f- .«wwBiiaciBaHrTgBwaayi— ______COMITE du DOPPBS@n!Sfin© i/ue politique et théorique mensueliedu comité central du parti communiste français

et maintenant plus que jamais rassemblement

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juillet-août 1988 n° 7-8 35 F _____ rédaction, administration_____ 2, place du colonel-fabien, 75019paris Téléphone : 40.40.12.12 Rédaction, administration : poste 13.04 Abonnements : poste 11.69 comnnunisnne•cahiersdu revue politique et théorique mensuelle du comité central du parti communiste français

directeur jean-michel catala rédacteur en chef fred bicocchi responsable national à la diffusion michel pilhan secrétaire de rédaction Jacqueline lamothe

comité de rédaction dénis bejve Mireille bertrand pierre blotin patrice cohen-séat ellen constans Jacques dénis marc descostes Jean-charles dubart Jean duma yvonne dûment léo jtguères paul fromonteil Jean-claude gomez lin guillou aimé halbeher Jackie Hoffmann didier lemaire nadia lévêque Jean magniadas gilles masson Joë metzger bernard michaux robi peschanski pierre roubaud Jean-claude sandrier michel simon Jean-pierre terrail andré vieuguet marcel zaidner alain zoughebi

intervention graphique Jean-pierre Jouffroy sommaire

éditorial et maintenant plus que jamais rassemblement 4 pierre blotin

élections législatives les résultats nationaux du premier tour 16 les 27 députés communistes résolution du comité central du 6 juin en vue du second tour déclaration de georges marchais après le deuxième tour déclaration du bureau politique, 16 juin après l’intervention de françois mitterrand

économie, social, politique • rassembler autour des revendications sociales 30 Catherine luca

c.n.p.f. • antoine riboud : comment changer pour que tout demeure 38 alain obadia

p.c.f. • voir grand pour le renforcement du parti communiste 46 mireille elmalan

paix et désarmement • rencontres, dialogues, accords 52 des développements internationaux favorables des luttes à renforcer Jacques dénis n® 7-8 • juillet-août 1988 • 64® année

• conflits régionaux 60 afghanistan : quand l’espoir devient réalité andré leplat

• amérique centrale 68 panama : résistance d’une nation georges foumial

• socialisme 76 un nouveau souffle pour le socialisme bulgare jean-paul piérot

81 les activités internationales du p.c.f.

histoire 88 jean-jacques rousseau rapprentissage de l’humanité de guy besse Jacques milhau

chronique littéraire 94 andré stil biographe de robespierre et danton Charles haroche

101 note de lecture l’internationale (1888-1988), de Jacques estager et georges bossi (andré vieuguet) éditorial

et maintenant plus que jamais rassemblement pierre blotin membre du bureau politique

Six mois après le 26® Congrès du Parti communiste français, et au iendemain de deux importantes consultations électorales, faisons le point. Analysant les objectifs de la grande bourgeoisie française, notre congrès dégageait deux aspects essentiels. D’une part, dans le cadre de l’Europe de 1992, le programme des forces du capital pour les années à venir c’est l’aggravation de toutes les inégalités, avec un nouveau développement du chô­ mage, de la précarité de l’emploi, les attaques contre les acquis sociaux et démocratiques. C’est le renforcement de l’autorita ­ risme. C’est l’accentuation de la politique de déclin, d’abandon national, de surarmement. Bref, c’est un véritable désastre social et national. D’autre part, rien n’est joué. La grande bourgeoisie sait que ses projets sont loin d’être réalisés. Bien sûr, le grand capital peut compter sur les forces politiques de droite. Les partis, les hommes politiques de droite — les Giscard, Barre, Chirac, Léotard, Méhaignerie, etc. — ont fait leurs preuves au pouvoir. Autoritaire, arrogante, cynique, leur politique, c’est celle que veut le capital. Quant au Parti socialiste, les évolutions que lui ont imprimées François Mitterrand et ses dirigeants au cours des dernières années l’ont conduit à adopter sur toutes les questions essentielles — austérité, déréglementation, autoritarisme, opposition au désar­ mement et à un nouvel ordre économique international — des choix de classe identiques à ceux des partis de droite. Mais la mise en oeuvre du programme du grand capital heurte, et heurtera toujours plus les intérêts vitaux de millions d’hommes, de femmes, de jeunes, du pays lui-même. Des luttes se développent. C’est pourquoi, parallèlement à une immense offensive idéologi­ que visant à faire accepter ses choix comme une fatalité, et si possible à les faire partager par le plus grand nombre, la bourgeoisie française poursuit un objectif politique majeur : opérer une recomposition d’ensemble du paysage politique français qui lui donne la garantie qu’ elle disposera, quoi qu ’il arrive, d’une majorité pour faire sa politique. Au cours de ces six mois, a-t-elle progressé dans la réalisation de cet objectif ? Les forces du consensus ont tout fait pour qu ’il en soit ainsi. Elles ont utilisé tous les moyens — de la censure au menso/ige, en passant par la promotion médiatique de Le Pen — pour empêcher le débat sur les causes de la crise, sur le bilan de la droite et du Parti socialiste, pour évacuer la question du changement de politique et de société, et pour écraser la force politique qui en est porteuse : le Parti communiste. Elles ont organisé le « débat » pour l’élection présidentielle autour d’une seule question : « Qui sera le meilleur pour dépasser les clivages gauche/droite et exercer le pouvoir avec des représen­ tants de l’autre camp ? ». Ces efforts n’ont pas été sans résultats. Le 24 avril, une partie des électeurs communistes se sont abstenus ou ont voté pour François Mitterrand ; c’est sur la base d’une campagne « centriste » que celui-ci a renforcé ses positions ; pour sa part, l’électorat de droite s’est fortement mobilisé, et sa composante extrême s’est beaucoup renforcée. Analysant ces résultats, Georges Marchais constatait le 27 avril que « ce mouvement confirme à sa manière ce que nous avons dit en parlant de “glissement à droite”. Cela ne nous réjouit pas. » Il notait cependant que l’objectif proclamé d’un écrasement du Parti communiste n’avait pas été atteint. Il soulignait l’importance des deux millions de voix recueillies sur le nom d’André Lajoinie dans les conditions extrêmement difficiles de cette élection. Il affirmait notre certitude que ce résultat ne reflétait pas l’influence réelle de notre parti, et ne préjugeait en rien du comportement des électeurs dans les échéances à venir\

La formation du gouvernement Rocard avec trois ministres U.D.F. aussitôt après la réélection de F. Mitterrand, puis la dissolution de l’Assemblée nationale, et la campagne des élections législatives ont été à leur tour dominées par le problème de la recomposition du paysage politique. C’est pour réaliser une « ouverture » vers la droite plus rapide et plus ample que F. Mitterrand sollicitait des électeurs une « majorité stable et durable >>.

Pas plus que la campagne présidentielle, celle des législatives n’a rompu le consensus sur la politique désastreuse programmée par le capital pour les années à venir et sur la recomposition du paysage politique recherchée afin de l’imposer à notre peuple. Droite et Parti socialiste ne se sont pas affrontés pour ou contre « l’ouverture ». C’est sur le moment et les modalités de celle-ci que se sont exprimées des différences — y compris au sein de la droite. Chacun, bien sûr, voulant aborder cette échéance dans le rapport des forces le meilleur pour lui. Et tous souhaitant et faisant annoncer l’effondrement total du Parti communiste, dont des « sondeurs » inspirés prédisaient qu’ il n’aurait même plus un seul député.

Le Comité central procédera les 27 et 28 juin à une analyse approfondie des résultats de ces élections législatives^. On peut d’ores et déjà faire deux constatations.

1. Georges Marchais, rapport au Comité central du 27 avril. Cahiers du communisme, mai-juin 1988. 2. Pour des raisons liées aux délais de parution de la revue, cet article a été rédigé avant la réunion du Comité centrai. La première concerne bien entendu l’échec de la tentative d’écra­ sement du Parti communiste. Il est le seul à progresser en voix et en pourcentage. Il obtient son meilleur résultat depuis 1981. Le fait marquant de ces élections aura été le début de la remontée du Parti communiste, confirmée par les bons résultats de ses candi­ dats au second tour. La diminution du nombre de ses députés est due, on le sait, à l’iniquité du mode de scrutin. La seconde constatation concerne le « glissement à droite » et les efforts des forces du consensus pour recomposer le paysage politique. Certes, la droite et l’extrême droite enregistrent d’impor ­ tantes pertes. Mais avec 50,3 % des voix elles demeuraient majoritaires au premier tour. Le nombre de leurs députés n’est inférieur que de quelques unités à celui obtenu par le Parti socialiste. La « radicalisation » de l’électorat de droite s’est confir­ mée, comme en témoignent par exemple les reports de toutes les voix de droite — y compris celles dites « centristes » — sur les candidats du Front national au second tour. On ne peut non plus sous-estimer le fait que c’est après une campagne entièrement axée sur « l’ouverture » que le Parti socialiste et ses candidats ont recueilli plus de neuf millions de voix et 37,55 %. Cependant l’analyse des mouvements qui se sont produits aussi bien dans l’électorat de droite que dans celui de F. Mitterrand mérite attention. Incontestablement, des électeurs de Barre et de Le Pen qui avaient voté pour F. Mitterrand le 8 mai ont confirmé leur vote lors des élections législatives. Ils l’ont fait d’autant plus aisément que F. Mitterrand affichait son intention d’aller toujours plus loin dans le sens de « l’ouverture » vers la droite. Par ailleurs, il y a parmi les treize millions d’abstentionnistes au premier tour des élections législatives, le 5 juin, bon nombre d’électeurs de gauche qui avaient voté pour François Mitterrand lors de l’élection présidentielle. Et plusieurs centaines de milliers ont voté communiste pour exprimer leur refus de l’alliance à droite, leur volonté de rassemblement à gauche pour une politique de gauche. Enfin, l’échec des candidats « d’ouverture » présentés par le Parti socialiste est significatif. A l’évidence, les forces du consensus rencontrent des résistances plus fortes que prévu. Pour autant, et parce qu ’elles peuvent s’appuyer sur le glissement à droite qui persiste, elles ne renoncent pas à leurs objectifs. Bien au contraire. C’est ce que confirment aussi bien les décisions prises par F. Mitterrand depuis le 12 juin, que la constitution du groupe « centriste » à l’Assemblée nationale, ou l’attitude de Raymond Barre.

L’opération de recomposition politique n’est pas simple, dans la mesure où elle consiste à faire accepter l’alliance entre le Parti socialiste et un centre qui n’est pas « entre la droite et la gauche » mais totalement à droite. Mais F. Mitterrand et les dirigeants socialistes d’une part, les politiciens de la droite « centriste » d’autre part vont s’attacher à la réussir. Dans ces conditions, le début de remontée du Parti communiste revêt une grande importance, pour le présent et pour l’avenir.

C’est d’abord un échec pour les forces du consensus alors qu ’elles avaient un besoin impérieux d’y parvenir. Comme le soulignait le rapport au 26® Congrès : « La grande bourgeoisie sait que le pire est à venir pour notre peuple et notre pays ; elle a l’intention de frapper dur, très dur ; et elle a besoin, pour le faire sans risque, d’empêcher le Parti communiste de remonter, voire de lui porter un nouveau coup. L ’objectif d’une neutralisation de notre parti pour 1988 et pour après est pour les forces du capital véritablement névralgique. » Elles ont utilisé tous les moyens dont elles disposaient pour y parvenir. Elles ont échoué. Elles ne renonceront pas pour autant, dans la mesure même où la réalisation de leurs projets implique qu ’elles réussissent la recom ­ position politique et idéologique d’ensemble de la société fran­ çaise. A l’inverse, mettre en échec les projets du capital, créer les conditions d’un changement de politique, de pouvoir, de société, suppose que le Parti communiste soit beaucoup plus fort, qu ’il exerce une influence marquante dans le pays. Il est donc indispen­ sable qu ’il progresse encore, bien au-delà des 11,32 % recueillis le 5 juin. C’est dans cette optique qu’ il convient de réfléchir aux causes et aux conditions du début de remontée que nous venons d’enregistrer.

Cette progression n’est pas venue de rien. Notre appréciation du lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, selon laquelle notre résultat ne reflétait pas notre influence réelle, reposait sur des faits. Depuis plusieurs mois les élections partielles — qui de 1986 à 1988 ont concerné un million d’électeurs inscrits — indiquaient une remontée de l’influence communiste, que toutes les études situaient à environ 14 %. Le résultat du 5 juin ne constitue pas une « anomalie », un « accident » dont les causes seraient purement conjoncturelles. Il exprime une tendance. Cette tendance n’avait pu se traduire dans les conditions particulières de l’élection présidentielle. Elle ne s’est pas non plus totalement traduite lors des élections législatives. Celles-ci ont été organisées précipitamment, « dans la foulée » de la réélection de F. Mitterrand. Tout a été fait pour escamoter une fois de plus le débat sur les questions fondamentales, pour censurer les communistes. Il est certain que l’influence réelle du Parti communiste aujourd ’hui va au-delà des résultats du 5 juin. Toutes les observations confirment la signification profondément politique du vote communiste. Les électeurs et électrices ont voté « pour dire non à l’austérité », « pour être bien défendu », « pour dire non à l’alliance du P.S. avec la droite », « pour le rassemblement des forces de gauche ».

Ils l’ont fait dans les conditions les plus difficiles, alors qu ’une extraordinaire pression s’exerçait sur eux pour les en dissuader. C’est dire l’efficacité de l’immense travail accompli par les commu ­ nistes durant les derniers mois pour faire connaître et pour faire vivre avec les gens la politique d’union pour se défendre, pour que ça change, décidée par le 26® Congrès. Nous avions noté, au lendemain de l’élection présidentielle, que nous disposions, après la campagne que venait de mener tout le Parti, de plus d’atouts pour faire vivre cette politique qu ’au moment du Congrès. C’est encore plus vrai aujourd ’hui. La montée des luttes pour les revendications, pour le désarme­ ment, pour la solidarité internationale — exceptionnelle en période électorale — témoigne de l’écho rencontré par l’idée que les communistes, et notamment leur candidat à l’élection présiden­ tielle n’ont cessé de développer : « Pas question de se laisser faire », il faut « se faire entendre » ; il faut agir ensemble pour résister à la mauvaise politique que les forces du consensus imposent à notre peuple. Les communistes ont contribué au développement de ces luttes. Certaines des propositions du programme adopté au 26® Congrès sont devenues des aspirations, des exigences pour des millions de gens. Beaucoup ont voté les 5 et 12 juin pour les candidats du S.M.I.C. à 6 000 F, ou de la réduction de 40 milliards du budget de surarmement au profit notamment de l’école, etc. Si, dans les luttes, les communistes ont pu faire connaître et approuver ces propositions, celles-ci, en retour, dès lors qu ’elles deviennent des exigences populaires, suscitent de nouvelles actions pour obtenir qu ’elles soient satisfaites. Des conditions plus favorables existent pour mener le nécessaire débat de fond sur l’existence d’une autre politique possible pour la justice sociale, la liberté, la paix, le redressement du pays. Des liens d’une qualité nouvelle ont été tissés avec des millions de gens à la rencontre desquels les communistes sont allés. Pas plus que la prise en compte par le mouvement social de certaines propositions du programme communiste, ces liens nouveaux entre le Parti et des hommes, des femmes, des jeunes de conditions et de convictions diverses ne résultent du hasard. Certes les condi­ tions dans lesquelles il a fallu mener la bataille électorale ont convaincu les communistes qu ’ils ne pouvaient et devaient comp ­ ter que sur eux-mêmes et qu’ il fallait se tourner résolument vers les gens. Mais cette attitude de contact, de diaiogue et d’union dans l’action constitue le cœur même de la politique de rassemblement du 26® Congrès.

Six mois après son congrès, le Parti communiste sort renforcé d’une bataille difficile. Il a recueilli plus de 45 000 adhésions depuis le début de l’année. Il est plus uni dans la mise en œuvre de sa politique. Il vient de vérifier dans la vie que cette politique, issue du profond renouvellement de notre stratégie entrepris au 22® Congrès et accompli au 25® et 26®, « est bien de nature à surmonter les obstacles considérables que les forces populaires et notre parti ont vu se dresser sur leur chemin durant toutes ces dernières années.

Aucun doute : c’est dans cette voie qu ’il faut persévérer. Notre politique est loin d’avoir porté tous ses fruits. Tout simpiement parce qu ’elle est loin d’avoir été tout entière déployée par le Parti, confronté, depuis son Congrès, à des campagnes éiectorales difficiies. C’est aujourd ’hui un parti pius fort, plus aguerri, plus confiant, qui va consacrer tous ses efforts à mettre en œuvre, dans toute sa dimension offensive et conquérante, sa politique d’union pour se défendre, d’union pour que ça change.

Dès ie soir du second tour des élections législatives, Georges Marchais renouveiait notre proposition pour une solution neuve : « Une union nouvelle des forces populaires, un rassemblement des forces de gauche qui leur permettent de conquérir la majorité et de gouverner ensemble pour mener une politique nouvelle. » Il rappe ­ lait ia position réaffirmée par notre congrès : « Pour participer à la mise en œuvre d’une telle politique à la direction des affaires du pays, oui, les communistes sont disponibles. Ils sont prêts à prendre toutes leurs responsabilités. » Il ne s’agissait pas là d’un rappel formel. L’une des leçons des dernières éiections, c’est que toute la droite — des « centristes » aux lepénistes — s’est reconnue dans la même famille, avec accords et désistements réciproques. Le choix est donc entre une poiitique de gauche avec les forces de gauche, ou une politique de droite avec la droite. La droite est minoritaire à l’Assemblée nationale, le Président de la République pouvait, s’il le voulait, disposer d’une majorité, d’un gouvernement de changement, en acceptant cette proposition : ie rassembiement des forces de gauche pour une politique de gauche, li s’y est refusé. Son choix.

3. Résolution du Comité central, 6 juin 1988, publiée dans ce numéro. celui des dirigeants socialistes, c’est la poursuite de la politique d’austérité et d’abandon national dans le cadre de !’« Europe de 1992 ». Et c’est pour cela la recherche des moyens permettant une alliance entre le Parti socialiste et la droite dite « centriste ». Ce choix de F. Mitterrand, les communistes le regrettent. Des millions de salariés, de chômeurs, de jeunes, de retraités, vont faire les frais de la poursuite et de l’aggravation de la politique actuelle. Mais moins que jamais il ne saurait être question de se résigner, de baisser les bras. Les forces du consensus vont tout faire pour imposer leur politique. Elles vont accentuer à la fois leur autorita ­ risme et leur pression idéologique. Elles vont redoubler d’efforts contre la C.G.T., contre le Parti communiste. Mais nous connais­ sons la réponse à leur apporter, le moyen de contrecarrer leurs efforts, de les mettre en échec : c’est la mise en oeuvre confiante et résolue de notre politique rassembleuse.

Le secrétaire général du Parti le rappelait'^ : « Au 26^ Congrès, refusant de considérer comme une donnée définitive le recul de la conscience de classe, des idées et des valeurs de progrès — ce “glissement à droite” dont le résultat du 1^ ’' tour permet de constater la permanence et l’accentuation — nous avons décidé de disputer aux forces du consensus toutes les forces populaires qui doivent constituer le rassemblement pour lequel nous agissons. C’est à cette tâche que nous sommes attelés. Nous allons continuer avec toutes celles et tous ceux que nous avons rencontré et commencé à rassembler. »

Quelque chose a commencé à bouger les 5 et 12 juin. Des électeurs de gauche en plus grand nombre ont fait savoir, en votant communiste, qu ’ils n’approuvent pas les choix de F. Mitter ­ rand, que comme nous ils veulent voir se rassembler les forces de gauche pour une politique de gauche. D’autres se sont abstenus. D’autres, qui ont voté socialiste, partagent aussi cet objectif. Des millions de gens, parmi les plus déshérités, les salariés de toutes catégories, le peuple des villes et des campagnes, les femmes, les intellectuels, les croyants, les jeunes, tout comme les pacifistes, les écologistes, les féministes, les antiracistes, constituent les forces vives qui peuvent se rassembler pour la résistance au désastre programmé par les forces du consensus, pour le change­ ment. Partout, les communistes saisissent toutes les possibilités exis­ tantes de dialogue et d’union dans l’action avec ces millions de gens. Pour résister, pour proposer et faire avancer ensemble des

4. Georges Marchais, rapport au Comité central du 27 avril. Cahiers du communisme, mai-juin 1988.

12 solutions neuves et réalistes. Partout, cela veut dire autour de chaque communiste là où il vit, là où il travaille.

C’est le déploiement partout de notre politique unitaire, ouverte, rassembleuse, qui créera les conditions à la fois pour que se confirme et s’accentue la remontée du Parti communiste, et pour que se réalise le rassemblement populaire majoritaire nécessaire pour battre les forces du capital, pour changer de politique, de pouvoir, de société. élections législatives

les résultats nationaux du premier tour les 27 députés communistes résolution du comité central du 6 juin en vue du second tour déclaration de georges marchais après le deuxième tour déclaration du bureau politique, 16 Juin après l’intervention de françois mitterrand

les résultats nationaux des élections législatives, 5 juin 1988*

% par rapport % par rapport aux inscrits aux suffr. exp. Inscrits 37 945 582 Votants 24 944 792 Abstentions 13 000 790 34,26 Suffrages exprimés 24 432 095 Extrême gauche ...... 89 065 0,23 0,36 Parti communiste ...... 2 765 761 7,28 11,32 Parti socialiste ...... 8 493 702 22,38 34,76 M.R.G...... 272 316 0,71 1,11 Autres majorité prés...... 403 690 1,06 1,65 Ecologistes ...... 86 312 0,22 0,35 Régionalistes ...... 18 498 0,04 0,07 R.P.R...... 4 687 047 12,35 19,18 U.D.F...... 4 519 459 11,91 18,49 Divers droite ...... 697 272 1,83 2,85 Front national ...... 2 359 528 6,21 9,65 Extrême droite...... 32 445 0,08 0,13 * Statistiques du ministère de l’Intérieur, . Non compris les deux circonscriptions de la Polynésie française.

Election présidentielle, 24 avril et 8 mai 1988 1“ tour ; Inscrits 38 128 507. Votants 31 027 972. Abstentions 7 100 535. Blancs ou nuis 621 934. Exprimés 30 406 038. André Lajoinie 2 055 995 (6,76 %). François Mitterrand 10 367 220 (34,09 %). Pierre Juquin 639 084 (2,10 %). Arlette Laguiller 606 017 (1,99 %). Pierre Boussel 116 823 (0,38 %). Antoine Waechter 1 149 642 (3,78 %). Raymond Barre 5 031 849 06,54 %). 6 063 514 (19,94 %). Jean-Marie Le Pen 4 375 894 (14,39 %). 2' tour : Inscrits 38 168 869. Votants 32 085 071. Abstentions 6 083 798. Blancs ou nuis 1 161 822. Exprimés 30 923 249. François Mitterrand 16 704 279 (54,01 %). Jacques Chirac 14 218 970 (45,98 %).

Elections législatives, 1986 Inscrits 37 541 124. Votants 29 317 729. Abstentions 8 223 395. Exprimés 20 037 180. P.C.F. 2 740 972 (9,78 %). P.S. 8 702 137 (31,04 %). EXT. G. 427 753 (1,53 %). Union de la gauche 56 054 (0,20 %). M.R.G. 107 754 (0,38 %). Divers gauche 287 177 (1,03 %). Ecologistes 340 138 (1,21 %). Régionalistes 28 045 (0,10 %). R.P.R. 3 142 373 (11,21 %). U.D.F. 2 330 072 (8,31 %). R.P.R.-U.D.F. 6 017 207 (21,46 %). Divers droite 1 094 336 (3,90 %). Front national 2 705 838 (9,65 %). Autres extrême droite 57 334 (0,20 %). les 27 députés communistes et apparentés

Gustave Ansart : 19® circonscription du Nord (Denain), 65 ans, député sortant, membre du Bureau politique. François Asensi ; 11® circonscription de la Seine-Saint-Denis (Sevran), 43 ans, député sortant. Marcelin Berthelot : 2® circonscription de la Seine-Saint-Denis (Saint-Denis nord-ouest, nord-est), 61 ans, maire de Saint-Denis. Jean-Pierre Brard : 7® circonscription de la Seine-Saint-Denis (Montreuil), 40 ans, maire de Montreuil. Jacques Brunhes : 1®® circonscription des Hauts-de-Seine (Colombes-), 54 ans, maire de Gennevilliers. Alain Bocquet ; 20® circonscription du Nord (Saint-Amand-les-Eaux), 41 ans, député sortant, membre du Comité central, secrétaire de la fédération du Nord. André Duroméa : 8® circonscription de la Seine-Maritime (Le Havre-est), 71 ans, maire du Havre. Jean-Claude Gayssot : 5® circonscription de la Seine-Saint-Denis (Bobigny-Drancy), 43 ans, député sortant, membre du Bureau politique, secrétaire du Comité central. Pierre Goldberg : 2® circonscription de l’Ailier (Montluçon), 50 ans, maire de Montluçon. Georges Hage : 16® circonscription du Nord (Marchiennes), 66 ans, député sortant. Guy Hermier : 3® circonscription des Bouches-du-Rhône (Marseille), 48 ans, député sortant, membre du Bureau politique. Muguette Jacquaint : 3® circonscription de la Seine-Saint-Denis (Aubervilliers), 46 ans, députée sortante. André Lajoinie ; 3® circonscription de l’Ailier (Gannat-Saint-Pourçain), 58 ans, député sortant, membre du Bureau politique, secrétaire du Comité central. Jean-Claude Ixfort : 10® circonscription du Val-de-Marne (Ivry-sur-Seine), 44 ans, membre du Comité central, secrétaire de la fédération du Val-de-Marne. Daniel Le Meur ; 2® circonscription de l’Aisne (Saint-Quentin), 48 ans, député sortant. Paul Lombard : 13® circonscription des Bouches-du-Rhône (Istres), 61 ans, maire de Martigues. Georges Marchais : 2® circonscription du Val-de-Marne (Arcueil), 68 ans, député sortant, secrétaire général du P.C.F. Gilbert Millet : 4® circonscription du Gard (Alès-la-Grand-Combe), 58 ans, maire d’Alès. Robert Montdargent : 5® circonscription du Val-d’Oise (Argenteuil), 53 ans, député sortant, maire d’Argenteuil. Louis Piema : 4® circonscription de la Seine-Saint-Denis (Blanc-Mesnil), 55 ans, maire de Stains. Jacques Rimbault : 2® circonscription du Cher (Bourges I, Vierzon), 58 ans, député sortant, membre du Comité central, maire de Bourges. Jean Tardito : 9® circonscription des Bouches-du-Rhône (Aubagne-La Ciotat), 55 ans, maire d’Aubagne. Fabien Thiémé ; 21® circonscription du Nord (Valenciennes), 36 ans, conseiller général de Valenciennes. Théo Vial-Massat : 4® circonscription de la Loire (Firminy), 69 ans, maire de Firminy. Elie Hoarau : 4® circonscription de la Réunion (Saint-Pierre), 50 ans, maire de Saint- Pierre, secrétaire du P.C.R. Ernest Moutoussamy : 2® circonscription de la Guadeloupe, 47 ans, député sortant, membre du Comité central du P.C.G. Laurent Vergés ; 2® circonscription de la Réunion (Saint-Paul), 33 ans, député sortant. Fattitude du p.c.f. pour le second tour comité central du p.c.f., 6 juin 1988

