Dossiers historiques

Si m’était conté ...

Woluwe-Saint-Lambert Rédaction : Marc Villeirs, Musée communal Mise en page : Ariane Gauthier, service Information-Communication 2002.

Si Woluwe m’était conté ... DOSSIER HISTORIQUE N°1 Les origines De Woluwe à Saint-Lambert, ou l'histoire du nom de notre commune

Qui s'intéresse un tant Au-delà de 1203, les documents apparentée, Wiluva, existe dans soit peu à la toponymie nous livrent indifféremment les un manuscrit du milieu du XIe siè- (la science qui étudie les formes WOLUE (1238, 1282, 1352, cle mais qui désigne sans ambiguï- 1372, …) ou WOLUWE (1309, té Woluwe-Saint-Étienne. Des rai- noms de lieux) ne sera 1329, 1394, 1440,...). Cette derniè- sons similaires nous forcent à pas surpris de constater re s'impose toutefois progressive- rejeter Wileuwa et Wuluwa erro- la diversité surprenante ment au cours des temps et c'est nément cités en 1146 et 1186. de significations que elle qui devient la graphie officiel- revêtent les noms de nos le du nom de la communes. commune (de même que pour Certaines dénominations Saint-Étienne et sont aisément explica- Saint-Pierre) à bles. l'époque fran- Pour mémoire, citons : çaise. Aigremont, Blankenberge, Petite-Chapelle, Sint- On remarque qu'une graphie Ulriks-Kapelle, etc. excentrique, D'autres sont loin d'être Wilewe apparaît limpides : on y retrouve en 1163. Elle est la majorité des localités isolée et n'in- de nos régions. Il en est fluence donc enfin qui relèvent des pas les autres formes dont les deux catégories préci- La Woluwe à hauteur du parc des radicaux se présentent à l'unisson Sources vers 1930. Plus large tées. Tel est le cas de sous les types Wole- et Wolu-. qu’aujourd’hui mais loin de donner Woluwe-Saint-Lambert. Quant à la graphie Wiluwa, autre- une image de rivière fois mise fréquemment en éviden- “impétueuse”, “agrippeuse” … (© A. C. L., Bruxelles) Nos Woluwe, Saint-Lambert, Saint- ce, elle provient de la lecture trop Pierre, Saint-Étienne, voire un rapide de l'acte faux de 1047 et hypothétique Saint-Rombaud cité doit se lire Wolewe. La confusion furtivement au XIIIe siècle, tirent réside dans le fait qu'une graphie en effet leur identité de la rivière sur les bords de laquelle ils sont nés, phénomène commun dans nos régions. RÉCAPITULATIF DES FORMES ANCIENNES DU XIe AU DÉBUT DU XIIIe SIÈCLE : Le problème s'épaissit lorsqu'il s'a- git de retrouver l'origine du nom XIe siècle WILUVA (= Woluwe-Saint-Etienne) du cours d'eau. Plusieurs topony- 1047 WOLEWE (et non pas WILUWA) mistes s'y sont attelés depuis le (acte faux composé vers 1185) début du XXe siècle avec plus ou 1117 WOLEWE moins de bonheur. Ils ont appli- 1129 WLEWE (forme contractée) qué la méthode classique qui vers 1140 WLUA (forme contractée) consiste à rassembler le maximum 1163 WILEWE de graphies issues des actes et 1168 WOLEWA manuscrits anciens. 1173 OBWOLUWA (= Woluwe-Saint-Pierre) vers 1180 WOLUWE 1186 WOLUWA 1187 WOLUVE et WOLUVA 1190 WOLUVIA 1203 WOLUE et WOLUWIA En ce qui concerne la signification de leur installation dans nos toponymique, Op-Woluwe s'iden- du nom, les auteurs se rejoignent régions à partir du Ve siècle et le tifia uniquement avec Woluwe- sur un point : pour eux les anciens nom aurait alors connu l'évolution Saint-Lambert, le village géogra- ont dénommé la rivière d'après que l'on sait. Cette étymologie phiquement le plus proche de des critères d'ordre naturel. intéressante semble néanmoins Woluwe-Saint-Etienne. De nos Réminiscence d'un terme celtique fort complexe, tortueuse même, ce jours, le terme se retrouve encore germanisé voulant dire "l'eau vive" qui laisse entendre que l'on ne dans le langage des anciens de (LINDEMANS); nature humide du donnera probablement jamais une Woluwe sous sa forme patoisante terrain traversé qui en fait un "pré explication définitive du nom de Op-Eule, qu'attestent également aux sources" (CARNOY et MAN- Woluwe. des formes manuscrites anciennes SION), où l'on retrouve le terme telles Oppeulene (1623). germanique ahwjo (ewe, uwe) Durant près de huit siècles a co- apparenté au latin aqua (eau), très existé une forme parallèle à celle fréquent en Wallonie sous la que l'on vient de décrire. Il s'agit forme -effe (Floreffe, Haneffe, de Op-Woluwe, littéralement Seneffe,...) avec le sens de prairie "Woluwe du dessus". marécageuse,... Cette appellation s'opposait à Woluwe-Saint-Etienne, quelque- Plus récemment, une nouvelle fois appelé Neer- ou Neder- explication a été proposée par le Woluwe car situé plus en aval sur toponymiste J. DEVLEESCHOU- le cours de la rivière. WER. D'après ce dernier, il fau- Des cas similaires foisonnent dans drait voir dans le nom de la la toponymie tant en pays flamand Woluwe le reliquat d'une traduc- qu'en pays wallon. A titre d'exem- tion germanique, antérieure à la ples citons pour le Brabant conquête romaine, du nom cel- Neerijse et , Neder- tique primitif de l'Escaut Ganda Heembeek et Over-Heembeek, signifiant "agrippeuse" et subsis- Dion-le-Val et Dion-le-Mont, tant aujourd'hui dans le nom de la Houtain-le-Val et Houtain-le-Mont. ville de Gand. Délaissée au profit d'une autre traduction, celle-ci Le terme Op-Woluwe est attesté serait passée aux affluents, le pour la première fois dans un acte Saint-Lambert. Statue en bois d'abord, ensuite la , de 1173 et s'applique alors à du XVIIIe siècle, église Saint-Lambert (© A. C. L., Bruxelles) pour finir par désigner la Woluwe. Woluwe-Saint-Pierre. On peut ima- La graphie originelle devait res- giner qu'originellement cette sembler à Welwon (" ravisseuse ") appellation recouvrait sans distinc- La première mention de Saint- et serait parvenue à se maintenir tion les deux noyaux villageois, Lambert, le saint titulaire de la grâce à la présence d'un important Saint-Lambert et Saint-Pierre, dis- paroisse, associé au nom de îlot germanophone dans la vallée tants l'un de l'autre d'à peine qua- Woluwe remonte à 1187 (ecclesia de la Woluwe. Les Francs auraient tre cents mètres. Dans la suite, par sancti Lamberti in Woluva) mais conservé cette forme ancienne lors un phénomène de glissement c'est en 1237 que ces deux termes sont proprement réunis en un seul toponyme (parrochia de Wolua sancti Lamberti). On se doute qu'il s'agissait de distinguer Woluwe- Saint-Lambert de ses deux homo- nymes.

Saint-Lambert s'identifia si bien avec sa commune que cela lui valut de figurer en bonne place L’acte faux daté de 1047. sur le sceau et les armoiries com- La mention “Wolewe” munales. Mais ceci est une autre se trouve à la sixième ligne histoire. (© Archives générales du Royaume, Bruxelles)

Rédaction : Marc Villeirs, Musée communal Mise en page : Ariane Gauthier, service Information-Communication 2001.

Si Woluwe m’était conté ... DOSSIER HISTORIQUE N°2

Origines agraires Woluwe-Saint-Lambert : des origines agraires à l’urbanisation.

Aux origines de Woluwe

Woluwe-Saint-Lambert vit le jour le long de la Woluwe au sein du massif forestier de Soignes qui occupait alors ses rives jusqu’au- delà de . Sa création, vraisemblablement due à l’initia- tive des comtes de Louvain, futurs ducs de Brabant, remonte au 10ème au 11ème siècle. C’est ce que laisse entendre un acte faux daté de 1047, en réalité rédigé aux environs de 1185, mais dont le contenu semble se rapporter au 11ème siècle. Il s’agit d’une charte de donation selon laquelle l’église de Woluwe-Saint-Lambert et quelques terres sont cédées aux chanoines de la collégiale des SS. L’Hof ten berg au XVIIIe siècle, Michel-et-Gudule de Bruxelles par qui portera le nom de Woluwe. d’après un ancien plan. un pseudo comte de Louvain, L’organisation juridique de ce (Coll Mus.com) Baldéric, inventé pour la circon- domaine était légèrement dif- stance. férente de celle du vieux centre de Le premier centre agricole de Woluwe, soumis directement à Le terme « Roodebeek » est carac- Woluwe apparaît en expansion l’autorité du duc de Brabant. téristique de cette époque de dès le 12ème siècle, ce qui lui En effet, la seigneurie de Woluwe grands défrichements : « roode » ne valut de devenir le centre d’une jouissait, dans les faits, d’une plus signifie pas « rouge », comme on paroisse consacrée au saint grande autonomie même si, de aurait pu le croire, mais « essarte- évêque de Liège. L’existence de droit, elle relevait des ducs de ment » (défrichement). cette entité est virtuellement prou- Brabant. Il est à noter également vée en 1187 par une charte de que le noyau primitif de cette l’abbaye de Forest. seigneurie pourrait être à l’origine du Slot. L’essaimage Les seigneurs de Woluwe seront à la base de la création d’un qua- Dès 1117, il est fait mention d’un trième centre d’exploitation agri- second centre agricole à l’Hof ten cole situé à Stockel, centre que Berg, formé de terre et de prés détiendront, les Norbertins de l’ab- vendus ou octroyés en guise baye de Park, près de Louvain d’aumône par des propriétaires jusqu’à l’annexion de nos fonciers locaux à l’abbaye de provinces par la France en 1794. Forest. Au même moment appa- Ces mêmes Norbertins recevront raît également la seigneurie de dès le 12ème siècle la propriété du Woluwe qui semble être une moulin dit de Stockel que l’on inféodation d’un territoire, situé peut identifier à l’actuel moulin de essentiellement sur la rive gauche Lindekemale. Henri Verheyleneghen de la Woluwe, par les ducs de Le dernier centre agricole impor- Bourgmestre de WSL (1875-1888), Brabant à une famille noble locale tant du 12ème siècle se situait à gros fermier à Roodebeek Roodebeek. (Coll Mus.com) Le hameau de Roodebeek, essen- tiellement constitué de fermes était partagé entre différents proprié- taires, à savoir les Crainhem, les Woluwe, les ducs de Brabant, l’ab- baye de Forest et peut-être aussi les châtelains de Bruxelles.

Créé après woluwe, roodebeek restera toujours un hameau et ne sera jamais doté d’une structure paroissiale. Seule y subsiste aujourd’hui la ferme « Ter Cauwerschueren » aménagée en habitation. Les siècles suivants furent placés sous le signe de la continuité : les céréales demeurent la culture Woluwe entouré de champs et de dominante. Woluwe-Saint- prés (Coll F. Frankignoul) Lambert, à l’instar des campagnes environnantes, s’affirme comme lieu d’approvisionnement en den- La Révolution française et les On notera également un rées alimentaires de la ville de évènements qui y sont liés n’ap- développement des cultures Bruxelles. portèrent pas de modifications maraîchères, et tout particulière- sensibles aux structures ment de la culture du chicon. Vers l’urbanisation économiques de Woluwe-Saint- Petit à petit, à l’extrême fin du Lambert. Ce n’est que plus tard, 19ème siècle, l’expansion urbaine Dans nos régions, le deuxième dans le courant du 19ème siècle, suivant son cours entraîna une tiers du 18ème siècle correspond à qu’intervint une diversification des diminution de la superficie des ter- une forte augmentation de popu- cultures. Une série d’étangs de la res cultivées. La vallée de la lation. Le besoin croissant en pro- vallée de la Woluwe furent Woluwe qui a conservé très duits alimentaires amène l’agran- asséchés et transformés en prairies longtemps un cadre champêtre ne dissement des exploitations agri- (extension de l’élevage). L’élevage connaît plus à l’heure actuelle coles existantes telle l’Hof ter de porcs apparut également sur aucune ferme en exploitation Musschen dont le noyau primitif une échelle plus vaste quoique les depuis l’arrêt des activités de la remonte au moins au 15ème siècle cultures aient malgré tout con- dernière ferme de la rue Neerveld ou la création de nouvelles fermes servé une grande importance en 1986. de dimensions généralement plus (extension de la culture du fro- réduites. ment).

Cour intérieure de l’Hof ter Musschen, vers 1950 (Photo Mus.com) Si Woluwe m’était conté ... DOSSIER HISTORIQUE N°3

Eglise Saint-Lambert L’église Saint-Lambert : huit siècles d’histoire

Des origines très nébuleuses

Si l’on observe avec attention le site actuel de l’église Saint- Lambert, on peut sans peine reconnaître les caractéristiques propres aux noyaux villageois anciens de nos régions.

