NUMÉRO 25 MAI - JUIN 2017 LETTRE 3AF Le bulletin de la société savante Association Aéronautique Astronautique de France de l’Aéronautique et de l’Espace

INTERVIEW DE FRANÇOIS DE LA FONTAINE, DIRECTEUR DE L’USINE DU FUTUR AU GROUPE SAFRAN

ENJEUX ET FUTUR DE LES NOUVEAUX RADARS JOURNÉE « MATÉRIAUX INTERVIEW DE MARC L’AVIATION D’AFFAIRES À ANTENNE ACTIVE À THERMOSTRUCTURAUX » HOUALLA, DIRECTEUR DE BALAYAGE ÉLECTRONIQUE L’ÉCOLE NATIONALE DE L’AVIATION CIVILE (ENAC) NUMÉRO 25 MAI - JUIN 2017 TABLE DES MATIÈRES

3 ÉDITORIAL – MESSAGE DU PRÉSIDENT

INTERVIEW DE PERSONNALITÉ 4 Interview de François de la Fontaine (Safran) sur l’usine du futur par Jean-Pierre Sanfourche

POINTS DE VUE 9 ENJEUX ET FUTUR DE L’AVIATION D’AFFAIRES Bruno Stoufflet, Chief Technology Officer Dassault Aviation 12 COLLOQUE DE LA CONFÉDÉRATION AMICALE DES INGÉNIEURS DE L’ARMEMENT (CAIA) Maurice Desmoulière, Commission Stratégie et Affaires Internationales

ACTUALITÉS 15 RETOUR SUR TERRE DE THOMAS PESQUET

ÉDITEUR Association Aéronautique SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES et Astronautique de France 16 LES NOUVEAUX RADARS À ANTENNE ACTIVE À BALAYAGE 6, rue Galilée, 75116 Paris ÉLECTRONIQUE (AESA) POUR L’IAMD (INTEGRATED AIR AND Tél. : 01 56 64 12 30 MISSILE DEFENSE). [email protected] Luc Dini- Co-président de la conférence 3AF IAMD - Directeur IAMD au sein des activités air operations and weapons systems de Thales. DIRECTEUR DE LA 19 JOURNÉE « MATÉRIAUX THERMOSTRUCTURAUX » DU 23 MARS PUBLICATION 2017 Michel Scheller Xavier Aubard, Safran/IRT Saint Exupéry, membre de la commission Matériaux 3AF 20 UN ACCÈS À TOUT L’ONERA EN RÉGION OCCITANIE CONSEILLER ÉDITORIAL Dominique Le Quéau (ONERA) Jean-Pierre Sanfourche

RÉDACTEUR EN CHEF FORMATION ET CARRIÈRES Bruno Chanetz 22 INTERVIEW DE MARC HOUALLA, DIRECTEUR DE L’ÉCOLE NATIONALE DE L’AVIATION CIVILE (ENAC) COMITÉ DE RÉDACTION Jean-Pierre Sanfourche Bernard Vivier 26 CAP SUR LE MÉTIER DE PILOTE DE LIGNE… Arnaud Dini, membre 3AF Pierre-Guy Amand Pierre Bescond Elisabeth Dallo CULTURE Jean Délery 29 LA CITÉ DE L’ESPACE. POUR SES 20 ANS : DÉVELOPPEMENT ET Pierre Froment INTERNATIONAL Jean-Yves Guédou Olivier Sanguy, Cité de l’espace Paul Kuentzmann 33 1927-2017 : ANNIVERSAIRE DES 90 ANS DE LA LIAISON AÉRIENNE Jean Tensi NEW YORK- PARIS ET AUSSI DE LA PREMIÈRE LIAISON PARIS Anne Venables CONTINENT NORD AMÉRICAIN Bernard Decré, pilote et enquêteur amateur, membre de la Commission 3AF Histoire CONCEPTION GRAPHIQUE 34 DÉCOUVERTE ! L’HYDRAVION NUNGESSER ICI LA LUNE Philippe Jung, Président de le Commission Histoire www.icilalune.com

Droit de reproduction, textes 36 PARMI LES PROCHAINS ÉVÉNEMENTS 3AF et illustrations réservés pour tous pays.

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 ÉDITORIAL

Cette Lettre reflète la couleur rose, qu’à certaines heures futur », permet également de prendre la mesure des la brique confère à Toulouse. La capitale de la nouvelle transformations qui s’annoncent dans la fabrication. région « Occitanie » est aussi celle en France de l’aéronau- tique. Toulouse fête cette année les vingt ans de la Cité Nul autre domaine technologique n’aura connu un de l’air et de l’espace. En marge de cet anniversaire, la engouement aussi constant que l’aéronautique, si ce n’est Lettre publie un article sur l’ONERA, doublement présent le spatial, qui le prolonge. Déjà en 1909, 100 000 visiteurs en Occitanie, à Toulouse même et dans son centre d’essai étaient venus admirer les innovations des 380 exposants du Fauga-Mauzac. Une interview du directeur de l’Ecole présents au Grand Palais pour le premier salon de l’aéro- Nationale de l’Aviation Civile Marc Houallah complète ce nautique. Ce salon, définitivement installé au Bourget à dossier toulousain en mettant l’accent sur le pilotage. partir de 1953, compte désormais plus de 2000 exposants.

Un autre article donne le point de vue d’un jeune pilote. Il L’espace nous fait rêver et plus spécialement depuis six est en effet important pour une société savante de revenir mois, que le passager français de la station spatiale inter- sur ce qui est à la fois le point de départ et l’aboutissement nationale a fait redécouvrir à notre pays le plus grand des des recherches aéronautiques. Ce sont bien les problèmes objets artificiels placés en orbite terrestre : l’ISS, habité de pilotage, rencontrés par les pionniers de l’aviation qui en permanence depuis 17 ans. Son hôte récent Thomas ont motivé les premières souffleries et les recherches Pesquet a suscité un renouveau d’intérêt médiatique pour associées. l’espace, dont quelques esprits chagrins s’offusquent. L’article qui ouvre notre nouvelle rubrique « actualités », En ce mois de juin qui voit une nouvelle édition du nous montre au contraire tout l’intérêt de cette mission. salon international de l’aéronautique de l’espace de Paris-Le Bourget, dont la première manifestation, dite de Passant le week-end de l’Ascension en famille dans le « locomotion aérienne » au Grand Palais remonte à 1909, Luberon, nous ne manquions pas d’observer tous les soirs nous rendons hommage à ces précurseurs en consacrant le ciel étoilé de Provence, téléphone portable en main un article à l’aventure de Nungesser et Coli et un autre pour savoir à la verticale de quel lieu « il » apparaissait et à l’hydravion Nungesser. L’histoire est toujours très disparaissait à nos yeux. En l’espace de quelques minutes, présente dans nos grandes sociétés industrielles. Le nom « il » parcourait ainsi, suivant les soirs, une portion de du site ultra-moderne d’assemblage toulousain d’Airbus : terre allant du Maroc ou du Portugal à la Pologne ou à « Clément Ader » renvoie à cet ingénieur français. Si la la Roumanie, avec « sa hâte de s’en aller qui faisait de paternité du premier vol du « plus lourd que l’air » lui est sa visite une apparition » comme l’a si joliment écrit contestée, il reste en revanche à l’origine d’un mot, qui le Alphonse Daudet dans les « Etoiles ». ■ préserve de l’oubli des siècles : avion ! Bruno Chanetz De la « chauve-souris » de Clément Ader aux futurs Rédacteur en Chef « business jets », dont Bruno Stoufflet trace les contours, que de chemin parcouru. L’interview de François de la Fontaine par Jean-Pierre Sanfourche sur « l’usine du

LE MESSAGE DU PRÉSIDENT

Le 19 juin, l’industrie aéronautique et spatiale du monde répondre aux besoins des clients, compagnies aériennes entier se retrouve au Bourget pour le 52e salon interna- et passagers, et de poursuivre ses efforts au bénéfice d’une tional de l’aéronautique et de l’espace. Cette industrie y industrie à la pointe du développement durable et de la sera pour initier ou finaliser des contrats commerciaux transition écologique. qui font la une des médias pendant une semaine. Mais elle y est aussi présente pour montrer les progrès et les Mais le salon du Bourget a aussi cette particularité avancées considérables de ce secteur dans l’innovation d’être le rendez vous du public, des passionnés, de ceux technologique. qui regardent toujours et encore l’aviation avec les yeux émerveillés de nos anciens, de ceux qui ont été les Ces innovations, fruit de la recherche financée par les premiers à «oser». entreprises, mais à laquelle il est indispensable que l’État continue de participer, doivent permettre d’améliorer C’est aussi pour ces raisons que 3AF sera présente, cette les performances techniques de ce secteur industriel, de année encore, au Salon du Bourget (hall Avions des

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 3 LE MESSAGE DU PRÉSIDENT

métiers-Formation A 05). 3AF réunit des experts des encouragés par leur hiérarchie, aux jeunes retraités de secteurs aéronautique et spatial pour conduire une venir donner de leur savoir et de leur temps. réflexion collective et savante et contribuer à consolider l’industrie aérospatiale de demain. Mais 3AF est avant tout Un flyer et un livret de membre nous permettront de le lieu d’échanges de ceux qui partagent cette PASSION, la développer notre communication et vous, chacun des passion de l’aviation civile et de la filière spatiale. Depuis membres, y contribuerez à la mesure de vos moyens, ceux les jeunes qui envisagent de poursuivre leurs études dans de la conviction et de la passion qui vous animent. ce secteur, jusqu’aux retraités qui y ont fait leur carrière, en passant par les actifs qui œuvrent au quotidien pour Et, avant de vous rendre au salon, lisez ce numéro de la cette industrie, 3AF les accueille et les réunit. Lettre, dans lequel plusieurs articles nous replacent au sein de cette merveilleuse cité internationale de l’aéro- La Passion est le maître mot du nouveau plan stratégique nautique et du spatial, Toulouse. ■ de 3AF qui doit permettre de rendre notre association encore plus attractive, de permettre aux étudiants et Michel Scheller, aux jeunes de disposer de l’information sur les métiers Président de la 3AF de l’aérospatial, aux actifs de participer aux travaux

INTERVIEW DE PERSONNALITÉ FRANÇOIS DE LA FONTAINE, DIRECTEUR DE L’USINE DU FUTUR AU GROUPE SAFRAN par Jean-Pierre Sanfourche, Chargé de Mission à la 3AF

Jean-Pierre Sanfourche : Comment de la réalité augmentée 1 (Figure 3), pourriez-vous résumer les grands etc. Autant d’exemples déjà en cours enjeux de la transformation digitale de déploiement au sein du Groupe. du Groupe Safran? Preuves de l’excellence de Safran dans ce domaine : la chaîne de montage François de la Fontaine - La transfor- du nouveau turboréacteur LEAP mation digitale de Safran comporte (Leading Edge Aviation Propulsion) de trois volets : la digitalisation de ses Safran Aircraft Engines à Villaroche usines, c’est-à-dire l’axe « Usine du et la nouvelle ligne de fabrication de Futur », la digitalisation des services pales de turbine de Safran Helicopter et produits, et un volet « Office ». Engines à Bordes ont été labellisées • L’axe « Usine du Futur » vise « Vitrine de l’industrie du futur » par l’amélioration de la performance l’Alliance Industrie du Futur 2 et le grâce à la modernisation des usines : gouvernement français. réduction des cycles de mise en • Le deuxième axe concerne l’amé- François de la Fontaine est diplômé oeuvre grâce à la réalité virtuelle lioration, grâce à leur digitalisation, de l’ICAM (promotion 1986). Il (Figures 1 et 2), meilleure gestion de la des produits et des services proposés débute sa carrière chez Snecma à non-qualité grâce aux capteurs situés par le Groupe à ses clients. Le Big Data Corbeil en 1987. En 2007 il devient sur les machines et à l’analyse des permet par exemple de faire de la Directeur de Production et d’Eta- données de production, utilisation maintenance prédictive, c’est-à-dire blissement de l’usine de Messier- Bugatti-Dowty à Bidos . En 2012 il 1 La Réalité augmentée est la superposition de la réalité et d’éléments (sons, images 2D, est nommé Directeur Stratégie et images 3D, vidéos) calculés en temps réel. Marques Industrielles de Turbomeca 2 L’Alliance Industrie du Futur est une association Loi de 1901 qui rassemble et met en à Bordes. Le 1er septembre 2016 il est mouvement les compétences et les énergies d’organisations professionnelles, d’acteurs nommé Directeur «Usine du Futur» scientifiques et académiques, d’entreprises et de collectivités territoriales (notamment au sein du Groupe Safran, chargé de les régions), en vue d’assurer le déploiement du Plan « Industrie du Futur ». Objectif : la digitalisation des usines. transformer le modèle industriel par le numérique.

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 4 INTERVIEW DE PERSONNALITÉ FRANÇOIS DE LA FONTAINE, DIRECTEUR DE L’USINE DU FUTUR AU GROUPE SAFRAN

de pouvoir connaître en temps réel l’état d’une pièce grâce présent ? aux informations envoyées par les capteurs. Cela permet de planifier les opérations de maintenance nécessaires au FdlF - Oui, il s’agit entre autres d’approches du type : moment opportun, et donc de limiter les temps d’immo- • Magic (Management et Gestion de l’Innovation Colla- bilisation au sol des appareils et de réduire les risques de borative) ; panne. Mais pour que la maintenance prédictive puisse • Open Innovation ; être réalisée de manière efficace, il faut qu’il y ait une • Crowdsourcing. continuité numérique entre les différents logiciels utilisés par tous les acteurs le long de la chaîne d’informations. JPS : Plus précisément, comment définissez-vous les Car si l’outil permettant de récolter les données sur un objectifs de votre projet USINE DU FUTUR? équipement n’est pas compatible avec celui permettant d’analyser à distance l’état d’une flotte, alors les informa- FdlF - Les évolutions des technologies sont en route dans tions seront moins pertinentes. Maîtriser la continuité de nombreux domaines qui concernent nos usines : les numérique est une brique essentielle pour la réussite de techniques de production, les techniques de simulation, la digitalisation de Safran. les techniques de fabrication et de contrôle, les techniques • Le troisième axe, appelé « Office », a pour objectif appliquées à la Supply Chain, les techniques de formation. de faire croître la part du digital au sein des fonctions Dans un contexte de la montée en cadence de nos supports et des métiers hors production : développe- productions de produits tels que le LEAP ou des trains ment d’applications Safran pour smartphones, signature d’atterrissage de l’A320neo, du B787 et de l’A350, l’enjeu est électronique, projet Ariba 3, etc. Autant de projets de quadruple : modernisation pour faciliter le quotidien de l’ensemble 1. Satisfaction encore accrue de nos clients sur les délais des collaborateurs du Groupe. et modes de livraisons et sur la qualité des productions qui se compte en ppm (part pour million) et non plus en % JPS : Je suppose que vous englobez non seulement les (comme dans l’automobile). technologies de production mais aussi la gestion de 2. Faire évoluer les compétences de nos personnels pour projet, notamment la gestion de projets sur réseaux ? accompagner et réussir la mise en œuvre de ces nouveaux modes de fonctionnement. FdlF - L’enjeu est l’amélioration de la performance opéra- 3. Amélioration de la productivité avec l’émergence de tionnelle. Donc les points d’entrée, ce sont les lignes de techniques nouvelles et un mode de fonctionnement produits et les investissements qui s’y rattachent. plus automatisé de nos moyens de productions les plus • Environ 50 lignes de produits – quelque 25 sites – de engagés. l’ordre de 500 M€ d’investissements. 4. Amélioration de l’agilité, c’est-à-dire réduction des • Chaque ligne de produit fait l’objet d’un plan de cycles et des stocks pour répondre aux variations intrin- déploiement selon une logique similaire à celle du sèques de la demande des clients. déploiement d’un programme de produit nouveau (9 jalons). JPS : Impression 3D, Plateforme collaborative virtuelle, • Chaque technologie fait l’objet d’un plan de maturation ALM (Additive Layer Manufacturing) - IoT (Internet selon une approche TRL (Technology Readiness Level) – MRL des Objets) : comment ces composantes majeures de la (Manufacturing Readiness Level) – Hi RL (Human interven- «révolution numérique» s’insèrent-elles dans l’usine tion Readiness Level). digitale que vous préparez ? • Un référentiel projet – Une équipe projet (10 Corporate – 15 chefs de projets société) – 6 thèmes tronc commun – 5 FdlF - Comme mentionné plus haut, les technologies inter- thèmes « métier » et 4 thèmes « techno » mettant en jeu viennent en support de l’amélioration de la performance entre 15 et 20 technologies. SQCD (Sécurité, Qualité, Coûts, Délais). En fonction de • Des équipes « projet » dans les sociétés. la nature des produits, les technologies contribuent • Tout cela représente environ 250 personnes. L’outil de fortement bien sûr à la réalisation des objectifs (« cibles ») gestion de projet sera collaboratif et partagé : Obeya 4. Il est techniques. en cours de mise en place. JPS : Pourrait-on passer en revue quelques-unes JPS : Le concept d’innovation technologique grâce au Big des avancées décisives que vous visez dans les secteurs Data et aux réseaux d’intelligence collective est-il aussi suivants : le dopage des outils de production grâce à la

3 Ariba : centre d’expertise pour la transformation des processus d’approvisionnement. 4 Obeya : outil qui permet de visualiser les pratiques collaboratives à l’aide d’écrans tactiles et salles virtuelles/tableaux de management interactifs.

