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Fiche pédagogique

12 Years a Slave

Sortie prévue en salles 22 janvier 2014

Titre original : 12 Years a Slave Résumé oublier ses origines. Désormais, il Film long métrage, Etats-Unis et est « Platt », un esclave fugitif de Grande-Bretagne 1841. , homme Georgia. Couvert de sang, le vi- libre et fils d’affranchi, vit paisi- sage tuméfié, le corps lacéré de Réalisation : Steve McQueen blement avec sa famille à Sara- coups, le malheureux comprend toga, dans l’état de New-York qu’à cause de la couleur de sa Interprètes : (Salomon Northup - Platt), Paul (Nord-Est des E.-U.). peau, il est perdu. Dano (John Tibeats), Paul Gia- L’esclavage existe dans les états matti (Theophilus Freeman), du Nord, mais les états propre- Avec d’autres captifs noirs tous (Master ment esclavagistes sont ceux du cachés sous une bâche, il est William Ford), Michael Fassben- Sud. transporté dans un char à ridelles der (Master ), Sarah Un jour de mars 1841, Northup jusqu’à un bateau qui les emmène Paulson (Mary Epps), Brad Pitt rencontre deux hommes qui font à la Nouvelle-Orléans. Les pri- (Bass), Lupita Nyong’o (), partie d’un cirque de Washington. sonniers sont réceptionnés par un etc Ils lui proposent un engagement marchand d’esclaves qui les met

Scénario : John Ridley d’après le de brève durée comme violoniste. en vente. Obligé de taire sa véri- livre de Solomon Northup Le salaire est prometteur, les table identité afin d’échapper aux deux étrangers sympathiques et coups et à la mort, Platt travaille Musique : généreux. Solomon les suit dur et son seul acte de résistance jusqu’à Washington, ville située est de survivre. Même si son pre- Photographie : Sean Bobbitt aux confins des territoires forte- mier maître, William Ford, est un Durée : 2h14 ment esclavagistes, sur la ligne « bon », il n’en considère pas Distribution : Ascot-Elite Mason-Dixon. Au lendemain d’une moins Platt comme sa propriété et soirée bien arrosée, durant la- ne veut pas en savoir plus sur lui. Version originale anglaise, sous- titrée français et allemand quelle il a été drogué, Solomon se En cela, il ne diffère pas de son réveille sans argent ni papiers, second maître, Edwin Epps, sa- Public concerné : dépouillé de ses vêtements, en- dique et cruel envers ses es- Âge légal : 16 ans chaîné dans un cachot. Des claves. Le calvaire de Platt n’a Âge suggéré : 16 ans Blancs patibulaires le battent d’égal que sa volonté désespérée comme plâtre (on croit entendre de ne pas mourir. Site de l'Organe cantonal (VD et GE) les os craquer) pour l’obliger à de contrôle des films : http://www.filmages.ch/ ______

