalevala, l’épopée des finnois d’Elias Lönnrot, a été traduit en français en 1849, 1867, puis en 1991, présenté et annoté par Gabriel Rebourcet, Gallimard, Paris, 2 vol. (L'aube des peuples); rééd., Gallimard, coll. Quarto, 2010.

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D'Espagno emai d'Irlando Et d'Espagne et d'Irlande Le professeur finlandais de littérature C.G. Nous venié de ranfort ; On nous venait en aide ; Estlander (1834-1910) s’était intéressé Enjusquo d'en Finlando De la Finlande même dans sa jeunesse aux recherches sur la Nous crivadon : Tafort ! On nous criait : Courage ! littérature médiévale de Paulin Paris, professeur au Collège de France. Sur la Urous quau crèi ! Heureux celui qui croit ! proposition de Paulin Paris, il avait Di Baus, dre vers Palmiro, Des Baux, droit vers Palmyre, entrepris une étude sur la poésie felibrenco Avian pres pèr amiro Nous avions pris pour repère postérieure à celle des troubadours. Il était L'estello di Tres Rèi ! L'Etoile des Trois-Rois ! entré en contact avec Frédéric Mistral et Théodore Aubanel. (cf. Correspondance de Frédéric Mistral Frédéric Mistral avec Paul Meyer et Gaston Lou cinquantenàri dóu Felibrige Paris août 1868) HISTOIRE DE LA « QUADRILETTE » EN COMPETITION Par Norbert MICHEL LE MONT VENTOUX

Nombreux sont ceux qui ont illustré l’ascension du Mont Ventoux par leurs écrits, par la peinture, par la photographie, à pieds, à bicyclette, en voiture… Pétrarque relate dans les Familiares son ascension au Mont Ventoux qu’il date du 24 avril 1336. Il s’était rendu à cheval d’Avignon à Malaucène, lieu de départ de leur ascension, avec son frère Gherardo. Dans la lettre à François Denis de Borgo San Sepolcro, lettre dont on ne connaît pas la période exacte de sa rédaction, et servant d’introduction à son récit sur son couronnement au Capitole, Pétrarque raconte : « Nous fîmes, non sans grande peine, l’ascension du mont (Ventoux)…c’est une masse de terre rocheuse, taillée à pic et presque inaccessible…Nous rencontrâmes dans les gorges un berger qui s’efforça de nous détourner de notre ascension. Jamais, ajoutait-il, on n’avait entendu dire, dans le pays, que personne eût osé semblable escalade. Mais il avait beau crier ! les jeunes gens sont rebelles aux conseils, et ses efforts pour nous retenir ne faisaient qu’accroître notre désir. Tout d’abord, vivement saisi par l’air qui soufflait là et auquel je n’étais pas habitué, tout ému par l’étendue du panorama, je demeure comme frappé de stupeur. Je promène mes regards : des nuages flottent à mes pieds… de là je dirige ma vue du côté de l’Italie… Hérissées sous leurs neiges, les Alpes paraissent tout près de moi, bien qu’elles soient fort éloignées… »

Jean-Henri Fabre avait une véritable passion pour le Ventoux. Sa première montée se fit par le versant nord à partir de Malaucène en septembre1842. Dans ses souvenirs entomologiques, il relate sa vingt-troisième ascension par le versant sud à partir de Bédoin qu’il fit le 11 août 1865, montée qu’il fit encore plusieurs fois : « On ne saurait mieux comparer le Ventoux qu’à un tas de pierres concassées pour l’entretien des routes. Dressez brusquement le tas à deux kilomètres de hauteur, donnez-lui une base proportionnée, jetez sur le blanc de la roche calcaire la tache noire des forêts, et vous aurez une idée nette de l’ensemble de la montagne. Cet amoncellement… s’élève dans la plaine sans pentes préalables, sans gradins successifs, qui rendraient l’ascension moins pénible en la divisant par étapes. L’escalade immédiatement commence par des sentiers rocailleux, dont le meilleur ne vaut pas la surface d’un chemin récemment empierré, et se poursuit toujours plus rude jusqu’au sommet à 1912 mètres... ; La crête est atteinte. Au sud se déroulent, à perte de vue, les pentes, relativement douces, que nous venons de gravir ; au nord, la scène est d'une grandiose sauvagerie : la montagne, tantôt coupée à pic, tantôt disposée en gradins d'une effrayante déclivité, n'est guère qu'un précipice d'un kilomètre et demi de hauteur. Toute pierre lancée ne s'arrête plus et bondit de chute en chute jusqu'au fond de la vallée, où se distingue, comme un ruban, le lit du Toulourenc…. Bientôt, le soleil se lève. Jusqu'aux extrêmes limites de l'horizon, le Ventoux projette son ombre triangulaire, dont les côtés s'irisent de violet par l'effet des rayons diffractés. Au sud et à l'ouest s'étendent des plaines brumeuses, où, lorsque le soleil sera plus haut, nous pourrons distinguer le Rhône, ainsi qu'un fil d'argent. Au nord et à l'est s'étale sous nos pieds une couche énorme de nuages, sorte d'océan de blanche ouate d'où émergent, comme des îlots de scories, les sommets obscurs des montagnes inférieures. Quelques cimes, avec leurs traînées de glaciers, resplendissent du côté des Alpes. »

Mistral, avec une verve magnifique, enrichit le florilège dédié à l’excursion du Mont Ventoux. Dans le chapitre XVII de Memòri e Raconte « A l’entour dóu Ventour », il nous livre avec saveur le récit de cette montée qu’on peut dater aux environs de 1850 en compagnie de Théodore Aubanel et du peintre Pierre Grivolas :

« Partis, vers minuit, du village de Bédoin, au Parti, vers miejo-niue, dóu vilage de Bedouin, pied de la montagne, nous atteignîmes le sommet au pèd de la mountagno, fuguerian peramount une demi-heure environ avant le lever du soleil. un pau avans soulèu leva.

… Nous vîmes le soleil surgir, tel qu’un superbe Veguerian lou soulèu sourgi, tau qu’un superbe roi de gloire, d’entre les cimes éblouissantes des rèi de glòri, d’entre li cimo esbléugissènto e Alpes couvertes de neige, et l’ombre du Ventoux nevouso dis Aup, e l’oumbro dóu Ventour, avau élargir, prolonger, là-bas dans l’étendue du dins l’estendudo dóu Coumtat Veneissin, eilalin Comtat Venaissin, par là-bas sur le Rhône et sus lou Rose e’njusquo au Lengadò, esparlaga, jusqu’au Languedoc, la triangulation de son esperlounga soun grand pounchau triangulàri. immense cône. En même temps, de grosses nues blanchâtres et De gròssi nivoulado, blanquinouso et fugènto, fuyantes roulaient au-dessous de nous, embrumant enterin, neblant li coumbo, nous barrulavon les vallées ; et, si beau que fût le temps, il ne dessouto e…tant bèu que fuguèsse lou tèms, faisait pas chaud… » fasié pas caud… » Professeur à la faculté de pharmacie de Montpellier, Pierre Gontard, de Vaison-la-Romaine, a gravi souvent le Mont Ventoux pour en étudier la phytogéographie, la géologie et la flore qui lui est liée, sa zoologie. Devenu laboratoire de recherche scientifique, le Ventoux aujourd’hui est déclaré « Réserve de Biosphère du Mont Ventoux » qui s'étend sur 34 communes autour du massif.