Le Comité central du P.C.F. s’est réuni à le 6 juin 1988, immédiatement après le premier tour des élections législatives. Il a entendu un bref rapport de Madeleine Vincent, membre du Bureau politique, résumant l’appréciation du Bureau politique sur les résultats de ce premier tour et les propositions sur l’attitude à adopter au second tour. Ces propositions ont été adoptées à l’unanimité de même que la résolution que nous publions ci-dessous (voir aussi l’Humanité du 7 juin 1988). résolution du comité central Le premier tour des élections législa­ élections vont-ils maintenant expli­ tives a été marqué par le début de la quer que son redressement était acquis remontée du Parti conununiste. d’avance et que ce scrutin était prati­ Celui-ci vient, en effet, d’enregistrer quement organisé pour cela... son meilleur score depuis 1981. Avec Bien au contraire, tout a été fait pour 2 765 000 voix et 11,32 %, il pro­ que le résultat des élections législa­ gresse de 710 000 voix et de 4,5 % tives confirme et amplifie celui du sur l’élection présidentielle du mois mois dernier. Organisé précipitam­ dernier. Il gagne 1,5 % par rapport ment dans la foulée de la réélection de aux élections législatives de 1986 et François Mitterrand, présenté comme dépasse légèrement le nombre des un « troisième tour » de l’élection voix qu ’il avait obtenues lors de ce présidentielle, ce scrutin ne pouvait scrutin alors que le taux d’abstention déboucher, selon tous les spécialistes avait été à l’époque de 21,5 % contre de la tactique politicienne, que sur une 34,2 % cette fois-ci. Il améliore de majorité écrasante de députés bénéfi­ quelques dixièmes son pourcentage ciant du label présidentiel et sur un des élections européennes de 1984 et véritable écrasement de notre parti. rassemble 500 000 voix de plus. Rappelons qu ’à une semaine du vote, tous les commentateurs officiels une progression sensible tenaient pour acquis — et ont ample­ ment diffusé cette prévision — le Cette progression rapide et sensible du chiffre de zéro député communiste. Parti communiste est d’autant plus De telles conditions, jointes une fois significative qu ’elle survient dans des de plus dans les grands médias à conditions particulièrement défavora­ l’escamotage total du débat sur les bles. questions fondamentales posées au Peut-être ceux qui discouraient il y a pays et à la censure frappant la cam­ encore quarante-huit heures sur la pagne de notre parti et de ses candi­ mort inexorable de notre parti à ces dats, ont pesé en défaveur du vote communiste. La clairvoyance et le le sens souhaité par cet électorat de courage de celles et de ceux qui ont droite. accordé leurs suffrages aux candidates Ainsi, le nombre d’électrices et et candidats communistes sont d’au ­ d’électeurs de gauche qui ont voté tant plus remarquables. Mais il est pour François Mitterrand le 24 avril et certain que, comme les plus récentes le 8 mai et ont refusé d’accorder leurs élections partielles l’ont à nouveau suffrages aux candidats qu ’il patron ­ prouvé, notre influence va encore au- nait le 5 juin dépasse à coup sûr le delà du résultat de dimanche, aussi chiffre que révèle une simple compa­ appréciable et encourageant soit-il. raison terme à terme. Beaucoup se trouvent parmi les treize millions d’abstentionnistes de ce premier tour. le désaveu Et plusieurs centaines de milliers ont de l’alliance à droite exprimé par leur vote communiste leur De premiers enseignements peuvent refus de l’alliance à droite, leur d’ores et déjà être tirés de ce premier volonté de voir les forces de gauche se redressement électoral du Parti com­ rassembler pour une politique de muniste et des autres données politi­ gauche. ques révélées par ce scrutin. Comme il l’a expliqué lui-même, le la signifîcation Président de la République a conçu du vote communiste ces élections comme une étape essen­ Cette signification profondément poli­ tielle — qu ’il pensait pouvoir franchir tique du vote en faveur de nos candi­ aisément — de « l’ouverture » du dats est indéniable. Déjà, certains gouvernement et de la majorité socia­ s’efforcent de « dépolitiser » la pro­ liste à la droite. Il est en échec. Non gression communiste en la mettant au seulement les résultats sont loin de lui compte du crédit personnel de tel ou accorder le plébiscite escompté et tel élu. L’examen des chiffres infirme annoncé, mais ils révèlent qu ’une cette pauvre « explication ». Certes, fraction significative de l’électorat de les gains de notre parti sont d’autant gauche a désavoué ses projets d’al­ plus sensibles et spectaculaires que liance avec la droite. notre influence est forte et que nos Avec 37,5 % et 9 176 000 voix, les candidats bénéficient de la confiance candidats présentés au nom de la de la population. Mais il en est ainsi « majorité présidentielle » perdent, en pour tous les autres partis. Et, surtout, effet, plus d’un million de voix par le redressement électoral du Parti rapport au score de François Mitter­ communiste se manifeste dans tous les rand au premier tour de l’élection cas de figure ; que notre influence soit présidentielle. Encore faut-il noter que forte, moyenne ou faible, que nos les pertes de la droite — plus d’un candidats aient eu ou non une chance million de voix par rapport aux résul ­ d’être élus. tats additionnés de Chirac et de Barre Comme nous l’avions montré au len­ au premier tour — et celles des lepé- demain de l’élection présidentielle, nistes — deux millions de voix — font l’immense travail que les commu ­ apparaître qu ’une grande partie des nistes ont accompli pendant la cam­ électeurs qui avaient voté au premier pagne d’André Lajoinie a creusé de tour de l’élection présidentielle pour profondes empreintes dans le mouve ­ Barre ou pour Le Pen et au second ment social. Des liens d’une qualité tour pour François Mitterrand ont nouvelle ont été noués avec des mil­ voulu confirmer leur choix en votant lions de gens, des revendications cette fois pour les candidats bénéfi­ contenues dans notre programme de ciant du label du président qu ’ils ont justice, de liberté, de paix sont deve ­ élu. Et cela d’autant plus que les nues de grandes exigences populaires, intentions affiehées par lui vont dans notre politique de rassemblement pour résister sur tous les terrains à la politi­ populaires, des forces démocratiques que du capital et pour progresser vers de notre pays. Il doit être relevé. On le changement a été mieux comprise et ne peut pas être inquiet devant l’ave­ appréciée. Cet acquis n’a pu se tra­ nir, vouloir repousser les assauts du duire en termes électoraux dans les pouvoir, du patronat, de la droite et de conditions particulières de l’élection Le Pen et être privé de ces défenseurs présidentielle. Contre toute attente de intransigeants des intérêts populaires nos adversaires, il commence à se et nationaux que sont les élus commu ­ manifester dans le résultat de notre nistes. On ne peut pas aspirer à parti à ces élections législatives. Ainsi l’union des forces populaires, au ras­ est-il confirmé que l’effort de renou­ semblement des forces de gauche pour vellement profond de notre stratégie et une politique nouvelle de justice, de de notre pratique politique que nous liberté, de paix et ne pas accorder plus avons entrepris au 22® Congrès et d’influence, quels que soient l’élec­ accompli aux 25® et 26® Congrès est tion et le mode de scrutin, au pôle de bien de nature à surmonter les obsta­ ce rassemblement qu ’est le Parti com­ cles considérables que les forces muniste. populaires et notre parti ont vu se dresser sur leur chemin durant toutes ces dernières années. Le résultat du battre la droite 5 juin est un premier acquis : l’ambi­ A l’issue de ce premier tour, la droite tion de notre parti n’est pas de recueil ­ et l’extrême droite, malgré leurs lir 11 % des voix mais d’aller bien au- pertes importantes en voix, sont re­ delà. La mise en œuvre résolue de la devenues légèrement majoritaires : politique novatrice que les commu ­ 50,3 %. Déjà, la droite crie victoire et nistes ont décidée ensemble est le bon envisage de revenir au gouvernement moyen d’assurer cette remontée. et d’ouvrir une nouvelle période de « cohabitation ». scrutin de voleurs Cette perspective détestable doit être Cette question du vote communiste, évitée. La droite a été battue le 8 mai. de la progression électorale du Parti Elle peut, elle doit l’être à nouveau communiste est une question d’avenir dimanche prochain. décisive, que met en valeur avec une C’est ce bon combat que vont mener particulière acuité la honteuse sous- les vingt-six candidats communistes représentation à l’Assemblée natio­ qui ont devancé dans leur circonscrip­ nale qui va être infligée à notre parti et tion les candidats de la majorité prési­ à ses électeurs. Il devrait y avoir dentielle et ont été placés par le aujourd ’hui soixante-trois députés suffrage universel en position de bat­ communistes de la métropole ; il y en tre les candidats du R.P.R., de aura, au mieux, entre deux à trois fois l’U.D.F. et de Le Pen au second tour. moins. Ils vont s’y employer en rassemblant Comme Georges Marchais l’a déclaré le plus largement toutes celles et tous dès dimanche soir, « cette injustice ceux qui veulent être efficacement flagrante constitue une insulte à la défendus, toutes celles et tous ceux démocratie, qu ’aucune manœuvre qui veulent empêcher la droite de politicienne ne saurait estomper, et un redevenir majoritaire à l’Assemblée handicap sérieux pour toutes celles et nationale. tous ceux qui vont avoir de plus en Demain, à l’Assemblée nationale, plus besoin de se défendre, pour comme ils s’y sont engagés et avec les toutes celles et tous ceux qui veulent moyens qui seront les leurs, ils défen­ que ça change. » dront des propositions permettant La mise en place de tels modes de d’améliorer la situation de notre peu­ scrutin de voleurs constitue un vérita­ ple et de notre pays, soutiendront ble défi lancé à l’ensemble des forces toute mesure, aussi minime soit-elle. qui ira dans ce sens, combattront tout socialiste s’obstinent à refuser. Pour ce qui penchera à droite. ces objectifs qui sont les nôtres, nous Dans les circonscriptions en ballottage voulons rassembler les communistes, où le suffrage universel a placé un les socialistes, les hommes et les candidat socialiste ou radical de femmes de gauche, les démocrates, gauche devant notre candidat, le les antiracistes, les pacifistes, Comité central pense que, comme lors l’ensemble des forces populaires. du second tour de l’élection présiden­ Notre décision d’appeler à voter pour tielle, ce qui doit emporter notre déci­ les candidats socialistes afin de battre sion est l’engagement de toujours de ceux de la droite doit être comprise, notre parti dans le combat contre la une fois de plus, comme une main droite, sa volonté de ne rien faire qui tendue à toutes les forces que nous puisse favoriser celle-ci. Il propose en voulons contribuer à rassembler. conséquence aux fédérations concer­ nées de retirer leurs candidats et d’ap­ refus de tout candidat peler à voter au second tour pour les candidats socialistes et radicaux de de droite gauche. Cette opposition à la droite, à sa Nous savons que notre appel à voter politique et à toute alliance avec elle pour François Mitterrand au second ne peut connaître d’exception. Dans tour de l’élection présidentielle a sus­ certaines circonscriptions, le Parti cité des interrogations chez des mili­ socialiste a soutenu au premier tour un tants ou des électeurs communistes. candidat de la droite ou du patronat. Le résultat du 5 juin leur montre que Les candidats communistes ont ainsi cette décision non seulement n’a pas été les seuls candidats de gauche au porté préjudice à notre parti comme ils premier tour. Dans la Loire — seule le craignaient, mais qu ’elle a favorisé circonscription où la loi permet le un début de remontée de son maintien de notre candidat —, Paul influence. Nous sommes persuadés Chômât le demeure au second. Voter qu ’ils comprendront la décision que en sa faveur le 12 juin est la seule nous prenons aujourd ’hui, alors que la chance pour les électeurs de cette menace de la droite est si forte. circonscription de se donner un député de gauche. Nous ne voyons pas pour ­ Comme celle que nous avons prise pour le second tour de l’élection prési­ quoi nous les en priverions. D’autant dentielle, elle ne saurait engager si plus que si, comme tout l’indique, la peu que ce soit notre responsabilité majorité de demain se joue à quelques dans la politique du gouvernement et sièges, la garantie pour les électeurs de gauche est de se donner un député dans l’alliance avec la droite que les de gauche et non un député U.D.F. ! candidats socialistes approuvent. Ailleurs, chacun comprendra que — Nous n’avons cessé de l’expliquer comme ils le font toujours dans les cas durant cette campagne : des dirigeants de droite ne soutiendront jamais une semblables — les communistes et leurs électeurs ne sauraient choisir autre politique que celle de la droite. entre deux candidats de droite. Cette politique, nous la combattons de toutes nos forces. Pour lui résister, La direction du Parti socialiste avait pour la mettre en échec, nous voulons évoqué la possibilité de retirer au rassembler dans l’action toutes celles second tour quelques-uns de ses can­ et tous ceux qui en sont victimes. didats arrivés devant les nôtres. Mais Nous agissons pour une politique nou­ le Parti communiste ne quémande velle et nous sommes et serons tou ­ aucun « cadeau » : il agit pour obtenir jours prêts à prendre toutes nos res­ la représentation à laquelle le suffrage ponsabilités au sein d’un gouverne­ universel lui donne droit. Il ne ment, d’une majorité qui impulse­ demande donc pas que le Parti socia­ raient ce changement, ce que le Prési­ liste, pour tenter de compenser aux dent de la République et le Parti yeux de l’opinion de gauche sa politi- que d’alliance avec la droite, lui « offre » deux ou trois députés sup­ plémentaires, alors que le mode de scrutin — que François Mitterrand avait toute possibilité de modifier — va lui en voler plusieurs dizaines, notamment au profit du Parti socia­ liste. Répétons-le, la décision que nous pre­ nons d’appeler à voter pour les candi­ dats socialistes afin de battre ceux de la droite n’implique en rien notre responsabilité dans ce que vont faire ces députés et le gouvernement qu ’ils vont soutenir. Accepter la proposition socialiste, et les accords qu ’elle sup ­ pose, engagerait à l’évidence notre responsabilité dans la politique à venir. Nous ne le voulons en aucun cas. Le Comité central propose donc aux fédérations concernées de retirer leur candidat lorsqu ’il a été précédé au premier tour par un candidat socialiste ou radical de gauche et d’appeler à voter pour ce candidat. Demain comme aujourd ’hui, les forces populaires vont pouvoir comp­ ter pour se rassembler dans l’action sur le Parti communiste français. Paris, le 6 juin 1988. Le Comité central du Parti communiste français. déclaration de georges marchais après le deuxième tour 12 juin 1988

A l’heure où nous parlons, il semble ensemble pour mettre en œuvre une assuré que ni la coalition R.P.R.- politique nouvelle. U.D.F.-F.N., d’une part, ni le Parti Cette politique nouvelle, nous l’avons socialiste et ses alliés, de l’autre, ne abondamment décrite, dans cette cam­ disposeront d’une majorité absolue à pagne électorale comme dans celle l’Assemblée nationale. d’André Lajoinie. Il s’agit d’une poli­ Les communistes, de leur côté, tique de justice, de lutte effective auront, selon les dernières estima­ contre le chômage, la pauvreté et les tions, de 25 à 28 députés. Nous inégalités sociales, d’élévation du félicitons et remercions toutes celles et pouvoir d’achat, des salaires, des tous ceux qui ont contribué à ce retraites, des prestations sociales, de résultat, qui doit être mesuré à ce croissance nouvelle de l’économie, qu ’était l’objectif de nos adversaires : d’une politique de liberté, préservant l’écrasement de notre parti et sa dispa­ les droits des salariés et l’indépen­ rition de l’Assemblée nationale. En dance de la , d’une politique de même temps, nous n’oublions pas que paix et de désarmement. Certaines des si le scrutin était équitable, il y aurait propositions de cette politique de ce soir soixante-cinq députés commu­ changement sont devenues de grandes nistes. exigences populaires. Je pense par exemple au S.M.I.C. à 6 000 F et à Il est normal, dans une telle situation, l’élévation du pouvoir d’achat des qu ’on se tourne vers les communistes salaires jusqu ’à 9 000 F ; à l’alloca­ pour leur demander ce qu ’ils vont tion minimale mensuelle de 3 000 F faire. pour les plus démunis ; à l’impôt sur les grandes fortunes rapportant vingt Notre réponse à cette question est milliards de francs ; ou encore à la claire ; nous allons respecter les enga­ réduction de quarante milliards du gements que nous avons pris devant budget de surarmement au profit les Français. Nous agissons, nous, notamment de l’école. communistes, pour échapper à l’impasse de la politique d’austérité, Pour participer à la mise en œuvre de chômage et d’abandon national, d’une telle politique à la direction des que cette politique soit appliquée par affaires du pays, oui, les communistes la droite ou par une alliance entre le sont disponibles. Ils sont prêts à pren­ Parti socialiste et une partie de la dre toutes leurs responsabilités. droite. Nous proposons une solution Malheureusement, comme chacun le neuve : une union nouvelle des forces sait, ce n’est pas dans cette direction populaires, un rassemblement des que François Mitterrand a déclaré forces de gauche qui leur permette de vouloir s’orienter et que son gouver ­ conquérir la majorité et de gouverner nement a commencé à s’engager. Tout au contraire, le président de la Répu ­ blique et ceux qui le soutiennent — comme Pierre Mauroy vient de le faire — ne cessent d’affirmer leur volonté de continuer dans la voie de l’austérité au nom de « l’Europe de 1992 » et ne recherchent d’« ouverture » que d’un seul côté ; celui de la droite. Il est donc hors de question, dans de telles conditions, que les communistes puissent participer à un gouvernement constitué en vue de tels objectifs et à la majorité parlementaire qui le sou ­ tiendra. Comme nous l’avons expli­ qué avant le vote d’aujourd ’hui, les députés communistes qui viennent d’être élus soutiendront toute mesure favorable aux intérêts populaires et nationaux, aussi minime soit-elle, et combattront tout ce qui ira à l’encon­ tre de ces intérêts. Dans la période qui s’ouvre, les sala­ riés, les chômeurs, les jeunes, toutes celles et tous ceux qui ont tant intérêt à se défendre et à ce que ça change vont pouvoir compter, pour les aider à se rassembler dans l’action, sur le Parti communiste, sur ses militants, ses députés et tous ses élus. après l’intervention de françois mitterrand mettons les choses au point ! 16 juin 1988

Le Président de la République a refusé, mais plutôt qu ’un gouverne ­ annoncé qu ’il allait confirmer Michel ment majoritaire de gauche qui mène­ Rocard dans ses fonctions de premier rait une politique nouvelle, il préfère ministre et a réaffirmé sa volonté un gouvernement minoritaire appli­ d’« ouverture » aux principaux diri­ quant sa politique grâce à l’appui des geants de la droite « centriste ». voix « centristes ». Il est arrivé qu ’on dise que si François Sa politique, il l’a dit clairement, c’est Mitterrand faisait appel aux « cen­ celle de « l’Europe de 1992 ». Il y a tristes », c’était parce que les commu ­ fort à craindre, comme les premières nistes ne voulaient pas s’allier avec mesures du gouvernement Rocard et lui. Tout le monde est à même de toutes les prévisions l’indiquent, constater aujourd ’hui que ce n’est pas qu ’elle va se traduire par une aggrava ­ vrai. tion du chômage et des suppressions Dès le dimanche soir du second tour, d’emplois, par de nouvelles mesures Georges Marchais a, en effet, réaf­ d’austérité et de précarité pour le plus firmé la position constante du Parti grand nombre et des avantages supplé­ communiste. « Nous proposons, a-t-il mentaires pour les groupes financiers, dit, une solution neuve : une union par la poursuite du surarmement et de nouvelle des forces populaires, un la soumission de la France. Une telle rassemblement des forces de gauche politique va combler d’aise la droite qui leur permette de conquérir la « centriste » des Barre, Méhaignerie majorité et de gouverner ensemble et autres Simone Veil qui pourra ainsi pour mener une politique nouvelle. » le moment venu se rallier, comme Et il a ajouté : « Pour participer à la celui-ci le souhaite, au Président de la mise en œuvre d'une telle politique à République. la direction des affaires du pays, oui, Il est évidemment hors de question les communistes sont disponibles. Ils que le Parti communiste participe à sont prêts à prendre toutes leurs res­ une telle entreprise. Cela ne signifie ponsabilités. » pas qu ’il va pratiquer une opposition Ce n’est pas le choix qu ’a fait le inconditionnelle. Au Parlement, à Président de la République. Puisque la l’Assemblée européenne, dans les droite est minoritaire à l’Assemblée régions, les départements, les com­ nationale, il pouvait, s’il l’avait munes, ses élus vont avancer des voulu, disposer d’une majorité, d’un propositions constructives, soutenir gouvernement de changement, en tout pas en avant dans le sens des acceptant la solution proposée par les intérêts populaires et nationaux, aussi communistes : le rassemblement des minime soit-il, combattre ce qui ira à forces de gauche pour une politique de l’encontre de ces intérêts. Et, en ce gauche. Non seulement il s’y est qui concerne les élections municipales de l’an prochain, les communistes sont favorables à ce que se poursuive leur coopération avec les autres élus de gauche, dès lors qu ’elle va dans le sens de la solution véritable des pro­ blèmes des gens, et ils sont disponi­ bles pour continuer demain à gérer ensemble les collectivités locales où existe une majorité de gauche si les électeurs en décident ainsi. Le choix de François Mitterrand, que nous regrettons, est à l’opposé des besoins du pays et des aspirations de millions de salariés, de chômeurs, de jeunes, de retraités qui, ensemble, ont contribué à sa réélection le 8 mai dernier. Certains ont commencé à le faire savoir en assurant par leur vote une progression du Parti communiste lors des élections législatives. D’au ­ tres ont marqué leur désaveu en s’abstenant. D’autres, enfin, ont voté socialiste mais ne renoncent pas pour autant à voir les forces de gauche se rassembler pour mener une politique de gauche. A toutes, à tous, nous disons ; vous qui avez tant besoin de défendre votre pouvoir d’achat, votre droit à l’emploi, vos acquis sociaux et démo­ cratiques, vous qui ne renoncez pas à voir la gauche mener une politique de justice, de liberté, de paix, vous pou­ vez compter sur le Parti communiste. Partout dans le pays, les communistes sont à vos côtés afin de débattre et d’agir avec vous pour repousser les coups qu ’on vous porte ou qu ’on veut vous porter, pour garder ses chances à la gauche et construire une union nouvelle pour le changement. Paris, le 16 juin 1988. Le Bureau politique du Parti communiste français. un n° actuel et durable des cahiers du communisme comnnunisnne•cahiersdu revuepoitiqueetthéorjqueniensu^ du comité certraidupartioxnmun^itanç^ économie, social, politique

rassembler autour des revendications sociales

Catherine luca

Les élections passées, la caractéristique de la politique qui se met en place c’est d’amplifier encore l’austérité qui pèse sur les salariés et leurs familles. Les gens vont pouvoir compter sur les communistes pour les aider à se défendre. Comment allons-nous nous y prendre pour les aider à se rassembler autour d’exigences de progrès social ? rassembler autour des revendications sociales

Lors de l’élection présidentielle, on a plus que jamais pu mesurer l’insuffisante crédibilité d’une politique résolument tournée cap sur l’austérité vers le progrès social à l’opposé des choix du capital, d’autant plus que ces Les premières communications et derniers sont systématiquement justi ­ mesures du gouvernement Rocard en fiés par la mise en place du grand matière de politique sociale montrent marché européen. C’est un obstacle à que l’ouverture politique des diri­ surmonter. Nous ne manquons pas geants socialistes vers la droite est d’atouts pour le lever. Il y a tout fondée sur leur « ouverture économi­ d’abord l’expérience des Français : que et sociale » aux exigences du plus ils subissent de sacrifices au nom patronat. C’était l’objet de l’entrevue du redressement des difficultés, plus entre Michel Rocard et le président du on leur demande d’en subir, l’austérité C.N.P.F. Selon la Tribune de n’a pas de fin. Ensuite, nous avons l’Expansion : François Pérlgot est renoué le dialogue avec les salariés et venu « rappeler (au Premier ministre) les populations, nous avons contribué que plus encore que l’ouverture politi­ à faire grandir l’expression de reven­ que, un nouveau gouvernement, de dications sociales fortes. Nous pou­ gauche de surcroît, se doit de réussir vons donc réfléchir à ce qu ’il nous l’ouverture économique ». reste à faire pour travailler à faire fructifier ces atouts et aider les gens à l’austérité salariale s’unir contre les politiques et les ges­ rebaptisée rigueur tions qui font tant de mal à notre peuple Alors que la baisse du pouvoir d’achat et à notre pays. Notre ambition des salaires s’est poursuivie en 1987, politique repose sur notre capacité à faisant suite à des baisses successives faire grandir la crédibilité d’autres depuis 1981, et que l’augmentation du choix tournés vers le développement pouvoir d’achat est au cœur du déve­ des hommes et à rassembler largement sur cette base autour de l’exigence loppement des luttes récentes, le maintien de la pression sur les salaires d’une politique alternative de progrès est une exigence centrale du patronat. social. Pierre Bérégovoy déclare craindre Aller dans ce sens, c’est aussi travail­ l’inflation et faire de cette préoccupa­ ler au renforcement du Parti commu­ tion la priorité de sa politique. Au niste et de son audience. En effet si la nom de quoi le gouvernement a laissé question nationale majeure devient entendre qu ’il refuserait d’augmenter celle d’une politique de progrès le S.M.I.C., au 1®'' juillet prochain. social, alors oui, on a besoin des Celui-ci n’a fait l’objet que d’une communistes. réévaluation minimale légale de Catherine luca*

2,3 % pour tenir compte de la hausse du C.N.P.F., explique pourquoi : de plus de 2 % des prix depuis juillet « L’intéressement et la participation (soit un S.M.I.C. de 4 813 F par sont des éléments réversibles. » mois, autour de 4 070 F net). Ces projets d’intéressement pourraient En ce qui concerne la fonction publi­ s’étendre dans la fonction publique. que, tout laisse présager que les pro­ Le député-maire R.P.R. d’Avignon, chaines négociations salariales seront J.-P. Roux, vient de déposer une fondées sur la poursuite du calcul en proposition de loi dont le but est masse avec intégration du glissement d’introduire l’intéressement dans la vieillesse technicité (G.V.T.), alors fonction publique territoriale. Il que ce mode de calcul a contribué à la demande que l’intéressement soit perte de pouvoir d’achat de la majorité « collectif », et qu ’il procède de la des fonctionnaires. notion de « contractualisation », cha­ que collectivité le mettant en œuvre Mais ces formes classiques d’attaque contre le pouvoir d’achat salarial ne après négociation avec ses fonction ­ suffisent plus au patronat. naires. Deuxième piste de renouvellement de André Bergeron lui-même déclare : la politique salariale, la négociation « Comment voulez-vous que les sala­ sur les qualifications-classifications, riés ne se sentent pas lésés, quand il avec un contenu de non-reconnais­ ne se passe pas un jour sans que ne sance des qualifications et d’attaque soit publié un bulletin de victoire sur contre l’ancienneté au nom de la for­ la situation des entreprises ? mation, de la qualification. L’exemple Aussi gouvernement et patronat cher­ le plus récent en est l’accord signé chent-ils à renouveler leurs méthodes dans les garages et la réparation auto pour maintenir la « cohésion sociale » qui prévoit la suppression de la prime autour de la « rigueur salariale ». d’ancienneté et la création d’une Le premier de ces efforts de renouvel ­ prime formation-qualification. Mais lement concerne l’intéressement dont cette dernière dépendra de la possibi­ la promotion a été assurée par Fran­ lité offerte ou non par la direction de çois Mitterrand : « Dans l’entreprise, se former, et si le stage débouche sur organisons le partage en même temps une promotion, l’augmentation de que le dialogue. Partage des respon­ salaire qui pourra en résulter sera sabilités et partage des profits. Il effectuée par cette prime formation- s’agit d’associer la désindexation de la qualification. Bref, il s’agit de payer hausse des salaires à une clause d’inté­ ressement non pas simplement indivi­ * Membre du bureau de la section économique du Comité central du P.C.F. duelle mais collective aux résultats de 1. Cité par la Tribune de l'Expansion le 17 mai 1988. l’entreprise. José Bidegain, dirigeant 2. Allocution télévisée, 14 juin 1988.

