UNIVERSITE D’ FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE FORMATION GENERALE

MEMOIRE DE MAITRISE

LE SRI DE MANANDONA, LE MOHAIR D’AMPANIHY : GEOGRAPHIE DE L’ECHEC DE DEUX PROJETS DE DEVELOPPEMENT

Présenté par : Lala Mbolatiana RAVELOARIMISA

Sous la direction de : Gabriel RABEARIMANANA, Maître de Conférences

Date de soutenance : 12 Janvier 2007 UNIVERSITE D’ANTANANARIVO FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE FORMATION GENERALE

MEMOIRE DE MAITRISE

LE SRI DE MANANDONA, LE MOHAIR

D’AMPANIHY :

GEOGRAPHIE DE L’ECHEC DE DEUX

PROJETS DE DEVELOPPEMENT

Présenté par Mlle Lala Mbolatiana RAVELOARIMISA

Me mbre du jury : PRESIDENT : Joselyne RAMAMONJISOA, Professeur Titulaire RAPPORTEUR : Gabriel RABEARIMANANA, Maître de Conférences JUGE : Harivola ANDRIAMANANJARA, Assistant Date de soutenance : 12 Janvier 2007

2 « L’homme est la mesure de toutes choses » Platon

3 REMERCIEMENTS

Le présent travail n’a pu aboutir sans la contribution de nombreuses personnes et institutions à qui nous tenons à présenter notre profonde gratitude.

Nos sincères remerciements s’adressent tout particulièrement à :

-Madame Joselyne RAMAMONJISOA, Professeur titulaire, qui a donné de son

précieux temps pour présider notre jury;

-Monsieur Harivola ANDRIAMANANJARA, Assistant, qui a accepté

d’apporter son appréciation sur le présent travail ;

-Gabriel RABEARIMANANA, Maître de Conférences, notre directeur de

recherche qui a veillé minutieusement à la bonne réalisation de notre recherche ;

-Tous les enseignants et le personnel administratif et technique du département de Géographie;

- Toutes les entités et personnes enquêtées à Antananarivo, Manandona, Tuléar et

Ampanihy qui ont bien voulu nous accorder leur attention;

- La famille REMANINDRY de Tuléar et d’Ampanihy pour leur sympathie et pour leur aide inestimable ;

Que tous ceux qui ont de près ou de loin contribué à la réalisation de ce mémoire trouvent ici notre profonde reconnaissance.

4 RES UME :

Les innombrables projets de développement et les milliards d’Ariary investis n’ont pas arrêté la paupérisation de la majorité des Malgaches, surtout dans les campagnes.

Dans les communes rurales d’Ampanihy et de Manandona, respectivement situés dans le Sud et sur les Hautes Terres de , les projets disent vouloir impulser le développement par le biais de la filière mohair dans la première, et par l’intermédiaire de la filière rizicole dans la seconde. Pourtant, les nouvelles techniques comme le Système de riziculture intensive (SRI) et l’élevage de la chèvre angora, qui ont déjà fait leur preuve ne sont que partiellement soutenues. Cela met en exergue les discordances entre la conception des projets et la réalité tant sur le plan humain, physique qu’économique qui amènent à des résultats mitigés.

Les paysans, finalité des actions, sont alors déconsidérés. Leur identité, leur culture et leurs besoins sont sacrifiés pour tenter le développement économique. Aussi, les projets de développement rural servent ils plus les profits d’une poignée d’opérateurs privés et ceux de l’Etat qui entretient son image aux yeux de ses bailleurs aux dépens d’une paysannerie en crise.

Mots clés : Ampanihy, Manandona, projets de développement, aspect culturel, angora, filière mohair, SRI, filière rizicole.

5 LISTE DES ACRONYMES

ATS : Association Tefy Saina AUE : Association des Usagers de l’Eau BIANCO : Bureau Indépendant Anti- Corruption CDR : Cellule de Développement Rural CECAM : Caisse d’Epargne et de Crédit Agricole Mutuel CRS : Catholic Relief Services DELSO : programme Développement de l’Elevage du Sud Ouest DRDR : Direction Régionale du Développement Rural DRRA : Développement Rural de la Région d’Ampanihy FCRA : Fonds Compétitif de Recherche Appliquée FED : Fonds Européen pour le Développement FOFIFA : Foibe Fikarohana momban’ny Fambolena GPI : Grands Périmètres Irrigués MAEP : Ministère de l’Agriculture de l’Elevage et de la Pêche MDP : Maison Des Paysans ODR : Opération de Développement Rizicole ONG : Organismes Non Gouvernementaux PNVA : Programme National de Valorisation Agricole PPI : Petits Périmètres Irrigués PSDR : Projet de Soutien au Développement Rural SEAR : Service de l’Elevage et de l’Animation Rurale SRA : Système de Riziculture Améliorée SRI : Système de Riziculture Intensive

6 LISTE DES ILLUSTRATIONS

Liste des croquis :

1. Présentation de la commune rurale de Manandona……………………..……….2

2. Présentation de la commune rurale d’Ampanihy………………………………..4

3. Adoption du SRI à Madagascar……………………………………………..…39

4. Types de relief de la zone de Manandona……………………………………...59

5. Présentation du processus d’inondation C R Manandona……………………...61

6. Répartition déséquilibrée des actions du PSDR dans la CR Manandona……....80

7. Répartition déséquilibrée des actions du PSDR dans le district d’Ampanihy…81

8. Répartition déséquilibrée des actions du PSDR dans la CR d’Ampanihy……..82

9. Collecte de mohair pendant l’apogée de la filière mohair (1965)…………..….88

10. Flux commerciaux des produits agricoles CR Manandona………………….....91

11. Flux commerciaux des tapis mohair CR Ampanihy………………………..….99

Liste des tableaux :

1. Evolution de l’effectif des caprins par province (2001-2003)……………….…15

2. Répartition de la population par activité dans la C R de Manandona …………16

3. Comparaison des travaux et des techniques entre SRI et riziculture traditionnelle……

………………………………………………………………26

4. Comparaison de l’évolution des prix des chèvres par race dans la C R

d’Ampanihy,(1985-2005)…………………………………………………...….33

5. Comparaison économique entre le SRI et la riziculture traditionnelle…………34

6. Répartition des adoptants du SRI par surface vouée à la technique dans la

C R de Manandona (2006)……………………………………………………...43

7. Evolution de l’adoption et du rejet du SRI, CR Manandona (1993 à 2006)…...49

7 8. Evolution de l’effectif d’angora et de la production de mohair, CR Ampanihy (1950-

2006)……………………………………………………………...... 52

9. Répartition annuelle des précipitations et des températures, CR Manandona....58

10. Répartition annuelle des précipitations et des températures, CR Ampanihy…..65

11. Rapport entre matériel agricole et paysans utilisateurs, CR Manandona………67

12. Comparaison des dépenses en SRI et en riziculture traditionnelle (pour 1ha)…74

Liste des schémas :

1. Comparaison de plants de riz cultivés avec le SRI et avec la technique traditionnelle

au moment du tallage……………………………………………25

Liste des graphiques:

1. Répartition de la population par activité dans la C R Manandona…….….……17

2. Répartition des adoptants du SRI par surface vouée dans la CR de Manandona………

……………………………………………………………..43

3. Evolution de l’adoption et du rejet du SRI dans la C R Manandona

(1933-2006)…………………………………………………………………….48

4. Evolution de l’effectif des angoras dans la CR d’Ampanihy

(1950-2006)……………………………………………………………...……..51

5. Production mondial de mohair (1972-2004) et répartition par pays producteur

(2004)……………………………………………………….…………….……53

6. Diagramme ombrothèrmique de la CR Manandona……………………...... 57

7. Diagramme des précipitations de la CR d’Ampanihy……………………….....64

8 Liste des photos :

1. Gerbe de riz de la cérémonie du santa-bary…………………………….…..….19

2. Les locaux du DELSO et de la Maison mohair tombent en ruine à Ampanihy..22

3. Comparaison des pépinières en SRI et en technique traditionnelle………….....29

4. Préparation des jeunes plants pour le repiquage en SRI………………………..29

5. Repiquage en SRI………………………………………………...…………….30

6. Les travaux de sarclage en SRI…………………………………………………30

7. Bouc angora élevé en France……………………………………………...……31

8. Couple angora d’une ferme en Afrique du Sud……………………………...…31

9. Une chèvre locale et son petit…………………………………………………..32

10. Les derniers angoras purs de Madagascar dans la ferme d’Ankilimary………..32

11. Plants de riz cultivés avec la technique du SRI………………………………...37

12. La ferme d’Etat d’Ankilimary………………………………………………….45

13. Morphologie en cuvette dans la CR de Manandona……………………………60

14. La rivière Manandona dans le sillon ………………………………..……….…60

15. Perte de surface cultivées par éboulement CR Manandona……………..……..62

16. La végétation fragile du Sud……………………………………………………64

17. Comparaison des cadres de tissage métallique et en bois ...……………..…….68

18. Le travail des « Tapis…by Eric »……………………………………………....69

19. Modèle de tapis des tisserandes malgaches………………………………….....69

20. Moyen de transport pour Ampanihy……………………………………….…...70

21. Scène de labour à Manandona……………………………………………….…72

22. Le mpiarak’andro et son troupeau à Ampanihy………………………...….…..75

23. Fils industriels utilisés par les tisserandes malgaches………………………….75

24. Vente de Mohair au marché hebdomadaire d’Ampanihy……….…….………..98

9 25. Pelote de mohair vendu au marché d’Ampanihy………………….……………98

26. Modèle de « Tapis…by Eric » : produits haut de gamme…………………....101

10 SOMMAIRE

Remerciement……………………………………………………………….…ii Résumé…………………………………………………………………………iii Acronymes……………………………………………………………………..iv Table des illustrations …………………………………….……….……..….v Sommaire …………………………………………..………………….……...ix

INTRODUCTION:……………..………………………………………………..1

PREMIERE PARTIE : LA FILIERE RIZICOLE DE MANANDONA ET MOHAIR D’AMPANIHY : OBJETS DE PROJETS NEGLIGEANT LA DIMENSION CULTURELLE…………………………………………………11 Chapitre I : La dimension culturelle des filières rizicole et mohair ………...…12 Chapitre II : Les projets DELSO et PSDR : échecs relatifs dûs à l’ignorance de la dimension culturelle ?……..…………………………………………..….....36

DEUXIEME PARTIE : MANANDONA ET AMPANIHY : VICTIMES DE PROJETS PARACHUTES ?...... 55 Chapitre III : La réalité sous estimée par les projets de développement……….56 Chapitre IV : Des projets de développement monopolisés……………………..78 Chapitre V : Manandona et Ampanihy : le développement raté…………….....93

CONCLUSION……………..…………………………...……………………104

Bibliographie

Annexes

Table des matières

11 INTRODUCTION

La lutte pour le développement, puis contre la pauvreté est la bataille majeure dans laquelle Madagascar s’est engagé depuis son indépendance. Bien que les projets pour y parvenir soient nombreux, force est de constater la persistance et l’avancée de la pauvreté. Les filières rizicole et mohair figurent parmi les multiples activités qui ont fait l’objet de projets de développement.

Localisation et choix du sujet :

Bien placée dans le sillon de Manandona, la commune du même nom fait de la riziculture sa principale activité. Elle se trouve entre la latitude 20° 03’ Sud et la longitude 47° 03’Est. Située à 21 kilomètres au sud de la ville d’ suivant la route nationale n°7, elle en tire une rente de situation considérable. Intégrée dans le district d’Antsirabe et dans la région du , la commune rurale de Manandona jouit des avantages naturels, renommés de ces espaces. Elle est limitée au nord par la commune rurale de , à l’est par celle de Tsarahonenana Sahanivotry. Au sud, elle est voisine de la commune de Sahanivotry et à l’ouest de celle d’Alatsinainy Ibity1 (cf. croquis n°1).

La commune a connu les différentes politiques étatiques en terme de développement rural. Elle a aussi bénéficié d’actions d’organismes non gouvernementaux (ONG) oeuvrant dans la vulgarisation des nouvelles techniques. Grâce aux collaborations de ces deux entités, le Système de riziculture intensive (SRI) fut introduite dans la commune en 1997.

Cette technique véhicule des façons culturales contraires à celles connues par les Malgaches jusqu’alors. Bien que permettant un rendement moyen de 7T/ha2 contre 2,5T/ha3 en riziculture traditionnelle, la vulgarisation du SRI reste difficile.

1 Ministère de l’Intérieur, Monographie de la commune rurale de Manandona, Tananarive, 2004, 35p. 2 Laulanié (de) (H. –S. -J.), Le riz à Madagascar. Un développement en dialogue avec les paysans, Ed Ambozontany, Ed Karthala, Tananarive, Paris, 2003,208p. 3 Information recueillie lors de la conférence scientifique au CCAC intitulé « les crises du riz à Madagascar » avec Razamandimby (FOFIFA) et Dabat (CIRAD), Tananarive, 4 avril 2006.

12 13 Toutefois, on peut penser que le SRI est la solution aux problèmes des paysans et du pays pour atteindre l’autosuffisance en riz4.

Depuis 2003, Manandona est concerné par le Projet de soutien au développement rural (PSDR). Ces actions sont majeures dans la commune car elles influent sur toutes les activités économiques de la population, notamment la riziculture. Pourtant, dans la filière rizicole, le PSDR n’apporte pas d’appui à la pérennisation des efforts effectués dans la vulgarisation du Système de riziculture intensive (SRI), la nouvelle technique perd de l’importance en terme de surface occupée et en nombre de paysans adoptants.

Ayant la même importance que la riziculture à Manandona, le travail du mohair est capital pour Ampanihy. Intégrée dans la région Sud-Ouest et dans le district d’Ampanihy ouest, la commune rurale se trouvant entre la latitude 24° 41’ sud et la longitude 44° 45’ est, borde la nationale n°10 à 296 kilomètres de Tuléar. Ses communes limitrophes sont Amborompotsy du nord-est au sud-est et Anosa Akiliabo dans ses parties nord, ouest et sud5 (cf. croquis n°2).