Dans son livre « Le Mont-Ventoux et ses secrets », François Morénas nous rappelle la pose de la première pierre de l’Observatoire : « Au sommet, 1902 mètres (devenu sur les nouvelles cartes 1909 mètres, puis aujourd’hui 1912 mètres), lorsqu’on posa la première pierre le 16 mai 1882, ce fut pour les Vauclusiens d’alors, la conquête de la lune. Avant d’enterrer la boîte en fer qui contenait le procès-verbal, les assistants y déposèrent quelques brins de buis et de myosotis des Alpes, une pièce de monnaie, une carte de visite. Le ministre lui-même arracha une feuille de son carnet pour écrire : « François de Mahy, Ministre de l’Agriculture de la République française, met ici tout son cœur ! »

Puis François Morénas nous transmet son ivresse de cette montagne provençale « Saoulés d’air vif, repus d’odeurs de feuilles mouillées et de champignons, émerveillés de la profusion de mousses et de lichens, exaltés d’horizon, fourbus aussi d’avoir marché sur cette étroite sente, vous atteindrez l’épaulement de la Frache, point de vue qui agrandira le panorama vers Lure et les pentes sud, toute la terre de Haute Provence... »

1902 – Lucien Chauchard, 1er vainqueur de la course du Mont Ventoux sur Panhard

Mais François Morénas rappelle que Jean-Henri Fabre disait que « le progrès a fienté sur le front du Ventoux » lors des premières courses automobiles organisées dès 1902 où Lucien Chauchard fut vainqueur sur Panhard équipée d'un énorme moteur à 4 cylindres de 13700 centimètres cube, soit 13 fois plus gros que nos petites autos actuelles.

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1904 - Rougier, vainqueur de la montée du Ventoux sur une Turcat-Mery, voiture conçue et fabriquée à

Marseille dont les deux protagonistes étaient marseillais et dont les ateliers furent installés au Bd Michelet A la sortie de la grande guerre, la France est cassée, à genoux. Il faut redémarrer. Trop d’hommes sont morts dans cette boucherie et plus rien ne sera comme avant. Pendant le conflit, dans les usines d’armement, les femmes se sont émancipées, les corsets sont jetés et elles veulent légitimement exister. L’industrie a fait un bond en avant et les machines-outils qui n’ont plus à fournir l’effort de guerre, tournent au ralenti.

L’automobile, l’aviation ont fait des progrès mais que faire de ce potentiel devenu inexploitable.

Alors que la guerre de 1914-1918 finissait juste, Pierre Latécoère qui avait fourni des avions à l’armée, imaginait déjà, avec l’aide de son directeur Didier Daurat et avec l’appui de l’Etat, à partir de Toulouse de joindre Barcelone, Alicante, Malaga, Gibraltar, Casablanca, Agadir puis Saint-Louis-du-Sénégal qui sera suivie d’une ligne vers l’Amérique du Sud. Avec des avions dans un état pitoyable, d’un rayon d’action dérisoire, de fragilité et d’insécurité, « sur des machines vulnérables à l’extrême, à l’assaut d’un monde stérile et meurtrier », il lançait dès le 1er septembre 1919, l’aéropostale, ligne sur laquelle se distinguèrent entre autres Jean Mermoz et Antoine de Saint-Exupéry.

Les camions qui ravitaillaient le front, les grosses torpédos qui transportaient les officiers, les taxis de la Marne qui menaient la troupe à l’abattoir, tout ça, le soldat l’a vu. Tous ces jeunes gens englués dans leur tranchée ont vu qu’il n’existait pas que des bicyclettes, des charrettes, des mulets ou des percherons, pour travailler et se déplacer. La mécanisation est en route. Les entreprises doivent s’adapter, réagir et vite.

Peugeot est mal ; les caisses sont vides et il faut faire tourner la machine et relancer la construction automobile. Il faut sortir très vite de ce marasme qui suit l’armistice, créer une petite voiture simple, populaire et pas chère et si possible donner l’accès au plus grand nombre. Avec la BB Peugeot, imaginée par Bugatti et construite par Peugeot, on s’était orienté dans cette direction avant-guerre ; il se pourrait que ça marche encore mieux cette fois. Le cahier des charges est établi et les ingénieurs planchent sur le projet. En 1920, pour relancer l’industrie automobile, le gouvernement a pris une décision intelligente : détaxer les véhicules faisant moins de 1100 cm3 pour un poids maximum de 350 kilos. On va les nommer cyclecars, terme anglo-saxon datant d’avant-guerre qu’on peut interpréter mi moto mi auto.

Et c’est un véritable bouillon de culture qui va naître à partir de cette catégorie de véhicules où tout et n’importe quoi sera inventé. A trois ou quatre roues, à 2, 4 cylindres, à propulsion à hélice, à transmission par friction, par cardans, par courroie, par chaine, avec des moteurs deux temps ou quatre temps, à distribution latérale, culbuté, à arbre à cames en tête…

Guilbert également sur Noel. Noel sur cyclecar Noel, Madame et son chien

Eugène Mauve sur cyclecar Elfe. Leyat sur cyclecar Leyat propulsion à hélice

Peugeot est une maison sérieuse. On a une réputation à tenir, l’outillage, les moulins à café, et les automobiles sont des objets fiables et d’excellente facture.

Le prototype du type 161 est terminé en 1919 mais ne sera présenté au salon de Bruxelles qu’en 1920. Il sera commercialisé partir de 1921.

L’innovation la plus importante reste le châssis ultra léger en tôle emboutie un peu à la manière des châssis plateformes des Citroën 2CV. Une usine sera construite à cet effet. Le gain de poids est sensible face à la concurrence qui reste au traditionnel châssis en échelle. Le combiné pont-boite hérité d’un principe Bugatti est original. Pour le reste, le petit moteur à 4 cylindres de 660 cm3 est, comme sur l’Amilcar, tristement latéral (Pozzoli). La carrosserie est présentée en deux versions : deux places en tandem, et deux places décalées. C’est pour la version officielle. Nous savons qu’il a existé d’autres variantes proposées par l’usine, sans oublier qu’il était possible d’acheter une Quadrilette sans carrosserie pour la faire carrosser ailleurs selon ses gouts.

Peugeot type 161 avec carrosserie tandem Carrosserie avec deux places décalées

Dès sa commercialisation les qualités de robustesse et de relative rapidité en font un cyclecar recherché par les sportifs. C’est ainsi qu’on la retrouve dans toutes les disciplines comme les rallyes, les concours de consommation très à la mode à cette époque, les circuits et les courses de côte. Les agents Peugeot feront de la réclame en participant à ces concours. GRIMAUD de Carpentras ou le gros CABANE d’Avignon sont régulièrement aux départs des courses de côte dans la région.

GRIMAUD au Ventoux en 1922 au virage du bois CABANE aux Alpilles en 1922

A cette époque, il y avait tous les dimanches des meetings, des kilomètres lancés, des courses de côte, des épreuves d’endurance, des concours de freinage, de maniabilité, de consommation, des concours d‘élégance, des corsos fleuris. Toutes les villes, tous les villages y allaient de leur manifestation. Le public était demandeur et enthousiaste. Tout était bon pour oublier les charniers de la grande guerre ; le public a furieusement envie de vivre et de rattraper .

Déjà les résultats en course servaient de publicité à Peugeot. Cabane était agent de la marque, boulevard Saint Ruf à Avignon, Roux l'était à Arles et Grimaud était également agent à Carpentras d'où leur intérêt à participer à ces courses.

Ventoux 1923 Alfred DUCREUX se retourne au virage de Saint Estève, remet l’auto sur ses roues et repart pour terminer quatrième de sa catégorie à 10 minutes du premier. Sa voiture est très bien préparée pour la course, elle marche très vite et battra de nombreux records de 1922 à 1924.

Toutes ces épreuves bénéficiaient d’un large écho auprès du public. C’était un prétexte à sortir de son quotidien, à s’amuser et voir un spectacle gratuit et parfois dangereux. Toute la famille se déplaçait pour y assister.

