Le Technicien Propose, Le Paysan Dispose. Le Cas De L'adoption Des Systèmes De Culture Sous Couverture Végétale Au Lac Alaotra, Madagascar
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Étude originale Le technicien propose, le paysan dispose. Le cas de l'adoption des systèmes de culture sous couverture végétale au lac Alaotra, Madagascar Éric Penot1 2 Résumé Raphaël Domas ` ´ ` ´ ´ 3 A Madagascar, dans la region du lac Alaotra, les systemes de culture sous couvert vegetal Joana Fabre (SCV) ont e´te´ promus par un projet de de´veloppement pour mettre en place une agriculture 4 Sarra Poletti pluviale durable. Des enqueˆtes sur l’e´volution des pratiques agricoles et l’adoption des SCV 5 Colomban Macdowall ont montre´ l’existence d’un « cœur d’innovation » ou groupe de paysans ayant adopte´ les SCV 1 Patrick Dugue (environ 600 paysans pour 420 ha de SCV en 2010) avec un fort investissement du projet en Pierre-Yves Le Gal1 information et formation technique pendant plus de 5 ans. On observe e´galement un 1 processus de conception paysanne spontane´ que nous avons appele´ «syste`mes de culture CIRAD UMR Innovation innovants » (SCI), ne reprenant que certaines parties des e´le´ments constitutifs des SCV, pour TA C-85/15 ame´liorer les syste`mes de culture conventionnels paysans. Ainsi, la pratique de la rotation 73, rue Jean-Franc¸ois Breton raisonne´e, relativement re´cente dans cette re´gion, est la plus prise´e, suivie de l’utilisation des 34398 Montpellier Cedex 5 plantes de couverture pour le couvert du sol, mais aussi comme fourrages ou engrais vert. Par France ´ ´ < > contre, le labour reste partiellement present dans la majorite des successions SCV ou SCI, [email protected] mais pas avant tous les semis. Les obstacles majeurs a` l’adoption du paquet technique SCV <[email protected]> <[email protected]> recommande´ sont (i) la complexite´ d’un ensemble de pratiques, avec en particulier l’abandon total du labour, et (ii) le changement de paradigme pour l’agriculteur d’une vision 2 Societe Meilland a` court terme vers une vision a` long terme. Face a` telles contraintes, les paysans innovent et 42240 Unieux Rhône-Alpes cre´ent des syste`mes techniques plus souples (SCI). France Mots cle´s:adaptation ; agriculture de conservation ; innovation ; Madagascar ; semis <[email protected]> direct sous couverture ve´ge´tale ; vulgarisation agricole. 3 INRA Laboratoire de recherche sur le The`mes : productions ve´ge´tales. developpement de l'elevage (LRDE) Quartier Grossetti 20250 Corte Abstract Corse The technician proposes, the farmer disposes. The adoption of Conservation France <[email protected]> Agriculture (CA) in the lake Alaotra region, Madagascar 4 CIRAD Conservation agriculture (CA) has been promoted in the Lake Alaotra region, Madagascar, UPR HORTSYS to implement upland rainfed diversified cropping systems, locally adapted for regular and Station de Bassin Plat sustainable production. Surveys on the evolution of agricultural practices and the impact of BP 180 CA adoption show the existence of a ‘‘heart’’ or group of farmers who have adopted CA 97455 Saint-Pierre Cedex (600 for 420 ha in 2010) and a large dissemination of intermediate practices or ICS La Reunion France (‘‘Innovative Cropping Systems’’ as we qualify them). If CA stricto sensu is actually adopted <[email protected]> by a limited number of farmers in the project area, with a strong investment in information and extension for over 3 years, the majority of farmers adopt some techniques from CA (but 5 Traffic International (Conservation program) not the whole package) to improve their conventional cropping systems, creating a 12, Birch Close continuum between CA and conventional systems. Hence, among the three principles of Cambridge CA, the practice of rational crop rotation (a relatively new practice locally) is the most CD4 1XN popular, followed by the use of cover crops as fodder or green manure. Tillage remains Royaume-Uni partially used. The major obstacles for CA adoption seem to be a complex technical < > [email protected] pathway and the paradigm shift from a short-term to a long-term vision of agriculture. Facing such constraints, farmers innovate and create more flexible cropping patterns (ICS). Pour citer cet article : Penot É, Domas R, Fabre J, Poletti S, Macdowall C, Dugué P, Le Gal PY,2015. Tirés à part : &. Penot Le technicien propose, le paysan dispose. Le cas de l'adoption des systèmes de culture sous couverture végétale au lac Alaotra, Madagascar. Cah Agric 24 : 84-92. doi : 10.1684/agr.2015.0745 doi: 10.1684/agr.2015.0745 84 Cah Agric, vol. 24, n8 2, mars-avril 2015 Key words: adaptation; conservation agriculture; direct sowing under mulch; Madagascar; agricultural extension; innovation. Subjects: vegetal productions. accroissement de la production place qu’ils occupent dans