Par sa position topographique, le site, établi à flanc de colline domi- nant de près la Woluwe, possédait autrefois le double avantage d’of- frir à ses occupants une position de défense tout en les faisant Les origines du centre paroissial La place du Sacré-Coeur et l’église bénéficier de la présence de l’eau, sont des plus nébuleuses. Une tra- Saint-Lambert vers 1930. facteur essentiel au maintien d’un dition fort suspecte rapportée par (Coll Mus.com) habitat permanent. quelques auteurs anciens, assure L’élévation du terrain permettait que Saint-Hubert en personne d’éviter les désagréments inhé- aurait consacré l’église au début rents au fond de la vallée : insalu- du VIIIe siècle à la mémoire de brité et inondations. son illustre prédécesseur l’évêque Enfin, son implantation au carre- Lambert, assassiné à Liège en 708. four de quatre anciens chemins Toute aussi douteuse- du moins mettait Woluwe-Saint-Lambert en dans son aspect formel – est la communication directe avec les charte de 1047 par laquelle les villages environnants : Woluwe- chanoines de la collégiale des SS. Saint-Pierre et (par la Michel- et Gudule de Bruxelles rue Sombre), Saint-Josse et reçoivent en don du comte de d’une part, Louvain Lambert II Baldéric l’égli- et Bruxelles d’autre part (par les se de " Wolewe " (1), les droits qui rues Tomberg et de la Cambre), s’y attachent et sept bonniers. d’une part, Woluwe-Saint- Etienne et d’autre part Il a été par trois fois démontré que (par la rue Vervloesem), Stockel et ce document était un acte faux Wezembeek (par la rue Voot et la composé vers 1185 pour remédier chaussée de Stockel). au manque de preuve écrite justi- fiant les possessions des chanoi- C’est à ce croisement de chemins nes à Woluwe. Par contre, le fond que s’installèrent autrefois les de l’acte semble réel. Les chanoi- composantes du pouvoir local, à nes ont bien détenu le pouvoir savoir le spirituel : église, cure et spirituel à Woluwe-Saint-Lambert grange aux dîmes, et le temporel : jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. centre d’exploitation agricole liée à une structure juridique – en l’oc- currence l’actuel Hof van Brussel – auquel se substituera la maison Note 1 : Et non pas " Wiluwa ", forme fantaisiste provenant d’une erreur de communale au XIXè siècle. lecture et qui n’a été relevée dans L’église Saint-Lambert en 1712, aucun document ancien ! d’après un ancien plan (col.Mus.com). une portion non négligeable est ments tenaient en plusieurs points, Il est d’autre part exact que la mai- attribuée au curé, produit des non dénués de bon sens il est vrai. son des comtes de Louvain, deve- offrandes,… ainsi que neuf bon- nue maison ducale en 1106 de par niers de terre arable. Notons qu’à Le curé constatait que lui-même et la volonté de l’empereur d’ Alle- partir de 1187, l’abbaye de Forest ses prédécesseurs avaient assuré la magne, a été détentrice primitive perçoit également une dîme à charge pastorale à Woluwe-Saint- des terres de la région, même si l’i- Woluwe-Saint-lambert. Pierre de manière quasi continue dentification du donateur, que la depuis 150 ans. charte de 1047 appelle simplement Il considérait aussi cette paroisse Baldéric, avec le comte Lambert II Où il est question comme non viable car trop petite. reste hasardeuse. L’initiative du développement agri- d’impérialisme En outre les habitations des deux cole du cours supérieur de la paroissial ! entités se mêlaient de manière Woluwe par défrichement et l’ins- telle qu’elles n’en formaient en tallation de communautés villa- Beaucoup de questions se posent réalité qu’une, les deux centres geoises bientôt dotées d’une struc- encore sur l’étendue primitive de paroissiaux étant fort peu éloignés ture paroissiale leur est redevable la paroisse Saint-Lambert. Il sem- l’un de l’autre. au moins à partir du XIe siècle. Par ble qu’à l’origine, elle se limitait en Enfin, certaines bâtisses dépen- la suite ce vaste domaine ducal va gros à la rive gauche de la dant de Saint-Pierre étaient beau- se fragmenter par inféodation à Woluwe. La rive ouest, allant de coup plus proches de Saint- des seigneurs laïcs (par exemple la l’Hof ter Musschen à l’institut de la Lambert, à commencer par le châ- famille de Woluwe) et cession à Providence en passant par la cité- teau. des institutions religieuses comme jardin du Kapelleveld, relevait, L’opposition des habitants de les abbayes de Forest et Parc-lez- elle, de Woluwe-Saint-Pierre. Woluwe-Saint-Pierre, soucieux de Heverlee. conserver leur identité, suffit à La délimitation des deux paroisses modérer les ardeurs du curé dans Une chose sûre est que les n’était en fait pas stricte. De nom- ses projets annexionistes. chanoines détiennent breuses enclaves existaient, ce qui Néanmoins l’affaire paraît avoir l’église Saint-Lambert dès la rendait difficile la collecte des suscité certains remous entraînant fin du XIIe siècle. dîmes. Cette confusion des limites, la recherche d’une solution afin de combinée à d’autres facteurs, pro- résoudre un problème devenu Un document de 1328 définit en voqua au début du XVIIIe siècle inextricable. Des modifications de outre les possessions et droits très une polémique autour de la réuni- limites semblent avoir été opérées étendus du chapitre à Woluwe : fication potentielle des deux au profit de la paroisse Saint- nomination du curé, perception de Woluwe. L’instigateur en était le Lambert. la majeure partie des dîmes, dont curé de Saint-Lambert. Ses argu- Vers 1775 on constate que la rive droite de la Woluwe est entière- ment passée sous sa tutelle. L’église Saint-Lambert en 1831. Gravure de Paul Vitzthumb (coll. Mus.com.) Vers l’époque contemporaine

Les premières années de la domi- nation française furent difficiles pour la paroisse. La fuite du curé Van Der Belen la laissa sans pas- teur de 1797 à 1803 et les curés de Woluwe-Saint-Etienne, Kraainem et Schaerbeek, prirent temporaire- ment la relève. Notons que le curé Van Der Belen avait curieusement fait parler de lui en 1784 lors de la vente publique des biens du prieur de Rouge-Cloître à Auderghem, supprimé par un édit de Joseph II. Ami d’un certain Guillaume-Emmanuel Francolet, ancien intendant du prieuré de Val Duchesse qui lui facilita la tâche, notre curé s’était alors adjugé une part importante des plus beaux ornements liturgiques dispersés. A partir de 1795, le territoire Malheureusement le plan initial de d’une porte dans la face sud de la paroissial se confond avec celui de l’église est perdu. Celle-ci n’ayant tour. C’est sous cet aspect qu’elle la commune de Woluwe-Saint- jamais fait l’objet de fouilles systé- nous apparaît en 1712. Lambert nouvellement créée. Cette matiques, on peut se borner qu’à situation perdurera jusqu’au début faire une reconstitution conjectura- Quelques années plus tard, elle est du XXe siècle. L’érection de la le. une nouvelle fois agrandie sous le paroisse Saint-Henri en 1901 dans A l’instar de la phase originelle pastorat de Philippe Van der le haut de Woluwe en consacre le d’édifices semblables bâtis vers la Zypen. Nef et bas-côtés sont pro- morcellement. La division se pour- même époque, telles les églises St- longés et réunis sous un même suivra par la création des paroisses Lambert de Heverlee et St-Pierre toit. La raison majeure de ces tra- de Notre-Dame de l’Assomption de Bertem ainsi que la chapelle vaux résidait dans l’accroissement au Kapelleveld en 1925 et de la Sainte-Anne d’Auderghem, l’église notoire de population que connu- Sainte-Famille à Roodebeek en aurait développé un plan basilical rent nos régions, et en particulier 1930. avec tour de façade et nef unique Woluwe-Saint-lambert, durant tout à trois ou quatre travées suivie le XVIIIe siècle. Une architecture d’un chœur à chevet plat. Au XIXe siècle le chœur fut séculaire La première figuration connue de reconstruit et doté d’une décora- l’église (1553) donnerait une tion intérieure néo-gothique. En L’église Saint-Lambert porte en elle image, toutefois altérée, de ce 1938, enfin, une nouvelle église de la marque des différents agrandis- plan: tour occidentale et nef à trois style néo-roman, beaucoup plus sements et transformations qu’elle (?) travées flanquée d’un porche vaste, fut accolée à l’ancien édifi- a subis depuis son origine. Classés d’entrée dans sa partie sud. Le ce. par arrêté royal en date du 27 avril chœur, lui, ne se voit pas. Œuvre de l’architecte Guillaume- 1942, les éléments les plus Chrétien Veraart (1872 – 1951), anciens, notamment la partie cen- L’église fut l’objet par la suite de elle reflète par l’ampleur de ses trale de l’ancienne nef et la tour, transformations importantes : dimensions l’image d’un petit villa- remontent au XIIe siècle. agrandissement de la nef et du ge devenu partie intégrante d’une chœur, adjonction de bas-côtés, capitale européenne. Ils gardent quelques caractéris- construction d’une chapelle consa- tiques architecturales propres à l’é- crée à Notre-Dame (qui aurait pu poque romane comme la petite être selon certains la patronne pri- fenêtre et les ouïes de la tour. mitive du sanctuaire), percement

Le porche de l’église, datant de la fin du XVIIe siècle (coll. Mus.com)

Si Woluwe m’était conté ... DOSSIER HISTORIQUE N°4

Le Slot LE SLOT : Quand l’archéologie vient au secours de l’histoire

L’ancêtre d’un fer à repasser – une boule de verre que l’on chauffait et passait sur le linge – un insigne de pèlerina- ge de Notre-Dame d’Aerschoot, un méreau – médaille commé- morative – en cuivre, l’armatu- re métallique d’une bourse, un petit cadran solaire en plomb, des jetons monétaires, des cuillers, des épingles et des tes- sons de céramique.

Quel lien entre ces objets hété- roclites, direz-vous ? Cet inventaire – non exhaustif l’ancien château des seigneurs – rassemble tout simplement de Woluwe – par la société quelques-unes des récentes royale d’Archéologie de découvertes réalisées au Slot – Bruxelles. Tout commence en 1980, après les tra- vaux du métro. Dans le cadre du réaménagement du carrefour du boule- vard de la Woluwe et des avenues Hymans et Vandervelde, le Plan vert, qui dépend du Ministère des Travaux publics, creuse le sol pour y recréer un petit étang. Il met à jour les fondations d’un mur. Quelques jours plus tard, un étudiant en histoire de l’ULB découvre une série de tessons de céramique des 17e et 18e siècles. Prélude aux fouilles réalisées durant l’année 1984 : les entrailles du Slot sont loin d’avoir livré tous leurs secrets.

Petit flash-back historique. Au 12ème siècle, le Slot (ensemble fortifié) consti- tue fort probablement le centre doma- nial des Woluwe : lieu d’habitation du seigneur et siège de son autorité, auquel s’adjoint une série de dépendan- ces (moulin, brasserie…) A l’époque, trois grands propriétaires fonciers se partagent les deux territoi- res paroissiaux formés par Woluwe- Saint-Pierre et Saint-Lambert : l’ab- baye bénédictine de Forest, l’abbaye

Le Slot (Het audt Casteel) en 1611 (photo Ms.com d’après un plan conservé à l’abbaye de Park près de Louvain) prémontrée de Park, près d’Heverlee, et la seigneurie laïque, dont le premier représentant connu est Gérard de Woluwe.

Ce n’est qu’indirectement que se décè- le cependant le premier indice d’exis- tence du château. Le 13ème siècle est une période de prodigieux développe- ment économique pour nos régions. S’en suit une croissance démogra- phique remarquable. Beaucoup de cadets de familles nobles voient leur avenir compromis au sein du domaine patrimonial : le morcellement des ter- res entre les héritiers aurait inévitable- ment correspondu à un affaiblissement fatal. C’est pourquoi ils émigrent vers la ville où bon nombre d’entre eux Le Slot au 17ème siècle (Coll.privée M.V.) jouent un rôle prédominant. C’est le cas d’Everwin de Woluwe, mentionné comme échevin de la ville de Bruxelles successivement en 1254 et 1264. monument historique. La branche rurale des Woluwe va, quant à elle, porter le surnom de " du Rares, voires uniques ! château " pour se démarquer de la branche urbaine : Jean de Woluwe est Les objets trouvés lors des fouilles surnommé en 1295 sous la forme lati- menées par la société royale ne de "de Castello " et en 1302 de " de d’Archéologie de Bruxelles, dans ce qui Castro ". Léon de Woluwe, sans doute devait être les douves du château, le fils de Jean, porte, lui, le surnom fla- datent des 14ème, 15ème et 16ème siè- mand de " Van den Borch ". cles. Véritable mine de renseignements sur la vie du passé. Une prison ? A la base des fondations, on a retrouvé Aux 16ème et 17ème siècles, la sei- deux caissons formés de tuiles imbri- gneurie de Woluwe se morcelle. Les quées. Ils abritaient des pots de céra- bâtiments sont reconstruits et affectés à mique contenant des vestiges de nour- de nouvelles fonctions : siège de la cour riture : au Moyen Age, lors de la cons- de justice ou prison en plus de la fonc- truction d’un édifice, on avait coutu- tion résidentielle ? Aucune des hypo- me, semble-t-il, de présenter des thèses n’est aujourd’hui prouvée. offrandes pour conjurer le mauvais sort.

Au 19ème siècle, le Slot devient pro- La richesse des découvertes réalisées est priété de la famille de Thiennes. Vers incontestable : presque tous les objets 1850, l’ancienne demeure des sei- sont des pièces rares, voire uniques. Ils gneurs de Woluwe est transformée en vont être scrupuleusement étudiés par ferme. Mme Françoise Jurion, archéologue, et seront ensuite déposés au musée com- Occupé par Jean-Baptiste Nagels de munal de Woluwe-Saint-Lambert. 1896 à 1905 et par la famille Elsen de 1905 à 1923, le Slot est racheté en 1924 par Victor Everaerts, éleveur et marchand de bétail. Ses descendants l’habiteront jusqu’en 1967. C’est cette année-là qu’il est mis en vente publique et acquis par L. Van de Mughel, un agent de publicité. Celui- ci revend le Slot à la commune en 1975, date de son classement comme

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Marie-la-Misérable La chapelle de Marie-la-Misérable : histoire et légende