31 moins aujourd ’hui les salariés au nom nement vont dans le sens de la pour ­ de leur insuffisante formation et de suite et du renouvellement des politi­ préparer le non-paiement des futures ques de précarisation de l’emploi. qualifications accrues. Après avoir prononcé une petite Ces renouvellements de la politique phrase qui suscitait l’espoir, Michel salariale pour maintenir le cap sur Delebarre a fait recul : il n’a pas l’austérité, nécessitent et permettent l’intention de remettre en place l’auto­ une intégration accrue des salariés aux risation administrative préalable de exigences du capital via le développe­ licenciement. Le patronat qui a pro­ ment de la négociation. P. Bérégovoy grammé des dizaines de milliers de juge « essentiel pour le climat social suppressions d’emplois peut dormir que la politique salariale fasse l’objet tranquille. de négociations dans les entre­ Le gouvernement montre lui-même la prises ». voie à suivre en matière de suppres­ sions d’emplois puisque le projet de l’austérité budget 1989 de Michel Rocard dans la politique de l’emploi reprend les orientations de celui de Michel Rocard reconnaît que la situa­ J. Chirac : économies sur les adminis­ trations, réduction des effectifs de tion de l’emploi est négative, que le fonctionnaires. chômage risque de grimper rapide­ ment. Mais seuls les communistes La flexibilité et la précarité du travail, avaient posé cette question pendant la les T.U.C. et stages bidon que rejet­ campagne de l’élection présidentielle tent les jeunes seront donc déve ­ et proposé des solutions fondées sur loppés. une autre utilisation de l’argent pour Le gouvernement s’oriente en effet produire plus et mieux en France, vers le maintien de façon classique du organiser la coopération des entre­ traitement social du chômage. Il va prises dans ce but, associer la forma­ renouveler les diverses formules de tion à la création d’emplois qualifiés. stages précaires pour « compenser » Le Premier ministre ne dit pas un mot les sorties qui vont s’effectuer d’ici la là-dessus et il laisse penser, comme fin de l’année en utilisant à cet effet Philippe Séguin, que la hausse du les 2,5 milliards de crédits laissés par chômage est fatale. Philippe Séguin et la rallonge de 1,5 Au total, d’ici à la fin de l’année, on milliard qui vient d’être décidée. Mais peut estimer à près de 600 000 le cela ne suffira pas à faire face au besoin d’emplois ou de stages pour problème ; avant les élections, tous aboutir simplement à une stabilisation les experts estimaient à au moins 9 du chômage, compte tenu des prévi­ milliards de crédits supplémentaires le sions de sorties de stages, de l’aug ­ coût du simple maintien en stage pour mentation de la population active et « compenser » les sorties. des baisses d’emplois programmées. Le gouvernement cherche aussi un Et au-delà de 1988, le problème s’ag­ renouvellement de sa politique de gravera encore plus massivement avec l’emploi. la récession qui touchera sans doute en Premièrement, l’établissement d’un 1989 le monde capitaliste, la France revenu minimum de pauvreté pourrait affaiblie étant au premier rang de ses être l’occasion d’un développement victimes. d’une nouvelle modalité du traitement Alors même que se manifeste avec « social » du chômage. L’attribution éclat le leurre du traitement « social » de ce revenu minimum à 500 000 du chômage, qui n’a pas enrayé mais personnes pourrait être associée à la au contraire favorisé la suppression fourniture d’une tâche d’intérêt géné­ des véritables emplois, et nécessite ral, sans condition de temps. Ces donc toujours plus de traitement T.U.C. plus permanents pourraient « social », les orientations du gouver­ accélérer la réduction des véritables 32 emplois répondant aux mêmes be­ tives mais d’obtenir l’intégration des soins, d’autant que ce sont les collecti­ salariés et des syndicats aux objectifs vités locales qui auront à prendre en de mutations des ressources humaines charge le financement des actions de liées à la modernisation et à l’espace réinsertion. social européen. Deuxièmement, le gouvernement veut Leur stratégie consiste à rechercher développer les emplois précaires dits des accords cadres interprofessionnels « d’associations intermédiaires » ins­ jusqu ’au niveau européen renvoyant à titués en 1987. Ces associations, des concrétisations rapides par aidées par l’exonération des cotisa­ branche et entreprise pour pousser les tions sociales et des aides publiques, feux des aménagements du temps de embauchent des personnes dépour ­ travail et développer une polyvalence vues d’emploi pour la durée d’une nouvelle favorable à la diminution du tâche et les mettent à la disposition de personnel d’encadrement et à une toute personne, entreprise ou associa­ pression renouvelée sur les salaires. tion qui peut leur confier un travail. Ainsi, la « gestion prévisionnelle de Leur développement permettrait, l’emploi » permise par la négociation selon le Premier ministre, de « susci­ pourrait-elle favoriser, au nom de la ter l’embauche dans des secteurs dont modernisation, l’extension de la le développement est encore bloqué réduction des effectifs et la mobilité par une rentabilité insuffisante. » En professionnelle et géographique, grâ ­ clair, il s’agit là d’ouvrir de nouvelles ce au développement d’incitations marges de profit dans les services cités comme l’amélioration des congés de par Michel Rocard : « les domaines formation, l’institution d’un vrai statut de la santé, de la formation, de la de la mobilité ; beaucoup de nouveaux culture ou des loisirs. » moyens pour une formation limitée et Troisièmement, Michel Rocard veut concourant au rejet et à l’exclusion de assurer le développement « d’initia­ nombreux salariés. tives décentralisées pour les créations d’emplois », pour favoriser l’environ­ l’austérité nement technologique et financier, et dans les conditions de vie les réseaux de services aux entre­ prises. Cet écrémage rentable renforcé Le gouvernement a annoncé quelques des ressources des technologies et des mesures pour le logement social, qui mains-d’œuvre locales (via les pépi­ ne s’attaquent d’ailleurs pas aux ban­ nières d’entreprise, hôtels d’entre­ ques, mais il n’est pas question d’an­ prises et technopoles), branché sur les nuler la loi Méhaignerie et donc la dominations de quelques groupes flambée des loyers. dominants, s’effectuerait parallèle­ Il a décidé de prolonger les prélève ­ ment à l’abandon de toutes les autres ments accrus sur les salariés pour la possibilités de développement réel des Sécurité sociale décidés par la droite emplois notamment dans les produc­ et qui devaient prendre fin au l®"" juil ­ tions. let. Le rapport Chotard, commandé Tout en maintenant la poursuite de par Jacques Chirac pour guider les l’aménagement du temps de travail orientations du gouvernement et qui classique cher à Delebarre, c’est-à- sera examiné en septembre par le dire permettant le renforcement de Conseil économique et social, préco­ l’exploitation, gouvernement et patro­ nise, dans la foulée du rapport des nat cherchent aussi à innover avec le Sages, tout à la fois une austérité développement de la « gestion prévi­ aggravée et des opportunités nouvelles sionnelle de l’emploi » baptisée de profit dans le domaine de la protec­ « modernisation négociée ». Il ne tion sociale. s’agit pas seulement de créer l’illusion de la négociation pour empêcher le pourquoi ces choix ? développement des luttes revendica ­ Cette politique vise à défendre des 33 intérêts de la bourgeoisie face aux accepter des sacrifices pour moderni­ contradictions auxquelles elle est ser nos entreprises, mettre la France confrontée. en situation de faire face à l’Europe de Les politiques économiques et les ges­ 1992, et qu ’on peut résoudre le pro­ tions capitalistes ont développé des blème des exclusions sociales à condi­ contradictions renouvelées dans tout tion d’organiser la solidarité (impli­ le monde capitaliste et de manière quant de nouveaux sacrifices pour les spécifique en France où elles ont salariés) ? conduit à un déclin et un affaiblisse­ ment particulier. des atouts Les stratégies d’accumulation des Nous avons des atouts sur lesquels groupes capitalistes exigent aujour­ nous pouvons nous appûyer pour d’hui la fabrication d’un grand marché organiser ce travail de conviction, au européen. Dans la guerre économique premier rang desquels il y a l’expé­ qui se développe, les groupes français rience des gens. La politique d’austé­ cherchent à pallier les conséquences rité qu ’on leur impose depuis des négatives des politiques de casse et années ne résout pas les difficultés. d’austérité qui ont affaibli nos atouts Elle permet l’accroissement des pro­ nationaux par un écrémage systémati­ fits qui sont utilisés non pas pour que des recherches, des capacités redresser emplois, salaires et produc­ humaines et des ressources financières tions nationales mais pour développer disponibles pour tenter d’élargir leurs les activités spéculatives stériles au débouchés extérieurs et les marges de détriment de la création de richesses et profit. Tout ce qui ne va pas dans son de la vie des populations. sens doit être sacrifié à cette recherche de rentabilisation des groupes domi­ Parce qu ’elle conduit à toujours plus nants : les productions nationales, les de gâchis du capital et d’enfoncement besoins sociaux, les fonds publics et de la France dans les difficultés, l’aus­ privés. Cet objectif appelle donc térité appelle toujours plus d’austé­ une mobilisation exceptionnelle des rité : c’est un trou sans fond. Cette hommes, des ressources nationales et expérience des Français a conduit à des institutions, et l’adhésion massive une sensibilité plus grande à certaines aux sacrifices et aux exclusions des propositions du programme défen­ sociales accrues qu ’il implique. dues par André Lajoinie. C’est notre deuxième atout. Nous avons sur la C’est le sens profond de la politique base de cette expérience des gens du gouvernement Rocard. contribué à faire naître des exigences sociales. Des luttes se sont dévelop­ pées autour de ces exigences et de ces plus que jamais les gens revendications. vont avoir besoin Par exemple, l’action engagée par les des communistes salariés de Michelin et leur syndicat pour se défendre C.G.T. pour obtenir 1 500 F d’aug­ mentation mensuelle a attiré l’atten­ Face à cette multiplication des mau­ tion de nombreux Français. Les com­ vais coups, comment allons-nous nous munistes y ont participé activement y prendre pour aider les gens à ne pas depuis le début. Dès l’automne der­ se laisser faire et à se rassembler nier, Philippe Herzog avait souligné autour d’exigences de progrès social ? au cours d’une réunion à Clermont- Comment convaincre largement que la Ferrand, qu ’au plan économique la promotion massive des hommes est la « rigueur » contre les salaires ne sert seule base possible du progrès écono­ en rien à développer le potentiel mique quand les patrons, l’Etat et les Michelin en France, mais essentielle­ élus à l’exception des communistes ment à investir à l’étranger et à servir expliquent tous les jours qu ’il faut des intérêts aux banques. Le mouve­ 34 ment lancé à l’issue de la consultation les gens se heurtent à des obstacles des salariés organisée par la C.G.T. réels. Leur point commun réside sans s’est renforcé de la confirmation fla­ doute dans la capacité de la bourgeoi­ grante de cette analyse. sie à semer des illusions pour mieux Alors que les communistes révélaient diviser les différentes catégories de qu ’un tiers des bénéfices de Michelin salariés et de populations, faire croire suffiraient à satisfaire la revendication aux uns qu ’ils gagneront à ses choix, des salariés, l’utilisation des nouveaux neutraliser le mécontentement des profits affichés en 1986, et plus autres en les isolant, et parvenir à encore en 1987, n’a pu que déchaîner imposer ses choix à tous. la colère des salariés : loin d’accroître Un obstacle de fond au développe­ salaires, qualifications et emplois, le ment des luttes et du rassemblement groupe a décidé d’accélérer les inves­ semble être l’opposition salaires- tissements en Corée du Sud et au emplois entretenue par le patronat et le Japon et d’accroître la flexibilité pour gouvernement. Cette opposition se augmenter ses marges de profit sur les nourrit de la bataille d’idées sur les marchés extérieurs. C’est-à-dire de thèmes de la modernisation et de la permettre à ses gros actionnaires de préparation à l’Europe de 1992. faire toujours plus d’argent, en affai­ blissant toujours plus l’atout national Au nom de la nécessité d’investir pour longtemps renommé dans le monde moderniser, la pression s’organise à la entier. fois contre les emplois et les salaires pour réduire les dépenses pour les Autre exemple, la bataille menée par hommes. Mais elle s’organise de les communistes dans des cités popu­ manière différenciée ; à ceux qui lut ­ laires pour aider tous ceux qui sont tent pour leurs salaires on répond par écrasés par les difficultés, écartés de le chantage à l’emploi, favorisé par la vie et de la société, à ne pas se l’extension des emplois précaires laisser faire. Dans l’action pour obte­ sous-payés. Et pour faire accepter les nir que l’argent disponible des caisses suppressions massives d’emplois, on des A.S.S.E.D.I.C. serve à financer fait miroiter aux victimes désignées des aides d’urgence aux plus démunis, compensations financières et instru ­ les communistes ont pris le parti d’ai­ ments de « reconversion », tandis der ces hommes et ces femmes à agir qu ’on présente aux salariés qui restent et non à subir, à s’organiser pour une perspective d’intéressement finan­ réclamer leurs droits plutôt qu ’à cier à la rentabilité accrue que permet­ s’installer dans la position d’assistés. tra le départ des autres. Avec la bataille pour l’élection prési­ dentielle, rien ne sera plus comme Autre obstacle de fond lié au précé­ avant dans ces quartiers : le combat dent : les illusions entretenues autour contre la pauvreté a connu une étape de la solidarité qui devient un thème nouvelle. Avec les communistes, les clef de l’Etat. Les transferts de charge plus démunis ont commencé à relever s’organisent dans les populations, la tête. ceux qui sont trompés et qui trouvent intérêt aux choix actuels alors qu ’ils L’impact de nos efforts pour faire en seront prochainement les victimes grandir l’expression des exigences sont appelés à financer ce qu ’on leur sociales n’est d’ailleurs sans doute pas présente comme une insertion sociale absent des raisons qui poussent gou­ des exclus. vernement et patronat à renouveler leur politique sur la même ligne de En réalité, il s’agit de permettre au fond d’attaque contre les hommes et patronat de réduire toujours plus les d’aide au patronat. dépenses pour les hommes dans les domaines de l’emploi et des salaires, de la formation et de la protection des obstacles sociale, afin de mobiliser toujours Cependant nos efforts pour rassembler plus de fonds publics et privés vers les politiques et les gestions qui étendent une autre utilisation de l’argent, afin le chômage et la pauvreté. d’imposer de créer des ressources, pour satisfaire les revendications et améliorer la vie. Contre les politiques quelques réflexions capitalistes de l’emploi, de la forma­ dans nos efforts tion et des salaires, qui sont les agents pour lever les obstacles principaux de la division des salariés et des familles, nous pourrions cons­ Comment dépasser ces obstacles ? truire des solidarités réelles conver­ Comment mener la bataille d’idées et geant en quelque sorte sur un carre­ construire les rapprochements et les four : la perspective d’utiliser les res­ solidarités qui sont au cœur de notre sources pour créer des emplois, élever politique ? les qualifications, offrir des forma­ tions pour tous, revaloriser les Sur la base de notre expérience, de la salaires, indissociable de l’exigence façon dont nous avons commencé à de création de richesses supplémen­ faire monter certaines exigences taires, avec des productions et des sociales, nous avons quelques pistes services utiles... » « ... Cette bataille de réflexion possibles. Nous avons pour la création d’emplois est une des commencé à essayer de souligner la vocations essentielles de notre politi­ convergence entre les problèmes des que régionale. Elle appelle des préci­ uns et des autres. André Lajoinie a sions. Dans la production comme défendu le S.M.I.C. à 6 000 F et dans toutes les activités sociales, les l’augmentation des salaires jusqu ’à investissements dits “immatériels” 9 000 F, non pas seulement pour des prennent une importance grandis ­ raisons de justice sociale évidentes sante : recherche, développement, mais aussi en montrant combien formation, information, organisation, c’était une condition indispensable de ingénierie, services commerciaux. la qualification et de l’efficacité des Sans ces dépenses on ne peut ni emplois, des conditions de production développer de nouveaux produits ni d’un pays moderne. Il n’a pas non moderniser les anciens. Une approche plus simplement indiqué qu ’il y avait étroitement industrielle, ou simple­ de l’argent pour financer cette propo ­ ment de filières, ne suffit plus. Les sition, mais aussi prouvé que c’était liaisons horizontales entre produc­ un usage beaucoup plus efficace des tions et services prennent de plus en fonds pour le pays et les besoins de plus d’importance. C’est une raison son peuple que l’utilisation qui en est supplémentaire pour réunir des cher­ faite par les stratégies des groupes cheurs, des éducateurs, des sala­ alimentant le cancer financier et riés. enfonçant la France dans le déclin. Nous pouvons aussi montrer que le Le développement de nos efforts pour renouvellement des sacrifices imposés traiter ensemble les problèmes des uns aux travailleurs au nom de la moderni­ et des autres et montrer que nos sation pour placer quelques groupes propositions cohérentes répondent aux français en état de dominer le grand besoins de tous peut s’enrichir de marché unique européen n’a rien à notre bataille pour une utilisation plus voir avec la compétitivité, en révélant efficace de l’argent. Comme l’a sou ­ les impasses nouvelles où condui­ ligné Philippe Herzog devant les raient ces nouveaux sacrifices. Les secrétaires des comités régionaux du suppressions et précarisations accrues P.C.F. : « Nous voulons unir sur les des emplois, les ponctions aggravées revendications sociales pour les faire sur le pouvoir d’achat, les rejets et aboutir. Cela bute sur la conscience exclusions sociales amplifiés, l’écré­ des salariés qui intègrent les concep­ mage par la bourgeoisie des élites, des tions du capital. Il nous faut donc amplifier et améliorer nos efforts pour 3. Rapport publié dans Economie et politique, juillet convaincre d’agir unis afin d’imposer 1988. salariés qualifiés et des atouts techno­ L’action auprès des A.S.S.E.D.I.C. logiques des entreprises et des régions pour obtenir l’utilisation des excé­ ne serviraient qu ’à mieux mobiliser dents des fonds sociaux est un pas que les ressources nationales pour accroî­ nous avons réussi à franchir qui en tre les profits des grandes fortunes et appelle sans doute d’autres pour rap­ des détenteurs de capitaux. procher les victimes de la pauvreté de Cette mobilisation extraordinaire de ceux qui luttent pour le développe­ moyens au détriment du développe­ ment de l’emploi, de la formation, des ment des formations massives, des salaires et des productions. emplois et des salaires, ne peuvent Notre bataille pour créer des emplois qu ’engendrer des contradictions apparaîtra dès lors pour ce qu ’elle est : accrues et aggraver les problèmes de la seule base possible pour créer les débouchés et d’efficacité. Déjà ressources nécessaires pour la pro­ Michelin, Peugeot ne répondent pas à gression durable des salaires pour la demande, du fait des sacrifices tous, pour le financement de la protec­ imposés à l’outil de production natio­ tion sociale pour tous, pour le déve­ nal. Ce n’est pas en formant quelques loppement d’un logement de qualité salariés à coups de fonds publics pour accessible à tous. pouvoir supprimer des milliers On mesure par ce contenu tout l’enjeu d’emplois supplémentaires et conti­ du rassemblement qui est à l’ordre du nuer à placer des liquidités à l’étranger jour de notre stratégie. Le Parti com­ et sur les marchés financiers qu ’ils muniste ouvre un avenir de progrès redresseront la production en quantité social et économique à la France et en qualité dans leurs établissements auquel des millions de gens peuvent en France. Et ce n’est pas en mobili­ être gagnés. Si cette exigence devient sant les fonds publics régionaux et massive dans notre pays, la question locaux pour financer ces choix que les de la nécessité du Parti communiste et élus de droite et socialistes de l’Au­ de son renforcement pour mettre en vergne ou de l’est de la France redres­ œuvre cette politique de progrès social seront l’emploi, le progrès social et la sera également posée massivement. croissance économique dans leur région. Cette bataille d’idées sur la question centrale de l’utilisation plus efficace des ressources pour développer l’emploi, les salaires et la vie des gens nous permet aussi de dépasser les idées ambivalantes développées par le gouvernement et le patronat autour du thème de la solidarité. Notre bataille pour mobiliser les fonds dans les entreprises et les régions comme au plan national afin de les réorienter vers le développement des emplois et des salaires pour produire plus et mieux répond aux oppositions entretenues entre salariés ayant un emploi stable et salariés au chômage ou en situation précaire, entre jeunes et salariés sélectionnés pour accéder à la formation élitiste et la masse des autres qui en sont exclus. C’est la seule voie pour réussir l’insertion sociale durable de toute la population au niveau d’un pays moderne. c.n.p.f.

antoine riboud : comment changer pour que tout demeure

alain obadia*

Publié dès l’origine en livre de poche, la recherche et de l’introduction du c’est-à-dire pour une diffusion de progrès scientifique et technologique, masse, le rapport Riboud constitue un s’intégrant dans la recherche d’un élément important de la stratégie du consensus plus vaste autour de l’entre­ grand capital dans la période présente. prise, de ses orientations, de ses Dès sa sortie, les communistes l’ont valeurs, bref autour de la gestion considéré comme tel. En effet, capitaliste. contrairement à ce que toute une série Au fil des mois, les faits ont confirmé d’articles de presse voulaient faire notre appréciation. apparaître avec complaisance, ce rap­ port n’est nullement le fait d’un patron La modernisation a été l’un des « moderniste » isolé d’un C.N.P.F. thèmes principaux de la campagne qu ’il voudrait bousculer dans le sens présidentielle, avec la formation et du « dialogue social ». Au contraire, l’Europe, pour toutes les forces politi­ il constitue une synthèse réfléchie ques s’inscrivant dans la restructura­ pour permettre au grand patronat tion de la société et la recomposition d’infléchir l’orientation de son action du paysage politique. Et elle l’a été en sur la question de l’introduction du s’inspirant largement de l’approche du progrès technologique et de la moder­ rapport. nisation. En même temps, la publication de celui-ci a visiblement déclenché dans Au plan politique, il faut rappeler que les entreprises des réflexions de la part ce rapport a été commandé il y a des directions. Celles-ci ont entamé environ un an par Jacques Chirac, un début de mise en œuvre visant à alors premier ministre, à un ami développer l’intégration des travail ­ notoire de François Mitterrand. C’est leurs aux objectifs patronaux sur ces dire que dans le processus même de sa questions. conception, ce rapport visait à créer Cela montre que si le rapport Riboud les conditions d’un consensus fort sur les questions de la modernisation, de * Membre du Comité central du P.C.F. « Modernisation, mode d’emploi », le rapport d’Antoine Riboud, président de B.S.N., se présente comme une série de réponses du grand patronat aux problèmes de l’entreprise aujourd ’hui. Voyons ce qu’elles recouvrent réellement.

joue un rôle évident dans la bataille C’est le constat de l’inadaptation de la idéologique il ne peut se réduire à stratégie du capital en matière de cette seule dimension. Il se fonde sur modernisation. C’est bien la reconnais ­ des contradictions lourdes de la ges ­ sance de questions graves que les tion capitaliste, il vise à structurer une communistes au plan politique, la stratégie de réponse du grand capital à C.G.T. au plan syndical mettent en ces problèmes. Il convient donc de lumière depuis des années ; « dysfonc­ l’analyser sérieusement pour y répon­ tionnements » dans l’entreprise, dans dre au mieux des intérêts du monde du le procès de travail induits par une mise travail. Et cela, du double point de en œuvre des technologies nouvelles vue de notre stratégie : créer les obéissant au seul impératif de profit ; conditions de l’union pour se défen­ impossibilité, à partir de là, de mettre dre, créer les conditions de l’union en œuvre le potentiel de compétences, pour le changement. de qualifications des salariés alors que c’est pourtant indispensable. Ce qui conduit à une importante inefficacité un aveu relative de l’investissement en capital aggravant les gâchis massifs pour la Le rapport Riboud part d’une expé­ collectivité et l’économie induits par rience. Il prend en compte des pro­ les autres éléments de la gestion capita­ blèmes réels, objectifs, ressentis par liste. Bref, le rapport Riboud part de la tous les acteurs de la vie économique contradiction capitaliste entre le travail et sociale dans l’entreprise : ouvriers, mort et le travail vivant. employés, ingénieurs, techniciens, chercheurs, enseignants, patrons eux- Bien sûr, il n’a pas pour objet de mêmes. Il repose donc sur des élé­ dépasser cette contradiction de la ments tangibles, vécus, et peut ainsi seule manière qui vaille, c’est-à-dire avoir d’autant plus d’impact. en mettant en cause la gestion capita­ Son point de départ c’est bien le liste, au contraire il tente de l’aména­ constat d’un échec. ger pour sauvegarder l’essentiel.

39 des constats — Constat d’une rupture « dans l’identité au travail du fait de la L’objectif essentiel affirmé dès le disparition graduelle du rapport de début du rapport est « qu ’on ne réussit l’ouvrier à la matière travaillée ». Ce le changement technologique et plus qui conduit à prôner l’invention d’une largement on ne réussit économique­ nouvelle pédagogie en renonçant aux ment que si on réussit avec les techniques d’exclusion et de sélection hommes ». Le maître mot des objec­ et en prenant en compte « l’expé­ tifs présentés est celui de convaincre. rience professionnelle et individuelle « Convaincre les entreprises d’accep­ pour construire le savoir théorique à ter l’innovation permanente en y pré­ partir des pratiques empiriques ». parant les hommes, convaincre les La formation doit « apprendre à com­ entreprises françaises que leur gestion prendre et apprendre à échanger ». doit être différente de ce qu ’elle était C’est pour cela que l’accent est mis il y a dix ans. » sur la nécessité de liens de partenariat Suit un constat qui est familier pour entre l’éducation nationale et l’entre­ les communistes puisque nous en prise. avons été porteurs les premiers : Et le rapport en arrive à quelques — Constat de la crise du « taylo­ propositions. risme » ainsi que de la nécessité de reconstituer de nouveaux savoir-faire ouvriers plus abstraits et plus com­ le sens d’une certaine plexes en conservant une continuité remise en question avec les savoir-faire anciens. — Critique en règle de la recherche de Il faut penser solidairement « le chan­ la « productivité apparente » porteuse gement technologique, le contenu du de gâchis et de dysfonctionnements travail et le changement des rapports face à laquelle ils préfèrent promou­ sociaux internes à l’entreprise ». Il voir une conception de « la producti­ reconnaît « la nécessité de transpa­ vité globale » qui intègre la mesure de rence et d’information sur la méthode révolution des coûts de chacun des d’introduction des nouvelles technolo­ facteurs : main-d’œuvre, coût maté­ gies et ses répercussions ». riel direct et indirect, amortissements. Il propose l’information beaucoup — Affirmation nette « qu ’il n’y a pas plus en amont du processus « pour de déterminisme technologique », créer la motivation et surmonter les « que le plus nouveau dans le change­ antagonismes ». ment technologique contemporain Il préconise de penser à de nouvelles c’est qu ’il change le travail de carrières ouvrières en intégrant l’homme », « d’où le besoin d’une l’ancienneté et en évitant l’individua­ culture scientifique et technique géné­ lisation au mérite jusqu ’à des niveaux rale des salariés ». de salaire valant deux fois le S.M.LC. Le rapport conseille même de « res­ pecter mieux les salariés dans leur Il préconise aussi l’institution de être et dans leur savoir en reconnais­ bilans professionnels permettant à sant pour chaque travailleur les aspi­ chaque salarié d’évaluer sa qualifica­ rations à progresser dans son travail tion ou bien la mise en œuvre d’une ainsi que celles de gagner plus », « il « ingénierie pédagogique » qui serait faut donc partager les gains de la une aide par l’Etat à la conception et à productivité dite "globale” qui est l’animation des actions de formation. tout entière dans la qualité du nou­ Il prône la constitution d’un tissu de veau rapport homme-machine, capi­ solidarité entre P.M.I. et grandes tal-travail », car aujourd ’hui « la entreprises. Bref, ce rapport remet en motivation des hommes est la condi­ cause les thèmes patronaux dominants tion sine qua non de l’efficacité et de de la période précédente. Le « mythe la rentabilité ». des nouvelles technologies destruc­ trices d’emplois », une « vision som­ sienne ». D’ailleurs, dans le groupe maire de la productivité : plus de B.S.N., chez Gervais-Danone en par­ machines et moins d’emplois », ticulier, des gâchis d’investissements « l’indicateur le plus utilisé pour massifs ont été constatés. mesurer la productivité est un ratio de productivité apparente du travail exprimé en nombre de pièces ou de plus de consensus tonnes par homme et par an, on ne pour plus de profit peut plus raisonner aujourd ’hui en ces termes » affirme-t-il. C’est un aveu de Mais comme on l’a dit plus haut, le taille. Les anciens critères capitalistes rapport Riboud, s’il vise à formuler de mesure de la productivité ne sont des problèmes et des aspirations qui plus adaptés à la mise en œuvre des ne peuvent plus être passés sous nouvelles technologies. silence car ils sont autant d’obstacles décisifs à la politique patronale, a Mais nous aurions tort de penser que pour seul objectif de surmonter les uns le rapport Riboud découvre cette réa­ et de canaliser les autres dans le sens lité. Cela fait déjà plusieurs années de l’intégration et du consensus afin que le patronat constate ces contradic­ de revenir à un optimum de profit et à tions. Confronté à la résistance des une régression des luttes. travailleurs, confronté à la montée de leurs aspirations nouvelles il est En effet, le principe de la recherche de conduit à faire lui-même le constat la rentabilité financière est partout d’une réorientation nécessaire de son présent, et c’est ce qui guide toutes ses approche. D’ailleurs de nombreux tra­ propositions. Il affirme avec clarté vaux scientifiques avaient mis en que l’industrie « n’obéit plus aux lois avant et dans ce domaine précis les du produit mais à celles du marché ». phénomènes de dérèglements pro­ Tout au long du livre la compétitivité fonds des mécanismes de la gestion est présentée comme la qualité indis­ capitaliste. pensable de tout produit de l’entre­ prise, cette dernière étant elle-même Je veux citer entre autres, et parce un ensemble collectif au-dessus de qu ’ils sont très significatifs, les résul ­ toutes les autres formes d’organisation tats publiés par un numéro encore sociale. récent des Annales des Mines intitulé C’est ainsi qu ’il présente la France Pour une automatisation raisonnable comme placée « dans un contexte de de l’industrie qui met en avant avec marchés récessifs et de handicaps clarté et de manière très concrète à concurrentiels » dans lesquels il partir d’enquêtes sur le terrain la réa­ classe les coûts salariaux et le temps lité des dysfonctionnements graves de travail. Il indique qu ’il faut « insuf­ qui posent des problèmes y compris de fler de l’esprit d’entreprise au service rentabilité au patronat. public et insuffler un esprit de planifi­ Dans un numéro de l’Usine nouvelle cation aux entreprises ». du mois de mars dernier, un expert Il faut que les entreprises « aient le interviewé par le journaliste menant courage d’aller au bout de leur logi­ l’enquête affirmait « que les entre­ que d’ajustement » (sous entendu prises qui ont réussi à mettre en œuvre d’emploi) car « on ne peut à la fois avec un réel succès et à une échelle investir et garantir l’emploi quel que significative les nouvelles technolo­ soit l’état de marché. C’est malheu­ gies constituent une minorité ». reusement une loi économique incon­ Cette prise de conscience a été induite tournable ». par des éléments tels que le phéno­ mène des pannes et ses conséquences intégration poussée multiples. aux objectifs du patronat Le même article affirmait « que le retour sur investissement joue l’arlé- Et puis, les grandes formules 41 employées sur la nécessité de l’infor­ eux de décider, nous avons montré ci- mation, du dialogue, de la participa­ dessus que cela était le domaine tion, trouvent rapidement une limite réservé de l’échelon stratégique. Dès infranchissable mais combien déter­ lors, on comprend mieux les efforts minante. considérables sur le terrain de l’inté­ Qu ’on en juge : le rapport précise que gration et du consensus que vise à « dans une grande entreprise la pro­ développer le rapport Riboud. cédure de prise de décisions stratégi­ On le comprend d’ailleurs parfaite­ ques doit être centralisée. » « Les ment en voyant comment les proposi ­ décisions doivent se prendre au sein tions de ce rapport sont considérées d’une équipe amicale restreinte, dont comme centrales par le patronat au les talents sont reconnus par toute niveau des discussions ouvertes avec l’entreprise autour d’un patron dont les syndicats en mai dernier. l’autorité n’est pas discutée. » « L’entrepreneur est seul pour risquer et décider. » Bref, on peut discuter un enjeu des luttes des modalités mais jamais de l’essen­ La namre de la réorientation de la tiel : les objectifs, les finalités, les stratégie du patronat sur la modernisa­ orientations, les moyens. tion nous montre dans quelle voie De la même manière, si le rapport nous devons intervenir pour favoriser Riboud va plus loin que les remises en le rassemblement dans l’action pour cause du taylorisme de la période faire avancer des objectifs sociaux et précédente qui consistaient à simple­ économiques de progrès. ment s’attaquer à la dimension organi­ Le rapport Riboud montre au total très sationnelle des gâchis sans mettre en clairement la difficulté du grand capi­ cause les critères de productivité appa­ tal à faire face à la contradiction entre rente du travail, il s’arrête évidem­ les caractéristiques nouvelles qui mar­ ment en chemin. Loin de retourner ou quent l’évolution des forces produc­ de renverser ces critères, il se contente tives et les vieux rapports de produc­ en effet de les compléter en élargissant tions fondés sur l’exploitation et le par exemple la recherche de suppres­ profit. Il reconnaît de fait les aspira­ sions d’emplois possibles aux emplois tions profondes des salariés à la démo­ non productifs autrefois considérés cratie à tous les niveaux dans le comme fixes. processus de travail. Il est contraint de De la même manière, même s’il consi­ prendre acte que les luttes des travail ­ dère qu ’il faut mobiliser les hommes leurs sur ce terrain dans l’approche pour l’efficacité de l’entreprise et qu ’il des technologies nouvelles ont marqué faut développer la formation, il ne va des points. Mais bien sûr il vise à pas jusqu ’à remettre en cause les trois organiser la réponse capitaliste pour étages de la « hiérarchie de l’intelli­ contourner ces phénomènes et gence », « les opérateurs de base dévoyer ces aspirations. C’est pour­ ouvriers et employés doivent désor­ quoi l’attitude des communistes dans mais comprendre la logique de fonc­ l’animation de l’action doit être tout à tionnement des machines qu ’ils utili­ la fois empreinte de lucidité et d’au­ sent, ils ont donc besoin d’une culture dace. technique. » Lucidité face au discours patronal et Les techniciens et les cadres doivent gouvernemental qui va se développer eux aussi « s’adapter aux change­ sur ces questions. Audace quant à la ments d’organisation du travail » et nécessité d’investir encore plus en recevoir une formation psychosociolo­ terme de lutte ce terrain. gique pour savoir « animer, motiver, Comme le précise le programme du former et convaincre d’adopter de Parti communiste ; Il faut « privilé­ nouveaux comportements ». gier les choix technologiques qui Par contre, il n’est pas question pour visent à alléger et qualifier le travail. à favoriser la communication entre les dans de nombreux domaines (emploi, hommes, les progrès humains et la salaires, protection sociale, mais aussi production. » « Faire progresser conditions de vie, logement, forma­ l’indépendance technologique de tion initiale et continue, transport, notre pays et l’ouvrir à de nouvelles culture, etc.), confirme que les pro­ coopérations internationales. » blèmes les plus essentiels posés dès Cela signifie que loin de craindre les lors qu ’on parle de modernisation sont avancées technologiques et leurs aspi­ ceux des finalités recherchées et des rations nous considérons qu ’elles peu ­ critères de gestion et de décision mis vent être des facteurs décisifs pour le en œuvre. progrès de l’humanité mais qu ’à Par exemple la question de l’emploi l’inverse rien ne le garantit mécani­ est directement liée à celle des objec­ quement. tifs de croissance de l’entreprise : Comme l’indique René Le Guen dans moderniser pour produire plus, ou son livre Mutations et révolution , en pour diversifier les produits, bref pour parlant de la révolution scientifique et satisfaire les besoins, pour conquérir technique : « Il ne s’agit pas d’un des débouchés d’abord en France mais simple changement mais d’une trans­ aussi au plan international dans le formation radicale dans les rapports cadre de coopérations positives, voilà de l’homme avec la technologie, les ce qui est de nature à maintenir et moyens de production. » même à développer l’emploi tout en générant un phénomène d’augmenta­ Il dit plus loin que : « Les relations de tion de la qualification. l’homme à l’outil, de l’homme à la matière, à ses besoins matériels et Et cela s’oppose aux gestions domi­ culturels, à lui-même, à la société et nantes privilégiant les investissements au monde, changent. C’est cette ten­ technologiques pour supprimer des dance au bouleversement des rapports emplois. dont l’homme est le centre qui fait que Oui, l’idée suivant laquelle les proces­ nous ne sommes plus dans une période sus de modernisation doivent se tra­ assimilable à la révolution indus­ duire au bout du compte par un solde trielle, mais au début d’une nouvelle d’emploi positif est bien un axe de révolution, la révolution scientifique lutte réaliste et porteur de transforma­ et technologique. » tions puisqu ’il oblige à se situer dans une optique de développement et de progrès social créations d’activités dans la produc­ tion et les services utiles. Elle donne et développement d’ailleurs une dimension dynamique à économique la revendication toujours fondée de refuser tout licenciement sans reclas­ La conclusion politique est que tout sement réel préalable. repose sur les batailles que le mouve­ C’est dans ce cadre que nous appré­ ment populaire est capable de mener hendons toutes les autres dimensions sur les objectifs et les moyens assignés de la question ; organisation nouvelle à la modernisation en lien direct avec du travail, notamment dans sa dimen­ les orientations de gestion des entre­ sion collective et démocratique, et en prises. prenant en compte les rapports nou­ Cette intervention est d’autant plus veaux eux aussi du travail intellectuel importante que l’enjeu au cœur des et des tâches productives, le contenu mutations est de prendre appui sur le des différentes tâches, la transforma­ progrès social, sur la satisfaction des tion du rôle de l’encadrement et de la besoins, comme le moteur du déve­ maîtrise, les rapports avec les fonc­ loppement économique. Cette exi­ tions de conception et d’études. Et gence qu ’expriment de plus en plus bien sûr les conditions de travail mais fortement les luttes qui se développent aussi les relations entre qualifications et rémunérations, le positionnement dans les grilles, le déroulement de carrière, la formation continue, les relations entre les grandes entreprises et les la nécessité de porter l’effort de recherche de grandes entre­ prises à 5 % de leur chiffre d’affaires, le renforcement des liens entre recherche, enseignement supérieur et production, la mise en place de cen­ tres techniques et scientifiques sur des bases régionales autour de projets industriels. Bref, nous ne nous laisserons pas payer de mots, nous devons nous battre sur le terrain en faisant vivre concrètement, au quotidien, les orien­ tations transformatrices qui sont les nôtres. Les motivations profondes qui sont à l’origine du rapport Riboud montrent que les possibilités existent de pro­ gresser largement dans ce sens.

messloon Editions sociales

Le syndicalisme de classe

Jean Magniadas

90F

146, me du Fg-Poissonnière 75010 Paris l’intégralité du 26^ congrès du p.c.f.

Le n° de décembre 1987-janvier 1988 des Cahiers du commu­ nisme est entièrement consacré aux travaux du 26® Congrès du Parti communiste français qui s’est tenu à l’Ile-Saint-Denis du 2 au 6 décembre 1987. Cet ouvrage de 512 pages relate la totalité des travaux ; • Le rapport de Georges Marchais, secrétaire général du Parti. • Les interventions des soixante-deux délégués qui sont interve­ nus et les vingt-deux non prononcées faute de temps. • Les rapports des commissions ; mandats et finances du Parti. • Le rapport de la Commission de la résolution, Jean-Claude Gayssot. • La résolution adoptée. • Le rapport de la Commission des candidatures, René Piquet. • Les organismes de direction du Parti élus. • Les interventions des treize représentants de délégations étran­ gères. • Les messages adressés au Congrès. Instrument de travail actuel et durable, cet ouvrage doit être mis à disposition de tout responsable de cellule, section et fédération.