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 5 INTERVIEW DE PERSONNALITÉ FRANÇOIS DE LA FONTAINE, DIRECTEUR DE L’USINE DU FUTUR AU GROUPE SAFRAN

transmission numérique ; la surveillance et le contrôle LA TRANSFORMATION DIGITALE : UN ENJEU STRATÉGIQUE des machines avec des architectures d’automatismes POUR SAFRAN simplifiées ; les processus de maintenance allégés ; la La transformation digitale de Safran est un des enjeux plus grande flexibilité de production (Multi Product stratégiques du Groupe au service de ses métiers et de Line) ? la création de valeur. Mieux connaître ses marchés, ses clients et l’utilisation de ses produits afin d’anticiper les FdlF – Je vois essentiellement quatre types d’avancées besoins émergents et y répondre grâce à des processus plutôt orientées « machines à commande numérique », optimisés sont les principaux chantiers de la transforma- comme le sous-tend votre question : tion digitale dans laquelle Safran est d’ores et déjà engagé • La revue du processus opératoire et l’alignement sur pour améliorer à la fois sa performance et sa compétiti- un « golden » standard. vité. • Le close door machining. • La supervision. TROIS RUPTURES TECHNOLOGIQUES • La maintenance prédictive. Safran a identifié trois ruptures technologiques majeures au service de la performance opérationnelle dont la JPS : Comment le Groupe Safran coopère-t-il avec des maîtrise est indispensable à la réussite de sa digitalisa- grands groupes aérospatiaux français et étrangers dans tion : ce vaste chantier de la Révolution Numérique ? 1. le traitement de la donnée (Data) qui conduit à l’intel- ligence artificielle, via la connectivité des machines, FdlF - Safran collabore avec d’autres industriels de France l’utilisation du cloud et la dynamisation des échanges en dans Factory Lab 5, un consortium d’industriels (3DS - réseaux ; Actemium – DCNS – Safran – Technip – BV – PSA – des 2. la simulation des procédés, des flux, et la numérisa- PME) – des institutions académiques (les ENSAM) – des tion des lignes de produits et des usines ; organismes de recherche (CEA – CETIM) – et aussi des 3. l’évolution des technologies (contrôle – fabrication Start Up innovantes « Technology Providers ». additive – etc.). Les grands thèmes que nous traitons sont au nombre de quatre : L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE • T1 : Usine digitale flexible ; L’intelligence artificielle concerne d’abord les outils de • T2 : Assistance physique à l’opérateur ; production. Désormais les machines vont être de plus en • T3 : Automatisation de procédé et de contrôle ; plus capables de s’adapter aux évènements opérationnels, • T4 : Assistance cognitive à l’opérateur. ce qui amène à repenser les systèmes industriels dans leur ensemble, ainsi que la relation entre l’opérateur et la Nous sommes par ailleurs en étroite liaison avec la chaîne machine : c’est toute la productivité des usines qui peut des « TRL (Technology Readiness Level) Pôles de compétiti- être améliorée. La connectivité des objets est une autre vité ». rupture technologique. Connectés aux systèmes d’infor- mations, les objets fournissent des données temps réels. JPS : Quand votre planning « Usine du Futur Safran » Associée au Cloud 6, elle permet de stocker, de partager va-t-il effectivement démarrer ? toutes ces données aussi de les analyser et enfin d’utiliser ces données. FdlF – Cadrage à partir de mars – Lancement en octobre 2017. LA SIMULATION ET LA NUMÉRISATION La simulation et la numérisation permet d’anticiper les JPS : Comment pourriez-vous résumer les grands espoirs situations industrielles, techniques et services avant de que vous formez dans la Révolution Numérique dans le les mettre en œuvre d’où un gain de temps et de cycle pour Groupe Safran ? une meilleure réactivité.

FdlF – Je vais être assez précis pour répondre le mieux L’ÉVOLUTION DES TECHNOLOGIES possible à votre question. L’évolution des technologies permet d’aborder d’une manière différente la réalisation des produits et des services couplée à la maitrise de la donnée numérisée

5 Factory Lab : plateforme d’innovation pour l’industrie du futur. Objectif : intégrer plus vite les technologies nouvelles dans les sites de production. Le CEA Saclay a inauguré le Factory Lab le 28/9/2016. 6 Cloud Microsoft (« informatique en nuage ») : un logiciel sur mesure pour chaque entreprise. Principe : exploitation de la puissance de calcul et de stockage de serveurs informatiques distants par l’intermédiaire du réseau Internet.

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 6 INTERVIEW DE PERSONNALITÉ FRANÇOIS DE LA FONTAINE, DIRECTEUR DE L’USINE DU FUTUR AU GROUPE SAFRAN

dans les conditions mentionnées ci-dessus au service du méthode agile de travail en équipe pluridisciplinaires, la client et de la production. Ces trois ruptures technolo- conduite de changement nécessaire pour le manageur et giques nous amènent à équiper différemment nos usines l’organisation de l’entreprise (décloisonnement). et à avoir des interactions /interfaces différentes avec nos équipements. Les équipements ne sont pas fondamenta- Pour réussir cette Transformation Digitale, le Groupe lement différents de ce qu’ils étaient jusqu’ici. Le digital doit identifier, parmi les technologies digitales qui a plutôt modifié la relation aux hommes qui l’utilisent et apparaissent, celles qui sont susceptibles d’être sources de qui restent au cœur du dispositif. valeurs une fois adaptées à son outil industriel. ■

Et voilà pourquoi, afin de les intégrer au mieux, notre stratégie de digitalisation s’articule autour des trois axes : • Produits et Services ; • Usine du Futur ; • Office.

JPS : Pour conclure notre entretien, il serait intéressant de résumer les changements majeurs qu’entraîne la transformation digitale.

FdlF - La transformation digitale se traduit par des changements majeurs dans quatre domaines : • La transformation dans le business, par la mise à disposition des « informations » dans l’entreprise étendue (l’entreprise et sa supply chain) depuis le développement en passant par l’industrialisation, par la production et Figure 1. Salle de réalité virtuelle chez Safran Nacelles : jusqu’aux services apportés à nos clients. On y retrouve simulation d’opérations de maintenance et d’accessibilité. des thèmes tels que l’intelligence artificielle, la continuité ©Adrien Daste/Safran numérique, le digital Twin 7, l’industrie 4.0 8, l’Internet des objets, l’usine du futur, les nouveaux services du type maintenance prédictive, software as a service via la connectivité des machines, l’utilisation du Cloud et la dynamisation des échanges en réseaux. • La transformation de l’IT pour permettre l’accès aux données, le traitement en temps réel de ces données, l’analyse (Big Data et Analytics) et la restitution agile de l’information pertinente aux opérations. On y retrouve des thèmes tels que le Cloud, les objets connectés, les dévelop- pements agiles, la cybersécurité. • La transformation de l’interface entre la personne et le système ; il s’agit là des « devices » permettant la mobilité, la représentation virtuelle : smartphone, tablettes, PC, lunette de réalité virtuelle… permettant l’accès au système à tout moment et de quelque endroit de façon sécurisée. L’évolution des technologies permet l’application de nouveaux procédés (contrôle sans contact, fabrication additive, closed door machining, cobotique, robotique…). Figure 2. Salle de réalité virtuelle chez Safran/Nacelles : La transformation culturelle qui passe par le développe- simulation d’opérations de maintenance et d’accessibilité. ment de compétences digitales pour tous, l’adoption de ©Adrien Daste/Safran (2)

7 Digital Twin : modèle dynamique qui analyse des données connectées grâce à des capteurs et qui permettent d’en avoir une vue en temps réel. 8 Industrie 4.0. : concept qui correspond à une nouvelle façon d’organiser les moyens de production, l’objectif étant la mise en place d’usines dites intelligentes (smart factories) capables d’une grande adaptabilité. Il s’agit de la numérisation de l’usine, les industriels devant désormais combiner le monde réel et le monde virtuel.

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 7 INTERVIEW DE PERSONNALITÉ FRANÇOIS DE LA FONTAINE, DIRECTEUR DE L’USINE DU FUTUR AU GROUPE SAFRAN

trielle de son système de production afin de renforcer sa position stratégique sur le long terme. A ce titre l’implica- tion de Safran sur les thématiques de l’industrie du futur est essentielle.

Les évolutions des technologies sont en cours dans de nombreux domaines qui concernent nos usines : les techniques de production, les techniques de simulation, les techniques de fabrication et de contrôle, les techniques de la supply chain, les techniques de formation.

LABEL VITRINE DE L’INDUSTRIE DU FUTUR – LIGNES DE MONTAGE DU LEAP Figure 3. Réalité augmentée qui permet qui permet de En octobre 2016, l’Alliance Industrie du futur et le gouver- guider les opératrices dans l’insertion des câbles dans les nement français ont décerné le label Vitrine de l’industrie connecteurs. du futur aux pulse lines de Safran Aircraft Engines à ©Pierre Soissons/Safran Villaroche (Figure 4). Ces deux pulse lines, ou lignes de production pulsées, permettent d’assembler les trois versions du moteur LEAP (-1A, -1B et -1C) ; elles auront à terme une capacité de 500 moteurs par an chacune. La première est opérationnelle depuis plusieurs mois. Les pulse lines intègrent de nombreuses innovations comme la rotation des moteurs sur leur axe horizontal (brevet exclusif Safran) et sa gestion via des écrans tactiles, les systèmes de réalité augmentée ou encore les outils connectés.

LABEL VITRINE DE L’INDUSTRIE DU FUTUR – LIGNES D’USINAGE DES PALES DE TURBINE SAFRAN HELICOPTER ENGINES Figure 4. Montage assisté par ordinateur sur la Pulse Line L’Alliance Industrie du futur a également distingué la LEAP à Villaroche. nouvelle ligne de fabrication de pales de turbine de Safran ©Cyril Abad/CAPA pictures/Safran Helicopter Engines pour son approche systémique d’amé- lioration de la production et les perspectives de développe- ment importantes. Cette « ligne du futur » située à Bordes USINE DU FUTUR (Nouvelle Aquitaine) fabriquera l’ensemble des pales de turbine de Safran Helicopter Engines. D’une surface de Fortement ancré en France, où il concentre près de 60 % 900 m², cette ligne de production automatisée est dotée de ses effectifs et le cœur stratégique de ses activités de de plusieurs robots et de cellules intégrées de fabrication recherche et de production, le Groupe vise l’excellence permettant de réaliser l’ensemble des opérations de trans- industrielle. En 2016, Safran a consacré 704 millions formation (usinages, revêtements, contrôles, traitement d’Euros à ses investissements industriels, dont 483 thermique) permettant, à partir d’un brut de fonderie, millions en France. Le Groupe compte quelque 30 000 d’aboutir à une pièce finie prête à être intégrée au reste du emplois industriels dans le monde, dont plus de 15 000 moteur, à travers des flux optimisés. en France. Ces effectifs devraient rester stables. Cette démarche d’ancrage de l’excellence industrielle en France Les opérateurs ont été formés localement afin d’adapter implique également la chaîne de fournisseurs avec leur compétence à l’utilisation de ce nouvel outil de des partenariats stratégiques : Aubert & Duval dans le travail. Le temps de fabrication d’une pale de turbine est domaine des matériaux, Mecachrome dans le domaine ainsi divisé par deux. Il assure également la pérennisa- des pièces usinées, Diota dans le domaine de la réalité tion de l’outil industriel de Safran Helicopter Engines. virtuelle/ réalité augmentée, Dassault Systèmes dans le domaine de la modélisation… Pour ne citer qu’eux. Les perspectives de développement sont importantes et ce modèle sera appliqué à plus de 10 autres lignes de Le Groupe est attentif à développer simultanément l’excel- production au travers du projet « Lignes du Futur ». ■ lence technologique de ses produits et l’excellence indus-

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 8 POINTS DE VUE ENJEUX ET FUTUR DE L’AVIATION D’AFFAIRES par Bruno Stoufflet, Chief Technology Officer Dassault Aviation

Bruno Stoufflet est Chief Technology Le premier de ces enjeux est de maintenir le haut niveau Officer de Dassault Aviation. Il a en de sécurité qui est celui du transport aérien dans un charge la préparation du futur en contexte d’augmentation soutenue du trafic partout sur la matière de R&T et d’innovation, anime planète. les réseaux de recherche et définit les orientations à long terme des activités La sûreté (security) des avions civils contre les menaces scientifiques. intentionnelles, physiques ou cyber, est une préoccupa- tion croissante. C’est un élément nouveau à prendre en Parfois considérés comme des attributs de luxe réservés compte, aussi bien pour les futurs programmes que pour aux plus riches de la planète, les avions d’affaires sont en les avions existants. réalité de véritables outils de travail adaptés au contexte de l’économie mondialisée. Leurs passagers sont, pour 50 %, Le deuxième de ces enjeux est environnemental : l’aviation des middle managers (équipes techniques ou commer- d’affaires s’inscrit dans la démarche de réduction de ciales, par exemple) ; le top management représente 15 % l’empreinte environnementale portée par les objectifs des utilisateurs. Ces avions offrent, avec le minimum de extrêmement ambitieux de l’ACARE. Cela demande un préavis, la capacité d’accéder au plus près du lieu final de effort de recherche majeur. Il s’agit en effet de porter à une destination dans n’importe quel endroit du monde. Conçus maturité suffisante des technologies permettant une forte comme de véritables bureaux volants, dotés de moyens de réduction des nuisances (65% pour le nombre de riverains communication les plus sophistiqués, ils prolongent « en concernés par le bruit des avions au décollage et à l’atter- tout confort » l’environnement de travail et de détente rissage, 75% pour les émissions de CO2, et même 90% pour de leurs passagers, service que ne peut égaler l’aviation les émissions de NOx) à l’horizon 2050 en comparaison du de ligne. La sécurité, la confidentialité et la connectivité niveau technologique de l’année 2000. garantissent un environnement de travail transformant le temps de transport en temps productif. Les passagers de Le troisième enjeu est lié aux évolutions en cours et à l’aviation d’affaires estiment même qu’ils sont 20% plus venir des systèmes de gestion du trafic aérien (ATM) productifs dans ces conditions de vol que dans leur propre nécessaires pour soutenir la croissance de celui-ci. Les bureau ! concepts d’opération qui seront déployés dans le futur – tels que la généralisation de la négociation des trajec- La flexibilité d’utilisation est une exigence-clé. Atteindre toires - ne doivent pas entamer le développement durable rapidement une altitude de vol élevée, au-dessus du de l’aviation d’affaires ; celle-ci doit au contraire tirer le trafic commercial, pouvoir décoller et atterrir sur des meilleur parti de la mise en œuvre de nouvelles procédures pistes courtes et étroites éventuellement dotées d’une (trajectoires 4D, approches de précision « autonomes », infrastructure aéroportuaire très limitée, satisfaire aux opérations dans les zones terminales à empreinte sonore contraintes locales de bruit, garantir un haut niveau de réduite, opérations sur les terrains secondaires). fiabilité compatible avec des utilisations en tout point de la planète et assurer une facilité de pilotage et de mise Un quatrième enjeu est lié à la fourniture de services en œuvre constituent les principaux atouts de ces avions. attendus par les clients. Le fabricant d’un avion doit Aujourd’hui, les avions d’affaires représentent une flotte mettre à la disposition de ses clients non plus seulement mondiale équivalente en nombre à celles des avions un aéronef mais également des concepts d’emploi de de ligne. Leurs opérations représentent 7% environ du celui-ci dans son environnement, permettant d’apporter trafic IFR en Europe avec un nombre moyen de 2000 un service intégré : procédures d’approche ou de décollage mouvements par jour. Ce trafic, pour plus des deux tiers, permettant l’accès au plus grand nombre de terrains relie des centres urbains non desservis par des lignes par tous les temps et en maîtrisant les nuisances aux régulières. riverains, intégration dans «l’internet du ciel» que mettra à disposition le futur ATM, assistance à la gestion de Dassault Aviation est le seul constructeur européen mission, ... d’avions d’affaires haut de gamme, en concurrence principalement avec des entreprises nord-américaines. L’aviation d’affaires a cependant un certain nombre de spécificités, du fait à la fois de ses modes opératoires L’aviation d’affaires partage avec l’aviation de ligne une propres (en particulier opérations à partir des aéroports grande part de ses enjeux et défis techniques. de l’aviation générale, donc de pistes courtes souvent en milieu urbain, également croisière à très haute altitude) et des contraintes de conception spécifiques d’avions de