Une très grande partie des ménages d’Ampanihy tire de la filière mohair une part considérable de leur revenu6, dans un environnement aride. La commune rurale d’Ampanihy a connu, depuis près de cent ans la promotion de la filière mohair.

Déjà centre stratégique dans la vulgarisation de l’élevage de la chèvre angora pendant la colonisation et la première république, la commune d’Ampanihy est le terrain d’un continuel recherche de promotion rurale. Les efforts soutenus ont abouti à l’apogée de la filière mohair dans les années soixante – soixante dix, summum de la coopérative Maison Mohair. Détournements de fonds, népotisme et mauvaise gestion ont ruiné la filière après la prise en main de l’Etat dans les années 1970.

4 Conférence scientifique au CCAC, 4 avril 2006. 5FFEM- Programme PCM-WWF-SAGE, Plan communal de développement de la commune rurale d’Ampanihy, 2003, 47p. 6 JOELSON (G.), Ampanihy Ouest : exemple d’un centre semi urbain en pays mahafale, mémoire de maîtrise, département de géographie, Tuléar, 1994, 172 p.

14 15 Après près de vingt années de difficulté, elle fait l’objet d’un programme : Développement de l’Elevage du Sud Ouest (DELSO). Lancé en 1994, ce projet financé par l’Union Européenne n’a pas réussi à remettre sur pied la filière. Le fiasco est tel que le DELSO n’exerce plus d’actions dans la filière mohair même s’il est devenu fonctionnel à l’échelle nationale7. C’est ainsi que depuis 2002, le Projet de soutien au développement rural (PSDR) lui a succédé et tente d’atteindre les mêmes objectifs.

Par le nombre de personnes concernées par la filière mohair, par les flux commerciaux engendrés dans la commune, dans la région, dans le pays tout entier et même à l’étranger, la dite filière a sans équivoque une place dans l’économie de Madagascar.

L’intérêt soudain porté sur cette filière par le pouvoir actuel qui a annoncé l’importation de 45 000 angoras en Août 2006 confirme son importance stratégique dans le Sud malgache. Mais même avec cette initiative, le nombre d’angora n’atteindrait pas les 120 000 têtes, effectif record des années 1970.

De même, la riziculture, forte de ces 2 200 000 exploitations8 à l’échelle du pays, touche directement un près de 10 millions de Malgaches9. Le riz représente 70% de la production agricole du pays10. Outre sa part élevée dans le revenu des ménages ruraux, la filière rizicole est sans conteste une des bases de la puissance politique11.

En plus de leur valeur économique, les filières rizicole et mohair portent un aspect culturel. « Toy ny vary sy rano ka an-tsaha tsy mifandao, an-tanàna tsy mifanary », «Aza miteny lango imason’ny vary»12, « Ny olom-belona dia tahaka ny voly varin’Andriamanitra : Izy mametraka izay tiany hapetraka, mijinja izay tiany ho jinjaina»13 . Autant de proverbes qui en disent long sur la place inégalée du riz dans le quotidien, dans l’esprit et dans les mœurs malgaches. En effet, il « (…) véhicule et matérialise la culture

7 WWF/ SAGE/ FFEM, Plan Communal de Conservation, commune d’Ampanihy, 2003, 22 p. 8 Conférence scientifique au CCAC, 4 avril 2006. 9 «Niveau de la production rizicole. Les chiffres obtenues par déduction devront encore être confirmés », in. Horizon : mensuel d’information et d’analyse et de l’observatoire du riz, février 2006. 10 Ibid. 11 Conférence scientifique au CCAC, 4 avril 2006. 12 « Comme le riz et l’eau : unis dans les champs, inséparable dans les villages », « Ne parlez jamais d’un homme devant les siens ». Traduction de : NICOL (R. P.), « Les proverbes et locutions malgaches », Société d’éditions Géographiques maritimes et coloniales, Paris, 1935,105p. 13 « Les hommes sont les plants de riz de Dieu, il prend ceux qu’il veut prendre et laisse ceux qu’il veut laisser ». Traduction de : CONTE (J.), « Les rizières du bon Dieu », imprimerie Luthérienne, Antsahamanitra, Tananarive, 1966, 101p.

16 et le rapport social »14. La chèvre angora introduite en 189715 a quant à elle, totalement intégré la culture mahafaly de l’élevage caprin. La confection de tapis mohair, présente depuis 191416, est devenue un élément culturel de la population du district d’Ampanihy17.

Incontestablement, les filières rizicole et mohair comportent des aspects culturels et économiques indissociables. En apportant leur action dans ces filières, les projets de développement touchent, directement ou non, à ces deux facettes. Insuffisamment pris en compte, l’aspect culturel, incontournable, porte nécessairement préjudice à ces initiatives de développement.

Problématique :

Le constat d’absence de dynamique de développement voire d’échec dans les communes de Manandona et d’Ampanihy nous emmène à nous poser trois questions qui, ensemble constituent notre problématique.

 Les facteurs culturels, incontournables, ont-ils été pris en compte de façon adéquate ? Dans quelle mesure expliquent ils l’échec des deux projets ?  Par ailleurs, quel a été le poids des autres facteurs, ceux non culturels dans l’échec de ces projets de développement ?

14 Moser (C.- M.), Les limites du système de riziculture intensif et les leçons apprises pour la promotion de technologies agricoles à Madagascar, cahier d’études et de recherche en économie et sciences sociales n°4, Département Recherches en Développement, 2002,25p. 15 Ibid. 16Ramanantenasoa (H.), L’élevage de la chèvre en vue de sacrifice et de la fabrication de tapis mohair dans la région d’Ampanihy, mémoire de maîtrise, département de Malagasy, Tuléar, 2005, 83p. 17 Entretien avec Manassé Esoavelomandroso, Département d’Histoire, Tananarive, avril 2006

17 Démarche de recherche

Après plus de quatre mois de réflexion pour fixer le thème et le sujet, nos recherches ont commencé en février 2006. Elles se sont déroulées en trois grandes phases.

La première, la documentation a duré cinq mois, de févier à juin 2006. Bien que d’autres sources écrites aient complété les informations, durant les autres étapes de la recherche, la bibliographie n’a pu être exhaustive. L’impossibilité d’accéder à certains documents, surtout pour la filière mohair, a été un véritable obstacle. En effet, la rétention d’informations, par mauvaise foi, de certains responsables du projet DELSO nous a contrainte à chercher les données jusqu’à Tuléar, sans succès. Heureusement, quelques personnes ressources ont pu combler, au moins en partie, le vide en mettant à notre disposition leurs archives personnelles et leurs expériences dans ces projets.

