L'atelier XX-21 rend hommage à Jacques Fustier

Atelier XX-21 Fabrice Pierre, direction Bohuslav Matousek, violon Christophe Desjardins, alto Philippe Bourlois, accordéon José Echeveste (IRCAM), assistant suivi de partition

Robert Pascal (1952) Transparences pour flûte et harpe

Henry Fourès (1948) Il faut d’abord que je le danse…/ Dans muss Ich erstmal tanzen, pour 16 instruments avec violon principal, accordéon et piano, œuvre dédiée à Bohuslav Matousek et Jacques Fustier

Jonathan Harvey (1939-2012) Chant pour alto solo Jubilus pour alto solo et ensemble

Julia Blondeau (1986) Tesla ou l’effet d’étrangeté, création pour alto solo, ensemble et électronique en temps-réel

Sous la direction de Fabrice Pierre, l’atelier XX-21 et ses invités Bohuslav Matousek et Christophe Desjardins rendent hommage à Jacques Fustier, grande figure lyonnaise de la lutherie, disparu en 2013.

Après Transparences de Robert Pascal, qui noue un dialogue entre flûte et harpe, Il faut d'abord que je le danse…/ Dans muss Ich erstmal tanzen d’Henry Fourès, s’interroge et s’inspire de la symbolique que la danse formule, dans son énergie et sa densité. Chant et Jubilus de Jonathan Harvey, repris par son créateur Christophe Desjardins à l'alto solo, rend hommage au compositeur lui aussi disparu, en une méditation sonore extatique, tandis que Julia Blondeau, étudiante en 3e cycle, propose Tesla ou l'effet d'étrangeté, création également interprétée par Christophe Desjardins, dans laquelle le temps-réel tient une place importante, notamment grâce au suivi de partition. Elle sera pour cela accompagnée pendant le concert par José Echeveste de l'IRCAM.

Atelier XX-21

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L’atelier XX-21 est une formation pratique à la musique des XXe et XXIe siècles. Le travail en ensemble à géométrie variable permet d’approfondir aussi bien le répertoire soliste que des formations dirigées plus importantes. Des séances théoriques sur les langages et les techniques propres au développement des courants musicaux complètent le cursus. L’ensemble travaille avec des compositeurs et des interprètes spécialisés qui viennent enrichir le champ d’investigations. Dans le cadre de la saison publique du CNSMD de Lyon, l’atelier XX-21 se produit régulièrement sous forme de rencontres consacrées à un compositeur - Klaus Huber, Gérard Grisey, George Crumb, Vinko Globokar, Ivan Fedele, Peter Eötvös, Michael Jarrell, Conlon Nancarrow, Tristan Murail, Philippe Leroux, Alessandro Solbiati, Ivo Malec, Henri Pousseur, Giacinto Scelsi, Georges Aperghis, Betsy Jolas et Iannis Xenakis - mais aussi autour de thématiques. L’atelier a également participé aux festivals Agora à Paris, Why Note à Dijon, Musiques en scène à Lyon, et s’est déjà produit à la Cité de la Musique à Paris, à l’amphithéâtre de l’Opéra national de Lyon et au festival Musica à Strasbourg.

Fabrice Pierre, direction Fabrice Pierre mène une double carrière de chef d’orchestre et de harpiste, consacrant une majeure partie de ses activités à la musique de chambre et à l’enseignement. Il a étudié la harpe avec Pierre Jamet, la musique de chambre avec Christian Lardé et la direction d’orchestre avec Paul Ethuin et Franco Ferrara. En 1978, il participe comme harpiste à la première tournée de l’European Union Youth Orchestra (EUYO) que dirige Claudio Abbado et sa rencontre avec celui-ci le détermine à entreprendre une carrière de chef d’orchestre. lui propose en 1980 le poste de chef assistant de l’Ensemble InterContemporain dirigé alors par Peter Eötvös. En 1984, il remporte à l’unanimité le premier prix du concours international de harpe "Marie- Antoinette Cazala" à Gargilesse (France), enseigne la harpe au CNSMD de Lyon, à l’école Britten de Périgueux et dans de nombreuses académies internationales. En tant que chef d’orchestre, il a dirigé l’Orchestre philharmonique de Radio-France, l’Orchestre national de Lyon, l’Orchestre philharmonique de Lorraine, l’Ensemble InterContemporain, l’Ensemble Ars Nova... Depuis 1998, il assure la direction artistique de l’atelier XX-21.

