p N°9-MARS 2013 Contre oints

n  Cabinets de Curiosités : une façon de repenser le concert, pages 2-4

n  Entretien avec , fondateur et directeur artistique de La Petite Bande, pages 5-9

n Entretien avec Hopkinson Smith, pages 10-12

n Il y a un an disparaissait , page 13

n A paraître : Les Orgues de Bach, page 14

n Actions pédagogiques, page 15

er n Agenda - 1 trimestre 2013, page 16 Imprimerie IC4 — Académie Bach (Association loi 1901)—Licences d’entrepreneur de spectacles 2-139756 n° & 3-139757. ContrePoints évolue Bulletin de l’Académie Bach, ContrePoints vous apporte depuis quatre ans des informations sur la vie de notre structure, nos pro- jets et nos perspectives de travail. Avec ce numéro 9, ContrePoints vous propose une nouvelle formule, plus proche d’une revue de réflexion, dans laquelle nous donnerons régulièrement la parole à nos partenaires, qu’ils soient artistes, chercheurs, écrivains ou enseignants. Pour explorer de nouveaux horizons et partager avec vous les débats et interrogations qui font la vie de l’Académie Bach. Bonne lecture !

Cabinets de Curiosités : une façon de repenser le concert

Comme les autres formes de spectacles, Au sens moderne, le concert désigne le concert fait totalement partie de notre d’abord une réalité socio-économique : des quotidien. Il participe de l’offre culturelle professionnels proposent à un public, dans abondante et variée qui nous environne le cadre d’une transaction marchande, le et permet à l’auditeur ou au spectateur de résultat de leur travail artistique. L’auditeur choisir le type de contact direct avec les ar- achète une “place”, qui lui donne la possibi- tistes qui lui convient le mieux. lité de consommer l’expression de ce travail, dans des conditions plus ou moins bonnes, La conception contemporaine du concert elles-mêmes souvent fonction de différen- ne va pourtant pas de soi. ciations tarifaires. Ceci suppose l’existence d’une organisation formelle, incluant la Le terme lui-même n’est pas univoque. maîtrise d’un lieu adapté (pas toujours…), Initialement, le mot concert renvoie au fait une billetterie conforme aux règles fiscales, de jouer de la musique ensemble. Lorsque un aménagement propice à la réception du Bach rassemble dans un recueil manuscrit public, une scène, un éclairage, le paiement six pièces pour en faire don au Margrave de cachets aux artistes, etc. de Brandebourg, dans l’espoir d’en obte- nir quelque reconnaissance, il l’intitule, en Sous cet aspect socio-économique, le français, Concerts avec plusieurs instruments. concert s’est installé au cours du XVIIIe Ce n’est qu’au XIXe siècle qu’on remplacera siècle et développé fortement dès le début ce titre par celui de Concertos Brandebour- du XIXe, avec la construction de salles tou- geois, précisément au moment où le concert jours plus vastes, dans le but affiché de favo- acquiert sa signification actuelle et où il faut riser une diffusion plus ouverte de la mu- le distinguer de sa signification antérieure. sique, mais aussi d’augmenter les recettes. Il en va de même pour les Concerts royaux Il est depuis lors parfaitement intégré dans de François Couperin, ou les Pièces de cla- l’économie du spectacle vivant, avec ses vecin en concerts de Jean-Philippe Rameau. contraintes et ses rites.

- 2 - - 3 - Johannes Vermeer, le concert (vers 1664)

Ce modèle unique est-il le seul possible et pour la musique sacrée, à mille lieux de ce le seul souhaitable ? que nous en percevons aujourd’hui : qui aurait imaginé l’exécution d’une messe ou Les musiciens comme les mélomanes sont d’une cantate en dehors de l’office, avec des désormais très attentifs à l’environnement places payantes ? Cadre domestique pour de la musique, ses sources, ses instruments, la musique que nous qualifions désormais ses styles d’exécution. Parfois par souci de de profane, mais dans des configurations conformisme musicologique, mais le plus très diverses : de la ruelle d’un aristocrate souvent pour permettre à la musique d’être accueillant un Air de cour pour quelques entendue et appréciée dans les meilleures amis, au Café de Gottfried Zimmermann conditions possibles, et par là même de à Leipzig, dans lequel Bach faisait jouer mieux nous toucher. ses œuvres par les étudiants et collègues du Collegium Musicum, en passant par les De ce point de vue, la forme du concert palais où étaient données les musiques pour décrite plus haut n’est pas toujours idéale, les fêtes des princes. dans la mesure où la musique composée avant le développement d’une culture com- Ces écarts avec le concert tel que nous le merciale et de loisirs était conçue et vécue pratiquons n’auraient pas d’importance, pour d’autres cadres. Cadre liturgique s’ils n’influaient, par ricochet, sur notre