Woluwe-Saint-Lambert s’enor- gueillit à juste titre de possé- der un petit joyau de l’art gothique brabançon sur son territoire. Admirablement encadrée dans son écrin de verdure, la cha- pelle Notre-Dame-des Septs- Douleurs, mieux connu sous l’appellation populaire de cha- pelle de Marie-la-Misérable, domine la vallée de la Woluwe depuis plus de six siècles. Mais sait-on qu’elle est le siège d’une légende tout à la fois dramatique et merveilleuse serait donc facile d’accuser Marie La Chapelle dessinée par Paul que nous a légué le Moyen Age de vol si elle lui résistait encore. Et Vitzthumb, 4 avril 1831. finissant. c’est ce qui arriva. La jeune femme (Coll. Mus. com.) eut beau se défendre d’avoir com- sumé. Elle est l’œuvre du sous- Une légende mis pareil crime, tous les argu- prieur du Rouge-Cloître Jean dramatique ments se mirent contre elle, à la Gillemans, décédé en 1487. A sa grande joie du jeune seigneur qui suite, de nombreux érudits (parmi trouva ainsi dans la vengeance un lesquels les figures connues de La légende de Marie-la-Misérable exutoire à ses frustrations. Marie Jean Molanus, Augustin Wichmans nous dit ceci : aux confins des fut arrêtée, hâtivement jugée et et Aubert Le Mire) ont repris la XIIIe et XIVe siècles vivait à exécutée. légende en l’amplifiant de détails Woluwe-Saint-Pierre une jeune Enterrée vive, elle eut la poitrine merveilleux, tout en essayant de la fille prénommée Marie, unique transpercée par un pieu. replacer dans un cadre chronolo- enfant de parents déjà âgés et Lorsqu’elle rendit le dernier souf- gique et géographique plausible. remarquable tant par sa beauté fle, treize vierges éclatantes de Tous sont d’accord pour faire de que par la pureté de son cœur. beauté seraient apparues dans le Marie un personnage historique. Pourtant, plutôt que devenir épou- ciel pour honorer son martyr. Sur se et mère, elle préféra se retirer le coup, le jeune homme fut pris en un ermitage établi près d’un de folie furieuse qu’aucun lieu oratoire consacré à la vierge où saint du Brabant, réputé guérir ce elle n’eut de cesse d’honorer la mal, ne put apaiser. Il ne retrouva Mère de l’Humanité par la prière la raison qu’en venant se recueillir et l’apport d’un soutien matériel et dans la chapelle érigée sur le lieu moral aux déshérités. Séduit par sa du supplice de la jeune femme. grâce naturelle, un jeune seigneur des environs – on ne précise pas le lieu – voulut l’avoir à lui. Écon- Réalité ou fiction ? duit à plusieurs reprises, il résolut de contraindre Marie à lui céder Que penser de ce récit ? On a, à en exerçant sur elle un odieux vrai dire, beaucoup glosé sur la chantage que seuls l’impuissance véracité du personnage de Marie et le désespoir sont capables d’en- qui, rappelons-le, n’a jamais été gendrer. Lorsque Marie vint quêter reconnue comme sainte. La toute chez un grand personnage, fami- première transcription de sa vie lier du jeune homme, ce dernier remonte à la deuxième moitié du introduisit subrepticement dans sa VXe siècle, soit grosso modo un besace une coupe de valeur. Il lui siècle et demi après son décès pré- Marie-la-Misérable : image pieuse Ce ne fut plus le cas à la veille de la seconde guerre mondiale, lorsque le docteur Jan Lindemans affirma qu’il ne pouvait s’agir que d’une pure légende. Selon lui, elle aurait été forgée à l’aide d’élé- ments populaires pour justifier un pèlerinage local qui s’était déve- loppé autour d’une image de la vierge de provenance étrangère, peut-être même byzantine ! L’historien Jean Helbig réplique par une volée d’arguments tendant à modérer l’audacieuse hypothèse de Lindemans. Les deux érudits restèrent sur leurs positions. À ce jour le mystère de Marie la Misérable n’a toujours pas trouvé d’explication définitive. On en reste donc à émettre trois possibi- lités : soit les événements relatés La Chapelle dans l’entre-deux-guerres. (Mus. com) ont effectivement eu lieu ; soit la légende se base sur des faits réels mais ont été enrobés de mer- Dès 1363, la chapelle apparaît luttes dans laquelle fut mêlée la veilleux ; soit elle relève de l’ima- dans un document émanant du congrégation des Carmes de ginaire le plus total. pape Urbain V qui accorde des Bruxelles, échauffa les esprits indulgences aux visiteurs de l’ora- durant la toute première moitié du Conflits d’intérêt et toire. Dix-sept ans plus tard, en XVIIIe siècle. 1380, Jean et Guillaume de Dans les années 1920, la famille de religion Meldert, petit-fils de Léon Vander- la Boëssière, descendante des der- borch, seigneur de Woluwe, y fon- niers seigneurs de Woluwe, céda L’histoire de la chapelle présente dent un bénéfice, la confirmant la chapelle aux Pères assomption- beaucoup plus de certitudes, hor- dans son rôle de lieu de pèlerina- nistes qui prirent également en mis la date exacte de son érection. ge. charge les destinées de la nouvel- Les caractéristiques du style archi- le paroisse de Notre-Dame de tectural tendent à faire penser Un lieu fréquenté, en particulier l’Assomption au Kapelleveld. qu’elle a été bâtie dans la premiè- s’il est d’essence religieuse, a tou- Restaurée au début des années re moitié du XIVe siècle. jours excité les convoitises par les 1970, la chapelle conserve un revenus matériels et l’ascendant beau mobilier (clôture, chaire de psychologique qu’il conférait. vérité, retable illustrant la vie de Il n’est donc nullement éton- Marie-la-Misérable,…) remontant nant de constater que la déten- au XVIIe siècle. On peut y voir tion de l’autorité spirituelle de également la pierre tombale de la chapelle fit l’objet de conflits Georges Kieffelt, seigneur de incessants entre les seigneurs Stockel, et de son épouse Anne et le curé de la paroisse, ce Van Asseliers. Un tronc, curieuse- dernier agissant pour le comp- ment sculpté en forme de pieu, te des chanoines de la collé- remonte à 1574. Regrettons toute- giale Sainte-Gudule de fois que cette restauration n’ait Bruxelles, possesseurs des conservé que des œuvres de droits ecclésiastiques à valeur artistique, confinant la cha- Woluwe-Saint-Lambert. La der- pelle dans un rôle étroit de musée nière, la plus cruciale, de ces d’art religieux. Tous les éléments caractéristiques de la ferveur reli- gieuse populaire (notamment les ex-voto), part intégrante du patri- moine folklorique de nos régions, ont été purement et simplement La pierre tombale de Georges gommés. Kieffelt et Anne Van Asseliers, XVIIe siècle (Mus.com) Si Woluwe m’était conté ... DOSSIER HISTORIQUE N°6

Château Malou le Château Malou, où l’Histoire le dispute à la Culture

L’acte de naissance du châ- autrefois fait partie de teau, une mention laconique l’ancienne seigneurie gravée dans une pierre de l’an- de Woluwe dont la gle nord-est du bâtiment, famille d’Armstorff, liée signale sans ambages qu’il fut aux Preud’homme par construit en 1776. Cela fait de alliance matrimoniale, lui un des seuls édifices d’inté- assumait la destinée rêt historique de la commune depuis le milieu du dont la construction soit datée XVIème siècle. avec précision. Toujours est-il qu’au Pourtant – et c’est un para- moment de leur expul- doxe - il faut encore remonter sion de nos régions en de plus d’un siècle pour mettre 1773, les Jésuites en lumière la genèse de ce détiennent à Woluwe superbe domaine où le châ- un solide patrimoine teau fut construit et dont de plus de 37 ha de Woluwe-Saint-Lambert tire au- terres, prés et étangs, en ce com- études de droit qui l’amènent à jourd’hui une légitime fierté. pris une ferme à Roodebeek. occuper des postes à responsabili- Quant à leur propriété située en tés sous le régime français. Il com- bordure de la chaussée de Stockel, plètera sa carrière par l’exercice elle se compose d’une petite d’importantes fonctions ministé- demeure à un étage, dénommée rielles (Intérieur, Colonies et Les Jésuites et le « Speelgoet », dressée au centre Industrie) sous le régime hollan- banquier d’une pièce d’eau, et qui leur sert dais entre 1825 et 1830. de maison de campagne. D’inclination orangiste, il ne pour- Les archives nous reportent au Mis en vente publique, le domaine ra que s’effacer de la vie politique beau milieu de ce XVIIème siècle des Jésuites est acquis dans sa après la révolution. Désormais, sa qu’une certaine historiographie a totalité par un banquier fraîche- vie se partagera entre les affaires cru bon de désigner comme étant ment anobli (1769), originaire de et sa compagne, Marie Lesieur un « siècle de malheurs ». Cette la principauté de Liège, Lambert (dite Lesueur). D’origine française, appellation n’aurait certes pas été de Lamberts, le bien nommé ! ancienne danseuse étoile du théâ- désavouée par les propriétaires du D’emblée, celui-ci fait raser le petit tre de la Monnaie, elle lui donne- moment, Albert Preud’homme et castel et le remplace dès 1776 par ra une fille. son gendre Jean de Costere. En une splendide demeure néoclas- Domiciliés à Paris mais résidant 1654, endettés pour des raisons sique, toute à la mesure de ses durant l’été à Woluwe-Saint- qui nous sont inconnues, ils se ambitions. Après son décès, le Lambert, Pierre Van Gobbelschroy résignent à céder leur domaine au domaine est une nouvelle fois mis et Marie Lesueur auront à cœur de surintendant général des monts- en vente publique et racheté par transformer leur bien en un cadre de-piété, Charles Coeberger, en un obscur propriétaire foncier, grandiose mais accueillant. Le parc l’échange de la coquette somme Charles-Louis Kessel qui le conser- et l’étang subiront une série de de 19.000 florins. Coeberger s’em- ve de 1812 à 1829. retouches encore perceptibles de presse de revendre le bien au cou- nos jours. Le 3 octobre 1850, le vent des jésuites de Bruxelles dont Le ministre et suicide de Pierre Van la compagnie connaît dans nos la danseuse Gobbelschroy, provoqué par de régions une forte expansion graves déboires financiers, inter- rompt tragiquement cette « vie de depuis le règne des archiducs D’une toute autre envergure, le Albert et Isabelle (1598 – 1621). château ». La situation précaire successeur de Kessel, Pierre Van dans laquelle se trouve brutale- L’origine des biens de Woluwe Gobbelschroy, apparaît comme dont les Jésuites entrent en pos- ment plongée Marie Lesueur la une personnalité marquante de la force, en 1851, à aliéner le château session est difficile à déterminer Belgique d’avant 1830. Né à mais il n’est pas exclu qu’ils aient et le parc au notaire woluwéen Louvain en 1787, il entame des Van Keerbergen. Jules Malou, «seigneur» de Woluwe

Deux ans plus tard (1853), le domaine devient possession d’un des géants du monde politique et financier de la Belgique du XIXème siècle. Il est inutile de revenir en détail sur la fulgurante carrière de Jules Malou (1810 – 1886), tour à tour ministre et chef de cabinet catholique quand il n’occupe pas le poste de vice-gou- verneur de la Société Générale de Belgique !

Contrairement à ses prédéces- seurs, Malou va porter un intérêt évident à sa commune d’adoption. Woluwe-Saint-Lambert lui doit en particulier la fondation en 1879, en Le Chateau malou en 1831, par Paul Vitzthumb (Coll Mus.com) pleine lutte scolaire, d’une école catholique pour filles. Elle sera pas par hasard si l’on trouve une On n’est pas surpris de constater installée dans les locaux de l’an- avenue Jules Malou à Etterbeek. que Woluwe-Saint-Lambert a cienne « Chancellerie » et dirigée Rien d’étonnant non plus à ce que retrouvé en la personne de Jules par les Sœurs de la Providence de cette commune ait pu sans peine Malou un «maître» qui a exercé un Champion. installer son orphelinat (la future ascendant psychologique certain école Van Meyel) et son nouveau sur ses habitants. Il a comblé un D’autre part, Edmond Mesens, cimetière sur le territoire de vide séculaire en jouant en natif de Woluwe-Saint-Lambert, lui Woluwe-Saint-Lambert dans les quelque sorte le rôle des seigneurs doit d’avoir été efficacement pro- années 1890 – 1895. de l’Ancien Régime, rôle d’autant pulsé dans la vie publique. plus effectif que son lieu de rési- Successivement député puis séna- Enfin, attentif à la vie locale, Jules dence était beaucoup plus proche, teur catholique, Edmond Mesens Malou favorise la principale socié- géographiquement parlant, du en vint à exercer la fonction hono- té d’agrément de Woluwe, l’har- centre du village que ne l’était rable de bourgmestre de la com- monie de l’Alliance qui occupe l’ancien château Kieffelt. Il est mune d’Etterbeek de 1884 à 1896 une place prépondérante dans la compréhensible que le nom de et de 1907 à 1918. Ce n’est donc vie sociale du village pendant un Malou soit resté au château à un siècle. point tel qu’il s’est perpétué dans les mémoires jusqu’à nos jours. Les descendants de Jules Malou ont conservé le domaine jusqu’en 1952, date à laquelle il a été cédé à la commune. Profondément réaménagé au début des années 70, il constitue aujourd’hui un havre de culture, particulièrement marqué sur le plan artistique par la présence de la Galerie de Prêt d’œuvres d’Art.

Jules Malou. (Coll.Mus.com)

Si Woluwe m’était conté ... DOSSIER HISTORIQUE N°7

Les moulins Quatre moulins à eau pour Woluwe-Saint-Lambert

A l’heure des technologies de pointe, des centrales nuclé- aires et de la conquête de l’es- pace, il est difficile d’imaginer à quel point l’apparition des moulins, en particulier ceux actionnés par l’eau, a révolu- tionné voici quinze siècles la vie économique de l’Europe entière. En remplaçant la seule force animale dont il disposait jusqu’alors par l’énergie hydraulique, l’homme a démul- tiplié son potentiel énergé- tique. Il en fera usage durant des siècles. Le déclin des moulins à eau naîtra avec l’ex- tension de la machine à vapeur et le développement de l’électricité, principalement à Par ailleurs, d’anciens documents Le vellemolen en 1831 partir du XIXe siècle. accordent à la Woluwe le qualifi- (Coll Mus.com) catif de «Maelbeek», terme géné- rique propre à bien des cours Aujourd’hui, il subsiste un certain d’eau du pays flamand. Ils furent Aux origines du nombre de ces moulins qui, s’ils même nombreux. Au milieu du moulin de ne sont pas à l’abandon, tiennent XIXe siècle on n’en compte pas lieu d’entrepôts ou de restaurants. moins de 18 répartis entre Lindekemale Boitsfort et Diegem. Il ne fait aucun doute que la Le chiffre monte à 27 si l’on prend Le moulin de Lindekemale, dont Woluwe connut jadis la présence en compte les quelques affluents l’appellation fort ancienne pro- de moulins le long de ses rives. A de la Woluwe dotés de moulins : vient d’un lieu-dit voisin, est le titre d’exemple, on signala un le Roodklootserbeek (ruisseau du seul moulin à eau subsistant sur le moulin à Diegem en 1208. Rouge-Cloître) à Auderghem, le territoire de Woluwe-Saint-Lam- Kleine Maelbeek à Kraainem et le bert. On peut sans aucun doute le Kleine beek à Zaventem. La proxi- considérer comme le plus ancien. mité de Bruxelles, capitale d’un Originellement propriété de état en pleine croissance plusieurs membres de familles économique explique cette pro- seigneuriales des environs (les lifération de moulins aux affecta- Wezembeek, les Duffel et les tions très variées. A côté des sim- Woluwe), il passe dès 1129 sous le ples fabriques de farine, l’on trou- contrôle de l’abbaye de Park, ve une multitude de petites tein- récemment fondée à Heverlée tureries, papeteries et fabriques (près de Louvain) sous les aus- d’huile fonctionnant grâce à l’én- pices de la maison ducale de ergie hydraulique. Brabant. Etabli à quelques encablures de la résidence seigneuriale connue Le moulin de Lindekemaele plus tard sous le nom de Slot, il par Léon Tombu (copyright devait jouer le rôle de moulin Bibli. Royale de Bruxelles) banal. En 1661, il est mentionné en tant que moulin à grains. Le premier de ces moulins dis- parut au XVIIIe siècle. Il céda la place au cabaret du Kwak, situé en bordure du vieux chemin de Wezembeek. Le deuxième moulin, le Velle- molen, fut démoli pour cause de vétusté il y a une trentaine d’an- nées. Son nom, qui signifie « moulin à peau », indique qu’il actionna en son temps les foulons d’une tannerie exploitée au XVIIIe siècle par la famille Ledoux a laquelle succéda le gantier bruxel- lois Jean De Garnier. En 1789, lors des événements de la révolution brabançonne, il abri- ta un dépôt clandestin d’armes et de munitions que son locataire, Le moulin de Lindekemaele vers Van Hove, avait rassemblé avec 1965 (Coll Mus.com) l’aide du fermier de l’Hof ten Berg, François De Clerck. Le Moulin de Il resta certainement dans le patri- moine de l’abbaye de Park jusqu’à l’Hof ten Berg l’occupation de nos régions par les troupes françaises en 1794. Vendu En contrebas de l’Hof ten Berg comme bien national, on le retrou- exista également un moulin à eau ve au XIXe siècle dans les mains appelé « den molen ten berge », de la famille Devis dont l’un des probablement construit au XIVe représentants, Jean Devis présida siècle par l’abbaye de Forest. En aux destinées de la commune 1404, il fut loué à Henri de entre 1819 et 1861, l’année de son Zuerbroec. On l’utilisait alors décès. Successivement moulin à comme moulin à céréales. papier (sous les Devis) puis fab- Converti vers 1665 en papeterie, il rique de chicorée, il sera racheté ne survécut qu’une trentaine d’an- par la commune de Woluwe-Saint- nées, la faiblesse de la chute d’eau Lambert en 1952. Son cadre ayant entravé son bon fonction- éminemment pittoresque a abrité nement. Transformés en ferme naguère les rêveries musicales du annexée à l’Hof ten Berg, les bâti- compositeur Henri Thiébaut. En ments furent démolis il y a 1954, s’y installait l’Atelier Libre de quelques décennies. Dessin de Woluwe avant qu’il ne soit converti en restaurant en 1970. Moulin à papier et dépôt d’armes

Au XVIe siècle, apparaissent deux autres moulins situés en aval du moulin de Lindekemale. Possessions d’un certain Jean Dannoot, ils servent de moulin à Plan de 1661 donnant papier, indice de la consommation l’emplacement et la qualité des importante de papier qui se fait moulins situés le long de la alors à Bruxelles, notamment dans Woluwe (Coll Mus.com) le domaine de l’édition.