Christophe Desjardins, alto Christophe Desjardins, altiste, est engagé avec constance et passion dans deux domaines complémentaires : la création, pour laquelle il est un interprète très recherché des compositeurs, et la diffusion du répertoire de son instrument auprès du plus large public. Il a créé en soliste nombre d'œuvres, de Berio, Boulez, Boesmans, Jarrell, Fedele, Nunes, Manoury, Pesson, Levinas, Harvey, Stroppa, Pintscher, Widmann, Cresta, Sebastiani et Rihm… et joue avec des orchestres comme le Concertgebouw d’Amsterdam, les NDR, WDR et SWR Sinfonie Orchestern, l’Orchestre de la Fondation Toscanini, l’Orchestre National de Lyon, l’Orchestre Symphonique Portugais et bien d’autres. D’abord alto solo au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, il a ensuite été soliste de l’Ensemble Intercontemporain durant deux décennies. Sa discographie reflète la singularité de son parcours : "Voix d’alto", consacré à et Morton Feldman, a été distingué par un Diapason d’or, 4 F de Télérama, le Choc du Monde de la Musique, le Grand Prix du Disque de l’Académie Charles Cros. Sa monographie Emmanuel Nunes et le double CD Alto/Multiples ont été unanimement salués par la critique.

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Christophe Desjardins a créé en 2007 la monumentale Partita I de Philippe Manoury, pour alto et électronique en temps réel, qui utilise la technique de captation du geste, ouvrant une nouvelle ère dans le développement des musiques mixtes. Sa discographie inclut par ailleurs plus d’une trentaine de disques réalisés au sein de l’Ensemble Intercontemporain. Maurizio Pollini fait appel à lui pour le cycle de musique de chambre Pollini Perspectives. Par ailleurs, il joue régulièrement avec Teodoro Anzellotti, accordéoniste, Daniel Ciampolini, percussionniste, et Wilhem Latchoumia, pianistes. Pour faire découvrir et percevoir autrement la musique, il crée des spectacles avec d’autres arts, poésie, danse, vidéo : Il était une fois l’alto, Alto/Multiples, Harold et son double, Chansons d’altiste, Caldo Disio. Christophe Desjardins joue un alto de Francesco Goffriller, fait à Venise vers 1730. Il a été professeur à la Hochschule de Detmold et enseigne depuis 2011 au CNSMD de Lyon.

Bohuslav Matousek, violon Bohuslav Matousek est une figure de tout premier plan de la vie musicale tchèque contemporaine. Né en 1949, il apprend le violon auprès de Zdenek Nemec, et complète ses connaissances musicales à l'Académie de musique de Prague, auprès de Jaroslav Pekelsky, puis de Vaclav Snitil. Il se distingue à de nombreuses reprises lors de concours internationaux : 1er prix d'interprétation de musique contemporaine tchèque au Concours de la Radiodiffusion, 1er prix du Concertino Praga, prix spécial du jury au Concours international de violon Tibor Varga, accompagné d'une bourse suisse qui lui permet d'étudier avec Wolfgang Schneiderhan à Lucerne, 1er prix au prestigieux Concours international de musique du Printemps de Prague. En 1977, il est premier violon au Yomiuri Nippon Symphony Orchestra de Tokyo, et travaille un vaste répertoire de concerto avec des chefs tels que Sergiu Celibidache, Kurt Masur, Zubin Mehta, Leonard Bernstein et Mstislav Rostropovitch... Entre 1980 et 1995, il est premier violon du Stamic Quartet qui enregistre plus de 60 CD et reçoit à deux reprises le Grand prix du disque Charles Cros. Concentrant son activité musicale en tant que soliste avec un répertoire allant du baroque au contemporain, il continue de s'impliquer dans la musique de chambre avec des ensembles tels que le Sextet et l'Octuor de l'Orchestre philharmonique tchèque, et joue en duo depuis 1963 avec le pianiste Petr Adamec avec qui il enregistre, entre autres, l'intégrale des œuvres de Martinu pour violon et piano, ce qui illustre son affinité exceptionnelle avec ce compositeur. Ses disques ont reçu de nombreuses distinctions, dont le Cannes Classical Award dans la catégorie musique de chambre du XXe, en 2001. Il est également un invité régulier de l'Orchestre Philharmonique tchèque et de la Fête du Printemps de Prague. Bohuslav Matousek, Médaille d'argent tant convoitée de la célèbre Fondation Martinu, est professeur de violon à l'Académie des arts musicaux de Prague et de Brno.