Commission nationale du film et de la protection de la jeunesse : Commentaires thup en 1853 décrit une réalité http://filmrating.ch/fr/verfahrenkino/s L’autobiographie de Solomon encore pire que ce que l’on voit uche.html?search=/ Northup dans le film, sous le titre Twelve Le livre rédigé par Solomon Nor- Years a Slave: Narrative of Solo- Disciplines et thèmes mon Northup, a Citizen of New- peints en noir !). À l’avènement du concernés : York, Kidnapped in Washington parlant, le cinéma américain ou- City in 1841, and Rescued in blie les esclaves en général et le 1853, From a Cotton Plantation pauvre Oncle Tom en particulier, Histoire et Géographie : Near the Red River, in Louisiana. le sujet est trop « délicat », et Education aux citoyennetés : Objectifs SHS 32, 33, 35 du PER seuls les dessins animés traitent Analyser l’organisation collective Le livre devint une sorte de best- encore de la figure de l’Oncle en dégageant l’influence du fait seller, avec près de 30'000 exem- Tom. Dans la deuxième moitié du religieux et des normes écono- plaires vendus (L’article de Wiki- XXe, on peut citer le film allemand miques sur l’organisation sociale ; pédia à ce sujet est pour le moins de Géza von Radvanyl en 1965, décrire et évaluer les enjeux hésitant : on mentionne au début Onkel Toms Hütte, et la version éthiques et religieux dans le con- 30'000, et à la fin 300'000, ce qui TV Uncle Tom’s Cabin du réali- texte de l’esclavage ; s’approprier ne semble pas très crédible pour sateur afro-américain Stan Lathan des outils et pratiques de re- l’époque). Réédité à plusieurs en 1987. cherche en replaçant les faits dans leur contexte historique et géogra- reprises au XIXe siècle, il fut ou- phique ; découvrir une culture et blié pendant près d’un siècle. Au Même dénonciation ajournée du un mode de pensée différents à début des années 1960, deux génocide des Amérindiens travers l’espace et le temps ; dé- historiens reconstituèrent le par- d’ailleurs : si on trouve quelques gager et comprendre les causes et cours de Northup et rééditèrent en films muets où l’Indien semble les conséquences de la violence, 1968 son autobiographie annotée l’égal du Blanc (The Indian Mas- de l’injustice et du racisme ; aux Presses universitaires de sacre, Francis Ford, 1912, The l’État de Louisiane. Way of the Mother, Jack Con- Musique : way, 1913, The Silent Enemy, Objectifs A 33-34 Mu du PER S’imprégner d’un domaine artis- Mulâtre afro-américain né en Harry P. Carver, 1930 etc), il n’en tique spécifique en découvrant le 1808, Mr Northup était un homme est plus rien avec l’apparition du patrimoine musical des esclaves libre, heureux, intégré et respecté parlant : les Indiens sont une noirs d’Amérique ; reconnaître dans la petite ville de Saratoga masse anonyme, cruelle et primi- différents éléments de notation Springs (New York) où il vivait tive, un obstacle à la conquête de musicale du « negro spiritual » ; avec sa femme Anna et leurs trois l’Ouest et la construction des imiter l’interprétation des chants enfants Elizabeth, Margaret et États-Unis. Pour les Afro- avec diverses nuances, divers Alonzo. Il était polyvalent, avec Américains comme pour les Amé- tempos, des accompagnements des connaissances spécifiques rindiens, les choses vont com- primaires ; comparer et analyser la musique « noire » (gospel, jazz) en dans la construction et la mu- mencer – timidement – à changer reliant les faits historiques et leurs sique. Il était connu pour ses ta- au cinéma dans les années 1950. incidences sur l’art. lents de violoniste. Sa femme Impossible de traiter dans cette excellente cuisinière, gagnait bien fiche la saga du film sur le ra- Éducation aux médias : sa vie en louant ses services de cisme et l'esclavage : le sujet est Objectif FG 31du PER cordon-bleu. Les Northup vivaient trop vaste. Mais on aimerait juste Décoder la mise en scène des confortablement, sans être riches. rappeler trois films sortis depuis séquences chantées (les « negro Jusqu’à ce jour fatal de mars 1841 2012 et qui semblent marquer le spirituals » cités en page 3) et où tout s’effondra. véritable début du Vergangen- identifier tous les aspects du mes- sage ; analyser les images au heitsbewältigung (l’acte de gérer moyen de la grammaire de C’est Henry Northup, un avocat le passé) dans le cinéma améri- l’image ; distinguer quelques diffé- blanc, dont la famille avait possé- cain : Django Unchained de rences entre deux images appa- dé puis affranchi le père de Solo- Quentin Tarantino, The Butler de rentées au niveau du cadrage, des mon Northup, qui réussit à le faire Lee Daniels et Lincoln de Steven couleurs, de la lumière, du rythme libérer. Spielberg. Les démarches respec- et des plans (habitat, lieu de tra- tives sont fondamentalement diffé- vail, lecture de la Bible par le Les films sur l’esclavage des rentes : le Tarantino est un conte maître, etc.) ; décoder la mise en Noirs sur l’esclavage, une fiction qui finit scène en identifiant les stéréo- types, s’il en est ; reconnaître des Ils sont relativement peu nom- bien, très stylisée, très jouissive différences dans le traitement de breux dans l’histoire du cinéma. parce que les méchants sont pu- l’information sur l’esclavage, selon Le plus célèbre roman « abolition- nis par leurs victimes qui peuvent le genre de film ; niste » de tous les temps, Uncle enfin connaître le bonheur, et Tom’s Cabin (1852), de Harriet qu’on apprécie ce regard irrévé- Beecher Stowe, connut une di- rencieux sur l’esclavage. Les films zaine d’adaptations cinématogra- de Spielberg et de Daniels, phiques durant l’ère du muet (les comme celui de McQueen, traitent