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Moulin à vent Du Tournaisis au Brabant : l’histoire de notre moulin à vent

Le 2 mai 1964, Woluwe-Saint- Esplechin dait en ligne directe par un Lambert célébrait l’installation chemin dénommé comme il se sur son territoire d’un moulin L’histoire du moulin à vent débute doit « bas chemin du Moulin ». Vers à vent. Cet événement s’ins- à nos yeux en 1767, date à laque- 1830, il était décrit comme moulin crivait dans le cadre d’un lle il fut construit – ou rebâti – à à farine, doté de deux couples de vaste programme destiné à Esplechin, petite bourgade sise à meules. Trente ans plus tard, il faire de la vallée de la Woluwe, sept kilomètres au sud-ouest de était la possession de la veuve partiellement défigurée par la Tournai, en une région, le Charles Dorchin qui exerçait elle- construction récente du boule- Tournaisis, qui vit naître de nom- même la profession de meunière, vard, une zone à la fois his- breux moulins à vent dès le milieu succédant probablement à son torique et éducative. Malgré du Moyen-Age. Pour sa part, défunt époux. En 1899, il devint le des débuts prometteurs, le Esplechin compta au moins dès bien de la famille Demeulier. Au programme ne fut pas pour- 1279 un moulin, propriété de l’ab- lendemain de la première guerre suivi. Et le moulin connut par baye de Saint-Martin à Tournai, mondiale, en 1919, il subit une la suite le sort malheureux que des troupes anglaises, sérieuse restauration entreprise que l’on sait. Il ne méritait assiégeant cette ville en 1340, sous la direction du réparateur de pourtant en rien cette fatalité mirent à mal. Restauré par la suite, moulins Wilfried Cornu, de car il possédait d’incontesta- il fut peut-être le prédécesseur de Mourcourt (est de tournai). Son bles lettres de noblesse qui lui notre moulin. Ce dernier était édi- propriétaire de l’époque, Charles conféraient son ancienneté et fié sur le flanc d’une colline à Demeulier, le louait au meunier G. une vie mouvementée qui vaut quelque treize cents mètres au Masquet qui l’utilisait encore de d’être contée. nord-ouest de l’église. On y accé- temps à autre. En fait, l’abandon était proche. La menace de dis- parition planait de plus en plus sur le moulin d’Esplechin comme sur tous ses semblables, vaincus par les minoteries, si ce n’est par la guerre. Arc-Ainières (1935 – 1964)

Dès les années 1920, l’hécatombe systématique des voilures tour- nantes émut un certain nombre d’esprits éclairés séduits par l’élé- gance et la technique à la fois sim- ple et géniale de ces superbes capteurs d’énergie éolienne, gigantesques machines à broyer qui émaillaient les plaines et bas- plateaux de l’Europe entière depuis près de mille ans. Le doc- teur Raoul Duthoit était de ceux- là. Ce pédiatre, chargé de cours à l’Université de Bruxelles, et, chose remarquable, fondateur en 1911 de l’œuvre de la Préservation de l’Enfance contre la Tuberculeuse, venait d’installer en 1935 un le moulin à Arc-Ainières peu avant son démontage (Photo adm.com) préventorium pour enfants dans la Préoccupé de réserver à son moulin le meilleur avenir, il intro- On pensa d’abord placer le moulin duisit en 1939 une demande de au point le plus élevé de la rue classement auprès de la Théodore De Cuyper (face au clos Commission royale des Monu- des Bouleaux) mais on se décida ments et des Sites qui fut entérinée finalement pour un terrain situé à par arrêté royal quatre ans plus quelques encablures de la tard. Mais un arrêté de classement Woluwe, à fond de vallée, endroit n’est hélas pas forcément syn- peu propice au fonctionnement onyme de pérennité pour un édi- d’un moulin à vent. fice en bois. Les cas de déclasse- ment de moulins, souvent très Pendant un temps, il constitua une anciens, furent à ce moment attraction fort goûtée du public, légion. Et notre moulin d’Arc- d’autant plus qu’on le désignait Ainières était à la fin des années volontiers comme seul moulin à cinquante en passe d’être déclassé vent de l’agglomération bruxel- pour cause de délabrement. loise. Il eut été plus juste de pré- ciser qu’il était le seul moulin en état de tourner. La commune Vue de la chambre des meules Woluwe-Saint-Lambert d’Evere conservait en effet tou- (depuis 1964) jours à ce moment un moulin en petit localité d’Arc-Ainières, située maçonnerie, situé près de la à mi-chemin entre Leuze et Sur ces entrefaits, le docteur chaussée de Haecht, mais privé de Renaix. L’immeuble qui hébergeait Dutoit décéda au début de l’année ses ailes et converti en dépôt de ce nouvel institut avait été bâti à 1960. Sa veuve ne désirant pas produits alimentaires. proximité d’une colline que gar- conserver le moulin, vu la charge nissaient encore vers 1830 deux d’entretien énorme qu’il représen- Vint ensuite un temps de désin- moulins à vent. L’un d’eux dis- tait, fut heureuse de l’offrir la térêt qui s’acheva aux petites parut un jour dans les flammes, ce même année à la commune de heures du 7 février 1980 par un qui laissa au lieu l’appellation Woluwe-Saint-Lambert par l’inter- incendie dont les causes réelles ne populaire de « Moulin Brûlé ». Le médiaire Albert Marinus, vieille seront jamais éclaircies. Après six docteur Duthoit décida d’acquérir connaissance des Duthoit. Le années de quêtes financières, de en cet endroit une parcelle de moulin fut démonté, restauré et négociations et de contacts terre afin d’y réédifier un moulin. reconstruit à Woluwe-Saint-Lam- laborieux, le moulin a été une fois Son choix se porta sur celui bert au début de l’année 1964. de plus restauré par une firme d’Esplechin qu’il fit restaurer par Grâce à l’intervention efficace spécialisée de la région de Wilfried Cornu, déjà cité. d’Albert Marinus, il fut décidé de Courtrai. Sur suggestion du surseoir au déclassement. Bourgmestre Georges Désir, il fut réédifié en un site plus adapté.

Albert Marinus et Mme Duthoit libérant les ailes du moulin lors de son inauguration Si Woluwe m’était conté ... DOSSIER HISTORIQUE N°9

Château Kieffelt Histoire d’un monument disparu : le château Kieffelt

Quiconque promène un regard La seigneurie de Vue globale avant transformation attentif dans la vallée de la de la partie centrale du corps de Woluwe peut observer que Stockel logis Woluwe-Saint-Lambert est une commune riche en édifices Le château Kieffelt formait sous anciens. Certains ont même l’Ancien Régime de centre fait l’objet d’une mesure de juridique de la seigneurie dite de classement, ce qui doit en Stockel. La création de celle-ci bonne logique leur assurer la était antérieure à l’édification pérennité. Tels sont notamment même du château. En effet, elle l’église Saint-Lambert, la paraît trouver son origine au XIVe Chapelle de Marie-la-Misé- siècle, à une époque où les rable, le Slot ou encore le partages successoraux et la vente moulin à vent. de nombreux domaines seigneuri- aux, conséquences de l’appau- On se prend pourtant à regret- vrissement de la noblesse rurale ter la disparition, dans l’entre- de vieille souche, ont provoqué deux-guerres, d’un fleuron de un morcellement important des l’architecture brabançonne du terres. A ce moment, il devait déjà XVIe siècle, qui se dressait exister une ferme autour de la- dans notre commune : le quelle se répartissaient terres cul- château Kieffelt. Nul doute que tivées, prés et bois. Ce domaine s’il avait subsisté, il serait à agricole, complété par une juridic- l’heure actuelle efficacement tion locale, prit le nom du hameau protégé par une mesure de de Stockel, ce qui donne à pense classement. que ce dernier en dépendait au moins en partie bien qu’il en fut Le porche d’entrée du chateau assez éloigné d’Hof Allome. Kieffelt (Coll Mus.com) La seigneurie de Stockel semble avoir acquis son autonomie par rapport à la seigneurie de Woluwe lorsque la famille Van Coelen la prit en charge dans la seconde moitié du XIVe siècle. Parmi ses successeurs on trouve les Bauw, originaires de Malines.

Les premiers Kieffelt

C’est au milieu du XVIe siècle qu’une branche de la famille Kieffelt entra en possession du bien. Les Kieffelt formaient une brillante lignée de juristes et hauts fonctionnaires issus de la ville d’Anvers. Un de leur représen- tants, Barthélémy « Van Kieffelt », fourier du futur roi d’Espagne Philippe II, fut amené, de par ses fonctions, à se rapprocher de la Cour de Bruxelles. Désireux de s’installer dans les environs de la Page de couverture du Globe ville, il fit ériger à proximité immé- illustré (Coll Mus.com) diate de la ferme de la seigneurie de Stockel un très bel édifice à caractère résidentiel auquel le nom de sa famille restera L’époque des Jésuites longtemps attaché.

Entré par la suite en possession du Woluwe-Saint-Etienne et Woluwe- L’ancien domaine des Kieffelt van conseiller de la Chambre des Saint-Pierre. passer sans encombre le cap de la Comptes du Brabant, Jean de A Woluwe-Saint-Lambert, cette Révolution française. Le patri- Pennant, le domaine réintégra le extension se fait au détriment de moine foncier, détenu à partir des sein de la famille Kieffelt au début la famille d’Armstorff qui, ruinée, années 1820 par le beau-fils du du XVIIe siècle. Durant un siècle, se voit contrainte de céder peu à dernier des Hinnisdael de elle n’aura de cesse de valoriser peu son patrimoine, dont la rési- Woluwe, le comte Charles de ses biens. La chapelle de Marie-la- dence familiale, le Slot. Thiennes de Lombize, ne subira Misérable, lieu de culte privé com- aucune amputation. Seuls y seront pris dans le patrimoine de la Au début du XVIIIe siècle, Agathe- soustraits le titre de comte et seigneurie, sera embellie et Clémence Kieffelt, fille unique de l’exercice de la justice locale, placé remeublée par Georges Ier Kieffelt Georges III (mort en 1675) se trou- sous juridiction publique, depuis (décédé en 1635) qui s’y fera ve à la tête de plusieurs villages. le début de l’occupation française. ensevelir aux côtés de son épouse La fille qu’elle aura de son union Anne Van Asseliers. Leur pierre avec Henri-Antoine Van Berchem Avec les Thiennes et leurs suc- tombale, autrefois placée dans le (mort en 1729) transmettra son cesseurs par alliance, les La chœur de la chapelle, se trouve patrimoine à son époux François Boëssière-Thiennes, le château maintenant dans le vestibule d’en- de Hinnisdael, membre d’une Kieffelt est délaissé par ses maîtres trée. famille noble de la Principauté de qui résident de préférence dans Liège. Celui-ci sera élevé au titre leur hôtel particulier de Bruxelles de comte en 1723. ou sur leurs terres ancestrales de Enrichissement et Lombize en Hainaut. La gestion du Le petit-fils de François, Henri- domaine est confiée à des régis- extension Antoine-Bernard, verra ses terres seurs. Parmi eux, l’avocat bruxel- de Kraainem et de Woluwe érigées lois Van Der Auwera, le notaire Les Kieffelt vont accroître leurs en un éphémère comté dans la Van Keerbergen, de Woluwe et domaines de manière remarquable seconde moitié du XVIIIe siècle. Jean Théodore Decuyper qui en acquérant biens fonciers et assumera une fonction d’échevin droits de justice à Kraainem, dans notre commune de 1896 à 1915. Quant au château, plutôt sera que de courte durée. Ruinée que de le laisser inoccupé, les La au début des années trente, la Boëssière le mettront à la disposi- famille Lambert se verra obligée tion des Jésuites de Bruxelles. Ces de vendre le château. Il sera derniers en feront avant 1850 une racheté par la Société anonyme maison de campagne pour les « L’immobilière de Crainhem » dont élèves de leur collège. le siège est situé à Schoten-Anvers. Plutôt que de le conserver, cette société préférera raser l’immeuble L’ère des Pères Blancs en 1935, faisant disparaître du même coup un élément essentiel En 1883, après le départ des de l’héritage historique et architec- Jésuites, le château est remis à tural de Woluwe-Saint-Lambert et neuf et partiellement transformé. de la région bruxelloise toute L’année suivante, il est loué par le entière. comte de la Boëssière à la congré- gation des Pères Blancs d’Afrique désireuse d’ouvrir en Belgique Comment on une école préparatoire pour les novices issus de nos régions. Il se entretient le souvenir nomme alors «Institut apostolique belge pour les Missions d’Afrique». Le terrain ainsi dégagé fut rapide- La chapelle de Marie-la-Misérable ment loti et l’opération immobil- est également confiée aux bons ière s’avéra fructueuse, les travaux soins des Pères qui bénéficieront d’aménagement de l’avenue Emile de la récolte des troncs. Vandervelde ayant rendu l’endroit aisément accessible dès 1938 – Le château n’abritera les élèves 1939. Sur l’emplacement du que durant six années. Les diffi- château, on traça deux rues. La cultés d’accès (mauvais chemins, première se vit dénommée rue du gare de Woluwe éloignée,…), l’ab- château Kieffelt, histoire de ne pas sence d’infrastructures suffisantes laisser son souvenir s’évanouir mais surtout le nombre croissant totalement. Quant à la seconde, d’élèves, forceront les Pères on l’affubla du nom saugrenu de Blancs à transférer l’école à rue des Créneaux. Pourtant, le Malines en 1891, puis à quitter château, conçu dès l’origine définitivement le château en 1893. comme demeure à caractère rési- dentiel, n’en posséda jamais. Une manière bien singulière d’en- Derniers feux. La fin tretenir la mémoire des lieux !

Plutôt que de devoir faire face à une nouvelle inoccupation, le comte de la Boëssière se résout à vendre l’immeuble. Il est acquis en 1896 par la famille Lambert. L’un de ses membres, l’avocat Edmond Lambert, détiendra le mandat de bourgmestre de Woluwe-Saint- Lambert de 1921 à 1932. Les Lambert apporteront eux aussi des modifications au château et à son environnement. La vieille ferme « Hof Allome » sera démolie en 1905 et de nouveaux bâtiments annexes se substitueront rapide- ment à elle. Le parc entourant le château, lui, sera totalement remodelé.

Cette nouvelle période faste ne

Si Woluwe m’était conté ... DOSSIER HISTORIQUE N°10

Hof van Brussel Le souvenir de Charles-Quint plane encore sur l’Hof van Brussel

Le hennissement des chevaux caracolant au milieu de la cour, le vacarme de leurs sabots rebondissant sur la rondeur des pavés, mêlés aux aboiements nerveux des chiens excités par les pi- queurs: le «Hof van Brussel», bâti à l’ombre de l’église Saint- Lambert à Woluwe, s’éveille, ce matin, pour la chasse.