Philippe Bourlois, accordéon Après des études musicales entre Le Thor, Aubagne et Aix-en-Provence, Philippe Bourlois se fait rapidement remarquer lors de ses participations aux concours internationaux d’accordéon. Il a été lauréat à Klingenthal (Allemagne) et à la Confédération Internationale de l’Accordéon (Suède) avant de devenir, à 25 ans, le premier français à remporter le 1er prix du concours de Arrasate (Espagne). En solo, il propose régulièrement des récitals autour de pièces originales pour l’instrument, mais aussi d’œuvres baroques, classiques et romantiques transcrites pour accordéon de

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concert. En formation orchestrale, il se produit à l’accordéon et au bandonéon avec le Quatuor Debussy, l’Ensemble Orchestral Contemporain ainsi que les ensembles Ars Nova, GMEM, 2E2M ou encore Op. Cit. En musique de chambre, il collabore depuis 2002 avec Fabrice Bihan, violoncelliste du Quatuor Debussy. Les compositeurs Alessandro Markéas, Richard Dubugnon, Anthony Girard ou encore Jean-Philippe Collard ont dédié quelques-unes de leurs pièces à ce duo avide de créations. En 2011, ils donnent une série d’œuvres en hommage à Henry Dutilleux. Musicien polyvalent, son parcours est également lié au théâtre, à la danse et aux musiques populaires et traditionnelles. Il a donné La Servante Maîtresse de Pergolèse avec la compagnie Opéra-Théâtre d’André Fornier, adaptée pour deux chanteurs et un accordéon, La Vie Parisienne d’Offenbach, dans une version pour quatre chanteurs et un accordéon, a également travaillé avec les metteurs en scène Michel Raskine, Jean de Lacornerie, Bernard Rozet, Jacques Bonnafé,… En parallèle à son activité de concertiste, Philippe Bourlois est professeur assistant au CNSMD de Paris depuis 2003. Titulaire du Diplôme d’Etat et du grade de professeur d’enseignement artistique, il dirige également la classe d’accordéon du C.R.R. de Saint-Étienne et intervient au Pôle d’Enseignement Supérieur de Musique de Bourgogne à Dijon.

Arshia Cont et José Echeveste, assistants suivi de partition équipe MuTant (IRCAM-CNRS-INRIA) MuTant est un projet de recherche conjoint entre l'IRCAM, l'INRIA et le CNRS depuis janvier 2012, et fait partie de l'équipe Représentations musicales de l'IRCAM. Il se trouve à l'intersection de deux problèmes importants en informatique musicale : la reconnaissance en temps-réel de données musicales à partir de signaux audio (machine d'écoute) et la programmation synchrone en temps-réel, permettant le développement d'un langage informatique pour les artistes, qui puisse réagir à un environnement extérieur. Lauréat du Prix de la Recherche 2011, le langage Antescofo est un système logiciel modulaire de suivi de partition et un langage de programmation synchrone pour la composition musicale. Le module permet la reconnaissance automatique de la position dans la partition musicale ainsi que le tempo du musicien en temps réel, et permet de synchroniser une exécution musicale instrumentale avec une partition électronique générée par ordinateur. Arshia Cont (chercheur et directeur de l'Interface Recherche et Création de l'IRCAM), José Echeveste (doctorant IRCAM) et Jean-Louis Giavitto (directeur de recherche au CNRS rattaché à l'IRCAM) en sont les principaux contributeurs.

Les compositeurs et leurs œuvres

Robert Pascal Né en 1952 à Salon de Provence, Robert Pascal y reçoit ses premiers enseignements musicaux autour du violon avec Auguste Freismuth. En parallèle à des études scientifiques, il continue son apprentissage musical, en violon avec Michel Rulleau et en écriture et analyse

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avec Hélène Breuil. Il entre dès 1981 au CNSMD de Lyon dans la classe d’écriture où il reçoit l’enseignement inestimable de Raffi Ourgandjian, complété par les cours fondamentaux d’Yvette Grimaud en ethnomusicologie. Sa musique reste profondément marquée par sa rencontre avec ces deux musiciens. Il travaille aussi la direction d’orchestre avec Jean Giardino et Pierre Dervaux. Dès 1982, Robert Pascal enseigne au CNSMD de Lyon les "Bases scientifiques pour les techniques nouvelles" et les "Techniques musicales du XXe siècle", assure à la demande de Gilbert Amy, la direction artistique de "L’Atelier du XXe siècle" spécialisé dans le répertoire contemporain, puis est nommé à partir de 1999, professeur de composition. Il s’attache particulièrement à la relation entre l’interprète et la partie électroacoustique, dans leur synchronisation et leur interaction. Pour cela, il utilise des langages développés à GRAME (MIDI-Logo, MIDI-Lisp) avant de faire appel à MaxMSP pour toutes ses pièces temps-réel. Son intérêt pour la voix, particulièrement la voix féminine, explique la part importante qu'il lui consacre dans ses œuvres, ainsi que les collaborations fidèles qu’il noue avec des interprètes comme le Chœur Britten dirigé par Nicole Corti ou Résonance contemporaine dirigé par Alain Goudard.

