L'automobile Tente Une “Reprise” Sur Une Pente Raide
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Auto / Auto-News ENTRE LE LANCEMENT D’UNE INDUSTRIE MÉCANIQUE ET LES IMPORTATIONS L’automobile tente une “reprise” sur une pente raide © D.R Devenu au fil des temps un dossier sensible par excellence, le secteur de l’automobile a toujours fait l’objet de convoitises. Entre volonté de construire et celle d’importer sans rien bâtir, le bras de force est engagé. Un éternel dilemme qu’a subi l’économie nationale depuis le démantèlement de la production nationale au détriment de l’importation. Le récent débat sur les cahiers des charges relatifs à la construction de véhicules et à l’exercice de l’activité des concessionnaires automobiles en Algérie, mais surtout à l’importation des véhicules neufs et de moins de trois ans, est loin d’être dépassionné. On a l’impression de s’éloigner du vrai débat, à savoir celui de la construction d’une vraie industrie mécanique en Algérie. On a l’impression également de dupliquer les mêmes situations et scénarios qui pourraient coûter cher au Trésor public. Quand en 2003 les représentations officielles des marques automobiles se sont démarquées de l’importation des véhicules de moins de trois ans, à cause notamment du triste épisode des voitures ZH et autres ferrailles des voitures dites “gonflées”, les concessionnaires ont commencé à s’organiser pour mener la guerre pour une cause juste. En 2005, le gouvernement passe à l’acte, répond favorablement à la demande des concessionnaires et met fin aux importations des véhicules de moins de trois ans. À l’époque, les besoins du marché avoisinaient 75 000 unités/an. En 2007, les opérateurs se sont organisés en créant l’Association des concessionnaires automobiles algériens (AC2A). Un virage décisif pour un marché qui a commencé à prendre de l’ampleur. Mais au lieu de lancer un débat autour de l’industrie mécanique, les concessionnaires poursuivent les importations et, de salon en salon, le président déchu, Abdelaziz Bouteflika, ferme les yeux. Le Trésor public subira les affres des importations qu’on connaît tous aujourd’hui. Mieux, le crédit automobile siphonne les banques et met en danger les ménages, déjà saturés par les dépenses. De 2007 à 2014, l’Algérie a importé au moins 20 milliards de dollars, dont plus de 7 milliards de dollars en véhicules pour la seule année de 2013. Un record ! En 2014, lors de sa sortie au Salon international de l’automobile d’Alger, Amara Benyounès, ancien ministre du Commerce, annonce l’instauration du système des licences et des quotas. En parallèle, le crédit automobile est supprimé et l’ancien ministre de l’Industrie et des Mines Abdeslam Bouchouareb met en action son plan, à travers un cahier des charges de sept pages, pour obliger “les concessionnaires automobiles à développer une activité industrielle ou semi-industrielle pour pouvoir prétendre obtenir une licence et un quota d’importation, et ce, pour s’adapter à une clause de la loi de finances complémentaire de 2014”. Rien que cela ! M. Bouchouareb avait un argument en béton : la baisse drastique des prix du pétrole et des recettes en devises. Mais son argument est vite voué à l’échec, car ses desseins inavoués ont fini par éclater au grand jour. Aussi inattendu, des concessionnaires automobiles historiques sont injustement dépossédés de leur marque. Du “5+5 Auto” aux scandales de corruption Des usines de montage pour un démarrage tant espéré jusqu’aux hangars de boulonnage, le “phénomène SKD et CKD” engloutit 128 milliards et 983 millions de dinars en quelques années seulement. Une coquette somme qui, sous d’autres cieux, pourrait servir au lancement du projet du siècle. Après les marques Renault et Dacia, Hyundai de Tahkout Manufacturing Company (TMC), Global Motor Industry (utilitaire Hyundai), Sovac Production, Kia Al-Djazair, Peugeot Académie (avec un seul modèle 208), le chinois Baic (5 modèles), Iveco du groupe Ival Algérie (utilitaire), Daewoo (camion), Man, Schakman (camion), Renault Trucks (camion) et Mahindra (tracteurs agricoles), la liste s’est vite élargie à d’autres opérateurs investis dans le montage automobile. La dernière usine, qui n’a pas encore vu le jour, à savoir l’usine du groupe PSA (Peugeot-Citroën), n’a arraché l’accord de principe qu’après que le long contentieux a été réglé entre l’Algérie et la France. Après son limogeage, M. Bouchouareb est