On ouvrait des buvettes. On apportait son manger plié dans un torchon à carreaux, au fond d’un panier en osier pour pique-niquer en famille au bord de la route. Le menu était : cochonnaille, tomates, œufs durs ou omelette aux truffes, poulet, fromage de chèvres, sans oublier la piquette de la région. Un banquet officiel suivait la distribution des récompenses. On festoyait, on ripaillait dans la plus pure tradition gauloise. Un bal suivait parfois la manifestation après la distribution des prix.

Un pique-nique dans le Ventoux un jour de course automobile dans les années 50.

Monsieur le Maire apparaissait en grande tenue avec son écharpe tricolore pour donner le premier départ et peaufiner les futures élections.

Dans les courses de côte, les motos partent les premières. Les pilotes sont impressionnants. Ils portent de grandes bottes lacées jusqu’aux genoux, une culotte en cuir, souvent un pull en laine sur lequel est brodé la marque de leur machine : Alcyon, Terrot, Harley-Davidson, Koehler-Escoffier, Rudge, Indian, Griffon, Smart, mais également Peugeot. Leurs mains sont protégées par des gants épais avec des manchettes qui montent à mi-bras. La tête, sous un casque de pilote d’avion de la dernière guerre et les lunettes qui masquent leurs yeux, les rendent terrifiants. Pour le public ce sont des « Trompe-la-mort ». Ils sentent l’huile de ricin, la sueur rance, l’essence ou le méthanol. Le bruit de leurs machines infernales est apocalyptique au moment du départ. Puis dans un nuage de fumée et de poussière, ils partent vers un destin incertain pour se battre contre un ennemi invisible, une aiguille de chronomètre, qui en fera des héros, les laissera dans l’anonymat ou les blessera dans leur chair. Chevaliers des temps modernes s’affrontant par machines interposées, les jeunes filles en chapeau-cloche, robe légère et chair de poule, vibrent pour eux.

A mesure que les départs sont donnés, la cylindrée des motos augmente pour arriver aux side-cars, point d’orgue de la catégorie moto ; le public ne s’y trompe pas. Ménage à trois improbable, un couple d’hommes et une machine ont lié leur destin pour un pari fou : gagner sur le temps. En plus de son adresse à dompter la machine, le pilote doit tirer le meilleur de son moteur. La mécanique est sollicitée au maximum. Elle doit aller vite et résister. Le passager ou la passagère est là pour aider les deux : il (elle) doit faire contrepoids dans les virages pour ne pas « faire panache », se cacher dans les lignes droites pour diminuer la prise au vent. Il (elle) s’en remet totalement au pilote et à la machine.

L’amour est aveugle ou l’impossible ménage à trois. Une Harley Davidson, ANDRE et sa femme au rappel en 1922 à la course de côte du Mont Ventoux

Après la course des sidecars, c’est au tour des cyclecars de se présenter sur la ligne de départ.

La petite Quadrilette de Peugeot est une réussite mais la cylindrée de son moteur est de 660 centimètres cube et cela lui donne un petit handicap car elle entre dans la catégorie des 750 cc.

Pour compenser, les pilotes vont l’alléger au maximum en enlevant tout ce qu’ils jugent superflu : les ailes, le parebrise, les phares, la roue de secours et parfois même la carrosserie.

Les ténors de la Quadrilette, DUCREUX, BRES, GRIMAUD, CABANE et ROUX, avaient en face d’eux un adversaire redoutable et imbattable : BERTHE et son diabolique Sénéchal. Il est photographié en 1924 à la sortie du virage de Saint Estève par BARTHESAGO, photographe avignonnais renommé qui couvrait tous les évènements importants en Provence.

Une Quadrilette allégée de sa carrosserie va se faire doubler par un Morgan qui est un cyclecar à trois roues. Les passagers de la Quadrilette sont assis dans un simple baquet. La photo est prise en 1924 au virage de Saint Estève au Mont Ventoux. On note la densité de la foule qui témoigne du succès de cette épreuve.

CABANE a trouvé la solution pour faire contre poids en 1922 au Ventoux, tandis que REAL est photographié à la course de côte des Alpilles, à Saint Remy en 1924. On remarque que ces deux autos sont allégées de tous leurs accessoires.

Une Quadrilette en pleine vitesse en 1924 dans une épreuve au circuit du Comminges.

La foule se masse dans le maquis et les rochers qui bordent la route des Alpilles au-dessus de Saint Rémy. Ils sont venus de toute la région, en carriole, en autocar, à bicyclette, à moto, en automobile pour les plus aisés. BARTHESAGO prend ce cliché en 1924 sur plaque de verre avec une chambre encombrante et lourde. BERTHE monte plein gaz sur son Sénéchal. L’engin est aussi laid qu’efficace. Une vague carrosserie en aluminium a été découpée à la cisaille puis rivetée et clouée sur l’armature de bois. Par contre, côté mécanique, le petit moteur Ruby à distribution latérale marche le feu de Dieu. Une rumeur disait qu’il avait des accointances avec le patron de l’usine et que ce dernier lui aurait vendu un moteur de qualité supérieure. Il tiendra le haut du pavé jusqu’en 1925 qui est une date à laquelle les Quadrilettes sont définitivement battues par la concurrence.

Dans les courses d’endurance la Quadrilette gagnait partout. Benjamin, un autre cyclecar, contestera quelques rares fois cette suprématie dans le tour de France automobile ou le Paris Nice.

Sur cette photo au volant du Benjamin numéro 31, nous pouvons reconnaitre Violette MORRIS, grande sportive des années vingt, championne d’haltérophilie, de lancer du poids entre autres. Ayant collaborée avec la gestapo pendant la guerre, elle fut retrouvée morte, à la fin de la guerre, mitraillée à bord de sa 15 chevaux Citroën. La résistance l’avait condamnée et exécutée.

On verra encore quelques Quadrilettes en compétition en Provence après cette période mais elles étaient très spéciales.

Celle de GRIMAUD, agent Peugeot à Carpentras, en fait partie mais c’est une autre histoire.

Bibliographie :  Maurice LOUCHE, Campagne Cambronne-13980 Alleins - tel 0490574082 – Nous vous recommandons son excellent ouvrage sur la course de côte du Mont Ventoux  Au Ventoux avec Pétrarque – Gabriel Fauré – Aubanel Frères, Edition 1928  Pétrarque – Ugo Dotti – Fayard 1991  Memòri e raconte : A l’entour dóu Ventour – Frédéric Mistral – chapitre XVII  Souvenirs entomologiques – Jean-Henri Fabre, 1879, Ière Série, Chapitre 13.  Mermoz – Joseph Kessel – HACHETTE – 1960  Le Mont Ventoux et ses secrets – François et Claude Morénas – Regain 1990  Photographies : collection privée La davalado de l’Ardecho emé moun drole en kayak en 1957 Pèr Marcèu Bosqui tèste presenta pèr Mirèio Bosqui

Se se sian pas nega es que lou Bon Dièu menavo la barco !! Èrian partí un vèspre d’estiéu de Vallon- Pont-d’Arc e quete chale de passa tout aquest pont naturau espetaclous, pourta pèr lis aigo claro e frescouleto. S’arresterian à jour fali dins un rode sauvage, à l’intrado di gorjo, sus uno plajeto ounte mounterian noste pichot tibanèu. La nieu se fasié un pau negro ; ges de lume ; dins l’asclo d’aqueli bancaret de roucas se vesien quàuquis estello. Tout èro mut à despart dóu brut silencious e eternau dis aigo e soun resson sus li grand roucas.

