Comparaison des ectomycorhizes naturelles entre le hêtre () et 2 lactaires ( blennius var viridis et Lactarius subdulcis). I. Caractéristiques morphologiques et cytologiques A Prévost, Jc Pargney

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A Prévost, Jc Pargney. Comparaison des ectomycorhizes naturelles entre le hêtre (Fagus sylvatica) et 2 lactaires (Lactarius blennius var viridis et Lactarius subdulcis). I. Caractéristiques morphologiques et cytologiques. Annales des sciences forestières, INRA/EDP Sciences, 1995, 52 (2), pp.131-146. ￿hal-00882985￿

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Comparaison des ectomycorhizes naturelles entre le hêtre (Fagus sylvatica) et 2 lactaires (Lactarius blennius var viridis et Lactarius subdulcis). I. Caractéristiques morphologiques et cytologiques.

A Prévost, JC Pargney

Université de Nancy I, faculté des sciences, laboratoire de biologie des ligneux, BP 239, 54506 Vandœuvre cedex, France

(Reçu le 5 avril 1994; accepté le 28 juin 1994)

Résumé — Lactarius blennius var viridis et Lactarius subdulcis forment avec les racines du hêtre des ectomycorhizes lisses qui présentent des différences importantes au niveau de leur organisa- tion : les manteaux montrent des structures différentes et le réseau de Hartig, normalement déve- loppé chez L subdulcis. est discontinu dans l’autre espèce. Chez les 2 mycorhizes, des laticifères sont abondants dans le manteau et des hyphes intracellulaires se développent dans les cellules raci- naires du hêtre. L’ectomycorhize à L subdulcis est fréquemment infectée par un ascomycète dont les hyphes sont présentes tant au niveau du manteau que dans le cortex racinaire. ectomycorhize / Lactarius / Fagus sylvatica / morphologie / ultrastructure

Summary — Comparison of natural ectomycorrhizas between (Fagus sylvatica) and 2 fungi (Lactarius blennius var viridis and Lactarius subdulcis). I. Morphological and cytological characteristics. Lactarius blennius varviridis and L subdulcis form smooth ectomycorrhizas with beech roots. These present large differences in organization. Fungal mantles show different structures. The Hartig net is normally developed in L subdulcis and is discontinuous in the other species. Both mycorrhizas contain many laticifers and intracellular hyphae in the root cell of beech. L subdulcis mycorrhizas are frequently infected by an ascomycete whose hyphae are present equally in the man- tle and the root cortex. ectomycorrhiza/Lactarius /Fagus sylvatica / morphology / ultrastructure