- 3 - perception de la musique. La raison d’être partage, séparés l’un de l’autre par la bar- essentielle de la musique que nous disons rière symbolique de la scène. La sacrali- “ancienne”, par commodité, n’était pas de sation de l’œuvre d’art et la déférence un générer un bien culturel destiné à un cadre peu paralysée, voire passive, qui en découle formaté et isolé comme celui du concert. renforcent encore cette séparation. Regar- Elle était intégrée au plus profond des mo- dons notre image quand nous écoutons : ments de la vie quotidienne, comme élé- religieusement silencieux, agacés par le ment de relation entre les membres d’une tousseur intempestif, assis les uns à côté société. La façon de la jouer, la façon de des autres mais attentifs à nous ignorer, l’écouter, la façon de la concevoir, étaient contenant nos sensations et émotions, fonction de cette relation entre humains. positives ou négatives, jusqu’au moment où elles pourront enfin se manifester par Vouloir faire revivre artificiellement le de bruyants battements de mains, comme passé serait vain. Mais je crois qu’il n’est si le public lui-même avait envie, et besoin, pas inutile d’interroger régulièrement nos de dire lui aussi quelque chose. En Inde, habitudes, ne serait-ce que pour éviter le lors des concerts de musique classique, les conformisme et la routine, ennemis mor- approbations et mécontentements se ma- tels des arts. C’est à cette interrogation nifestent dans l’instant, presque à chaque que répond la création par l’Académie phrase, loin de s’éprouver dans le silence Bach, depuis plus d’un an, des Cabinets comme en Europe… de Curiosités, alternative au concert tradi- tionnel. Recherchant le caractère intime Qu’on ne se méprenne pas : il ne s’agit et convivial de la musique de chambre des pas de rejeter en bloc le principe contempo- origines, elle associe une présentation des rain du concert. Il fait partie de notre pa- œuvres et de leur environnement (histo- trimoine collectif. La frontière entre le rôle rique, artistique, économique, etc.), sous de l’interprète et celui de l’auditeur n’est forme de dialogue avec le public, un temps pas un mal en soi, elle est même indispen- d’échange lors d’un repas léger, et l’exécu- sable à la mise en œuvre de la dimension sa- tion musicale proprement dite. crée de l’expression artistique. Mais dans la société du spectacle qui nous entoure, où Cette mise en perspective a déjà permis tout est traité sous l’angle de la perfor- d’explorer de nouveaux horizons : l’archi- mance, elle a complètement fait dispa- tecture des Variations Goldberg et leur raître une autre vision des choses, complé- dimension spirituelle dans l’Allemagne mentaire, dans laquelle celui qui regarde et luthérienne des années 1740, la place de écoute prend activement part lui aussi, à sa la danse chez Bach, l’influence française façon, au partage du langage musical. et italienne au XVIIIe siècle, le baroque français face à Port-Royal, Beethoven et C’est ce lien, fait d’exigence et d’humi- Vienne dans l’Europe du début du XIXe lité, que nous nous attachons à retrouver siècle, etc. L’entreprise est de longue ha- et approfondir, pour que le concert rede- leine mais son objectif est simple : faire un vienne une magnifique façon de vivre la pas de côté par rapport au modèle unique musique, ensemble. dans lequel l’artiste produit et l’auditeur Jean-Paul Combet consomme, finalement sans contact ni

- 4 - - 5 - Entretien avec Sigiswald Kuijken, fondateur et directeur artistique de La Petite Bande

Académie Bach : Quand, pourquoi et technique dite “chin off ” qu’il estimait comment est née l’idée de créer “La Petite beaucoup dès mes premiers essais en 1969). Bande” ? J’ai accepté la tâche, et j’ai réussi à réunir les musiciens nécessaires pour l’enregis- Sigiswald Kuijken : La Petite Bande trement, qui eut lieu en septembre 1972. est née en 1972 sans être pensée consciem- Nous n’avions absolument pas l’idée de ment comme un ensemble qui devait constituer un orchestre qui devrait tra- durer. Le label Deutsche Harmonia vailler régulièrement dorénavant, mais Mundi avait demandé à Gustav Leonhardt seulement de répondre à une demande d’enregistrer la musique de Lully pour occasionnelle. À la fin de l’enregistrement Le Bourgeois Gentilhomme de Molière ; il fallait bien que l’enfant reçoive un nom quand il a annoncé qu’il ne voulait pas et Leonhardt suggéra La Petite Bande, le faire avec l’orchestre “habituel” de la d’après le nom de l’orchestre de « choix » firme (le Collegium Aureum) le direc- qui travaillait sous la direction de Lully teur artistique de Deutsche Harmonia à Versailles... Très belle trouvaille, mais Mundi, Alfred Krings, a demandé « avec je n’avais toujours pas conscience d’avoir qui alors ? »... Leonhardt a conseillé de fondé un orchestre ! Ce n’est que lorsque me demander à moi (qui le connaissais Deutsche Harmonia Mundi nous deman- depuis 5-6 ans) pour savoir si je pourrais da à nouveau en 1973 et 74 de faire un réunir des instrumentistes jouant selon ma enregistrement de musique française que technique violonistique plus authentique je me suis rendu compte qu’en fait il y avait (sans coincer le violon sous le menton : une certaine demande pour que le groupe