Noirs étant joués par des Blancs avec sérieux, sans pathos, mais

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avec finesse et émotion, des gens et Hamilton, les deux « recru- et événements authentiques. Ces teurs » blancs qui kidnappent trois œuvres sont complémen- Solomon prennent la peine de taires, et nécessaires : chacune l’inviter à manger avant de le livrer dit des choses que les autres ne aux esclavagistes. Hamilton pourraient dire (on n’oserait pas, semble même avoir mauvaise dans un film sérieux, présenter la conscience. scène de dérision du Tarantino où les membres du KKK ont un sac Master William Ford, cultivateur sur la tête et n’y voient rien, parce de coton sur un bayou de la Ri- qu’ils n’ont pas les trous en face vière Rouge, est un gentil maître, des yeux !). Mais cette séquence selon les standards de l’époque. du Tarantino en dit autant sur les Dans sa plantation, les esclaves bourreaux racistes que la longue ont des cabanes individuelles et séquence dans laquelle Solomon ne subissent pas de châtiments se balance au bout d’une corde, corporels. Mais Ford revend contraint pendant des heures de néanmoins la mère (à qui on a

La famille Northup …avant ! prendre appui sur la pointe de ses arraché ses enfants) dont les orteils. Le message des trois sanglots dérangent ! Et lorsque films est le même : esclavage et Platt essaie de lui révéler sa vraie racisme sont intolérables. Quant à identité, il refuse de l’écouter. Lincoln, il montre le commence- ment de la fin : l’abolition de C’est chez lui que sévit John Ti- l’esclavage, en tout cas sur le beats, le maître charpentier qui papier, l’ajout du 13e Amende- prend Platt en grippe, parce que ment à la Constitution américaine. ce dernier semble mieux con- naître le métier que lui. Tibeats Theophilus Freeman (Paul Gia- Les personnages de 12 Years a accueille Platt et les derniers matti) examine la « marchan- Slave achats de Maître Ford en chantant dise » Solomon Northup (Platt pendant « Run, Nigger, Run ». Dans sa ses 12 ans de captivité) a été bouche, ce chant d’esclaves est témoin et objet de châtiments une menace. C’était à l’origine un corporels, viols, lynchages, humi- chant fait pour encourager les liations, tortures, etc. Il semble esclaves à s’échapper, tout en les n’avoir eu affaire qu’à des es- mettant en garde contre les dan- claves nés d’esclaves, tous par- gers encourus. lant anglais. La réponse à cette mise en garde Platt (Chitewel Ejiofor) à la cueil- Sur le bateau, Platt rencontre comminatoire, Platt la donne long- lette de coton Robert (joué par Michael K. Wil- temps plus tard, quand sa voix, liams), un Noir qui prend le mêlée à celles d’autres esclaves, risque d’inciter les autres à la domine peu à peu le chœur qui mutinerie, ce qui lui vaut d’être chante « Roll, Jordan, roll » au poignardé par les geôliers et jeté cimetière. par-dessus bord. À l’opposé, un autre compagnon d’infortune n’a Deux figures ambiguës de surveil- qu’un désir : être repris par son lants blancs interviennent dans le maître. Sa vie, sa sécurité, c’est film : celui qui est au service de de rester la propriété d’un Blanc. Master Ford, qui accomplit sa Master and Mistress Epps (Mi- Son vœu est effectivement tâche avec rigueur et sans états chael Fassbender et Sarah Paul- exaucé à l’arrivée à la Nouvelle- d’âme, ni bienveillance ni cruauté son) Orléans. Il repart dans les bras (mais il ne détache pas Platt de de son maître. son arbre !). Ou le surveillant dé- chu Armsby, qui a perdu son tra- Les Blancs ne sont pas tous vrai- vail parce qu’il n’a pas en lui la

ment monstrueux. Ils sont tor- force et la violence pour bien faire tueux, ambigus, dominés par un son travail. Il trahira néanmoins pragmatisme qui nous choque, Platt afin d’obtenir le poste de mais nous interpelle aussi. Brown

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surveillant auprès de Master un peu comme : « Don’t be a Epps. prick » (« Ne fais pas le con ! »).