La deuxième phase concrétisée par les séjours sur le terrain a été précédée par une visite de pré enquête pour la commune rurale de Manandona. Elle s’est déroulée du 10 au 13 mai 2006 et a eu pour objet la prise de contact avec les autorités locales. Le déroulement des travaux de terrain s’est ensuite effectué en deux étapes : dans la commune rurale de Manandona d’une part et dans celle d’Ampanihy d’autre part.

Le séjour à Manandona s’est faite en six jours, du 29 mai au 03 juin 2006. Deux des 11 fokontany qui se partagent le territoire communal ont été choisis : Zanakambony et Ambohitrimanjato. Le critère retenu a été la représentativité par rapport à l’adoption du SRI. En effet, le premier fokontany est le premier en terme de surface de rizière cultivée avec le Système de riziculture intensive (SRI) tandis que le second est parmi les derniers. L’adoption ou non de cette technique est donc le critère de choix des ménages enquêtés. Avec un taux d’échantillonnage de 8% dans chacun de ces deux fokontany, l’enquête a touché 20 ménages à Zanakambony et 14 à Ambohitrimanjato. Après, les enquêtes auprès des ménages, des responsables à différents niveaux de la filière rizicole à Manandona ont été contactés pour compléter les informations. Des responsables administratifs de la commune ont également répondu à nos questions. Puis, l’agent de vulgarisation du projet PSDR qui est en même temps représentant du ministère de l’agriculture de l’élevage et de la pêche (MAEP), nous a révélé le peu de données en sa possession. L’entretien a mis en exergue le rôle incontournable du PSDR à Manandona, ce qui a éveillé notre intérêt sur la relation entre ce projet et l’avenir

18 du SRI dans la commune.

Les enquêtes des membres de bureau d’institutions financières, telle que la Caisse d’épargne et de crédit agricole mutuel (CECAM) et le VOVONANA SOA MIARA-DIA18, ont contribué à étoffer les résultats de nos investigations.

Le deuxième séjour sur terrain s’est déroulé à Tuléar et dans la commune d’Ampanihy. Du 15 juin au 02 juillet 2006, les recherches de documents ont du être mené en même temps que les enquêtes afin de pallier aux lacunes de la bibliographie. Ainsi, à Tuléar, nous avons dû nous présenter dans les bureaux du projet DELSO, du PSDR, de la Maison des paysans (MDP), de la Direction régionale du ministère de l’élevage et de la bibliothèque du Département de Géographie de l’Université. Bien que les responsables contactés aient été nombreux, les documents obtenus se sont limités à quatre ouvrages généraux sur la région du Sud-ouest qui ont été utiles mais frustrants car aucun d’entre eux n’a pu apporter les informations attendues compte tenu de nos préoccupations.

Quant aux enquêtes proprement dites, elles ont été menées à Ampanihy. Une réorientation des techniques d’enquête a été incontournable après contact avec le terrain. En effet, si l’ambition initiale était d’enquêter au moins 30 ménages, le problème de communication, le manque de temps mais aussi la fatigue après un voyage sur la piste en très mauvais état de Tuléar à Ampanihy, nous ont obligé à revoir ces objectifs. Aussi, l’étude de cas a-t-elle été la solution la plus adéquate. Mais nous avons voulu tout de même respecter un minimum de marge de comparaison. Aussi, nos enquêtes approfondies ont-ils porté sur 11 ménages d’Ampanihy ville et 5 personnes ressources. Ainsi, 4 tisserandes, 5 éleveurs et 2 entrepreneurs ont accepté de répondre à nos questions. Les responsables administratifs de la commune et ceux des projets PSDR et DELSO nous ont aussi reçue.

Dans toutes les enquêtes, de nouveaux questionnaires semi directifs, plus pertinents et proches de la réalité, ont dû être conçus sur le terrain même. Toutefois, les entretiens libres, comme ceux avec des personnes connaissant l’historique de la filière, ont été nombreux et efficaces. 18 Le VOVONANA SOA MIARA -DIA est une fondation financée par une association de retraités de la ville d’Anjou, France. Il appuis six volets bien définis : la protection de l’environnement ; l’enseignement, la santé, l’agriculture, l’élevage, et la promotion de la jeunesse. La coopération Anjou -Madagascar parraine aussi le gîte d’étape BAKOBAKO à Ambohitrimanjato, seul infrastructure d’accueille touristique de la commune de Manandona.

19 La phase de dépouillement est la troisième étape du travail de recherche. Elle a duré près d’un mois, du 15 juillet au 20 août 2006. Les informations récoltées lors de la documentation et des séjours sur les terrains ont été distribuées en classes à différents niveaux. Les grandes classes les rangent en fonction de l’espace traité : Manandona ou Ampanihy. Dans chacune d’elle, des sous-classes ou tiroirs distribuent les informations en rapport avec leur nature. Ces tiroirs permettent d’avoir une facilité d’accès aux informations. Ainsi, elles se retrouvent dans le tiroir des généralités, des aspects culturels des projets, des chiffres et tableaux ou dans celui des cartes– croquis– schémas.

Le bilan des informations recueillies après dépouillement a été satisfaisant. Le manque de données récentes ainsi que les difficultés d’accéder aux documents sur la filière mohair ont été compensés par les enquêtes sur le terrain qui ont été très riches. De même, la destruction accidentelle d’une partie des supports visuels, cartes, photos, que nous avons recueillis a pu être rattrapée grâce aux archives de personnes ressources.

Ainsi, le traitement de toutes les informations a mis en exergue l’importance de la culture dans l’approche de toute société, notamment l’insertion de transformations par le biais de projets.

A Madagascar, les projets qui se sont succédés jusqu’à présent, à l’exemple de ceux dans les filières rizicole et mohair, ont délaissé la dimension culturelle. D’autres facteurs, naturels, infrastructurels et économiques ont aussi été mal considérés. Tous ces manquements ont évidemment eu des répercussions négatives sur la conduite de ces projets. L’inadéquation de ces derniers par rapport aux réalités sociales de Manandona et d’Ampanihy qu’ils visent en principe à transformer, ont en effet donné des résultats très mitigés.

Pour rendre compte des fruits de nos recherches, nous avons organisé ce travail centré sur l’échec des deux projets analysés, en deux parties. La première nous a permis de dégager l’importance de la dimension culturelle, mal jaugée par ces projets. La deuxième est consacrée à démontrer le poids des autres éléments de la réalité paysanne influant la conduite des actions de développement des deux filières.

20 P remière partie :

LA FILIERE RIZICOLE DE MANANDONA ET MOHAIR

D’AMPANIHY : OBJETS DE PROJETS NÉGLIGEANT LA

DIMENSION CULTURELLE

La notion de culture peut prendre des sens divers suivant le contexte où elle est utilisée. Ainsi, elle peut connoter le traditionnel, le folklorique ou l’artistique. Elle peut aussi englober les traits identitaires d’une société. Aussi, pour prévenir tout mal entendu et toute mauvaise interprétation, est-il primordial de préciser le concept de culture une des bases du présent travail de recherche. « La culture englobe les différents moyens de communication, les langages, les traditions orales, les croyances, les rites, les jeux, les coutumes, les conventions sociales, les modes de production et de consommation (…) »19.