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 9 POINTS DE VUE ENJEUX ET FUTUR DE L’AVIATION D’AFFAIRES

plus petite taille ; les points de dimensionnement en d’avion rendus possibles. conception et les conditions d’intégration pour atteindre ces objectifs sont pour une bonne part spécifiques. Deux avant-projets conceptuels d’avions d’affaires, repré- sentant volontairement les bordures du domaine de Des innovations importantes sont attendues en termes : conception, sont développés. • d’assistance dans la conduite de l’aéronef, dans toutes les phases de la mission, permettant à la fois une sécurité Le premier préfigure un avion d’affaires à rayon d’action accrue et une disponibilité plus grande du personnel moyen «ultra vert». Il intègre l’ensemble des technologies navigant pour la gestion de la mission ; visant à réduire émissions et bruit. • de fonctions de haut niveau pour le contrôle de l’avion et de la trajectoire (autoland, auto- taxiage, freinage Parmi les technologies intégrées dans ce concept et fonction des états de piste, décollage automatique) ; permettant des gains environnementaux importants, on • de capacités de communication à la fois au profit des peut citer : passagers (concept de bureau volant connecté) et au profit • une voilure maximisant la zone laminaire de l’écou- de l’équipage et de la conduite de la plateforme ; lement ; • des moyens et des procédures de navigation • une configuration d’arrière corps permettant de permettant des opérations à la fois flexibles et sûres : réfléchir les sources de bruit moteur vers le haut ; procédures d’approche ou de décollage donnant l’accès • un train d’atterrissage caréné et des hypersustenta- au plus grand nombre de terrains par tous les temps et teurs faible bruit ; en maîtrisant les nuisances perçues par les riverains, • des systèmes de gestion de l’énergie à bord « tout capacité à réaliser une croisière à finesse maximale et électriques » ; donc d’altitude continûment croissante au fur et à mesure • un guidage évolué permettant l’optimisation environ- de l’allègement de l’avion, à moyen terme capacité de nementale des trajectoires. séparation avec le reste de la circulation en autonome ; • de capacités de diagnostic embarqué, couplée à un Le second préfigure un avion d’affaires à long rayon système de soutien optimisé, pour une part à distance d’action, ultra performant à tous points de vue, y compris afin d’apporter une disponibilité maximale de l’avion sur le plan environnemental, et en particulier très rapide. pour des opérations dans un contexte de terrains sans Il intègre l’ensemble des technologies permettant une infrastructures. croisière rapide la plus efficace possible.

Autre série d’enjeux, ceux liés à la compétitivité, exacerbés Parmi les technologies intégrées dans ce concept et dans un monde globalisé où des acteurs issus de pays permettant des gains de performance importants, on peut émergents avec des coûts bien plus faibles apparaissent citer: dans le secteur des avions d’affaires d’entrée et de milieu • un système d’hypersustentation très efficace, de gamme. À ce titre, la compétitivité réside dans l’intro- permettant de maîtriser le dimensionnement voilure duction de différenciateurs en performance demandant sans pénalité sur l’efficacité en croisière ; une maîtrise fine du dimensionnement d’un avion tels • un contrôle adaptatif des charges et des déformations qu’une capacité de vitesse de croisière augmentée, et de la voilure ; éventuellement supérieure à la vitesse du son, de croisière • un système permettant l’annulation des bruits et à haute altitude permettant de se dégager des couloirs de vibrations en cabine ; l’aviation de transport, et de capacité à atterrir et décoller • un système de commandes de vol rendant possible depuis des pistes courtes et étroites. Par ailleurs, la l’utilisation de configurations aérodynamiques plus recherche d’amélioration des processus et de conceptions efficaces (triplan en particulier) ; plus efficaces est un enjeu clé pour réduire les coûts de • un système de communication modulaire et de très production et, en conséquence, maintenir la compétitivité haute capacité intégrable sur les avions d’affaires ; de produits conçus et assemblés dans des pays à coûts • un système de diagnostic embarqué permettant une salariaux élevés. disponibilité totale.

Pour permettre le choix pertinent puis le développe- Pour Dassault Aviation, une grosse partie des travaux de ment efficace des technologies qu’intégreront les futures Recherche et Technologies participant à la montée en générations d’avions, les équipes de Dassault Aviation ont maturité des technologies capacitantes est menée dans le construit leur plan de maturation technologique autour cadre du programme de soutien à le recherche aéronau- d’avant-projets dit “conceptuels” à cahier des charges tique civile de la DGAC et dans celui du partenariat paramétrables créés afin de « mettre en situation” et européen Clean Sky dont les principaux jalons sont : fédérer les développements en explorant les concepts • la démonstration au banc d’un nouveau concept de

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 10 POINTS DE VUE ENJEUX ET FUTUR DE L’AVIATION D’AFFAIRES

cockpit pour Falcon et des fonctions associées ; numérique de terrain. Dénommé FalconEye, ce système • la définition détaillée et la fabrication d’un démons- fournit à l’équipage un niveau de vision augmentée dans trateur de voilure composite ; des conditions météorologiques dégradées (présence de • des essais au sol échelle 1 permettant de progresser brouillard, brume, neige et autres conditions sévères) sur la conception des arrière-corps des Falcon. sans équivalent à ce jour.

Afin d’illustrer les développements réalisés pour accroître Le concept « EFVS to land », publié aux États-Unis et les capacités opérationnelles, citons l’exemple du récent dont la réglementation est en cours à l’EASA, permet à développement par Dassault Aviation et ses partenaires un avion et un équipage CATI de continuer une approche d’un système d‘assistance au pilotage en phase d’approche sous la hauteur de décision jusqu’à l’atterrissage pourvu sur la base d’une restitution unique en tête haute que la visibilité de la piste (RVR) soit supérieure à 300m, combinant une image de caméra infrarouge avec une équivalent à la limite basse de la CATII. ■ image synthétique obtenue à partir d’une base de données

Figure 1 : Le Falcon 8X, nouvel avion d’affaires à très long rayon d’action de Dassault Aviation

Figure 3 : Concept d’avion avec empennage masquant

Figure 2 : Système de vision augmentée FalconEye

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 11 POINTS DE VUE COLLOQUE DE LA CONFÉDÉRATION AMICALE DES INGÉNIEURS DE L’ARMEMENT (CAIA) par l’IGA Maurice Desmoulière, Commission Stratégie et Affaires Internationales

Dans sa lettre de mission du 3 avril 2008, le Premier Enfin et très opportunément, la Confédération Amicale Ministre, François Fillon, a demandé à MM. Daniel Canepa des Ingénieurs de l’Armement (CAIA) a organisé, le 1er et Jean Martin Folz de conduire une réflexion sur l’évo- novembre 2016, un colloque sur le thème qui nous préoc- lution des corps d’ingénieurs. Les principales questions cupe. Une synthèse de ce colloque figure dans la Magazine identifiées à cette occasion étaient les suivantes : L’État N° 111 des ingénieurs de l’armement paru en février 2017. a-t-il encore besoin d’ingénieurs de haut niveau ? L’organi- sation et le fonctionnement des grands corps techniques Avec l’autorisation de la CAIA, il nous est apparu intéres- répondent-ils efficacement aux besoins de l’État ? Quelles sant de la faire figurer dans une des lettres de la 3AF. La pistes d’amélioration de la gestion des corps concernés CAIA et les ingénieurs qui la composent, occupent en effet peuvent-elles être proposées ? une position particulière dans un dispositif étatique qui a fait ses preuves : la DGA, bras exécutif du Ministère de la Il est inutile de souligner que les orientations affichées Défense au service des Forces Armées. dans ce rapport sont restées lettre morte. Le sujet est loin d’être épuisé et, comme l’indique la CAIA, En 2013, dans un projet de rapport d’information déposé la mobilisation sur cette question doit perdurer bien au- par la commission des finances, de l’économie géné- delà des seules préoccupations de la Défense. La CSAI de rale et du contrôle budgétaire, et présenté par M. Fran- son côté continuera à assurer une veille en élargissant les çois Cornut-Gentille, député, intitulé « Polytechnique : l’X échanges et les contacts dans l’espoir d’une amélioration dans l’inconnu », la même interrogation était évoquée de la situation. ■ ainsi : L’État a-t-il encore besoin d’ingénieurs multidisci- plinaires, aux compétences reconnues, et animés par la recherche de l’intérêt général ?

Début 2014, la Commission Stratégie et Affaires Interna- tionales (CSAI) avait rédigé le projet d’une courte fiche estimant que l’État devait s’entourer de personnes ayant les compétences nécessaires permettant d’aborder dans leur globalité des thèmes aussi stratégiques que ceux tou- chant à l’aéronautique, à l’espace et à la défense. Un para- graphe de ce projet notait en effet : « Sur des sujets très complexes tels que l’écotaxe, le projet de barrage de Sir- vens, le projet d’aérodrome de Notre-Dame-des-Landes ou la vente d’une partie d’Alstom à l’américain General Elec- tric, sans parler des problèmes d’Areva, il semblerait qu’il y ait un vide dans la préparation des dossiers. Les services de l’État ont-ils examiné sérieusement, avant de lancer ce type de projet ou réorienter un domaine industriel, les études d’impact à long terme et les alternatives possibles, les conséquences sur l’environnement et les bénéfices réels et futurs pour l’économie et l’emploi ? De bâtisseur, l’État serait-il devenu essentiellement gestionnaire, ce qui aurait pour conséquence de dévaloriser la fonction des grands commis qui n’ont plus la possibilité de préparer convenablement les décisions, conduisant souvent à des orientations incohérentes et sans fondement. Le besoin qu’a l’État d’ingénieurs de haut niveau dont la culture, la conformation d’esprit, le tempérament de bâtisseur et l’imagination complètent la formation scientifique mul- tidisciplinaire, est d’autant plus vif que les sujets traités sont complexes et sensibles... ».

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 12 POINTS DE VUE L’ÉTAT A-T-IL ENCORE BESOIN DE GRANDS CORPS D’INGÉNIEURS DANS LA HAUTE FONCTION PUBLIQUE ?

RETOUR SUR LE COLLOQUE DE LA CAIA DU 15 NOVEMBRE 2016 Alain Bovis, IGA

A l’approche de son cinquantième anniversaire, héritier de corps pluri- centenaires, le Corps de l’Armement anime le débat sur l’évolution du rôle technique de l’État et les missions des cadres dévoués à le servir.

Le débat récurrent, qui nous concerne tous sur l’avenir des corps, des Grandes Ecoles en général et de l’X en particulier a tendance à se réduire à un affrontement entre tenants inflexibles d’une organisation pluri- centenaire et moderniste qui veulent “renverser la table”.

Défendre le statu quo tout comme promouvoir des scénarios plus ou moins iconoclastes, souvent avec des arguments corporatistes ou émotion- nels, c’est se concentrer sur des solu- tions ou des recettes. Notre formation scientifique “de haut niveau” devrait Bernard Attali, Laurent Collet-Billon, Jean-Yves Le Drian, François Lureau, au contraire nous pousser d’abord à Alain Bovis, Philippe Hervé poser le problème, puis à la lumière de priorités et de contraintes, à cher- dans le large domaine de la sécurité largement la crise des vocations cher un optimum. C’est la démarche intérieure, ou de Pascal Faure pour dans les métiers techniques et indus- qu’ont voulu avoir Daniel Canepa et la stratégie industrielle, le colloque triels, François Lureau a plaidé pour Jean-Martin Folz lors de leur Mis- a tranché clairement par l’affirma- un effort accentué d’engagement des sion d’étude sur l’avenir des corps tive, entérinée par le ministre de la ingénieurs comme l’illustre le récent d’ingénieurs de l’État qu’a rappelée en Défense qui a affirmé que « les qua- rapport de l’IESF “Relever les défis ouverture Alain Bugat. C’était égale- lités de l’esprit scientifique, technolo- d’une économie prospère et respon- ment celle du colloque qui a réuni 140 gique et rationnel sont plus que jamais sable”. participants le 15 novembre 2016 dans de mise, pour orienter et agir dans l’amphithéâtre historique de Louis une situation internationale marquée Mais quels sont le rôle et la place que Pasteur à Paris. par l’incertitude, l’instabilité mais la compétence technique doit occuper aussi l’accélération technique ». Il ne au sein de l’espace public ? Alain Bugat L’État a-t-il encore besoin d’ingé- s’agit pourtant pas d’une évidence et a situé la fonction d’ingénierie dans nieurs de haut niveau, c’est à l’on constate que la rationalité tech- l’investissement public, charnière dire d’“ingénieurs à la française”, nique est de moins en moins audible entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise capables, face aux révolutions tech- dans les grands débats sociétaux. La d’œuvre, position variable suivant la nologiques qui s’enchaînent, de faute à qui ? Sans doute en partie complexité des projets ou les cultures mener une analyse technique rigou- aux ingénieurs eux-mêmes qui sou- nationales. Il conclut à la nécessité reuse puis d’élaborer une synthèse vent hésitent à investir le domaine d’une maîtrise d’ouvrage forte et d’un pluridisciplinaire propre à la prise de du politique, qui ne comprennent pas pilotage intégré de la MOA et de la décision ? Nourri par les témoignages et ne savent pas se faire comprendre MOE pour les projets à forts risques de Caroline Grandjean pour les col- d’un monde où le sens de l’opportu- techniques. Certes, le modèle colber- lectivités territoriales, de Thierry nité compte autant que la rigueur de tiste français a été mis à mal à la fin Delville et de Guillaume Poupard la démonstration. Soulignant plus du XXème siècle par la tertiarisation, la