La résidence Epps est maintenant Les époux Epps, couple désaxé un lieu historique de Louisiane, à et inquiétant, violentent leurs es- cause des Mémoires de Solomon claves. Mais lui leur fait également Northup. lecture de la Bible, choisissant les passages qui parlent Dans cette histoire, c’est par les d’obéissance, de désobéissance Blancs qu’arrivent le malheur et le et de châtiment. Master Epps est salut : un charpentier canadien, un despote lubrique, régulière- Samuel Bass, engagé sur la pro-

Plaque commémorative de la rési- ment ivre, et Patsey, l’objet de ses priété de Master Epps, voudra dence Epps, Louisiane démangeaisons sexuelles, n’est connaître l’histoire enfouie der- qu’une enfant. On la voit, assise rière le masque résigné de Platt. dans un champ, confectionner des C’est un homme intègre, qui chérit poupées avec des tiges de blé sa propre liberté, et dont la devise tout en chantonnant. Non seule- est : « It is a simple fact that what ment elle se fait régulièrement is true and right is true and right violer par le maître, mais elle est for all » (ce qui est vrai et juste tout aussi régulièrement battue l’est pour chacun). Il acceptera par sa maîtresse, jalouse et hai- d’alerter les proches de Solomon neuse, qui s’en prend à elle parce Northup, faisant preuve d’un cou-

Platt (Chiwetel Ejiofor), Master Ford qu’elle n’ose s’en prendre à son rage certain. Dénouement : le (Benedict Cumberbatch), Tibeats époux volage : les maris au XIXe prisonnier libéré retrouve une () siècle exercent la toute- famille qui a bien changé en 12 puissance, surtout s’ils ont épousé ans. plus pauvre qu’eux. On devine que Mrs Epps est d’origine mo- Avant le générique de fin, un deste (son mari évoque l’auge à texte nous informe que, de retour cochons - « pig trough » - où il l’a à Saratoga Springs, Solomon trouvée). Et elle s’est habituée au Northup intentera un procès à luxe. Alors elle se venge sur ses deux ravisseurs et aux trafi- l’esclave que son mari lui préfère quants d’esclaves de Washing- ouvertement. Elle va jusqu’à la ton. Il sera débouté chaque fois, Plaque commémorative rappelant priver de savon, pour qu’elle em- parce qu’un Noir, même libre, ne le calvaire de Solomon Northup, peste. pouvait témoigner contre des Saratoga Springs N.Y. Blancs. Les seules armes qu’il Patsey trouve un peu de réconfort sera en mesure d’utiliser, seront auprès de l’épouse d’un proprié- les conférences qu’il donnera et taire voisin : Mrs Shaw (interpré- ses mémoires. tée par Alfre Woodard), une Noire qui semble avoir un sort meilleur Dans sa ville de Saratoga que ses congénères. Elle est ma- Springs, un monument à son riée à un planteur blanc, elle a des effigie commémore son long serviteurs : mais son mari la calvaire. Il en est de même à la trompe à tour de bras. C’est le Epps House, reconstruite en prix à payer pour vivre dans une 1999 dans le campus de LSUA belle maison, porter de jolies toi- (Louisiana University at Alexan- lettes, inviter qui elle veut, et ne dria). jamais trimer dans les champs ni recevoir de coups de fouet. Le film se concentre sur ce que pouvaient ressentir les humains L’interprète d'Epps, Michael Fass- asservis, par une succession de bender, a fait remarquer que le scènes où les barreaux, qu’ils se

Gravure de Solomon Northup tirée nom de son personnage désigne voient ou pas, sont toujours pré- de son autobiographie toujours, dans la région de Bayou sents. Les esclaves noirs ne sont Bœuf où se trouvait la plantation guère nombreux dans les pro- Epps, quelqu’un qui se conduit priétés où Platt doit travailler. mal. « Don’t be an epps » : c’est Une demi-douzaine, une dou-