- 5 - existe plus réellement... Nous avons alors enregistrâmes quelques Suites (à la fran- décidé, ma femme et moi, de tenter l’aven- çaise) combinées avec des concerti grossi ture : à nous deux nous avons pendant dix de , compositeur savoyard ans assumé tous les aspects du travail pour qui a travaillé avec Corelli ET Lully ; et en La Petite Bande, avant de nous structurer 1975 et 76 nous avons enregistré les douze graduellement de plus en plus sous l’in- concerti grossi opus 5 de Corelli. Après fluence des exigences extérieures. ces années d’exploration fondamentale nous avons abordé d’une part Bach et Quelles ont été les grandes étapes Haendel, qui combinent les deux styles artistiques de l’ensemble ? dans leur langage personnel, et d’autre part (dès 1977) Rameau, ce grand maître Au début nous nous sommes concen- qui nous apprit tant de choses lorsque nous trés sur la musique française, jusqu’alors avons travaillé des œuvres jusque là jamais très peu jouée par des formations « de pratiquées : Zaïs, Pygmalion, Hyppolite chambre » et sans jamais prendre soin de et Aricie... En contrepoint avec Rameau la composition spécifique de l’orchestre nous avons enregistré au début des années lullien comme nous l’avions fait, ni de la 80 deux opéras de Haendel ( et façon historique de traiter les instruments. ), à côté des suites d’orchestre Après, dès 1974, nous nous sommes aussi et des concertos pour violon de Bach, des tournés du côté italien, pour développer Quattro Stagioni de Vivaldi, des concerti l’autre pilier sur lequel s’est construit le grossi de Geminiani... langage musical du XVIIIe siècle : nous

- 6 - - 7 - En 1981-82 un nouveau chantier fut Matthieu et Saint Jean de Bach, et notre ouvert en abordant la musique plus tar- deuxième enregistrement des Concertos dive, préclassique et classique : fils de Brandebourgeois (en 2009). Bach, Haydn, Gluck, Mozart... La Créa- tion de Haydn et l’Orfeo de Gluck furent Un autre domaine s’est ajouté à notre enregistrés en 1982 ; à nouveau c’était une activité vers la fin du millénaire pré- révolution, car à cette époque ce répertoire cédent : la musique des années 1600 à était encore très rarement exécuté sur ins- 1680 (Monteverdi, Schütz, Buxtehude, truments anciens. Il a fallu construire des etc.). Nous avons même fait construire instruments à vents adéquats, etc. des instruments de la famille du violon de type plus archaïque, pour s’approcher plus Nous avons par la suite exploité plus précisément de cette musique, et nous amplement tous ces gisements déjà abor- avons utilisé la technique appropriée dés : musique baroque et classique de tous pour en jouer (voir par exemple notre genres, aussi bien instrumentale que vo- enregistrement des Vêpres de la Vierge de cale (chœur et solistes) : opéras (la trilogie Monteverdi). Da Ponte, ainsi que L’Enlèvement au Sérail et La Flûte Enchantée de Mozart), Quels sont les avantages et inconvénients oratorios, passions, cantates, symphonies du financement public d’un ensemble et concertos… comme le vôtre ?