Chevauchant fièrement leurs montures parées d’étoffes luxuriantes, les seigneurs passent la porte d’entrée du château, en compagnie de L’ Hof van Brussel et l’église Saint- N’en déplaise à certains, cette leurs dames. Lamberta au début du siècle En tête, l’empereur Charles- scène de chasse sort tout droit de (Coll M.V) Quint, faucon au poing. A ses la fiction. Au 16ème siècle, la côtés, le châtelain Philibert de famille de Brouxelles, de par ses Brouxelles. Le cortège des hautes fonctions – Philibert de d’abdication de l’empereur chasseurs se dirige lentement Brouxelles, propriétaire, à Charles-Quint. C’est probablement vers la forêt de Soignes. l’époque, du « Hof van Brussel », de cet événement que provient la siège au Grand Conseil de légende qui veut que l’Empereur Malines, cour de justice suprême ait séjourné à maintes reprises au de ce que l’on nomme alors les « Hof van Brussel » et qui aujour- Pays-Bas – est familière de la Cour. d’hui encore, l’une des pièces du En 1555, à Bruxelles, Philibert a château soit toujours appelée l’insigne honneur de lire le texte « chambre à coucher de Charles- Quint ». D’autre part, il est à peu près sûr également que les seigneurs de Brouxelles n’ont jamais habité la demeure. Un dessin à la plume, exécuté en 1553 sur peau de chèvre, nous montre l’édifice tel qu’il apparaissait alors : un simple bâtiment de ferme, cen- tre d’exploitation agricole. Et non un logement seigneurial, comme nous le présente la légende. « Hommes de robes »

L’origine de l’immeuble n’est pas connue. On pressent son exis- tence au 14ème siècle. Au début du 15ème, l’ «Hof van Brussel» passe aux mains des Vander- meeren seigneurs de Sterrebeek. Il devient, au 16ème, propriété de La chambre de Charles Quint la famille de Longueville qui le tenait des Vandernoot.

Les de Brouxelles entrent ensuite en possession du bien. Philibert cède le château à sa fille, dame Marie Middelton (née de Brouxelles) dont la pierre tombale armoriée se trouve encore à l’in- térieur de la tour de l’église Saint- Lambert.

Au cours des siècles suivants, l’ «Hof van Brussel» connaît une série impressionnante de propriétaires. Les citer tous serait fastidieux. Curieusement – c’est presque une tradition – la plupart d’entre eux sont «hommes de robe». Et nom- Sauvé de justesse ! Le Hof van Brussel vers 1945 breux furent appelés à siéger au (Coll M.V) Grand Conseil de Malines. Au fil du temps, l’aspect architec- tural primitif du « Hof van Brussel » évolue. Le mur d’enceinte est plusieurs fois démoli et recons- truit, suivant les besoins. Vers 1880, une aile supplémen- taire, flanquée de deux petites tourelles, agrandit l’immeuble. Au début de ce siècle, la famille Sloors est propriétaire du bien. Il sera mis en vente publique, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Paul Frison, restaurateur bruxellois, le rachète.

En 1943, le notaire Gérard en devient propriétaire. Il restaure le ravissant castel et réaménage le parc.

Aujourd’hui, la famille Gérard est toujours propriétaire. Et, si le château est connu à Woluwe sous le nom de « Hof van Brussel », c’est parce que ses propriétaires ont voulu rendre hommage à la famille de Brouxelles.

Le “Hof van Brussel” en 1985

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Musée communal Esprit es-tu là ? Ou la maison de l’antiquaire

Une nuit sans étoiles. Les nuages étirent nonchalam- ment leur silhouette indécise sur le ciel aubergine. Par instant, ils voilent le visage placide de la lune. Le vent, vio- lent ce jour-là, secoue rageuse- ment les branches des arbres, ombres fugaces sur les murs de la demeure.

Deux points lumineux crèvent l’opacité de la nuit : derrière les fenêtres de la rotonde, des formes se devinent. Tous les assistants encerclent la table, les mains posées à plat sur l’a- cajou, les yeux rivés au visage de son épouse. Une demeure Le Musée communal vers 1950 (Coll du spirite. mystérieuse, à l’architecture M.V) hybride et pittoresque, qui Le silence, pesant. Tout à coup, abrite aujourd’hui le musée la table se met à osciller. Un communal. En 1778, les parcelles du terrain peu. Plus fort. Et encore plus qui forment l’actuel parc de fort. Non, nous ne sommes pas Propriétaire de son état, passionné Roodebeek appartiennent aux à Hydesville, dans la maison de céramiques – surtout de Delft – jésuites de Bruxelles. La parcelle de deux petites américaines Emile Devos habite , sur laquelle Emile Devos édifie sa célèbres, Katle et Margaret lorsqu’il décide de construire, à demeure se trouve, vers 1808, aux Fox, premiers médiums mo- partir de 1886, une propriété à mains des héritiers Lambert de dernes. Mais, à Woluwe-Saint- Woluwe-Saint-Lambert, en bor- Lamberts, qui rachetèrent égale- Lambert, dans la propriété dure de la rue de la Charrette. ment le domaine du Château d’Emile Jean-Baptiste Devos et Malou. Trois propriétaires se suc- cèdent ensuite. En 1816, Maria Barbara Vanderelst ; en 1847, Paul Ernest Vandevelde, notaire à Bruxelles et en, 1860, Jean- François Cuelens, propriétaire foncier à Saint-Josse.

La maisonnette construite par Emile Devos ne comporte tout d’abord que deux ou trois pièces. C’est là qu’il installe sa première compagne, Caroline Van Hooste. Pendant une trentaine d’années, il agrandit sa demeure, y adjoignant plusieurs ailes, en 1893 et 1924- 1925, notamment. Quant à la fameuse rotonde, témoin des séances de spiritisme, elle date probablement de l’année 1912. La salle des renards (Photo Fondation Marinus) Veuf, Emile Devos, épouse en 1899, Lydie Bricoult. De 1909 à 1944, le couple aura un voisin célèbre, le peintre Constant Montald. Un trésor dans la cave

Petit bois de sapins, bouleaux et hêtres, un magnifique parc entoure petit à petit la maison. Les fours à briques des environs inquiètent Emile Devos : ils causent d’irrémédiables détériora- tions à ses plantations.

Déroutante et insolite, la maison Devos ? Sans aucun doute. Les M. Devos Mme Devos pièces s’enchevêtrent au gré des (Cliché Mus.com.) (Cliché Mus.com.) caprices du propriétaire. Moulures des boiseries, des portes et des cheminées, plafonds à caissons, tout a été dessiné par lui et exé- cuté par deux ébénistes exclusive- ment à son service.

Oiseaux et fleurs multicolores ou Aujourd’hui, outre le musée com- moulins à vent et canaux gelés des munal, l’ancienne maison Devos paysages hollandais, les cérami- abrite sous son toit la Fondation ques envahissent la demeure, de Albert Marinus et la Confederate la rotonde à la verrerie, preuve Historical Association of irréfutable du goût passionné de (1). Devos pour le vieux Delft. Autre richesse de la maison, une armoire Curieux ou tout simplement du XVIIe siècle, de pure marque- amoureux des vieilles pierres, terie hollandaise. pourquoi ne pas venir passer quelques heures dans l’ancienne Le 5 mars 1942, Emile Devos maison Devos ? Elle mérite le meurt. Madame Devos le suit trois détour (2) ans plus tard. Dans son testament, elle lègue sa fortune aux bonnes œuvres, sa maison et les trésors qu’elle renferme à la commune de Woluwe-Saint-Lambert, à la condi- tion que cette dernière en fasse un musée communal. Ce que la mai- son Devos devint dès 1950.

En 1972, le Musée communal revient sous les feux de l’actualité. (1) La fondation Albert Marinus étudie En aménageant leur local, les les traditions populaires et le folklore. La scouts de Woluwe découvrent C.H.A.B., elle, étudie l’histoire des Etats- Unis à l’époque de la guerre de séces- dans la cave des pièces d’or et sion. Toutes deux organisent des con- d’argent de la seconde moitié du férences, des débats, des expositions et 19e siècle. possèdent un centre de documentation. Effrayé par la guerre, peut-être (2) Le musée communal est accessible Emile Devos a-t-il enfoui là sa col- au public sur demande. Pour tout ren- lection ? seignement complémentaire tél 02.761.27.57

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Maison communale Naissance d’une “maison communale”

Une naissance, un mariage, un départ à l’étranger, un change- ment de domicile, un décès… Où s’adresser pour obtenir les documents officiels ?

A la maison communale. Symbole du pouvoir commu- nal, elle est au centre des événements marquants de chaque administré.

Depuis 1938, les services com- munaux de Woluwe-Saint- Lambert occupent les bâti- ments – le long de l’actuel avenue Paul Hymans – con- Carrefour de la Chaussée de struits par Joseph Diongre, Et avant cette date ? Roodebeek vers 1950. A gauche la l’architecte de l’I.N.R. (Institut maison de J.B. Claes qui servit de maison communale au 19ème siècle National de Radio-diffusion) à Jean-Baptiste Claes, le premier (Coll Mus.com) la place Flagey et de plusieurs secrétaire communal après la cités-jardins de l’aggloméra- révolution de 1830, habite tion bruxelloise. chaussée de Roodebeek, à l’angle nord de la rue des Deux-Maisons. Les sabots des chevaux réson- La maison de Jean-Baptiste Claes nèrent autrefois dans sa demeure, devait s’appeler par la suite ancien relais de diligence et « ferme des Pères blancs. Ce qui auberge à l’enseigne de l’hôtel de semblerait indiquer qu’à la fin du Bavière. C’est là que l’administra- XIXè siècle et au commencement tion communale établit tout du XXème, elle aurait dépendu du d’abord son siège. Château Kieffelt, alors séminaire des Pères Blancs. Trop exigus

En 1852, l’administration achète une maison – avec jardin – rue de l’Eglise, derrière l’église Saint- Lambert, pour la somme de 4.640 BEF (115,02 euro). On y installe un bureau communal, une salle d’école et l’habitation de l’institu- teur. Ce n’est cependant qu’en 1854 que le siège de l’administra- tion communale y fut transféré.

Très vite, les bâtiments s’avèrent trop exigus pour les besoins administratifs d’une commune en pleine expansion. En 1909, un L’Ancienne maison communale, actuellement le Shalom Center concours est organisé pour désigner l’architecte de la nouvelle maison communale que l’on a l’in- tention de construire.

Le premier prix est remporté par Joseph Diongre pour son projet « Stilte ». Le projet « Cachet rouge » du Dumont et le projet « In Vlaanderen Vlaamsch » de Marcq obtiennent respectivement les 2ème et 3ème prix. Ce projet ini- tial de Diongre est de style néo- renaissance flamande, semblable à celui de l’hôtel communal de Schaerbeek. Il ne sera jamais réalisé. La première pierre

Ce n’est qu’au mois d’août 1937, Projet de maison communale non réalisée. (Architecte J. Diongre qu’on procède aux premiers 1910)(Coll Mus.com) déblaiements pour l’édification du nouvel hôtel communal, sur le plateau sablonneux du Tomberg. Le baron Houtart, alors gou- Édifiée à la veille du conflit mon- cevoir pratique, bien éclairé et verneur du Brabant, le dial, la nouvelle maison commu- d’une ordonnance intérieure bourgmestre Servais et tout le con- nale de Woluwe-Saint-Lambert ne rationnelle. seil communal assistent, le 7 fut jamais inaugurée officielle- Deux caractéristiques du novembre 1937, à la pose de la ment. On se contenta du souvenir bâtiment : la tour élancée de 30 première pierre. Et, à la fin de l’an- de la cérémonie de la pose de la mètres de haut, munie d’une née suivante, les services commu- première pierre. quadruple horloge électrique, et la naux prennent déjà possession spacieuse rotonde au pavement de des nouveaux locaux. Il restait à D’une esthétique parfois discutée, mosaïques représentant la rose fignoler le travail : les derniers l’hôtel communal est un fidèle des vents. ouvriers quittent la maison com- reflet du temps où l’utilitarisme munale en septembre 1939. prévalait. Il fallait donc le con-

Maison communale actuelle vers 1950. Architecte Diongre (Col privée)

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Parc de Roodebeek Historique du parc de Roodebeek

Il y a quatre décennies que notre commune se voyait dotée de ce superbe espace vert cou- vrant plusieurs hectares. Son histoire est néanmoins plus ancienne. Elle commence bien avant que le sol sur lequel il dresse ses frondaisons ne soit recouvert d’arbres. Aux origines du parc de Roodebeek

