Le MARBRE DE LOUVIE-SOUBIRON En Pyrénées Béarnaises
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FOCUS LE MARBRE DE LOUVIE-SOUBIRON EN PYRÉNÉES BÉARNAISES 1 SOMMAIRE EDITO 3 LA VALLée d’OsSAU, LA VALLée d’OsSAu riche d’un impORTANT riche d’un impORTANT PATRIMOINE MARBRIER PATRIMOINE MARBRIER Si Arudy reste, pour la chaîne des Pyrénées, un site d’exploitation et de transformation de première importance, d’autres sites ont 4 L’exploITATION DES CARRIÈRES permis, à différentes périodes de l’histoire, d’extraire des matériaux DE LOUVIE-SOUBIRON de différentes variétés et nuances de couleurs, notamment du Une histoire à éclipse marbre blanc, rare par sa qualité et recherché pour la décoration et La notoriété du 19e siècle la réalisation de statues. Une exploitation toujours délicate Les carrières du village de Louvie-Soubiron ont ainsi offert deux 12 UN MARBRE STATUAIRE types de matériaux : un marbre veiné de gris et de bleu connu sous DE GRANDE QUALITÉ la dénomination de « bleu turquin » ou de « marbre Bardille » et L’expression du génie local un marbre blanc pur appelé « marbre blanc statuaire de Louvie » Un apport majeur à la ou « marbre de la Vierge », utilisé depuis l’Antiquité. Ce dernier sculpture française a été extrait dans le secteur au toponyme évocateur de « Pene Blanque » qui signifie, en béarnais, la falaise blanche. Le circuit 19 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES d’interprétation des carrières incite à cette découverte. ET DOCUMENTAIRES Crédits texte Maquette David Penin Chargé de Agence Créativ’ID mission Culture Parc national d’après DES SIGNES des Pyrénées studio Muchir Desclouds 2015 2 Alix Bastian, Animatrice 3 de l’Architecture et du Impression Patrimoine des Pyrénées Imprimerie Charont béarnaises. « De toutes les mines qui ont été découvertes dans les montagnes, celle L’exPLOITATION qui est dans le territoire de Louvie- DES CARRIERES DE Soubiron se trouve la plus propice, le LOUVIE-SOUBIRON marbre y étant de meilleure qualité. » UNE HISTOIRE À ÉCLIPSE L’histoire de l’exploitation de ce matériau précieux nous montre une utilisation discontinue du site depuis l’Antiquité. La découverte, en juillet 1842, d’une « villa romaine » datée du deuxième siècle de notre ère, sur la commune de Bielle à quelques kilomètres du 2 site, a mis notamment au jour un socle de colonne et un chapiteau corinthien constitués de marbre blanc de Louvie-Soubiron. documentation qu’à la fin du 17e Au 16e siècle, sous le règne de siècle dans les délibérations des 1 Henry II et grâce à l’impulsion de Etats de Béarn au sujet d’un 1. Louvie-Soubiron et ses carrières, avant l’architecte Bertin, la majorité projet d’érection d’une statue du 1921 - Carte postale des carrières pyrénéennes Roi prévue au Louvre. Le rapport mairie Louvie-Soubiron exploitées pendant l’Antiquité indique que « de toutes les mines sont redécouvertes et remises en qui ont été découvertes dans les 2. Bénitier de Laruns montagnes, celle qui est dans le (détail intérieur), exploitation. anonyme, 16e siècle, territoire de Louvie-Soubiron se classé Monument Historique en 1907 La carrière de Louvie-Soubiron ne trouve la plus propice, le marbre 4 réapparait cependant dans la étant de meilleure qualité ». 5 3. Clef d’arc datée 5. Linteau sculpté de dont la partie rosaces et de motifs supérieure, ornée floraux, anonyme, de fleurs de lis a été Louvie-Soubiron martelée, anonyme, © Photo CCVO Louvie-Soubiron © Photo CCVO 6. Délibération des Etats de Béarn, 4. Saint Jean, attribué 1688 - AD 64 C art à Pierre Casassus de Louvie-Juzon, vers la fin du 17e, Notre-Dame de Bétharram © Photo PnP 3 4 5 L’avènement du règne de Louis XIV d’imaginer une politique donne une très forte dynamique d’autosuffisance et d’autarcie. au commerce des matériaux et du marbre en particulier. Ainsi, le dernier directeur des La rénovation du Louvre et le bâtiments du roi, le comte chantier de Versailles génèrent un d’Angiviller écrit en 1778 : « Le besoin conséquent de matériaux désir de tirer notre propre fond de construction. Devant cette des marbres statuaires qu’on est montée en puissance de la depuis longtemps accoutumé à demande, l’administration royale exporter d’Italie, m’ayant conduit institue une réglementation des à essayer des recherches dans les ressources et des marchés sous Pyrénées, il vient de m’être expédié l’impulsion des surintendants de Bayonne douze blocs de diverses successifs pendant tout l’Ancien proportions. » Régime. Dans ce convoi, neuf de ces blocs L’histoire des marbres blancs ont été tirés par l’ingénieur en chef statuaires se développe et de la marine Leroy des carrières de s’amplifie à la même époque. Les Louvie-Soubiron en 1776 et 1777. besoins importants nécessitent Il déclare à propos de ce matériau : d’importer massivement des « Le marbre n’est pas parfaitement marbres