Un nouveau tournant a été pris vers Nous avons bénéficié pendant de nom- 1998 quand j’ai commencé (avec beau- breuses années de subventions structu- coup de retard, je l’avoue humblement) à relles de la part du gouvernement flamand. prendre au sérieux les théories de Joshua Il faut savoir qu’en Belgique le domaine de Rifkin sur l’exécution des cantates de Bach la Culture est régionalisé ; la Flandre sub- avec solistes et non pas avec chœur - prise ventionne la Culture depuis des années, de conscience pour moi de très grande en général de façon exemplaire par rap- importance ; c’est aussi à ce moment que port à beaucoup d’autres gouvernements ma redécouverte du violoncelle d’épaule européens. Malheureusement, ces subsides (violoncello da spalla) en 2004 a marqué nous ont été retirés récemment pour des un changement dans notre pratique inter- raisons qui, en profondeur, restent obs- prétative qui n’a d’ailleurs jamais été sans cures et n’ont rien à voir avec des économies se remettre en cause. Cela a provoqué une budgétaires ; La Petite Bande se trouve révision complète et critique de ma com- donc actuellement en grande insécurité. préhension du groupe de la basse continue Nous voilà donc au cœur du problème : dans la musique baroque italienne et alle- au delà de notre situation en ce moment, je mande ; le terme violoncelle m’est apparu préfère de loin un régime où l’État prend sous un autre angle, plus précis et cerné. soin de donner des moyens de travail adé- Notre réalisation d’une année liturgique quats à la Culture. Je l’estime plus qu’un complète de cantates de Bach (pour le label régime qui impose que ces moyens soient Accent) témoigne de cette évolution (com- cherchés auprès de sponsors et mécènes. mencée en 2004 et achevée en 2012). Il en Soutenir les activités culturelles de tout va de même pour nos Passions selon Saint genre (mais sans oublier celles que certains

- 7 - aiment à décrier comme « élitistes » !) me sentiments mitigés, qui en fait sont de semble un devoir public. Il est intéressant nature plutôt philosophique... Il est de noter que certaines études approfondies clair qu’à notre époque il y a un phéno- ont pu démontrer qu’un régime politique mène très frappant et difficile à expliquer qui tend à donner toute la responsabilité (voire à accepter, tout compte fait) qui est financière pour la Culture à des sponsors la rupture entre l’art contemporain et le et mécènes (comme les États-Unis) se prive grand public. N’est-ce pas un mauvais en procédant ainsi d’une source considé- signe ? On dirait qu’une grande partie de rable de revenus fiscaux (car les dons sont l’art créatif actuel (musique, art plastique, déduits des impôts), et le clou de l’affaire théâtre même...) se noie dans des théories est que le montant de cette perte est plus et des concepts qui ont l’air profonds mais ou moins égal aux sommes dépensées pour qui, d’après moi, cachent très souvent un la Culture par un État plus conscient de vide habilement déguisé sous l’aspect sa mission culturelle comme on en trouve (obligatoire aujourd’hui dirait-on) de encore en Europe. La politique, plutôt « nouveauté », si bien que beaucoup de de droite, qui veut tout abandonner aux gens qui pourtant ont une vie intérieure sponsors, ne coûterait donc finalement pas cultivée et non superficielle se détournent moins cher, quoi qu’on en pense... de ce genre de créations. Ils se tournent plutôt vers le passé, où ils trouvent une Bien sûr, la solution idéale n’existe pas nourriture plus « digérable » pour la- et je crois qu’on peut rêver d’un régime quelle ils développent une grande prédi- où les deux manières seraient conciliées. lection... Le danger du système où l’argent privé soutient seul la Culture induit bien sûr La soi-disant « musique ancienne » un nivellement par le bas, qui flatte le goût profite en partie de ce phénomène (comme le plus répandu. Et le danger d’un système d’ailleurs toute la musique classique dont de subventionnement exclusivement public un certain public continue à se nourrir), la de la Culture peut être de verser dans trop musique dite sérieuse actuelle étant trop de directivité et une politique favorisant étrangère à maintes oreilles de nos contem- les amis... Je conteste passionnément ce porains. dirigisme chaque fois qu’il perd le contact avec la réalité et qu’il manifeste presque Il se fait que depuis une bonne vingtaine un dédain pour des domaines culturels de d’années toute la musique dite « sérieuse » grande valeur (qu’on a tendance alors très (quelle expression utiliser sinon celle-là qui vite à qualifier de « traditionnalistes » est, je le sais, assez malheureuse ?) est en ou « vieux-jeu »...) et qu’il commence à crise, crise qui fait partie du changement retirer le soutien à ces valeurs. La diversité culturel général actuellement en cours est une chose à respecter et à chérir... sous l’influence de la toute-puissance des médias. En effet, ces derniers sont mal- Comment voyez-vous l’avenir de la heureusement devenus une industrie qui musique ancienne ? doit rapporter de l’argent et joue donc sur les sentiments et tendances souvent Je ne suis pas doué pour prédire le les plus populistes, si j’ose dire ainsi (mais futur, mais j’ai tout de même certains j’exagère à peine) et qui, pour atteindre son