A propos de : Transparences Cette commande de l'Etat créée en avril 1994 à la salle Molière de Lyon, par Robert Aitken et Fabrice Pierre, a été révisée en 1995.

Henry Fourès Né en 1948 à Coursan, dans l'Aude, Henry Fourès étudie l'histoire de l'art à l'Université Paul Valéry de Montpellier et la musique au CNSMD de Paris où il obtient les premiers prix d'écriture, d'analyse et de composition. Il poursuit sa formation à l'Université de Berlin en musicologie médiévale et à l'Académie de Vienne en piano. De 1975 à 1977, il est stagiaire au Groupe de recherche Musicale (INA-GRM). Professeur responsable des musiques improvisées au Conservatoire de Pantin de 1977 à 1980, il enseigne ensuite la musicologie médiévale de 1980 à 1982 à l'Université de Toulouse le Mirail. De 1988 à 1990, il initie au sein du Ministère de la Culture, le nouveau département de la Création et des Musiques d'aujourd'hui dont il assure la direction technique. Directeur artistique du studio de création La Muse en Circuit, il travaille ensuite régulièrement en Allemagne (Potsdam, Berlin, Cologne, Francfort...) où il est invité auprès de divers ensembles symphoniques et de radios. L'éclectisme de sa production de compositeur et d'interprète l'a amené à collaborer avec des créateurs d'esthétiques et d'horizons très divers. Il a réalisé des films pour la télévision, composé des musiques pour l'image, la danse et la scène, est l'auteur de nombreuses créations radiophoniques, a écrit des œuvres symphoniques, de musique de chambre, des pièces électroniques, mixtes, des œuvres vocales et conçu et réalisé des installations interactives et d'importantes manifestations événementielles. De 2000 à 2009, Henry Fourès est directeur du CNSMD de Lyon. Aujourd’hui, à ses activités de compositeur et interprète, s’agrège une mission d’enseignement au CNSMD de Paris. Ehrenmitglied de la Hochschule für musik und Theater de Hamburg, Henry Fourès est officier des Arts et Lettres, Chevalier du mérite et titulaire de la croix du Mérite Allemand (Verdienst kreuz).

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Saveurs, soleil, la musique de Fourès est extraordinairement sensuelle et élaborée. Pour ce savant pianiste, assis sur la barrière séparant le jazz du contemporain et se moquant bien des barrières, sa musique est un peu l’élixir du Révérend Père Gaucher, redistillé par un enfant illégitime de Tex Avery et de Billie Holiday qui aurait fumé du free-jazz étant petit. Caustique, rocailleux, débarrassé des scories de l’écriture, mais non des joies de l’ornementation sauvage, il touche à l’essentiel. In AFAA "La musique contemporaine en France". Prochaines créations : 15 avril 2014, Auditorium du Grand Chalon, « Flors » pour trois quatuors vocaux et percussion Nicole Corti direction Jean Geoffroy percussion 14 et 15 mai, Donaueschingen, « Correspondances » pour dispositif électronique et jongleur Dramaturgie Elisabeth Gutjahr, jonglage Jérôme Thomas

A propos de : Il faut d’abord que je le danse… "Das muss ich erstmal tanzen…" [citation de Pina Bausch]. Depuis longtemps, je cherche à transposer… L’écriture de la danse en ce qu’elle note, dessine, comme éléments symboliques, m’est sans cesse apparue au travers des diverses collaborations de travail avec les chorégraphes, (en compagnies) riches pour le compositeur d’interrogations et de sens. Ecriture du corps elle est écriture du geste, du mouvement, de sa projection, de l’énergie – lente, contenue ou fulgurante – de la densité. Dans la structuration de son déroulement, la forme est (é)prise d’espace. Ecriture de l’instable, de la fragilité de l’instant, elle interroge le temps dans l’expression même de sa rupture, comme de ce qui peut en fixer ou conduire sa mobilité et témoigne d’une pensée créatrice, visuelle, « musculaire », indépendante du langage. "Concertante", cette pièce où intervient un violon principal mais aussi le piano, l’accordéon et la percussion au sein d’un ensemble de solistes – une compagnie de musiciens – doit beaucoup aux concepts et processus d’élaboration des formes chorégraphiques. D’abord la sensation… puis, j’ai dû "composer" [Henry Fourès].