remplacé par Mahdjoub Beda. À peine installé, ce ministre révèle que ces usines ne faisaient que de “l’importation déguisée”. M. Bedda ne fera pas long feu et sera remplacé par Youcef Yousfi qui, devant les députés de l’Assemblée populaire nationale dira que “l’Algérie a besoin de 20 à 30 ans pour asseoir une industrie automobile intégrée à même d’offrir des produits concurrentiels à la portée du consommateur algérien, de pallier aux importations et d’atteindre l’exportation”. C’est alors qu’il réforme, en 2017, le cahier des charges obligeant les usines à atteindre un taux d’intégration de 30% au bout de 5 ans. Mais ce ministre tombera vite dans les travers de la corruption à l’instar de ses prédécesseurs. Acculé, le gouvernement, sous l’égide d’Ahmed Ouyahia, arrête une liste de 10 opérateurs, dont 5 pour les véhicules légers et 5 autres pour l’utilitaire, le camion et le bus. La formule “5+5 Auto” est née. Seule contre tous, l’Union nationale des professionnels de l’industrie automobile et mécanique (Upiam) avait pourtant recommandé aux décideurs d’aller vers des contrats de filières “pour planifier, sur le plan stratégique, et structurer, sur le plan opérationnel, l’écosystème automobile pour renforcer de manière progressive l’intégration locale sur les projets en coproduction l’industrie automobile, à travers la désignation des secteurs clés qu’il faudrait mettre en avant pour développer la sous-traitance, à l’image de la plasturgie, le cuir, la métallurgie, le textile ou encore le verre”. Manque de visibilité au dernier virage Mis sur la touche, les professionnels du secteur n’ont jamais été associés à la confection d’un cahier des charges. La colère gronde chez les concessionnaires injustement exclus dans la prise de décision pour bâtir une industrie mécanique digne de ce nom. La sortie du patron du groupe Elsecom, Abderrahmane Achaibou, choque l’opinion publique nationale et internationale. “Abdeslam Bouchouareb m’a demandé de l’argent !”, dira M. Achaibou. Lâché comme un pavé dans la mare, cette dénonciation publique d’un fait de corruption avérée enclenche des enquêtes préliminaires à l’encontre de trois ministres de l’Industrie, des opérateurs, des deux anciens Premiers ministres, Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia, des cadres de l’industrie, des Domaines, des Impôts et des walis. Le scandale éclate au niveau de la justice. Alors que les procès se déroulent dans les tribunaux, le marché de l’automobile subit une panne sèche. Le président Tebboune qui a désigné l’actuel ministre de l’Industrie, Ferhat Ait Ali Braham, presse les choses au Conseil des ministres. Le Premier ministre, Abdelaziz Djerad signe deux décrets relatifs à la construction de véhicules et à l’exercice de l’activité des concessionnaires automobiles. Entre-temps, le gouvernement consigne l’importation des véhicules de moins de trois ans dans la loi de Finances de 2021, un texte signé et publié dans la Journal officiel. Attendu pour le mois de septembre, la plateforme numérique ne sera effective que deux mois plus tard pour permettre aux opérateurs de déposer leurs dossiers. Il aura fallu cinq mois plus tard pour que quatre agréments soient signés par le ministre de l’Industrie aux importateurs des véhicules neufs, sachant que l’opération d’importation des voitures de moins de trois ans est gelée. Sur les plateaux de télévision comme sur les réseaux sociaux, le débat est houleux. Accusé de manque de transparence sur la liste des bénéficiaires, Ferhat Ait Ali Braham se défend de communiquer à la place des concessionnaires. Au-delà de la polémique qui a suivi cette fameuse liste d’importateurs et des tentatives de manipulations par médias interposés, la véritable problématique, à savoir celle liée à l’industrie mécanique en Algérie n’est, pour le moment, pas abordée. Ni à l’APN, ni au Sénat, encore moins, au sein des cercles d’opérateurs économiques qui revendiquent la relance de la machine économique. Le scandale du montage CKD/SKD est passé par là, l’automobile – peut être une impression – “roule” sur une pente raide. Semblable à un kit d’embrayage en fin de vie, ce secteur se cherche une option pour une “reprise” face aux multiples contraintes qu’il a cumulées depuis plus de 20 ans. En attendant des jours meilleurs, l’Algérien, à défaut d’un transport en commun moderne et généralisé, paye une voiture d’occasion au prix du neuf. Par : FARID BELGACEM.