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 13 POINTS DE VUE L’ÉTAT A-T-IL ENCORE BESOIN DE GRANDS CORPS D’INGÉNIEURS DANS LA HAUTE FONCTION PUBLIQUE ? financiarisation et la mondialisation pétences techniques de haut niveau. d’accompagnement. de l’économie. Mais la crise de 2008 Les Grands Corps sont les seules ins- a rappelé l’importance de réinvestir tances permettant une telle réflexion Et le Ministre de conclure : « l’État a dans les filières industrielles et rendu à long terme mais elle est trop rigide fait le choix séculaire de se doter de à l’État un rôle renforcé de stratège et trop sectorisée, ne prend pas suf- corps d’ingénieurs pour des raisons et d’animateur. Cela nécessite une fisamment en compte les transferts évidentes de maintien des compé- étroite connaissance réciproque du de responsabilités entre collectivités tences, de vision à long terme et d’in- public et de l’entreprise. Didier Lalle- publiques ou la transversalité des dépendance stratégique : nous avons mand a expliqué que les ingénieurs enjeux, ignore l’Europe. Pour d’autres, le devoir d’en assumer une gestion tiennent leur crédibilité de leur expé- dont François Lureau, les Corps eux- moderne » en modernisant et inter- rience concrète “les mains dans la mêmes sont un obstacle à une ges- nationalisant la formation, rendre matière”. Les premiers postes, dans tion dynamique des compétences plus attractives les carrières au sein des fonctions à fort ancrage scienti- techniques dans les organismes de l’État, fluidifier la respiration fique et technique doivent leur per- publics. En matière de formation ini- entre le secteur public et le secteur mettre de développer leur potentiel tiale, Bernard Attali et Alain Bugat privé. d’innovation et de se confronter aux souhaiteraient la création autour de pratiques industrielles, le ministre l’Ecole polytechnique, et dans le cadre Le colloque n’a donc pas dégagé de l’a souligné. Christian Chabbert a d’une grande Université de taille solution définitive. Ce n’était pas insisté sur le besoin, pour les ingé- mondiale, d’un pôle de technologie à son but. Il a néanmoins exposé les nieurs de l’État de mieux connaître la française capable, par sa taille et principales données d’une question les entreprises et notamment les PME son excellence, de rivaliser avec les essentielle pour l’avenir. Certains ont et plaidé pour davantage d’allers- Instituts de Technologie américains regretté qu’il ne se poursuive pas par retours entre les métiers d’expertise ou l’EPFL. La tentation est forte d’une un examen plus détaillé de solutions et ceux d’entrepreneur. fusion des Grands Corps techniques envisageables. A chacun, en tous et Bruno Angles, à titre personnel, cas, à partir des éléments présentés, Tout en reconnaissant l’héritage estime qu’elle élargirait le choix des d’affiner sa réflexion et de contribuer et l’excellence des ingénieurs à la employeurs comme des ingénieurs à un débat qui est loin d’être conclu. française, Bernard Attali a rap- dans les parcours professionnels. Le Conseil de la CAIA restera mobi- pelé les “ratages” et les risques qui Fabrice Dambrine et Philippe Hervé lisé sur cette question et continuera pèsent aujourd’hui sur des secteurs alertent, au contraire, sur le risque à agir, avec ses partenaires au sein industriels majeurs. Il cite comme que cette fusion n’appauvrisse la de la FGCTE (Fédération des Grands causes, au-delà de la compétence et diversité des profils et Bernard Attali Corps Techniques de l’État), pour du dévouement individuel des ingé- se montre très sceptique sur le résul- peser sur les décisions futures. ■ nieurs de l’État, la dispersion de tat de la fusion des Corps des Mines notre enseignements supérieur qui et des Télécom. La nécessité d’une est incompréhensible à l’étranger (les alternance des expériences publiques efforts de réforme de l’X, de l’ENSTA, et en entreprise est reconnue unani- de l’ISAE sont toutefois reconnus), la mement mais de nombreux obstacles rigidité de l’organisation administra- s’y opposent, comme l’ont rappelé Luc Alain BOVIS tive et son manque de réactivité aux Rousseau et le Ministre lui- même : IGA, consultant évolutions technologiques, l’externa- les règles de déontologie, dont Denis lisation, souvent vers des cabinets Plane a toutefois relativisé l’effet, la Alain Bovis a fait toute sa carrière anglo-saxons, des grands dossiers de difficulté de retour au sein de l’État à la DGA et à DCNS. Il y a exercé stratégie industrielle. ou l’écart salarial entre public et diverses fonctions de recherche, privé. La mobilité “extérieure” doit d’ingénierie et de management La question qui se pose dès lors est : donc être systématisée dans la ges- industriel. Il a été directeur de l’éta- par quelle politique de recrutement tion des carrières. Bruno Angles pro- blissement d’Indret puis directeur et de gestion l’État peut-il garantir, pose par ailleurs la création d’une général d’Armaris, filiale commune pour ses besoins propres, mais éga- “Ecole de guerre économique” prépa- de DCN et Thales. Il a créé en 2010 lement dans une prospective natio- rant les ingénieurs de l’État aux plus DCNS Re- search. Expert en hydro- nale, la pérennité de la ressource hauts postes de responsabilité. Phi- dynamique, il a été lauréat du prix et l’attractivité pour les meilleurs ? lippe Hervé souligne que cela intro- Roger Brard et du prix Girardeau de Bernard Attali fait le constat d’une duirait un mode de gestion des poten- l’Académie de Marine. absence de réflexion stratégique glo- tiels de carrière qui exige de la part bale de l’État sur ses besoins en com- des hierarchies courage et mesures

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 14 ACTUALITÉS LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE A ASSISTÉ DEPUIS LE SIÈGE DU CNES AU RETOUR SUR TERRE DE THOMAS PESQUET

LE 2 JUIN À 14H09 TU, LA CAPSULE SOYOUZ AVEC À SON BORD THOMAS PESQUET ET SON COLLÈGUE RUSSE OLEG NOVITSKI, S’EST POSÉE SANS ENCOMBRE AU KAZAKHSTAN, AU TERME D’UNE MISSION HUMAINE PARTICULIÈREMENT RÉUSSIE.

aller et retour, surveiller les systèmes et prendre la relève en cas de besoin. Il revient aux côtés du comman- dant Oleg Novitsky. Le dernier astronaute français dans l’espace, Léopold Eyharts avait arimé le module européen Columbus à la station spatiale internationale en 2008.

La science a été placée au cœur de cette mission Proxima. Thomas a réalisé des expériences scientifiques et éduca- tives à bord de cet avant-poste de recherche exceptionnel, qui est un véritable tremplin pour l’exploration humaine de l’espace. Ingénieur de bord de la station en orbite, à 400 kilomètres au-dessus de la Terre, il a été responsable de Le Président de la République Emmanuel Macron au siège du plus de 50 expériences scientifiques mises au point par CNES pour assister au retour sur Terre de Thomas Pesquet l’ESA et le CNES et a participé à de nombreux travaux de Crédits : CNES / Christophe PEUS, 2017 recherche menés pour le compte des autres partenaires du programme. Depuis cinq ans, le CNES finance une Pour son premier vol spatial, Thomas Pesquet aura donc quinzaine de doctorants travaillant sur des thématiques séjourné près de 200 jours autour de la Terre, à bord de liées à la micropesanteur (atrophie musculaire, métabo- la station spatiale internationale. Parti le 17 novembre lisme, propagation incendie, croissance des plantes, etc.) depuis le cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan à bord d’une capsule Soyouz, avec le commandant russe À la suite de l’atterrissage de Thomas Pesquet, le Président Oleg Novitsky et l’astronaute américaine Peggy Whitson, de la République a déclaré : « Avec l’extraordinaire succès de Thomas Pesquet a endossé durant six mois le rôle de la mission de Thomas Pesquet, nous sommes tous très fiers copilote de la mission. En ce sens, il a été formé pour de cette réussite française et européenne que le CNES et l’ESA assister le commandant du Soyouz pendant les voyages illustrent aujourd’hui une nouvelle fois. ». ■

LES DATES CLÉS DE LA MISSION PROXIMA

• Jeudi 17 novembre 2016 à 19h 20min 13s TU : lancement • Samedi 19 novembre 2016 à 21h 02min 06s TU : amarrage à l’ISS • Samedi 19 novembre 2016 à 23h 15min TU : ouverture de l’écoutille • Vendredi 13 janvier 2017 ; première sortie extra véhiculaire (durée 5 heures 58 minutes) • Vendredi 24 mars : deuxième sortie extra véhiculaire (durée 6 heures 34 minutes ) • Vendredi 2 juin 2017 Thomas Pesquet de retour sur Terre le 2 juin 2017 à 14hh09 TU dans le • Fermeture de l’écoutille à 07h 31min TU désert du Kazakhstan (Russie). • Atterrissage à 14h 09 TU J-P. S d’après informations www.cnes.fr et www.esa.int

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 15 SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES LES NOUVEAUX RADARS À ANTENNE ACTIVE À BALAYAGE ÉLECTRONIQUE (AESA) POUR L’IAMD (INTEGRATED AIR AND MISSILE DEFENSE)

Luc Dini- Co-président de la conférence 3AF IAMD Directeur IAMD au sein des activités air operations and weapons systems de Thales.

Avec la contribution de MM Remi Mongabure (Directeur des intégrée appelée défense aérienne et antimissile intégrée offres radar multifonctions au sein des activités des radars qui nécessite des performances nouvelles et accrues. de surface de Thales), Ronan Moulinet (responsable des offres études amont des radars au sein des activités radars C’est pourquoi Thales a développé de nouvelles techno- de surface de Thales) et Bart Van der Graaf (manager du logies de radars numériques multifonctions à balayage business development opérationnel chez Thales aux pays électronique et à antenne active pour étendre son portfolio bas). de radars en augmentant les performances et notamment les capacités d’alerte et de détection à longue portée en bande L ( Figure 2), UHF (Figure 3) et bande S (Figure 4), pour réaliser des fonctions de veille, poursuite et d’enga- gement (pour certains radars) contre un large spectre de menaces dont celles à propulsion aérobie ou balistiques.

Cet article décrit la dernière innovation en matière d’antenne active chez Thales. Thales travaille également sur une approche plus globale et nouvelle pour l’inté- gration et la mise en réseau des radars, non seulement de surveillance mais aussi de conduite de tir. Dans ce contexte, Thales travaille avec d’autres sociétés indus- trielles pour promouvoir ces nouveaux concepts d’archi- tecture de conduite de tir pour renforcer les capacités et Thales est impliqué dans la défense aérienne depuis de la résilience des systèmes de conduite de tir IAMD. Une très nombreuses années et a livré des radars de surveil- étude est en cours pour le NIAG (NATO Industrial Advisory lance à de nombreuses forces navales et terrestres. Group) sur la mise en réseau et la connexion des conduites de tir en cluster. En parallèle, Thales aux Pays-Bas a réalisé de nombreux radars de la famille des radars de surveillance Figure 1 aérienne navals SMART-L (ou S1850M) pour les marines européennes, sur les frégates Horizon (franco-italiennes), T45 (UK), mais aussi allemandes, danoises et néerlan- daises (voir Figure 2a). De plus, Thales a aussi réalisé des radars multifonctions et des systèmes de conduite de tir pour des systèmes surface-air moyenne portée équipés de missiles Aster, adaptés pour différentes missions et plateformes pour la France, l’Italie, la Grande-Bretagne et d’autres pays hors d’Europe. Figure 1a: Ground Master Figure 1b: radar MFR 400 ARABEL en bande X en Thales fournit par exemple le radar MFR ARABEL en bande version terrestre (SAMP/T) X, à la fois en version terrestre pour le système SAMP/T franco-italien (voir Figure 1b) et en version navale pour le système SAAM (pour le porte-avion PA-CDG- Figure 1c- et la frégate Sawari 2), mais aussi en bande S avec le radar MFR Herakles (voir Figure 1d) pour les frégates FREMM.

A cause de l’évolution de la menace (missiles de croisière, Figure 1c: radar MFR Figure 1d: radar MFR missiles balistiques manoeuvrants), la défense aérienne ARABEL en bande X en HERAKLES naval en bande S et la défense anti-missile évoluent vers une vision plus version navale (PA CDG)

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 16 SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES LES NOUVEAUX RADARS À ANTENNE ACTIVE À BALAYAGE ÉLECTRONIQUE (AESA)

Figure 2: famille SMART-L

Thales a produit de nombreux radars navals SMART- L qui fonctionnent en bande L pour les marines européennes. Depuis 2012, Thales a développé un nouveau radar SMART- L équipé d’une antenne active (SMART- L MM) lui donnant une portée beaucoup plus longue pour des applications de défense anti- missile balistique ou IAMD, en version navale ou terrestre. Ces radars sont en cours d’intégration et de tests fonctionnels et se préparent à une première intégration sur les frégates néerlandaises en 2018.

Figure 2c: SMART-L EWC Figure 2d: SMART-L MM/F Figure 2a: SMART-L Figure 2b: SMART-L MM/N (version navale) en cours de (version terrestre) en cours en intégration tests d’intégration de tests

Figure 3: Radar Très Longue Portée UHF lement une IHM avec visualisation de la situation radar, un traitement de supervision et un autotest intégré. Le radar Très Longue Portée UHF (voir Figure 3a) est un élé- ment clé pour la fonction d’alerte précoce pour détecter et L’objectif du démonstrateur est double : décompter tous types de menaces balistiques. Ce senseur • validation de l’architecture et des choix technolo- terrestre, très basse fréquence, est un radar qui réalise la giques ; surveillance et l’acquisition des cibles balistiques dans la • évaluation des performances de détection et de préci- phase ascendante de leur trajectoire pour établir les para- sion pour prévoir les performances opérationnelles défi- mètres de cette trajectoire. Cette opération en basse fré- nitive du radar Très Longue Portée. quence confère des moyens incomparables pour la détec- tion à longue portée de missiles balistiques évoluant dans L’intégration sur site est actuellement achevée pour passer la très haute atmosphère ou au-dessus de l’atmosphère. à la phase expérimentale. De plus, le radar TLP peut également fournir des données de désignation au profit de radars de conduite de tir centi- métriques en étant intégré à la chaîne d’alerte et désigna- tion d’un système antimissile balistique.

Le radar Très Longue Portée est donc un radar multifonc- tions à antenne active à balayage électronique, basé sur Figure 3a: version complète Figure 3b: version de une surveillance par nappes entrelacée , dès que la cible l’antenne radar en colonne est détectée- avec un mode de poursuite basé sur des fais- ceaux de poursuite spécifiques.

Le Ministère de la défense français a notifié un contrat de réduction de risque à Thales et à l’ONERA pour le dévelop- pement et l’expérimentation d’un démonstrateur radar), basé sur une colonne du radar définitif (voir Figure 3b) défini dès la phase de conception initiale.

En plus de la réalisation de l’antenne en colonne, la solu- tion de démonstration (voir Figure 3c) intègre aussi le logiciel temps réel pour le traitement du signal et des Figure 3c: radar en colonne opérationnel complètement données. Comme mode radar opérationnel, il inclut éga- fonctionnel

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 17 SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES LES NOUVEAUX RADARS À ANTENNE ACTIVE À BALAYAGE ÉLECTRONIQUE (AESA)

Figure 4: Future famille de radars Multifonctions AESA SF/GF en bande S

Thales prépare le marketing d’une génération de nou- veaux radars à antenne en technologie active AESA, équi- pés d’une chaine de réception entièrement numérique (FD-AESA), permettant la formation de faisceaux élémen- taires par le calcul. Cette famille de radars MFR résulte en fait d’un ensemble de ruptures technologiques au niveau de l’antenne modulaire de type AESA (voir Figure 4a), du logiciel du radar et des faisceaux entièrement générés numériquement. Les produits radar seront disponibles en version navale (voir Figure 4b) et en version terrestre, avec des panneaux d’antenne fixes ou rotatifs. Construits Figure 4b: Famille future de radars Sea Fire en bande S. à partir de l’expérience du démonstrateur GS1000/ M3R lancé en 2004 et grâce à l’expérience des radars de défense aérienne Ground Master 400, ces radars MFR de nouvelle génération combinent une expérience opérationnelle approfondie avec la technologie la plus récente.

Sur la nouvelle frégate française de classe FTI (Frégate de taille intermédiaire), le radar Sea Fire à quatre panneaux fixes AESA (Figure 4c) en bande S arrive pour remplacer le radar multifonction (MFR) HERAKLES. Sur la base de la même technologie, des versions de plus grande dimension destinées aux missions de DAMB, et en version terrestre, sont en cours de définition pour être couplées ultérieure- ment avec le SAMP/T B1NT.

Ces radars sont modulaires et permettent de couvrir toute Figure 4c: Radar Sea Fire à 4 panneaux fixes la gamme de portée. Leur puissance est adaptée par la dimension de l’antenne et le nombre de modules émet- teurs/récepteurs (TR). Les fonctionnalités de ces radars couvrent la capacité anti aérienne (ABT) et antimissile balistique de théâtre (ATBM) et intègrent dans l’antenne une fonction de commande des missiles de la famille ASTER. Un haut niveau de performances en surveillance et poursuite peut être obtenu grâce à la capacité multi- faisceaux (supérieure à 50 faisceaux) et à l’optimisation en temps réel du formage des groupes de faisceaux en fonction des missions réalisées (voir Figure 4d).

Figure 4d : Gestion multifaisceaux par paquets optimisés pour différentes tâches et modes tels que la surveillance volumique, par barrière à l’horizon ou sur désignation, qui peuvent être automatiquement entrelacés. ■

Figure 4a: Antenne modulaire AESA: l’antenne est modu- laire pour intégrer des centaines jusqu’à des milliers de T/R modules, dotés d’amplificateur GaN haute puissance, pour s’adapter aux besoins ATBM.

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 18 SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES JOURNÉE « MATÉRIAUX THERMOSTRUCTURAUX » DU 23 MARS 2017 Xavier Aubard, Safran/IRT Saint Exupéry, membre de la commission Matériaux 3AF

La Commission technique matériaux a organisé une Yann Richard de Safran Ceramics a présenté les enjeux journée portant sur la thématique des matériaux com- de ces matériaux pour le groupe Safran. La « céramisa- posites thermostructuraux à Bordeaux le 23 mars 2017. tion » des moteurs aéronautiques (figure 2) vise à réduire Cette journée, qui a réuni une trentaine de participants, les émissions de NOx et de CO2, la consommation de kéro- s’est tenue le matin à l’IRT St Exupéry de Bordeaux et sène et la masse afin de doter ces moteurs de fonctions l’après-midi sur le site d’Airbus Safran Launchers au supplémentaires pour piéger le bruit par exemple. Haillan.