Jonathan Harvey Né dans le Warwickshire (Angleterre) en 1939, Jonathan Harvey, Docteur des universités de Glasgow et de Cambridge, étudie sur le conseil de Benjamin Britten, la composition auprès d’Erwin Stein et de Hans Keller, élèves de Schoenberg. Il se familiarise ainsi avec la technique dodécaphonique. De 1969 à 1970, il est Harkness Fellow à l'université de Princeton où sa rencontre avec Milton Babbitt influence considérablement son travail. Les nouvelles technologies, encore balbutiantes à l’époque, l’ouvrent à une dimension compositionnelle d’avant-garde : l’exploration du son. Sa rencontre avec Stockhausen est décisive car elle le guide dans son apprentissage des techniques de studio. Leurs idées convergent sur le fait que les techniques électroniques permettent de transcender les limites physiques des sources sonores traditionnelles. Ces compositeurs sont tous deux en recherche d’un rapprochement entre le rationnel et le mystique, le scientifique et l’intuitif. Au début des années quatre-vingt, Pierre Boulez invite Jonathan Harvey à travailler à l'IRCAM. Il se familiarise avec le courant spectral et le son électronique lui apparaît comme une ouverture vers les dimensions transcendantales et spirituelles. Son œuvre couvre tous les genres : opéra, musique pour chœur a capella, grand orchestre,

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orchestre de chambre et instrument soliste. Il est considéré comme l’un des compositeurs les plus imaginatifs de musique électroacoustique, reçoit des commandes du monde entier et est l’un des compositeurs d’aujourd’hui les plus fréquemment programmés. Près de deux cents représentations de ses œuvres sont données ou retransmises chaque année et environ quatre- vingts enregistrements sont disponibles sur CD. Jonathan Harvey était Docteur Honoris Causa des universités de Southampton, du Sussex, de Bristol et de Huddersfield ; il était membre de l’Académie Européenne. Il a reçu en 1993 le prestigieux prix Britten de composition, en 2007, le Prix Giga-Hertz pour l’ensemble de ses œuvres de musique électronique, et Speakings obtient le prix Prince Pierre de Monaco. Il est le premier compositeur britannique à recevoir le Grand Prix Charles-Cros [source : IRCAM].

A propos de : Chant et de Jubilus Comme souvent lors de la création artistique, des images s'entremêlent pour créer quelque chose de différent, mais porteur de vestiges. Le chant d'un moine solitaire, peut-être dans une chapelle du Mont Athos, était la trame de fond de Chant pour alto solo, courte pièce datant de 1992. Jubilus en est le développement (on passe de 3 à 14'), tout comme le plain-chant médiéval se développait par interpolations, sur certaines syllabes, dans une progression extatique des voix appelée "jubilus". A cette image du moine se mêle celle d'un monastère bouddhiste construit au sommet d'une barrière rocheuse à pic au Tibet ou en Inde du Nord. J'ai imaginé, comment, dans un tel isolement et dans cette austérité inspirant un respect craintif, un moine contemplatif se libère du désir et tombe en extase. En fait, l'alto monte graduellement du chant modal vers le chant rituel de la lignée drukpa Pluie de fleurs, pour terminer dans le registre suraigu de l'instrument. L'œuvre est dédiée à Christophe Desjardins. C'est une commande de Radio France pour le 30e anniversaire de l'ensemble L'Itinéraire [Jonathan Harvey].