- 8 - - 9 - but, doit sans arrêt créer des nouvelles modes ter comme un phénomène de mode. La et les gonfler jusqu’à leur épuisement, pour qualité est une chose indépendante des enchaîner tout de suite sur une nouvelle paramètres purement commerciaux... vague pas moins susceptible de générer des « adeptes », qui la suivent sans trop d’esprit Pour le programme que nous accueillons critique… Telle est schématiquement dans le 1er mai prochain, vous confiez la direction notre société la situation de toute la Culture, de votre ensemble à Benjamin Alard : que si on entend par ce mot un certain intérêt signifie pour vous ce passage de témoin ? pour la qualité (présente dans des œuvres du passé comme dans celles de notre temps !), C’est un pas que nous avons décidé plutôt que pour la quantité... de franchir, qui pourrait peut-être me- ner à une prolongation de l’existence de Je vois donc le futur de toute la mu- La Petite Bande une fois que je devrai sique « de Culture » (appelons-la ain- m’arrêter par la force des choses. Ayant si…) avec incertitude et inquiétude, aussi toujours travaillé avec des jeunes musi- longtemps que les mécanismes décrits ciens, nous recevons tant de signaux de ci-dessus seront dominants. Selon moi, leur part comme quoi La Petite Bande la musique ancienne ne doit d’ailleurs devrait continuer sa mission encore long- pas trop se considérer comme un « sec- temps que l’idée est venue de tenter l’ex- teur » particulier de la vie musicale qui périence d’une autre direction, pour tâter devrait avoir son propre développement, le terrain... Je connais Benjamin comme car elle fait partie de ce grand Tout, dont un musicien très capable de mener une l’évolution mérite d’être prise en charge « bande » avec précision et caractère, avec soigneusement en privilégiant la qua- une vision très proche de la mienne, c’est à lité avant tout. Ceci n’a vraiment rien dire qui parte de la partition du composi- d’élitiste, quoi qu’on en dise ! Ceux qui teur et non de l’ego de l’exécutant, du côté trouvent le mot de qualité dorénavant « effet extérieur »... Ceci m’est très cher et élitiste, voire suspect (et ils semblent pour cela je lui fais entière confiance dans malheureusement être nombreux, même ce premier essai. Bien sûr, le futur nous parmi ceux qui exercent des responsabi- montrera quel chemin prendre, rien n’est lités dans le secteur culturel) témoignent fixe dans ces années turbulentes que nous à mon avis d’un dédain fracassant de la vivons actuellement... capacité réceptive de la population et du Propos recueillis par Sarah Redin potentiel de bon goût des humains…

La musique ancienne a rencontré dans le Cabinet de Curiosités contexte de la musique classique un succès George Frideric Haendel éclatant. C’est très bien, mais cela veut dire Concertos pour orgue aussi que le danger de « récupération » commerciale est vivement présent. Un Mercredi 1er mai à 17h, succès pareil doit être géré humblement Salle polyvalente de Martin-église et avec un esprit critique solide, si possible La Petite Bande, sans tomber dans les pièges du succès facile Benjamin Alard, orgue & direction qui finalement tend lui-même à se présen- Réservations sur www. academie-bach.fr

- 9 - - 11 - Entretien avec Hopkinson Smith

Académie Bach : Pourquoi vous êtes- D’après vous, ces évolutions conduisent- vous dirigé vers la pratique des instruments elles à une sorte d’uniformisation ou, à anciens ? l’inverse, favorisent-elles la diversité ?