Les matériaux composites thermostructuraux sont connus pour leurs bonnes propriétés mécaniques et leur capacité à conserver ces propriétés à température élevée. Ces matériaux sont typiquement les composites carbone/ carbone (C/C) à renfort fibreux en fibres de carbone et matrice carbone et les composites à matrice céramique (CMC) à renfort fibreux en fibres réfractaires (notamment fibres en carbone, céramique ou oxyde) et à matrice céra- Figure 2 : coupe d’un moteur double flux mique ou à matrice mixte C/céramique (par exemple à matrice en carbure de silicium SiC ou à matrice mixte C/ Deux types de matériaux composites thermostructu- SiC ou oxyde). raux sont utilisés : les « Oxydes-oxydes » pour les par- ties arrière-corps et protection de mâts réacteur dont L’Institut de Recherche Technologique (IRT) Antoine de les températures ne dépassent pas 700°C et les « SiC Mi » Saint-Exupéry bi-régional Nouvelle Aquitaine – Occitanie (Carbure de silicium – « Melt Infiltration ») pour les par- est un des huit IRT créés depuis 2013 dans le cadre du Pro- ties internes du moteur avec des températures de 1300°C. gramme d’Investissement d’Avenir. Le but est de renforcer Actuellement, des mises au point sur ces matériaux sont la compétitivité de notre industrie grâce à une recherche réalisées afin de développer des procédés robustes, aptes à technologique de classe mondiale alliant projets, plate- la grande série. L’objectif est de produire des pièces au prix formes et compétences. L’originalité est de travailler dans du marché pour des moteurs aéronautiques qui seront un environnement collaboratif intégré avec des person- mis en service dès 2025. nels mis à disposition de l’industrie, des académiques et des personnels IRT avec des plateformes et des moyens différenciant. Les composites à matrice céramique (CMC) représentent une des trois thématiques traitées sur le site aquitain avec des moyens tels un injecteur de barbotine et un four 1600°C instrumenté unique pour la siliciuration (imprégnation par une phase de type silicium en fusion réalisée par une montée par capillarité dans la texture fibreuse d’un alliage de silicium en fusion).

Figure 3 : coupe d’un propulseur solide

Michel Cataldi, d’Airbus Safran Launchers, a présenté les matériaux composites thermostructuraux utilisés depuis les années 80 pour la propulsion spatiale avec les diffé- rents types de Carbone-carbone ou de carbone phénolique pour les pièces des tuyères de propulseurs à poudre ou Figure 1 : four de siliciuration de l’IRT liquide.

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 19 SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES JOURNÉE « MATÉRIAUX THERMOSTRUCTURAUX » DU 23 MARS 2017

Les températures d’utilisation de ces matériaux obtenus Eric Bouillon, de Safran Ceramics, a mis l’accent sur l’im- par infiltration par voie gazeuse (ou CVI, « Chemical Vapor portance pour les CMC des interphases entre la fibre et la Infiltration ») ou imprégnation phénolique peuvent dépas- matrice. Ces interphases de Nitrure de bore ou de Pyrocar- ser les 3000°C. Les matériaux du col et du divergent soumis bone, d’une épaisseur de l’ordre de 0,1 µm, permettent la aux plus fortes températures se modifient au cours des 120 déviation des fissures et l’obtention d’un matériau non fra- secondes de fonctionnement du propulseur mais la pièce gile à partir d’une fibre fragile et d’une matrice fragile. Le doit conserver son intégrité structurale. La compétitivité tissage 3D de fibres céramiques est une technologie diffé- du futur lanceur européen Ariane 6 sera atteinte par les renciante par rapport aux matériaux concurrents US (2D). innovations dans les domaines de la conception (simpli- Cette technologie développée par Safran est déjà en série fication du nombre de pièces et versatilité), des procédés pour les aubes fan Carbone/époxyde des moteurs LEAP. (robustesse, cadence) et d’organisation industrielle (créa- Elle est aussi appliquée aux matériaux CMC SiC Mi (« Melt tion d’Airbus Safran Launchers). Infiltration ») dont la matrice est obtenue par injection de barbotines et infiltration d’alliage de Silicium liquide. La Michel Parlier de l’ONERA a dressé un historique des levée de différents verrous scientifiques et technologiques travaux réalisés sur différents types de matériaux CMC et la montée en maturité sont actuellement menées en depuis 1970. Les procédés d’élaboration, la caractérisa- collaboration avec l’IRT St Exupéry. Des défis liés à la cer- tion et la modélisation ont fait l’objet de nombreux bre- tification et la maintenance restent encore à lever avant vets et de collaborations fructueuses avec Safran Air- la mise en service des pièces CMC dans les moteurs d’ici craft Engines, Rolls-Royce et Safran Ceramics. L’ONERA 2025. travaille actuellement sur les matériaux composites bas coût et les géopolymères qui sont des polymères minéraux La visite d’Airbus Safran Launchers Le Haillan a permis de synthétiques à structure tridimensionnelle de la famille visualiser les pièces en CMC, les tuyères et les propulseurs, des aluminosilicates et qui font partie de la famille des mais surtout de prendre conscience de la dimension et de matériaux composites thermostructuraux. la complexité des installations industrielles nécessaires pour produire et assembler les propulseurs à poudre de nos lanceurs civils et militaires. ■

L’ONERA EN RÉGION OCCITANIE LES CENTRES DE TOULOUSE ET DU FAUGA-MAUZAC : LA RECHERCHE PLURIDISCIPLINAIRE EST UNE FORCE ! Dominique Le Quéau (ONERA)

Au cœur du « Grand Sud-Ouest », où l’activité aérospa- plus autonomes, les outils de détection, d’imagerie et de tiale (1/3 de la filière française) concerne près de 120 000 communication utilisant des capteurs optiques et électro- emplois, l’ONERA occupe une place privilégiée au sein de magnétiques, actifs et passifs, et participent ainsi à une l’écosystème de Recherche et Développement régional. meilleure connaissance de leur environnement.

Avec un effectif d’environ 450 personnes dont une cen- Une importante activité expérimentale, confortée par de taine de doctorants, répartis sur deux sites (Toulouse puissants outils de modélisation numérique est dévelop- et le Fauga-Mauzac) les Centres ONERA constituent, en pée par l’ONERA sur le Centre de Toulouse et partagée avec Région Occitanie, le plus important laboratoire consacré celle des souffleries et des moyens d’essais implantés sur au domaine aéronautique, associant recherche et ensei- le Centre du Fauga-Mauzac. Elle concerne l’aérothermo- gnement (environ 4000 h/an). dynamique des dispositifs aérospatiaux, pris dans leurs environnements de mission, ainsi que les développe- Les recherches pluridisciplinaires qui y sont menées, ments futurs de leur système de propulsion. couvrent le développement des systèmes embarqués cri- tiques, de leur validation et de leur certification, jusqu’à la Ce large spectre de recherche contribue à accompagner maîtrise des effets radiatifs de l’environnement spatial et l’industrie aéronautique et spatiale, régionale, nationale atmosphérique qui peuvent les affecter et aux matériaux et européenne, du point de vue de la conception, du déve- dont ils sont constitués. Elles englobent également les loppement et de la sécurisation des avions, des drones, lois de commande qui gouvernent le comportement des des satellites, des lanceurs spatiaux et des systèmes com- dispositifs aérospatiaux pilotés, aujourd’hui, de plus en plexes qui les constituent.

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 20 SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES L’ONERA EN RÉGION OCCITANIE

Parmi les moyens d’expériences et d’essais implantés en responsable et durable et consolide ainsi le concept «Tou- Région on notera, en particulier : louse l’Open Métropole». • IESTA, Infrastructure Européenne d’évaluation du Système du Transport Aérien. • TERRISCOPE, plateforme de recherche en imagerie aéroportée, dédiée à l’étude environnementale et des ter- ritoires. Elle a pour objectifs de favoriser l’éclosion de nou- veaux services, en particulier à partir de la filière drones (réalisée avec le soutien de la région Midi-Pyrénées/ Occi- tanie et de fonds FEDER). • LIMA, plateforme de recherche pour développer l’utili- sation des nouvelles technologies d’imagerie aéroportée et faciliter l’innovation dans le traitement de l’information. Elle est adossée aux moyens aéroportés de l’ONERA et de ses partenaires (réalisée avec le soutien de la région Midi- Jean-Luc Moudenc, président de Toulouse Métropole et Pyrénées, de Toulouse Métropole et de fonds FEDER). Bruno Sainjon, président de l’ONERA • Des souffleries de notoriété mondiale pour l’étude des configurations d’atterrissage et de décollage des aéronefs, L’ONERA, MEMBRE DU CENTRE SPATIAL UNIVERSITAIRE et des souffleries de recherche pour l’étude des écoule- DE TOULOUSE ments complexes. Au même titre que huit autres grands acteurs acadé- • Le Laboratoire de propulsion pour l’étude des instabi- miques toulousains (ISAE-SUPAERO, le CNRS, l’ENAC, lités pouvant intervenir au sein d’un propulseur de type l’Université Toulouse III - Paul Sabatier, l’ONERA, l’INSA Ariane 5 et 6. Toulouse et l’INP Toulouse). • Le LACOM ou laboratoire de combustion multipha- sique, pour étudier la physique du fonctionnement des Objectif de ce groupement d’intérêt scientifique : promou- foyers de moteurs d’avion. voir et fédérer les recherches ainsi que la formation dans le domaine des nano systèmes spatiaux. UN FORT ANCRAGE RÉGIONAL Depuis peu, l’ONERA siège au Conseil Consultatif Régio- nal pour la Recherche et le Développement Technolo- Au cœur du site académique de Toulouse, l’ONERA a noué gique, instance qui contribue à la prospective des actions de nombreux partenariats avec des laboratoires scienti- menées par la Région Occitanie, dans le cadre de sa Stra- fiques à vocation fondamentale comme technologique. Il tégie de Recherche et d’Innovation. ■ collabore ainsi étroitement avec les Ecoles d’Ingénieurs de renommées mondiales dédiées aux métiers aéronau- tiques et spatiaux que sont l’ENAC et l’ISAE-SUPAERO.

Membre du Pôle mondial Aerospace Valley, l’ONERA est également, Associé « renforcé » de l’Université Fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées aux côtés du CNRS, des quatre universités de Toulouse, de l’INSA et de l’ISAE-SUPAERO, membres de droit. Ce statut, partagé avec d’autres Ecoles ou Instituts Universitaires de la Région, permet à l’ONERA de siéger et de délibérer au Conseil des Membres et au CA de l’UFTMiP. Il ouvre de brillantes perspectives de déve- loppement pour des activités de recherches partagées et coordonnées avec les unités de recherches de l’ensemble de ces Universités et Ecoles. Vue du centre ONERA de Toulouse L’ONERA ET TOULOUSE MÉTROPOLE POUR MODÉLISER LA VILLE DU FUTUR Depuis la signature par Jean-Luc Moudenc, président de Toulouse Métropole et Bruno Sainjon, président de l’ONE- RA de la convention de partenariat pluriannuel, l’ONERA participe au projet «Smart City 2015-2020», pour une ville plus fluide, conviviale, innovante, dynamique, attractive,

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 21 FORMATION ET CARRIÈRES INTERVIEW DE MARC HOUALLA, DIRECTEUR DE L’ÉCOLE NATIONALE DE L’AVIATION CIVILE (ENAC) par Jean-Pierre Sanfourche, Chargé de Mission à la 3AF

Marc Houalla est dou- blement diplômé de l’Ecole Nationale d’Avia- tion Civile: formation ingénieur en 1985 puis IUT techniques (ou des BTS aéronautique) passionnés formation ingénieur de d’aviation. Nous avons même reçu récemment dans cette l’aviation civile en 1991. catégorie un élève ayant commencé préalablement par Il est directeur de l’ENAC l’obtention d’un CAP au sein du lycée Airbus School ! En depuis décembre 2008. moyenne, sur une promotion de 150 candidats IENAC, une Il vient d’être élu (27 trentaine suit une formation en apprentissage. Ces étu- mars 2017) au Comité diants sont particulièrement motivés et cela exerce une Directeur du Pro- influence très positive sur l’ensemble de la promotion. gramme «Trainair Plus» L’intégralité de nos étudiants, formés en apprentissage de l’Organisation de est destinée à travailler en entreprise. Ils ne peuvent accé- l’Aviation Civile Interna- der au statut « IENAC Fonctionnaire ». tionale (OACI) qui comp- prend 14 membres. JPS : Comment cette formation par l’apprentissage se Pour la première fois de son histoire la France fait son déroule-t-elle ? entrée au sein de la direction de Trainair Plus, struc- ture mondiale décisive en matière de formation aux MH – C’est une formation par l’alternance entre une entre- métiers de l’aviation civile. prise et l’ENAC qui débute par cycles successifs de 2 mois en entreprise suivis de 2 mois sur le campus de l’ENAC Jean-Pierre Sanfourche : Concernant le statut Ingénieur Montpellier. Nous avons inauguré ce nouveau cursus en ENAC fonctionnaire, ou « IENAC Fonctionnaire », quel 2014. Les entreprises, auprès desquelles nos étudiants en est le quota réservé aux élèves issus de l’Ecole Polytech- apprentissage obtiennent des contrats, sont très majori- nique (l’ENAC étant alors l’ « école d’application ») ? tairement issues de l’industrie aérospatiale (GIFAS) alors que nos ingénieurs ENAC, issus des classes préparatoires, Marc Houalla – Depuis la fusion des corps des Ingénieurs se répartissent à 60% vers les entreprises de l’industrie de l’Aviation Civile et celui des Ingénieurs des Ponts et aérospatiale et à 40% vers les entreprises du transport Chaussées, l’ENAC n’est plus véritablement une école d’ap- aérien. Nous remarquons d’ailleurs que les deux premiers plication de l’Ecole Polytechnique. Les ingénieurs de l’Ecole employeurs de nos élèves ingénieurs sont les groupes Polytechnique, qui souhaitent rejoindre la DGAC (Direc- Airbus et Thales, suivis de la DGAC. tion générale de l’Aviation Civile) suivent une formation à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées (ENPC). Lors de JPS : Tous les élèves du recrutement «IENAC Fonction- leur formation, les candidats du corps des Ingénieurs des naires – Civils – Apprentissage » reçoivent-ils une for- Ponts et Chaussées intéressés par la DGAC viennent à Tou- mation minimum au pilotage et quel degré de qualifi- louse suivre un stage lors duquel leur sont présentés les cation ? grands enjeux du transport aérien. Certains d’entre eux suivent, après leur formation à l’ENPC, des formations MH – Oui, en particulier nos élèves fonctionnaires sont de spécialisation à travers les mastères spécialisés de formés au pilotage et obtiennent une licence PPL (Pri- l’ENAC. Les ingénieurs ENAC fonctionnaires, quant à eux, vate Pilot License) lors de leurs études à l’ENAC. Au tra- sont recrutés sur concours après les classes préparatoires. vers de l’obtention de cette licence, nous fournissons à nos élèves une connaissance approfondie du transport JPS : Quelle est la proportion des élèves « IENAC par l’Ap- aérien. D’autre part, ceux qui sont intéressés par le pilo- prentissage » que vous admettez à l’entrée, par rapport tage peuvent, s’ils le désirent au cours de leur carrière, au total (Fonctionnaires – Civils – Apprentissage) ? obtenir diverses licences et qualifications telles que le CPL (Commercial Pilot license), l’IR (Instrument Rating) ou MH – Ces élèves « IENAC par l’Apprentissage » sont recru- l’IRME (IR Multi –Engine) tés majoritairement parmi les meilleurs candidats des

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 22 FORMATION ET CARRIÈRES INTERVIEW DE MARC HOUALLA, DIRECTEUR DE L’ÉCOLE NATIONALE DE L’AVIATION CIVILE

JPS : A l’issue de leurs trois années d’études, ces élèves avons été parmi les écoles pionnières lorsque nous avons ont-ils la possibilité de suivre le cursus EPL en vue de mis en place cette formation obligatoire dans les cycles devenir pilote de ligne ? ATPL et nous sommes heureux de constater que cette obli- gation a été reprise par l’EASA. Acquérir le sens de l’air, MH – Les élèves ingénieurs peuvent en effet intégrer le piloter en sentant les réactions de l’avion dans les condi- cursus d’Elèves Pilotes de Ligne (EPL) s’ils réussissent le tions les plus délicates, c’est essentiel. concours d’entrée tout en tenant compte de la contrainte de la limite d’âge. Les diplômés ENAC, qui souhaiteraient JPS : Toujours au sujet de la pédagogie du pilotage, devenir pilotes de ligne, doivent donc passer le concours quelles relations l’ENAC entretient-elle avec les centres d’entrée EPL et donc revenir « à la case départ » en termes ENAC à l’étranger ? de formation au pilotage. MH – Nous entretenons des relations en termes de péda- Le cursus EPL dure environ 2 ans. La partie formation pra- gogie avec divers organismes de formation à travers le tique au pilotage, proprement dit, dure environ 18 mois et monde telles que l’école de la Lufthansa en Allemagne, s’acquiert avec un total de 280 heures, MCC JOC comprise : Flight Safety International aux États Unis, la CAUC en 160 heures de vol avion + 120 heures sur simulateur. Chine, Airbus Training et ATR Training Center en France mais également avec des institutions internationales Aujourd’hui, parmi les 300 élèves annuels de l’ENAC dont telles que l’EASA. D’autre part, nous avons également sys- l’objectif est d’acquérir une licence ATPL : 50 sont français tématisé un retour d’expérience pédagogique avec l’en- (EPL), le reste de nos élèves étant principalement origi- semble de nos compagnies aériennes partenaires ce qui naires du Sud-Est Asiatique, du Moyen-Orient, d’Afrique nous permet l’amélioration continue de la qualité de notre du Nord, etc. enseignement.