Selon toute vraisemblance – mais seule une étude locale appro- fondie pourra le confirmer – les terrains qu’occupe aujourd’hui le parc de Roodebeek dépendaient n’est pas peu surpris de constater Allée menant vers la villa Montald autrefois de la ferme « Ten Steen », qu’un groupe de quatre parcelles vers 1950 (Coll D.Frankignoul) qui subsista jusqu’au lendemain de terres dessinent les contours de la seconde guerre mondiale, exacts de l’actuel parc communal, La propriété Devos en bordure de la chaussée de mises à part les deux allées d’ac- Roodebeek (à hauteur du n°65). cès donnant sur la chaussée de La ferme Ten Steen devait être Quelques années plus tard, en Roodebeek qui sont de création 1884, Emile Devos, rentier bruxel- une création assez ancienne bien plus récente. que l’on ignore la date de sa fon- lois, domicilié rue Pachéco, en ce dation. L’abbaye de Forest, déten- quartier populeux de la porte de C’est vers 1780 que Lambert de Schaerbeek aujourd’hui remplacé trice de vastes domaines à Lamberts, banquier tout juste Woluwe, la posséda au moins par la trop imposante « cité admin- annobli originaire du pays de istrative de l’Etat », entre en pos- jusqu’à la fin du XVIe siècle. En Liège, constructeur de l’actuel 1606, les jésuites, récemment session de la partie orientale du château Malou, acquit les quatre terrain partiellement exploité par installés à Bruxelles, l’achetèrent à parcelles précitées que ses héri- Jean de Wanzyn, receveur de la carrière. Attiré par le cadre tiers conservèrent apparemment champêtre qu’offrait il y a un siè- l’hôpital Saint-Jean de Bruxelles. jusqu’au début du XIXe siècle. Pas moins de soixante bonniers cle les coteaux de Roodebeek, Plusieurs propriétaires, dont on ne Emile Devos y construisit une de terres et de prés (soit un peu retiendra pas le nom, vont ensuite moins de 50 hectares) y étaient maisonnette qui fit d’abord office se succéder. de maison de campagne. En 1893, annexés. En 1879, l’un deux, une certaine L’année 1773 marque la suppres- de concert avec sa première Mélanie Vanden Abeele permettra épouse Caroline Van Hooste, il sion de la compagnie de Jésus à un cultivateur de Roodebeek, dans les Pays-Bas autrichiens. Les entreprit d’agrandir sa maison. Dès Pierre Jacobs, d’exploiter pour une ce moment, il lui donnera l’aspect biens que les jésuites détenaient à période illimitée, le sable et les Woluwe furent confisqués et extérieur d’un édifice rural bra- pierres sur l’une des deux par- bançon éminemment pittoresque inventoriés par l’administration celles contiguës à l’actuelle rue de domaniale. Le géomètre-juré avec ses pignons à gradins. la Charrette. C’est à la présence de L’intérieur sera orné de boiseries Bodumont en dressa les plans en cette carrière que la partie basse 1778 et 1779. Exécutés en couleur finement ouvragées (lambris, pla- du parc (comprise entre le Musée fonds, cheminées,…) et les murs avec un soin minutieux, ils four- communal et la section flamande nissent des indications précieuses, recouverts de carreaux de de l’école Princesse Paola) doit se céramique hollandais. bien que partielles, sur la topogra- conserver des pentes fort raides phie des environs de Roodebeek Emile Devos ne tarde pas à en que l’on peut encore observer de faire sa résidence permanente dans la seconde moitié du XVIIIe nos jours. siècle. En examinant l’un deux, on comme le démontre sa domicilia- tion dans notre commune en jan- vier 1896. Entre-Temps, devenu veuf, il se remarie en 1899 à Bruxelles avec Lydie Bricoult, jeune artiste lyrique d’origine furnoise. C’est avec elle qu’il achèvera la construction de la décoration de sa maison. C’est pour elle qu’il édifiera vers 1910 l’étonnante petite rotonde, attenante à la maison, et visible du parc, où se pratiqueront régulière- ment des séances de spiritisme. Car, conforme à un passe-temps en vogue dans les milieux aisés de la Belle Epoque, Lydie Bricoult est une adepte fervente des tables tournantes. Emile Devos étoffe sa propriété par des achats successifs de ter- rains. Il crée un jardin superbe, La maison Devos en cours de cons- dont toute trace a aujourd’hui dis- truction 1893 ((Coll Mus.com) paru, et plante de nombreux arbres qu’il dispose ici en allées, là en bosquets. On y trouve de mul- mois d’août 1910, les Montald s’in- L’ouverture du parc de Roodebeek tiples essences, certaines com- stallent dans leur nouvelle maison aura lieu le 17 juillet 1948 et sera munes à nos régions, tel le hêtre, de Roodebeek. Ils feront de leur marquée par des festivités qui s’é- et d’autres, plus rares. Il n’aura de maison un véritable havre de cul- tendront sur près de quinze jours : cesse de préserver ce splendide ture, accueillant tour à tour la réception officielle en présence massif arboré, notamment contre reine Elisabeth, Philippe Berthelot, des ministres de la Santé publique les émanations néfastes émises par ambassadeur de France, Stefan et de l’Intérieur, concerts de les briqueteries toutes proches et Zweig, les sculpteurs Charles sociétés d’harmonie, démonstra- que les vents dominants chassent Vander Stappen et Georges tions sportives, célébrations patri- sur sa propriété. Minne,… Le terrain acheté par otiques, séances de cinéma en Montald correspond à l’une des plein air, bals champêtres, attrac- La propriété Montald parcelles, autrefois détenue par les tions et concours divers, dont de jésuites. Il devient ainsi le voisin nombreuses prestations en noc- Au début du siècle, Constant d’Emile Devos. turne. Montald, peintre de renom et pro- fesseur à l’Académie des Beaux- Le parc communal Depuis 1948, l’image globale du Arts de Bruxelles, réside avenue parc s’est assez bien modifiée. Si de la Renaissance en compagnie Un curieux hasard va réunir les le massif boisé n’a quasiment pas de son épouse, Gabrielle Canivet, propriétés Montald et Devos après subi de modification, hormis l’évo- elle aussi artiste peintre. la guerre. Les deux familles n’on lution naturelle des végétaux, les Originaires de Gand, ils sont aucun héritier direct. Par testa- espaces dégagés et les bâtiments venus se fixer à Bruxelles et ment, Lydie Bricoult, veuve ont fait l’objet de multiples trans- cherchent à acquérir une rési- d’Emile Devos depuis 1942, fait formations. La maison Devos est dence définitive. En 1906, alors don de ses biens à la commune de devenue musée en 1950 et a qu’il se promène à Woluwe en Woluwe-Saint-Lambert à la condi- connu des avatars divers ; la villa compagnie d’Emile Verhaeren, tion expresse que celle-ci fasse de Montald, d’abord convertie en Montald est séduit par le caractère la maison un musée et qu’elle école, est actuellement occupée agreste d’un coteau situé en bor- ouvre le parc au public. Les claus- par des ateliers créatifs et des dure de la chaussée de es du testament prennent cours en groupements de jeunes néerlando- Roodebeek. Il y retourne fréquem- 1945, date du décès de Lydie phones ; deux pavillons scolaires ment car il se plaît à le dessiner et Bricoult. ont été érigés dans les années il finit par prendre contact avec le Constant Montald, veuf depuis soixante ; une piste de ski artifi- propriétaire, Pierre Schyven, fac- 1942, meurt d’un accident de la cielle, aujourd’hui disparue, y a teur d’orgues établi à Etterbeek, circulation. Son seul héritier, Jean été aménagée ; le pavillon des ainsi qu’avec le gestionnaire, l’ar- Goffin, neveu de sa femme, finit pensionnés, reconstruit après un chitecte Van Massenhoven. Un par vendre la propriété (villa, parc incendie qui le ravagea en 1971, a arrangement est conclu et bientôt et jardins compris) à la commune succédé à d’anciennes annexes de Van Massenhoven offre à Montald de Woluwe-Saint-Lambert qui se la propriété Montald. Une plaine non seulement de lui céder le ter- voit ainsi dotée d’en ensemble de jeux et un parc pour animaux rain mais aussi d’y ériger une spa- remarquable d’intérêt à la fois complètent ce cadre de loisirs et cieuse villa-atelier. Verhaeren artistique et naturel. Elle mettra de détente que forme aujourd’hui pousse Montald à accepter. Au rapidement cette occasion à profit. le parc de Roodebeek.

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av. Georges henri L’avenue Georges Henri a aussi son histoire

L’image qui nous vient d’em- blée à l’esprit lorsqu’on évoque l’avenue Georges-Henri est celle d’une artère particulière- ment animée, caractère que lui confère la présence de dizaines d’entreprises com- merciales concentrées pour la plupart dans sa partie cen- trale, entre le square de Meudon et le boulevard Brand Whitlock. Peu d’endroits de Woluwe-Saint-Lambert peuvent rivaliser avec cette avenue du point de vue vitalité. Pour expliquer cette position privi- légiée, il faut, comme presque toujours, jeter un regard sur le passé. Vers 1925 (Coll D. Frankignoul) Lambert, à la limité d’Etterbeek. Le bois de Linthout L’une d’entre elles, qui formera par la suite le noyau de l’Institut Il y a un peu plus de cent du Sacré-Cœur de Linthout, était occupée par un certain Auguste Lorsque Etterbeek cinquante ans, toute la partie déborde sur Woluwe ouest de Woluwe-Saint-Lambert Beckers, avocat de profession et était couverte par le bois de président du Cercle catholique de Dès 1893, la «Tuinbouw-maat- Linthout dont les frondaisons s’é- Bruxelles. Désireux de venir en schappij van Linthout» (société talaient de l’actuelle rue de aide à la Congrégation des Frères horticole du Linthout) se charge Linthout au square de Meudon. de la Charité qui cherchait un nou- d’élaborer un plan d’aménage- Vestige de cette masse forestière vel endroit pour y installer son ment destiné au lotissement des qui couvrit l’est de la région bru Institut pour Sourds-Muets et abords de l’avenue Georges Henri. xelloise durant des siècles et que Aveugles, il lui offrit un terrain de Cette société est dirigée par Firmin les défrichements médiévaux deux hectares situé en pleins Lambeau qui possèdera durant épargnèrent partiellement, le bois champs, ce qui rendait nécessaire quelque quinze ans un vaste de Linthout succomba sous la l’établissement d’une voie d’accès domaine non loin de là. C’est le hache des bûcherons en 1835, jusqu’aux futurs bâtiments. Ce fut plan en damier que l’on adopte laissant à nu un plateau de plus chose fait dès 1876. La nouvelle pour le tracé des artères du nou- de 70 hectares. Sa détentrice, la artère, dont on ne sait si elle por- veau quartier. Ce modèle, courant Société Générale, avait décidé de tait déjà le nom de Georges-Henri, en Europe et en Amérique durant mettre son patrimoine en valeur et s’amorçait au niveau de l’actuelle tout le 19ème siècle, prend pour le terrain ainsi libéré fut morcelé rue de Linthout et s’arrêtait à l’em- base l’avenue Georges Henri et le en une vingtaine de parcelles placement de la place Degrooff. futur boulevard Brand Whitlock, revendues en majorité à des bru- Il faudra attendre près de vingt ans aménagé en 1906. xellois. pour voir s’opérer le prolonge- Vers 1894 - 1895, la commune Actuellement, seule la rue du Bois ment de l’avenue. Vers 1893 – d’Etterbeek, dont le territoire est de Linthout nous rappelle à son 1894, de nouveaux facteurs vont déjà fortement urbanisé, cherche souvenir. inciter les autorités communales à poursuivre l’expropriation des ter- de nouveaux lieux d’implantation rains environnants. En moins d’un pour ses services. Sa commission La ville à Woluwe quart de siècle, la poussée de l’ur- des hospices, détentrice depuis banisation va transformer le peu d’un don important en argent de la famille Van Meyel destiné à Une quarantaine d’années plus quartier de Linthout, encore la fondation d’un orphelinat, est à tard, l’extension de Bruxelles appelé le « Haut de Woluwe » par la recherche d’espaces qui aidant, on vit se construire le fait de la proximité du point cul- représenteraient un coût d’acquisi- quelques grosses propriétés sur le minant de la commune situé au tion négligeable. Au même territoire de Woluwe-Saint- square Vergote. moment, Etterbeek, dont l’ancien cimetière situé derrière les casernes du Boulevard militaire (actuel boulevard Général Jacques) a été exproprié, décide d’acquérir un terrain propice à la construction d’un autre champ de repos. Ces seules raisons justifient la prolongation de l’avenue Georges Henri. On peut s’interroger sur la présence d’Etterbeek à Woluwe- Saint-Lambert. Géographiquement parlant, la se- conde forme une continuité naturelle de la première. Par ailleurs, comme on l’a vu dans un dossier précédent consacré au Château Malou et à son illustre occupant, Etterbeek fut dirigé de Carrefour avec le boulevard Brand 1884 à 1896 par Edmond Mesens, Whitlock vers 1935 (Coll M.V) originaire de Woluwe et parrainé au niveau politique par Jules Malou. Ceci explique cela. Un axe de pénétration

L’avenue Georges Henri et le quartier de Linthout ont pris une telle extension que l’on décide en 1901 d’y fonder une nouvelle paroisse sous les auspices d’Henri Dietrich, gros financier et futur baron de Val-Duchesse, qui réside dans l’ancienne propriété Beckers. On ne sera donc pas surpris de voir l’église, érigée en 1910 – 1911, porter la dédicace de Saint-Henri. L’étoffement du haut de Woluwe, la présence de l’Institut des Sourds-Muets et Aveugles, de l’or- phelinat (future école) Van Meyel, du cimetière d’Etterbeek,… vont petit à petit consacrer l’avenue L’orphelinat Van Meyel et la Georges Henri dans un rôle d’axe Métairie au début du siècle de pénétration de la ville sur le (Coll M.V) territoire de Woluwe - Saint - Lambert. Et lorsque, en 1913, l’administra- avant 1914, on rencontre sur le proposées tant par les auteurs que tion communale obtient l’exten- coin de l’avenue Georges Henri et par des témoignages oraux. sion d’une ligne des « Tramways du boulevard Brand Whitlock, La plus folklorique et la moins bruxellois » (le 28) sur son sol, restaurants et brasseries qui crédible, faut-il le dire, voudrait c’est en toute logique qu’elle passe démontrent sans ambiguïté le car- qu’à un certain moment (peut-être par l’avenue Georges Henri, pro- actère bourgeois des environs. La au début du siècle), l’avenue ait longée depuis peu jusqu’au prospérité de Woluwe-Saint- été pourvue de deux cafés instal- hameau de Roodebeek. Les 20, 22, Lambert, commune résidentielle, lés à chacune de ses extrémités, 27, 80, 81, 82 et 83 feront de est en marche. l’un dénommé « Chez Georges » même avant la création de l’ave- C’est en grande partie à l’avenue l’autre « Chez Henri » ! nue de Broqueville dans la se- Georges Henri qu’elle le doit ! L’union des deux appellations conde moitié des années trente aurait ainsi formé celle de l’artère. n’ouvre une autre voie de pénétra- Qui était Georges Une autre hypothèse y voit les tion qui assurera plus tard l’essor Henri ? prénoms accolés des deux fils du quartier du Tomberg. Quant à d’un propriétaire foncier local. Ce la fonction commerciale de l’ave- dernier aurait accepté de céder les nue, elle s’est développée paral- Aussi paradoxal que cela puisse terrains nécessaires à l’établisse- lèlement à la croissance du paraître, aucune explication satis- ment de l’avenue à condition quartier. À titre d’exemple, dès faisante n’a été fournie jusqu’à qu’elle soit baptisée du nom de présent. Plusieurs solutions ont été ses fils ! Affaire à suivre…. ! Si Woluwe m’était conté ... DOSSIER HISTORIQUE N°15

enseignement Petit aperçu de l’histoire de l’enseignement primaire à Woluwe-Saint-Lambert des origines à 1914

Les 18 et 19 septembre 1987 s’est déroulée l’opération « L’école à Bruxelles depuis 150 ans « patron- née par la Fondation Roi Baudouin et la R.T.B.F. Pour les promoteurs de cette manifesta- tion, il s’agissait de mettre en évi- dence un certain nombre de bâti- ments scolaires de la région bru- xelloise, bâtiments remarquables tant par leur architecture que par les conceptions pédagogiques qui présidèrent à leur érection entre en 1800 et 1940. L’école Vervloesem constituait l’une des étapes du circuit n° 1 et le Musée communal y a présenté à cette occasion une exposition relative à l’histoire de l’enseigne- Lambert prendre la décision de Woluwe vers 1890. Au centre l’é- ment primaire à Woluwe-Saint- louer l’ancienne maison du sa- glise, l’ancienne maison du sacris- Lambert des origines à 1914. Ce cristain-organiste (située à côté de tain (Coll Mus.com) chapitre de « Si Woluwe m’était l’église Saint-Lambert et disparue conté » en est en quelque sorte la vers 1930) afin d’y installer un transposition écrite. local de classe adapté. vingt ans. Au faîte de sa gloire, il occupe les fonctions de chef de L’enseignement Lorsqu’en 1852, la commune cabinet et de ministre des communal achète l’immeuble qui deviendra Finances. Il est alors le chef de file par la suite maison communale incontesté des catholiques belges. (l’actuel Shalom Center), elle en Pour diriger l’institution, il sollicite Si l’on compte déjà une cinquan- affecte une partie à l’usage provi- le concours de la Congrégation taine d’écoles primaires recon- soire de classe. Quatre ans plus des Sœurs de la Providence dont nues à Bruxelles et dans ses envi- tard (1856), elle fait bâtir l’école la maison-mère se trouve à rons à la veille de l’annexion définitive, située un peu en con- Champion, dans la banlieue nord définitive de nos régions par la trebas, rue Madyol, aujourd’hui de Namur. En 1879, l’école prend République Française en 1794, on convertie en bibliothèque. Cette possession de la « Chancellerie », ne trouve rien de semblable à nouvelle école, où l’on dispense vieille demeure vraisemblable- Woluwe-Saint-Lambert. Comme l’enseignement conjointement aux ment érigée au XVIe siècle par un dans bien d’autres petits bourgs filles et aux garçons, restera en membre de la célèbre famille ruraux, c’est encore le curé, ou à fonction durant plus d’un demi- Vander Noot qui détenait l’honora- défaut le sacristain, qui se charge siècle. ble fonction de chancelier du de dispenser un semblant d’ins- Brabant. L’institut de la Providence truction aux jeunes paroissiens : Jules Malou, l’occupe toujours à l’heure notions de lecture, d’écriture et l’enseignement libre actuelle. Lorsqu’ils prennent les surtout catéchisme. Il n’y a rênes du pouvoir au détriment des d’ailleurs pas de scolarité obliga- et la lutte scolaire. libéraux qui ont gouverné la toire. Bien que le régime français Belgique de 1878 à 1884, les ait établi les premières lois en Quand, en 1875, il décide de catholiques votent une nouvelle matière de scolarité dès 1795, il fonder une école confessionnelle loi sur l’enseignement primaire faut attendre la période hol- pour filles à Woluwe-Saint- qui permet aux communes de landaise, sous le mayorat de Jean Lambert, Jules Malou est fixé dans choisir entre l’adoption d’une Devis en 1824, pour voir le con- notre commune depuis plus de école confessionnelle et le main- seil communal de Woluwe-Saint- tien d’une école officielle neutre. La commune de Woluwe-Saint- Lambert, dirigée par le bourgmestre Henri Verheylewe- ghen et son conseil d’obédience catholique, adopte l’école libre fondée par Malou et prend la déci- sion de supprimer l’école commu- nale. Elle est toutefois rapidement rouverte sous la pression des libéraux. La guerre scolaire bat alors son plein ! Essor de l’enseigne- ment après 1900