Hopkinson Smith : Tout d’abord, je me Comme dans toutes les écoles, il y a de suis dirigé vers les instruments à cordes pin- nombreux élèves qui font partie de l’école, cées car c’était ce qui m’attirait. Vous savez, qui suivent l’enseignement sans trop ques- je crois que chaque instrumentiste cherche tionner les choses… et puis il y a quelques sa voie, et c’est dans ces instruments que élèves qui sortent du lot, qui font preuve j’ai trouvé mon moyen d’expression. d’originalité. Ils découvrent alors une Ayant commencé avec la guitare clas- nouvelle direction et ouvrent de nouvelles sique, je me suis tourné vers le répertoire voies d’exploration. ancien car c’est un monde fascinant, extrê- mement vaste et parce que cette musique Pour quelles raisons avez-vous fait le me parle au cœur. choix d’une carrière soliste plutôt que de Et puis les instruments anciens m’ont dé- créer votre propre ensemble ? tourné de la guitare classique car ils éveillaient ma curiosité : le mystère des doubles cordes Il existe énormément de musique pour dont ils sont presque tous composés et les instruments à cordes pincées des XVIe, l’éventail des sonorités possibles suggéré par XVIIe et XVIIIe siècles. Cette musique est ce système sont très intéressants. de la plus haute qualité et nécessite beau- De plus, ce qui avait tendance à me dé- coup de concentration pour l’interpréter. plaire dans les instruments modernes est Je ne suis pas soliste pour être tout seul sur cette exagération dans la production des scène, loin de là, mais j’ai besoin de temps sonorités, vers la production de sons puis- pour me dédier à mes recherches et au sants. La musique ancienne et les instru- travail de l’instrument pour explorer ces ments anciens, au contraire, vont naturel- répertoires si vastes. lement vers quelque chose de plus intime. J’ai cependant beaucoup travaillé en en- semble, et n’ai rien contre. Je travaille d’ail- Quelles évolutions majeures avez-vous leurs depuis quelques temps avec une jeune pu observer dans la pratique instrumentale soprane argentine, Mariana Flores, dont la et son enseignement depuis vos débuts ? voix se marie très bien avec ces instruments et avec qui j’ai quelques projets. Vous savez, nous avons été témoins d’une très grande évolution dans le monde de la En plus du répertoire écrit pour le luth et musique ancienne, aussi bien à travers le la guitare vous cultivez depuis longtemps nombre d’élèves que dans la connaissance l’art de la transcription. Quels sont les fon- qui ne cesse de s’élargir à propos de ces réper- dements de cette pratique ? Comment avez- toires. On a également assisté à une grande vous procédé pour adapter la musique pour diffusion de ces répertoires dans le monde. violoncelle de Bach au luth ?

- 11 - Avec Bach, très souvent, la musique pour Quelles sont les pistes à explorer pour le violon ou violoncelle seul semble conçue futur ? sur un plan abstrait. C’est-à-dire que beau- coup d’éléments appellent n’importe quel Il y a à l’heure actuelle plusieurs mu- instrumentiste à essayer de l’adapter sur siques qui m’attirent. Tout d’abord, avec le son propre instrument. Comme le disait luth Renaissance, j’ai très envie d’explorer Stravinsky, Bach est le plus grand composi- la musique Elisabéthaine autour de John teur européen. Pour ma part, il me semble Dowland : j’ai déjà consacré un enregis- que la musique de Bach naît dans le ciel trement à Dowland, mais il y a beaucoup plutôt que dans un instrument. En trans- d’autres compositeurs de son époque qui crivant sa musique, l’interprète cherche valent la peine qu’on s’y intéresse. probablement à s’approcher de l’esprit de De la même façon, il reste énormément Bach. de choses à découvrir dans le répertoire de la vihuela (instrument propre à la Renais- Comment avez-vous procédé pour adap- sance espagnole, avec l’accord du luth et ter la musique pour violoncelle de Bach au la forme de la guitare). Encore une fois, le luth ? choix est très large : on est conscient de la grande étendue de l’intérêt qu’il pouvait y D’abord, il s’agit d’une musique que avoir pour ces instruments à cordes pincées tout le monde connaît, qu’on a déjà dans à ces époques ! l’oreille. Donc je pars de la partition. Je Propos recueillis par Sarah Redin joue l’œuvre pour moi et trouve la tonalité la plus adaptée. Il s’agit alors de retrouver Cabinet de Curiosités l’essentiel de la partition sur l’instrument, puis d’y ajouter des basses et des harmo- Nouvelles transcriptions nies impliquées, suggérées par l’œuvre. Généralement, j’essaie d’imaginer ce que Lundi 15 avril à 19h, Bach aurait fait s’il avait écrit directement “Le Presbytère” - Arques-la-Bataille pour cet instrument. Hopkinson Smith, luth baroque

L’Académie Bach, Qu’est ce que le REMA ? adhérente au Réseau Européen Le REMA, a été créé en 2000 en France de Musique Ancienne. à Ambronay. Il regroupe aujourd’hui une soixantaine de structures de musique L’Académie Bach – déjà membre du ré- ancienne de vingt pays. C’est un réseau seau haut-normand Territoires Baroques, actif, en forte expansion, qui accueille en aux côtés de L’Art et la Manière, l’Opéra moyenne dix nouveaux membres par an. de Rouen Haute-Normandie, la Scène Le REMA a pour double objet de pro- Nationale Evreux-Louviers et le Théâtre mouvoir la musique ancienne et de facili- du Château d’Eu – a rejoint en novembre ter sa diffusion. Pour la première fois, le 21 dernier le Réseau Européen de Musique mars 2013, il organisera la Journée Euro- Ancienne (REMA). péenne de la Musique Ancienne.