L’immixtion des projets dans l’ordre des sociétés mettent ceux ci incontestablement face à la dimension culturelle de ces dernières. L’objectif du millénaire étant d’éradiquer la pauvreté, les projets continuent leur œuvre pour l’amélioration des conditions dans les pays sous développés, notamment en Afrique. La prise en compte de l’identité de leurs hôtes est la condition sine qua non de la réussite des actions en faveur du développement. Seulement, dans beaucoup d’espaces « cibles », comme Manandona et Ampanihy, la culture est toujours mise à l’écart par les projets.

19AXIS, L’univers documentaire, Dossier culture, volume 3, Hachette, 1997, pp.254-255.

21 Chapitre I: LA DIMENSION CULTURELLE DES FILIÈRES RIZICOLE ET MOHAIR

La lutte contre la pauvreté sur le plan mondial par les différents projets a été mise en route dès les années soixante. Seulement, leurs résultats se trouvent très limités. Les questions sur le pourquoi des échecs des actions pour le développement, dans les pays du tiers monde, ont conduits à s’interroger sur la considération qui a été accordée à la dimension culturelle.

En effet, parmi les différentes hypothèses sur le sujet, il s’est avéré que le rejet, direct ou indirect, des actions par la population dite cible est une des causes principales des échecs des actions des projets. Des penseurs ont estimés que : « la culture est sacrifiée au mythe de l’économie en oubliant qu’il ne peut y avoir de développement économique réussi sans prise en compte et sans intégration de la dimension culturelle dans le développement »20. A Madagascar, à l’exemple des espaces de Manandona et d’Ampanihy, dans quelle mesure la culture malgache a-t-elle conditionné les projets qui ont été mis en œuvre ?

1. LA CULTURE, ESSENCE DES FILIERES RIZICOLE ET MOHAIR

Etant différent, les espaces donnent naissance à une multi culturalité mondiale, régionale et locale. Les filières rizicole et mohair sont l’exemple de l’ingéniosité des sociétés face à la force du milieu où ils vivent. L’importance de ces activités dans les espaces respectifs de Manandona et d’Ampanihy dérive de multiples facteurs.

L’histoire des deux espaces montre que l’histoire du peuplement influe beaucoup sur la culture. Les différentes migrations ont incrusté et accumulé les caractères qui ont fusionné pour forger la personnalité des sociétés actuelles.

Les vagues de peuplement qu’a connues le Sud malgache définissent la base de la culture mahafaly. Les populations d’origine arabe et asiatique, qui se sont métissées sur les

20 Dupuis (X.), Culture et développement. De la reconnaissance à l’évolution, ONU et institut culturel africain (ICA)-PNUD, éd. PUF, 1991,174p.

22 côtes africaines et qui sont venues dans le Sud, ont apporté l’élevage bovin et caprin21. Installé au moins au début du XVIème siècle (RL ADER, 1971, p.25), les clans dites souches ou renintane pratiquaient une agriculture vivrière et un élevage extensif. A partir du XVIIème siècle, la domination des populations venant de l’Est, la dynastie Maroseranana, a apporté un plus dans la culture. Ces islamisés ont notamment fortifié l’élevage en donnant au bœuf et à la chèvre des fonctions cultuelles.

Pour Manandona, la population est composée à 92.8% de Merina et de 7.2% de Betsileo, a une forte culture rizicole22. Les vagues de migrants Betsileo, surtout ceux de Fandriana, infatigables et ingénieux paysans, ont assuré le perfectionnement continu de la riziculture, fondement de la société merina.

La culture est aussi la réponse d’une société humaine face à son environnement. Elle doit en tirer profit pour vivre. A cet effet, les groupes humains développent des techniques en accord avec leurs besoins, en fonction de leurs possibilités techniques.

Comme Manandona est située dans un sillon délimité par deux chaînes de montagnes, les premiers habitants n’avaient pour choix que l’exploitation des marécages. Tout d’abord dénommé Manandoza, littéralement « là où il y a du danger », par le nombre élevé des crocodiles qui y proliféraient, les lieux prirent ensuite le nom de Manandonaka « là où il y a beaucoup de terres fertiles » après avoir été drainé de ses eaux23.

Avec une saison humide de sept mois qui va d’octobre en avril24, durant les quels 95% des 1322 mm25 de précipitation tombent, la riziculture est sans doute l’activité idéale26 dans cette contrée. En plus, les 1750 ha irrigables de la rivière Manandona pourraient offrir une très grande étendue rizicultivable dans un sillon ayant une superficie de 941km227.

21 Hoerner (J. M.), Géographie régionale du Sud Ouest de Madagascar, coll. Tsiokatimo série recherche n°5, centre universitaire de Tuléar, 137p. 22 Ministère de l’Intérieur, Monographie de la commune rurale de Manandona, Tananarive, 2004, 35p. 23 Ministère de l’intérieur, Plan communal de développement de la commune rurale de Manandona, Tananarive, 2005, 57p. 24 La saison sèche dure 5 mois, du mois de mai à septembre où seulement 66mm de précipitations tombent sous forme de brouillard. 25 Service de Direction générale de la météorologie (DGM), section Informatique et banque des données, Ampandrianomby, Tananarive. 26 Razanadravao (S.), Etude du sillon de Manandona Vakinankaratra, mémoire de maîtrise, département de géographie, Tananarive, 1990, 166p. 27 Razanadravao, 1990.

23 Ampanihy quant à lui, avec un climat à tendance subaride où la précipitation moyenne n’est que de 533 mm28, a par conséquent un environnement réellement opposé à celui de Manandona. Long de 8 mois, la saison sèche ne permet pas à l’agriculture d’occuper beaucoup de place. En effet, 394mm de précipitation seulement tombent durant la saison humide de 4 mois, brève, parfois aléatoire, qui va du mois de décembre à mars. La population ne consacre à l’agriculture qu’une infime partie de leur temps et de fait elle ne s’étale que sur 1.60%29 de la superficie de la Région Sud-ouest.

Les sols ferrugineux et ferralitiques, de fertilité médiocre, n’offrent que des savanes arbustives des forêts sèches, des fourrés xérophiles pour l’ensemble du Sud malgache. Ces sols sont très sensibles à l’érosion30. Seul un élevage de type extensif est possible dans ces conditions difficiles. Animaux de très grande capacité d’adaptation, les caprins sont en grand nombre dans cette région de l’île. Se nourrissant des Kidresy : « cynodon dactylon », des Ahidambo : « hétéropogon contortus », des Kily : « tamariindus indica », des Tsingilofilo : « cymnosporice polyacatha » 31et des Lamoty : « zisiphus jujuba »32, les chèvres trouvent dans la végétation et le climat du Sud les conditions optimales.

Parmi les six provinces, celle de Tuléar a toujours comporté le plus grand effectif de caprin avec 83,3% du total du cheptel national en 2003 (cf. tableau n°1). Avec une augmentation de près de 75 000 têtes entre 2001 et 2003, elle se démarque des autres provinces qui accusent soit une baisse, comme Majunga, soit une stagnation, comme Tamatave.