* Correspondance et tirés à part INTRODUCTION MATÉRIEL ET MÉTHODES

Selon les plantes hôtes, la mycorhization Des racines de hêtre sont prélevées sur des peut être plus ou moins importante. Le hêtre arbres adultes âgés de 80 à 100 ans dans une hêtraie située en forêt de près de présente un très fort taux de mycorhization Haye Nancy (Meurthe-et-Moselle) et dans les bois de Vau- 100% des racines courtes corres- puisque villers (Haute-Saône) à une centaine de kilo- à des Celles-ci sont pondent mycorhizes. mètres de Nancy dans une chênaie-hêtraie. Les de couleur, de taille et de morphologie très 2 stations sont sur sol brun lessivé. Les prélève- variées. Elles peuvent être lisses et de cou- ments sont réalisés aux pieds des arbres, là où se leur orange, brune ou noire, montrer un trouvent une multitude de racines courtes dont la être due à un écoulement manteau hérissé de soies blanches ou présence pourrait le long du tronc des précipitations interceptées de noires, caractéristiques Cenococcum, (Aussenac, 1975, cité par Riedacker, 1981 ). présenter un mycélium frangeant formant un feutrage blanc crème ou un mycélium cotonneux doré, porter des cordons ou des Techniques de microscopie électronique spinules comme chez les Tuber (Prévost, à balayage 1992). Les mycorhizes lisses sont élaborées Des racines portant des mycorhizes sont fixées essentiellement par des lactaires et des rus- par le glutaraldéhyde à 2,5% dans le tampon sules. Les laticifères fonctionnels qui carac- cacodylate à pH 7,2 pendant 2 h, rincées dans le térisent les carpophores des lactaires sont tampon, puis post-fixées par tétroxyde d’osmium dans le 1 h. également présents dans les manteaux des 0,5% tampon pendant l’eau mycorhizes édifiées à partir de ces cham- Après rinçage par distillée, déshydrata- tion l’acétone et au Diverses études ont par passage point critique, pignons. cytologiques les échantillons subissent une métallisation à l’or de mieux connaître la structure de permis et sont observés sur un microscope électronique ces mycorhizes (Luppi et Gautero, 1967 ; à balayage «Hitachi S 2500». Voiry, 1981 ; Münzenberger et al, 1986 ; Agerer, 1987 ; Brand, 1993). Dans le présent travail, nous nous pro- Techniques de cytologie photonique posons de comparer 2 mycorhizes de lac- taires fréquentes chez le hêtre en décri- Des coupes transversales réalisées à main levée vant les aspects macroscopiques et sont colorées pendant 15 min par le réactif de cytologiques qui permettent de dégager Lugol afin de visualiser le latex fongique (Luppi et Gautero, 1967 ; Voiry, 1981). les points communs aux 2 mycorhizes et Des semi-minces à 300 nm des particularités propres à l’une et à coupes (200 sont réalisées à des l’autre. Cette première approche est le d’épaisseur) partir objets destinés à l’observation en microscopie électro- début d’un travail conduisant à une nique à transmission. Recueillies sur lame de meilleure connaissance du fonctionnement verre, elles sont colorées par le bleu de toluidine des mycorhizes de lactaires. Elle sera ulté- à 1 % dans 2,5% de Na2CO3 (pH 11,6). Elles per- rieurement suivie et complétée par des mettent de contrôler l’état de mycorhization des études concernant la racines avant l’observation en cytologie ultra- plus spécifiques cyto- structurale. physiologie des interfaces hêtre-lactaires, Les coupes semi-minces peuvent être les relations mycorhize-sol par l’intermé- éga- lement colorées par le Soudan III, colorant des diaire des et l’étude du rhizomorphes par lipides et des substances résinifères (Dop et suivi de l’évolution 2 saisonnière des myco- Gautier, 1928 ; Lison, 1960) et qui marque éga- rhizes. lement le latex des plantes supérieures (de Faÿ, 1981). Après traitement par le Soudan III et C’est une mycorhize orangée, ramifiée, lavage, les coupes sont colorées par le bleu de pyramidale, lisse, à apex clair, de type C1 toluidine afin de visualiser les tissus fongiques et selon la classification de racinaires. Voiry (1981). Quelques hyphes émanent parfois du man- teau. De même couleur que la mycorhize, des rhizomorphes s’y rattachent. Les latici- Microscopie électronique à transmission fères forment un réseau blanc visible par transparence. Les sont mycorhizes coupées longitudinalement En microscopie électronique à sous la loupe binoculaire dans une goutte de balayage, la montre une surface bosselée fixateur (glutaraldéhyde à 2,5% dans un tampon mycorhize phosphate 0,1 M à pH 7,2 ou cacodylate 0,1 M (planche 1, fig 10). Cet aspect du manteau au même pH). Selon leur taille, elles sont débi- paraît constant sur toute la mycorhize. Les tées en 2 ou 4 morceaux. Certaines mycorhizes craquellements présents localement cor- ont ainsi être étudiées 20 mm de pu jusqu’à respondent à de nouvelles ramifications en l’apex. cours de formation (planche 2, fig 11). Des Les objets sont fixés pendant 6 h à la tem- hyphes sont présentes à la surface du man- pérature de la glace fondante. Après plusieurs teau 2, rinçages par le tampon de fixation, ils sont mis à (planche fig 11). rincer au froid toute une nuit dans le même milieu. L’ectomycorhize à Lactarius subdulcis La post-fixation est effectuée pendant 1 h par (planche 1, fig 6) le tétroxyde d’osmium à 2% dans le tampon uti- lisé initialement. Elle est principalement récoltée dans l’hori- Les échantillons sont soigneusement rincés zon A1, quelquefois dans l’horizon A2, mais à l’eau distillée, déshydratés par des bains d’acé- rarement dans l’humus. Elles ne cohabitent tone en concentrations croissantes, puis impré- gnés dans la résine de Spurr. Afin d’obtenir une jamais avec d’autres mycorhizes. meilleure inclusion, l’imprégnation est de longue C’est une mycorhize jaune orangé, très durée (minimum 20 j). ramifiée, lisse, à apex légèrement plus clair, Des coupes minces (60 à 80 nm), réalisées de type C1 selon la classification de Voiry sur un ultramicrotome Porter Blum, sont recueillies (1981 ). Quelques hyphes émanent du man- sur des grilles en cuivre-rhodium. Les coupes teau. Des de même couleur sont contrastées par l’acétate d’uranyle et le rhizomorphes citrate de plomb. Elles sont observées au micro- que la mycorhize y sont parfois associés. scope électronique Zeiss 902. Les laticifères sont difficilement visibles par transparence. Les très jeunes mycorhizes sont beaucoup plus claires que les myco- RÉSULTATS rhizes âgées dont elles sont issues. Les mycorhizes de grande taille prennent une couleur brune à leur base. Étude morphologique En microscopie à balayage, la surface du manteau montre une juxtaposition L’ectomycorhize à Lactarius blennius d’hyphes de grande taille, plus ou moins var viridis (planche 1, fig 1 ) écrasées (planche 2, fig 12). Cette struc- ture est présente sur toute la mycorhize. Elle est principalement récoltée dans l’hu- Des hyphes isolées ou des groupes mus et dans l’horizon A1 mais très rarement d’hyphes émanent du manteau (planche 2, plus profondément. fig 13).