JPS : Il existe de nombreuses formations au pilotage : JPS : Tandis que le pilotage devient de plus en plus comment la sélection entre ces divers cursus s’opère- assisté par les automatismes, comment conduisez-vous t-elle entre MCC (Multi-Crew Cooperation), FI (Flight l’évolution de la formation des pilotes de ligne dans ces Instrument), MPL (Multi-Crew Pilot License), ATR Type prochaines années ? Simulateurs de vol, simulateurs de Rating ? contrôle ATC, etc., et pilotage effectif ?

MH - Les qualifications et licences délivrés dépendent de MH – Dans chacune des formations au pilotage de l’ENAC, la demande des compagnies aériennes partenaires. nous avons défini la liste des compétences à acquérir. Dans les cas qui nous occupent, nous avons identifié la JPS : S’agissant de la pédagogie du pilotage, l’ENAC entre- compétence « gestion des automatismes » comme essen- tient-elle des relations étroites avec l’Ecole de l’air de tielle. L’acquisition de cette compétence n’exclut toutefois Salon-de-Provence : la confrontation des idées entre pas l’acquisition de la compétence « pilotage » qui se tra- pilotage d’avions militaires et pilotage d’avions civils est duit, notamment, par le fait que les phases d’atterrissage sans doute enrichissante ? et décollage sont effectuées manuellement par nos élèves.

MH – Nous avons effectivement discuté, par le passé, avec On peut également ajouter qu’au tout début de la forma- l’Ecole de l’air pour organiser la mise en commun de cer- tion, notamment pendant la phase initiale VFR, nous tains cursus mais il est très vite apparu que cela n’était insistons sur le pilotage manuel et nous leur demandons pas possible en raison des spécificités très particulières de se concentrer sur les fondamentaux du vol à vue tels des missions aériennes militaires. que par exemple la tenue « machine ». Nous leur deman- dons d’être attentifs à leur environnement et d’évaluer Je sais que l’Ecole de l’air attache beaucoup d’importance les situations de vol sans l’aide des automatismes. C’est à la formation « Vol à Voile », c’est en effet un excellent ainsi que nous leur demandons de déterminer les com- apprentissage mais pour des raisons de contraintes de posantes du vecteur de vitesse du vent en fonction de la temps et de budget, nous n’avons pas mis en place une dérive constatée par du calcul mental ou d’évaluer la force formation comparable à l’ENAC. Les compétences pilotage et la direction du vent au sol en observant la direction et acquises lors d’un stage de vol à voile au sein de l’Ecole de le sens des fumées, etc. l’air sont acquises sur d’autres aéronefs dans les cursus ENAC. De manière générale, tout au long de la formation, nous nous assurons que nos élèves ont bien acquis la compé- Concernant la voltige, l’ensemble de nos élèves ATPL sont tence de la conscience de la situation (Situation Aware- formés aux positions inusuelles sur avion CAP10. Nous ness). Cela est notamment mis en œuvre via des « Brie-

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 23 FORMATION ET CARRIÈRES INTERVIEW DE MARC HOUALLA, DIRECTEUR DE L’ÉCOLE NATIONALE DE L’AVIATION CIVILE

fing » réguliers tout le long du vol, où nos élèves sont nautique mondial en recherche et formation, fort de 700 conduits à évaluer les menaces potentielles de la situa- chercheurs. tion dans laquelle ils se trouvent. Ils sont conduits à se poser des questions telles que : « Que feriez-vous en cas de JPS : Quels sont les grands principes d’organisation telle ou telle situation critique, équipements défaillants, que vous appliquez pour conduire simultanément avec conditions météo critiques, etc. ? » « Descendre, changer succès un aussi grand nombre de formations ? Comment de route, atterrir d’urgence, etc. ? ». C’est la question du profitez-vous des possibilités du E-learning ? « WHAT IF » qu’il faut en permanence se poser. Pour être bien formé à cette discipline il faut dès le début acqué- rir cet art d’apprécier la situation malgré la présence des MH – Cela demande une organisation et un management automatismes. parfaitement rodés. C’est le cas grâce à l’affectation pour chacune des formations ENAC d’un inspecteur des études JPS : Comment les difficultés sans cesse croissantes de la dédié à une formation. problématique « Security » sont-elles prises en compte ? Nous avons au total sur l’ensemble des campus ENAC à MH – Tout d’abord, il faut rappeler que L’ENAC est, depuis travers le monde de l’ordre de 3000 élèves au total, dont 2011, centre de formation à la sûreté reconnu par l’Orga- 65% d’étrangers provenant de 85 nationalités. Ces 3000 nisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), aussi élèves se répartissent en environ: 300 élèves-pilotes, 250 appelé ASTC (Aviation Security Training Center). A ce titre, élèves-contrôleurs aériens et 2500 élèves en ingénieries nous organisons des stages de formation continue de diverses. Nous utilisons couramment l’e-Learning dans deux à trois semaines pour l’ensemble des opérateurs de beaucoup de nos phases de formations. Essentiellement sûreté (security en Anglais) en France mais également à pour de l’auto-apprentissage en quelque sorte pour pré- l’étranger. Nous formons ainsi 2500 stagiaires annuel- parer les cours avec le professeur. Pour acquérir par soi- lement dont certains sont, eux même, formateurs dans même un « background » grâce à quoi le magistral sera leurs organismes de sûreté. Nos activités principales en assimilé de façon bien plus efficiente. Pour moi le savoir- termes de sûreté se répartissent en deux branches : la for- faire du professeur ou de l’instructeur reste irremplaçable. mation d’une part, la recherche d’autre part. Nous avons ainsi des activités de recherche en sûreté qui font appel D’autre part, nous avons réalisé trois MOOC : (i) sur le notamment aux concepts de profilage, de Big Data ainsi Yield-management ; (ii) sur le thème de « quel avion pour qu’aux technologies de visualisation d’image. quelle mission ? »; (iii) sur une introduction au transport aérien. Mais tout ceci dans une philosophie de culture JPS : S’agissant des formations scientifiques et tech- générale et non avec l’intention de remplacer l’enseigne- niques, l’ENAC se concentre plus particulièrement sur ment traditionnel avec professeurs. les aspects spécifiques de l’Aviation Civile - navigation aérienne, exploitation, environnement, etc. – Mais pour JPS : Quels sont à l’heure actuelle les projets-phare certains domaines de conception et ingénierie aéronau- conduits par le Centre de Recherches de l’ENAC ? tique elle entretient je suppose d’étroites relations avec des écoles telles que ISAE-SUPAERO ou ISAE-ENSMA ? MH – 1. VOLTA, hélicoptère électrique dont nous cherchons à faire évoluer son autonomie de 15 minutes à 30 minutes, MH – L’ENAC délivre des cours dans la quasi-totalité des projet pour lequel nous mettons particulièrement l’accent domaines de l’aéronautique et de l’aviation : construction sur les planches de bord, les liaisons sol-bord et la gestion aéronautique, équipementier aéronautique, compagnie de l’énergie. aérienne, aéroport, aviation civile, contrôle aérien, etc. 2. Les interfaces Homme-Machine (HMI) : cockpit avion et Sur la partie construction aéronautique, nous délivrons position de contrôle. des cours généraux dans les domaines des structures et 3. L’intégration des drones dans la circulation aérienne des matériaux, comme dans celui des systèmes propulsifs (études menées en coopération avec des industriels aéro- et concentrons nos efforts dans des domaines essentiels nautiques). que sont la maintenance, la navigabilité et l’avionique. 4. La visualisation interactive des Big Data et les métriques de complexité et de sécurité en coopération avec l’EASA. Nous collaborons étroitement avec SUPAERO et avec le 5. Un projet d’avion utilisant des piles à hydrogène. Centre ONERA/Toulouse et nous sommes d’ailleurs en train de constituer une Fédération Internationale de Recherche sur des thématiques telles que les drones, les facteurs humains (FH) et le Big Data. A nous trois, à terme, nous allons constituer le plus grand Campus Aéro-

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 24 FORMATION ET CARRIÈRES INTERVIEW DE MARC HOUALLA, DIRECTEUR DE L’ÉCOLE NATIONALE DE L’AVIATION CIVILE

JPS : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le projet QUELQUES FAITS ET CHIFFRES d’Université du Transport Aérien (UTA) ? FORMATIONS MH – Cette future université dispensera une formation • INGÉNIEUR ENAC de haut niveau au management du transport aérien en • IENAC Fonctionnaire apportant une vue pluridisciplinaire et transverse des dif- • IENAC Civil férentes composantes de ce secteur. L’idée est d’étendre au • IENAC par Apprentissage niveau international ce que nous faisons en Chine avec • ICNA - CONTRÔLEUR AÉRIEN notre Executive MBA Aéronautique à l’Université de Tsin- • IESSA - INGÉNIERIE DES SYSTÈMES ÉLECTRONIQUES ghua où grâce aux relations [Professeur > Élève] et [Élève DE LA SÉCURITÉ AÉRIENNE > Élève] qui s’établissent, nous parvenons à résoudre des • TSA - TECHNICIEN SUPÉRIEUR DE L’AVIATION questions techniques et managériales avec une efficacité • EPL - ELÈVE PILOTE DE LIGNE décuplée pour l’ensemble du domaine aéronautique. Voilà • CYCLE PRÉPARATOIRE ATPL un aspect fondamental du réseau d’influence de l’ENAC • TAE - TECHNICIEN AÉRONAUTIQUE D’EXPLOITATION dont je vous parlais à l’instant. BACHELOR IN AVIATION MANAGEMENT

D’autre part, cet Executive MBA Aéronautique à l’Univer- sité en Chine est, comme le sera la future formation UTA, UNE OFFRE INTERNATIONALE un formidable vecteur d’influence de l’industrie aéronau- • 30 Programmes de formations différents ; tique française. • 3000 élèves ; • International et formation continue ; L’ENAC est naturellement impliquée dans cette univer- • 7500 stagiaires qui participent chaque année à plus sité. Plusieurs personnes de l’ENAC interviendront sur de 650 sessions de stages de formation continue ou de des sujets tels que les enjeux de recherche en matière perfectionnement ; de sûreté (Security) et de sécurité (Safety), l’économie du • plus de 50 accords internationaux et l’accueil transport aérien, ou bien encore sur l’enjeu de la mise de plusieurs centaines d’élèves et de stagiaires en place du Soft Power aéronautique français à travers le étrangers , originaires des 5 continents. monde via les formations et la recherche de l’ENAC. Par ailleurs l’ENAC apportera son soutien logistique et d’ac- compagnement pédagogique. MOYENS HUMAINS • 910 personnels permanents dont 500 enseignants et Cette formation UTA se déroulera en 2017 dans quatre instructeurs ; villes : Bordeaux, Toulouse, Paris et Bruxelles. • 1000 professeurs vacataires.

JPS : Pour conclure notre entretien, pourriez-vous en quelques mots résumer vos principales préoccupations MOYENS FINANCIERS actuelles et vos objectifs prioritaires à court et moyen • 125 M€ dont 30 M€ de ressources propres et 95 M€ de termes ? subvention de la DGAC

MH – Nos trois priorités sont : > Poursuivre la montée en gamme de l’excellence des for- MOYENS PÉDAGOGIQUES mations de l’ENAC. • une flotte de 121 avions ; > Continuer le développement à l’international tout en • de nombreux simulateurs de vol ; répondant aux besoins de l’aéronautique française et • des simulateurs de contrôle du trafic aérien de notamment de la DGAC. pointe ; > Développer nos réseaux d’Influence (Soft Power • des laboratoires d’aérodynamique, d’électronique, Networks). ■ d’informatique, de langues... ; • 4 équipes de recherche (Informatique Interactive, Mathématiques, Telecoms, Economie/Econométrie).

9 IMPLANTATIONS Toulouse (siège administratif), Biscarrosse (40), Carcassonne et Castelnaudary (11), Grenoble (38), Montpellier (34), Melun (77), Muret (31), Saint-Yan (71).

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 25 FORMATION ET CARRIÈRES CAP SUR LE MÉTIER DE PILOTE DE LIGNE… par Arnaud Dini, membre de la 3AF

Arnaud Dini est un jeune membre de la 3AF depuis 2014. Après avoir obtenu son diplôme de DUT Mesures Physiques (avec un stage de fin d’étude chez MBDA), Arnaud a décidé de poursuivre ses études et s’orienter vers une carrière de pilote de ligne. Dans cet article, il nous livre son expé- rience et nous offre un aperçu chronologique de sa formation de pilote.

Dans l’imaginaire collectif, le métier de pilote de ligne Vient ensuite la formation pratique qui demeure un demeure un rêve d’enfant, difficile d’accès de part le moment inoubliable. Après avoir étudié la théorie, il est processus de sélection ainsi que le coût de la formation. Le désormais temps d’apprendre les bases du pilotage. Pour choix d’une école privée reste délicat puisque il en existe ce faire, j’ai poursuivi ma formation à CAE Phoenix en un grand nombre et toutes ne permettent malheureuse- . L’Arizona attire de nombreuses écoles, d’ailleurs ment pas d’accéder plus tard à un cockpit… J’ai pu intégrer plusieurs compagnies aériennes y forment leurs cadets l’une des meilleures écoles présente sur le marché, la CAE (Lufthansa, Air Algérie, EVA Air…). Les conditions météo- Oxford Aviation Academy, offrant un taux d’embauche rologiques y sont parfaites, les vols intensifs (1 à 2 vols par supérieur à 90%. Présente sur quatre continents, il s’agit jour) et une immersion totale dans la culture Américaine du plus grand réseau de formation ab initio dans le monde. permettent une progression rapide et efficace pendant une durée de 6 mois. CAE effectue la formation sur Il est possible d’opter pour une formation intégrée PA-28-181 Archer (avion monomoteur) équipé des dernières (cursus de 18 mois), ce qui fut mon cas, ou une formation technologies, notamment : Glass Cockpit G1000, système modulaire laissant plus de flexibilité à l’élève pilote. TAS (Traffic Advisory System) permettant la localisation d’autres aéronefs… (Figures 2 et 3). Après l’obtention d’un Baccalauréat Scientifique avec mention, suivi d’un DUT Mesures Physiques à l’univer- sité de Paris-Jussieu, j’ai pu intégrer CAE Brussels, ancien centre de formation de la Sabena (compagnie nationale Belge jusqu’en 2001). Avec une promotion de 11 étudiants (pouvant néanmoins aller jusqu’à 28), j’ai tout d’abord étudié les 14 modules théoriques de l’ATPL (Airline Transport Pilot License) pendant une durée de 6 mois. Aérodyna- mique, Météorologie, Instrumentation, Masse et Centrage, Facteurs Humains… tels étaient les sujets passionnants enseignés (figure 1). Grâce à un enseignement de qualité, par des instructeurs expérimentés (pilotes de ligne, ingénieurs de vol ou contrôleurs aériens), j’ai pu à l’issu de ces 6 mois, réussir les examens officiels avec un score de 92% !