Vaqui qu’à cinq ouro dóu matin, la plueio coumence de toumba. A la lèsto decamperian, embarcant tout dins lou barquet e, fai tira la maio, intrerian dins lou pourtalas di gorjo, au mitan dis uiau, di tron e tout un glavas que, maugrat que fuguerian en juliet, nous jalavo li mesoulo.

Èrian soulet sus la ribiero. Lou proumié rapide fuguè pas trop marrit. Lou segound, proun tihous, estènt que fau dire qu’èro lou proumié cop que naveguerian dins un kayak ! A la Dent Negro, lou tresen rapide, aqui fuguerian en chancello. En tres segoundo sian passa à drecho, à gaucho d’un roucas que pounchejavo. Dins lis desbrandado lou batèu de galis, venguè s’aplanta sus lou roucas ounte fuguè à mand de s’escracha. Pièi, d’aise, la pro se remeteguè dins lou courrènt e dins lis erso escumejanto, au mitan di roucas, e dins lis aigo fero que nous passavon sus la tèsto, lou batèu èro à mita plen d’aigo e poudian pas mestreja la manobro. Lou kayak davalavo soulet aquest escalié d’infer, à la gràci de Dièu ! Mai nous vaqui sauva de la Dent Negro. Li tron e lis uiau de la chavano nous secutavon ; tiravian coume de galerian sus li palo de nòsti remo pèr se rescaufa ! L’aigo davalavo que mai di nivo negrasso que tapavon li gorjo. Se vesien plus li roucas e pamens, tout d’uno avèn devista, à man drecho, uno baumo cavado dins lou roucas tout bèu just ço que nous falié pèr èstre à la sousto li pèd dins lou batèu.

Es aqui enfin bèn apara de la chavano, que tout d’uno, aguerian uno vesioun : dins lou neblas, davalavo uno barcasso cargado de cinq o siès persouno emé dous marinié, un à la pro, l’autre à la poupo qu’emé de lòngui partego butavon lou batèu dins lou courrènt emé lou biais requist di gènt dóu rode.

Aquelo barcasso, en pagant, vous fan faire la davalado di gorjo. Ansin lou « batèu-fantoume » passè à coustat de nautre e veguerian assetado sus di cadiero, souto si grand paraplueio dubert, quatre memeto que incounsciènto dóu dangiè s’escacalassavon…

Queto vergougno pèr nautre que se prenian pèr d’aventurié de la bono. Fin finalo arriberian à Sant-Martin à la fin di gorjo emé la fin de la chavano. Lou soulèu trecoulavo darrié Eigueso dins un cèu rouginas qu’anounciavo un cop de mistrau pèr lendeman.

LE SPORT, L’AVENTURE ET MON PERE Ou la descente de l’Ardèche en kayak Par François Bosqui

Du plus loin que je me souvienne, mon père aimait le sport. Le sport … et l’aventure !

Car c’était bien de cela tout à la fois qu’il s’agissait lorsqu’il m’annonça, à l’orée d’un bel été marquant la fin des cours, que nous allions « faire » la descente de l’Ardèche en kayak. Tout jeune encore, je n’avais jamais eu l’occasion d’asseoir mes fesses dans un kayak. Pas plus ne l’avais-je vu lui-même manœuvrer un tel esquif dont, au premier coup d’œil je devinai la stabilité problématique lorsqu’il me le présenta rangé au fond du cellier...

Certes, nous étions bons nageurs, mais qu’arriverait-il si nous devions nous « retourner » dans des rapides tumultueux hérissés de rochers sournois (!) d’autant que, si je me souviens bien, casques et gilets de sauvetage n’étaient pas du voyage !

Le jour arrive… Nous rejoignons Vallon-Pont-d’Arc, notre point de départ, et je me souviendrai toujours de l’arrivée sur le pont surplombant la rivière… A ses pieds, une vaste plage de galets où les premiers baigneurs s’étaient installés, la courbe paresseuse des eaux turquoise virant à l’indigo avec la profondeur, la légèreté de l’air envahi progressivement de chaleur…

Montage du kayak, chargement de la tente et des provisions – nous devions passer une nuit dans les gorges – « positionnement » de l’équipage ; j’apprends alors, un peu ému, que je pourrai profiter pleinement du paysage puisque… je serai posé à l’avant pour signaler les obstacles ! Quant à mon père, il devait se trouver nécessairement à l’arrière car c’est lui qui devait (bien sûr !) piloter le bateau et procéder aux manœuvres de guidage de notre esquif.

Alors, pilote et guetteur installés, le kayak s’ébranle doucement pour rejoindre le fil du courant… Ô rivière charmeuse, rythmée par le « clop » régulier de nos pagaies, lente masse liquide assoupie au fond de son lit…

Et puis, une sorte de bruit, plus loin, là-bas qui se transforme en grondement sourd et continu, de plus en plus perceptible, le courant qui s’accélère, la vision des premiers rapides qui viennent sur nous… C’est alors que je prends bientôt les premiers embruns de face, qui se transforment rapidement en claques d’eau vigoureuses. Pas question de tergiverser, sinon naufrage assuré ! Il faut « rentrer » dans ce chaudron bouillonnant, ne pas dévier, ballotés par la force des eaux qui tapent sur le kayak… et ces paquets d’eau… Allez, allez ! On passe… on est passés ! Non ! Un dernier rocher, posé comme un gros œuf au milieu du courant… A droite ? A gauche ? Le kayak ne s’est pas décidé ! Il s’est mis en travers de l’obstacle, bloqué par le courant qui le pousse tant par l’avant que par l’arrière, et il commence à basculer sur lui-même... Mort de trouille, je saute sur le rocher, abandonnant le kayak et son pilote ! Instants décisifs où le kayak risque de repartir par l’avant, mais aussi bien par l’arrière, à « l’aveugle » … Catastrophe assurée, moi sur le rocher, mon père parti je ne sais où, avec ou sans kayak, sur l’eau, sous l’eau, où ça ? Qui sait ? J’en tremble... ; Mais le bateau est toujours là, drossé sur la roche, et mon père réussit, petit à petit à le faire « riper » en amenant l’avant dans le courant... ; Encore un coup… « Vite, saute ! » Je saute, le kayak s’est décroché brusquement et part dans le bon sens…

Si les premiers rapides nous ont causé tant de peur, notre inexpérience risque de devenir carrément dramatique dans la fameuse « marmite de Gournier », chaudron bouillonnant de toutes les eaux de l’enfer et point d’orgue des difficultés du parcours… Mais nous passons sans coup férir, « guetteur » et « pilote » transcendés par l’épreuve qu’ils viennent de surmonter !

Pas d’enfer donc, mais soudain un gros, un énorme orage qui se déchaîne brusquement ! visibilité quasi nulle, il faut débarquer dans l’urgence. Heureusement un abord naturel où nous échouons le kayak. Vite on grimpe se mettre à l’abri sous une sorte d’aplomb rocheux formant l’entrée d’une grotte d’où nous surveillons la pluie et le torrent, au sec mais trempés jusqu’aux os. L’imagination galope… quelques-uns de nos ancêtres n’y auraient-ils pas fait du feu il y a quelques millions d’années ? Pas de gravures rupestres… Non, seulement l’orage qui continue à claquer ses coups de foudre et le dru de la pluie voile le torrent. ; Et c’est alors LA VISION ! On ne peut s’en faire vraiment une idée qu’après avoir vu le film « La rivière sans retour » où Robert Mitchum et Marylin Monroe, pourchassés par les Indiens, descendent une rivière torrentueuse sur un radeau de fortune, ballotés par les rapides et menacés à tout moment de noyade… CE RADEAU, IL EST LÀ ! Il passe devant nous ! Il n’y a pas Mitchum ni Monroe, mais… quatre dames d’un âge canonique, dignes, habillées de ville, à chapeaux et voilettes, assises sur des bancs, très dignes sous leurs parapluies. Elles sont encadrées par deux bateliers musculeux à la manœuvre, qui mènent le radeau – un véritable radeau – à travers les rapides ! D’où viennent-elles ? Où vont-elles ? Surgies du flot et de la pluie, elles y replongent vers quelque improbable destination…