Étude en microscopie photonique Le réseau de Hartig est bien visible et peut s’insinuer jusqu’à la troisième couche de cellules corticales Il à Lactarius blennius (planche 1, fig 7). L’ectomycorhize est continu et unisérié. var viridis Des hyphes d’un champignon ascomy- Elle montre un manteau limité extérieure- cète, reconnaissable à la présence de corps de Woronin de et d’autre des ment par une substance qui se colore par le part septa bleu de toluidine (planche 1, figs 2 et 3). (planche 1, fig 9), sont associées aux myco- Les strates les plus internes du manteau rhizes. présentent des plages sombres correspon- dant à des composés polyphénoliques par- Étude en ticulièrement importants à l’apex de la myco- microscopie électronique rhize (planche 1, fig 2). Les laticifères sont à transmission mis en évidence dans le manteau, par le réactif de Lugol (planche 1, fig 4) et par le L’ectomycorhize à Lactarius blennius rouge Soudan III (planche 1, fig 5). var viridis Le réseau de Hartig apparaît discontinu (planche 1, fig 3) ; il est présent jusqu’à la Le manteau est de type pseudoparenchy- troisième couche de cellules corticales. mateux. Sur les coupes longitudinales comme sur les coupes transversales, les hyphes montrent des diamètres très diffé- L’ectomycorhize à Lactarius subdulcis rents (planche 3, fig 4). Le manteau se dif- férencie en plusieurs zones. Elle montre un manteau composé de 2 par- ties (planche 1, fig 7). À l’extérieur, les Extérieurement il est limité par une sub- aux isole hyphes sont grosses et à contenu clair ; à stance, peu opaque électrons, qui l’intérieur, elles sont de petite taille et ont les hyphes de la rhizosphère (planche 3, fig Des de un contenu dense. Le manteau est séparé 14 ; planche 4, fig 16). hyphes petite section sont incluses. Le souvent des cellules corticales par des couches de y plus elles sont vivantes composés polyphénoliques plus nom- dégénérescentes, parfois et breuses à l’apex que dans les autres parties. plurinuclées (planche 4, fig 16). L’utilisation du réactif de Lugol met en évi- Sous cette zone externe, les hyphes dence la présence de laticifères dans le montrent progressivement des sections qui manteau interne des mycorhizes (planche 1, s’agrandissent, d’une part, et, d’autre part, fig 8). des interfaces qui s’amincissent (planche 3, fig 14). Leur cytoplasme très vacuolisé (planche 4, fig 14) très vacuolisées (planche peut renfermer de nombreuses vésicules le 4, fig 18). long des parois (planche 4, fig 17). Cette Le manteau interne est constitué zone intermédiaire est limitée intérieure- d’hyphes vivantes peu vacuolisées et de ment par des hyphes de taille réduite taille réduite (planche 4, fig 14). Les inter- faces sont plus fines que celles des hyphes les hyphes ou forment des empilements des autres zones. D’étroites bandes de com- dans lesquels chaque place reste séparée posés polyphénoliques sont présentes dans des autres par de fines parois moins denses le manteau interne. Elles s’insèrent entre aux électrons. Les formes multiples des