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45 p.c.f. voir grand pour le renforcement du parti communiste mireille elmalan*

Le Parti communiste est en bonne ce qui commence santé. Il sort raffermi et renforcé des campagnes électorales que nous à bouger venons de vivre. Les adhésions que nous avons réali­ L’objectif des forces de la bourgeoisie sées sont le fruit d’un travail politique était de nous éliminer, pour mieux intense, d’une rencontre des commu­ recomposer le paysage politique dans nistes avec les gens pour leur faire notre pays. La remontée de l’influence connaître nos propositions et les faire du Parti communiste et son renforce­ soutenir, les rassembler pour une autre ment en nombre d’adhérents signifient politique. C’est le fruit d’un début de un démenti cinglant à tous ceux qui pratique politique nouvelle qui fait de nous avaient déjà enterrés. chaque communiste un artisan du succès. C’est le fruit du travail Lors de notre 26® Congrès, nous indi­ d’explication que nous menons pour quions « avoir enrayé le recul des montrer que la situation que nous ejfectifs » , et le bilan de l’année 1987 connaissons dans notre pays n’est pas avait marqué un début de remontée. fatale, qu ’une autre politique est pos­ sible. Aujourd ’hui, avec plus de 43 000 adhésions nouvelles, soit le double Nous avons fait bouger des cons­ qu ’en 1986 et le triple qu ’en 1987 à la ciences. même date, avec de nombreuses fédé­ Les propositions contenues dans notre rations qui ont déjà dépassé leurs programme comme le S.M.I.C. à effectifs 1987, nous pouvons dire avec 6 000 F, l’augmentation du pouvoir certitude que nous dépasserons le d’achat des salaires jusqu ’à 9 000 F, nombre de communistes de 1987. Ce les 3 000 F minimum pour les sont des objectifs ambitieux de pro­ familles, les personnes seules et les gression qui doivent être partout déter­ minés, avec tous les efforts que cela * Membre du Comité central du P.C.F., membre de la implique. Commission nationale d’organisation. Nous l’avions dit, le résultat du P.C.F. à l’élection présidentielle ne traduisait pas son influence réelle, ni électoralement, ni dans la société. Depuis le 26® Congrès, la stratégie, la politique,les propositions formulées pendant la campagne électorale et la participation des communistes aux luttes récentes traduisent une cohésion, une unité et une activité plus grandes qui commencent à se concrétiser dans l’influence du P.C.F.

couples sans ressources, le prélève­ sans relâche. Ces jeunes ont fait le ment de 40 milliards du budget de choix, conscients de leur engagement, surarmement pour l’école et la du seul parti politique qui soit pour le recherche civile... sont devenues des changement, pour une nouvelle politi­ revendications qui suscitent de nom­ que d’union. breuses luttes dans le pays. Les adhésions nouvelles, ce sont éga ­ Beaucoup de nouveaux communistes lement de nombreuses femmes qui ont adhéré sur la base de ces revendi­ refusent les inégalités de salaires, les cations, pour une politique de progrès atteintes à la dignité, à la liberté. Seuls social. Ils ont adhéré à un parti révolu­ les communistes leur permettent de tionnaire qui veut rassembler dans les prendre la parole, de dire tout haut ce luttes pour obtenir des résultats immé­ qu ’elles ont dans la tête, d’agir pour la diats et concrets, rassembler pour une justice, la dignité, la solidarité pour autre politique, pour changer la leur libération. société. Ce sont également, et c’est un fait nouveau, des enseignants, des créa­ intéressants teurs, des chercheurs, qui rejoignent et prometteurs en nombre plus élevé les rangs de notre parti. C’est ainsi que de nombreux jeunes ont donné leur adhésion au P.C.F. Ils Là encore il s’agit d’un démenti cin­ sont 70 % de moins de 30 ans, sur les glant aux têtes pensantes du confor­ 43 000, qui se sont engagés avec les misme officiel qui affirmaient que communistes pour les salaires, « l’engagement » c’est fini, que l’emploi, le pouvoir d’achat, mais « l’intellectuel ne saurait se renier, aussi plus largement pour des valeurs donner un chèque en blanc à qui que de solidarité, de fraternité au sens le ce soit pour qu ’on utilise sa signature, plus vaste, pour la paix. Ces valeurs, en raison d’une adhésion globale à un nous sommes les seuls à les défendre parti ». Ce sont là des phénomènes intéres­ l’action. Notre démarche vise à faire sants et prometteurs. des gens eux-mêmes les décideurs, les Nous n’avons pu mesurer l’impact acteurs du changement. réel de notre nouvelle pratique politi­ Le rassemblement des forces popu­ que au soir de l’élection présiden­ laires nécessite que notre parti joue tielle, compte tenu du caractère même tout son rôle d’avant-garde. Il s’agit de cette élection. Mais nous avons dit de conduire en permanence, en liaison que les résultats de notre parti ne avec l’organisation de l’action, une traduisaient pas notre influence réelle, intense bataille politique et idéologi­ ni dans la société, ni électoralement^ que, sur les causes de leurs difficultés, Les gains de notre parti lors des sur la possibilité d’une autre politique, élections législatives, plus 700 000 sur la nécessité de l’activité du parti voix, en sont la démonstration communiste. concrète, et les 43 000 adhésions un « Montrer, dans les faits, le rôle élément indissociable. quotidien et actif des travailleurs, des Nous pouvons mieux mesurer l’effica­ citoyens, quand, de toute part, on ne cité de notre travail d’explication et parle que de “fatalité ”, de résigna­ son caractère durable. tion ; attacher indissolublement la politique à la vie même des gens — Des rapports féconds se sont créés leurs difficultés, leurs colères, leurs entre les communistes et les gens, espoirs — quand, partout ailleurs, on nous avons été mieux entendus et se goberge dans les délices de la mieux compris dans notre action sans “petite phrase ” politicienne ; ouvrir relâche pour unir, rassembler, obtenir au plus près des problèmes et des des résultats pour les travailleurs, intéressés le dialogue, dans lequel transformer la société française. Le notre parti écoute, propose, unit ; nombre de gens qui tournent leur favoriser les luttes les plus larges, les regard vers les communistes, qui veu ­ plus efficaces sur tous les terrains lent agir pour la justice, la liberté, la pour s’opposer aux mauvais coups du paix, grandit. capital et arracher des résultats : telle est notre démarche, tel est le rôle le rôle décisif irremplaçable de notre parti, de cha­ du mouvement populaire que cellule, de chaque adhérent. .. C’est pourquoi la quantité et la qualité Le parti, son influence, sa force doi­ des liens que nous tissons avec les vent être posés comme partie inté­ gens sont décisives. grante du rapport des forces dans le Cette démarche a obtenu de premiers pays. résultats que nous pouvons encore Nombreux sont ceux qui comprennent faire fructifier. mieux la nécessité d’un Parti commu­ niste plus fort pour agir, rassembler un objectif ambitieux les forces populaires, les forces de gauche pour une autre politique. mais réaliste C’est le résultat du début de mise Les salariés, les femmes, les jeunes en œuvre de la stratégie que nous ont besoin d’un parti communiste plus avons élaborée démocratiquement fort, toujours plus présent avec ses pour ouvrir une issue positive ; le rôle cellules sur le terrain pour aider aux décisif doit revenir au mouvement initiatives, faire vivre notre pro­ populaire. Le renforcement en in­ gramme de justice, de liberté et de fluence et en force organisée de notre paix. parti est le résultat d’un dialogue franc et constructif avec les gens pour met­ 1. Voir à ce propos le numéro de mai-juin des Cahiers tre au point avec eux les solutions qui du communisme. permettent de se rassembler dans 2. Jean Claude Gayssot, l’Humanité, 17 juin 1988. La situation politique nous incite à être offensif, à poser avec audace la question du renforcement du Parti. Notre objectif est de réaliser 70 000 adhésions pour l’année 1988 ; c’est messloon possible. Editions sociales Une question importante nous est posée, c’est l’intégration de tous ces nouveaux adhérents à la vie du Parti. Nombreux sont ceux qui depuis leur adhésion sont de plain-pied dans Mutations l’activité militante, mais nous ne et révolution devons laisser aucun adhérent sur la touche. Chaque communiste avec sa personnalité, tel qu ’il est, doit être aidé afin d’être en mesure selon ses René Le Guen possibilités et ses capacités de partici­ per pleinement à la vie du Parti. Un effort d’information, de formation doit être fait dans chaque cellule, 95 F section, fédération, pour l’éducation théorique et la formation permanente de tous les communistes. C’est indispensable pour que chacun 146, rue du Fg-Poissonnière maîtrise toujours mieux notre politi­ 75010 Paris que et soit acteur, animateur des batailles qui nous attendent et parti­ cipe au renforcement de son parti. Renforcer le Parti communiste c’est en effet l’affaire de tous les commu­ nistes. Les prochaines fêtes du Parti en juillet et en août, mais également la fête de messioon l’Humanité 1988 seront des moments Editions sociales forts pour le renforcement du Parti. Nous avons l’ambition de réaliser 10 000 adhésions à la fête de l’Huma­ nité. La France Pour y parvenir, des mesures d’orga­ peut se ressaisir nisation doivent être prises. Mettre de nombreux communistes sur le terrain pour démultiplier les contacts, les discussions, pour qu ’à leur tour des milliers d’hommes, de Philippe Herzog femmes deviennent communistes. Là est la clef. Avec le résultat des élections, les 43 000 nouvelles adhésions au 120 F P.C.F., de nouvelles perspectives nous sont ouvertes pour faire de 1988 une année marquante du renforcement du Parti communiste français. 146, rue du Fg-Poissonnière 75010 Paris paix et désarmement rencontres, dialogues, accords des développements internationaux favorables, des luttes à renforcer

Jacques dénis Nombreux sont les événements internationaux qui ont marqué favorablement ce printemps 1988. Ainsi, dans la toute dernière période, le sommet soviéto-américain de Moscou, l’accord sur l’Afghanistan, la 3® session spéciale de l’O.N.U. pour le désarmement. rencontres, dialogues, accords des développements internationaux favorables, des luttes à renforcer

La rencontre Reagan-Gorbatchev de vée à la nouvelle rencontre Gorbat­ Moscou, l’accord sur l’Afghanistan chev-Reagan, dans la capitale soviéti­ signé à Genève, la troisième session que cette fois. spéciale de l’O.N.U. consacrée au Par ses résultats, et j’y reviendrai. Par désarmement (et bien d’autres) confir­ la démarche qu ’elle affirme. Même ment décidément les progrès des rap­ ceux qui, spécialement en France, ont ports internationaux dans le sens ana­ cherché à en minimiser la significa­ lysé par le 26® Congrès du P.C.F. à tion, doivent reconnaître l’importance propos de la question fondamentale du de la pratique nouvelle ainsi instaurée. désarmement : « Les exigences de Etait-elle imaginable, il y a seulement désarmement se sont amplifiées dans quelques années, pendant la prési­ l’opinion publique mondiale... » « Le dence de Ronald Reagan, l’auteur de désarmement est la seule réponse per­ la thèse de « l’empire du mal » : mettant la survie de l’humanité, non quatre rencontres de ce niveau en trois seulement en un sens négatif parce ans, préparées par vingt-sept rencon­ qu ’il empêche la mort de celle-ci, tres des ministres des Affaires étran­ mais en un sens positif parce qu ’il gères et, pour la première fois, des appelle un changement de l’ensemble négociations entre ministres de la des relations internationales, de Défense ? Il est question d’une cin­ l’ensemble des manières d’aborder les quième rencontre avant la fin du man­ problèmes de notre époque... » « Une dat du président américain. Lui-même telle situation ne peut que contribuer à a dit sa conviction que son successeur, la résolution pacifique des conflits en quel qu ’il soit, à la tête du plus cours qui endeuillent tant de peu­ puissant Etat impérialiste du monde, ples. .. » « L’Union soviétique a opéré persévérera. depuis 1985 un véritable changement d’optique. A sa démarche antérieure, La rencontre de Moscou met bien en qui lui faisait avancer des proposi­ évidence la continuité et l’intensité du tions de limitation des armes processus. nucléaires dans le cadre d’un équili­ Celui-ci, jalonné par la première ren­ bre de ces armes, elle a substitué une contre à Genève (novembre 1985), action dynamique qui se donne pour Reykjavik (octobre 1986), Washing­ objectif d’aboutir à un arrêt réel de la ton (décembre 1987) et maintenant course à la mort. Moscou (29 mai-2 juin 1988) n’a pas été (et ne reste pas) sans difficultés. La lutte de classe internationale, la la portée des rencontres présence et le rôle de forces sociales et reagan-gorbatchev 1. Georges Marchais, rapport au 26* Congés du P.C.F., n° des Cahiers au communisme, décembre Une place particulière doit être réser- 1987-janvier 1988, pp. 18 à 20.

52 Jacques dénis*

politiques intéressées à la course aux songe un instant à ce qui aurait pu se armements et à la tension sont des produire si on avait continué dans une réalités. L’impérialisme ne se résigne spirale qui risquait d’entraîner, pas aisément à tenir compte des nou­ d’escalade en escalade, vers l’abîme. velles données de la situation. C’est ce début de modification des Mais celles-ci sont là, et bien là. choses qu ’a traduit la rencontre de Moscou, en faisant le bilan des acquis D’autant plus que les années 80 sont et en travaillant sur l’avenir. Tout celles de l’affirmation, plus cons­ ciente, plus active, plus universelle de naturellement, étant donnés les enjeux — et les orientations différentes — cette force capitale : l’opinion publi­ bien des désaccords importants appa­ que, l’intervention du mouvement raissent. Mais de nouvelles ententes populaire pour la paix. sont réalisées et de nouveaux progrès Ce contexte éclaire le pourquoi d’un mis à l’ordre du jour. plus grand réalisme. Il a été de bon ton en France de La déclaration finale adoptée à Mos­ ramener ce sommet à une affaire ne cou résume ainsi les fondements de concernant que les « deux superpuis­ l’approche nouvelle : la guerre sances ». Mais écarter le danger de nucléaire ne peut être gagnée et elle ne guerre, réduire les armements de toute doit jamais être déclenchée ; empê­ nature, résoudre les conflits régio ­ cher toute guerre, nucléaire ou naux, promouvoir les droits de conventionnelle, entre les deux par­ l’homme partout dans le monde, déve­ ties ; renoncer à toute intention de lopper les coopérations, autant s’assurer une suprématie militaire ; d’objectifs qui concernent tous les efficacité du dialogue politique pour peuples, y compris le nôtre. Tout pas régler les questions d’intérêt commun en avant sur ces problèmes majeurs ne qui suscitent la préoccupation récipro­ peut que favoriser des ententes plus que ; sans minimiser les dissem­ larges. Cela ne fait que davantage blances de l’histoire, des traditions et ressortir ce que notre propre pays, de l’idéologie, poursuivre ce dialogue membre permanent du Conseil de réaliste en vue d’atteindre des résultats sécurité de l’O.N.U., pourrait, devrait concrets non seulement pour les pro­ faire pour sa part, et c’est à quoi le blèmes du présent mais ceux de P.C.F. entend contribuer en exposant demain et du siècle suivant. dans son programme ses propositions Il y a dans tout cela des avancées de lutte en vue d’une France active en conceptuelles allant dans le sens d’une faveur du désarmement, pour zéro « démilitarisation » des rapports inter­ arme nucléaire en l’an 2000, pour des nationaux. La portée de ce qui * Membre du Comité central du P.C.F., responsable s’amorce ainsi est évidente quand on adjoint de la section de politique extérieure. initiatives afin que Paris devienne même de mesurer les dangers d’une capitale de la paix, pour le succès de conception de la sécurité fondée prin­ la Conférence de Vienne sur la sécu­ cipalement sur le facteur militaire. rité et la coopération européenne où A ce point, il convient de signaler le tous les Etats du continent sont repré­ caractère non négligeable des autres sentés. accords conclus à Moscou : sur l’expérimentation en commun de sys­ un précédent tèmes de contrôle des essais nucléaires, en vue de parvenir à la démonstratif cessation totale de ceux-ci, laquelle Les questions du désarmement ont cessation, dit le communiqué, « serait occupé une place centrale dans le un élément du processus ejficace de sommet. désarmement » ; sur la notification préalable de tout essai de missiles Le Traité sur la liquidation des « euro ­ balistiques intercontinentaux (sans missiles » venait d’être ratifié par le négliger les accords dans d’autres Congrès américain, littéralement à la domaines comme sur le sauvetage en veille de l’arrivée de Reagan à Mos­ mer et la radionavigation, la pollution cou. Des obstacles non prévus avaient océanique, les droits de pêche, les surgi de ce côté-là, en particulier sur transports et un ample accord cultu­ les problèmes de contrôle inédits rel). posés par le premier accord permettant de détruire effectivement des armes nucléaires ultra-sophistiquées, ces encore des obstacles Pershing et SS 20 qui avaient été au du côté américain centre de l’attention depuis la fin des années 70. Les problèmes ont pu être Le gros morceau a été, et reste, la résolus. Cela confirme combien il est réalisation de l’accord sur la réduction juste de parler d’accord historique. de 50 % des armements nucléaires On sait que du côté soviétique, le stratégiques. Comme l’a dit Mikhaïl Traité a commencé à être appliqué Gorbatchev, « c’est peut-être le pro­ avant même sa ratification avec le blème le plus dijficile de la politique retrait des missiles intermédiaires de internationale de l’après-guerre ». R.D.A. et de Tchécoslovaquie. A Lors du sommet de Washington, un présent, sous la supervision de mil­ mandat avait été défini pour parvenir à liers de contrôleurs sur place de part et un projet de Traité et il était envisagé d’autre, son application pourra se faire de conclure cette fois. Cela n’a pas été à plein. réalisé. L’échange solennel des instruments de Le communiqué final souligne qu ’un ratification de l’accord de Washington projet de texte commun fixe les vastes le 1®'' juin a donné un éclairage au domaines où une entente s’est faite, sommet, comme acte concret de parfois sur des questions très compli­ désarmement ; la liquidation de 589 quées. Il expose longuement les pro­ missiles américains et de 1 752 mis­ blèmes sur lesquels il n’y a pas siles soviétiques d’une portée allant de d’entente. Des centaines de pages ont 500 à 5 500 kilomètres. Et la question été rédigées par les négociateurs avec d’en finir aussi avec ceux d’une portée de très nombreux points mis en sus ­ de moins de 500 kilomètres reste pens sur lesquels le travail devra se posée. poursuivre. Au plus haut niveau, il a Il y a là un précédent démonstratif de été possible d’élargir sensiblement les la possibilité de réductions asymétri­ terrains d’entente. ques et de mesures de contrôle appro­ Le plus souvent, on bute sur des fondies et contraignantes. Etant questions touchant au contrôle et cela entendu que cela mérite de valoir pour de la part de ceux qui naguère se tous en un temps où chacun est à disaient grands amateurs en la 54 matière ! En fait, il y a un double amencam a évoqué « un pays neu­ aspect. Pour une part considérable, les tre ». Les délégations des deux pays délais tiennent à la folle complexité du ont reçu mandat de se rencontrer le sujet, complexité qui ne fait que s’ag­ 12 juillet, les ministres de la Défense graver dans la mesure où la course aux se retrouveront, également en juillet, armements ne trouve pas de terme. aux Etats-Unis. C’est qu ’il s’agit de la liquidation de la moitié des armes nucléaires les plus puissantes et les plus meurtrières qui des progrès possibles soient, considérées jusqu ’ici comme pour le désarmement la base de la sécurité de leurs déten­ conventionnel teurs. Et en même temps, et sans doute surtout, il y a une question de D’autres questions importantes ont été volonté politique. Comme l’ont noté examinées, comme la question de la les commentateurs, les Américains non-prolifération des armes nucléaires sont moins portés à l’accélération que (avec un appel à tous les Etats de se leurs interlocuteurs. Les intérêts de joindre aux 130 qui ont déjà ratifié le classe évoqués plus haut n’y sont sans Traité à ce sujet, ce qui concerne la doute pas étrangers. On a peine à France), l’interdiction globale de imaginer les répercussions boulever ­ l’arme chimique et la nécessité des santes qu ’aurait un tel Traité (et le efforts pour parvenir au plus vite à la processus qu ’il accélérerait) sur toutes conclusion du Traité négocié à les justifications de la course aux Genève (la France est de ceux qui y armements et de la politique de bloc ! font obstacle en demandant — confor­ Deux dossiers importants ont provo­ mément à la loi de programmation qué les blocages : celui des missiles militaire — à pouvoir créer un stock de croisière installés sur des sous- de ces armes monstrueuses). marins et celui de l’I.D.S., c’est-à- L’importance de la Conférence euro ­ dire de la volonté de Reagan de péenne de Vienne qui travaille à l’ap­ s’accrocher à la militarisation de profondissement de la charte d’Hel­ l’espace, malgré les obstacles crois­ sinki a été soulignée, notamment en ce sants qu ’il rencontre aux Etats-Unis qui concerne la préparation d’un man­ même, notamment au Congrès où une dat pour une conférence en vue de la majorité demande le strict respect du réduction des forces et armements Traité A.B.M. (sur les armes antimis­ conventionnels. Ces pourparlers piéti­ siles). Pour autant, cela ne justifie nent de longue date. Mais le président nullement les envoyés spéciaux du Reagan a refusé de discuter les propo­ Monde à Moscou de qualifier ce dos­ sitions présentées par l’Union soviéti­ sier de « sempiternelle guerre des que, au nom de l’ensemble des pays étoiles, ce monstre du Loch Ness » du Traité de Varsovie, sur le désarme­ (3 juin 1988) comme s’il s’agissait ment conventionnel en Europe. d’un danger imaginaire ! Monstre oui, Ces propositions, reprises devant la 3® et danger qu ’il faut conjurer du session spéciale de l’O.N.U. par déchaînement d’une nouvelle ronde E. Chevardnadzé, sont résumées ainsi incontrôlable de la course aux arme­ dans les milieux de l’O.T.A.N. ; ments, alors qu ’on a tant de mal à « Selon les informations qu ’on peut juguler celle qui existe. obtenir, M. Gorbatchev aurait pro­ Reste que de nouveaux efforts sont posé un plan en trois phases : 1° un engagés pour chercher à conclure le échange de données sur les troupes et Traité avant la fin du mandat présiden­ les armements suivi par une vérifica­ tiel de R. Reagan, c’est-à-dire d’ici la tion sur place ; 2° l’élimination des fin de cette année. C’est dans ce sens asymétries constatées de part et d’au­ qu ’il est question d’un 5® sommet — tre, pour aboutir à des plafonds qui n’est guère concevable sans un égaux ; 3° ensuite, une réduction de accord — pour lequel le président 500 000 hommes aussi bien de la part du Pacte de Varsovie que de l’Al­ droits, des libertés de l’homme et de la liance, ce qui laisserait chaque bloc dignité humaine ; développement des avec environ 1 800 000 hommes. relations et des contacts entre les Ensuite, les deux Alliances commen­ hommes et des échanges de toute ceront à restructurer leurs forces res­ nature entre les deux pays. tantes de façon à les placer dans une Gorbatchev a avancé une proposition ; position défensive, ce qui signifie en « L’administration américaine ne même temps l’établissement, de part comprend pas bien la situation réelle et d’autre, d’une doctrine militaire en matière de droits de l’homme dans défensive qui permettrait de rendre notre pays, les processus qui s’y invraisemblable une éventuelle atta­ déroulent dans la sphère de la démo­ que surprise et réaliserait donc la cratie. Probablement, nous n’avons stabilité conventionnelle recherchée pas non plus une idée nette de la en Europe. En même temps, il fau­ situation américaine dans ce domaine drait chercher une solution pour de la vie. » D’où l’idée d’instituer les armes tactiques nucléaires dans le cadre parlementaire un forum (S.N.F.). permettant aux représentants des Le dirigeant soviétique a relevé diverses couches des deux sociétés de qu ’« une bonne occasion a été ainsi se rencontrer régulièrement. Le com­ ratée » et il a constaté ; « On parle muniqué reprend cette proposition et beaucoup de ce qu ’on ne saurait faire se réfère aussi aux premiers échanges avancer le processus de désarmement intervenus entre représentants de pro­ nucléaire et la réduction de 50 % si le fessions directement liées aux pro­ problème des armements classiques et blèmes des garanties des droits de celui de la réduction des armements l’homme, ainsi qu ’entre les représen­ en Europe ne sont pas résolus. Mais tants des organisations sociales. dès que nous faisons des propositions Dès la mi-juin, à l’occasion d’un réelles pour faire démarrer ce proces­ « pont » télévisé entre parlementaires sus, on recommence à manœuvrer et américains et soviétiques, cette idée louvoyer. Tous les Occidentaux sont de « séminaire » s’est concrétisée préoccupés par la prétendue supério­ puisqu ’une rencontre est fixée au 10 rité militaire du Traité de Varsovie. novembre prochain. Mais lorsque nous avons proposé Un autre chapitre important de la d’échanger des données pour tout rencontre a été consacré aux pro­ éclaircir, l’autre partie a éludé la blèmes des conflits régionaux. réponse. » Nombreux sont les « points chauds » dont fait état le programme du P.C.F. droits de l’homme adopté par le 26® Congrès^ et celui-ci et conflits régionaux souligne l’exigence de voir, pour sa part, « la France contribuer au règle­ Les questions des droits de l’homme ment politique négocié de tous les ont été posées avec force au cours de conflits ». ce sommet, et ce de part et d’autre. Le fait nouveau de la récente période, Cela traduit un progrès et il est certain c’est que dans la plupart des cas, des que l’approche plus dynamique et avancées ont lieu dans ce sens — sans ouverte de ces problèmes par les malheureusement que la France ne Soviétiques a quelque peu « court- joue le rôle que nous aurions souhaité. circuité » les initiatives plus ou moins Reste qu ’il n’est pas Indifférent qu ’on théâtrales de leur hôte américain ten­ le doive aux initiatives des peuples dant à passionner le débat et à focali­ concernés et des pays socialistes. La ser l’attention là-dessus. base de ces progrès est la recherche Le communiqué final traite ces pro­ 2. Nouvelles atlantiques, n° 2029, 15 juin 1988. blèmes sous un double angle : garan­ 3. Cahiers du communisme, décembre 1987-janvier tie la plus complète possible des 1988, p. 410. d’une solution politique et la nécessité niqué est consacrée aux rapports bila­ reconnue de la participation et de la téraux et à ce que les deux puissances prise en compte des droits légitimes de peuvent faire pour la solution de pro­ toutes les parties intéressées. blèmes globaux, y compris l’écologie, Lors du sommet, un accent particulier la lutte contre la drogue, le développe­ a été mis sur le précédent de l’accord ment de nouvelles sources d’énergie, conclu à Genève sur l’Afghanistan par l’espace. Sur ce point, il ne semble celui-ci, le Pakistan, l’Union soviéti­ pas que suite immédiate ait été donnée que et les Etats-Unis"*. Il a été dit, à à la proposition lancée par Gorbatchev cette occasion, que cet accord va au- d’un vol commun vers Mars. delà de son objet, car c’est la première Le dirigeant soviétique a d’ailleurs fois que l’U.R.S.S. et les Etats-Unis observé, en dressant devant la presse signent ensemble avec les participants le bilan, qu ’il aurait été possible de à un conflit un accord qui ouvre le faire davantage. Il a mentionné le chemin d’une solution politique. Si ce refus opposé à sa proposition d’inclure précédent positif ne réussissait pas, dans la déclaration finale des principes cela aurait des conséquences graves et des relations internationales civilisées influencerait les approches des pro­ tels que aucun litige ne doit être réglé blèmes semblables pour d’autres par les armes, la coexistence pacifi­ régions. D’où une ferme mise en que, l’égalité de tous les Etats, la non- garde faite au président américain ingérence dans les affaires intérieures, contre les tentatives de torpiller l’ac­ le libre choix social et politique. De cord avec ce que fait le Pakistan. On même, nous l’avons vu, on n’a pas se souviendra à ce propos que Georges avancé sur la réduction des armes Marchais, exprimant au nom du conventionnelles. Enfin, il y a tou ­ P.C.F. la satisfaction ressentie devant jours les freins si préjudiciables mis cette entente, soulignait que ces dispo­ aux relations économiques. sitions « sont de nature à résoudre Il est évident aussi, peut-on ajouter, durablement les problèmes, pour peu qu ’il y a eu blocage sur l’appui que que toutes les parties concernées aient méritent les propositions permettant à cœur de les appliquer sans de progresser vers le désarmement sur réserves. une base régionale ou limitée. La déclaration finale de Moscou indi­ Ces propositions, déjà nombreuses, que que les deux dirigeants ont étudié montrent tout le rôle que peut jouer un vaste éventail de problèmes régio­ l’initiative et l’action de chaque Etat, naux, dont la situation au Proche- quels que soient sa taille, son système Orient, la guerre Iran-Irak, la situation social, qu ’il appartienne à un bloc en Afrique australe, dans la corne de militaire ou soit neutre ou non-aligné. l’Afrique, en Amérique centrale, au Cambodge, sur la péninsule de Corée. C’est le cas des initiatives des six Elle constate de sérieuses divergences Etats de l’appel de New Delhi, des dans les jugements portés sur les multiples propositions de zones dénu ­ causes de la tension régionale et les cléarisées comme la proposition moyens de son élimination, mais que Palme pour un couloir dénucléarisé de cela ne doit pas faire obstacle à leur 300 km de profondeur au cœur de coopération pour « aider les partici­ l’Europe, des propositions des Partis pants aux conflits régionaux à trouver communistes de Tchécoslovaquie, des solutions négociées contribuant à Pologne, R.D.A. et du Parti social- leur indépendance, à leur liberté et à démocrate de R.F.A. pour des zones leur sécurité ». En même temps, et sans armes chimiques ni atomiques, cela est particulièrement positif, a été d’autres propositions de telles zones soulignée l’importance de renforcer la en Méditerranée, dans l’océan Indien, capacité de l’O.N.U. à contribuer au règlement des conflits régionaux. 4. Voir dans ce même numéro l’article d’André Leplat. Enfin, une très large part du commu ­ 5. L’Humanité, 9 avril 1988. 57 dans le Pacifique, etc. Par la concréti­ ment ne saurait durablement ignorer. sation de telles idées, qui ont fait Il est trop tôt pour préjuger des résul ­ l’objet ce mois de juin, sur l’initiative tats de la session au moment où cet de la R.D.A., d’une remarquable article est rédigé. rencontre internationale à Berlin, Si on en jugeait sur l’attitude des d’options zéro en réductions de 50 %, gouvernants de la France, on serait en de zones dénucléarisées en zones droit d’être inquiets. libres de toutes armes et bases mili­ taires, l’humanité ferait la preuve Rien n’a été fait avant pour associer qu ’on peut vivre, et mieux vivre, sans l’opinion publique et même pour sim­ course aux armements et choix milita­ plement l’informer. L’essentiel de ce ristes, et consacrer les moyens néces­ qui a été fait l’a été par les organisa ­ saires à la lutte contre le sous-dévelop- tions pacifistes, pourtant soigneuse­ pement, l’endettement, la faim, le ment tenues à l’écart par le pouvoir. malheur. Le P.C.F. est la seule force politique à s’être exprimée à cette occasion Les résultats de la rencontre au som­ comme il l’avait fait d’ailleurs dans le met de Moscou sont donc à apprécier, passé^. avec leur ampleur et aussi leurs limites, dans un développement. Après que la France ait marqué l’ou ­ verture de la session spéciale par un Pour qu ’il tienne ses promesses, ce nouvel essai à Mururoa, le ministre développement appelle plus que des Affaires étrangères Roland Dumas jamais l’intervention populaire, le ren­ a fait entendre le 2 juin un discours forcement de la lutte pour le désarme­ centré sur une justification de la pour ­ ment. C’est bien un facteur décisif et suite du surarmement actuel de la qui a sa fonction propre. France : Touche pas à ma programma­ Une des nouveautés de ce sommet a tion militaire ! Touche pas à mes été une certaine présence de déléga­ essais ! Touche pas à ma bombe ! tions de mouvements pacifistes et de Au détour de quelques bonnes paroles diverses organisations représentatives. sur un désarmement auquel il ne croit Le lieu a favorisé cette présence et visiblement pas, R. Dumas a prévenu d’ailleurs, après le sommet, Mikhaïl l’assemblée de l’O.N.U. que la Gorbatchev a tenu à rencontrer assez France s’opposera à ce que dans le longuement ces représentants très document final (qui doit être adopté divers de l’opinion mondiale. par consensus) on aborde la dispari­ tion des armes nucléaires. Il a été jusqu ’à polémiquer expressément une responsabilité avec la formule « la guerre nucléaire particulière ne peut pas être gagnée et ne doit de notre peuple jamais être livrée », qui a été adoptée par M. Gorbatchev et R. Reagan. En même temps, se tenait à New York Selon le représentant de la France, la 3® session spéciale de l’O.N.U. parlant en ce lieu, le meilleur moyen consacrée au désarmement (31 mai- d’empêcher la guerre, c’est la dissua ­ 25 juin) qui réunit tous les pays du sion qui est, dit-il, en citant François monde sur ce grand thème. Mitterrand, « le complément du désarmement. » Polémique également La première, en 1978, avait abouti à avec les propositions de zones dénu­ un document d’une grande richesse, cléarisées en Europe et dans le Pacifi­ malheureusement demeuré inappliqué que-Sud, contre la réduction et l’inter­ pour l’essentiel. La deuxième, en diction des essais nucléaires et renvoi 1982, n’avait guère permis de pro­ d’une participation de la France à un gression. On serait en droit d’attendre davantage, cette année, alors que la 6. Voir dans l'Humanité du 1®*^ juin 1988 : « Une lutte pour la paix a marqué des succès chance historique », lettre de G. Marchais adressée le déjà appréciables qu ’aucun gouverne­ 29 mai au secrétaire général de l’O.N.U. processus de désarmement à une date De même à l’échelle du globe il y a eu très lointaine (une réduction de 50 % le 11 juin la « Vague de la paix » des armements stratégiques des deux partie d’Hiroshima vers New York et grandes puissances ne modifierait pas marquée de façons diverses au Japon, les choses). De même, si on parvenait en Océanie, en U.R.S.S., en France, « à un équilibre classique en Europe, etc. nous ne serions pas dispensés de Et il y aura cet été et cet automne bien conserver les moyens nucléaires de la d’autres actions, notamment en dissuasion. >P France, en octobre, avec le Mouve ­ ment de la paix et, les 19 et C’est bien la conception que le Prési­ 20 novembre, avec les « Etats Géné­ dent de la République résumait de raux de la paix », nouvelle et retentis­ façon lapidaire dans son discours télé­ sante initiative prise par « l’Appel des visé d’après les législatives, le Cent ». 14 juin : « Aller vers la paix par un désarmement simultané et contrôlé S’il est une chose certaine, à la des deux plus grandes puissances du lumière des développements impor­ monde. » tants actuels, c’est que le rassemble­ ment pour la paix mérite beaucoup Quelques jours après, le même Dumas d’efforts, c’est que le mouvement participait à Madrid au sommet de Î’O.T.A.N. Sur la base de telles orien­ populaire doit encore grandir et redou ­ bler d’énergie pour surmonter les obs­ tations, il ne pouvait qu ’entériner tacles et pour que les possibilités de comme ses collègues l’exigence amé­ l’heure deviennent pleinement réalité. ricaine d’un meilleur « burden-sha- Avec des raisons supplémentaires ring », c’est-à-dire, en bon français, d’agir pour tous ceux qui, comme une aggravation des charges militaires nous, aiment la France et sont sou­ des alliés européens. C’est dire toute cieux de son image et de son rôle dans l’actualité de la lutte contre l’augmen­ le monde. tation des budgets militaires et pour la proposition si populaire défendue par André Lajoinie, une réduction immé­ diate de 40 milliards au profit de l’éducation. Précisément, la 3® session spéciale a déjà confirmé que l’intervention de l’opinion publique, ce troisième grand, ne se relâchera pas. En ont porté témoignage à New York même la manifestation de 200 000 paci­ fistes, la plus puissante aux Etats-Unis depuis 1982, la présence aux côtés de délégations venues du monde entier d’une forte délégation du mouvement français de la paix dont le représen­ tant, le père Biot, a pu prendre la parole devant la séance plénière de l’O.N.U. Ces pacifistes français se félicitent dans une déclaration publiée à New York de retrouver dans les interventions de tant d’hommes d’Etat les positions pour lesquelles eux- mêmes agissent de longue date, une convergence, disent-ils, qui « repré­ 7. Roland Dumas, discours à la session spéciale de sente à nos yeux une force considéra­ rO.N.U. sur le désarmement, 2 juin 1988, page 7 du ble et un grand encouragement ». texte publié par le Quai d’Orsay.