La nuit vient… la pluie s’est arrêtée, un air léger flotte sur le canyon et les étoiles scintillent dans le ciel dégagé. Nous plantons notre tente dans un élargissement du lit, sur une langue de sable plantée de saules où il me semble entendre les pas légers d’indiens sortis d’un roman de Fenimore Cooper…

Départ le matin suivant, plus d’obstacles à redouter, la rivière assagie, arrivée prévue en fin d’après- midi à Pont-Saint-Esprit pour une seconde nuit, avant de poursuivre sur le Rhône jusqu’à Avignon. Arrivée sans problème, sauf que… le courant paresseux qui nous emmène au but nous pousse calmement et sereinement vers la berge opposée à celle où nous devions débarquer, et qui forme une sorte de barre rocheuse en biseau sous laquelle notre bateau s’encastre et dont on ne peut s’extraire malgré l’opposition de nos pagaies. Et le kayak se penche, se penche… puis se couche… puis se retourne lentement et irrésistiblement ! Je me vois encore, respiration coupée, la tête en bas, sous le kayak retourné, voyant filer le fond sous mes yeux à travers l’eau verte… Vite ! Ne pas s’affoler, se dégager et remonter à la surface… Rattraper le kayak qui continue sa course et quelques affaires qui n’ont pas complètement sombré…

Nous voilà enfin sur la plage de galets qui nous attendait pour un débarquement sans histoire ! Trempés comme des soupes et traînant, penauds, notre matériel… Le ciel prend ses teintes du soir, l’air est doux… Un petit vieux, qui se chauffait sur les galets tièdes du soir, nous regarde passer et nous dit en clignant des yeux « eh bien, vous alors, vous avez manqué de psychologie ! ». Et oui, bien sûr ! Nous avions traversé le plus difficile mais sombré dans le plus facile…

Départ le lendemain pour la dernière étape qui nous mène à Avignon. L’Ardèche est devenue une sorte de lac presque immobile où il faut pagayer dur pour avancer, beaucoup trop lentement à mon goût. On n’en voit pas la fin… Mais arrivera-t-on jamais au Rhône ? C’est très décourageant. Est-ce le friselis de l’eau créé par les courtes rafales de vent qui se lèvent inopinément par-ci, par-là, l’idée surgit… Nous croisons nos pagaies verticalement et, sur le triangle ainsi formé, nous tendons un morceau de toile rescapé du naufrage… et le kayak de filer bon train ! Un dernier virage à droite et nous voilà sur le Rhône, majestueuse masse liquide qui descend imperturbablement vers la mer... mais qui est loin d’un long fleuve tranquille ! Courants contrariés par des contre-courants surgis de nulle part, dépressions tourbillonnantes hypocrites et vicieuses, barres rocheuses créatrices de mini- chutes peu visibles dans le soleil couchant et qui créeront d’ultimes frayeurs… Mais voici soudain le rocher des Doms qui se profile sur l’horizon ! Le voyage s’achève, dans la douceur du soir tombant, par un accostage au pied du quai de la Ligne, courbatus, fatigués et heureux d’arriver sains et saufs.

Les Jeux Olympiques 2016 à Rio de Janeiro, « la perle du Brésil » Françoise Vilela de São Paulo

C´est ainsi qu´ Edouard de Kayser qualifiait l´ancienne capitale du pays en son article sur le tourisme au Brésil dans la revue ¨Le Journal de Voyages¨ paru le 16 février 1928 ....

Depuis plus d´une semaine, l´Aéroport International Antonio Carlos Jobim de Rio accueille chaque jour des milliers d´athlètes, délégations, autorités et touristes du monde entier, et une ligne de tramway (VLT) relie les deux aéroports Tom Jobim et Santos-Dumont au centre de Rio.

Le Brésil, terre d´accueil, où depuis le XIXème siècle, des migrants venus d´Europe, du Moyen-Orient et d´Asie ont aidé à façonner le paysage agricole, l´architecture des villes et même la population de cet immense pays, vit un moment exceptionnel à l´approche du grand jour : le 5 août... ouverture solennelle des XXXIème Olympiades.

Depuis le choix de Rio, en 2009, pour siéger les Jeux Olympiques, la « Cidade Maravilhosa » (Cité Merveilleuse) a vécu un rythme frénétique pour honorer les délais imposés par le Comité Olympique International, et nous y sommes presque.

En effet, la ville de Rio a totalement transformé la zone portuaire, extrêmement dégradée, en grands espaces ouverts sur la mer : places, rues piétonnes, ligne de VLT, nouveaux Musées : de la Mer (MAR) et le magnifique Museu do Amanhã (Musée de Demain), celui-ci construit sur une jetée inutilisée depuis longtemps, s´avance maintenant comme un paquebot sur la Baie de Guanabara. Cette baie magnifique de vingt-huit kilomètres de long, qui a vu arriver au XVIème siècle la Mission Française – autrement appelée la France Antarctique – de Villegaignon et qui nous a valu, entre autres choses, la très belle « Histoire d´un Voyage faict en la terre du Brésil, autrement dit Amérique », écrite par le Français Jean de Léry et publié en 1578, cette baie malheureusement polluée et qu´on n´arrive pas à assainir...

Mais revenons aux Jeux Olympiques...

La ville de Rio a réussi le défi imposé : le grandiose complexe olympique distribué sur quatre régions de la ville : . Deodoro, avec 60% des installations existantes rénovées ; . Maracanã, le célèbre stade qui recevra la Flamme Olympique ainsi que les cérémonies d´ouverture et de clôture des Jeux, matchs de foot et finale ; . Barra da Tijuca, où a été construit de toutes pièces le splendide Village Olympique, (et qui deviendra ensuite quartier résidentiel) avec le parc olympique, le centre mondial de transmission des J.O. qui inondera la planète, à partir de plusieurs chaînes de sport 24h. sur 24, de toutes les modalités des J.O. ; . Copacabana, où auront lieu les épreuves sur sable (volley, football de plage, etc…).

De nouvelles voies de communication entre ces quatre pôles de compétition ont surgi : nouvelle ligne de métro, nouvelle ligne de bus (BRT) trans-olympique (entre Deodoro et Barra da Tijuca), routes, tunnels, pistes cyclables et rues piétonnes. ¨Tijuca¨ (pron. Tijouca) est le nom de la forêt urbaine la plus grande au monde !...

D´autres centres sportifs seront utilisés : Maracanãzinho, Engenhão, Complexe aquatique Julio de Lamare, ainsi que le Sambodromo du Carnaval transformé momentanément en centre de tir à l´arc.

Les stades de São Paulo, Belo Horizonte (où l´équipe française de foot féminin s´entraîne), Brasilia et même Manaus en Amazonie recevront les équipes féminines et masculines de foot qui parcourront des milliers de Km pour les premiers matches et ceci jusqu´aux quarts de finale...

7 ans de travaux gigantesques pour un évènement d´ímportance n´ont pas été de tout repos pour la mairie de Rio et les autorités du Comité Olympique brésilien : des retards dans le chronogramme prévu, des problèmes avec les entreprises de travaux, la pollution de la Baie de Guanabara (sans solution de la part du gouvernement de l´Etat de Rio), intempéries ...

D´autres pays avant nous ont vécu de semblables problèmes et Rio peut être fière des résultats de ses efforts que le monde entier ne manquera pas de remarquer !