bandes polyphénoliques sont le reflet des L’ectomycorhize à Lactarius subdulcis contraintes exercées par les hyphes (planche 4, fig 14). Le manteau se différencie en 2 zones : l’une Les laticifères sont présents à différents interne, l’autre externe. Le manteau externe niveaux du manteau (zones intermédiaire est pseudoparenchymateux et constitué de et interne). Les grandes vacuoles renfer- 4 ou 5 assises d’hyphes montrant parfois de section À ment du latex opaque aux électrons et grande (planche 3, fig 15). sont vivantes repoussent en position pariétale le cyto- l’apex ces hyphes (planche plasme dont la densité électronique rend 5, fig 25), mais se vacuolisent rapidement et difficile l’observation d’organites (planche leur cytoplasme dégénère dans la région 4, fig 19). sous-apicale de la mycorhize (planche 3, Le manteau interne est Le réseau de est discontinu fig 15). prosenchy- Hartig mateux et constitué de 5 à 10 assises (planche 4, fig 20). Cependant les hyphes d’hyphes présentant des sections variées. sont parfois séparées par une succession Elles renferment de petites vacuoles et un d’articles de très petite section et qui pour- 3, 15 ; raient correspondre à des ramifications cytoplasme important (planche fig 5, Des vésicules bordent d’une même hyphe (planche 4, fig 21). Le planche fig 27). le avec réseau peut également émettre des digita- fréquemment plasmalemme lequel elles être en contact 5, tions en direction des cellules corticales paraissent (planche dégénérescentes (planche 4, fig 22) qui fig 27). peuvent aboutir à des pénétrations dans les Des composés polyphénoliques sont cavités cellulaires (planche 4, figs 23 et 24). présents dans le manteau interne (planche Ils forment des ou Les cellules corticales sont très vacuoli- 3, fig 15). plages plus moins sont sées. Leur cytoplasme peut renfermer importantes qui fragmentées quelques organites : mitochondries, réticu- par la pénétration d’hyphes dont le contenu lum endoplasmique (planche 4, fig 20). Il peut apparaître très dense (planche 5, est souvent réduit à une étroite bande parié- fig 28). tale et dense, dans laquelle les structures Les laticifères montrent des sections sont difficilement identifiables (planche 4, allongées. Beaucoup sont dépourvus de figs 20 et 21). Des composés polyphéno- contenu cellulaire (planche 3, fig 15), mais, liques peuvent s’accumuler dans les dans certains cas favorables, le latex est vacuoles, sous forme de granulations préservé et apparaît sous forme de globules denses localement condensées (planche clairs bordés de cytoplasme très dense aux 4, fig 23). électrons (planche 5, fig 29).