59 conflits régionaux afghanistan quand l’espoir devient réalité andré leplat*

Le 14 avril dernier étaient signés à par les peuples soviétique et afghan Genève, entre l’Afghanistan et le pour qui cette guerre « non déclarée » Pakistan, l’U.R.S.S. et les Etats- a coûté tant de sang, ces accords ont Unis, les « Accords de Genève sur le déclenché un concert de lamentations règlement politique de la situation dans certains milieux occidentaux, autour de l’Afghanistan ». principalement en France. Il aura fallu pour parvenir à ce but plus de six années, jalonnées par onze la voix de la raison sessions de « pourparlers indirects » à Genève, ponctuées de nombreux Le gouvernement français de Jacques déplacements de Diego Cordovez, le Chirac, qui poursuivait la politique de représentant personnel du secrétaire soutien inconditionnel aux forces général de l’O.N.U. chargé du dos­ rebelles afghanes les plus radicales sier, en Afghanistan, au Pakistan, en des gouvernements qui l’avaient pré­ Iran, et une série innombrable de cédé, tant sous la présidence de Gis­ consultations internationales, en parti­ card d’Estaing que de F. Mitterrand, culier lors des sonunets Reagan-Gor­ n’a pu faire autrement que se batchev. « réjouir » de l’accord mais en insis­ Suite à ces accords, l’Union soviéti­ tant à nouveau sur la solidarité « avec que procède depuis le 15 mal au retrait les organisations de résistance » qui des contingents armés qu ’elle avait devraient être « pleinement associées envoyés en Afghanistan en décembre au règlement ». 1979 à la demande des autorités de Tenue à moins de prudence, la quasi Kaboul. Selon le calendrier retenu, ce totalité de la presse française s’est retrait s’effecmera en neuf mois, mais répandue en prédictions catastrophi­ la moitié des troupes soviétiques aura ques, parlant de « bain de sang » quitté le pays dès le 15 août. après le départ des soldats soviétiques. Accueillis avec une immense satisfac­ * Membre du bureau de la section de politique tion par tous les peuples, et d’abord extérieure du Comité central du P.C.F. Les initiatives politiques de l’U.R.S.S. et des dirigeants afghans ont permis de parvenir à des accords qui devraient contribuer à mettre fin aux provocations impérialistes dans cette région du monde.

ou annonçant que « la résistance se dre durablement les problèmes, pour prépare à investir Kaboul ». Le peu que toutes les parties concernées Monde titrant même ; « La lugubre aient à cœur de les appliquer sans cérémonie de Genève. » réserve. (...) Le Parti communiste français apprécie ce fait d’importance Le Parti communiste français, quant à comme la confirmation que lorsque la lui, s’est vivement félicité de l’abou­ volonté politique existe, il est possible tissement de la négociation et de la de résoudre les conflits régionaux les conclusion des accords par une décla­ plus complexes, dans l’intérêt des ration de Georges Marchais, publiée peuples, de leur souveraineté et de dès le 9 avril dans l’Humanité, qui l’amélioration des relations interna­ indiquait : « ... J’exprime la profonde tionales. C’est un puissant encourage­ satisfaction du Parti communiste fran­ ment à œuvrer dans ce sens. » çais. Celle-ci est d’autant plus moti­ vée que l’accord conclu correspond à Au moment où ces lignes sont écrites, notre position constante en faveur un mois s’est écoulé depuis le 15 mai d’un règlement politique basé sur le et les troupes soviétiques ont déjà droit du peuple afghan à choisir son totalement évacué trois provinces bor­ régime, la cessation de toute ingé­ dant la frontière avec le Pakistan. On a rence étrangère et le retrait des certes connu des actions de caractère troupes soviétiques. La voix de la terroriste (attentats à la voiture piégée, raison l’a enfin emporté. Les obsta­ tir de roquettes à longue portée sur cles dressés sur le chemin d’une solu­ Kaboul causant quelques dizaines de tion politique proposée par l’Union victimes parmi la population civile, soviétique et le gouvernement afghan dont plusieurs enfants) mais aucune ont été levés. Les principales disposi­ opération d’envergure de la guérilla tions adoptées comportent la non- rebelle ne s’est encore produite. Ce ingérence, un calendrier d’évacuation qui ne doit pas conduire à un opti­ des troupes soviétiques et le retour des misme exagéré car les obstacles sur la réfugiés. Elles sont de nature à résou­ voie du retour à la paix sont considéra- blés et les moyens dont disposent les ligne : objectives — se sont consti­ forces bellicistes et réactionnaires tuées dans lesquelles la confrontation pour retarder, voire empêcher l’appli­ entre le socialisme et le capitalisme cation des accords, restent importants. peut se dérouler seulement et exclusi­ Mais les forces pacifiques et progres ­ vement sous forme de compétition sistes ont de puissants atouts. pacifique et de rivalité pacifique. » A partir de ce moment, et en concerta­ les raisons profondes tion étroite avec les dirigeants afghans, qui, de leur côté, décident en qui ont conduit vue de créer les conditions d’un arrêt à la signature des accords des combats et du retour à la paix de s’orienter vers une audacieuse politi­ Il faut avant tout analyser d’un peu que de réconciliation nationale, les plus près les raisons qui ont permis initiatives de l’Union soviétique vont d’aboutir à cette signature et la signifi­ largement se déployer. cation réelle des accords. En juillet 1986, dans son discours de C’est à partir de la session plénière du Vladivostok, Mikhaïl Gorbatchev Comité central du P.C.U.S. d’avril définit un ensemble de propositions 1985, un mois après l’accession de visant à favoriser le développement Mikhaïl Gorbatchev au poste de secré­ d’une vaste coopération mutuellement taire général, et surtout au 27® profitable entre tous les pays d’Asie et Congrès du P.C.U.S., en février à la solution rapide des conflits régio­ 1986, que fut prise la décision politi­ naux, en premier lieu ceux d’Afgha­ que de procéder dans les meilleurs nistan et du Cambodge. délais au retrait des troupes soviéti­ ques d’Afghanistan. Le 15 octobre 1986, six régiments du contingent soviétique sont retirés Cette décision que d’aucuns se sont d’Afghanistan. efforcés de présenter comme la consé­ quence d’une « défaite militaire infli­ Parallèlement, à Kaboul, où le D'" gée à l’armée soviétique par un peu­ Najibullah est élu en juillet 1986 ple en haillons » fut en réalité le secrétaire général du Parti démocrati­ résultat d’un réexamen global et d’une que et populaire d’Afghanistan réorientation fondamentale de toute la (P.D.P.A.) à la place de Babrak Kar- politique soviétique, tant intérieure mal qui occupait ce poste depuis fin qu ’extérieure, auquel avait procédé le 1979, la politique de réunification 27® Congrès et dont il a été déjà traité nationale mise en œuvre à partir de dans plusieurs articles des Cahiers. décembre 1985, où le gouvernement afghan fut élargi à des personnalités Rappelons seulement ce que M. Gor­ des milieux religieux, ethniques et batchev déclarait à la tribune du 27® industriels, se fait plus active. Congrès : « Le caractère des armes modernes ne laisse à aucun Etat Le 1®"' janvier 1987, le gouvernement l’espoir de se protéger seulement par de la République démocratique des moyens militaro-techniques, d’Afghanistan lance un appel solennel disons par la création d’une défense à la nation pour que cessent les affron­ même la plus puissante. Le monde tements armés et décide d’un cessez- d’aujourd ’hui est devenu trop petit et le-feu unilatéral pour une période de fragile pour faire face aux guerres et six mois renouvelable. aux politiques de force. Il est impossi­ Ce même mois une amnistie quasi ble de le sauver et de le conserver générale est décrétée pour tous les sans rompre — résolument et irrévo­ actes contre la sécurité de l’Etat com­ cablement — avec la mentalité et le mis avant le 15 janvier 1987. L’offre mode d’action fondé au cours des est faite officiellement à tous les oppo­ siècles sur l’acceptabilité des guerres sants, à l’intérieur ou à l’extérieur du et des conflits armés. Par conséquent pays, aux chefs des groupes armés les conditions objectives — je le sou­ rebelles comme aux dirigeants politi- ques de l’ancien régime, tel l’ex roi Régions de l’U.R.S.S. avec les pro­ Zahir Shah, de participer aux négocia ­ vinces d ’Afghanistan, » autour de plu ­ tions et même d’être associés au futur sieurs membres du Bureau politique gouvernement de réconciliation natio­ du P.C.U.S., tels V.T. Vorotnikov, nale. E.K. Ligatchev, E. Chevamadzé, des Après une année de consultations et de membres du Comité central dont discussions une nouvelle Constitution A.F. Dobrinine, secrétaire du C.C., est élaborée et adoptée par la grande V.S. Mouraskl et V.M. Kamentsev, Loya Djirgah^ réunie à Kaboul le vice-présidents du Conseil des minis­ 30 novembre 1987. tres de l’U.R.S.S., et les principaux dirigeants de plusieurs Républiques Profondément originale, la Constitu ­ soviétiques. Cette Conférence a pour tion de la République d’Afghanistan but la mise au point d’un vaste plan (précédemment République démocra­ d’aides de toute nature visant à créer tique d’Afghanistan) allie les prin­ les meilleures conditions d’accueil et cipes d’une démocratie de type occi­ de réinsertion de ces millions dental, tel le multipartisme, au respect d’Afghans exilés que le rétablissement des traditions et des mœurs séculaires de la paix ne pourra qu ’inciter au du peuple afghan. Ainsi elle stipule retour. que « l’islam est la religion de Enfin, le 8 février 1988, à quelques l’Afghanistan ». semaines de l’ouverture de la lU Il y est précisé que le système socio­ séance de pourparlers indirects à économique du pays est basé sur Genève, Mikhaïl Gorbatchev annonce plusieurs types de propriété : propriété qu ’en accord avec la direction afghane d’Etat (sur les richesses naturelles, les gouvernements de l’U.R.S.S. et de l’énergie, les banques, l’industrie la République d’Afghanistan sont lourde), propriétés privée, mixte, coo­ convenus de fixer la date du début du pérative, collective et personnelle. Y retrait des troupes soviétiques au sont inclues certaines dispositions 15 mal 1988 et d’achever ce retrait relevant du droit féodal, tribal ou dans un délai de dix mois si l’accord religieux. Ainsi le droit d’héritage des était signé le 15 mars. biens privés et personnels est garanti Ainsi le dernier des quatre dossiers dans le respect des principes de la posés sur la table des négociations Charia (loi islamique). Ce nouveau peut être bouclé et les accords signés cadre constitutionnel vise à offrir des par tous les protagonistes lors de cette garanties à toutes les composantes ultime session de Genève. ethniques, sociales, religieuses et politiques du pays. Tout en intensifiant ses efforts pour manœuvres aboutir à l’issue positive des négocia­ impérialistes tions de Genève, l’Union soviétique se préoccupait des moyens à mettre en Mais de nouvelles manœuvres sont œuvre pour permettre aux millions alors tentées par le Pakistan et les d’Afghans réfugiés à l’étranger de Etats-Unis, le premier exigeant rentrer au plus vite dans leur pays. On l’installation préalable à Kaboul d’un estime le nombre de ces réfugiés entre gouvernement de transition à la place 3 et 5 millions selon les sources. Le de celui en place et expurgé des Pakistan et les états-majors des forces dirigeants actuels ; les seconds exi­ rebelles ayant intérêt à grossir ce geant l’arrêt concomitant des fourni- chiffre pour obtenir de plus fortes 1. Loya Jirgah ou Djirgah : sorte d’assemblée collé­ aides. giale nationale oui, depuis trois siècles, est réunie à chaque fois que la nécessité se présente pour débattre Le 17 décembre 1987, se tient à des problèmes nationaux et étatiques de la plus haute importance. Y participent les pnncipaux notables du Moscou une « Conférence sur le déve­ pays : chefs de tribus représentants du pouvoir central et des diverses forces politiques, délégués du clergé loppement des relations directes et le islamique, intellectuels éminents, représentants oes parrainage des Républiques et milieux professionnels : commerçants et artisans, etc. tures d’armes soviétiques à l’armée Mais avant d’en arriver là, il n’est pas gouvernementale afghane sinon ils inutile de rappeler que l’Afghanistan poursuivraient leur aide militaire à la n’a conquis son indépendance qu ’en guérilla. 1919, après une longue lutte contre la De son côté, l’Alliance des sept partis colonisation britannique et en bénéfi­ islamiques^ basée à Peshawar au ciant du soutien du jeune Etat soviéti­ Pakistan, qui s’était obstinément que de Lénine. Depuis cette date des opposée aux négociations de Genève traités de coopération économiques et et avait rejeté toutes les ouvertures des militaires lient ces deux pays, que les autorités de Kaboul en sa direction, vicissitudes de l’histoire afghane — clame à tous vents qu ’elle entend royauté jusqu ’en 1973, république continuer la lutte armée jusqu ’à constitutionnelle jusqu ’à la Révolu­ l’installation d’un pouvoir islamique tion nationale et démocratique d’avril en Afghanistan. Et cela à la plus 1978 — n’ont jamais altéré. grande satisfaction des milieux belli­ Sa population d’environ 15 à 16 mil­ cistes intéressés à la poursuite du lions d’habitants, de confession isla­ conflit, celui-ci étant nécessaire à leur mique à 98 %, est composée d’une politique de tension, de confrontations vingtaine d’ethnies dont les plus et d’isolement international de importantes sont celles des Pach- l’U.R.S.S. tounes (majoritaires), des Baloutches, Devant ce nouveau blocage, Gorbat­ des Hazaras, des Tadjiks, des Ouz­ chev et Najibullah se rencontrent alors bèks, dont les droits sont inégaux. Les le 7 avril à Tachkent, en Ouzbékistan structures de type féodal et tribal soviétique. Ils réaffirment leur volonté encore dominantes dans les cam­ de mettre en œuvre les accords pagnes où réside la grande majorité de conclus et maintiennent leur décision la population font de ce pays, selon de procéder au retrait des troupes l’O.N.U., l’un des plus arriérés du soviétiques à partir du 15 mai, dans monde. En 1977, plus de 90 % de la les conditions définies par les accords population était analphabète et forte­ si ceux-ci étaient signés dans les meil­ ment exploitée par les grands proprié ­ leurs délais. taires fonciers, véritables potentats féodaux disposant de groupes armés et Ainsi mis au pied du mur, le gouver­ se disputant la prédominance. nement pakistanais et celui des Etats- Unis acceptent enfin quelques jours En 1973, les milieux les plus évolués après d’apposer leur signature sur les des villes, intellectuels, fonction ­ accords, ce qui fut fait le 14 avril. naires, membres de l’armée soutien­ nent le coup d’Etat du prince Daoud, On ne peut aussi mesurer la significa­ cousin et beau-frère du roi Zahir Shah, tion et la portée de cet événement sans qui abolit l’ordre monarchique et pro­ aborder d’autres paramètres du pro­ clame la République. Mais les espoirs blème afghan. de changement sont rapidement déçus. Daoud refuse d’organiser les dimension historique élections promises, exerce un pouvoir et situation de plus en plus autocratique, tandis contemporaine 2. Cette « Alliance », constituée en 1985 à l’instiga ­ Ceux qui prétendent que le calvaire tion du gouvernement pakistanais pour « contrer » les progrès des négociations indirectes de Genève, et dont vécu par le peuple afghan serait consé­ l’état-major est basé à Peshawar au Pakistan, est composée de sept partis islamiques. Quatre fondamen­ cutif à l’invasion soviétique occultent, talistes : le Hezb^-Islami de Gulbuddin Hekmatyar volontairement ou non, les raisons qui (voir dans l’article), le Hezb-I-Islami (scission du premier) de Y. Khales, le Jamiat-I-Islami de B. Rab- ont conduit à ce drame. bani, le Ittihad-I-Islami de A.R. Sayvat (CToupuscule wahhabite subventionné par l’Arabie Saoudite), et trois La première de celles-ci réside dans la d’orientations modérées : le Harakat-I-Enqelab de N. Mahammedi (partisan de l’ancien roi Zahir Shah), crise de régime où l’Afghanistan fut le Jabha de S. Mojaddedi, le Majaz-I-Islami de P.S.A. plongé à partir des années 70. Gaylani, ces deux derniers également royalistes. qu ’une répression sévère frappe ceux reçoit alors une aide de plus en plus qui l’avaient porté au pouvoir. massive de l’étranger. Le gouverne­ Le 27 avril 1978, à l’initiative du ment pakistanais de Zia U1 Haq voit P.D.P.A., jeune Parti communiste dans la situation l’occasion de placer fraîchement constitué, qui se fixe au pouvoir à Kaboul un régime islami­ comme but d’instaurer un régime que à l’image du sien, pour s’en faire démocratique et de développement un allié dans sa stratégie régionale. Il national, une révolution éclate, béné­ s’engage à fond aux côtés des rebelles ficiant d’un large assentiment parmi la et la frontière entre les deux pays population éclairée de Kaboul. Daoud devient une véritable passoire pour ces est déposé et exécuté et la République derniers. démocratique d’Afghanistan est ins­ C’est dans ces conditions que les taurée. dirigeants soviétiques acceptent (après Mais ce jeune parti révolutionnaire dit-on treize ou quinze appels infruc ­ qu ’est le P.D.P.A. et qui ne compte tueux des autorités afghanes) d’en­ que 7 500 membres est alors voyer des troupes en vue de stopper confronté aux problèmes extrêmement l’intervention étrangère et d’aider ce complexes de la société afghane (qui jeune pouvoir révolutionnaire à sur­ mériteraient une étude plus fouillée). monter ses difficultés. Un débat s’est amorcé dans la presse soviétique sur Les échecs rapidement évidents de la cette décision, mais quelle que soit politique de réforme agraire : remise l’appréciation qui sera donnée en défi­ de la terre aux paysans et collectivisa­ nitive, on s’accorde à dire que dans tion accélérée qui ont détruit les cette affaire les objectifs de anciens rapports de production et les ru.R.S.S. n’avaient rien à voir avec structures agricoles traditionnelles des desseins de conquête. Il reste que sans que cela soit accompagné de cette intervention militaire a offert une mesures efficaces d’aide matérielle et nouvelle plate-forme idéologique aux technique aux paysans, politique de forces contre-révolutionnaires qui en laïcisation radicale de cette société appelèrent à la « guerre sainte » profondément imprégnée de culture contre les « infidèles ». Et cet appel religieuse islamique, provoquent rencontra un profond écho dans la immédiatement un profond méconten­ population afghane. tement. Ce fut une chance inespérée que s’empressèrent de saisir les grands L’impérialisme, les Etats-Unis en féodaux et les chefs religieux islami­ tête, a utilisé cette situation pour ques les plus fondamentalistes pour intensifier son intervention dans le dresser les populations paysannes conflit afghan par Pakistan interposé, contre le pouvoir révolutionnaire. pour appuyer son offensive idéologi­ que contre le socialisme et pour justi ­ La seule réponse apportée alors par les fier les interventions directes contre le dirigeants du P.D.P.A. de l’époque mouvement de libération nationale et (Taraki et ensuite Amin) fut une démocratique, à Grenade, au Nicara­ action militaire massive et sans discer­ gua, en Angola. On comprend mieux nement. Les armes étant, par tradition pourquoi le dépit est si grand après la historique, largement répandues dans signature des accords et le retrait des la population afghane, les affronte­ troupes soviétiques. ments prirent rapidement le caractère de guerre civile. Il faut par ailleurs remarquer que durant ces neuf années de conflit, les Parallèlement à ces difficultés, les partis et organisations en lutte contre affrontements internes s’aiguisent au le régime révolutionnaire ne sont sein de la direction du Parti et de l’Etat jamais parvenus à surmonter leurs où le gauchisme le dispute au volonta ­ divisions au grand dam de leurs bail­ risme et à l’inexpérience comme il en leurs de fonds. Pas plus à l’intérieur fut fait par la suite l’autocritique. du pays qu ’à l’étranger, les opposants La contre-révolution qui relève la tête au régime n’ont pu mettre en place un dispositif politique et militaire à voca ­ Aujourd ’hui, certaines de celles-ci tion nationale. La raison en est sim­ peuvent prendre place dans le futur ple : chacune de ses forces ne vise gouvernement de réconciliation natio­ qu ’à satisfaire des objectifs particu­ nale qui se met progressivement en liers, politiques ou religieux, clanistes place à Kaboul et dont la composition ou tribaux, voire tout simplement reste ouverte. lucratifs, sans se soucier des véritables intérêts du peuple et du pays. la france doit contribuer L’Alliance dite de « l’Unité islamique au respect des moudjahidin d’Afghanistan », péniblement conclue entre sept partis et à l’application islamiques en mai 1985, et qui consti­ des accords tue la forme la plus élaborée de l’ap­ pareil politique de la rébellion, en A ce stade, il serait fort dommage fournit une preuve convaincante. pour le rayonnement de notre pays Cette « Alliance », dominée par le dans le monde et pour ses intérêts Hezb-I-Islami de Gulbuddin Hekma- légitimes que le gouvernement fran­ tyar, le plus anticommuniste et le plus çais persiste dans sa politique d’oppo­ farouche adversaire de toute négocia­ sition au retour à la paix en Afghanis ­ tion et qui reçoit à lui seul plus de tan. 60 % de l’aide totale fournie par les L’accord conclu à Genève en dépit de Etats-Unis, l’Arabie Saoudite et le tous les obstacles devrait le conduire à Pakistan à la guérilla afghane, est reconsidérer son attitude et à prendre rongée de contradictions et profondé ­ des initiatives favorisant l’arrêt de ment divisée. Les démissions se suc ­ l’effusion de sang, la réconciliation et cèdent à sa tête. la reconstruction du pays. Or, l’an­ Dans un numéro de Défi afghan édité nonce que des missiles « Milan », co­ par le Bureau international d’Afgha­ produits par la France et la R.F.A., nistan, qui s’est toujours placé aux ont été mis à la disposition des organi­ côtés « de la Résistance », Bernard sations de guérilla afghanes qui enten­ Delpuech met en évidence l’impuis­ dent poursuivre la lutte armée en dépit sance de l’Alliance des sept à s’enten­ des accords ne va pas dans ce sens. Il dre sur un projet politique cohérent, ce convient donc qu ’une plus grande qui constitue, dit-il, « la carence pression s’exerce sur le gouvernement majeure de la résistance afghane ; français afin qu ’il abandonne sa politi­ son manque de maturité politique ». que de « boutefeu ». De son côté, le New Herald Tribune a Aujourd ’hui, après dix ans pu récemment écrire : « La dizaine de d’épreuves, le P.D.P.A. a grandi et mûri. Sa politique de réconciliation chefs rebelles de l’intérieur (tel le commandant Massoud, N.D.L.R.) nationale, de retour à la paix, de qui relèvent de cette aliance ont sauvegarde de l’unité et l’indépen­ dance du pays, entend répondre aux aujourd ’hui assez d ’autonomie pour Intérêts du peuple afghan et de la agir seuls. » Il est de notoriété publi ­ que que ces derniers reprochent de nation. Puisse cela lui permettre de plus en plus ouvertement aux « sept » surmonter plus facilement les obsta­ d’utiliser les fonds reçus de façon fort cles qui ne manqueront pas de se sélective ou pour satisfaire des ambi­ présenter sur le chemin de la paix tant tions ou des projets n’ayant guère de désirée par les peuples afghan et rapport avec leur lutte. soviétique, par l’ensemble des peuples du monde. Le retrait des troupes soviétiques ne peut qu ’aviver ces divisions en suppri­ mant la principale raison qui avait pu amener des forces aussi disparates à s’allier. messioon Editions sociales

Détruire le P.C.F.