Au début du siècle, les locaux de la petite école de la rue Madyol deviennent insuffisants, la popula- La Chancellerie (institut de la pro- tion scolaire, liée à l’essor démo- vidence) vers 1965 (Coll Mus.com) graphique, ne cessant de croître. C’est ainsi que le 3 juin 1905, le sitions de la Loi Combes (1903), De son vivant, cet homme robuste, conseil communal approuve les religieuses du Sacré-Cœur de à la carrure impressionnante, était l’achat d’un terrain de près de 45 Lille s’installent en 1904 dans la estimé de la population toute ares situé en bordure de ce qu’on propriété que le baron Henri entière. L’ampleur des festivités appelle alors la « Petite Chaussée » Dietrich met à leur disposition, organisées en son honneur en (Kleine Kasseide), l’actuelle rue avenue des Deux Tilleuls. Quant 1907 dans tout Woluwe démontre Vervloesem. La somme de 493,31 aux chanoinesses du Roule, à merveille l’importance de la EUR consacrée à cet achat est cou- réfugiées en Belgique pour les place que tenait le « maître » au verte par un emprunt auprès du mêmes raisons, elles acquièrent sein de la petite communauté vil- Crédit Communal de Belgique. En un terrain rue Vergote en 1906 et y lageoise et l’ascendant psy- 1909, la nouvelle école n°1 est érigent un pensionnat. Ces deux chologique qu’il exerçait sur elle, ouverte aux élèves. A ce moment, instituts sont réservés aux filles. au même titre que le châtelain, le l’enseignement libre connaît égale- Par ailleurs, l’enseignement libre curé ou le notaire. ment un développement sans pour garçons possède son école En 1930, ses anciens élèves com- précédent dans le quartier du dès 1901. Il s’agit de l’actuelle mandèrent au sculpteur woluwéen Linthout, en cours d’urbanisation. école Saint-Henri, située avenue Joseph-Gérard Van Goolen le Chassées de France par les dispo- des Cerisiers. buste qui orne le préau de l’école à laquelle il a donné son nom. Maître Jean-François Jusqu’au début du 20ème siècle, il Vervloesem est certain que l’activité éco- nomique dominante à Woluwe- Cet article serait incomplet sans Saint-Lambert était l’agriculture. l’évocation d’une figure éminente Elle est d’ailleurs fort probable- du « Woluwe-Village » d’avant ment à l’origine de l’apparition de 1914, celle de l’instituteur Jean- la plupart des villages du plateau François Vervloesem. Né à brabançon. Keerbergen le 2 octobre 1850, Vervloesem sort diplômé de l’Ecole Normale de Lierre. Il enseigne d’abord à entre 1870 et 1879 avant d’être désigné par Jules Malou pour donner cours à l’école des Sœurs de la Providence. Vervloesem n’y fera qu’une courte apparition, le temps d’opter pour l’école communale n° 1 dès 1880. Il en deviendra Maitre Jean-François Vervloesem instituteur en chef en 1895 et le (Coll Mus.com) restera jusqu’à sa mort en 1917.

Si Woluwe m’était conté ... DOSSIER HISTORIQUE N°16

noms de rues Personnalités et noms de rues de Woluwe-Saint-Lambert

Il est une question que bien des gens se posent lorsqu’ils arpentent les trottoirs d’une ville ou en consultent le plan : quel visage mettre sur le nom des personnalités qui figurent sur d’innombrables plaques de rues ? Qui étaient elles ? Qu’ont-elles réalisé de si méri- toire et louable pour avoir vu leur nom ainsi placardé et porté au firmament d’une gloire bien relative ?

Voici une ébauche de réponse proposée pour Woluwe-Saint- Lambert

Vers 1845, seuls trois petits l’avenue Georges Henri (prénoms Avenue de Broqueville vers 1930 (Coll Daniel Frankignoul) chemins de Woluwe portent un accolés des fils d’un propriétaire nom de personne : la Vanhoven- foncier local) dont le tracé – inter- straet, le Vanderporrenweg et la rompu à cette époque à hauteur Kloetensstraet dont les longueurs de l’institut des Sourds-Muets et respectives n’excèdent pas 254,88 Aveugles – servira de base à l’érec- caractère champêtre et aux et 43 mètres ! Un total insignifiant tion de tout un quartier dans le charmes agrestes, se voit confir- de 385 mètres alors que le réseau « Haut de Woluwe » entre 1893 et mée dans son rôle de commune complet des voies de communica- 1913. Jusqu’en 1914, c’est exclu- résidentielle. Elle accueille une tion publiques de Woluwe – sivement aux rues de ce quartier population socialement aisée et de chemins et sentiers confondus – mis en valeur par la société immo- plus en plus nombreuse se dépassent le chiffre de 38 kilo- bilière « Tuibouwmaatschappij van détachant du centre de la ville et mètres ! Leurs dénominations se Linthout » que seront donnés des des quartiers plus anciens qui se rapportent aux patronymes de noms de personnes. Ceux-ci font dépeuplent, et dont le caractère riverains dont les familles sem- référence aux membres de la administratif se précise. De nou- blent y habiter depuis des généra- Maison royale qui ont gratifié velles rues, regroupées en vérita- tions. La Vanhovenstraet, en parti- Woluwe d’une visite princière en bles quartiers, sont tracées. Il en culier, évoque le nom des Van 1902 et dont le règne est en cours va ainsi du quartier des mois (de Hove qui occupèrent à la fin du dès 1909 (avenue Albert-Elisabeth) l’avenue de Janvier à la rue de XVIIIe siècle et au XIXè siècle le ou à de gros propriétaires des Décembre), de l’avenue de Vellemolen, ancien moulin situé environs : Henri Dietrich, occu- Broqueville et de ses abords et de face à l’école Singelijn et disparu à pant le château de Linthout, futur la cité-jardin du Kapelleveld, siège la fin des années 1950. institut du Sacré-Cœur, Firmin d’une expérience sociale et archi- Lambeau, administrateur de la « tecturale chère à un groupe d’ur- Georges Henri Tuinbouwmaatschappij», Auguste banistes progressistes influencés Vergote. par les réalisations britanniques en Le premier nom de personnalité à ce domaine. avoir été attribué officiellement à Les mois une artère de Woluwe-Saint- La famille royale Lambert remonte aux années Le mouvement d’expansion 1870, au moment où les premiers urbaine se poursuit sans disconti- Le choix des dénominations con- indices visuels de l’urbanisation nuité durant l’entre-deux-guerres. cernant les personnalités a atteignent la commune. Il s’agit de Woluwe-Saint-Lambert, localité au quelque peu changé par rapport à la veille de la première guerre mondiale. La famille royale de Belgique reste à l’honneur avec pas moins de sept appellations relatives aux règnes d’Albert Ier et de Léopold III et à leurs proches : Roi Chevalier, Roche Fatale (rap- pelant Marches les Dames), Prince Héritier (anciennement Prince Léopold), Couronnement (de Léopold III), Marie José (fille d’Albert), Bonne Reine (Astrid) et Joséphine Charlotte (petite-fille d’Albert). Sont également honorées deux grandes figures américaines ayant agi de manière déterminante au sein de la « Commission for Relief in Belgium », organisme chargé de Avenue Marie-José vers 1930 (Coll fournir à la population de la pour autant que l’on puisse établir Daniel Frankignoul) Belgique occupée le ravitaillement un classement systématique en la nécessaire : Brand Whitlock et matière ! Il en va ainsi de Charles Herbert Hoover. de Broqueville et de Jean-Joseph Quelques victimes de la première Crocq qui eurent de multiples d’honneur à donner à ses nou- guerre mondiale apparaissent à activités, notamment dans le velles rues et avenues le nom leurs côtés : Louis Jasmin et les domaine politique. Il est toutefois d’artistes qui séjournèrent à frères Martin, habitants de probable qu’on leur fit honneur Woluwe, en particulier ceux qui Woluwe-Saint-Pierre, présents sur par le fait qu’ils détenaient un exercèrent leurs talents au sein de une plaque à Saint-Lambert par le important patrimoine foncier dans l’Atelier Libre de Dessin et du fugi- hasard d’un prolongement la commune. tif cercle « Les Artistes de Woluwe- d’artère. Saint-Lambert » Les quatre dénominations préci- Les victimes de la Des hommes de lettres (le séna- tées, dont deux fortuites, sont les teur Lafontaine, Marinus, Mounier, seules marques du souvenir de la guerre Rency, auxquels est venu s’ajouter guerre 1914 – 1918 transmises par Marcel Thiry en 1977) ont été la toponymie locale. Plus de quarante appellations sont inclus dans cette louable initiative venues garnir les plaques de rues visant à sauvegarder le souvenir Les personnalités depuis la fin de la deuxième d’un temps où la commune consti- guerre mondiale. tuait une véritable pépinière politiques Une bonne douzaine de victimes d’artistes, séduits par le caractère de ce conflit (résistants, déportés éminemment pittoresque de la val- L’apport nouveau concerne les ou fusillés) ont été immortalisées. lée. personnalités politiques du lieu : Parmi celles-ci, six habitaient la Quelques personnalités locales les bourgmestres, Jean-François rue qui depuis porte leur nom (Crabbe, Van Muylders) ont Debecker, brasseur de son état et (Dalechamp, Devienne, Jonnart, encore trouvé droit de cité ainsi son beau-fils François Delbeder ; Maerckaert, Mélard et Wampach). que des figures politiques connues les échevins Théodore Decuyper, Les autres ont été attribués au sur le plan national et résidant à Jean-Baptiste Timmermans et terme des années quarante à des Woluwe-Saint-Lambert (Pauwels, Egide Fabry ; les familles rues proches de leur domicile Mullie). Verheyleweghen et Vandenhoven (Heymans, Hoton, Lartigue, Enfin le grand médecin de qui ont compté plusieurs man- Servais-Kinet) ou à des artères l’Antiquité grecque, Hippocrate, et dataires communaux dans leurs tracées lors de la création de nou- son lointain successeur Jean- rangs. Signalons encore deux émi- veaux quartiers (Abeloos, Bastin). Baptiste Carnoy, doivent leur nences du cru : le notaire présence récente à Woluwe à l’ins- Moonens, natif de l’endroit et l’in- La culture tallation des Facultés Universi- stituteur Jean-François Vervloe- taires Saint-Luc sur le plateau du sem, glorifié pour avoir instruit la Les autres appellations se rappor- Kapelleveld. moitié de Woluwe pendant près tent presque toutes à l’univers de (Ce texte est extrait de la brochure d’un demi-siècle. la culture. Dans les années « Une rue de WSL porte leur nom » On relève enfin certaines person- cinquante et soixante, l’administra- publiée par le Musée communal de nalités difficilement classables – tion communale a mis un point WSL en 1986)

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Harmonie l’Alliance Un siècle de vie musicale à Woluwe-Saint-Lambert : la société royale d’harmonie l’Alliance

En 1938, Woluwe-Saint- Lambert est une petite com- mune rurale où l’on compte à peine mille habitants. Pourtant, à l’instar de localités beaucoup plus peuplées de la région bruxelloise, comme et Saint-Josse, il s’y forme une société musicale. Les raisons de cette précocité restent inexpliquées. Mais l’on constate que de grosses local- ités voisines, telles Etterbeek et Schaerbeek, attendront plus- ieurs années avant de se voir dotées d’un ensemble instru- mental similaire.

Les fondateurs de l’Alliance appar- tiennent à la classe aisée des habi- tants de Woluwe-Saint-Lambert. La société d’harmonie l’Alliance devant son ancien local, rue Voot, au On y rencontre les gros fermiers : début du siècle. (Coll Mus.com) les VERHEYLEWEGHEN et les CLAES (Roodebeek), les DRAECK (Hof ter Musschen), les DECLERCK (Hof ten Berg), ainsi membres honoraires. que le DEBECKER, brasseurs de A titre de comparaison, une grosse L’Alliance doit encore subir en leur état et Jean DEVIS, papetier, société bourgeoise comme l’har- 1860 les effets d’une épidémie propriétaire du moulin de monie de Saint-Josse-ten-Noode, généralisée de choléra qui n’é- Lindekemale et bourgmestre. Tous fondée en 1862, n’impose (un pargne ni les villes ni les cam- ces noms se retrouvent au sein du quart de siècle plus tard !) qu’un pagnes. Le nombre des membres comité. droit d’entrée de deux francs et honoraires est réduit à sept et, une cotisation mensuelle d’un trois ans plus tard, débute une Ils se donnent pour but de former franc. Rien d’étonnant à ce que période de coopération avec une une société au sein de laquelle l’Alliance connut durant plus de société de Woluwe-Saint-Etienne. fraternisation et bonne entente quinze ans des crises régulières « Les Carabiniers Belges » (De sont les maîtres mots. Tout élé- marquées par un déficit chronique Belgische Carabiniers »), créée en ment de discorde est proscrit. A de la trésorerie. cette même année 1860. cette fin un règlement extrême- En 1854, la cotisation annuelle est La précarité de la situation force le ment rigide accompagné d’un réduite à un franc et l’on sollicite comité à abolir le droit d’entrée de recrutement sélectif offrent des les premières demandes de sub- dix francs. Du coup l’Alliance s’ou- garanties suffisantes pour justifier sides auprès des autorités, en l’oc- vre à de nouveaux membres. En le nom donné à la société. currence la commune. Ces 1865, ils sont 39. mesures ne suffisent pourtant pas. Sélectif selon les normes morales, Ce regain de vie est le prélude à le recrutement l’est aussi au point La société se voit contrainte de des activités de plus grande enver- de vue financier. Ces riches pos- déménager au hameau de gure. Jusqu’alors la société se limi- sédants imposent aux candidats Roodebeek où elle est hébergée tait à quelques sorties annuelles et potentiels un droit d’entrée exor- dans un local au loyer moins à l’accompagnement des proces- bitant de dix francs (de l’époque !) élevé. Cette période de purgatoire sions à Woluwe-Saint-Lambert et complété par une cotisation men- durera dix ans. dans les communes avoisinantes suelle de deux francs pour les dépourvues d’harmonies ou fan- fares. A ses débuts, elle avait par- ticipé à deux ou trois festivals : ceux de Bruxelles en 1841 et de Louvain en 1844. Hormis un déplacement à Saint-Gilles en 1858, elle n’avait plus fait depuis que des prestations purement locales.