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zaine, une vingtaine au plus. accentuent cette notion du temps Maintenus dans l’ignorance, (lorsque Solomon est accroché à l’isolement et la peur des sévices la corde ; lorsqu’il chante avec les corporels, les Noirs ignorent ce autres Noirs au cimetière, etc.). qu’est le monde extérieur, qui McQueen réussit à nous livrer un pourrait leur donner des idées drame dont l’horreur nous marque d’évasion. Les journées de tra- bien plus que le « Happy End ». vail sont longues (probablement Le cas de Northup ne fut certai- entre 15 et 20 heures), les coups nement pas isolé, mais son té- féroces, la nourriture insuffisante. moignage semble unique. Sa libération en 1853 a peine à nous Le film, magnifiquement servi par réjouir, sachant que le sort cruel une musique de Hans Zimmer, des autres esclaves perdure, et est marqué par deux « negro que le 13e Amendement, 12 ans spirituals » : celui chanté par plus tard, n’aura pas changé im- Tibeats, le charpentier (Run, médiatement le lot des Noirs du Nigger, Run), et celui chanté par Sud. les esclaves après avoir enterré l’un des leurs (Roll, Jordan, Roll). Il y eut relativement peu de ré- L’environnement est baigné de voltes d’esclaves aux Etats-Unis Les retrouvailles en 1853 lumière, les immenses champs de (voir pages 213 et suivantes du (gravure tirée de coton ou de canne à sucre livre d’Anne Méténier) : on en l’autobiographie) s’étendent à perte de vue : la très recense seulement 250 en deux grande beauté visuelle du film siècles d’esclavage ! Il faut croire accentue encore l’horreur du sort que le système répressif, des protagonistes noirs. l’isolement et l’ignorance dans lesquels les Noirs étaient mainte- La très belle photo est due à Sean nus étaient très efficaces. La Bobbitt, le chef opérateur à qui mutinerie à bord du navire négrier Steve McQueen avait déjà confié « Amistad » en 1839 (sujet traité la photographie de Shame et par Spielberg dans son film ho- Hunger. monyme) est l’une des rares qui connut un « Happy End ». L’histoire s’étire en longueur, émouvante et révoltante. Difficile Selon les résultats d’une enquête de suivre le cycle des saisons (on de la BBC parue le 18 octobre voit de belles récoltes de coton, 2012 sur Internet dans le « News puis des champs dévastés par Magazine », on estime actuelle- des chenilles), mais c’est plutôt le ment à 27 millions le nombre de cycle des violences qui donne le personnes vivant encore en es- sentiment d’un calvaire intermi- clavage dans le monde. Les logs nable. Solomon ne compte ni les des navires négriers permettent jours ni les mois, ni même les d’évaluer à 12,5 millions le années. Il est prisonnier à vie (on nombre d’esclaves transportés sait qu’il a passé dix ans dans la d’Afrique jusqu’au continent amé- propriété Epps). ricain entre le XVIe siècle et 1806, date à laquelle l’importation Certains plans sont très longs et d’esclaves africains fut interdite. ______

Objectifs pédagogiques dans les états nordistes dès 1804  Connaître le système  Connaître les légitimations d’importation d’esclaves noirs économique, sociale et poli- aux États-Unis depuis le XVIe tique données par les états du siècle jusqu’en 1806 Sud pour maintenir  Connaître la présence d'un l’esclavage mouvement abolitionniste

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 Connaître le but de la création Amendement qui mit officiel- Run, Nigger, Run (a black folk song, de la Ligne Mason-Dixon lement fin à l’esclavage a slave song) entre 1763 et 1767  Identifier les formes de  Identifier la fonction de la l’esclavage contemporain au Oh run nigger run well the pattyroller main-d’œuvre esclave dans XXe et au XXIe siècle : will get you les plantations de coton, camps de travail, camps de Run nigger run well you better get canne à sucre, tabac, maïs, concentration, proxénétisme, away etc. travail des enfants, le travail