Figure 2. PA28, Aéroport de (base)

Figure 1. Livres de Théorie ATPL Figure 3. Glass Cockpit G1000

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 26 FORMATION ET CARRIÈRES CAP SUR LE MÉTIER DE PILOTE DE LIGNE…

Chaque élève pilote suit un programme précis durant sa La cause principale d’accidents fatas en aviation, étant la formation aux États-Unis, lui permettant ensuite de se perte de contrôle en vol (LOC-I), ce programme permet de présenter à l’examen CPL (Commercial Pilot License). Le mieux appréhender quelques phénomènes techniques tels fait d’avoir une expérience en tant que pilote privé était un que : le décrochage, la vrille, les turbulences de sillage, réel avantage. De la technique d’atterrissage, en passant l’importance de la symétrie du vol (notamment à faible par différents exercices de manœuvrabilité ainsi qu’à vitesse et durant un virage)… Chaque pilote d’aéronef, qu’il l’apprentissage de la navigation à vue… telles sont les s’agisse d’aviation commerciale, militaire, ou générale compétences que chaque élève pilote doit démontrer pour est concerné par ces phénomènes dangereux. Mieux l’obtention du CPL. Enfin, après avoir obtenu le nombre comprendre comment les éviter est donc une composante d’heures de vol nécessaires sur avion monomoteur, chaque majeure de la formation d’un pilote rendant ainsi élève pilote achève sa formation sur avion bimoteur. J’ai l’industrie de l’aviation encore plus sûre. donc eu l’opportunité de voler une dizaine d’heures sur PA44 (Seminole, figure 4), afin de me préparer à l’examen Après l’obtention du CPL, nous devons désormais du CPL. obtenir notre IR (Instrument Rating). Cette qualification permet d’effectuer des vols avec pour seule référence les instruments de bord. Ainsi, cela nous permet d’entre- prendre des vols avec des conditions météorologiques défavorables (faible visibilité, plafond bas…). Cette phase de la formation est la plus complexe. En effet, voler dans un environnement hostile nécessite une connaissance approfondie de plusieurs sujets techniques. Par exemple, chaque pilote doit être capable de lire une carte d’approche IFR. Il peut s’agir d’une approche de précision (ILS) ou non précise (VOR, NDB…). De nombreuses informations figurent sur ces cartes, et chaque pilote toit être capable d’analyser ces dernières rapidement. C’est la raison pour Figure 4. Bimoteur, PA44 Seminole laquelle de nombreuses séances de simulateur (FNPTII) sont effectuées durant cette phase de la formation. Nous Piloter pour la première fois un tel avion restera un pouvons ainsi créer à l’identique toutes les conditions souvenir mémorable, l’accélération au décollage, la gestion météorologiques et situations auxquelles un pilote pourra des hélices à pas variable en passant par la découverte du être confronté (plafond bas, mauvaise visibilité, diverses vol asymétrique après une panne moteur resteront mes pannes…). S’entraîner dans un tel simulateur était un réel exercices préférés ! avantage. Nous avons pu améliorer notre connaissance des procédures ainsi que notre pilotage de précision. Ces séances au sol permettent de préparer au mieux un vol en conditions réelles. En effet, après deux sessions passées dans un FNPTII, nous effectuons un vol dans des conditions réelles. J’ai pu ainsi voler sur Diamond 42 (TDI), avion bimoteur (figure 6), équipé d’un pilote automatique, systèmes de dégivrage (bord d’attaque, empennage, hélice)…

Figure 5. Vol inversé, Extra 300L

La formation intégrée inclut également 3 heures de vol sur Extra 300L (Avion de Voltige, figure 5) que j’ai pu effectuer avec un ancien pilote de chasse de l’armée Américaine et Upset Prevention and Recovery Training permet de comprendre les risques auxquels chaque pilote peut être confronté et comment limiter ces derniers. Figure 6. DA42-TDI, Aéroport d’Anvers (base)

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 27 FORMATION ET CARRIÈRES CAP SUR LE MÉTIER DE PILOTE DE LIGNE…

Effectuer ma formation sur DA42 était un réel plaisir, ment de toutes les procédures. La dernière étape avant bien que chaque vol ait été mentalement et physiquement l’entrée dans le simulateur reste une formation dans le éprouvant. En effet, les instructions du contrôleur aérien MFTD (Multi Fonction Training Display). Il s’agit désormais peuvent changer rapidement en fonction du traffic, ainsi d’un cockpit entièrement tactile permettant ainsi de nous devons nous adapter et garder notre sang froid dans reproduire toutes les procédures d’approche IFR. n’importe quelle situation. En plus de gérer les communi- cations radio dans un espace aérien congestionné, nous Figure 8. MFTD B737-800 devons nous informer de la météo à notre destination, préparer l’approche IFR, donner un briefing, completer des Aucune notion de pilotage checklists, naviguer… manuel est introduite durant cette phase. Il s’agit d’une phase passionnante bien que complexe, Cet outil nous permet laissant peu de places aux approximations. Tous les vols notamment d’apprendre sont effectués avec un seul membre d’équipage, contraire- la gestion des nombreux ment aux avions de type Jet qui nécessitent deux membres modes composant le d’équipage. Ainsi, la charge de travail est deux fois plus pilote automatique, ou importante et l’usage du pilote automatique n’est pas une bien la simulation de option ! Toutes les procédures d’approche sont effectuées diverses pannes. Ainsi, manuellement, et tout peut se compliquer encore plus le MFTD nous permet avec la simulation de pannes moteur. d’entrer dans le simulateur en étant déjà familier avec toutes les procédures du B737. Les sessions sur simulateur Mon premier vol en IMC (Instrument Meteorological permettent par la suite d’ajouter une difficulté supplé- Conditions) restera néanmoins un souvenir inoubliable. mentaire, le pilotage ! En effet, nous devons désormais Un décollage sous la pluie puis une montée dans les appliquer les procédures tout en pensant à la gestion du nuages et enfin ce moment où l’on passe au dessus de la vol. Les procédures d’approche sont effectuées la plupart couche nuageuse avec le soleil et un ciel bleu à perte de du temps Raw Data, c’est à dire entièrement manuel- vue (figure 7). Tel un avion de ligne, cette sensation est lement, sans l’aide de Flight Director. Le B737 restera le indescriptible et confirme quotidiennement ma passion meilleur souvenir de toute ma formation. La gestion pour ce métier exceptionnel. de feu moteur, la simulation d’arrêt cardiaque d’un des pilotes, une dépressurisation rapide de la cabine… telles sont les procédures anormales auxquelles nous avons dû faire face. Etre confronté à de telles situations m’a permis de réaliser l’importance du travail en équipage.

Figure 7. DA42-TDI, Croisière

Enfin, la dernière et meilleure partie de cette formation, restera le MCC/JOC. Multi Crew Concepts and Jet Orientation Course. Cette étape cruciale dans la formation de pilote de ligne permet d’apprendre les fondements du travail en équipage. La CRM (Crew Ressource Management), autrement dit l’art du travail en équipage, représente l’aspect essentiel de cette phase. Afin de mettre tous ces concepts en application, j’ai effectué 28 heures de vol Figure 9. Simulateur CAE, B737-800 sur un Boeing 737-800 (figures 8 et 9). En effet, CAE met à disposition des simulateurs de dernière génération, La qualité d’instruction ainsi que la notoriété de CAE montés sur vérins hydrauliques, reproduisant à l’identique Brussels m’ont conjointement permis de réaliser mon les sensations ressenties pendant un vol réel. Avant rêve d’enfance. Un mois après avoir achevé ma formation, d’entrer dans le simulateur, nous avons dû nous former j’ai été engagé par la compagnie Irlandaise Ryanair. Avec aux SOP’s (Standard Operating Procedures). Pour ce faire, une flotte de plus de 360 Boeing 737-800 et plus de 1800 nous nous sommes entraînés dans un Mock Up (Repro- vols par jour, j’espère avoir le plaisir de vous accueillir très duction du cockpit en 2D), afin de mémoriser l’enchaîne- prochainement à bord ! ■

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 28 CULTURE LA CITÉ DE L’ESPACE. POUR SES 20 ANS : DÉVELOPPEMENT ET INTERNATIONAL par Olivier Sanguy, rédacteur en chef Actualités Spatiales

Pour sa vingtième année d’existence, la Cité de l’espace ronnement. Le Centre de Lancement montre comment les à Toulouse accueillera en octobre une centaine d’astro- hommes, les fusées et les satellites partent vers l’espace. nautes du monde entier à l’occasion de leur congrès Cette partie des expositions permanentes allie initiation annuel. Symbole d’un parcours réussi et d’un partage aux principes physiques (action-réaction, orbite, etc.), de plus en plus large de la culture spatiale. mise en scène des métiers impliqués (reconstitution d’une salle de contrôle de lancement, salle blanche pour La Cité de l’espace est située au cœur de la capitale les satellites) et explications des défis rencontrés (danger européenne de l’espace, Toulouse, qui réunit avec sa région des débris spatiaux, scaphandre russe Orlan pour illustrer près de 12 000 employés travaillant dans le domaine l’hostilité du milieu spatial, etc.). spatial. Soutenue par les plus grands organismes du domaine, la Cité de l’espace dispose d’une place de choix Le Quai du Système Solaire est, comme son nom pour témoigner auprès du public de cette formidable l’indique, la « gare de départ » vers les planètes et autres aventure humaine et scientifique qui se joue chaque jour. corps qui gravitent autour de notre étoile. Une pierre de Lune ramenée par les astronautes d’Apollo 15 (un dépôt DES PARTENARIATS QUI RENFORCENT SON permanent de la NASA) y est mise en valeur et constitue RÔLE un objet de fascination. Une maquette échelle 1 du module européen Columbus de l’ISS rappelle les objectifs scien- La Cité de l’espace est unique, elle se situe au carrefour tifiques des missions habitées actuelles. Le Pôle Météo de multiples métiers et missions. Partager les avancées confirme sa popularité basée sur l’interrogation incon- spatiales et astronomiques avec le plus grand nombre, tournable : « quel temps fera-t-il ? » et l’importance du donner l’envie d’en savoir plus, susciter les vocations, être spatial pour comprendre l’évolution du climat est aussi « la caisse de résonance » de la filière spatiale, témoigner présenté dans cet espace. Ici, les visiteurs découvrent de l’actualité de l’espace et de l’astronomie, participer à l’apport du spatial tout en présentant leur propre bulletin l’attractivité touristique et au rayonnement de Toulouse et à la façon d’une véritable émission de télévision. Symbo- sa région, tels sont les rôles de la Cité de l’espace. liquement placé au dernier étage du bâtiment principal, l’Observatoire de l’Univers reconstitue une coupole astro- Pour cela elle dispose d’un réseau dense de partenaires nomique sous la voûte céleste. Des dispositifs interactifs, dans tous les champs de ses missions : culturels, scienti- notamment de larges écrans tactiles, montrent que le fiques, industriels, éducatifs, touristiques (voir encadré). Cosmos ne se scrute pas que dans la lumière visible : des Forte de ses partenariats et aussi grâce à la compétence informations cruciales sont « cachées » dans les rayonne- de ses équipes en interne, la Cité de l’espace a pu sans ments X, Gamma, infrarouge et autres que les télescopes cesse développer sa mission de partage de la culture et satellites nous révèlent. L’aspect astronomie a d’ailleurs spatiale. L’année 2012 fut à ce titre un véritable pivot avec été développé grâce à la Coupole de l’Astronome située une refonte complète de ses expositions permanentes dans les jardins de la Cité de l’espace. À travers un véritable et une nouvelle approche de médiation : plus humaine, télescope, on découvre le ciel avec l’activité du Soleil (en plus sensorielle, plus immersive et reliée à l’actualité. La toute sécurité grâce à un équipement adéquat) et même nouvelle communication traduit l’accessibilité de la Cité certaines étoiles et planètes visibles en pleine journée, ce de l’espace à tous. Désormais, la découverte des activités qui ne manque pas d’étonner les visiteurs ! spatiales et astronomiques actuelles répond aux nouvelles attentes du public adulte ou enfant. Les jardins hébergent aussi la maquette d’Ariane 5 taille réelle ou encore un fidèle modèle d’essais de la station LE SPATIAL DANS TOUTE SA DIVERSITÉ russe Mir réalisé à partir de véritables modules qui étaient des doubles pour tests au sol. Non loin de là, trônent un Les fondamentaux sont cependant toujours présents avec vrai Soyouz taille réelle et un autre dans lequel on peut la mise en avant du rôle essentiel des satellites dans notre s’asseoir pour expérimenter l’exiguïté du célèbre vaisseau quotidien avec la partie Vaisseau-Terre. L’interactivité, spatial. Cet aspect taille réelle (qu’on retrouve aussi avec qui offre aux visiteurs la capacité de « faire » et non plus un satellite ERS, XMM Newton où des éléments Ariane 1 seulement de lire ou de voir, se concrétise par exemple via à 4) s’avère primordial tant le grand public a toujours le un dispositif où on prend les commandes d’un tracteur plus grand mal à saisir l’échelle des objets spatiaux. pour comprendre l’apport des données satellitaires en faveur d’une agriculture durable et respectueuse de l’envi-

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 29 CULTURE LA CITÉ DE L’ESPACE. POUR SES 20 ANS : DÉVELOPPEMENT ET INTERNATIONAL

UN RENOUVELLEMENT PERMANENT avec la mission Proxima de Thomas Pesquet. L’enthou- siasme rencontré confirme la justesse de ce choix. Les expositions permanentes de 2500 m2 renouvelées en 2012 ne sont toutefois pas figées. Elles sont mises à jour RAYONNEMENT INTERNATIONAL en fonction de l’actualité et des développements les plus récents. À cela s’ajoute la volonté de la Cité de l’espace Et à propos d’astronautes, pour l’année de son vingtième d’offrir sans cesse de la nouveauté. Les 2 planétariums (420 anniversaire, la Cité de l’espace accueillera le 30ème Congrès places au total) accueillent régulièrement des spectacles Mondial des Astronautes du 16 au 20 octobre 2017. Une variés et renouvelés qui abordent aussi bien les mystères centaine de membres de l’Association of Space Explorers du cosmos que les contraintes du métier d’astronaute. On (qui regroupe ceux et celles qui sont allés dans l’espace) notera que, début juillet, un tout nouveau planétarium sera ainsi présente à Toulouse pour l’occasion. Le vendredi interactif remplacera l’un des deux équipements. Un 20 octobre, une journée anniversaire grand public sera investissement réalisé par Toulouse Métropole. organisée pour les 20 ans de la Cité de l’espace en clôture de ce Congrès Mondial des Astronautes. Le cinéma IMAX 3D est idéalement conçu pour évoluer au gré d’une nouvelle programmation. Rappelons que Le choix de la Cité de l’espace pour ce congrès souligne c’est Michael Collins, le pilote du Module de Commande son rayonnement de dimension désormais internatio- d’Apollo 11, qui fut convaincu de la capacité de ce format nale. Il s’est bâti grâce à l’expertise de la Cité et de ses (à l’époque sans la 3D) à transmettre l’expérience spatiale équipes via des participations à des projets éducatifs de lorsqu’il assista à une démonstration alors qu’il dirigeait nature européenne et mondiale. Le concours européen le National Air and Space Museum de Washington DC, Odysseus, où des classes réalisent des dossiers sur des dans les années 1970. Depuis, le film documentaire sur sujets astronautiques, a choisi la Cité de l’espace pour les la thématique astronautique ou astronomique est presque finales nationales de 2016 et 2017, ainsi que pour la finale devenu un classique des centres de culture scientifique européenne de 2017. Ce type d’événements favorise de riches grâce à sa qualité d’image inégalée. Avec son écran de échanges culturels. Ainsi, à la mi-mai, des scolaires ont 400 m2 et une sonorisation de 12 000 watts, la salle IMAX pu assister à une conférence de Nagin Cox, ingénieure de 3D de la Cité de l’espace (300 places) est à la hauteur de ce la NASA qui travaille notamment sur la mission Curiosity. défi. Depuis le début de l’année, A Beautiful Planet, la toute L’échange culturel se retrouve aussi avec Youth Mission dernière production réalisée avec le soutien de la NASA et to Mars en 2015-2016 : des lycéens de Toulouse, Singapour tournée à bord de l’ISS, y est projetée. et Houston ont réfléchi aux problématiques des missions habitées sur la planète rouge. La Cité de l’espace était EN PHASE AVEC L’ACTUALITÉ partenaire du Houston Space Center et du Science Centre de Singapour dans le cadre de la coopération internatio- Cette salle IMAX constitue de plus un équipement adapté nale organisée par l’AAM (l’American Alliance of Museums) à de nombreux événements tels que conférences, tables et financée par l’American State Department. rondes, avant-premières ou festivals. C’est aussi un atout lorsque la Cité de l’espace offre au public la possibilité de International encore avec l’exposition « Eau d’en-haut », suivre un événement spatial emblématique en direct. Plus une coproduction Cité de l’espace et Muséum de Toulouse, de 6 000 personnes sont ainsi venues assister à l’arrivée de qui a voyagé en Corée du Sud dans le cadre d’une initiative Philae sur la comète 67P ou encore au décollage de Thomas de l’Institut Français pour le Ministère des Affaires Pesquet. Face à un tel succès le suivi de l’événement est Etrangères. relayé à travers toute la Cité de l’espace ainsi qu’en vidéo sur Internet. Ce développement à l’international ne saurait se limiter à ces exemples, mais la liste serait trop longue Cette volonté de suivre l’actualité se traduit également ici. L’important est que la volonté continue comme le dans le choix du thème des expositions temporaires. montre la tenue de la 25ème conférence de l’International Après Mars (à l’occasion de l’arrivée de Curiosity), les Planetarium Society en juin 2018. comètes (pour Rosetta et Philae), l’Exposition Astronautes actuellement présentée plonge les visiteurs au cœur des La Cité de l’espace préside la Space Museums Commitee défis vécus par ceux et celles qui travaillent et vivent de l’IAF . Elle coordonne la World Space Week pour la dans l’ISS. Impesanteur, beauté de la Terre, désorienta- France et représente l’IAF au Board de la World Space week tion, nourriture adaptée, particularité de l’hygiène, etc. : Association. des écrans interactifs, des expériences et des animations transforment petits et grands en candidats astronautes ! Un thème choisi afin que la Cité de l’espace soit en phase