Des hyphes d’Ascomycète sont fré- (planche 5, fig 32) ou sous le réseau quemment observées dans le manteau (planche 5, fig 33). Elles peuvent devenir interne, soit isolément, soit groupées intracellulaires par rupture des parois cel- (planche 5, fig 26). Elles sont reconnais- lulaires (planche 6, fig 34) et envahir les cel- sables par la présence de grains de Woro- lules corticales tant à l’apex (planche 6, fig nin et par l’existence d’une couche parié- 37) que dans les zones plus éloignées tale périphérique, dense aux électrons (planche 6, figs 33 et 35). Dans les cellules (planche 5, fig 26). apicales, la présence d’organites indique Le réseau de Hartig est continu, unisérié, que le cytoplasme est vivant (planche 6, fig formé d’hyphes vivantes (planche 3, fig 15). 37). Au niveau des zones éloignées de les sont entou- Les coupes tangentielles au réseau mon- l’apex, hyphes d’Ascomycète rées des denses issus de la trent la présence d’invaginations pariétales par dépôts du et de l’ac- et révèlent la complexité des structures fon- dégénérescence cytoplasme cumulation des vacuolaires giques intercellulaires (planche 5, fig 30). polyphénols Le réseau est bordé par des cellules corti- (planche 6, fig 35). cales très souvent dégénérées dont le cyto- plasme est réduit à une étroite bande parié- DISCUSSION tale, dense aux électrons (planche 3, fig 15) et dont la vacuole peut renfermer des com- posés polyphénoliques soit épais, soit Les 2 mycorhizes sont lisses, sans orne- condensés en gouttelettes le long du tono- mentations. Le manteau de l’ectomycorhize plaste (planche 5, fig 31). à L subdulcis est nettement composé de 2 Des hyphes d’Ascomycète sont égale- parties, un manteau externe et un manteau interne alors celui de ment identifiables grâce aux grains de Woro- que l’ectomycorhize nin qu’elles renferment (planche 5, fig 32 ; à L blennius présente une structure diffé- planche 6, fig 36), et à la couche pariétale rente avec un passage progressif du man- périphérique (planche 5, fig 32 ; planche 6, teau externe à un manteau interne par une fig 37). Elles possèdent de nombreux zone de transition. noyaux (planche 6, figs 34 et 35), d’abon- Les hyphes du manteau externe de l’ec- dantes vacuoles et de multiples organites tomycorhize à L subdulcis, directement en (planche 6, figs 35 et 36). Elles occupent contact avec le sol, sont souvent mortes et des positions variées : à l’apex entre des écrasées. Une structure similaire est éga- cellules corticales dépourvues de réseau lement décrite chez les mycorhizes à L (planche 6, fig 36) et dans les zones éloi- deterrimus (Müzenberger et al, 1986 ; Age- gnées de l’apex au niveau du réseau rer, 1987) et L picinus (Agerer, 1987) asso- ciées à l’épicéa. En revanche, l’ectomyco- fixation qui pourrait être due à une diffé- rhize à L blennius est isolée du sol par du rence de fluidité par rapport au latex de L matériel qui pourrait être une production blennius ; le latex se présente alors sous mucilagineuse des hyphes. La présence forme de masses alvéolées. Des images de mucilage est signalée dans de nom- identiques ont été décrites par Müzenberger breuses mycorhizes à lactaires : chez L (1991) dans des laticifères de mycorhizes de flexuosus, L piperatus, L vellereus, L chry- L deterrimus/Picea abies. Le latex des lati- sorrheus (Luppi et Gautero, 1967), chez L cifères pourrait avoir un rôle protecteur. Le volemus (Voiry, 1981), enfin chez L velle- vélutinal, sesquiterpène instable, est un reus (Brand, in Agerer, 1987). Une telle constituant majeur du latex des carpophores substance, réfringente et superficielle, est de plusieurs espèces de lactaires (Favre- également décrite dans la mycorhize à Bonvin et al, 1982 ; Sterner et al, 1983, cités Boletus edulis avec le chêne (Luppi et Gau- par Sterner et al, 1985), et les sesquiter- tero, 1967) ; mais dans ce cas la couche pènes jouent un rôle protecteur contre les mucilagineuse est traversée par de nom- prédateurs (Sterne et al, 1985 ; Wicklow, breuses hyphes frangeantes. 1988). Si Voiry (1981) pensait que la présence Dans les 2 mycorhizes étudiées, le d’un mucilage est un caractère commun à réseau progresse entre 2, 3 ou 4 couches toutes les mycorhizes de lactaires, nous de cellules corticales ; il n’atteint jamais l’en- montrons ici, comme Agerer (1987) et Brand doderme. Le réseau de Hartif formé par L (in Agerer, 1987), que le manteau des myco- subdulcis est continu, unisérié, alors que rhizes de lactaires peut présenter des struc- celui formé par L blennius est, au contraire, tures différentes selon les espèces. Il est discontinu, très intimement lié aux struc- vrai que lorsqu’une couche mucilagineuse tures pariétales des cellules corticales. Ils est présente à la surface d’un manteau lisse, ne sont jamais présents au niveau apical. nous pouvons dire qu’il s’agit d’une myco- Des coupes tangentielles au réseau de Har- rhize de lactaire, mais la réciproque n’est tig montrent que les cloisons ou septums pas vérifiée. observés en coupes longitudinales sont en Les laticifères sont inégalement répartis fait des replis de l’hyphe sur elle-même (Bla- sius et Kottke et dans le manteau et ont un latex abondant et al, 1986 ; Oberwinkler, Melville Massi- bien conservé par la fixation chez L blen- 1986, 1987 ; et al, 1988 ; nius ; ils sont nombreux chez L subdulcis, cotte et al, 1990). bien visibles en microscopie photonique, Des pénétrations intracellulaires sont mais le latex s’observe difficilement en souvent observées au niveau des premières microscopie électronique à transmission du cellules corticales mortes ou très dégéné- fait de sa mauvaise conservation lors de la rescentes. Toutefois des organites peuvent encore être présents mais sont apparem- champignons saprophytes. Les lactaires en ment peu actifs. De telles pénétrations sont produisant des polyphénol-oxydases péné- fréquemment signalées dans d’autres ecto- treraient plus fréquemment que les autres mycorhizes (Atkinson, 1975 ; Giltrap, 1982 ; champignons mycorhiziens dans les cel- Harley et Smith, 1983 ; Godbout et Fortin, lules corticales. Ceci est confirmé par Lin- 1985 ; Kottke et Oberwinkler, 1986b ; Mün- deberg (1948) qui a constaté de fortes réac- zenberger et al, 1986 ; Wong et al, 1990). tions d’oxydation avec plusieurs espèces L’agression ne se fait jamais contre des cel- de lactaires dont L flexuosus qui possède lules actives. Il s’agirait donc d’un sapro- la même structure que L blennius (Luppi et phytisme. Giltrap (1982) constate que la Gautero, 1967). croissance de nombreuses espèces de lac- Dans l’ectomycorhize à L subdulcis, un taires n’est pas inhibée par des polyphé- ascomycète est systématiquement observé nols (acides tannique et gallique). Ce com- dans tous les prélèvements des 2 stations. portement est comparable à celui des Brand (1987, 1993) signale également la présence d’un Ascomycète dans ce type de profondément la symbiose entre L subdulcis mycorhize. Il s’agit de Leucoscypha leuco- et les racines du hêtre. tricha, de la famille des Humariacées, qui colonise les litières forestières en décom- position (Dennis, 1968) et qui peut s’associer RÉFÉRENCES également avec les ectomycorhizes à L rubrocinctus et à L fuliginosus. Ces triples Agerer R (ed) (1987) Colour Atlas of Ectomycorrhizae. associations ne sont pas rares sur les Einhorm-Verlag, Schwäbisch Gmünd, Allemagne racines de hêtre (Brand, 1987). Elles exis- Agerer R (1990) Studies on ectomycorrhizae XXIV. Ecto- tent également chez les Conifères où l’on mycorrhizae of Chroogomphus helveticus and C ruti- lus and their rela- observer la simultanée de (Gomphidiaceae, Basidiomycètes) peut présence tionship to those of Suillus and Rhizopogon. Nova Chroogomphus ou Gomphidius avec Suillus Hedwigia 50, 1-63 ou Rhizopogon (Agerer, 1990). Cependant, Atkinson MA (1975) The fine structure of mycorrhizas. il s’agit de 4 genres appartenant à la classe Thesis, Univ Oxford, Royaume-Uni des Basidiomycètes, les 3 premiers rele- Blasius D, Feil W, Kottke I, Oberwinkler F (1986) Hartig vant de l’ordre des Bolétales. Ce sont, dans net structure and formation in fully ensheathed ecto- mycorrhizas. Nord J Bot 6, 837-842 ce cas, des champignons plus proches les Brand F A infection in uns des autres que les lactaires et les Asco- (1987) secondary fungal mycor- rhizae formed by Lactarius spp with Fagus sylva- mycètes. tica. In : Mycorrhizae in the next decade. Practical L’Ascomycète ne peut apparemment pas applications and research priorities (DM Sylvia, LL Hung, JH Graham, eds), Gainesville, FL, États-Unis, être considéré comme un champignon sym- 189 Il coloniser des cellules biotique. peut Brand F (1993) Mixed associations of fungi in ectomy- vivantes à l’apex, mais il est beaucoup plus corrhizal roots. In : Mycorrhizas in Systems. CAB souvent observé dans des cellules mortes Int (DJ Read et al, eds), Sheffield, Royaume-Uni, ou en voie de dégénérescence. Il pourrait en 142-147 revanche contribuer à favoriser l’établisse- Dennis RWG (1968) British Ascomycetes. J Cramer, Lehre, ment de l’ectomycorhize (Brand, 1993). Royaume-Uni Dop P, Gautier A (1928) Manuel de technique bota- En conclusion, les 2 mycorhizes étudiées nique, Histologie et Microbiologie. 2e ed, J Lamarre, possèdent les caractéristiques des ecto- Paris, France mycorhizes. Elles montrent cependant l’une de Faÿ E (1981) Histophysiologie comparée des écorces et l’autre des structures spécifiques qui ne saines et pathologiques (maladie des encoches sèches) de l’Hevea brasiliensis. Thesis, univ Mont- de donner une structure permettent pas type pellier II, France des de lactaires mycorhizes (fig 38). Giltrap NJ (1982) Production of polyphenol oxidases by L’ectomycorhize à L blennius se carac- ectomycorrhizal fungi with special reference to Lac- tarius Trans Br Soc 75-81 térise par le développement d’un manteau spp. Mycol 78, qui apparaît particulièrement protecteur pour Godbout C, Fortin JA (1985) Synthesised ectomycor- rhizae of aspen: fungal genus level of structural cha- les cellules racinaires et un réseau de par racterization. Can J Bot 63, 252-262 lâche que celui de l’autre ecto- Hartig plus Harley JL, Smith J (1983) Mycorrhizal symbiosis. 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