Aujourd´hui, la ville accueille les 11 000 athlètes, leurs délégations, les autorités, et les 850.000 touristes (sinon plus) annoncés avec la chaleur et la joie coutumières des Cariocas.

Un gros souci international : le terrorisme. Tout est mis en œuvre pour déjouer une quelconque tentative de cette nature.

Et pour terminer, je cite ces paroles réconfortantes du Président du Comité Olympique International lors de sa dernière visite à Rio :

« Les Olympiades représentent un énorme succès pour la ville de Rio, une grande victoire. Transformer une métropole en sept ans est un défi de taille pour un pays qui traverse un moment difficile. Aussi sommes-nous en admiration devant ce qui a été fait avec passion et grande joie.»

Nous sommes prêts et que la fête commence

LA FERULE ET LE FENOUIL Par Christiane Mangiapan

Voici deux plantes souvent confondues, surtout par les non-provençaux, quoique …J’ai rencontré des promeneurs qui cueillaient de la férule pour parfumer les olives, hélas, le parfum n’y était pas !

Férule (Ferula communis) et fenouil (Foeniculum vulgare ou Anethum foeniculum) sont tous deux de la famille des Apiacées ou ombellifères et on peut les rencontrer au bord des chemins, des talus.

LA FERULE ou pamelier ou grande férule, en provençal ferlo, fenoui-gros, grande plante vivace, se rencontre en Corse, dans le Var, l’Hérault, le sud des Cévennes, sur des terrains secs, siliceux ou calcaires, rocailleux, le long des autoroutes. Son feuillage léger et abondant au printemps rappelle celui du fenouil et forme une grosse touffe d’où jaillit une tige ronde, épaisse, rameuse, qui peut atteindre 3 mètres de haut. Les tiges deviennent dures et vernissées en séchant mais restent légères car l’intérieur est rempli de moelle qui brûle comme de l’amadou. Cette propriété a d’ailleurs donné naissance à une légende. On dit que lorsque Prométhée vola le feu aux dieux pour le donner aux hommes, il le transporta dans un tronçon de férule et ce serait là l’origine de la flamme olympique. En Corse on utilisait la férule à Pâques pour transporter le « feu nouveau ».

Dans cette tige dure on taillait les étrivières (baguettes) pour frapper les esclaves ou les élèves récalcitrants, d’où l’expression « être sous la férule ».

Les bergers corses en faisaient aussi des tabourets légers pour la traite et la tige sèche coupée en deux sert à aiguiser couteaux et rasoirs.

La plante a de nombreuses ombelles jaune citron et fleurit dès le début du printemps, mais attention elle est très toxique. Les toutes premières feuilles au printemps sont inoffensives puis tiges et feuilles deviennent vénéneuses car elles contiennent un latex composé de substances anticoagulantes, les coumarines. Le bétail qui en consomme est victime d’hémorragies et succombe asphyxié, mais leur viande cuite est consommable. Après la floraison tige et feuilles perdent leur toxicité et la plante constitue même un bon aliment.

Une autre espèce de férule est présente dans le Var et les Alpes-Maritimes, la petite férule (fèno en provençal), Ferulago campestris ou Ferula ferulago. La tige est pleine, cannelée avec de nombreux rameaux. On la trouve surtout en Europe méridionale ; on a recensé quelques plants dans le massif du Tanneron, dans l’Esterel et dans la zone de Cabasse. C’est une espèce qui est inscrite dans les « Plantes rares et protégées du Var » protection régionale. LE FENOUIL Plante vivace, fréquente dans les friches et les coteaux secs du sud de la France, qui peut atteindre 2 mètres de haut. Au printemps les pétioles des feuilles forment à la base un petit renflement appelé injustement « bulbe ». Le fenouil cultivé lui ressemble beaucoup, excepté par son « bulbe » plus développé du fait des sélections horticoles. Les fleurs jaunes, aux pétales retournés, sont disposées en ombelles et sont plus petites que celles de la férule, la floraison est plus tardive, en juillet, ainsi à maturité la confusion est impossible.

Le fenouil a de nombreuses vertus médicinales, il est riche en vitamine A et en calcium. Il est carminatif, digestif, antispasmodique et calme les douleurs d’estomac.

Tiges et graines parfument les olives cassées, les poissons, c’est un légume dont toutes les parties sont comestibles. En Inde on offre à la fin du repas des graines de fenouil mélangées à du sucre, délicieux digestif !

Ces propriétés médicinales se retrouvent dans de nombreuses coutumes. A Cabasse (Var), Saint Loup est considéré comme le guérisseur des coliques et le 31 août les pèlerins qui se rendent à la messe apportent tous à leur patron un bouquet de fenouil. Dans l’Antiquité le fenouil symbolisait la force et le courage ; les belluaires en mâchaient avant chaque combat et le vainqueur était couronné non de laurier mais de fenouil ! D’après Pline l’Ancien, les serpents lors de la mue s’en frottent les yeux pour fortifier leur vue.

En Provence et en Languedoc il était réputé avoir le pouvoir de chasser les mauvais esprits et les maléfices des sorciers. On en plaçait un bouquet dans l’âtre pour se protéger. Le matin de la Saint- Jean on en mettait dans les trous des serrures afin que les « masques »ne puissent pas entrer ; on en portait aussi sur soi, dans les matelas et les oreillers. Ainsi il fait partie des herbes de la Saint-Jean. On disait que le manger en omelette le jour de Pâques met à l’abri des jeteurs de sort pour l’année à venir.

C’est aussi une plante aphrodisiaque et selon ce vieil adage « Si femme savait ce que le fenouil peut faire à son mari, elle irait en chercher de Rome à Paris ». En fait toute la plante est stimulante, mais c’est à sa semence que l’on doit ses vertus aphrodisiaques. Les ratafias préparés avec ces graines sont réputés « réveiller les ardeurs des vieillards. » Mais les femmes en tireront aussi de grands profits.

Charlemagne l’avait inscrit parmi les plantes à cultiver absolument (Capitulaire De Villis, 792).

Enfin vous pouvez trouver sur internet la « poudre magique de fenouil qui fortifie les facultés mentales, attire l’argent et protège le commerce ». !!!

Et oui, à l’ère du numérique, la magie a toujours ses adeptes.

Photos de Jean-Pierre Mesureux de la Respelido Valetenco Discriminations : combattre la glottophobie de Philippe Blanchet Professeur de sociolinguistique à l’université de Rennes 2 Paru en janvier 2016, aux éditions Textuel

Tout provençal doit lire ce livre car aucun n’a échappé aux plaisanteries sur son accent, sa façon de parler, son vocabulaire par ceux qui parlent « pointus », selon notre expression populaire. C’est le français des journalistes des chaînes de télévision ou des radios nationales qui présentent les informations. Cette domination par la langue française, idiome historique de l’Ile de France, aboutit à la réduction du territoire français exprimée par la locution « Paris et la province ». Ces « provinciaux » auraient des comportements similaires, repliés sur leur vie locale, avec des traditions passéistes et l’esprit étroit. Ils ne sauraient s’ouvrir sur le monde et incarner la nation française, comme le peuple parisien. Nous constatons là un rapport entre dominants et dominés auquel Philippe Blanchet donne le nom de glottophobie. Au début de son livre, il avertit le lecteur : « Quand on s’intéresse à la fois à la question des discriminations linguistiques et à celles des pratiques linguistiques, notamment en France, on constate très vite que les discriminations linguistiques sont généralement ignorées, au double sens d’« inconnues » (on ne sait pas que ça existe, on ne les voit pas) et de « négligées » (on n’y accorde aucune attention quand on en voit)... Et pourtant, on constate aussi rapidement que les discriminations linguistiques sont très fréquentes, ordinaires, banales, dans la vie quotidienne de beaucoup de gens et de beaucoup de sociétés. ». Les discriminations sont des délits prévus par le code pénal français, mais la discrimination linguistique y est absente. Dans « la construction stato-nationale française, la question des discriminations linguistiques, donc de l’utilisation condamnable des différences linguistiques censées ne pas exister, constitue un point doublement aveugle pour la société française. ».