italiens, principalement blanc, il y a quelques veines sales. ceux de Carrare. Des questions Le grain en est très fin, et prend économiques et en particulier un superbe poli, il ne renferme ni la diminution drastique des cloux ni emery qui puisse gêner le ressources du royaume imposent ciseau. » 6 aux surintendants successifs 7 7 6 7. Rapport sur l’état 8. Bas-relief de la actuel des carrières de statue d’Henry IV par marbre de France par Antoine Etex, place Héricart de Thury royale à Pau © Mission Ville d’art et d’histoire de Pau 9. Guide découverte des Pyrénées, juin 1841 8 9 nationales afin de développer Louvie-Soubiron est notamment carrières de Louvie-Soubiron […] il l’économie dans une vision cité en 1829 comme un marbre résulte que les marbres de Louvie d’autosuffisance. « tellement identique avec ceux soutiennent la comparaison avec de Carrare et de Luni, qu’aucun ceux de Carrare et de la Grèce. Mis A la faveur de la Restauration, la statuaire ou marbrier ne pourrait en œuvre, ils résistent beaucoup Société d’Encouragement pour les distinguer. Ce marbre est d’un plus que les autres aux injures de l’Industrie Nationale demande blanc de neige cristallin, à grains l’air et offrent moins de ces veines un rapport sur « l’Etat actuel des fins ou à petites écailles très fines. » intérieures qui font le désespoir de 7 carrières de marbres de France » nos artistes. » à M. Héricart de Thury, maître En 1836, trois carrières de marbre, des requêtes au conseil d’Etat, dont le blanc statuaire dit marbre L’année suivante, Armand-Gustave ingénieur en chef du corps royal de la Vierge de Louvie-Soubiron, Houbigant (1790-1863) décrit la des mines. Dans ce rapport publié obtiennent une Médaille d’Or visite qui l’a mené « à la carrière de Une seconde carrière est en 1823, parmi les gisements des au titre de la compagnie pour marbre blanc statuaire ouverte il y découverte 200 toises au- Basses-Pyrénées, le marbre de l’exploitation des marbres des a quelques années à Louvie » et a dessus de la précédente. Leroy Louvie est présenté comme Pyrénées. Parallèlement à cette « gravi la côte assez escarpée où les est enthousiasmé par cette « Statuaire de la première qualité ». reconnaissance, les guides de ouvriers, au nombre de sept à huit, découverte et écrit : « Ces blancs découverte destinés aux curistes étaient occupés à détacher de très sont considérables, ils se prolongent –issus d’une société de «lettrés»- forts blocs carrés demandés par le E dans la montagne sur une longueur LA NOTORIÉTÉ DU 19 mentionnent la visite à la carrière Gouvernement ». de deux lieues et assurent une SIÈCLE de marbre de Louvie-Soubiron qui exploitation considérable ». devient vite un lieu d’attraction. La même année, la carrière reçoit Le 19e siècle promeut les la visite d’un des sculpteurs les Tout au long du 19e siècle, les manifestations destinées à faire On peut ainsi lire dès juin plus célèbres de son temps, David différents régimes ont à cœur de connaître l’industrie française, 1841 : « Le marbre statuaire le d’Angers (1788-1856), membre de missionner des ingénieurs pour les arts et le développement plus remarquable, le plus estimé l’Institut de France et professeur dresser l’inventaire des ressources économique. Le marbre blanc de est celui que l’on extrait des à l’école des beaux-arts : « Je suis 8 9 10. Talma méditant le 11. Carrière principale rôle de Sylla par David vue depuis le village d’Angers © Photo CCVO © Collections Comédie- Française 12. Blocs de marbre équarris en bas du chemin de lisse © Photo CCVO 11 12 1844 du guide touristique de la UNE EXPloITATION d’Ossau alors que la voie de vallée signale la carrière comme TOUJOURS DÉLICATE circulation, qui longe la vallée et abandonnée en déplorant permet le transport des hommes qu’« avec autant d’éléments de Une des difficultés majeures de et des marchandises, se trouve en succès, comment se fait-il que cette l’exploitation du marbre réside rive gauche. exploitation si intéressante pour dans l’exportation des blocs. l’art en France, végète et languisse ». Un pont maçonné dit « de 10 Les blocs extraits de la montagne Béost » devait permettre aux chars Le guide explique cette doivent, en effet, regagner un chargés de blocs de rejoindre l’axe désaffection par les difficultés site pour être pris en charge sur de la vallée. d’exploitation en particulier du un char et exportés. Ces blocs Il n’a été réalisé que dans la allé visiter, à une demi-lieue de point de vue de l’accès, avec sont simplement équarris sur seconde moitié du 19e siècle. Laruns, le village et la carrière l’absence de véritable desserte place pour leur donner une forme Jusqu’alors des passerelles de Louvie. Elle fait l’effet vue de et de pont solide sur le gave pour parallélépipédique, ce qui facilite provisoires, régulièrement loin d’une blessure faite dans la acheminer les blocs.