- 12 - - 13 - Il y a un an disparaissait dernier une personnalité singulière, dont Gustav Leonhardt, dont le nom l’envergure dépasse beaucoup le cadre stric- est indissociable de ce que l’on qualifie, un tement musical pour s’étendre à des ques- peu hâtivement, de renouveau de la musique tions esthétiques plus larges. Bien au delà ancienne. des données techniques limitées à l’inter- prétation ou aux instruments, balayant au Laurence Plazenet, maître de conférences passage l’utopie de l’authenticité, la vie de en Sorbonne, spécialiste du XVIIe siècle, Leonhardt nous met face au caractère fon- et Jean-Paul Combet, qui accompagna damentalement incompréhensible du geste durant dix ans les derniers enregistrements artistique. de Leonhardt, ont évoqué le 24 janvier

Conférence « Hommage à Gustav Leonhardt » Par Laurence Plazenet & Jean-Paul Combet Donnée jeudi 24 janvier à la Sorbonne, dans le cadre de “Sorbonne dans la ville” www.sorbonne-dans-la-ville.fr

Les rencontres du REMA avec d’autres tuellement méconnus. C’est également plateformes culturelles européennes per- l’expression de notre volonté d’échange, mettent également aux membres d’élargir de débats, de partage d’expérience avec des leur réseau de contacts. partenaires nouveaux. C’est, par ailleurs, la perspective de renforcer notre soutien Pourquoi adhérer à ce réseau ? à la création artistique et de favoriser le L’Académie Bach a choisi de rejoindre rayonnement des artistes que nous accom- le REMA afin d’élargir le champ de ses pagnons. relations professionnelles. Pour autant, nous ne négligeons pas la Participer au REMA exprime notre souci visibilité qu’offre le REMA à ses membres : permanent d’ouverture : aux programma- relais d’information sur son site Internet, teurs français et étrangers, à des pratiques application IPhone… diversifiées, aux artistes et/ou œuvres éven-

- 13 - A paraître

Les amis de l’Académie Bach savent La traduction française est due à Marie- mieux que quiconque à quel point l’orgue Paule Fribourg, professeur d’allemand, tient une place singulière dans la musique qui a organisé nos voyages culturels en de Bach. Depuis des années maintenant Allemagne, et à Philippe Gautrot, Prési- notre programmation en explore les mul- dent-fondateur de l’Académie Bach et orga- tiples facettes en relation avec l’ensemble de niste. son œuvre. Non contents de faire entendre cette musique dans un contexte différent de celui qui l’a vu naître, nous avons orga- nisé à deux reprises, en 2010 et 2012, des voyages en Saxe et Allemagne du Nord, à la découverte des instruments contemporains de Bach, des édifices qui les abritent et de la spiritualité luthérienne. Ce fut un choc, pour tous…

Afin d’aller encore plus au fond de la ques- tion, l’Académie Bach s’est associée aux édi- tions L’Autre Monde pour traduire en fran- çais et éditer le seul livre de référence sur le sujet. Écrit par Christoph Wolff, professeur à Harvard University, directeur des Bach Archiv de Leipzig et auteur de plusieurs ouvrages sur Bach, Les Orgues de Bach pré- sente en détail, ville par ville, les différents instruments connus de Bach, de façon avé- rée ou vraisemblable. Parution en librairie le 28 mars 2013 (diffusion Harmonia Mundi Livres). Une très riche iconographie accompagne les textes : gravures anciennes, reproduction de manuscrits autographes, photographies Un disque d’œuvres de Bach enregistré du début du XXe siècle pour les instruments par Florence Rousseau et Loïc Georgeault détruits lors de la Seconde guerre mondiale, sur l’orgue historique Silbermann de photographies récentes pour les instru- Glauchau (1728) sortira prochainement, ments restaurés ou reconstruits. chez le même éditeur.

A la fois érudit et accessible, ce livre s’adresse aux mélomanes mais aussi à tous les amateurs de culture baroque.