Run nigger run well the pattyroller will  Prendre conscience du rôle clandestin, etc. get you de la religion, alibi idéologique  Identifier des institutions ac- Run nigger run well you better get à l’esclavage (dans les textes tuelles luttant – entre autres - away sacrés chrétiens existent les contre l’esclavage (UNESCO, préjugés relatifs à l’infériorité UNICEF, OIM, OIT, Amnesty Nigger run nigger flew des Noirs, lesquels sont ren- International, Terre des Nigger tore his shirt in two forcés par l’horreur que sus- Hommes, Anti-Slavery Inter- cite le paganisme. Ergo : tous national, etc.) Run run the patty roller will get you Run nigger run well you better get les esclavagistes se prennent  Identifier la musique (Negro away pour des missionnaires !) Spiritual ou Gospel) et la reli-  Savoir ce qui s'est passé aux gion chez les esclaves noirs Nigger run, run so fast États-Unis après la Guerre de des États-Unis Stoved his head in a hornets nest Sécession (1861-1865) et connaître l'existence du 13e Run nigger run well the pattyroller will ______get you Run nigger run well you better get away Pistes pédagogiques 4. Solomon est emmené à Washington : dans quel Nigger run through the field 1. Donner aux élèves état se retrouve-t-il ? Black slick coal and barley heel quelques repères histo- (Washington a un statut

riques. Présenter une spécial, D.C. signifie Run nigger run the pattyroller will get « District of Columbia »), you économie coloniale re- Run nigger run well you better get posant sur l’exploitation mais Washington ne fait away d’une main-d’œuvre es- partie d’aucun des États clave, dans les états du de l'Union. Son territoire Some folks say a nigger won't steal Sud en particulier. a été pris au Maryland et I caught three in my corn field à la Virginie.) One has a bushel 2. Leur montrer le Quentin And one has a peck Tarantino Django Un- 5. Comment réagit Solo- One had a rope and it was hung chained (2012) après la mon dépouillé, privé de around his neck toute marque pouvant vision de 12 Years a Run nigger run well the pattyroller will Slave : leur faire compa- l’identifier et battu dure- get you rer les deux films. ment pour qu’il se taise Run nigger run well you better get et se soumette ? away 3. Comment est traduit en images, au début du film, 6. Reconstituer l’histoire du Run nigger run well the pattyroller will le drame de cet homme Noir qui est poignardé et get you cultivé qu’on a privé de jeté par-dessus bord au Run nigger run well you better get tout moyen de cours de la descente en away bateau vers la Nouvelle- s’exprimer ? Comment Oh nigger run and nigger flew essaie-t-il de communi- Orléans. Why in the devil can't a white man quer ? (Il a volé une chew feuille de papier à Mrs 7. Un des Noirs prisonniers Epps, fabriqué une sorte sur le bateau n’a qu’un Run nigger run well the pattyroller will de plume avec un bâton souhait : être repris par get you taillé et essaie d’utiliser son maître qui paiera Run nigger run well you better get du jus de mûre comme pour lui. Essayer away encre). d’imaginer ce qui lui est

arrivé et justifier son at-

Hey Mr. Patty roller don't catch me tachement à son maître. Catch that nigger behind that tree (Le maître verse un dé-

Run nigger run well the pattyroller will 6 get you Run nigger run well you better get away