Philippe Blanchet donne à cet aveuglement le nom de glottopolitique dénonçant ceux qui pour protéger leur langue d’une domination linguistique n’envisage que de la standardiser, reproduisant à une autre échelle l’idéologie de la domination. C’est le cas de la normalisation du catalan et de l’occitan standard.

A l’opposé de cette standardisation, il met en avant les actions glottopolitiques auto-gestionnaires qui ont réussi pour le corse et le provençal dites langues polynomiques fondées, avec le respect d’égalité de leurs variétés, « sur la décision massive de ceux qui les parlent de leur donner un nom particulier et de les déclarer autonomes des autres langues reconnues1 ». Les mouvements provençaux français et italiens des deux versants des Alpes provençales2 réunis le 21 septembre 2002 à Briançon ont déclaré langue polynomique, la langue provençale (Déclaration de Briançon).

Dans cet ouvrage une place importante est donnée à l’éducation nationale imprégnée du célèbre « rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française présenté à la Convention nationale le 4 juin 1794 » par l’abbé Grégoire. Il en découlera les lois et arrêtés de Jules Ferry sur l’école primaire obligatoire où le français sera seul en usage dans l’école, qui très vite seront appliqués de façon absolue avec une interdiction totale d’employer une autre langue que le français en classe, assortie d’humiliations, de punitions avilissantes et violentes. Frédéric Mistral va s’élever contre le mal que fait aux élèves provençaux la glottophobie instituée par l’Instruction Publique française (1888 discours à la Santo Estello de la Barthelasse à Avignon – 1898 Aiòli, n° 261, Lou prouvençau dins lis escolo). Dans le sillage de Mistral les écrivains et les mouvements provençaux demandèrent l’enseignement du provençal à l’école.

Blanchet va dénoncer également la glottophobie dans les institutions de l’Etat, dans les médias et autres domaines de la vie sociale. Il achève son livre sur des pistes et des principes pour combattre la glottophobie : - Réaffirmer le caractère profondément humain et social des langues ; - Demande sociale et mise en place d’une glottopolitique autogestionnaire de la pluralité ; - Repenser l’éducation linguistique et les aspects linguistiques de l’éducation - Repenser la question linguistique dans la société. Nous vous conseillons la lecture de ce livre car la glottophobie nous concerne tous. Il s’achève sur des propositions concrètes qui, si elles sont appliquées, réduiront les effets négatifs de la glottophobie. Henri Féraud

1 Jean-Baptiste Marcellesi, Professeur émérite de sociolinguistique à l’université de Rouen, Membre du Conseil scientifique et juridique de l’Unioun Prouvençalo. a défini la polynomie des langues. D’origine corse, il a fait adopter la polynomie de la langue corse. Philippe Blanchet, Professeur de sociolinguistique à l’université Rennes 2 Haute Bretagne, Président du Conseil scientifique et juridique de l’Unioun Prouvençalo, Disciple du Professeur J.B. Marcellesi. D’origine provençale, il a été l’artisan de la déclaration du provençal, langue polynomique. 2 Mouvements provençaux signataires de la Déclaration de Briançon : Versant français des Alpes provençale : l’Unioun Prouvençalo, le Collectif « Prouvènço » Versant italien des Alpes Provençales : l’Unioun prouvençalo Transaupino, la Consulta Provenzale. Par Henri Féraud RABINDRANATH TAGORE « Gitanjali » - L’ouferto lirico (L’offrande lyrique) Traduit du français en provençal par Jean-Marc COURBET

GITANJALI, rejouncho de 103 pouèmo de Rabindranath Tagore (soun diminutiéu Rabindrah, lou soulèu, coume soun paire ié disié), (1861- 1941) filousofe, pedagogue, pouèto indou de trìo, prèmi Nobel de literaturo 1913. Jan-Marc Courbet, a asata au prouvençau, la reviraduro franceso dóu Gitanjali qu’avié facho Andriéu Gide en 1913-1914 dóumaci la traducioun en anglés de Tagore di 103 pouèmo de soun recuei en1912.

Gide escrivié à Saint-Léger Léger (en literaturo Saint John Perse) que l’avié ajuda pèr agué l’autourisacioun de tradurre lou Gitanjali « … uno reviraduo demande mai... de pentimen e de bifaduro qu’uno ispiracioun vengudo tout d’un tèms… M’a pareigu que ges de pensado au jour de vuei meritavo mai de respèt, anave dire de devoucioun qu’aquelo de Tagore e ai pres moun plesi à me faire umble davans éu, coume éu-meme pèr canta davans Dièu s’èro fa umble. » Jan-Marc Courbet, dins soun pourtissoun presentènt sa reviraduro, nous dis soun urouso souspresso de descurbi que Tagore, tout de long d’aquesto obro, s’adrèisso à Dièu. « Lis Óucidentau que sian, perseguis- ti, tout embuga de culturo crestiano poudran qu’èstre estouna de legi un tèste qu’aurié pouscu èstre escri pèr un misti crestian o d’uno autro religioun, es la bello provo de l’engèni e de l’universalita de Rabindranath Tagore. »

Veici un pouèmo dóu Gitanjali revira en prouvençau pèr Jean-Marc Courbet em’ en regard la traducioun d’Andriéu Gide en francés.

Quand la creacioun èro novo e que lis estello Quand la création était neuve et que les étoiles beluguejavon touto dins sa proumiero esplandour, brillaient toutes dans leur première splendeur, li diéu tenguèron soun assemblado dins lou cèu e les dieux tinrent leur assemblée dans le ciel et cantèron : « O tablèu de la perfecioun ! chantèrent : « Ô tableau de la perfection ! joio sènso mescladisso ! » joie sans mélange ! » Mai l’un di diéu cridè subran : « Sèmblo que i’ague Mais l’un des dieux cria soudain : « Il semble qu’il en quauque endré un manco dins aquelo cadeno de y ait quelque part un laps dans cette chaîne de clarté clarta e qu’uno dis estello se siegue perdudo. » et qu’une des étoiles se soit perdue. » La cordo d’or de sis arpo roumpè : La corde d’or de leurs harpes rompit : soun cant s’aplantè et dins l’espavènt plourèron : leur chant s’arrêta et dans l’épouvante ils pleurèrent : « Eto, èro la pus bello, aquesto estello perdudo, « Certes ; elle était la plus belle, cette étoile perdue, e la glòri de tóuti li cèu ! » et la gloire de tous les cieux ! » Despièi aquéu jour la cercon de longo Depuis ce jour on la cherche sans cesse e lou plang de l’un à l’autre se passo : et la lamentation de l’un à l’autre se transmet : « Em’ elo lou mounde aura perdu sa souleto joio ! » « Avec elle le monde aura perdu sa seule joie ! »

A commander au Félibrige – Parc Jourdan – 8 bis avenue Jules Ferry – 13100 Aix-en-Provence Prix 12€ port compris