les diffe´- ensuite. A` partir de 2007, une appro- 'agricole pluviale et le maintien rents types d’exploitations, ainsi qu’aux che « exploitation » a e´te´ mise en L des capacite´s productives des strate´gies et aux pratiques des agricul- œuvre. Elle repose sur l’e´tablissement agrosyste`mes constituent les grands teurs vis-a`-vis de cette innovation. d’un plan pre´visionnel annuel d’adop- enjeux des agricultures familiales tion des innovations par l’agriculteur d’Afrique et de Madagascar et la prise en compte par le vulgari- (Coughenour et al., 2000). Ces objectifs Contexte sateur de la diversite´ des parcelles pourraient eˆtre atteints par la mise en selon les unite´s de paysage et les œuvre a` grande e´chelle des principes La re´gion du lac Alaotra est l’une des strate´gies des producteurs. Le dou- de l’agriculture de conservation (AC) principales zones rizicoles exce´den- blement du prix des engrais en 2008 a tels que de´finis par la FAO1,etdont taires de Madagascar avec plus de quasiment stoppe´ le de´veloppement e´manent les syste`mes de culture sous 110 000 ha de rizie`res (dont 40 000 ha de SCV semi-intensifs avec utilisation couvert ve´ge´tal (SCV) (Tittonell et al., bien irrigue´s et 70 000 ha a` maıˆtrise d’engrais. Depuis cette date, tous les 2012). Ces syste`mes combinent les partielle de l’eau) et plus de 30 000 ha syste`mes pre´conise´s ou adopte´sne effets du non-labour, de l’usage de de tanety, zones de colline en agri- recourent quasiment plus a` l’engrais. plantes de couverture et de la rotation culture pluviale (riz pluvial, maı¨s, Par contre, les herbicides peu chers a` des cultures. Ils requie`rent un investis- arachide, manioc, etc.) (Deve`ze, base de 2-4-D sont utilise´s par la sement a` moyen terme dans le capital 2007). Un doublement de la popula- majorite´ des paysans encadre´s par le sol, du fait du recours aux fertilisants et tion tous les 18 ans conduit a` une projet sur leurs parcelles de ce´re´ales aux herbicides en quantite´ importante, saturation foncie`re importante sur les SCV, comme ils le sont par ailleurs au moins les premie`res anne´es. Compa- zones irrigables et a` une forte pression aussi sur les syste`mes conventionnels re´sa` la culture pluviale conventionnelle sur les ressources naturelles. Les depuis les anne´es 1990. base´e sur le travail du sol, l’adoption des meilleures terres, rizie`res et baiboho SCV correspond pour l’agriculteur a` un (zones colluviales exonde´es au pied changement de paradigme important et des tanety) sont de´ja` totalement mises a` une nouvelle fac¸on de concevoir son en culture. L’expansion des surfaces Méthodologie me´tier (Penot et Andriatsitohaina, cultive´es se fait donc en agriculture 2011). Le labour et la mobilisation des pluviale, sur les tanety tre`s sensibles a` L’e´tude concerne la zone Nord-Est (NE) attelages permettent a` l’agriculteur de l’e´rosion, aux sols peu fertiles et et les valle´es du Sud-Est (VSE) autour montrer qu’il est capable de disposer de soumis aux ale´as pluviome´triques – du lac Alaotra (figure 1), du fait de champs propres avant semis, et d’inves- entre 460 et 1 600 mm/an ces vingt l’adoption diffe´rencie´e des syste`mes tir et d’entretenir du mate´riel et des dernie`res anne´es (Domas et al., 2009). SCV dans ces zones. Elle est base´esur animaux de trait (Bourrigaud et Sigaut, Dans un tel contexte de de´gradation trois enqueˆtes successives. L’enqueˆte 2006). Par leurs caracte´ristiques de des sols de tanety (Blanc Pamard et n8 1, re´alise´e en 2010, concerne l’e´va- base, les SCV constituent une innova- Rakoto Ramiarantsoa, 2003), des pro- luation technico-e´conomique de tion complexe, dont l’adoption requiert grammes de recherche et un projet de l’adoption des SCV dans 60 exploita- des formes de vulgarisation base´es sur de´veloppement (projet pilote BV-Lac tions encadre´es par le projet, et plus le partenariat et le renforcement des finance´ par l’Agence franc¸aise de particulie`rement la place occupe´e par compe´tences des producteurs, combi- de´veloppement - AFD) ont promu les SCV depuis 2008 (109 parcelles). ne´sa` d’autres services agricoles adapte´s les SCV dans un contexte ou` la mise en L’enqueˆte n8 2ae´te´ re´alise´een2011sur comme l’approvisionnement et le cre´dit culture des tanety ae´te´ progressive. La 30 exploitations ge´ographiquement pro- (Faure et al., 2013). vulgarisation a` large e´chelle des SCV, ches de celles de l’e´chantillon pre´ce´dent, Les objectifs des SCV ont e´te´ maintes commence´e en 2003 avec BV-Lac, dont quelques-unes jamais encadre´es fois re´pertorie´s(Scopel et al., 2012), de repose sur une large gamme de par le projet et d’autres, devenues auto- meˆme que les contraintes a` leur syste`mes adapte´s aux diffe´rentes uni- nomes, qui n’entretiennent plus de adoption dans diffe´rents pays d’Afrique te´s de paysage (tableau 1).