Nigger run, run so fast dommagement. Puis il Commenter cette mise s’appuie gentiment sur en scène. l’épaule du Noir et ils s’en vont). 14. Le « bon » Master Ford et le cruel Master Epps 8. Décrire, dans la maison font la lecture de la Bible de Theophilus Freeman, à leurs esclaves. Com- le vendeur d’esclaves, la parer leurs choix de vente des derniers arri- textes et leur façon de vés. En particulier la lire. maman noire qui est sé- Patsey (Lupita Nyong’o) fabri- parée de ses deux en- 15. Jusqu’où va la « bonté » quant des poupées fants. Que penser de de Master Ford envers Master Ford ? Platt ? (Il lui rend son violon, il va le détacher 9. Freeman ordonne à Platt de son arbre, mais il ne Roll, Jordan, Roll de jouer du violon pen- veut rien savoir de son dant la vente. Pourquoi ? passé). (Pour couvrir les cris et les supplications de la 16. Tibeats et ses deux mère que l’on sépare de complices tentent de lyn- ses enfants). cher Platt, qui lutte contre l’étranglement 10. S’interroger sur le com- pendant des heures, ses mentaire de Mistress extrémités d’orteils tou- Ford lorsqu’elle apprend chant tout juste le sol pourquoi le Noire pleure. boueux. Décrire et expli- (Un peu de repos et de quer les scènes la nourriture, et elle n’y d’arrière-plan (tous les pensera plus). résidents de la plantation voient Platt pendu, 11. S’interroger sur comment réagissent- l’humanité de Mistress ils ?) jusqu’à ce que Ford qui fait chasser la Master Ford coupe la mère séparée de ses en- corde. fants, parce que ses sanglots l’agacent. 17. Commenter les scènes nocturnes où les Noirs, 12. Établir un parallèle ryth- arrachés à leurs mique entre « Run, Nig- quelques heures de re- ger, Run » et « Roll, Jor- pos, sont contraints par dan, Roll ». Souligner la un Master Epps très

voix toujours plus puis- éméché, de danser aux sante de Platt durant le sons du violon de Platt. gospel. 18. Décrire Mistress Epps et 13. À deux reprises, on voit sa vindicte féroce envers Master Ford faire la lec- l’esclave sexuelle de son ture de la Bible à ses es- mari qui va augmentant. claves. En superposition (Elle la frappe, lui lance sonore, on entend une des objets à la tête, et première fois « Run, exige finalement qu’elle Nigger, Run » que soit battue à mort).

Mistress Shaw (Alfre Woodard), chante Tibeats. La deu- épouse trompée d’un cultivateur xième fois, ce sont les 19. Pourquoi Master Epps blanc pleurs de la mère qui ac- force-t-il Platt à battre compagnent la lecture Patsey à mort ? (Il sent des textes sacrés. les affinités entre Platt et

7 Patsey, il soupçonne un Master Epps joue au lien sexuel entre eux). « Sugar Daddy » avec une fillette noire. 20. Patsey est allée chez Mistress Shaw, l’épouse 25. Décrire et analyser la noire d’un planteur voi- scène dans laquelle les sin, qui l’a prise en affec- esclaves, réunis autour tion. Expliquer le statut d’un carré de terre ser- de Mistress Shaw, et vant de cimetière à leurs l’épisode du « savon » semblables, chantent que vient chercher « Roll, Jordan, Roll ». Patsey. 26. Master Ford ne voulait 21. D’emblée, Master Epps pas savoir qui était Platt voit Platt d’un mauvais pour des raisons écono- œil. Il s’acharne sur lui. miques. Master Epps Expliquer les raisons. (Il pour d’autres raisons se sent jugé, il pressent économiques. Tracer le que Platt vaut mieux que portrait de Samuel Bass, ce qu’il montre, il voit un le Canadien qui alertera rival en lui auprès de les proches de Solomon. Chiwetel Ejiofor a également joué Patsey). dans Amistad de Spielberg On sait qu’il naquit en 22. Patsey supplie Platt de la juillet 1808. On sait qu’il tuer, mais il refuse. Est-ce a donné grand nombre une réaction morale de sa de conférences sur le part ? Ou égoïste ? Dé- thème de l’abolition de battre. l’esclavage en 1853, l’année de sa libération. 23. Commenter la scène On ne sait pas quand il nocturne dans laquelle est mort, on perd ses Master Epps accuse traces après 1857. Qu’en Platt d’avoir tenté de déduire ? soudoyer un employé blanc pour qu’il envoie 27. Entre 1957 et 2008, une une lettre. Décrire et douzaine de films « im- analyser la scène. portants » seulement Comment Platt s’en sort- traitent de l’esclavage. il ? Depuis 2011, déjà cinq grosses productions sur

Affiche du film 12 Years a Slave ce thème. Débattre. (Ef- 24. Décrire la scène inquié- fet Obama ?) tante et ambiguë où ______