Roger Bourderon Yvan Avakoumovitch

40/44 Archives de l’Etat français et de l’occupant hitlérien

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146, rue du Fg-Poissonnière 75010 Paris

messioon Editions sociales

Mai 68

Roger Martelli

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146, rue du Fg-Poissonnière 75010 Paris amérique centrale ■ panama résistance d’une nation georges foumial*

Petit pays à l’échelle des Amériques, de construire un chemin de fer transis­ le Panama est tout de même, avec ses thmique, mais celui d’intervenir mili­ 77 000 km^, plus étendu que le Béné­ tairement au Panama, sa lointaine lux. C’est son histoire et sa géogra­ province. Washington ne s’en prive phie qui expliquent à la fois sa longue pas : les « marines » débarquent au dépendance et la constante vigueur — Panama huit fois en moins de cin­ récemment inattendue pour certains quante ans ; soit à la demande même — de sa résistance aux pressions les de la Colombie en 1861, 1862, 1885, plus contraignantes. 1900, soit à l’initiative — de type nettement annexioniste alors — du Ses 2 200 000 habitants, entre mer Caraïbe et Pacifique, entre Colombie gouvernement nord-américain. Ce n’était à la vérité qu ’un début, car la et Costa-Rica, subissent une cin­ précieuse route de l’Isthme et de plus quième frontière : la zone du Canal le projet depuis longtemps caressé du interocéanique, qui partage en deux un pays dont le passé peut paraître une Canal avivaient bien des convoitises. anomalie historique. Quand la République de Panama se constitue en Etat indépendant, le Du mouvement d’indépendance des 3 novembre 1903, est-ce une création colonies espagnoles soulevé en 1810 des Etats-Unis ? Certes, mais par une naît d’abord en 1821 la Grande évidente fraude : il serait faux d’ou­ Colombie, qui embrasse les territoires blier que son peuple avait toujours actuels de l’Equateur, du Venezuela, exprimé des sentiments « particula- de la Colombie... et l’isthme de ristes », et que les intérêts de sa Panama'. Elle se désagrège, et c’est bourgeoisie mercantile, dans un pays de la Nouvelle Grenade, aujourd ’hui Colombie, que fera partie le Panama. * Membre du Bureau de la section de politique Pour celui-ci, les temps néocolonia­ extérieure du Comité central du P.C.F. 1. Le Panama ne faisait pas partie de la Capitainerie listes commencent quand « son » gou­ générale du Guatemala (les cina pays d’Amérique centrale). Il fut annexé à la Colombie, bien que séparé vernement de Bogota, en 1864, donne d’elle par l’épaisse forêt vierge alors infranchissable du aux Etats-Unis le droit non seulement Darien. Quand l’impérialisme américain, avec une hargne inexpiable, voudrait sans péril triompher sans gloire d’un petit peuple pacifique dont il humilie depuis quatre-vingt-cinq ans le sentiment national...

de transit interocéanique très fruc ­ une minorité chinoise commerçante... tueux, n’avaient rien à voir avec ceux Toute l’économie du pays devient de l’oligarchie colombienne. Mais il subordonnée à celle des Etats-Unis. est vrai que le président des Etats- Le traité Hay-Bunau Varilla est à la Unis, Théodore Roosevelt, fait plus fois colonialiste et néocolonialiste : que d’aider à leur divorce ; son secré­ les Etats-Unis occupent 1 676 km^ du taire d’Etat John Hay et l’affairiste territoire panaméen — la zone du français Philippe Bunau-Varilla — Canal, qui sera construit de 1906 à celui-ci à l’insu de la Junte gouverne­ 1914^ — où non seulement ils exer­ mentale panaméenne, et muni d’une cent toutes les prérogatives gouverne ­ lettre de créance plus que douteuse — mentales, mais de plus le droit d’inter­ concluent un traité à l’exacte mesure venir « en cas de nécessité » en des vues d’avenir de Washington. dehors de la Zone, et de ce fait C’est « le traité inique qu ’aucun exerceront une influence constante sur Panaméen ne signa ». la vie politique, économique et sociale du pays. Inique, et d’une monstruosité juridi ­ On peut dire dès lors que le Panama que, il donne aux Etats-Unis le mono ­ poursuit son destin national sous pole de la route interocéanique qui la dépendance quasi-institutionnalisée rend possible la construction du du gouvernement de Washington. Il Canal, et place une partie du territoire est définitivement sur une voie capita­ du Panama sous une administration liste, celle d’une république formelle­ étrangère. C’est déjà une énorme frus ­ ment démocratique mais sous tutelle, tration pour le processus d’unité cultu ­ occupée en partie comme une colonie. relle d’une nation dans laquelle se fondent la minorité blanche des 2. La « Compagnie universelle du Canal interocéani­ Créoles, des Noirs de culture espa­ que de Panama », fondée en 1875 par Louis Napoléon gnole et d’autres venus des Caraïbes Bonaparte, Wyse et Ferdinand de Lesseps, ayant fait une faillite scandaleuse — la plus grande « affaire » de anglophones, des tribus d’indigènes la ni* République, celle des « ch^uards de Panama » nombreux dans les régions écartées. — les Etats-Unis « reprendront » Pentreprise. dominée par la bourgeoisie mercantile pas dans les schémas de « démocratie et les latifundiaires, et liée aux mono­ restreinte » du Département d’Etat. poles nord-américains. Leur système politique n’interdit pas, Dans ce cadre, l’existence du Canal au contraire, que la Force de défense est un facteur économique d’une telle panaméenne (F.D.P.) et donc son chef ampleur que la structure panaméenne jouisse d’une autorité, auprès des pay­ en est comme « aspirée », et que des sans et des ouvriers, que lui ont value formes de production hautement cen­ et son rôle important dans la vie tralisées et « socialisées » y cohabi­ sociale et sa fermeté dans la défense tent avec le féodalisme des zones de la souveraineté du pays. Il faut rurales et même l’économie tribale des donc que le général Manuel Antonio trois communautés indigènes exis­ Noriega soit chassé d’un Panama qui, tantes ; le tout entrelacé avec le capital en outre, a le front d’être membre du privé national et celui des monopoles Mouvement des pays non-alignés, du étrangers. Une structure qui explique « Groupe de Contadora » pour la paix certainement les contradictions diver­ en Amérique centrale, du « Groupe ses dont a dû tenir compte le mouve­ des Huit » Etats qui cherchent les ment populaire de libération natio­ moyens de résister aux banques inter­ nale. Il a toujours considéré que celle nationales de r« Occident » et, pour qui oppose la nation à l’impérialisme comble, de soutenir que « ce qui est des Etats-Unis est décisive et absolue. signé est signé » et que les traités Mais, dans les longues périodes où conclus le 7 septembre 1977 par le l’oligarchie au pouvoir se faisait le général Omar Torrijos et le président principal soutien d’un ordre social James Carter doivent être respectés. antinational, et alors qu ’elle assumait Grave problème pour un pays humilié notamment la responsabilité totale de depuis 1903 dans sa volonté nationale. la répression antipopulaire, les contra­ Selon ces textes, la Zone du Canal et dictions de classe apparaissaient le Canal lui-même doivent être resti­ moins « secondaires ». Les événe ­ tués à la pleine souveraineté du ments actuels, ceux qui ont fait grand Panama le 31 décembre 1999 à midi. bruit surtout depuis un an dans les Depuis leur signature, les « faucons » médias, illustrent assez cette considé­ des Etats-Unis sont à l’offensive pour ration. en empêcher l’application. Ils ont plu­ sieurs objectifs pour cela. les panaméens D’abord, dans la Zone du Canal, conserver et même étendre la structure sont coupables... militaire du « Southern Command », On sait généralement les raisons stra­ pour faire du Panama une sorte de tégiques du Pentagone, de Wall Street place d’armes en vue de contrôler et de la Maison-Blanche qui expli­ militairement toute l’Amérique latine quent leur politique en Amérique cen­ et d’organiser la « contre-insurrec ­ trale et dans les Caraïbes ; l’utilisation tion ». Pour cela, un complexe aéro­ militaire éventuelle du Canal de naval serait créé dans la péninsule Panama et de sa Zone, l’implantation d’Azuero sur le Pacifique, et une force massive et les profits des multinatio­ « de déploiement rapide » sur la côte nales dans la région et le centre ban­ caraïbe dans la province panaméenne caire international du Panama, les de Bocas del Toro. Ce qui exigerait conflits « de basse intensité » ali­ d’ici l’an 2000 que les effectifs mili­ mentés par Washington... taires au Panama passent de 15 000 actuellement à près de 100 000 Les Panaméens sont coupables : tou ­ hommes. Ces plans correspondent, au jours inspirés de l’idéal d’indépen­ moment où le monde voit se dessiner dance nationale et de progrès social du nettement la réduction progressive des général Omar Torrijos Herrera, les forces nucléaires de courte et soucis qui les animent ne s’insèrent moyenne portée, à la nouvelle impor­ 70 tance que donnerait le Pentagone au progressiste, et des dictateurs comme renforcement de ses armements Jean-Claude Duvalier et Augusto conventionnels. Pinochet ! Ensuite, le processus de conversion du Aux Etats-Unis un groupe spécial est Canal serait à modifier par rapport au alors chargé de !’« Opération Traité Torrijos-Carter, pour que la Panama » ; il est dirigé par un Cubain vole interocéanique soit remise à des émigré, José Solorzano, devenu mem­ sociétés multinationales, même si des bre du Conseil de sécurité des Etats- affairistes panaméens y seraient asso­ Unis. L’assistent trois généraux, cha­ ciés. En somme, une « nationalisa­ cun spécialiste d’une forme de tion » du Canal du modèle qu ’approu­ guerre ; Edwin F. Blank (psychologi­ verait par exemple la démocratie chré­ que), Earl Coke (économique), et tienne. L. Roy Manner (contre-insurrection­ nelle). Trois objectifs pour cette qua- On comprend que pour cela ce n’est drette ; discréditer le général Noriega vraiment pas sur le gouvernement jusqu ’à lui faire perdre son rôle diri­ actuel du Panama que Ton peut comp­ geant dans la société de son pays ; ter. Il y faudrait une équipe dominée « infiltrer » la F.D.P. (ce qui était par des politiciens de droite, par commencé d’ailleurs depuis des exemple du Parti panaméiste authenti ­ années) pour en éliminer les officiers que que dirige le « patriarche » « torrijistes » ; créer une « cinquième Amulfo Arias, et du Parti démocrate- colonne » civile qui puisse combler le chrétien d’Arlas Calderon. Mais vide politique ouvert par la perte même alors rien ne serait vraiment d’influence des partis traditionnels. réglé ; si en outre la pression des Ce qui fut fait. Etats-Unis parvenait à faire comman­ der la Force de défense panaméenne Deux jours à peine après les propos par des officiers plus « compréhen ­ téléguidés du colonel Roberto Diaz sifs » à l’égard de Washington, la Herrero, la « Croisade civique » est lutte pour l’indépendance nationale organisée, et agite dans les rues ses n’en serait pas terminée. mouchoirs blancs au nom du gratin de la société panaméenne. Elle rassemble la Chambre de Commerce et les clubs l’opération panama de l’élite — le « Lion ’s Club », le « Rotary Club », etc. — qui entrent Quand le 30 juin 1987 le Sénat des alors ouvertement dans le débat politi­ Etats-Unis, avec une hauteur impé­ que. Le peuple les appelle les « rabi- riale, exige par 82 voix contre deux blancos » (en français les « culs que les Panaméens limogent le général blancs ») ; ils pensent et vivent Manuel Antonio Noriega, chef de la comme les Nord-Américains, les pré­ Force de défense panaméenne fèrent à leur propre peuple, les appel­ (F.D.P.), c’est le début de la nouvelle lent même à une intervention mili­ offensive. taire. Avec eux un réseau rapidement Après que le colonel Roberto Diaz formé par les partis oligarchiques : la Herrera, à peine retraité de cette « Junte patriotique de reconstruction F.D.P., ait à la jubilation des forces nationale » et le « Mouvement démo­ de droite accusé son chef de malversa ­ cratique local », chargés de déstabili­ tions, de trafics divers, même d’assas­ ser le gouvernement par les manifesta­ sinats et de toutes les vilenies imagi ­ tions de rue et la violence. Objectif : nables, la campagne contre Noriega se installer un gouvernement docile aux développe, et gagne rapidement les intérêts des Etats-Unis et, en chassant médias du monde entier. En France, le général Noriega de la direction de la dans une presse alignée sur celle des F.D.P., faire de celle-ci une de plus Etats-Unis, on en viendra même à des armées antipopulaires de l’Améri­ mettre sur le même plan le général que latine. « torrijiste » Noriega, nationaliste et Ce fut le premier échec de !’« Opéra­ tion Panama ». Au plan international ration des communistes peut sembler même : Immédiatement, dès le optimiste. En effet, c’est quatre jours 1“ juillet, l’Organisation des Etats après sa diffusion que le conflit américains (O.E.A.) proteste par dix- devient plus aigu. Déjà, le général sept voix contre une — celle des Noriega étant présenté au monde Etats-Unis — et sept abstentions^ comme l’archétype parfait du chef contre l’ingérence grossière du Sénat militaire corrompu, on balançait de Washington. Au plan national, même dans les gouvernements de cette nouvelle agression a pour effet « transition démocratique » d’Améri­ de mieux souder le gouvernement que latine entre le devoir de solidarité panaméen et le soutien au général « anti-impérialiste » et la force de Noriega ; d’autre part, les pressions fallacieuses considérations « mora­ économiques sur la monnaie et le les ». Le président panaméen Eric commerce du pays échouent : la déter­ Delvalle fait plus que de balancer ; il mination populaire rompt les grèves est circonvenu, ou pire^. Le 25 fé­ patronales, et réduit les « abiblan- vrier, alléguant un discrédit du général cos » de la « Croisade civique » à un Noriega devant tant d’accusations désespoir impuissant. infâmantes, il le destitue. Pas pour longtemps : six heures après, en ses­ Mais la campagne de !’« Opération sion d’urgence, il est lui-même révo­ Panama » continue. Il faut, au nom de qué par l’Assemblée nationale ; on la démocratie naturellement, débarras­ ser le pays du chef militaire trop fort l’accuse d’avoir violé l’article 179 de d’une F.D.P. trop fidèle avec lui, dans la Constitution — le chef de la Force sa masse, à l’héritage politique et de défense ne peut être nommé que se­ social du général Omar Tonijos"^. lon le tableau d’avancement des mili­ taires — , et l’article 186, pour avoir Les communistes ne s’y trompent permis l’intervention d’une puissance pas : le Comité central de leur Parti du étrangère dans les affaires nationales. peuple de Panama (P.P.P.), analysant Comme pour justifier sa déchéance, le 21 février dernier le développement échappant alors à une « résidence sur ­ de la crise, constate que « si le géné­ veillée », Eric Delvalle s’allie dere­ ral Noriega assume la direction du chef. .. à ses ennemis de la veille, ceux peuple panaméen dans sa lutte pour de la « Croisade civique ». sa libération anticoloniale, et s’il évo­ Manuel Solis Palma devient président lue définitivement vers les positions de la République. Il est membre du populaires de libération nationale, il Parti révolutionnaire démocratique faut lui donner le soutien le plus (P.R.D., membre de l’Internationale décidé dans la phase finale de la socialiste) et soutenu dès lors par les grande bataille qui a commencé pour partis coalisés dans l’Union nationale assurer à la fin du siècle un Etat démocratique (UNADE). Mais aussi indépendant, démocratique, partici­ par les centrales syndicales de la patif et de progrès social. En ce classe ouvrière et des paysans, par la moment, il faut contribuer à ce que le Fédération des étudiants, et par le général Noriega comprenne la direc­ P.P.P. des communistes. Cela tandis tion dont le peuple a besoin pour vaincre... » 3. Les abstentions : Costa-Rica, Haïti, Honduras, Paraguay, et trois Etats des Caraïbes. « A la fin du siècle... » C’est-à-dire 4. Le général Omar Torrijos Herrera, chef de la Garde quand enfin, les traités Torrijos-Carter nationale, ayant pris le pouvoir le 11 octobre 1968, meurt dans un accident aérien « suspect » le 31 juillet appliqués, il ne doit plus y avoir au 1981. Il a créé un Code du travail, la Sécurité sociale. centre du pays une Zone étrangère Sous son gouvernement, le pays a été équipé en eau potable, en services de santé, en électricité ; l’analpha­ peuplée d’installations guerrières, et bétisme a baissé de 20 à 13 %. Les droits civiques et syndicaux ont été assurés, le nombre des écoles quand le Canal lui-même sera pana­ primaires doublé. Les taux de mortalité, surtout infan­ méen. tile, ont diminué notablement. 5. Arturo Delvalle est un bourgeois financier et « sucrier ». Il a finalement pris position pour la Quand la campagne mondiale inspirée politique des Etats-Unis, acceptant de planifier la par Washington redouble, cette décla­ destitution du général Noriega avec Elliot Abrams. que la Force de défense panaméenne hommes d’Etat de l’Amérique latine, réaffirme avec force son soutien à son pourtant traditionnellement attachés chef, ce général Noriega d’autant plus au principe de non-ingérence d’un vilipendé par les médias pro-reaga- Etat dans les affaires de quelque autre, niens du monde entier que le ont beaucoup tardé à soutenir le 10 février il avait osé, saluant le poing Panama contre les intromissions étran­ levé les meetings populaires, s’affir­ gères. D’une part les troublait sans mer « disposé à assumer un leader­ doute l’énorme campagne mondiale ship de gauche ». qui couvrait d’opprobres le général Noriega, véritable « méchant du wes­ Depuis des mois, le Panama affronte tern » tourné à Washington. D’autre d’autres offensives menées par Was­ part, certains gouvernants pensant à hington. D’une part le renforcement « leurs » militaires, ils pouvaient de la présence militaire aux portes de éprouver quelque gêne « démocrati­ Panama-Ville, dans la Zone du Canal, par les manœuvres appelées « Guer- que », en février dernier, quand le président de la République de Panama rero total » ; outre les quelque 10 000 se posait en victime d’un général hommes de la Brigade d’infante­ abusif. rie 193, le renfort des unités aéropor­ tées des Gardes nationales de Floride Cependant, le Panama a connu des et des bases de Porto-Rico. D’autre succès diplomatiques désespérants part, le blocus total de l’économie pour les Etats-Unis. L’assemblée du panaméenne ; en mars la Maison- Système économique latino-américain Blanche ordonne de « geler » 50 mil­ (S.E.L.A.) réunie à Caracas, condam­ lions de dollars de fonds panaméens, nait leurs sanctions, et surtout décide de ne pas payer sa mensualité envoyait son secrétaire permanent pour l’utilisation du Canal, paralyse dans le continent pour coordonner les 115 banques qui constituent le l’aide économique et financière à leur centre financier international. De « pays frère ». Cette décision com­ plus, le 16 mars, une tentative de coup mençait à dessiner un changement de de force contre le général Noriega, cap dans les chancelleries d’Amérique suscitée par les services des Etats- latine, alors qu ’à la fin février les Unis, oblige le gouvernement de ministres des Affaires étrangères du Mario Solis Palma à décréter un état « Groupe des Huit réunis à Carta- d’urgence. Cela d’autant plus qu ’au gena, évinçaient « provisoirement » même moment les troupes améri­ le Panama de leurs entretiens. caines sont en une « Alerte Charly » Les choses ont changé depuis lors. menaçante, et que 3 200 « bérets Sans parler du soutien politique et verts » sont dépêchés par Ronald Rea­ concret de toujours de Cuba au gan à la frontière du Nicaragua et du Panama « torrijiste », il est évident Honduras, tandis que la « Croisade que — même de façon discrète — civique » convoque pour le 21 une c’est dès le début de sa crise que des « ultime grève pour abattre pays d’Amérique latine et d’ailleurs Noriega ». ont aidé, et continuent de le faire, à la résistance du Panama aux agressions économiques. Dans ce domaine, le à l’aide d’une nation ministre panaméen des Affaires étran­ bafouée gères, Jorge Ritter, déclare en juin que tous les pays d’Amérique latine ont La campagne des Etats-Unis contre Noriega est « un assassinat moral 6. Juan Bosch fut écarté de la présidence en 1963 par un coup d’Etat inspiré par l’ambassade des Etats-Unis, pour en finir avec le leader de l’indé­ le Pentagone larguant sur Saint-Domingue plus de 30 000 « marines » qui empêchèrent son retour au pendance nationale », dit Juan Bosch, pouvoir. C’est un vétéran politique de 79 ans, écrivain l’ancien président de la République et essayiste estimé en Amérique latine et ailleurs. 7. Le « Groupe des Huit » comprend : les quatre pays dominicaine^. du « Groupe de Contadora » : Colombie, Mexique, Panama, Venezuela ; et les quatre du « Groupe de Force est de remarquer que bien des soutien » : Argentine, Brésil, Pérou, Uruguay. décidé de « partager le peu qu ’ils ont cherché obstinément une victoire avec une nation dont l’économie a été « idéologique » commode. Que ses détruite par les sanctions ». services dits « d’intelligence » — et Enfin, au plan diplomatique, ne faut-il comme on l’a vu la majorité de son pas comprendre comme une marque Sénat, démocrates et républicains internationale de solidarité que le confondus — aient voulu fonder leur Panama — en même temps que Cuba offensive sur « l’ennemi » tenu pour et la Colombie — ait été élu membre le plus vulnérable ne fait pas de doute. de la Commission des droits de De là l’énorme campagne contre le l’homme de l’Organisation des général Manuel Antonio Noriega, pré­ Nations unies ? senté au monde par un journalisme docile comme le « mouton noir » à rejeter au nom de la morale et de la ronald, démocratie. où est ta victoire ? Echec. Car le problème n’est pas, et n’a jamais été pour le peuple pana­ Ces sanctions économiques souffertes méen, celui du destin personnel de ce par le Panama ont même suscité, par général : le soutien dont il jouit a leur sévérité extrême, au nom de la même pris plus de force, de même que moralité puérile et honnête parfois, l’indignation patriotique anti-yankee mais aussi par intérêt matériel, une sinon anti-impérialiste, à la mesure vague de protestations de certains même où s’enflaient les querelles que milieux nord-américains et notam­ lui cherchait Washington. Quand le ment de chefs d’entreprises. P.P.P. des communistes, on l’a vu, Leurs effets ont été d’une terrible l’appelait en février à un « leader­ gravité : l’activité bancaire en est ship » de gauche, ce n’était pas pour devenue infime ; celle de la « Zone défendre le général de telle ou telle libre » de Colon a baissé de moitié ; le accusation, mais afin de combattre commerce de gros a décliné de 70 % pour l’indépendance et la souveraineté depuis janvier ; plus de 50 % des du Panama, que se poursuive le pro­ grandes manufactures sont ruinées, le cessus « torrijiste » et que soient bâtiment et les assurances paralysés ; garantis les droits du pays sur son on prévoit que le taux de 14 % du Canal. Car ce qui compte alors ce chômage doublera dans les prochains n’est pas une personnalité mais un mois. Même l’Eglise panaméenne, pays qui depuis quatre-vingt-cinq ans dont l’archevêque Mgr Marcos lutte pour son identité nationale. McGrath a soutenu ouvertement les Jusqu ’en juin dernier au moins, et manifestations subversives de la dans cet esprit, le peuple a gagné. « Croisade civique », condamne les Après maintes menaces, manœuvres, sanctions des Etats-Unis ; une « Let­ démarches, Washington est « sur le tre pastorale » de l’épiscopat, le reculoir ». Noriega se retirera, mais 24 avril, déclarait même que « l’éco­ « quand il voudra ». En outre, le nomie capitaliste..., étrangère aux gouvernement « restructuré » par besoins de base de la grande majorité Manuel Solis Palma le 24 avril s’est du peuple, est responsable de la nettement « radicalisé » : le Parti misère croissante », et que « les sanc­ révolutionnaire démocratique y oc­ tions des Etats-Unis excèdent une cupe neuf ministères au lieu de six stratégie quelconque de pression poli­ précédemment (ceux des Relations tique... et sont moralement injustes. » extérieures, de la Planification, du Il est finalement devenu évident que, Travail, de l’Education). On pourrait considérant le Panama comme une presque dire que, « grâce » à !’« Opé­ proie facile, et embourbé dans sa ration Panama », le « torrljisme » politique agressive contre le Nicara­ naguère thème de rhétorique acquiert gua sandiniste et les guérillas du Sal­ une part sérieuse de pouvoir effectif. vador et d’ailleurs. Ronald Reagan a Le président Manuel Solis Palma en est même, en mai dernier, à répondre à l’opposition, qui tient son gouverne­ ment pour « communiste et gau­ chiste » : « Nous sommes un groupe capitaliste sous l’agression d’un autre messioon pays capitaliste. » Editions sociales Confirmant cette évolution on peut, au moins à cette date, conclure par les conditions auxquelles le président de la République et le général Noriega accepteraient un accord avec les Etats- Unis : fin de l’agression économique ; retrait des troupes américaines envoyées au Panama en mars et avril ; retrait de la menace d’une intervention militaire ; reconnaissance du gouver­ nement Manuel Solis Palma. Il semble alors que les médias de tous pays, en attendant peut-être ou bien des nouvelles plus réconfortantes pour Ronald Reagan, ou bien l’opinion de son successeur, aient rayé de leur carte le Panama.

éê...Le devenir de la planète n’est pas fixé, les possibilités et les facteurs d’optimisme ne manquent pas pour faire avancer l’humani­ té dans le bon sens. 99

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146, rue du Fg-Poissonnière 75010 Paris socialisme un nouveau souffle pour le socialisme bulgare jean-paul piérot*

Les quelque trois mille deux cents ment extensif caractérisé par une ges­ délégués, représentant plus de tion centralisée et administrative, au 960 000 communistes, rassemblés au mode de développement intensif qui Palais de la culture de Sofia, ont implique une extension de la démocra­ adopté à l’issue d’une conférence tie et de la responsabilité dans les nationale les grands axes de la restruc ­ unités de production et, au delà, dans turation de l’ensemble du système toutes les sphères de la société. économique et politique. Le socia­ Si les Congrès du Parti sont l’instance lisme bulgare entre dans une nouvelle politique la plus élevée dans la vie des étape de son développement, ce que le pays socialistes, il est des réunions secrétaire général du P.C.B., Todor d’organismes et des forums d’un Jivkov, a traduit dans son discours niveau inférieur qui marquent davan­ introductif en parlant de « nouveau tage l’histoire. Ce fut le cas du Comité modèle du socialisme bulgare ». central d’avril 1956 qui, à la suite du 20® Congrès du P.C.U.S., porta criti­ évolution progressive que de la politique autoritaire et volontariste pratiquée au cours des ou changement années 50. C’est aussi le cas de la révolutionnaire ? Conférence nationale de janvier 1988 qui doit impulser, pour les années à La « perestroïka » bulgare, que la venir, l’action des communistes en Conférence nationale a consacrée, faveur de changements radicaux dans n’est en aucune sorte une copie de la gestion économique, dans le sys­ circonstance de l’entreprise de rénova­ tème politique, dans la sphère judi ­ tion du socialisme mise en œuvre en ciaire, dans les activités intellec­ Union soviétique ; mais il s’agit d’une tuelles. réponse bulgare aux problèmes se posant sous des formes spécifiques Dans le discours qu ’il a prononcé dans l’ensemble des pays socialistes : le passage d’un mode de développe­ * Journaliste à l’Humanité. La Conférence fédérale du P.C.U.S. ouvre ses travaux au moment où notre numéro de juillet-août paraît. Nous reviendrons bien évidemment sur cet événement à la rentrée comme nous continuerons à donner à voir sur les conférences nationales tenues ces derniers mois par les partis communistes de plusieurs pays socialistes. Ainsi le Parti communiste bulgare a réuni au début de cette année, les 28 et 29 janvier, une Conférence nationale appelée à faire date. Ce sont les nouvelles orientations qui y ont été adoptées que nous présentons ici.

devant la Conférence, Todor Jivkov a le point de rencontre laissé peu de secteurs à l’abri du vent des réformes, tout doit être mis à des intérêts jour ; le système de santé, l’éduca­ de la population tion, la vie associative, etc. La révolution scientifique et technique Pour donner un nouveau souffle au dans les pays socialistes ne peut être socialisme auquel la Bulgarie doit maîtrisée correctement qu ’à condition d’avoir pu accéder en un temps extrê­ que le système économique et politi­ mement court à un niveau économique que soit profondément modifié au et social avancé, une réorganisation bénéfice de l’autogestion et d’une complète s’impose et, sur ce point responsabilité accrue des travailleurs précis, la Conférence nationale corrige dans la production et la distribution. les options prises deux ans auparavant L’accélération des réformes dans le par le 13® Congrès du P.C.B. « Le domaine économique et politique a été Congrès du Parti avait adopté, pou- facilitée par la restructuration mise en vait-on lire dans le rapport écrit remis œuvre en Union soviétique. Celle-ci aux délégués, une ligne stratégique de revêt, précise le rapport présenté par croissance qualitativement nouvelle, Todor Jivkov, « une importance mais il ne l’avait pas explicitée comme exceptionnelle aussi bien pour le pays une ligne politique de restructuration. des Soviets que pour le socialisme Dès lors, deux voies de développement mondial, pour toute l’humanité ». s’ouvraient à nous : l’évolution pro­ gressive ou le changement révolution­ L’entreprise constitue l’unité de base naire. » Le mot est lâché, il s’agit bien fondamentale de la société socialiste ; pour les communistes bulgares d’une c’est aussi le point de rencontre entre bataille de longue portée visant à fran­ l’ensemble des intérêts de la popula ­ chir une étape qualitativement nou ­ tion : le travailleur produit et velle. « La restructuration est une consomme. De l’activité économique révolution », disent-ils. dépendent les possibilités de financer une politique sociale développée. ouvrant un compte en devises. Huit L’entreprise est aussi le point de ren­ banques commerciales ont été nouvel­ contre avec la démocratie : le collectif lement créées, avec lesquelles les de travailleurs décide au travail, répar­ entreprises établissent des rapports tit lui-même les revenus à chacun contractuels. Des contrats sont établis selon la part qu ’il a prise à la création aussi avec l’Etat lorsque les besoins de des richesses, ou bien l’équipe appli­ l’économie exigent une commande que les directives venues des minis­ obligatoire. C’est pratiquement le seul tères de tutelle. L’entreprise est au cas où l’Etat intervient dans le plan de centre de la restructuration. production. Désormais, toutes les unités de pro­ Dès lors que l’on accorde aux entre­ duction appartenant au pays tout entier prises une telle autonomie, l’ancienne sont gérées de façon autonome par les administration centralisée devient travailleurs qui y sont employés. Le obsolète. Progressivement, depuis processus de mise en gérance a débuté 1986, tous les ministères sectoriels ont au cours de l’année précédente et été supprimés, plusieurs organismes n’était pas achevé lors de la Confé­ de direction économique ont été refon­ rence. En effet, dans de nombreuses dus. Actuellement au niveau gouver­ entreprises, les ouvriers et les cadres nemental, l’économie est pilotée par éprouvent quelques réticences. Ils ont deux grands ministères : le ministère hérité, parfois, de situations difficiles de l’Economie et de la Planification et dues à la gestion précédente : gaspil ­ le ministère des Relations économi­ lages chroniques, état financier péril­ ques extérieures. leux, production de mauvaise qua ­ A la place des anciens ministères lité... économiques ont été fondées 21 asso­ Le nouveau système fait rentrer la ciations à la direction desquelles est démocratie par la grande porte de représentée chaque entreprise adhé­ l’usine. Un ensemble d’organismes rente. Ces associations sont des grou ­ élus, de la brigade à l’assemblée des pements économiques coordonnant les travailleurs, au Conseil économique activités par branches industrielles et — le directeur lui-même est élu —, organisant la division du travail. permet aux ouvriers, aux techniciens, Le nouveau système entraîne une cer­ aux cadres de participer aux décisions taine concurrence entre les entreprises pour définir la stratégie de leur entre­ dans le cadre du socialisme. La res­ prise. La répartition des salaires est ponsabilité des travailleurs en tant que déterminée pour une part par les col­ gestionnaires des moyens de produc­ lectifs. S’il existe un système de grille tion engendre de nouveaux risques. Si selon les qualifications, la participa­ le droit à un poste de travail est une tion effective de chacun est prise en garantie sur laquelle il n’est pas ques ­ compte et appréciée au sein de la tion de revenir, des liquidations brigade. Si les travailleurs peuvent d’entreprises peuvent intervenir. subir des baisses de revenus en raison L’Etat n’a plus la vocation de ren­ de mauvais résultats de production flouer à coups de subventions des (ceux-ci ne peuvent néanmoins des­ unités de production qui ne parvien ­ cendre en deçà du salaire minimum de nent pas à écouler leurs produits. 140 leva), l’entreprise a désormais le droit de fixer librement les augmenta­ tions de salaires, sans limites. L’entre­ toutes les sphères prise autogérée doit écouler sa mar­ de la société chandise sur le marché intérieur et concernées extérieur avec ses propres moyens. Ayant directement accès à l’exporta­ « La transformation de notre société tion, elle dispose librement de la plus en une société autogérée doit couvrir grande part des devises obtenues, soit toutes les sphères de la société, toutes en les revendant à l’Etat, soit en les cellules du système social », indi­ que la résolution adoptée par la Confé­ gestion économiques et politiques, rence. mais aussi les directions d ’organismes Le rapport de Todor Jivkov a tracé les publics dans le domaine de la science, grandes lignes des transformations à de la culture, de l’enseignement. » venir dans le système politique. Le développement de la démocratie « L’autogestion doit se développer sur passe aussi par une meilleure prise en la base d’une démocratie véritable », compte du pluralisme de la société affirme par ailleurs la résolution. dans le cadre du socialisme. Sur ce Dans ce cadre, les collectivités locales point, la vie associative a un rôle et territoriales voient leurs responsabi­ important à jouer : « Il ne faut pas lités s’accroître. Il faut que ces collec­ s’opposer, estime Todor Jivkov, à la tivités puissent s’appuyer sur un terri­ création de groupes et d’associations toire plus vaste, disposant de plus autonomes et à d’autres formes de grandes possibilités économiques. manifestations autonomes de la popu­ Dans ce but, les vingt-huit départe­ lation. » Ces associations doivent ments ont été transformés en neuf faire partie intégrante des commu ­ grandes régions. Cette réorganisation nautés sociales. administrative a été mise à profit pour reclasser dans l’industrie des cadres développer la démocratie dont les postes (19 000 selon les pré­ visions qui avaient été établies) au sein du parti avaient été supprimés. L’opération ne L’élargissement de la démocratie s’est pas déroulée sans difficultés socialiste requiert la mobilisation des puisqu ’au moment de la Conférence efforts de tous les communistes. Le nationale il restait 2 500 fonction­ Parti (Todor Jivkov a insisté fortement naires ayant refusé leur nouvelle sur ce point dans son discours intro­ affectation. ductif) doit cesser d’être une « supers­ A l’instar des entreprises, les com­ tructure hiérarchique » prenant le pas munes se définissent comme des sur les organes élus par l’ensemble de unités autogérées. Elles établissent la population. Le P.C.B. est invité à leurs relations avec les entreprises de rompre définitivement avec les leur territoire pour le développement méthodes administratives. Il doit des infrastructures sociales, commer­ impulser la mise en œuvre des change­ ciales, etc. Le budget de la commune ments. Il est « l’organisateur de la est largement alimenté par les impôts lutte pour le développement du socia­ locaux payés par les unités de produc­ lisme ». tion. La démocratisation de la vie interne La Conférence nationale du P.C.B. du Parti communiste bulgare entre devrait être suivie aussi de décisions et naturellement dans le champ de la de lois destinées à moderniser le sys­ restructuration : « La démocratie so­ tème judiciaire en renforçant notam­ cialiste de type nouveau à laquelle ment la place de la prévention et en nous aspirons n’est pas possible si la élargissant les droits des avocats. démocratie au sein du Parti ne se Le système électoral pourrait être développe pas à des rythmes plus réformé, déjà la présence de plusieurs rapides » (Todor Jivkov). candidats pour un poste à pourvoir est Le secrétaire général a abordé les une réalité et les dernières élections questions de l’information entre les municipales et régionales de février divers échelons de l’organisation et 1988 furent plus animées qu ’à l’ac­ s’est arrêté sur les questions des coutumée. Pourtant pour les dirigeants cadres. Il a préconisé une plus grande bulgares il faut aller plus loin : « Nous rotation des dirigeants nationaux et devons élargir la pratique des élec­ départementaux. Si la Conférence n’a tions, a indiqué Todor Jivkov, il faut pas procédé à un renouvellement de la élire non seulement les organes de direction, celui-ci devant intervenir lors du prochain congrès en 1991, communiste bulgare en 1991 sera Todor Jivkov a clairement indiqué marquée par une intense activité poli­ qu ’un tel renouvellement, tant au tique. Des tensions, voire des conflits, Bureau politique qu ’au Comité cen­ peuvent survenir. tral, vient à propos. A partir du pro­ Mais les communistes bulgares béné­ chain congrès, les postes de secrétaire ficient de conditions assez favorables général, de secrétaire départemental, pour mener à bien leur restructura­ de ville et de cellule ne pourront être tion ; la situation économique et exercés que pendant deux mandats de sociale du pays n’a pas connu de cinq ans consécutifs, trois mandats sensibles détériorations au cours des exceptionnellement. De même, la années précédentes et le P.C.B. Conférence a soutenu la proposition affirme sa volonté de développer l’au­ visant à ce que le secrétaire général du togestion, considérée comme un levier P.C.B. ne puisse, à l’avenir, être élu à indispensable de la réussite des la présidence de l’Etat, comme c’est réformes économiques. encore le cas actuellement. des atouts La Bulgarie s’est fixé l’objectif de devenir avant la fin du siècle un pays industriel développé. Pour 1988 le gouvernement prévoit un taux de croissance de 6,4 %. Dès cette année, 76 % de tous les investissements sont consacrés à la modernisation. La dette extérieure bulgare s’élève à 3,3 mil­ liards de dollars qui, selon les respon­ sables gouvernementaux, pourrait être remboursée dans les deux prochaines années. En 1987, les revenus réels de la population ont augmenté de 3,5 %. Dans son rapport, Todor Jivkov a annoncé que 1988 devrait permettre une élévation de 5,8 % du niveau de vie. La réforme des prix en est à ses premiers pas. Actuellement 22 % de la production sont alignés sur les tarifs internationaux, mais les prix de détail resteront subventionnés par l’Etat jus ­ qu ’en 1990, année à partir de laquelle on s’acheminera vers une politique de vérité des prix. Cette période « d’inflation maîtrisée » devrait être compensée par l’augmentation des salaires rendue possible par la réforme. La Conférence a confirmé aussi l’encouragement gouvernemental aux activités économiques individuelles dans l’artisanat et le commerce. La période qui sépare la Conférence nationale du prochain congrès du Parti activités internationales du p.c.f.

rencontres, entretiens, solidarité Octobre 23» A l’occasion de leur passage à Paris, 24 • Le rédacteur en chef de Rude Pravo, Maxime Gremetz, membre du Bureau poli­ Zdenek Horeni, secrétaire du Comité cen­ tique, secrétaire du Comité central, a reçu tral du Parti communiste tchécoslovaque, Fernando Cardénal, ministre de l’Educa ­ est l’invité de l'Humanité. Il rencontre tion, et Monica Baltonado, secrétaire d’Etat Roland Leroy et les dirigeants du journal. aux collectivités locales du Nicaragua. Zdenek Horeni est reçu également au siège du Comité central par Maxime Gremetz.