Ce capital animal est un atout pour le Sud car le marché de la viande est très loin d’être satisfait. A l’échelle nationale, Tananarive demande entre 400 à 1 000 chèvres tous les mois, Majunga en demande jusqu’à 1 200. Le marché de l’Océan Indien est tout aussi demandeur car l’île Maurice a par exemple un besoin mensuel de 1 000 têtes de caprins et plus de 1 5000 pour les Comores. Sur la scène mondiale, l’Arabie Saoudite est un des grands

28 Service de Direction générale de la météorologie (DGM), section Informatique et banque des données, Ampandrianomby, Tananarive. 29Ministère de l’agriculture de l’élevage et de la pêche, Unité Politique Pour le Développement Rural, (UPDR), Monographie de la Région Sud Ouest, Tuléar, 2001, 58p. 30 Secrétariat d’Etat aux affaires Etrangères chargé de la coopération, Direction de l’aide au développement, service des études techniques, département élevage, Compte rendu de la mission effectuée par Lacrouts chef du département à Madagascar, Novembre 1972. 31 Elaha (C.), L’homme et le milieu naturel en pays mahafale, thèse de doctorat de troisième cycle, département de géographie, Tuléar, 2005, 114p. 32 Maison des paysans/ DELSO, Rapport du Maison des paysans Septembre 2002- juin 2003, Tuléar, 31p.

24 clients potentiels quant aux différents produits dérivés de la viande de caprins33. Seulement le manque de structuration de la filière et l’embargo34 qui a été imposé sur les exportations de viande bloque toutes initiatives.

Tableau n°1 : Evolution de l’effectif des caprins par province de 2001 à 2003.

Pourcentage Evolution Provinces 2001 2002 2003 2003 (%) 2001-2003 Tananarive 743 721 868 0,07 + 125 Tamatave 193 387 200 0,02 + 7 Majunga 142 941 143 081 141 638 11,3 - 1 303 Tuléar 967 550 1 012 710 1 042 300 83,3 + 74 750 Autres - - 66 874 5,34 - provinces TOTAL 1 179 752 1 220 469 1 251 880 +72 128 Source : INSTAT, situation économique au 1èr janvier 2005

A partir de ces bases, historique et environnementale, les filières rizicole et mohair se sont développées. En elles se mélangent les facettes économiques et culturelles des activités des habitants.

33 www.lescaprines.com 34 L’embargo sur la viande provenant de Madagascar a été imposé par les pays européens il y a une dizaine d’années. Les autres pays comme ceux de l’Océan Indien et de l’Afrique l’ont aussi appliqué entraînant une fermeture définitive du marché international aux produits malgaches.

25 2. DE MANANDONA A AMPANIHY : UNE CULTURE TRADITIONNELLE, VIVACE ET DÉTÈRMINANTE

Le quotidien montre la culture de chaque société. Cette culture est inscrite dans les habitudes et la mentalité de la population.

A Manandona, l’identification du nombre exact de riziculteurs par les responsables administratifs locaux est ambiguë. D’abord estimés à 80.17%35 de la population active, les paysans ne sont pas différenciés dans leurs activités. La riziculture n’est en effet pas vue comme une activité économique. Elle fait partie des travaux domestiques, comparable à la corvée de l’eau et au ramassage des bois de chauffage. Ainsi, les commerçants, les fonctionnaires, les salariés privés et les transporteurs pratiquent, eux aussi, la riziculture mais ils ne sont pas comptabilisés parmi les paysans (cf. tableau n°2 et graphique n°1).

Tableau n°2 : Répartition de la population par activité, commune rurale de Manandona

% par rapport à la Activité Effectif population active Paysans 4 436 95.3 Commerçants 103 2.2 Fonctionnaires 74 1.6 Salariés privés 20 0.4 Transporteurs 23 0.5 Artisans 0 0 Total 4 656 100 Source : Monographie de la commune rurale de Manandona, 2004

35 PCD Manandona, 2005.

26 Graphique n°1 :

REPARTITION DE LA POPULATION PAR ACTIVITE, CR MANANDONA s alairés privés ; 0,4 fonctionnaires; transporteurs ; 0,5 1,6 com m ercants; 2,2 paysans commercants fonctionnaires salairés privés transporteurs paysans ; 95,3

Source: Monographie Commune de Manandona aménagée par l’auteur.

Dans la filière mohair d’Ampanihy, séparer l’économique du culturel est tout aussi difficile que dans la riziculture de Manandona. L’identification du nombre de personnes travaillant dans ces deux domaines rencontre en effet le même problème. Les chiffres officiels avancent 491 tisserandes dans la ville d’Ampanihy. Mais la réalité est toute autre car le tissage est à la fois un passe temps pour les femmes et une activité lucrative pour les ménages. Préciser l’effectif des éleveurs est aussi problématique. En effet, chaque famille possède un troupeau généralement obtenu par héritage, et celui-ci n’est pas une propriété individuelle.

Certes, le riz et les chèvres sont sources de revenu, mais en plus ils tiennent une place importante dans les relations humaines. Ils ont des fonctions cultuelles, sociales qui entretiennent les valeurs identitaires des groupes. Le troupeau du Mahafaly comme les terres du Merina et du Betsileo est le bien principal d’un lignage. Le rang et le pouvoir social de chaque individu sont directement liés directement à l’importance de ce patrimoine.

A Ampanihy, la société traditionnelle attribue un rôle social très important à la chèvre. Dans les Soro ou cérémonies de sacrifices, les soro de chèvres distinguent les Mahafaly entre eux et révèlent ainsi l’existence d’une multi culturalité dans le même groupe. Ils sont pratiqués par certaines sous ethnies mahafaly comme les Sambirano, les Tetsihanatse et les

27 Faloaombe.

Au contraire, les Mahafaly d’origine Bara sont «faly osy»36. Ils en interdisent l’élevage et sont en général des agriculteurs. Les Mahafaly d’origine Antandroy quant à eux ne sacrifient pas les chèvres mais les consomment37. Concernant les relations sociales, les amendes (enga) au tribunal de clan peuvent être payés en chèvres. En cas d’adultère, par exemple, le mari trahi peut demander à l’amant un bœuf ou des chèvres ou un bœuf et des chèvres pour régler l’affaire. De même, le mari fautif doit laver l’honneur de sa belle famille par le don de chèvres.

A Manandona, le riz joue un rôle comparable à la chèvre à Ampanihy dans les relations sociales. Il y est présent dans toutes les cérémonies comme sur l’ensemble des Hautes terres. Le riz est offert à l’assistance dans tous les événements : dans les fêtes comme le mariage, ala volon-jaza38, la circoncision, le baptême et surtout lors des famadihana39 pendant lequel est servi le « vary be menaka »40. Il est tout aussi présent lors des événements malheureux comme les funérailles.