Pour en savoir plus : Liste (non exhaustive !) de films sur esclavage, racisme, ségrégation : a) Aux États-Unis : SOMETHING WHISPERED – Peter Cousens, 2013 THE BUTLER – Lee Daniels - 2013 LINCOLN – Steven Spielberg, 2013 DJANGO UNCHAINED – Quentin Tarantino, 2012 THE HELP – Tate Taylor, 2011 AMAZING GRACE - Michael Apted, 2006 MANDERLAY – Lars von Trier, 2005 BELOVED - Jonathan Demme, 1999 AMISTAD – Steven Spielberg, 1997 Le Lincoln de Steven Spielberg ROBINSON CRUSOE – Rob Hardy & George Miller, 1997 GLORY – Edward Zwick, 1989 8 SOLOMON NORTHUP’S ODYSSEY, film TV de Gordon Parks, 1984 ROOTS (série TV) - David Greene, John Erman, Marvin J. Chomsky, Gilbert Moses – 1977 DRUM, Steve Carver - Burt Kennedy,1977 MANDINGO - Richard Fleischer, 1975 TAMANGO – John Berry, 1958 BAND OF ANGELS – Raoul Walsh, 1957 THE BIRTH OF A NATION – D.W. Griffith, 1915 UNCLE TOM’S CABIN : au moins neuf adaptations à l’écran durant l’ère du muet, entre 1903 et 1927, à Hollywood. Le sujet n’est plus revisité jusqu’au ONKEL TOMS HÜTTE de Géza von Radvanyi en 1965. Ci-après l’article de Wikipédia présentant les adaptations pour le cinéma du roman de Harriet Beecher Stowe : http://en.wikipedia.org/wiki/Film_adaptations_of_Uncle_Tom's_Cabin b) Dans l’Empire britannique : THE FIGHT AGAINST SLAVERY (série TV) – Christopher Ralling, 1975-1976 c) En France au XIXe siècle : VENUS NOIRE - Abdellatif Kechiche, 2010 d) Dans l’Antiquité romaine : GLADIATOR – Ridley Scott, 1999 SPARTACUS – Stanley Kubrick, 1960 e) Au Yucatan, à l’époque pré-colombienne : APOCALYPTO – Mel Gibson, 2008

Ne pas manquer de consulter LE site du film historique : DUMONT, Hervé : www.hervedumont.ch XIXe Siècle (VII. L’Espagne et le Portugal – 7.1 La traite des Noirs, 8. Les Ca- raïbes hispano-britanniques) (Ib. La France après 1815 (La Restauration : Louis XVIII pour Vénus noire, 2010, d’Abdellatif Kechiche - XII. Les Etats-Unis au XIXe siècle –, 5.1 L’esclavage et le combat des abolitionnistes, 5.2 Uncle Tom’s Cabin de Harriet Beecher-Stowe) Absolutisme (II. Le Royaume d’Angleterre – 9. George III (1760-1810) pour The Fight against Slavery (1975-6) de Christopher Ralling et Amazing Grace (2006) de Michael Apted)

L’article « Luttes contre l’esclavage » publié en 2004, Année interna- tionale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et son aboli- tion par l’UNESCO : http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001337/133738f.pdf ______

Bibliographie sélective

NORTHUP, Solomon, , Community Press 2013 (édition originale en 1853), en anglais

METENIER, Anne : Liberté pour les Noirs ! La résistance des

Africains-Américains à la ségrégation et à l’esclavage (1619- 1865)

9 BRUGOT MAILLARD, Sandrine : Exposé sur « Les révoltes d’esclaves noirs aux Etats-Unis : http://home.nordnet.fr/~pchalmin/RegHist/Revolte/Revoltes.html

BEECHER STOWE, Harriet : Uncle Tom’s Cabin or Life Among the Lowly, Collins Classics, Harper Press 2011, en anglais (1ère publication : 1852

BEECHER STOWE, Harriet : La Case de l’Oncle Tom, Livre de Poche Jeunesse 2008, en français ______

Suzanne Déglon Scholer enseignante, chargée de communication PromFilm EcoleS, janvier 2014 / "Droits d'auteur : Licence Creative Commons": http://creativecommons.org/licenses/ by-nc-nd/2.0/fr/

Territoires esclavagistes du Sud des Etats-Unis au XIXe s.

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