Novembre 2 au 4» Georges Marchais, secrétaire 18 • Dans le cadre d’une visite officielle général du P.C.F., Maxime Gremetz, mem­ effectuée en France, une rencontre frater­ bre du Bureau politique, secrétaire du nelle a lieu entre Fisima Desta, vice-prési ­ Comité central, Philippe Herzog, membre dent de la République populaire et démo­ du Bureau politique, Jean-François Gau, cratique d’Ethiopie, et Maxime Gremetz. membre du Comité central, représentent le P.C.F. à Moscou pour le 70® anniversaire • Rencontre amicale et fraternelle entre de la Révolution d’Octobre et au forum Sergio Viera, secrétaire du Comité central international des partis et mouvements du Parti Frelimo du Mozambique, et réuni les jours suivant les cérémonies. Dans Maxime Gremetz. ce cadre, une rencontre amicale a eu lieu entre Mikhail Gorbatchev et Georges Mar­ 21 • Maxime Gremetz et Charles Leder- chais. man, sénateur communiste, adressent un 10» A l’occasion du voyage officiel qu'ils télégramme au ministre des Affaires étran­ effectuent en France, Li Xiannian, président gères français, Jean-Bernard Raimond, de la République populaire de Chine, et pour qu ’il intervienne auprès du gouverne ­ Giao Shi, membre du Comité permanent du ment turc en faveur de Haydar Kutlu et Bureau politique du Parti communiste chi­ Nihat Sargin. nois, rencontrent Georges Marchais et Maxime Gremetz. 26 • Le P.C.F. est parmi les dix premiers signataires d’un appel de partis commu ­ 76 • Déclaration de Georges Marchais nistes affirmant leur solidarité avec les après l’arrestation à Ankara de Haydar dirigeants communistes turcs arrêtés et Kutlu, secrétaire général du P.C. de Tur ­ exigeant leur libération immédiate. quie, et Nihat Sargin, secrétaire général du Parti ouvrier de Turquie. 27 • Georges Marchais adresse un mes­ 77 • Une délégation du P.C.F. conduite par sage au congrès international des « Amis Jean Garcia, sénateur communiste de de Turquie » qui se tient à Paris. Le Parti Seine-Saint-Denis, se rend à l’ambassade communiste y est représenté par Jacques de Turquie pour exiger la libération des Denis, membre du Comité central, Charles dirigeants emprisonnés. Lederman et Gérard Bordu, député. Décembre

2 • Cent seize délégations venues de qua ­ tral, à un échange de vues sur la situation tre-vingt-dix-huit pays sont présentes au internationale. 26® Congrès du P.C.F. 21 • Dans une question écrite, Robert 9 • Maxime Gremetz, député, s’adresse à Montdargent, député, attire l’attention du M. Giraud, à la Commission des Affaires ministre des Affaires étrangères sur le pro­ étrangères, pour regretter qu ’après la blème de la dette des pays en voie de signature de l'accord Reagan-Gorbatchev développement. « la France soit, une fois de plus, à contre- 23 • Le P.C.F. est parmi les signataires de courant de l’histoire. » l’appel à la manifestation du 29 décembre 14 • Dans une déclaration, Georges Mar­ « pour exiger que cesse ia répression israé­ chais condamne avec force la répression lienne dans ies territoires occupés, pour sanglante qui s’abat sur le peuple palesti­ exiger des autorités françaises qu ’elies nien des territoires de Cisjordanie et de agissent résoiument en ce sens ». Gaza. 30 • Le Secrétariat du Parti communiste 17» Georges Haoui, secrétaire général du français adresse un message à l’occasion Parti communiste libanais, et Maxime Gre­ de la nouvelle année aux dirigeants com­ metz procèdent, au siège du Comité cen- munistes turcs emprisonnés. Janvier 9 • A l’occasion de sa visite officielle en 22 • Le D.K.P. de R.F.A. et le P.C.F. lan­ France, Erich Honecker, secrétaire général cent un appel solennel à toutes celles et à du Parti socialiste unifié d’Allemagne tous ceux qui, en R.F.A., en France, en (S.E.D.), rencontre Georges Marchais. Le Europe ont à cœur la paix et le désarme­ dirigeant de la R.D.A. est accompagné de ment et la coopération sur notre continent. Günter Sieber, membre du Comité central Ce texte est rendu public simultanément à du S.E.D., et d’Alfred Marter, ambassadeur Bonn et à Paris ( i'Humanité du 25 janvier). de R.D.A. à Paris. Maxime Gremetz accom­ pagne Georges Marchais.

Février

3«Le P.C.F. soutient la manifestation 17•Jean Garcia, sénateur communiste, contre la répression en Palestine, à l’initia­ interpelle le gouvernement afin qu ’il fasse tive de nombreuses organisations fran­ connaître sa position sur la répression à çaises de solidarité. Gaza et en Cisjordanie.

4 • Les élues communistes, membres du 18 • Georges Marchais prononce un dis­ Sénat et de l’Assemblée nationale, publient cours au meeting organisé par le P.C.F. un communiqué qui exprime leur émotion pour condamner la répression dans les et leur indignation à l’égard de la répression territoires occupés par Israël. Un démo­ dans les territoires occupés par Israël. crate israélien. Abraham Oz, et Yasser 11 • A l’invitation du Parti communiste Abder Rabbo participent à ce meeting. guadeloupéen une rencontre a lieu en Gua ­ deloupe entre les représentants du P.C.F. • Charles Caressa, membre du Comité et du P.C.G. Maxime Gremetz et Jean- central, et Roger Trugnan, collaborateur de Charles Nègre représentent le P.C.F. La la section de politique extérieure, représen­ délégation du P.C.G. était composée de tent le P.C.F. au XII® Congrès du Parti Guy Daninthe, secrétaire général, Claudy communiste d’Espagne. Chipotel et Serge Pierre-Justin, membres du Bureau politique, secrétaires du Comité 22 • André Lajoinie adresse un message central, et Daniel Geniès, membre du de félicitations à Georges Vassiliou après Bureau politique. son élection à la présidence de la Républi­ que de Chypre. 16» Georges Marchais et Roland Leroy assistent au rassemblement de solidarité 26 • Déclaration de Maxime Gremetz organisé pour la libération des otages fran­ après les mesures répressives de Botha en çais du Liban. Afrique du Sud.

Mars f®'’» Le P.C.F. envoie un télégramme au borateur de la section de politique exté­ président Abdou Diouf au Sénégal après rieure, dépose une motion auprès de l’arrestation des opposants au régime. l’ambassadeur du Sénégal en France pour 2 • Une délégation du P.C.F. composée de protester contre la vague d’arrestations de Charles Lederman et de Gilbert Julis, colla- démocrates sénégalais.

82 4 • A l’occasion d’une visite en France, le militants noirs. Le P.C.F. s’associe à la ministre des Affaires étrangères d’Ethiopie manifestation devant l’ambassade d’Afri­ reçoit Maxime Gremetz. que du Sud. 10» Le groupe communiste et apparenté f7*Tawfik Zayad, membre du Bureau de l’Assemblée européenne reçoit à Stras­ politique du Parti communiste israélien, est bourg Mme Kutlu, l’épouse de Haydar reçu par Maxime Gremetz. Kutlu incarcéré à Ankara. 21 • A l’occasion de la journée internatio ­ 11 • Georges Marchais adresse un mes­ nale contre le racisme, lors de la réception sage de condoléances au Comité central organisée au siège du Comité central du du Parti communiste du Vietnam après le P.C.F., Claude Billard, membre du Bureau décès de Pham Hung, président du Conseil politique du P.C.F., dresse le bilan de la des ministres de la République démocrati­ discrimination raciale en France. que du Vietnam. 23 • Robert Montdargent s’adresse à Gis­ • A l’invitation du Parti communiste marti­ card d’Estaing, président de la Commission niquais une rencontre a lieu en Martinique entre les représentants du P.C.F. et du Parti des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, après son refus d’accéder à la communiste martiniquais. Maxime Gremetz et Jean-Charles Nègre représentent le demande des députés communistes d’envoyer une mission parlementaire en P.C.F. La délégation du P.C.M. est compo ­ sée d’Armand Nicolas, secrétaire général, Cisjordanie et à Gaza. André Constant et Mathurin Gottin, mem­ 24 • René Théodore, secrétaire général du bres du Bureau politique, secrétaires du Parti unifié des communistes haïtiens, ren­ Comité central, et Michel Branchi, membre contre Maxime Gremetz au siège du P.C.F. du Bureau politique. La délégation du P.C.F. assiste au congrès du P.C.M. 29 • Immédiatement sur les lieux de l’as­ sassinat de Dulcie September, représen­ 14 • André Lajoinie réclame, dans une tante de l’A.N.C. en France, Georges Mar­ déclaration, le boycott total du régime de chais et André Lajoinie condamnent le l’apartheid. crime et dénoncent la complicité de la 15 • Déclaration du Parti communiste fran­ France officielle. A l’appel du P.C.F., plu­ çais : « Arrêtons le bras des bourreaux », sieurs milliers de personnes manifestent après la décision de pendaison de six dans la capitale.

Avril J®''* Dans une question écrite au ministre représentante de l’A.N.C. de l’Intérieur, Guy Ducoloné, vice-président 14 • Interrogé par l’A.F.P. sur les change ­ du groupe communiste à l’Assemblée ments en cours en U.R.S.S., Georges Mar­ nationale, demande la dissolution du corps chais renouvelle le soutien des commu ­ des voltigeurs de la police après les bruta ­ nistes français à la perestroïka. lités dont ont été victimes les jeunes qui manifestaient contre l’apartheid. 17» Dès l’annonce de l’assassinat de Abou Jihad, Georges Marchais adresse un • Maxime Gremetz rappelle dans une message au président de l’O.L.P. Yasser déclaration la position du Parti communiste Arafat. français pour la solution du problème palestinien. 18 • Le P.C.F. et de nombreuses organisa ­ tions manifestent pour les Six de Sharpe- 8 • Georges Marchais exprime la satisfac­ ville, et pour la rupture de toutes relations tion du Parti communiste français après la avec Pretoria. conclusion de l’accord destiné à mettre fin 22 • Jean Garcia, sénateur, et Jacques au conflit afghan. Fath, collaborateur du Comité central, 9 • Lors des obsèques de Dulcie Septem- représentent le P.C.F. à l’hommage rendu, ber, Georges Marchais rend hommage à la à Paris, à Abou Jihad.

Mai 4 • A l’annonce de la libération des otages Fernando Flores Ibarra, ambassadeur de français au Liban, Georges Marchais se Cuba en France, et Jean-Charles Nègre, félicite de leur libération et salue leur cou ­ responsable adjoint de la section de politi­ rage. que extérieure du P.C.F., participent à cette rencontre. 10 • Maxime Gremetz rencontre Jorge Ris- quet, secrétaire du Comité central du Parti • Le P.C.F. est représenté par Maxime communiste de Cuba. Les entretiens por­ Gremetz, François Asensi, député de tent sur la situation en Afrique australe. Seine-Saint-Denis, Robert Montdargent, député du Val-d’Oise, à la manifestation Comité des amis de Jean-Paul Kauffmann, organisée contre le massacre d’Ouvéa en participent à la rencontre. Nouvelle-Calédonie. 29 • Déclaration de Georges Marchais à propos de la nouvelle rencontre Gorbat­ Ï7* Jean-Paul et Joëlle Kauffmann ren­ chev-Reagan à Moscou. dent visite à Georges Marchais au siège du Comité central. Roland Leroy, membre du 30 • Georges Marchais écrit au secrétaire Bureau politique, Gisèle Moreau, membre général de l’O.N.U. pour souhaiter plein du Bureau politique, secrétaire du Comité succès à la troisième session spéciale de central, Michel Cantal-Dupart, président du rO.N.U. sur le désarmement.

Juin

8 • Maxime Gremetz et Jacques Denis Parlement européen, est parmi les 45 représentent le P.C.F. à la manifestation représentants de la France au concert de organisée par le Comité « Turquie liberté ». Wembley, en Grande-Bretagne, où quatre- vingt-dix mille jeunes sont rassemblés • Francis Wurtz, membre du Comité cen­ contre l’apartheid en Afrique du Sud, pour tral du P.C.F., secrétaire du Comité de la libération de Nelson Mandela. défense des libertés et des droits de l’homme en France et dans le monde, et 15 • Maxime Gremetz reçoit Piero Fassino, Charles Lederman assistent à Ankara au membre du Secrétariat du Parti commu ­ procès intenté contre les dirigeants com­ niste italien. munistes en Turquie. 16 • Le P.C.F. se joint à l’appel de « Tur ­ 9 • Le mouvement de la J.C. organise un quie-Liberté » pour rassembler des déléga ­ rendez-vous anti-apartheid à l’esplanade tions devant l’ambassade de Turquie à de Beaubourg pour célébrer les 70 ans de Paris. Il y est représenté par Maxime Gre­ Nelson Mandela, avec la participation de metz. nombreux artistes. Le P.C.F. est présent par une délégation conduite par Maxime • Georges Marchais écrit à Nelson Man­ Gremetz. dela à l’occasion du 70® anniversaire du leader de l’A.N.C., privé de liberté depuis 10 • Francis Wurtz, député communiste au vingt-six ans. messioon Editions sociales

Socialisme(s)

Francis Cohen et un collectif de spécialistes

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146, aie du Fg-Poissonnière 75010 Paris messioon Editions sociales

La dynamique Gorbatchev

Gérard Streiff

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85 histoire jean-jacques rousseau V apprentissage de Vhumanité de guy besse

Jacques milhau jean-jacques rousseau l’apprentissage de l’humanité' de guy besse

Un grand livre nous vient, savant et révélatrice en quelque sorte, avec la juste, généreux et décidé, d’un auteur foi et le style éminent d’un homme de qui détient de semblables qualités qualité, d’un intellectuel exemplaire. d’humanité active. Il fera certaine­ ment date autant par le fait qu ’il Car le choix de Rousseau pour un si élucide les enjeux modernes de la grand travail n’est ni fortuit, ni problématique, à la fois pratique et conventionnel, ni accessoire. Il est de théorique, de notre humanisation phy­ vocation réciproque, pour ainsi dire, sique et morale, individuelle et entre ce promoteur d’authentique sociale, que parce qu ’il est une contri­ humanité que Jean-Jacques voulut et bution de tout premier plan aux études sut être et le philosophe communiste rousseauistes en France. dont tous ceux qui le connaissent ont touché de près l’égale passion d’au ­ Dans et par l’écriture de Jean-Jacques thenticité. Rousseau l’apprentissage de l’huma­ nité, s’accomplit ainsi et s’exprime A la lecture, on perçoit du reste à quel une personnalité marquante et atta­ point Guy Besse aime son auteur pour chante, celle d’un philanthrope ce que celui-ci avait d’intérêt et d’at­ engagé, sincère et lucide, qui a consa­ tention à l’humain, qu ’il soit en lui- cré des années de lectures, de même ou en autrui. D’une affection recherches, d’échanges et discussions, dont la prédilection philosophique mais aussi de réflexion philosophique n’en reste pas moins exigeante et fécondée par une expérience civique critique à son égard et cependant et militante, nourrie encore des leçons sensible par-dessus tout à l’intégrité et méditées de sa propre existence. à la rectitude de celui qui voulut toujours être au lieu de paraître, se révoltant contre lui-même lorsqu ’il un ami de rousseau avait conscience de faillir, de démen­ tir ses idées les plus fortes par quelque Une touche singulière n’est peut-être acte malencontreux. pas déplacée ici pour justifier le pro­ pos. L’étudiant d’il y a quarante ans Quoi qu ’il ait eu à redire parfois dont l’engagement social rencontra contre le citoyen de Genève qu ’il celui d’un aîné, jeune agrégé de philo­ admirait néanmoins par bien des sophie, professeur à Bourges, et côtés, Marx avait déjà salué en d’au ­ découvrit son enthousiasme raisonné, tres temps « le simple tact moral qui tour à tour convaincant et interrogatif, préserva Rousseau, par exemple, de qu ’il ne cessa depuis lors de côtoyer toute compromission apparente avec * avec bonheur, éprouve aujourd ’hui le * Guv Besse, Jean-Jacques Rousseau l’apprentissage sentiment gratifiant d’une proximité de l’humanité, collection Terrains, Messiaor/Editions plus explicite encore, intimement sociales. Paris 1988. 190 F. Jacques milhau

les pouvoirs établis Il ne peut nous rapporter à son monde, de le percevoir être indifférent aujourd ’hui que le et le juger, d’y inscrire son action. jeune étudiant résistant, que le profes­ Mais comprendre en profondeur un seur de lycée d’université et des écoles vécu significatif et de grande de militants, que le dirigeant politi­ influence sur la culture nationale et que, le chercheur et le philosophe mondiale n’est pas seulement tenter de enfin, ait pris pour harmoniques des particulariser l’examen marxiste d’une préoccupations qui sont les siennes et biographie intellectuelle et morale font le sens de sa vie, celles que rendue intelligible par la saisie perti­ Rousseau a exprimées et qu ’il a tenté nente, tout en étant discrète, de son de concilier en ses œuvres majeures, rapport à un contexte social et culturel des Discours au Contrat social , de donné. Le comprendre de meilleure Julie ou la Nouvelle Héloïse aux manière implique aussi que la problé­ Confessions, de VEssai sur l’origine matique de l’auteur étudié puisse être des langues aux Rêveries d’un prome­ intimement partagée dans une heu ­ neur solitaire ou aux Dialogues. reuse complicité d’intention, d’exi­ gences et d’aspirations, si différentes que puissent être les optiques théori­ comprendre un auteur ques respectives. pour en mieux expliquer Guy Besse se garde bien en effet de l’œuvre projeter sur Rousseau, ne serait-ce qu ’à titre de précurseur, une concep ­ Ceci pour dire que la reprise critique tion marxiste de l’individualité de la vie et de l’œuvre de Rousseau, humaine qui ne pouvait être la sienne. telle que Guy Besse l’effectue en Mais s’il pénètre sa sensibilité intran­ pleine et intelligente maîtrise des sigeante aux choses humaines, c’est outils affinés de l’analyse marxiste, qu ’une étroite affinité de pensée le n’a rien d’une approche désincarnée et rapproche à travers le temps d’un des sèche qui effacerait la réalité d’une esprits les plus avancés, socialement expérience et d’une pensée singulières et culturellement parlant, du siècle des pour ne laisser place qu ’à ses seules Lumières. Ce n’est pas prétendre conditions historico-sociales. Une qu ’un philosophe communiste aurait, percutante démonstration est ainsi en tant qu ’historien de la philosophie, faite qu ’on n’explique jamais aussi le privilège exclusif de l’intelligence bien l’œuvre philosophique et litté­ de Rousseau. Rien ne serait plus ridi­ raire d’un grand auteur que lorsque cule au regard de la féconde pluralité l’on parvient, au bout du compte, à comprendre comment il en a lui-même 1. Karl Marx à Johann Baptist Von Schweitzer à Berlin, « Au sinet de Prou^on », Londres, le 24 vécu l’exigence et l’entreprise, traduit janvier 1865. Correspondance Marx-Engels, tome originalement sa façon propre de se Vni, p. 18. Messidor/Editions sociales. Paris 1981. des études autorisées qui lui sont camarade et ami ce qui nous en rap­ consacrées. proche et ce qui nous en éloigne. Ce livre nous suggère qu ’il est une façon contemporaine d’être rousseauiste à frères en humanité part entière sans n’être que cela et combative d’être ce que nous sommes sans être étranger au rousseauisme, bien au Mais une analogie de situations, de contraire. Jean-Jacques nous habite en prises de position a sans doute été quelque manière ; l’ignorer ou l’ou­ l’élément décisif qui a présidé à cette blier serait amputer notre propre restitution si réussie, parce que scru­ humanisme d’une dimension dont les puleuse et respectueuse de son objet, grandeurs et les faiblesses, les préco­ du devenir-monde de Rousseau tel que cités et les prémonitions, les immatu­ son œuvre l’a rendu mémorable : rités et les anachronismes sont aussi similaire origine populaire aux mar­ instructives les unes que les autres. ques déterminantes, similaires expé­ riences des injustices et exigence res­ L’imposant et stimulant ouvrage de pectivement vécue de protestation Besse est bien patrimonial en ce qu ’il sensée contre un monde inhumain, intercède, par ce qu ’il porte en lui comparable appropriation de concep­ d’humanisme vécu, réfléchi et par­ tions qui, mutatis mutandis, ne confè­ tagé, entre Rousseau et nous-mêmes. rent à l’homme ni prédestination iné­ Pour notre bien, notre optimisme luctable, ni arbitraire discrétionnaire, transformateur, notre foi en l’homme, mais affirment sa disponibilité et ses individu et peuple tout à la fois ; pour dispositions pour la production et la l’honneur de Rousseau aussi, vis-à-vis réalisation de sa possible humanisa ­ de tous ceux qui revendiquent la tion, franc démocratisme qui prend liberté, l’égalité, la solidarité et la délibérément et obstinément le parti dignité, tout autant qu ’à l’égard de la d’en juger selon la situation des république des lettres ! opprimés et des défavorisés, selon le destin de leurs potentialités et leur jean-jacques droit à la vie, à la solidarité, au bonheur. tel qu’en lui-même Ainsi devons-nous à cette fructueuse Un tel livre ne se résume pas. Il se lit concordance entre deux existences de et se relit méditativement comme la pouvoir à notre tour en venir ou biographie philosophique, sociale et revenir à Rousseau, non pour formel­ personnelle de Rousseau, comme la lement nous en instruire de façon recension de l’incessant mouvement conventionnellement culturelle, mais de conversion de son expérience en pour reconnaître en lui, en rapporter et réflexion, pour reprendre ici la for­ transposer dans notre monde et en ses mule du philosophe personnaliste Jean enjeux l’éloquente expression et les Lacroix. Et si le premier mérite de leçons vivantes. Notre exigence cette écriture biographique est de syn­ moderne et révolutionnaire de libéra­ chroniser dans leur enveloppement tion humaine dans les voles du socia­ réciproque les événements cruciaux lisme et du communisme scientifiques d’une vie, d’un monde et les ouvrages ouvertes par Marx et vécue désormais qui, si divers par leurs genres, sont au quotidien de chacun et de tous pour animés de la même volonté de procla­ changer de pouvoir, de politique, de mer le véritablement, l’authentique­ société, s’enrichit entre autres choses ment humain, de dénoncer ce qui le et à la française du monument Rous­ pervertit en l’individu et en la société, seau. Elle s’enrichit d’autant plus, le second est de nous ramener chaque s’inscrit ainsi dans la grande trajec­ fois à l’essentiel et à l’original de toire de notre histoire et la dépasse chaque œuvre de Rousseau. L’autoré­ vers un avenir novateur, qu ’elle dis­ formation intellectuelle et morale de crimine grâce au travail de notre soi pour se faire toujours plus humain. c’est-à-dire libre et créateur, instruit ployée par Stendhal en son Lucien sans être sophistiqué, le meilleur pos­ Leuwen, que chaque conjoncture his­ sible en toute entreprise, égal et égali ­ torique oblige à repenser concrète­ taire, homme de cœur et de sentiment, ment. Goethe écrivait aussi qu ’il n’y a penseur rigoureux du juste, de l’utile, d’étemel que le circonstanciel. L’éter­ sage et citoyen, s’exprime directement nel humain, aux modalités toujours ou indirectement en des livres dont changeantes au gré de l’histoire des l’analyse est aussi subtile que précise rapports sociaux, n’est-ce pas en effet et incisive, sans le moindre parti pris ce souci réellement utile de la justice, réducteur ou partisan. Parmi toutes de la liberté et de la paix déjà si ces lectures suggestives de Guy intensément présente chez Rousseau ? Besse, je tiens tout particulièrement Cet étemel ne nous est-il pas circons- pour inégalé à ma connaissance l’exa­ tanciellement donné par lui, non men scrupuleux et perspicace de Julie comme source d’inopportune imita­ ou la Nouvelle Héloïse, ce roman qui tion mais comme stimulation de nos justifie une lecture trop souvent négli ­ raisons propres de lutter ? gée. L’humanité s’apprend, côté privé, actualité politique côté public, dans le grand livre du de rousseau monde qui n’est jamais écrit d’avance, contre ces mauvais maîtres que sont La sensibilité militante sera peut-être une société injustement construite au portée à privilégier dans une lecture détriment des pauvres et des asservis, qui ne devrait rien négliger cependant une culture aliénante qui étouffe le de ce que nous apprend Guy Besse, naturel en l’homme sans pouvoir le tout ce qui touche à l’expérience détruire et privilégie les faux prestiges sociale si perceptible dans Emile, au de l’amour propre et du paraître. Elle démocratisme dont Rousseau est le s’acquiert contradictoirement dans un théoricien le plus strict et le plus mouvement de difficile et périlleuse exigeant. Tout est ici neuf et sain, recherche de la valeur d’universalité toujours étonnamment actuel lorsque dans la manière d’être humain, c’est- l’enjeu politique des luttes économi ­ à-dire de réaliser la liberté, la perfecti­ ques, sociales et idéologiques de notre bilité, la sensibilité et la raisonnabilité temps est de parvenir, par le rassem­ dont chaque individu est porteur. blement populaire transformateur et Recherche éthique d’un devenir de soi libérateur, à lever l’hypocrisie d’une dont on ait à rougir le moins possible, pseudo-démocratie portée à son com­ recherche juridico-politique des ble en ce printemps 1988 et qui bafoue conditions optimales de l’existence le suffrage universel, dépossède la communautaire, fraternelle et indivi ­ souveraineté populaire, consacre fina­ duellement qualifiante en société de lement l’autocratie, pour instaurer, petits propriétaires, rien que de l’hu ­ par-delà ces escroqueries, le pouvoir main en tout ceci, utopie comprise, à du peuple, par le peuple, pour le quoi Rousseau se refusait d’être étran­ peuple, pour inventer ainsi les formes ger. d’une autogestion de caractère socia­ Profondément philosophique en ce liste. qu ’elle manifeste de bout en bout cette Si Rousseau tient une place à part dans passion de l’universel concret que tout son siècle, qui lui vaut une haine de être incarnerait spontanément sinon classe et les fausses accusations lucidement, toute l’œuvre de Rous­ d’absolutisme populaire anti-indivi ­ seau peut et doit être prise comme dualiste, il le doit à une conception du exemple d’engagement transformateur droit politique audacieuse et conqué­ de toute condition objective et subjec­ rante qui a génialement anticipé en tive de l’inachevable humanisation de théorie, si nécessairement rectifiable l’homme, de prise du « parti de soit-elle, ce dont l’histoire présente en l’homme » selon l’expression em­ train d’accoucher. Rien ne sert en effet de se limiter à la critique de la volonté de donner et de se donner le l’idéalisme du sujet, de l’individua­ meilleur de soi-même en sa façon lisme abstrait situés au principe d’une propre de s’affirmer et de s’épanouir, ample vision qui, partant de la qualité de lutter pour une société plus mythique de « l’homme de la nature » humaine en laquelle le peuple n’ait fait le procès justifié de l’homme de la plus à quémander vraiment d’être culture, « l’homme de l’homme » et reconnu parce qu ’il s’y reconnaîtra ambitionne de reconstruire celui-ci en lui-même. Que Rousseau, intelligem­ tant qu ’être individuel et social par la ment compris, est plus que d’autres pédagogie, par la législation, en civili ­ notre contemporain, fait peuple avec sation régénérée. Rousseau ne saurait nous, frère en destinée, c’est ce que être enterré si vite, si inconsidéré­ Guy Besse n’aura pas à regretter ment. L’ironie de l’histoire est préci­ d’avoir enseigné, en leçon d’humaine sément que son fondement contractuel camaraderie, à tous ces lecteurs qu ’il associatif de la société politique n’a ne manquera pas d’avoir aujourd ’hui d’illusoire que son statut intemporel et et demain. son impossible établissement tel quel. Car l’idée d’association communau­ taire est devenue désormais exigence historique. Notre époque est bien celle qui porte tendanciellement en elle les possibilités sociales et humaines de satisfaire la demande rousseauiste d’association par les moyens et les voies qu ’il n’était pas encore en posi­ tion de pouvoir se représenter. Ce qu ’il mettait au commencement de l’histoire par apriorisme imaginaire est plutôt à la fin de ce que Marx appelait par apostériorisme consé­ quent la préhistoire de l’humanité, achèvement dont le processus se concrétise progressivement désormais dans la diversité des voies nationales de l’émancipation humaine.