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 30 CULTURE LA CITÉ DE L’ESPACE. POUR SES 20 ANS : DÉVELOPPEMENT ET INTERNATIONAL

LES PARTENAIRES DE LA CITÉ DE L’ESPACE

La Cité de l’espace a ouvert ses portes en 1997 à l’initia- tive de la Mairie de Toulouse avec le soutien de la Région Occitanie, de nos cofondateurs, la Mairie de Toulouse, CNES, Airbus, Météo France et le Ministère de l’Éducation nationale et la participation de ses partenaires associés : Caisse d’Epargne Midi-Pyrénées, Caisse des Dépôts et Consignations, ESA (Agence Spatiale Européenne), Canopé, Université Toulouse III Paul Sabatier, CNRS, OMP, IRAP, SNECMA, ONERA, Thales Alenia Space. Toulouse Métropole a repris les compétences de la Ville de Toulouse depuis le 1er janvier 2016. Les nouvelles expositions permanentes mettent en scène le spatial et l’astronomie en favorisant l’interactivité. Le La Cité de l’espace est gérée par la SEMECCEL (Société visiteur n’est plus seulement spectateur, mais devient acteur d’Economie Mixte d’Exploitation de Centre Culturel et s’approprie ainsi par l’expérience interactive les connais- Educatif et de Loisirs ). sances apportées. Crédit : Cité de l’espace/A. Piechta Budget (2016) 12, 6 millions d’Euros, effectifs 117 salariés équivalent temps plein. Président Jean-Luc Moudenc, Vice-Président Jean Claude Dardelet, Direc- teur général Jean Baptiste Desbois

Partenaires officiels : MGEN, Transdev, Banque Popu- laire Occitane.

Partenaires 20 ans : Enedis et ESSP

Les expositions de la Cité de l’espace ont été soutenues par : Mairie de Toulouse, Toulouse Métropole, Région Occitanie, Union Européenne (fonds européenen de développement régional), Préfet de la région Midi- Pyrénées et la Coopération Territoriale Espagne- Plus de 6 200 personnes sont venues assister au départ de France-Andorre. Thomas Pesquet vers la Station Spatiale Internationale le 17 novembre 2016. L’ensemble de la Cité de l’espace fut mobilisé pour permettre au plus grand nombre de vivre ce décollage. Ici la salle IMAX. L’événement fut aussi retransmis sur des écrans à travers la Cité de l’espace. Crédit : Cité de l’espace

De jeunes lycéens de Toulouse à Houston à l’occasion de l’ini- La Cité de l’espace à Toulouse. Dans ses jardins, les visiteurs tiative Youth Mission to Mars. Un des exemples de parte- sont confrontés à plusieurs objets spatiaux en taille réelle : nariats internationaux à visée éducative auxquels participe station Mir, fusée Ariane 5, vaisseau Soyouz, observatoire la Cité de l’espace. Crédit : Cité de l’espace/Christophe XMM-Newton, etc. Crédit : Cité de l’espace/Manuel Huynh Chaffardon

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 31 CULTURE LA CITÉ DE L’ESPACE. POUR SES 20 ANS : DÉVELOPPEMENT ET INTERNATIONAL

Annonce officielle de la tenue du prochain Congrès Mondial des Astronautes à la Cité de l’espace. De gauche à droite : Sylvie Rouillon Valdiguié, Présidente de l’Office du Tourisme ; Jean-Claude Dardelet, Vice-président de la Cité de l’espace ; Dorin Prunariu, cosmonaute roumain, Président de l’Association des Space Explorers Europe ; Jean-Luc Moudenc, Maire de Toulouse, Président de Toulouse Métropole, Président de la Cité de l’espace ; Lionel Suchet, Directeur de l’Innovation, des Applications et de la Science au CNES ; Claudie Haigneré, astronaute, Conseiller auprès du Directeur général de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), marraine de la Cité de l’espace ; Jean-Pierre Haigneré, astronaute ; Michel Tognini, astronaute, représentant pour la France de l’association des Space Explorers ; Jean-François Clervoy, astronaute de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) ; Jean Baptiste Desbois, Directeur général de la Cité de l’espace. Crédit : Cité de l’espace/Manuel Huynh. ■

«si t’es de l’espace»

«Ennuyés par un temps de Mars maussade, Nous avons décidé de rejoindre Toulouse. Pour visiter ce qui de l’espace est l’ambassade Et se promener entre Ariane et Soyouz

Plonger dans les mystères de l’univers, Moult surprises nous attendaient à la cité. Parlant autant de l’Espace que de la Terre Et n’oubliant pas de nous citer Pesquet.

Loin dans sa station spatiale, Il jouit des spectacles de notre planète Tout en travaillant pour l’International.

Et quand il fut l’heure de mettre les voiles, Des myriades de souvenirs en tête, Nous repartîmes, les yeux tournés vers les étoiles.»

Anthime JEANTE, 14 ans

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 32 CULTURE 1927-2017 : ANNIVERSAIRE DES 90 ANS DE LA LIAISON AÉRIENNE NEW YORK- PARIS ET AUSSI DE LA PREMIÈRE LIAISON PARIS - CONTINENT NORD AMÉRICAIN … par Bernard Decré, Pilote et enquêteur amateur, Membre de la Commission 3AF Histoire

Le 21 mai 1927, vers 10 heures du soir, arrivait au Bourget Déjà, le nouvel avion de ligne ATR d’Air Saint Pierre porte après 33 heures de vol, en provenance de New York, un le nom de « L’Oiseau Blanc », l’Aéroport de Valenciennes petit avion monomoteur « Le Spirit of St Louis ». Son pilote, s’appelle Aéroport Charles Nungesser. La promotion Charles Lindbergh, devenait un héros planétaire ! Douze d’élèves de la 54°promotion de l’EMIA à Saint Cyr a choisi jours avant Charles Nungesser et François Coli avaient comme parrain : « Lieutenant Charles Nungesser » ... Le décollé du Bourget à bord de l’Oiseau Blanc, pour tenter de fabuleux restaurant « L’Oiseau Blanc » à l’hôtel Peninsula rallier New York....Puis un grand silence se fit..... Paris, avenue Kléber, sur le thème de nos héros, est devenu un vrai lieu d’histoire, et ce n’est pas fini...Nous disposons Depuis 8 ans, passionné d’aviation, pilote privé, fondateur de 95% de ce fabuleux puzzle, mais nous devons trouver du Tour de France à la Voile, Aventurier (Raid Bordeaux les toutes dernières pièces en 2017-18 ! Shanghai) ..., je me suis lancé à leur recherche, relisant les rapports officiels, découvrant de nouveaux documents, Enfin, l’idée d’un Musée Nungesser et Coli à Saint-Pierre et interrogeant les Anciens, fouillant des tonnes d’archives Miquelon est séduisante. officielles en France, au Canada, et aux USA. Sachant que le Groupe SAFRAN a sponsorisé en grande En septembre 2015, la Fédération Aéronautique Internatio- partie nos recherches de l’épave de l’Oiseau blanc au nale (FAI), après avoir analysé toutes les pièces d’un dossier large de Saint-Pierre et Miquelon, nous disposons d’un d’environ 290 pages, m’a remis, lors de ses 109èmes Assises tas d’informations (cartes des zones sondées, archives à Rotterdam, devant les représentants de 35 nations, le américaines et françaises de l’époque, photographies prestigieux Prix Tissandier, pour la qualité et les résultats prises lors de nos campagnes de recherche, etc...) qui de notre enquête. pourraient venir garnir l’intérieur de ce Musée, qui pourrait sans doute naître dans l’actuelle Aérogare de De cette enquête acharnée, il ressort que les deux aviateurs Saint-Pierre et Miquelon. français, l’As de 14-18 Charles Nungesser, et son navigateur François Coli, ont bien traversé les premiers l’Atlantique Par ailleurs, je m’active pour que ce bel Aéroport très bien d’Est en Ouest, reliant Paris-Le Bourget au Continent Nord équipé, avec une piste de 1800 mètres de long, puisse porter Américain, à Saint Pierre et Miquelon, où, manquant les noms de Nungesser et Coli, ce qui ferait un formidable d’essence, victimes du brouillard... et de la prohibition, ils drapeau des Ailes Françaises sur le Continent Nord-améri- ont effectué un mauvais amerrissage qui leur fut fatal. Ils cain. S’appelant actuellement « Pointe Blanche », vous ont appelé au secours...en vain !....On aurait étouffé cet conviendrez alors que nous ne débaptiserons personne. exploit, essayé de faire disparaitre les preuves .. Enfin, j’incite les jets privés qui font leur traversée de En 2017, nous fêterons donc spécialement les deux Charles : l’Atlantique Nord de faire une escale à Saint-Pierre : Lindbergh, et Nungesser ! nous pourrions leur donner alors la qualification « IFR-Homard »… ■ L’Histoire de l’Aviation se trouve enrichie par les résultats de cette enquête qui remet les deux pilotes français à leur juste place : celle de héros. Erik Lindbergh, le petit fils de Charles Lindbergh, passionné par ces recherches, est déjà venu en juin 2013 déposer une gerbe de fleurs blanches devant le Port de Saint Pierre, comme l’aurait très certainement fait son grand père s’il avait su....

La Ville de Paris va modifier les plaques de rue Nungesser et Coli.

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 33 CULTURE DÉCOUVERTE ! L’HYDRAVION NUNGESSER Par Philippe Jung, Président de le Commission Histoire

Nouvelle découverte près d’un siècle après! Où travail en Puis il identifia le constructeur comme étant la société réseau et chance aboutissent à un étonnant résultat… Leflaine & Cie, qui employait au recensement de 1921 une douzaine d’ouvriers mécaniciens. Alertés par Henri Conan, fondateur de l’association Mémoires de l’Hydraviation, nous prîmes connaissance La revue Le Trait d’Union des historiens de l’aéronautique le 23 novembre dernier de quatre photographies de française, plus ancienne revue française d’aviation, publie « l’hydravion Nungesser prises vers 1923 sur le bassin de depuis de nombreuses années une remarquable étude des Meulan-Les Mureaux », présentes sur le site Gallica 1. Il y constructeurs français de l’entre-deux guerres, signée par avait aussi eu deux messages sur ces clichés le 8 septembre Charles Claveau, directeur chez Turbomeca : il y a bien 2011 sur le forum Pages 14-18. référence pour Nungesser à un projet de racer à moteur FIAT de 700 ch pour la Coupe Deutsch de la Meurthe du 30 Ayant travaillé sur le programme Hermes aux Mureaux septembre 1922 3, mais de notre hydravion, point… pendant un an, celles-ci m’apparurent bien correspondre à l’endroit. De plus une maison typique en arrière-plan, Par ailleurs une étude du Fana de l’Aviation sur Nungesser si elle existait toujours, devait nous mener droit à l’iden- reste totalement muette sur le racer et l’hydravion 4. Tout tification. au plus situe-t-elle notre machine avant le départ de l’as pour les Etats-Unis le 13 octobre 1923.

C’est alors que les recherches dans le cadre du Comité de Programme Roland Garros me conduisirent le 7 décembre chez Yves Saint-Yves, grand collectionneur de documents historiques. Résidant non loin des Mureaux, il connait bien Jean-Luc Koenig, historien muriotain féru d’aéronautique. Rendez-vous fut pris dès le lendemain avec celui-ci aux archives municipales, chez Sophie André : un excellent document recense les entreprises et commerces locaux au cours du temps. Mais pas trace de notre machine ou des trois personnes mentionnées par Gallica…

Photo 1 - La Seine à Meulan-Les Mureaux [Gallica]

ENQUÊTE TOUS AZIMUTS

Deux axes de recherches s’offraient immédiatement.

Le prestigieux site des Mureaux, projeté avec Ariane dans le 21è siècle, n’en a pas moins un ancien et riche passé aéronautique, avec les ANF-Les Mureaux (Ateliers du Nord de la France), l’Aéronautique Navale, Astra, Gourdou- Leseurre, Levasseur, Tellier... Un livre publié par Gérard Rooss, ancien directeur chez Aérospatiale, retrace cette saga 2 : pas de trace de Nungesser dedans. Contacté, Gérard ne put que confirmer ne pas en savoir plus, mais identifia sans problème le pont sur la photographie générale, comme étant celui qui reliait l’Ile du Fort de Meulan aux Photo 2 - De gauche à droite, les ingénieurs Maucouvert Mureaux à Meulan, avant sa destruction en 1944. Il est et Goubert, et pour les études Chapelot [Gallica/Agence depuis remplacé par un pont environ 200 m en aval. Meurisse]

1 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btvb1b90232 2 Gérard Rooss, Histoire de l’Aéronautique aux Mureaux 1912-2002 (Editions du Valhermeil, 2002) 3 Charles Claveau, Le Trait d’Union n° 272 (novembre 2013) 4 David Méchin, Le Fana de l’Aviation n° 552 (novembre 2015)

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 34 CULTURE DÉCOUVERTE ! L’HYDRAVION NUNGESSER

LA MAISON ! BEAUCOUP DE MYSTÈRES ENCORE

Il ne restait plus qu’à prendre la rue Albert Glandaz Une telle identification, en quelques semaines, est très remontant la Seine depuis l’arrivée aux Mureaux de rare. l’ancien pont. Il reste cependant encore beaucoup de questions en suspens. On voit en effet tout de suite que cette machine n’aurait jamais pu voler convenablement, avec un évident manque de stabilité en lacet : dérive bien trop petite et fuselage arrière trop court.

Par ailleurs quel est le lien de Nungesser avec cet hydravion : probablement pilote, mais aussi financier ? Il n’était certes pas ingénieur, mais l’as français n° 3 aux 45 victoires n’a quand même pas pu manquer de s’inquiéter des qualités de vol du canard muriotain…

Et de quand date-t-il ? Pourquoi la société Leflaine et que Photo 3 - « Royal cambouis » devant l’hydravion Nungesser. faisait-elle? A droite la maison de l’identification du site [Gallica/Agence Meurisse] Toutes les tentatives de croisement des informations n’ont rien donné. La maison des clichés apparut immédiatement au loin, inchangée ! A environ 1 km en aval du site Ariane… Nous sommes bien à ce jour en possession de photos d’un Tout aussi surpris fut l’actuel propriétaire, Auto Pièces des hydravion et d’un atelier totalement mystérieux, et la Mureaux, au n°24-26. Le hangar actuel est toutefois plus traque continue donc sur notre réseau… ■ récent.

Photo 4 - L’hydravion canard Nungesser [Gallica]

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 35 PARMI LES PROCHAINS ÉVÉNEMENTS 3AF

13, 15 JUIN ETTC’17 - CONFÉRENCE EUROPÉENNE DES ESSAIS ET TÉLÉMESURE 13 et 15 juin 2017 à Toulouse https://www.see.asso.fr/manifestation/17062_ettc-2017

27 - 29 JUIN 12TH INTERNATIONAL CONFERENCE ON INTEGRATED AIR AND MISSILE DEFENCE 27, 28 et 29 juin 2017 à Stockholm (Suède) http://3af-integratedairmissiledefence.com

11,12 OCTOBRE 3E PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET INNOVATION 11 et 12 octobre 2017 à Strasbourg, CCI Alsace Eurométropole http://www.p2i2017.com

31 JANVIER 1,2 FÉVRIER 9TH EUROPEAN CONGRESS ON EMBEDDED REAL TIME SOFTWARE AND SYSTEMS 31 janvier, 1 et 2 février 2018 à Toulouse, Centre de Congrès Pierre Baudis http://www.erts2018.org

LETTRE 3AF NUMÉRO 25 / MAI - JUIN 2017 36