⁂ ⁂ ⁂ ⁂ ⁂ ⁂ ⁂ ⁂ ⁂ ⁂ ⁂ ⁂ ⁂ ⁂ ⁂ DECLARATION DE BRIANÇON - LA LANGUE PROVENÇALE POLYNOMIQUE (2002) Les mouvements provençaux réunis à Briançon le samedi 21 septembre 2002 constatent entre autres que Frédéric Mistral, principal artisan de la graphie moderne de la langue provençale, a pris soin que toutes ses variétés puissent s’adapter à cette graphie sans privilégier l’une par rapport à l’autre. AFFIRMENT : . Que la langue provençale est une langue polynomique dont les variétés sont d’égale valeur ; . Que chacune de ses variétés est l’expression de la langue provençale sur son aire géographique et dans la société ; . Que la pleine dignité donnée ainsi à chaque variété de la langue provençale confirme qu’il n’y a aucune hiérarchie entre ses variétés ; . Déclarent que toute action visant à imposer une norme unique pour le provençal est contradictoire avec l’esprit de pluralisme qui les anime ; . Que toute action ou idéologie linguistique unicisante sont sources d’appauvrissement et donc ne sauraient être appliquées à la langue provençale. GUY BONNET ET ERIC BRETON En concert le 1er octobre 2016 Du piano synthé à l’orchestre symphonique, 40 ans de compositions musicales Par Michèle Féraud

Dans leur ville, Avignon, deux compositeurs, continuateurs d’une longue lignée de musiciens avignonnais, nous ont offert le concert des quarante ans de chansons provençales de Guy Bonnet. Et comme un anniversaire ne se fête jamais sans bougie, ce sont les quarante musiciens de l’Orchestre régional Avignon- Provence dirigés par Éric Breton, qui ont joint leur virtuose sensibilité à cette soirée inoubliable. Guy Bonnet et Éric Breton pouvaient-ils naître ailleurs que dans la ville d’Avignon, dans cette ville au passé musical si riche comme nous le fait savoir Paul Achard, archiviste au XIXème du Département de Vaucluse, qui a communiqué ses recherches à François Seguin pour son introduction à la nouvelle édition des Noëls de Saboly composés en langue provençale : « Il est incontestable qu’à Avignon et dans le Comtat Venaissin, la musique en particulier, à partir d’une époque assez reculée, fut l’objet d’un culte fervent et assidu. Dès le XIVème siècle, Avignon avait une rue de la Muse, c’est-à-dire une rue où la cornemuse, placée à l’auvent d’une boutique, indiquait qu’on y vendait des instruments de musique, si toutefois on n’y en fabriquait pas… Au XVème et XVIème siècles, les musiciens paraissent avoir été assez nombreux… pour qu’ils se regroupassent dans un quartier spécial aux alentours de l’église Note-Dame-la-Principale près de l’enseigne des Quatre-Violons…. Nous trouvons dans cette ville un toucheur d’orgue… dix ans avant qu’il y en eût à Paris (1358) …. En 1547 Claude Noguyer escoullier (maître d’école) enseignait les jeunes enfants aux bonnes lettres et aux instruments de musique…Au XVIIème siècle la musique se popularisa encore davantage. Le Vice-Légat, la Métropole, la Ville avaient des corps de musique à leur solde… A la fin du XVIIème siècle… Paris absorbe tous les génies dans son sein… pas plus tôt ils se sont faits connaître que nos musiciens nous quittent, et ils ne reviennent pas ... L’influence de l’école romaine, la protection des princes de l’Eglise, l’appui des hautes familles entretenaient l’émulation parmi les artistes propres à maintenir l’art musical à un haut degré de splendeur. Pendant une longue période, lors des visites des rois et des reines de France, des princes et des dignitaires, ils étaient accueillis par des chœurs accompagnés d’instruments en plusieurs endroits de la ville. »

Et ce 1er octobre 2016 à la salle polyvalente de Montfavet-Avignon, Guy Bonnet nous accueillait, entouré « des musiciens de l’Orchestre Régional Avignon Provence qui me font le grand honneur de participer à cet unique concert sous la direction de mon ami Eric BRETON, qui a été présent depuis 1976 tout au long de mon aventure musicale » et a voulu offrir à « tous ceux qui m’ont soutenu et encouragé pendant toutes ces années » cet unique et grandiose concert dont il restera une trace non seulement dans notre souvenir mais également, nous l’espérons, grâce à un enregistrement prolongeant et perpétuant cet admirable moment musical. L’orchestration symphonique d’Éric Breton mène les quarante années de création musicale de Guy Bonnet à un haut degré d’élévation.

Les Amis de Font-Ségugne sont fiers de compter parmi ses fondateurs Guy Bonnet, musicien qui a su retourner au pays pour le porter plus loin et qui sait s’entourer d’artistes pour honorer la Provence, toute la Provence. Nous souhaiterions que, comme aux siècles passés, Guy Bonnet, Éric Breton entourés de l’Orchestre Régional Avignon Provence et de chœurs, soient invités en représentants de la Provence, à accueillir des manifestations culturelles dans toute la Région et particulièrement au Festival d’Avignon par une première soirée dans le Palais des Papes. Chanter dans la Cour d’honneur Ensemble, Ensèn, paroles et musique de Guy Bonnet magistralement orchestrée et dirigée par Éric Breton ; chanter dans la Cour d’honneur Avignon, Avignoun dont les paroles d’amour de Guy Bonnet à sa ville natale insuffleraient aux spectateurs du festival l’envie de découvrir l’âme de ce lieu qui les accueille tout le mois de juillet ; chanter dans la Cour d’honneur Signé Vincent, Signa Vincèn dont les paroles de Louis Scotto ont inspiré la musique à Guy Bonnet et l’éblouissante orchestration symphonique d’Éric Breton qui a distribué avec justesse à chaque partie instrumentale une fonction pour peindre ou le feu intérieur des rêves de Van Gogh se transformant en soleil, ou la « main devenue pinceau, un tournesol s’éveille », ou cet élan de recherche d’amour inaccessible. Les tremolos piano ou forte et les staccatos accompagnent intensément les différentes phases du bouillonnement intérieur du peintre, ponctuées par l’explosion des cuivres et la délicatesse des violons ; chanter dans la Cour d’honneur cet hymne de paix de Jacques Brel traduit par Pierre Vouland, Quouro avèn que l’amour ! puis l’hymne national de la Provence la Coupo Santo…sans oublier Li Cant d’amour de Mirèio.

QUOURO LIS OME VIÈURAN D’AMOUR… paroles et musique de Raymond Levesque, interprété en provençal par Guy Bonnet accompagné par la chorale polyphonique Arc-en-Ciel et l’orchestre ORAP dirigé par Éric Breton, dans une salle comble, a ému le public sensibilisé par la période d’inquiétude actuelle.

Quand les hommes vivront d'amour Quand les hommes vivront d'amour Il n'y aura plus de misère Ce sera la paix sur la terre Et commenceront les beaux jours Les soldats seront troubadours Mais nous nous serons morts mon frère Mais nous nous serons morts mon frère

DELEGATIONS INTERNATIONALES DES AMIS DE FONT-SEGUGNE

ALGERIE Tewfik HADJ-SLIMANE, médecin ARGENTINE Mario DEL CUETO, universitaire BRESIL Françoise VILELA, universitaire CHINE Wei ZHENG, professeur de français ESTONIE Artur LAAST, universitaire ETATS-UNIS Alice COLBY-HALL, professeur de langues romanes GRANDE-BRETAGNE Chris ATKINSON, ancien cadre BBC ITALIE Frederi ARNEODO, professeur MOLDAVIE Olga CHIRIAC, professeur de français ROUMANIE Antónia NÉMETH, professeur SERBIE Milenko ŠMAKÌĆ, professeur SLOVAQUIE Jozef SIVÁK, ancien expert près le Conseil de l'Europe SUEDE Sven BJÖRKMAN, professeur émérite de langues romanes Henri NIGGELER, conservateur honoraire de la bibliothèque SUISSE de Lausanne UKRAINE Valérie CHECHOUR, professeur de français

© Châteauneuf de Gadagne – Œuvre originale de Jean Chapon