Les palpitations planétaires de notre histoire — de l’alternative démocrati­ que autogestionnaire à la crise aux restructurations socialistes, des révo ­ lutions populaires tiers-mondistes à la recherche balbutiante de solutions irréversibles aux problèmes du surar­ mement, de la faim, de l’analphabé­ tisme et du sous-développement —, nous contraignent opportunément à reméditer pour notre propre compte et à réinventer du même pas l’apprentis­ sage d’humanité qui est la grande leçon du rousseaulsme. Le découvrir à l’aide d’un tel travail de thèse qui n’est pas de simple routine universi­ taire, c’est se donner la joie de se conforter, à travers le drame existen­ tiel et les plus fortes pensées de Rousseau, dans ses convictions, dans messloon Editions sociales

J.-J. Rousseau l’apprentissage de l’humanité

Guy Besse

190 F

146, rue du Fg-Poissonnière 75010 Paris messloon Editions sociales

Sur la Révolution française

Claude Mazauric

105 F

146, rue du Fg-Poissonnière 75010 Paris chronique littéraire andré stil biographe de robespierre et danton Charles haroche

Peut-être faudrait-il, à propos du livre des deux personnages les plus emblé­ d’André Stil commencer par un plai ­ matiques de la Révolution de 1789, de doyer de la biographie des grands participer à la formation de leur per ­ personnages historiques comme sonnalité, à l’évolution de leurs senti­ contribution à l’étude vivante de l’his­ ments et de leurs idées, et de mieux toire de la Révolution française de saisir les motivations profondes de 1789. leurs actes. Quoi qu ’on fasse, on n’enlèvera pas Il faut insister sur cette expérience du leur prestige à Robespierre et Danton. romancier qui a projeté une pleine Leur image réelle a été défigurée sou ­ lumière sur les attitudes complexes et vent par le bric-à-brac pseudo-histori ­ contradictoires de Robespierre et que de certains glossateurs plus Danton, pour élever au plus haut sens pressés de dévaloriser ces deux du terme la compréhension de leur grands hommes au destin parallèle et relation étroite et de leur être authenti­ tragique, l’un et l’autre achevant leur que. odyssée révolutionnaire sur l’écha­ Chapeau à André Stil pour cette habi­ faud. leté dialectique qui bouscule, en pas­ Les qualités de scrupuleuse honnêteté sant, les interprétations stéréotypées, dans le maniement des documents et les lieux communs à propos de des sources, la connaissance appro ­ « l’incorruptible » , les contresens et fondie des événements les plus signifi­ les images renversées à propos de catifs et les moins connus de la vie de Danton, « corruptible » ! ces deux héros, font du travail d’André « Pour beaucoup, écrit André Stil, Stil sur Robespierre et Danton une œuvre d’authentique historien. Robespierre est un fou sanguinaire. Quand on l’a fréquenté un peu, on le Le romancier bien connu ne sacrifie sent bon et doux. Et pourtant, il y a la pas pour autant un iota de notre plai­ Terreur. Pour beaucoup, Danton est sir. On le retrouve en analyste minu­ une branche pourrie. Après avoir été tieux et précis qui nous permet, à l’idole de générations d’historiens. différents niveaux du vécu individuel D’autres mesures, d’autres monstres. André Stil, de l’Académie Goncourt, vient de publier un ouvrage monumental, sous le titre : Quand Robespierre et Danton... inventaient la France*. La mise en scène de leurs discours et de leurs idées, puisés à différents niveaux de leur vécu individuel, permet à leur biographe, romancier et essayiste, ancien rédacteur en chef de l’Humanité, membre pendant vingt ans du Comité central du P.C.F., de montrer leur attitude véritable aux moments décisifs de la Révolution.

d'autres systèmes de valeur ? On Robespierre et de Danton, abondam­ verra. » (p. 10) ment cités et surtout mis en scène Le romancier-biographe a su se méfier dans le contexte des circonstances des iliusions d’optique, en maîtrisant qui les ont provoqués, indique à la fois parfaitement l’ampleur des différences un déplacement d’éclairage par rap ­ et des caractéristiques communes, port à la narration directe des événe­ révélatrices jusqu ’aux moindres ments historiques, et un renouvelle­ ment de l’usage des sources et du détails, des deux grands personnages historiques. Et pourtant son livre n’est système référentiel. ni celui d’un historien, encore moins La critique traditionneile des nom­ de romancier, dans ie sens où la fiction breux ouvrages qui viennent de paraî ­ l’emporte généralement dans une tre à l’occasion du bicentenaire de ia œuvre d’imagination. Révoiution française est sans doute plus soucieuse de pertinence quand il André Stil le qualifie lui-même : « Livre s’agit d’interprétations et de préoccu ­ d’"honnête homme”, peut-on risquer pations idéologiques foncièrement — au sens humaniste du mot — sou­ extérieures aux textes, et croit devoir cieux de sources, plus que des com­ conjuguer au passé — voire même au mentaires affluents. Si honnête conditionnel — les faits et les pro ­ homme est trop flatteur, démarche blèmes qui permettent de voir com­ d’un citoyen, d’un simple citoyen. ment se constitue l’histoire. L ’histoire est comme l’électricité : les savants l’offrent à tout le monde. Je ne Prendre Robespierre et Danton, dès suis pas savant, et j’écris pour tout le leur naissance, suivre leur enfance, monde. » leur milieu familial, la formation de leur jeunesse, leurs qualités et leurs défauts, leur tempérament, leurs aspi ­ mise en scene rations et leurs penchants intimes, des textes c’est aussi une façon de voir comment les représentations forgées à leur pro ­ La méthode adoptée par André Stil de privilégier ies textes et discours de * Editions Grasset, 557 pages, 145 F. pos ne renouvellent pas beaucoup les et comme un moyen de connaissance portraits qu ’on donne généralement de deux individualités exceptionnelles d’eux. L’histoire a souvent été écrite à de la Révolution française. partir des partisans ou des adversaires de l’un réduisant la place de l’autre. En cinq années décisives gros, le XIX® siècle est pour Danton, le Il va de soi qu ’on retrouvera dans leur XX®, jusqu ’ici, plutôt pour Robespierre. ordre chronologique les principaux André Stil se place dans une autre faits qui ont marqué ces années glo­ perspective : il cherche à montrer leurs rieuses : la convocation des Etats actions parallèles, convergentes ou généraux, les cahiers de doléances divergentes à tel ou tel moment de leur des provinces et des villes, le mode de aventure. Pour cela, il faut être à représentation du Tiers Etat, l’alliance l’écoute de leurs paroles, dépouiller de la bourgeoisie et du peuple, la prise leurs discours où s’articule le passage de la Bastille, la Grande Peur, la nuit du « réel » aux « langages » qui infor­ du 4 Août, la Déclaration des droits de ment sur les diverses déterminations l’homme, le travail de l’Assemblée des actes, puisque chaque historien constituante, Mirabeau, la Fédération essaie de les reconstituer avec plus ou nationale, la Pétition du Champ-de- moins d’exactitude. Mars, la Révolution et l’Europe, la « Les entendre, écrit André Stil, pose guerre, Valmy et les soldats de l’an II, une autre question. Ils parlent surtout la Gironde et la Montagne, la Conven ­ par discours. Les discours sont le tion nationale de 1792, le procès de langage de cette tragédie. Un discours Louis XVI et sa condamnation à mort, peut apprendre beaucoup sur ce que l’insurrection vendéenne, la Terreur et pense l’orateur, parfois même sur ses Thermidor. sentiments. Mais ce n ’est pas pour cela qu ’il est fait, sauf exception. Il est A chacune de ces étapes, nous pou­ fait pour influencer un auditoire, le vons suivre Robespierre et Danton au pousser dans une certaine direction, la jour le jour, non pas isolés dans leurs vérité et la sincérité venant en prime, discours, mais parmi les grandes pour aider ou gêner. forces qui s’affrontent et qui grandis­ sent les individus et les élèvent au- Ainsi, l’histoire, et surtout celle-là, se dessus d’eux-mêmes. joue devant nous sur deux scènes. La scène principale, dont le rideau est Leurs interventions dans les débats souvent fermé ou entrouvert, et où donnent la mesure de leur influence nous savons dans l’ignorance qu ’il sur les événements, dans la bataille faut chercher les faits, les actes, les des idées et des principes révolution­ mots décisifs. Et comme sur le toit de naires. celle-là, et capable de la faire oublier, André Stil écrit : « 1789 donne tout de la renvoyer aux fameuses “coulisses” suite le schéma de ce que sera la de l’histoire, une autre scène, aux révolution et sur quoi Robespierre plus rideaux bien ouverts, captant l’éclai­ que Danton saura s’appuyer: c’est le rage et les regards, celle de ce faux peuple qui a porté les deux grands dialogue parlementaire, qui veut par ­ coups, le 14 juillet et les 5-6 octobre. fois tromper plus qu ’instruire. Surtout Les hommes du peuple d’abord, les si l’on tient compte de ce qu ’est l’art femmes du peuple ensuite 7 C’est oratoire de la révolution, où l’emphase encore plus vrai dans les campagnes, est la moindre des choses, qu ’elle dise avec les éclats éparpillés d’une longue la fierté de la victoire ou le défi aux colère, sourde, permanente. Quel peu­ vaincus menaçants ; l’exagération ple ? Pas seulement le plus pauvre. réduit au commun dénominateur [...] Mais aussi le plus pauvre. Des l’émotion rare et la redondance quoti ­ bourgeois savent peut-être mieux dienne. Trouver des hommes là- pourquoi il faut se battre, mais ne sont dedans... Et pourtant, ils y sont, et on pas toujours prêts à payer de leur les trouve. » (p. 62) personne. Le peuple ne sait peut-être La structure de l’ouvrage ordonne pas pourquoi — il sait pour quoi — cette écoute comme un fragment mais il se bat. La famine, la détresse, essentiel de l’histoire de 1789 à 1794, l’insoutenable, le besoin absolu sont

96 parfois les détonateurs sans lesquels née à opprimer le peuple soulevé par une crise générale pouvait encore évo­ la faim, « alors qu ’il faut remonter à la luer autrement, dans la longue durée. cause des émeutes pour les apaiser » Marx et Engels ont lu passionnément (12 octobre 1789), contre la guerre la Révolution française. Le marxisme (discours des 2,11 et 25 janvier 1792), en est nourri. Et Engels a apprécié cela etc. comme pour un premier centenaire « Robespierre a pour nous, écrit André dans une lettre à Kautsky du 20 février Stil, plus encore que Danton, les traits 1889, soulignant “que les bourgeois, du dirigeant révolutionnaire, capable à ici comme toujours, furent trop lâches la fols d’inciter à l’action, d’éclairer les pour défendre leurs propres intérêts, problèmes et perspectives et d’organi ­ qu ’à partir de la prise de la Bastille la ser le mouvement. plèbe dut faire tout le travail à leur C’est le premier trait qu ’il a le moins. place, que sans l’intervention de cette Mais c’est en des années où l’action plèbe, le 14 juillet, les 5 et 6 octobre, est particulièrement forte. Souvent, il jusqu ’au 10 août et au 2 septembre, la suit plus qu ’il ne la précède. Et cela etc., la bourgeoisie aurait toujours été peut se tourner en bien, quand l’action vaincue par l’Ancien Régime, la coali ­ n ’est pas sans risques. L ’attitude de tion alliée à la cour aurait écrasé la Marx et Engels aux premiers jours de révolution, et que par conséquent ces la Commune de 1871 est aussi ins ­ plébéiens ont seuls fait la révolution, tructive à cet égard. Danton plus d’une mais que cela n ’alla pas sans que ces fois joue avec ces risques. Reste qu ’il plébéiens n ’attribuassent aux revendi ­ paraît plus résolu aux moments vifs, et cations révolutionnaires de la bour­ Lénine, après Engels, s’en souviendra. geoisie un sens qu ’elles n ’avaient pas ”. » (pp. 87-88) C’est dans la fonction d ’éclaireur, on dirait aujourd ’hui propagandiste, que On le sait, rien n’a mieux désigné ce Robespierre l’emporte, et n ’est-ce pas ferment popuiaire de la Révolution que la plus élevée des trois ? Sans cesse II l’appellation «sans-culotte» et le montre le but, il maintient le “cap ”. Il moment aussi va venir vite où les explique. Danton, le plus souvent, soldats de l’an II devront vaincre fort c’est comme s’il considérait tout cela peu vêtus et le ventre vide, dans la comme du temps perdu. neige et la boue gelée... Pour l’organisation, ils se complètent, l’un plus organisateur des actions la manière immédiates, i’autre, en profondeur, de robespierre plus soucieux précisément des “orga ­ nisations ”, les sociétés jacobines, qui Robespierre, la lucidité en plus, per­ préparent, animent, soutiennent, pro­ çoit profondément les aspirations longent une activité permanente. » populaires, aux moments décisifs de (p.199) la Révolution, à l’heure où, d’un côté, Les limites de l’un expliquent celles de l’action était menée par des élans l’autre. Chez Robespierre et Danton, généreux et spontanés, de l’autre, des deux grandes façons d’être révolution­ « ressorts », des calculs, des intrigues. naire. Le premier manifeste constam­ La manière de Robespierre est, malgré ment une conception idéale de la une apparence d’indécision parfois, Révolution et de la société et rêve un esprit de responsabilité et de cou ­ d’une république au service du peuple rage politique. qui n’était guère préparé à la recevoir. Il sait aller contre le courant, quand il Le second, avec autant de dévoue- se prononce pour l’abolition de la 1. Dans son discours à l’Assemblée constituante, 12 mai peine de mort, pour la liberté de la 1791, « Sur la condition des hommes de couleur libres », il a déclaré : « Périssent les colonies si les colons veulent, presse, pour la limitation du droit de par les menaces, nous forcer à décréter ce qui convient le propriété (son projet de constitution en plus à leurs intérêts. Je déclare, au nom de l’Assemblée, au nom de ceux des membres de cette Assemblée qui ne juin 1793), pour les droits politiques veulent pas renverser la Constitution, je déclare au nom aux hommes de couleur, pour la de la nation entière qui veut être libre, que nous ne sacrifierons pas aux députés des colonies... que nous ne défense des droits de l’homme aux leur sacrifierons ni la nation, ni les colonies, ni l'humanité colonies\ contre la loi martiale desti ­ entière... »

97 ment et d’esprit de sacrifice à la cause exposés ou les plus élevés. Et c’est du « peuple », semble plus réaliste, ainsi qu ’il se trouve engagé en fin de moins atteint par l’utopisme. Il perçoit compte plus que Danton dans un pou­ avec une grande acuité les limites et voir puissant et redoutable. Il n ’est pas les compromissions de la bourgeoisie. impossible que cela lui donne à cer­ Il est contre la royauté résolument, tains moments, de façon moins pure contre les intrigues des monarchies que des contributions plus modestes, européennes qui menacent les fron­ l’orgueil de participer à une grande et tières du pays et la Révolution. Il est nobie aventure. » (p. 350) partout et toujours présent à sa manière et sa popularité lui donne une références marxistes influence incontestable, car ce qui est en jeu, c’est toujours la réussite ou Ce double portrait, constamment illus ­ l’échec de la Révolution. Il faut aller au tré et précisé par André Stil qu ’on sent plus vite aux objectifs les plus immé­ fasciné moins par des analogies que diats. Homme de cœur, tout le monde par des nuances, montre tout l’intérêt le lui accorde. Le « de l’audace » de passionné que l’on peut investir dans Danton le décrit davantage et mieux la reconstitution des attitudes, des que ses goûts pour des repas plantu ­ actes, des pensées, des grands per ­ reux et autres anecdotes sur sa vie sonnages historiques. Les romanciers privée. Robespierre, comme Saint- fondent généralement leurs descrip ­ Just et Marat, a de la suite dans les tions sur les droits de l’intuition et de idées, dans les principes qui devront l’imagination créatrice et rejoignent permettre de construire la société parfois ainsi ce qui est de l’ordre de la future. vérité historique. Celle-ci est toujours « Un certain goût du pouvoir est assez problématique et, selon la rigueur des évident chez Danton, précise André méthodes d’analyse, il convient de voir Stil. Il est même assez typiquement comment un biographe nous transmet l’homme de pouvoir. Son physique y a une émotion spécifique, liée à une sa part, et cette vioience pas toujours visée conceptuelle ou informative. contenue, li iui faut marquer son Rechercher la cohérence et la logique empreinte, son emprise, sur les des actes, parmi ce qui semble choses et les êtres. Il aime posséder, brouillé, définir l’unité de pensée et ses meubles, ses livres, son vin, ses d’objectifs révolutionnaires dans la maisons, ses terres. Du pouvoir sur ies diversité des rapports entre Robes ­ femmes au pouvoir d’Etat, en passant pierre et Danton est le projet didacti­ par le pouvoir sur les foules, le pouvoir que de l’ouvrage d’André Stil qui de l’argent, des affaires, des capa ­ recoupe et traverse les moments cru ­ cités, d’un “brain-trust" de compa ­ ciaux de la Révolution française. gnons ou associés, etc., ii est tenté par tout ce qui se présente, ii l’atteint ou En définitive, les choix effectifs de non, passe à ia suite, l’opportunisme Robespierre et de Danton sont des même. choix de valeurs tantôt communément partagées, tantôt opposées quant aux Robespierre n ’a pas ie goût du pou­ voies et moyens de leur réalisation voir. Il a un recul devant les fonctions, concrète. en démissionne facilement, ou s’en Une interprétation dialectique de ces éloigne. Il ne possède guère, aban ­ valeurs caractérise la recherche donne à d’autres l’intendance quoti ­ d’André Stil. Les valeurs du progrès dienne, sa sœur, les Duplay. Ce qu ’il a, historique se réalisent souvent au et qu ’il faut distinguer du goût du moyen de crimes, de violences. Elles pouvoir, parce qu ’il y ressemble, en ce ne cessent pas d’être des valeurs, ni qu ’il peut impliquer la conquête du ces crimes des crimes. L’histoire en pouvoir, c’est le sens du mouvement. offre de nombreux exemples tragi­ Le sens de sa responsabilité dans le ques. mouvement. Responsabilité person ­ nelle, contribution peut-être irrempla ­ L’impartialité dont se réclame l’histo­ çable, qui peut aller jusqu ’à payer de rien est fondée sur l’examen et la sa personne aux postes les plus compréhension de l’ensemble du mouvement social, y compris des illu ­ participants actifs dont le choix suffira sions nécessaires durant les périodes pour assurer une victoire décisive d’un révolutionnaires, puisque l’effort dans camp sur l’autre. Signe de ce qu ’En- l’action des peuples doit être prodi ­ gels, dans YAnti-Duhring appelle les gieusement grand pour que le résultat « révolutions de minorité », à la diffé­ du passage d’une structure sociale à rence de celles de l’avenir qui seront une autre plus progressiste soit bien des « révolutions de majorité ». visible. « Autant dire tout de suite, note André André Stil se réfère constamment aux Stil, que les “leçons ” des unes et des grands maîtres du marxisme qui ont autres, sont très aléatoires : les pre­ nourri leurs pensées et leurs œuvres mières rapides à boucler, au moins en en réfléchissant sur l’expérience histo­ apparence, simples changements de rique de la Révolution française pouvoir; les secondes interminables, comme celle de la Commune de Paris. difficiles à réussir, car c’est la fin de Entre plusieurs autres rappels à ces toute oppression qui est en jeu, avec à textes fondateurs, il évoque aussi ceux l’horizon la quête d’une perfection qui de quelques grands disciples. Il écrit : se passe de tout pouvoir. » (p. 118) «A Georges Lukacs est due sans On doit reconnaître dans l’ouvrage doute la formulation la plus avancée d’André Stil les marques multiples et d’idées dispersées chez Marx et riches d’une grande plasticité de Engels. La nécessité historique ne l’esprit, mais surtout des convictions s’exprime pas seulement dans l’éco­ longuement mûries, des convictions nomique et le social, mais ne com­ militantes, d’où procède naturellement mande pas moins, bien que d’une son besoin d’interroger, de comparer, autre manière, les plus éthérées des d’affronter, d’établir des rapproche ­ fantasmagories, dans les superstruc­ ments avec le devenir historique. tures, culture, vie inteilectuelle, morale, affectivité. Les illusions Il faudrait pouvoir citer tout le chapitre mêmes, les erreurs, les rêves, y trou­ intitulé ; « S’il y a une leçon dans cette vent leur utilité. “Les héros de ia Révo­ histoire, o’est une leçon d’alliance lution française, écrit Lukacs, dans révolutionnaire. » (pp. 404 et 405) Goethe et son époque allaient héroï­ Danton la souhaitait en général plus quement à la mort, animés d’illusions large que Robespierre, au risque de lui héroïques et historiquement néces ­ sacrifier parfois le mouvement en saires." Sans ces illusions, Robes­ avant de la Révolution, tandis que pierre n ’aurait pas nourri de ses fai ­ pour Robespierre, c’est plus souvent blesses mêmes l’énergie d’aller jus­ ce mouvement qui commandait et pré­ qu ’au bout du possible. Marx écrivait cisait l’alliance nécessaire. Ces deux autrement, dans son Dix-Huit Bru ­ conceptions de l’alliance ont coexisté maire, que les révolutions d’avant le dans leur contradiction, parfois pres ­ X/X® siècle “avaient besoin de réminis­ que inconciliables, parfois complé­ cences historiques pour se dissimuler mentaires. à elles-mêmes leur propre contenu". «L’appartenance de classe, poursuit C’est ce que peut bien comprendre André Stil, n ’est pas un absolu immo­ toute une génération de notre époque, bile, donné au départ, une fois pour guérie d’autres illusions du même toutes. Pour qu ’elle soit pleinement et genre, mais de telle façon qu ’elle en seule déterminante, H faudrait qu ’un est restée pour un moment les jambes homme ne connaisse que son milieu molles. » (p. 102) d’origine. Il y a des changements de La Révolution a été un fait de masse classe. Des déclassements et reclas ­ dans toute la France, intéressant sements. Dire la petite bourgeoisie notamment les masses paysannes qui d ’Arras ou d ’Arcis et Troyes explique ne pouvaient plus supporter les rap ­ tout ce qui unit Danton et Robespierre, ports sociaux féodaux, le despotisme et beaucoup d’autres avec eux, pour et l’arbitraire. Le peuple de Paris est un temps, une partie des Girondins devenu le premier acteur de la Révolu­ compris. N’explique pas leurs diffé­ tion. Dans les assemblées, on sera rences. D’autres influences, en quel ­ surpris souvent du petit nombre de que sorte non programmées dans leurs gênes sociaux, sont venues per­ turber, pour le bien et pour le mal, les impulsions premières. Pour Robes­ pierre, deux éléments évidents. L ’acci ­ dentelle difficulté de son enfance et de sa jeunesse l’a rendu plus sensible aux maux du “peuple” et à toutes les formes d’injustice. A partir de là, la pensée de Rousseau l’a porté au-delà des conditions, et des possibilités réelles, de la révolution bourgeoise. L ’extrême modestie de son genre de vie et son appel à la vertu n ’ont pas que des causes psychologiques ou morales. Cela traduit une certaine conscience de ce décalage. Il résiste aux tentations, bourgeoises, du nou ­ veau cours social, et aspire à leur dépassement par un “peuple” cultivé, régénéré, purifié. Ce peuple n ’existe pas, il est à créer. Mais ce qui est à l’ordre du jour, réellement, concrète ­ ment, est tout autre chose. Ce qui explique chez Robespierre, et Saint- Just, et d’autres, non un “goût” mor­ bide de l’échec, mais une prescience parfois pessimiste de leur défaite. » (p. 405) Comme quoi la restitution des iden ­ tités individuelles des principaux acteurs de l’histoire est la condition première du sens profond de l’histoire qui ne peut être un savoir total, un système clos et saturé. Il fallait une adhésion plénière de leur biographe passionné pour que Robes ­ pierre et Danton reprennent leur gran­ deur et leur investiture humaines. Ce qui les déborde, ce qui les dépasse est aussi ce qui nous explique à nous- mêmes, dans une conjoncture histori­ que différente à notre époque où la crise ne peut être escamotée par une duplication magique du passé. L’histoire produit toujours ses vérita­ bles protagonistes. Le livre d’André Stil a su reconnaître en nos deux héros révolutionnaires ceux « qui inventaient la France », ainsi que le titre le pro ­ clame. Avec eux, et au moyen de méditations qui ponctuent leur trajet, leur biographe élève les débats et les problèmes de la Révolution. Il faut savoir lire entre les lignes ce qui hante toujours la politique moderne. note de lecture

V internationale^ 1888-1988 de Jacques estager et georges bossi

« Chantée pour la pre­ de ce chant révolution ­ l’ouvrage d’Estager et mière fois, il y a cent ans, naire. Bossi, le chant l’insurgé, au cœur du Lille ouvrier, écrit à Paris par Eugène Ce très beau livre qui s’ap­ Bottier retour d’exil en elle est devenue, en quel­ parente par la présentation 1884 ; on peut lire aussi, ques décennies, l’hymne de Messidor au recueil des de lutte des travailleurs et dédié « aux survivants de des peuples du monde Lettres de fusillés accorde la semaine sanglante » : entier. » Ainsi s’annonce une place bien méritée au « Elle n’est pas morte », chansonnier et au musi ­ « l'extraordinaire desti­ cien dont la vie, les acti­ écrit en mai 1886. Le 6 ! novembre 1887 Eugène née » de l’Internationale vités, les créations sont Bottier meurt à l’hôpital encore très méconnues. Gustave Ansart, Marcelin Lariboisière. Il ne pourra Berthelot, Alain Bocquet Né à Paris en 1816, pas savoir que l’un de ses et Georges Valbon, diri­ Eugène Bottier subit chants révolutionnaires geants communistes, élus écrit en septembre 1870 et du Nord et de la Seine- l’influence de Béranger qui déclarait ; « Le peu­ plusieurs fois remanié sera Saint-Denis, ont donné la ple, c’est ma Muse. » Il ne chanté à travers le monde. préface à ce « chant peut vivre de la vente de Messidor publie deux ver ­ annonciateur de temps nouveaux » composé par ses chansons qui sont sions de l’Internationale, Eugène Bottier, poète de publiées sur des feuilles celle de 1870 et celle de volantes ou dans des jour ­ 1876. la Commune, et mis en naux. Il exerce toujours Dans une période où le musique par Pierre Degey- son métier de dessinateur ter, ouvrier des Flandres. socialisme français malgré sur étoffes. En avril 1870, ses divisions politiques et Jacques Estager, après il adhère à la Première idéologiques connaît une quarante années de journa ­ Internationale, et après le certaine progression sur ­ lisme .militant, Georges 18 mars 1871 il est élu tout dans les grands cen­ Bossi, secrétaire des dans le XF arrondissement tres industriels comme « Amis de la Commune », membre de la Commune Lille et Roubaix, un avec le concours de l’his- de Paris. En mai 1871 il ouvrier lillois, passionné torien Claude Willard, des fait le coup de feu sur les de musique, prend con­ animateurs de musées et barricades. Echappant au naissance des paroles de de bibliothèques de Saint- massacre, il se réfugie en l’Internationale, après la Denis et de Montreuil, des Grande-Bretagne puis aux mort de leur auteur, en archives du journal Etats-Unis. Rentré en juillet 1888. Pierre Degey- Liberté... ont su faire France après l’amnistie il ter est né à Gand le 8 vivre, dans l’histoire, par crée de nouveaux chants et les textes et les images, les poursuit son combat poli­ ♦ Messidor/Editions sociales, conditions de la naissance tique. On peut lire dans 100 F, octobre 1848. Dès l’âge venue de toute la région tout n’est pas à rejeter de de sept ans, comme il est parisienne. « La déléga ­ notre passé. Il importe au enfant de famille ouvrière tion du Comité central du contraire de toujours nombreuse , il est P.C.F. est conduite par mieux le connaître afin de embauché par l’usine Maurice Thorez. Marcel faire valoir tout ce qui est Fives-Lille. Pour neuf Cachin rend le dernier progressiste dans l’héri­ heures de travail par jour, hommage et exalte l’œu­ tage. Il y a des valeurs il gagne dix centimes. vre de Degeyter et de Pot- durables... il y a des Autodidacte comme Pot- tier » (p. 112). valeurs à réévaluer. .. tier il suit, le soir, des cours de dessin. Il fré­ Les textes et les images de D’autres chants révolu ­ quente aussi les cours du la dernière partie du livre tionnaires sont nés dans de font ressentir « la lente Conservatoire de Lille. nombreux pays. D’autres C’est à la sortie de son mais irrésistible expan­ naîtront en France et par­ atelier, devant ses cama­ sion de l'Internatio­ tout ailleurs afin d’expri­ rades de travail, que Pierre nale ».* Il n’est pas sans mer et de mettre en mou ­ Degeyter essaie l’air et les intérêt de rappeler l’opi­ vement les aspirations paroles de l’Internatio­ nion d’Alexandre Zévaès humaines les plus avan ­ qui sera en 1940 l’un des nale. Le dimanche 23 juil ­ cées. Mais l’Internatio­ let 1888 la « Lyre des tra­ avocats de la défense au nale n’est pas seulement vailleurs » chante pour la procès des députés du inoubliable du fait de son première fois l’hymne « Chemin de l’hon ­ essor prodigieux. Elle révolutionnaire. neur » ; « Elle offre — a- garde des appels qui méri­ t-il dit de cette chanson — tent toujours d’être enten­ En 1901 Pierre Degeyter cet avantage qu ’elle dus. quitte LUle pour Saint-De­ condense en six couplets nis. n est embauché comme les conceptions essen­ modeleur à Chchy. tielles du prolétariat André Vieuguet Il aura la chance en 1928 socialiste. » de pouvoir participer avec Au sujet des conceptions 1. Un texte du fonds Bossi quelques communards socialistes de ce temps, je (pp. 134-135) évoque le massacre survivants au VP Congrès me permets d’évoquer le □es soldats russes du corps expé­ de l’Internationale com­ ditionnaire au camp de la Courtine souvenir que j’ai conservé dans la Creuse. Henri Barbusse, muniste à Moscou. « A la d’une remarque de Mau ­ en 1927, à l’occasion du dixième séance solennelle d’ouver­ rice Thorez. De l’expres­ anniversaire des mutineries de ture du congrès, Degeyter 1917 avait écrit sous le titre : sion « Du passé faisons Ceux qu ’on n’a pas dompté: dirige l’orchestre qui joue table rase », il recomman­ « C’est le meeting des condamnés l’Internationale reprise dait de bien saisir l’essen­ à mort... la foule des soldats est par la foule des congres­ hérissée de drapeaux rouges... Ils tiel qui était de mettre fin chantent la Marseillaise et l’Inter­ sistes » (p. 104). au passé d’exploitation, nationale... des éclairs et des Lorsqu ’il s’éteint à l’hôpi­ d’oppression, d’injustice tonnerres arrivent de tous les points du ciel. Le champ de mas­ tal de Saint-Denis le 26 sociale... Mais, ajoutait sacre est en France, dans la septembre 1932, le vieux Maurice Thorez, il Creuse. Ces hommes sont des lutteur est accompagné au convient de repousser cer­ soldats russes. » Ce texte de Bar­ busse a été publié par notre revue cimetière de cette ville tains courants, certaines qui s’appelait alors Cahiers du ouvrière par une foule survivances anarchistes... Bolchevisme. connnnunisnne•caMersdu revue politique et théorique mensuelle du comité central du parti communiste français

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