En 1869, les choses changent. L’Alliance participe au festival de Malines et se dote d’un nouveau drapeau (le premier datait de 1847). De nombreuses villes du pays sont visitées : Anvers, Gand, Louvain, Mons, Huy, Seraing, Dinant.

Enfin le festival de 1892 réunit à Woluwe pas moins de 18 sociétés musicales et chorales. La société connaît désormais une période de plus grande stabilité au cours de laquelle la qualité des exécutions s’améliore graduellement.

Au début du XXe siècle, l’Alliance Le drapeau de l’alliance de 1872 compte parmi ses 80 membres des (Coll Mus.com) personnalités prestigieuses : Edmond Mesens, woluwéen d’ origine, sénateur, administrateur à déroule le 20 juillet 1930 à travers Les présidents de l’Alliance : la Société Générale et bourgmestre les rues de Woluwe. Le centième 1838-1854 : J. Beeckmans d’etterbeek de 1881 à 1896 et de anniversaire de son existence mis 1854-1858 : D. Brunard 1907 à 1918 ; le baron de sur pied en 1938 ne peut, malgré 1858-1861 : Jean Devis, Wyckerslooth de Rooyesteyn, un certain faste, dissimuler des bourgmestre beau-fils de Jules Malou, le ban- faiblesses latentes. 1861-1863 : Antoine quier Henri Dietrich de Val- L’éclatement de la guerre en 1940 Verheyleweghen, bourgmestre Duchesse,… De concert avec le lui portera un coup fatal. Une ten- 1863-1872 : Fr. Denies, échevin Bourgmestre Jean-Baptiste De tative de reconstitution au lende- 1872-1888 : Henri Cock, ils s’adressent à la Cour en main du conflit, vers 1945-1946 Verheyleweghen, bourgmestre vue d’obtenir le titre de société sera un échec complet. à partir de 1875 royale. Cet honneur leur est 1888…1892… : Jean-Baptiste- accordé le 14 juin 1904. Aujourd’hui, seuls subsistent Aloys Vandenhoven, échevin L’année suivante, l’harmonie fête quelques vestiges de cette société …1904… : Antoine-Joseph son 75e anniversaire de l’indépen- qui durant un siècle marqua de Slegers, secrétaire communal dance de la Belgique et inaugure son empreinte la vie du vieux 1927-1936 : G. Verhofstadt son troisième drapeau. En 1913, Woluwe : trois drapeaux conservés 1936-1940 : Jean Van Muylders, elle célèbre le 75e anniversaire de au musée communal et le nom, en échevin. sa création par l’organisation d’un partie effacé, sur la façade d’un grand cortège de chars fleuris. café, rue Voot. Les chefs de musique : 1838-1841 : ? 1841-1858 : M-C. Baudelet La guerre de 1914 – 1918 passée, 1858-1860 : S’Jongers l’Alliance reprend ses activités Elle 1860-1874 : M-C. Baudelet a alors à sa tête des chefs de 1874-1880 : Schreurs musique de talent et participe mal- 1880-1925 : Fr. Vandooren gré de nouvelles difficultés à de 1925-1930 : J. Pauwels nombreuses manifestations, 1930-1937 : Lieutenant Spoel notamment le grand défilé du cen- 1937-1940 : Adolphe Andre tenaire de l’indépendance qui se

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Cercle fétis Harmonie Royale : « Cercle Fétis »

Roodebeek est un simple 1874 elle paraît compter une petite d’une des gloires nationales en hameau agricole dominé par vingtaine de musiciens. Sur le plan matière musicale, François-Joseph quelques grosses fermes financier, elle dit se suffire à elle- Fétis. Elle se fait offrir en date du lorsqu’en septembre 1872 un même, mais sollicite auprès de la dix juillet de cette année un groupe d’habitants décide d’y Cour en date du 23 mai 1874, l’ac- superbe drapeau de velours par mettre sur pied une fanfare. quisition d’un drapeau. Un refus son président du moment, Henri net et catégorique s’en suit, la De Niet, par ailleurs sous-chef de L’événement se passe dans le qualité de ses prestations musi- musique au Cercle Musical de cabaret que tient, rue Dries, un cales étant considérée par les Saint-Josse-ten-Noode. L’année certain François Verheyden, com- autorités comme « en dessous du suivante les statuts de la munément désigné par le sobri- médiocre ». société sont énoncés. quet « Susse de Zot » ! Cette pha- Ces maigres données sont tout ce lange s’intitule d’abord « Société que l’on sait de l’origine du Cercle de Fanfares de la commune de Fétis. En 1899, elle organise un festival à Woluwe-Saint-Lambert » avant de Roodebeek cette date et 1914, l’on prendre en 1873 la dénomination Le quart de siècle de silence qui peut suivre le Cercle Fétis à travers plus locale de « Société de suit n’est pas fait pour éclairer les une grande partie de ses déplace- Fanfares de Roodebeek ». choses. Toujours est-il qu’en 1897 ments. Il visite les communes Elle s’est constituée dans un but nous apparaît une société au environnantes à l’occasion de fes- de « moralisation et d’agrément mieux de sa forme. Elle s’est muée tivals ou autres manifestations : pour la classe ouvrière » et dès en harmonie et a pris le nom Stockel, Auderghem, Woluwe- Saint-Etienne, Laeken, Zellik, , Zaventem. Il va plus loin et participe à des concours dans toute la Belgique : Leefdael, Kampenhout, Anvers, Namur, Antoing et aux Pays-Bas à Boisschot en 1908. Au lendemain de la première guerre mondiale, le Cercle aligne 186 membres honoraires et 39 musiciens. Il forme également une dizaine d’élèves.

En 1921, il introduit auprès de la Cour une demande afin d’être autorisé à porter le titre de société royale. C’est chose faite dès le 24 janvier 1922. Réitérant ses buts fondamentaux, à savoir l’encoura- gement de l’art musical, la forma- tion des jeunes et l’union de ses membres dans un esprit de frater- nisation, le Cercle se garde bien de vouloir s’attacher à des ques- tions d’ordre politique ou confes- sionnel. Il est alors considéré comme un des meilleurs ensem- Premier drapeau du Cercle Fétis 1897. bles musicaux de la région. Et c’est (Coll Mus.com) avec optimisme qu’il célèbre en cette année 1922 l’obtention de son nouveau titre et ses cinquante ans d’existence. Deux ans plus tard, en 1924, le Cercle se produit brillamment au festival d’Ostende. En 1925, il aménage dans de nou- veaux locaux plus vastes situés au numéro 1, place Verheyleweghen, tandis que l’ancienne auberge des débuts est cédée au peintre Jean- Roch Collon, de retour d’un voya- ge en Italie. La déclaration de la seconde guerre mondiale force le comité du Cercle à interrompre toute activité à partir de 1941. Contrairement à l’Harmonie de l’Alliance, l’autre grosse société de Woluwe-Saint-Lambert, il survit au conflit.

S’il ne compte plus qu’une petite nonantaine de membres à la Evolution du nombre de membres honoraires du Cercle Fétis entre 1919 et Libération, il voit l’avenir avec un 1952 (Coll Mus.com) optimisme relatif. Dans l’enthou- siasme qui fait suite aux terribles événements, un regain d’intérêt se En 1951, fait d’importance, les On sent pourtant que le cœur n’y manifeste pour les phalanges femmes sont admises au tradition- est plus, et pour cause ! Sept ans musicales. nel banquet annuel de la Sainte- plus tard, en 1970, le cercle Fétis En 1948, le cercle réunit 145 per- Cécile, peut-être par esprit de se dissout. Il était à l’avant-veille sonnes mais ce nombre s’effrite libéralisation, plus sûrement pour de célébrer le centenaire de son vite. En 1952, le niveau de l’après- regonfler les effectifs appauvris. existence. guerre est quasiment rejoint avec Les festivités du 90è anniversaire, 97 membres. en principe prévues pour 1962, se Malgré cela, le cercle ne manque tiennent en 1963. L’échevin Jean- Les présidents du Cercle aucune fête, cérémonie ou proces- Frans Debecker accroche à cette Fétis : sion. occasion une médaille au drapeau 1872-1897 :? (la première depuis 1928 !) et l’on 1897- ? : Henri De Niet pose pour la photo de groupe. ? – 1919 : Pierre Octaef 1919-1922 : Joseph Abeloos 1922-1935 : Victor Decraen 1935-1947 : Auguste Didier A partir de 1947 : Gustave Duwelz En 1955 … : Jacques Pauwels Jusqu’en 1970 : Jean Demey

Festivités du 50ème anniversaire du Cercle 1922 (Coll Mus.com)

Si Woluwe m’était conté ... DOSSIER HISTORIQUE N°19

fanfares Harmonies et Fanfares de Woluwe-Saint-Lambert (III et fin)

Le présent dossier historique constitue le troisième et dernier volet relatif à l’histoire des sociétés musicales de Woluwe-Saint-Lambert. Après avoir retracé la vie des deux plus importantes sociétés, l’Alliance et le Cercle Fétis, qui plongent leurs racines en plein dix-neuvième siècle, on s’attache ici à des ensembles instrumentaux nés durant notre siècle mais eux aussi tous disparus aujour- d’hui. L’Harmonie Royale L’Harmonie des Aveugles vers 1952 des Aveugles (Coll Mus.comd’après document IRSR) Mise sur pied à la Saint-Cécile 1901, l’harmonie fut officialisée en 1902 lors de la visite des princes être démontrée, des facultés audi- sion un ensemble de joueurs de Albert et Elisabeth à l’Institut royal tives plus développées chez les clochettes dénommé « carillon des Sourds Muets et Aveugles. aveugles et un répertoire de pre- suisse ». Ce dernier exerçait égale- Les promoteurs de l’harmonie se mière catégorie sont à mettre au ment des prestations en solo. Le donnèrent pour premier but de compte de cette réussite. frère Albéric, de l’Institut, le mit au rehausser musicalement les fes- L’harmonie des «pauvres aveu- point au début du siècle. Plus tard, tivi-tés de l’Institut musicalement gles», selon une expression du un ancien élève, Victor Van les festivités de l’Institut notam- début du siècle non dépourvue Anderlecht s’employa à former les ment lors de la distribution d’une certaine pitié forcée, empor- jeunes joueurs qui enregistrèrent annuelle des prix. ta l’enthousiasme des foules que un disque au début des années La création d’une harmonie dans deux guerres mondiales n’ébré- soixante. le cadre d’un organisme d’en- chèrent pas. Pour s’en convaincre L’harmonie des Aveugles qui accé- seignement spécialisé n’était pas il suffit de se pencher sur l’éton- da au titre de société royale en chose banale. Pourtant, une sec- nant palmarès de 800 concerts 1927 fut dissoute vers 1968. tion musicale y existait déjà donnés entre 1902 et 1968 à tra- Plusieurs grands musiciens depuis plusieurs décennies et un vers la Belgique entière mais aussi l’avaient dirigée. Parmi ceux-ci ensemble symphonique cumulait en Hollande et dans le nord de la l’on relève les noms du frère les prix d’excellence. France. L’institut national de radio- Victor, dans l’entre-deux-guerres, La direction de l’harmonie fut diffusion lui ouvrit également ses et le trompettiste de réputation confiée à Victor Van Hoegaerden, portes. mondiale André Marchal. musicien de première classe à la Non contente de ces perfor- musique du régiment des mances, l’harmonie des Aveugles Le « Kleine Woluwe’s grenadiers et par la suite chef de prit une part active à l’accompag- musique du Cercle Fétis. nement de processions, notam- Vermaak » D’emblée l’harmonie remporta ment celle de Saint-Guidon à succès sur succès. La qualité de Anderlecht et, bien entendu celle Cette fanfare, dont la dénomina- l’enseignement conféré – à l’aide de la paroisse Saint-Henri à tion française s’intitula tour à tour de la méthode Braille – par les Woluwe-Saint-Lambert. Elle anima « Petit Woluwe Mon Plaisir » et Frères de la Charité, dont la répu- en outre de nombreuses fêtes de « Agrément du Petit Woluwe » tation en la matière n’a jamais dû quartier et s’adjoint pour l’occa- (traduction plus conforme au nom flamand), prit naissance en 1910 L’Harmonie du A l’origine, l’orchestre compta dans le quartier de l’ancienne gare jusqu’à 60 musiciens. Par la suite, de Woluwe, à cheval sur les com- Mouvement National il varia entre 25 et 30 musiciens munes de Woluwe-Saint-Lambert Belge selon les manifestations. En 1985, et Woluwe-Saint-Pierre. Elle avait l’harmonie qui en était à sa qua- son siège rue de la Station. On sait L’harmonie du Mouvement rantième année d’existence se fort peu de choses à son sujet si ce National Belge fut créée en 1945 trouvait placée sous la direction de n’est qu’en 1920 elle organise un par six musiciens issus du réseau M. Jean Demey, ancien président grand festival, subsidié par les de résistance du même nom. Elle du Cercle Fétis. Ce fut ensuite M. deux Woluwe, à l’occasion de la devint rapidement l’harmonie du Antoine Devleeschouwer qui remise d’un drapeau par son prési- mouvement pour tout le pays. présida aux destinées du groupe- dent d’honneur Hector de Waele. Elle s’installe au café du ment. L’harmonie vient d’être dis- On en trouve encore mention en « Linthout » avenue Georges Henri, soute récemment. 1930 lorsqu’elle participe au grand et prit pour uniforme la salopette défilé qui se déroule dans les rues de résistance avec béret, guêtres et L’Harmonie du « Bon de Woluwe lors du centième ceinture blanche, moyennant Petit White » anniversaire de l’indépendance de quelques modifications mineures. la Belgique. Le répertoire était avant tout com- posé de musiques militaires, l’har- L’harmonie du Bon Petit White Elle ne paraît pas avoir survécu à monie prenant part aux manifesta- avait principalement son siège rue la seconde guerre mondiale. tions patriotiques : célébration de Kelle, dans l’ancien local des sup- la fête nationale le 21 juillet, la porters du White Star. Dans les La symphonie de sonnerie aux morts le 1er novem- années cinquante, elle avait pour président M. Noël et comptait une Linthout bre et la cérémonie au Soldat inconnu le 11 du même mois. trentaine de musiciens. En 1960, Depuis elle participa également elle participa aux festivités d’instal- Cet ensemble musical semble aux fêtes locales. lation du White Star au Stade com- avoir eu une existence éphémère munal de Woluwe-Saint-Lambert. dans les années trente. Son siège se trouvait rue Saint- Henri, à l’Amicitia ».

L’harmonie du Mouvement National Belge 1945 (Coll Mus.com d’après photo MNB)