- 14 - - 15 - Actions pédagogiques

L’Académie Bach renforce son action Prochains rendez-vous des enfants du vers le jeune public d’Arques-la-Bataille. groupe scolaire, avec : Rémy Cardinale, Benjamin Alard, La Petite Bande, Afin qu’ils profitent à tous les enfants, Il Nuovo Concerto. nos ateliers de sensibilisation à l’écoute musicale se déroulent en temps scolaire, En 2004 débutait une formidable aven- de janvier à juin. Ces rencontres sont ture avec l’Institut Médico-éducatif l’occasion de découvrir des instruments, Château Blanc. particulièrement l’orgue et le clavecin. Elles sont conçues de manière à faciliter la Dix années d’un partenariat fort, fondé concentration et adaptées aux enfants aux- sur le partage de valeurs humaines - au pre- quels elles s’adressent. mier rang desquelles s’inscrit la fraternité - qui permet d’accueillir au presbytère des Avec les plus petits de maternelle, ce jeunes souffrant de handicap mental. Le travail d’éveil qui se renforce au fil des travail, dans des ateliers adaptés auxquels ans, en complicité avec Gaspard Afsa, ils sont régulièrement conviés, repose sur Philippe Herbille et Jean-Paul Combet, la respiration, la pratique de multiples ins- a pour ambition de favoriser le plaisir de truments à percussions, le mouvement en l’écoute. écho avec des propositions musicales… cha- cun explorant sa relation à l’espace, au son, A partir du CP, les enfants rencontre- au rythme, mais également à l’autre et au ront également les musiciens que nous groupe. Karim Touré, musicien, et Anne- accueillons en résidence ou lors de nos Guersande Ledoux, comédienne et choré- Cabinets de Curiosités. Autant d’occa- graphe, qui ont tissé une relation confiante sions de découvrir d’autres instruments, et une remarquable complicité avec les d’approcher le travail d’ensemble, de dé- jeunes et leurs éducateurs, poursuivront ces velopper les clés d’écoute, d’explorer de ateliers au long de la saison en cours. nouvelles thématiques ou répertoires…

- 15 - er Agenda – 1 trimestre 2013 ProchainProchain Cabinet Action Culturelle dede curiosités curiosités Jumelage “Culture-Handicap” Mendelssohn, Brahms, Schumann, Karim Touré et Anne-Guersande Ledoux héritiers romantiques de Bach animent des ateliers de pratique artis- tique au Presbytère avec un groupe Rémy Cardinale, piano de jeunes de l’IME Château-Blanc. Jean-Paul Combet Les 21 & 22 janvier et 4 & 5 mars. & Maurice Rousteau, présentation Ateliers d’écoute musicale Lundi 18 mars à 19h Les moyens et les grands de l’école mater- “Le Presbytère”, Arques-la-Bataille nelle d’Arques-la-Bataille découvrent le cla- informations et réservations sur vecin avec Gaspard Afsa et Philippe Herbille. Les 11 février, 8, 11 & 25 mars au Presbytère. www.academie-bach.fr Tél. 02 35 04 21 03 Rencontres et découverte Les enfants du groupe scolaire d’Arques Prochain Festival découvrent l’univers artistique de Du 20 au 24 août 2013 Rémy Cardinale, Karim Touré et Anne- Guersande Ledoux. Retrouvez toutes les informations sur Le 5 & le 15 mars. nos concerts, les chroniques baroques de Jean-Paul Combet, les galeries photogra- Production phiques de Robin .H. Davies sur notre site Lord Gallaway’s Delight Internet : www.academie-bach.fr Les Witches & Siobhán Armstrong Pour recevoir la revue associative Contre- Sortie du disque suite à la création du pro- Points ainsi que nos actualités, contactez- gramme « I loved thee once » (coproduction nous au 02 35 04 21 03 ou écrivez-nous à Académie Bach) à Varengeville-sur-Mer [email protected] lors du Festival 2011. Le 12 février, chez Alpha. Appel à dons Je Voy le bon tens venir Pour permettre à l’Académie Bach Les Musiciens de Saint-Julien de poursuivre son action artistique et Programme créé à Arques-la-Bataille lors du culturelle en faveur d’un large public, l’as- Festival 2011 (coproduction Académie Bach). sociation fait appel à votre soutien. Sortie du disque chez Alpha le 12 mars. En concert au Théâtre du Château (Eu) et Don déductible des impôts dans les limites à L’Entracte (Sablé-sur-Sarthe) les 12 & 14 prévues par la DGFiP. Pour exemple, un mars. versement de 50 € revient à 17 € après déduction fiscale. Les Orgues de Bach Edition française du livre de Christoff Wolff. Crédits photographiques : Robin .H. Davies, p.1- Co-édition L’Autre Monde / Académie Bach. Parution en librairie le 28 mars. 10 - 13 — Lemmert, p. 5 — Marco Mertens, p. 6 .

Académie Bach “Le Presbytère” 1, rue Le Barrois 76880 Arques la Bataille tél. 02 35 04 21 03 L’Académie Bach reçoit le soutien de l’Etat, Ministère de la Culture et de la Communication/DRAC de Haute-Normandie la Région Haute-Normandie — le Département de Seine-Maritime la Communauté d’Agglomération de la Région Dieppoise — la Commune d’Arques-la-Bataille. Imprimerie IC4 — Académie Bach (Association loi 1901)—Licences d’entrepreneur de spectacles 2-139756 n° & 3-139757.

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