Julia Blondeau Julia Blondeau (1986) s'intéresse à l'interaction entre écriture instrumentale et écriture "électroacoustique" dans un même espace d'expressivité. Ses travaux sur les espaces compositionnels tentent de donner un cadre théorique et musical à l'organisation du matériau et à ses liens aux questions temporelles et formelles. A travers la notion d'espace (topologique), elle cherche à travailler sur des notions de distance, de voisinage, de continuité/discontinuité à l'intérieur d'entités musicales de différentes échelles formant un ensemble de "territoires compositionnels". Julia Blondeau a commencé par des études de piano et de saxophone (ENM de Gap) puis d'analyse, d'écriture et de composition au CRR de Lyon dans les classes de Christophe Maudot et Stéphane Borrel. Elle entre en 2007 au CNSMD de Lyon dans les classes de Denis Lorrain et François Roux en composition option électroacoustique et informatique. Pour la pièce Soubresauts, créée pour son Master de composition, elle obtient le prix de la Fondation "Francis et Mica Salabert" 2012. Elle poursuit aujourd'hui ses études au CNSMD à travers un doctorat de composition en partenariat avec l'IRCAM (directeurs de recherche : Gérard Assayag et Alain Poirier ; composition : François Roux). Elle bénéficie en 2013 d'une bourse de Mécénat Musical Société Générale et est résidente à la Cité Internationale des Arts de Paris. Intégrée à l'équipe Représentations Musicales de l'IRCAM (Unité Mixte de Recherche du CNRS), elle est amenée à travailler avec les chercheurs Arshia

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Cont, Jean-Louis Giavitto, Jean Bresson,... etc. En 2014, elle est sélectionnée pour participer à l'Académie Manifeste 2014 de l'IRCAM ainsi que le Summer Composition Institute de Harvard. A ces occasions, elle est amenée à travailler avec Georges Aperghis, la soprano Donatienne Michel-Dansac et le percussionniste Richard Dubelski. Aux Etats-Unis, elle travaillera avec Chaya Czernowin, Hans Tutschku, Steven Kazuo Takasugi et l'ensemble new-yorkais Talea.

A propos de : Tesla ou l'effet d'étrangeté Dédié à Christophe Desjardins. Pour cette pièce, j'ai envisagé le matériau compositionnel comme un ensemble d'espaces multidimensionnels dans lesquels peuvent apparaître des particularités musicales figurées par des spécificités d'ordre topologique. En d'autres termes, il s'agissait de construire des territoires dans lesquels je puisse envisager des parcours, des sauts mais aussi toute une géographie. La pièce s'articule autour de 4 espaces, dotés d'une topologie propre. Entre chacun d'eux, se trouvent des zones interstitielles : les "Atlas" (terme emprunté ici à Georges Didi-Huberman et Aby Warburg), dans lesquels les différents espaces "prennent position" les uns par rapport aux autres. Il y a alors une juxtaposition de différentes qualités temporelles amenant une distanciation vis-à-vis de ces espaces. En parlant de la distanciation Brechtienne, Maurice Blanchot parlait d'un "effet d'étrangeté". Ces montages d'espaces sont pour moi la première esquisse d'une recherche menée sur le temps musical. Inquiète du risque de morcellement formel pouvant s'insinuer dans une pièce qui utiliserait un matériau important et relativement dense, j'ai porté une attention particulière à une certaine "directivité expressive" qui, à travers la juxtaposition et l'organisation horizontale d'entités musicales caractéristiques, figure une polyphonie qui se construit non pas directement verticalement mais dans le temps, par l'entremise mémorielle : "une dispersion qui ait trouvé sa forme" (M. Blanchot). La partie électronique (ma première incursion dans ce qu'on appelle communément le temps- réel) est totalement liée à l'instrumentiste puisque même les parties dites "de synthèse" sont générées en fonction du tempo du musicien, à "l'horizon des évènements". Instruments et électronique entretiennent alors des relations prenant tour à tour place dans les sphères de l'aura, de l'émulation, de la résonance, de l'augmentation ou encore de la survivance. Cette interaction fine n'est rendue possible que par l'émergence très récente de nouveaux outils informatiques permettant une écriture réellement unifiée de la partie instrumentale et de l'électronique. La dernière partie est libre. C'est à l'altiste lui-même de trouver son propre parcours à travers le dernier territoire. Le "climat" électronique est alors susceptible de changer, selon la région dans laquelle se trouve le voyageur.

Je tiens à remercier Christophe Desjardins pour le fabuleux travail qu'il a fait sur cette pièce, ainsi que Fabrice Pierre et les musiciens de l'atelier XX-21. Je souhaite également remercier chaleureusement les chercheurs de l'IRCAM Arshia Cont, Jean-Louis Giavitto, José Echeveste et Thomas Coffy pour leur aide, leur soutien et pour m'avoir permis d'imaginer bien des choses grâce à leur suiveur de partition Antescofo qui n'a pas fini de renouveler les possibilités d'écriture de l'électronique et de ses interactions avec "le monde des vivants" [J. Blondeau].

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