Le riz est aussi doté d’une valeur symbolique prouvée par les célébrations rurales. A l’exemple du santa-bary, célébration du début des moissons, lors de laquelle la première gerbe de riz fauchée, représentant l’honneur et le respect, est offert à une personne importante (cf. photo n°1). Les travaux dans la riziculture présentent la sagesse malgache dont l’entraide et le « fihavanana ». Un proverbe explicite ces valeurs : « asa vadi-drano tsy vita raha tsy ifanakinana » : les travaux d’irrigation sont impossibles sans l’entraide.

36 Interdit de chèvres. 37 Ramanantenasoa (H.), L’élevage de la chèvre en vue de sacrifice et de la fabrication de tapis mohair dans la région d’Ampanihy, mémoire de maîtrise, département de Malagasy, Tuléar, 2005, 83p. 38 Cérémonie lors de la première coupe de cheveux d’un nouveau né lors de laquelle les convives qui souhaitent avoir un enfant mangent dans une bassine de riz avec quelques brins de la coupe. 39 Exhumation. 40Repas convivial constitué d’un grand plat de riz et d’un met à base de zébu ou de porc très gras.

28 Photo n°1 : Gerbe de riz de la cérémonie du santa-bary

Source : www.tefy saina.mg

L’importance culturelle des filières rizicole et mohair est palpable dans le quotidien des habitants d’Ampanihy et de Manandona.

L’exemple de D. R., docteur vétérinaire d’origine Antandroy d’une quarantaine d’année le prouve. Elle est à la tête d’une chaîne de consultance et de distribution vétérinaire dans les brousses du Sud.

Entre ses fréquents déplacements, les jours qu’elle passe dans sa résidence principale à Ampanihy sont partagés entre ses affaires et son cadre de tissage. En effet, pour le docteur, la confection de tapis tient plus du culturel que du lucratif. C’est un moyen pour elle de rester en contact avec ses valeurs et le souvenir de ses racines qu’elle entend pérenniser.

En effet, les jeunes filles d’Ampanihy se détournent petit à petit du tissage, attirées par les petits métiers de la ville de Tuléar. Aussi, le docteur projette d’embaucher quelques tisserandes pour que la filière ne perde pas ses valeurs. Car pour D. R. il s’agit d’un important combat culturel.

A Manandona, la riziculture est au centre de la vie de tous les ménages. A. J. est un exemple parmi d’autres. Fort de ses soixante et un ans, il travaille avec ses enfants et petits

29 enfants ses deux hectares de rizières. Convaincu de l’efficacité du SRI, il ne l’applique pas pour autant sur la totalité de ses terres. Ces dernières étant morcelées et éparpillées dans le fokontany d’Ambohitrimanjato, seules celles à proximité de leur maison sont plantées suivant la nouvelle technique.

Ce choix n’est pas simplement une stratégie économique nous explique ce paysan. Nécessitant un suivi minutieux, les rizières en SRI doivent être à « la portée des yeux ». La production des terres cultivées avec la nouvelle technique est très élevée et suffit largement aux besoins de sa famille. A. J. refuse pourtant de rompre avec la tradition et voue deux parcelles à la culture traditionnelle qu’il cultive lui-même avec l’aide de ses enfants. Il laisse au contraire aux soins de ses fils et de salariés les travaux des terres en SRI. Pour lui, la technique traditionnelle a, certes, des défauts mais elle reste le lien qui l’unit aux ancêtres.

En somme, à Ampanihy et à Manandona, la frontière est mince entre culture et économie. Riziculture et élevage angora sont dépositaires de valeurs culturelles aussi bien que d’aspects économiques. C’est la raison pour laquelle elles ont été choisies par les projets pour impulser le développement dans les deux espaces.

3. INTÉRETS ECONOMIQUES DES FILIÈRES RIZICOLE ET MOHAIR

La promotion régionale est un objectif presque séculaire à Madagascar. Convaincu des possibilités de développement par l’élevage, les colons ont, dès 1897, fait des essais d’introduction de chèvres de race angora41 mais sans réel succès. L’engouement des colons pour la filière est tel que dans les années 1900 elle a été l’objet d’une coopération internationale. En 1914, Carougeau, vétérinaire français, importe d’Afrique du Sud trois mâles et trois femelles angora. Par une bonne acclimatation des bêtes, leur nombre atteint 38 en 191942. En ce temps tous les animaux importés ont été concentrés à Tuléar dans les « stations de noyau »43.

41 Chèvre de petite taille à toison très développée originaire de la province d’Angora. Angora : province d’Angora : ville centre de Turquie, actuelle Ankara, nommée Ancyre Angora au XIXème siècle. Succède comme capitale à Istanbul en 1923 ap J. C. avec la fondation de la République de Turquie. Son économie textile se caractérise par une production élevée de mohair. 42 Andriambololona (H.), La production de mohair à Madagascar, Thèse de doctorat vétérinaire, université Paul Sabatier de Toulouse, Centre d’Edition du cercle des élèves de l’ENVA, Toulouse, 1972, 103p. 43 Les stations noyaux servaient à l’expérience d’acclimatation des bêtes et à produire une progéniture de race pure. C’est à partir de ces stations que les géniteurs dits « noyau de tête » ont été répandus dans la zone mohair

30 Des experts des Nations Unies, dont un certain Sica, ont été affectés à Ampanihy pour des projets de grande envergure qui ont porté sur l’amélioration génétique des animaux afin d’augmenter la qualité et le poids des toisons44. En effet, après les nouvelles importations de 1924, la décision de distribuer des bêtes aux éleveurs malgaches a été prise. C’est à un autre vétérinaire, nommé Vivant, que revient le mérite d’avoir transplanter l’élevage des angoras vers le pays mahafaly autour d’Ejeda et d’Ampanihy.

A partir de la première foire d’Ampanihy en 1934, où 800 chèvres de pure race ont été exposées, la filière mohair montait en force. La création de la coopérative mohair d’Ampanihy en 1949 à la demande des éleveurs et des tisserandes montre la volonté de développement dans cet espace.

La reprise et la mise sous tutelle de la Maison Mohair, crée vers 194945, par l’Etat en 1963 précèdent un projet de relance de la filière avec l’assistance française intitulée « Développement rural de la région d’Ampanihy » (DRRA)46 dans les années 1970. Ces efforts n’ont pourtant pas protégé la filière mohair de la décadence. Aussi, la quantité et la qualité des toisons ont-elles connus une détérioration effrénée. Pendant près de vingt ans, Ampanihy et la filière mohair n’ont plus attirés ni l’attention de l’Etat ni celle des projets.

C’est seulement en 1994 qu’un programme nommé « Développement de l’élevage du Sud Ouest » (DELSO), initié à la demande du Fonds Européen pour le Développement (FED), reprend en main la filière. Signé dans le cadre de la convention de Lomé III, la première phase du programme a voulu revivifier une filière qui a connu des désastres autant financiers que techniques. Avec les 6.85 millions d’ECU de financement47, le premier DELSO s’étendait de 1994 à 1998. Vouée à la seule province de Tuléar dans sa phase première, le programme a acquis une ampleur nationale dans la deuxième48. pour assurer la pureté des gênes inséminées. In. Chèvre angora et le mohair à Madagascar, Ministère de l’expansion rurale et du ravitaillement, informations et documents n°43-44, Tananarive, 1970, 38p. 44 Lacrouts, 1972. 45 La date de création de la Maison Mohair et sa dislocation est très polémique. En effet, les ouvrages consultés et les personnes ressources avancent tous des dates différentes. Pour la présente étude les années autour de 1949 avancées par Andriambololona ont été retenues. La reprise en main par l’Etat en 1963 n’est pas la fin de la coopérative mais un simple changement de mode de gestion. 46Lacrouts, 1972. 47Ministère d’Etat au développement rural et à la reforme foncière, Programme Sectoriel Elevage, Projet de Développement de l’Elevage dans Sud Ouest (FED n°6 ACP MAG 060), Rapport semestriel d’activités Octobre 1997, Union Européenne,-Zooconsult, 1997, 102p. 48 Ibid.

31 En 2003, le Projet de Soutien au Développement Rurale (PSDR) en collaboration avec le Fonds Compétitif de Recherche Appliquée (FCRA) met en œuvre des actions pour la renaissance de la filière mohair, en agonie depuis plus de trente ans. Les deux grands projets, PSDR et DESLO, semblent n’avoir pourtant pas atteint les objectifs qu’ils se sont imposés car les performances de la Maison Mohair sont loin d’être égalées (cf. planche de photos n°2).

Photos n°2 : Les locaux du DELSO et de la Maison mohair tombent en ruine à Ampanihy.

Source : Cliché de l’auteur, juin 2006

32 Dans la même volonté de promouvoir le développement rural à Madagascar, la région du Vakinankaratra a fait l’objet de différentes actions étatiques qui se sont déroulées en trois grandes phases49. Dans la première phase, entre 1965 et 1975, Manandona a connu le Groupement d’Opérations de pour la Productivité Rizicole (GOPR). Les ouvrages micro hydrauliques construits en ce temps, ou du moins ce qu’il en reste, servent toujours pour la riziculture à Manandona.

Les fokontany de Zanakambony et d’Ambohitrimanjato, étudiés dans la présente recherche, ont été parmi ceux qui ont bénéficié de ces opérations. La commune était aussi une des quatre grandes zones du Vakinankaratra 50 favorisée par le Programme Nationale de Valorisation Agricole (PNVA) de la deuxième phase située entre 1975 et 1982. L’Opération de Développement Rizicole (ODR) en deux temps s’est déroulé lors de la troisième phase des actions étatiques à Madagascar. D’abord, la première (ODR I) de 1983 à 1989 se présentait comme un cadre général pour stimuler la production rizicole des hautes terres centrales. Ensuite, l’ODR II, depuis juillet 1989, s’est voulu être une Opération de Développement Rural.

Les actions dans la commune rurale de Manandona ont porté sur l’encadrement de trois secteurs51 soit plus de 700 ha. Aussi, a-t-elle connu l’ère des Grands Périmètres Irrigués (GPI) vers les années 1983, puis des Petits Périmètres Irrigués (PPI) jusqu’en 198952. A cet effet, les Associations des usagers de l’eau (AUE) de la commune de Manandona ont été crée en 1988 et regroupaient 1 049 usagers des projets micro hydrauliques53.

Entre 1997 et 1999, l’association Tefy Saina (ATS), un organisme non gouvernementale et laïc crée par le père Laulanié, militant pour le changement de mentalité des paysans malgaches et l’amélioration de leur condition vie, notamment par le SRI, a introduit la dite technique à Manandona lors d’une promotion nationale54. A ce jour, l’ATS

49 Informations recueillies lors du cours de Géographie Régionale pour les troisièmes années sur le Vakinankaratra par Ramamonjisoa J, Ankatso, Tananarive, année universitaire 2004-2005. 50 Manandona, Ambohibary, Iandratsay et Ikabona. 51 Les trois secteurs concernés sont : le secteur sud avec les fokontany de Manandona, d’Ambohimirary et de Sahanivotry avec un total de 342 exploitations soit 240 ha touchés ; le secteur nord : les fokontany de Mahasoa, de Maharivo, de Zanakambony, de Soaray Ambohiponana avec 166 ha ; et le secteur Ouest comprenant les fokonatany d’Ambohiponana, d’Ambohitrimanjato et de Fierenantsoa avec un total de 299 ha de terres concernées. 52 Ministère d’Etat au développement rural et à la reforme foncière, 1997, 102p. 53 Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, Monographie de la région du Vakinankartra, Unité de politique de développement rural (UPDR), Tananarive, 2003, 133p. 54 Association Tefy Saina, Rapport final du marché n° 187-M/97/CFD /MIN AGRI/DGAT/DVA appui au

33 travaille en collaboration avec les associations paysannes et le Caritas mais Manandona perd de l’importance par rapport aux autres communes du Vakinankaratra notamment celle de Sahanivotry où l’ONG a même un siège.

Avec l’avènement du régime Ravalomanana, la commune est devenue une Cellule de développement rurale (CDR) sous tutelle de la Direction régionale du développement (DRDR) et du Ministère de l’agriculture de l’élevage et de la pêche (MAEP). Depuis 2003, le Projet de soutien au développement rural (PSDR) est présent à Manandona55.

Les projets de développement apportent en général de nouvelles visions. Ces dernières ont été conçues pour améliorer les conditions de vie et de production des populations où elles sont vulgarisées. Le Système de riziculture intensive (SRI) comme l’élevage des chèvres angora relèvent de ces nouvelles visions. Ils sont révolutionnaires par rapport aux connaissances et aux pratiques traditionnelles. Les contradictions qu’ils engendrent sont visibles aussi bien au niveau des techniques qu’à celui de la représentation psychologique. « Toy ny vary sy rano ka an-tsaha tsy mifandao, an-tanàna tsy mifanary »56. Comme nous le démontre ce proverbe, l’eau est dans la pensée malgache la nourriture des plants de riz. L’abondance de l’eau dans les rizières est donc la condition sine qua non d’une bonne récolte.

Au contraire, le SRI démontre que le riz est une plante herbacée et non aquatique. Aussi, doit-il être arrosé et non immergé57. Une pellicule d’eau de près de 2 cm le matin permettrait au sol et aux racines une meilleure aération. Par contre, un sol immergé est un sol asphyxié, ne recevant que peu de lumière, d’air et de chaleur nécessaire pour une bonne croissance des plantes.

développement du SRI dans le Menabe et sur les Hautes Terres, Tananarive, 2000, 120p. 55 Ministère d’Etat au développement rural et à la reforme foncière, 1997, 102p. 56 « Comme le riz et l’eau : unis dans les champs, inséparable dans les villages ». 57 Laulanié, 2003.

34 Ainsi, les plants en SRI donnent plus de talles58 que ceux en riziculture inondée (cf. schéma n°1). L’opposition entre tradition et SRI est claire.

Schém a n°1 : comparaison de plants cultivés en système de riziculture intensif et en riziculture traditionnelle au moment du tallage.

Source : Razafimbelo59.

C’est la conception même de la riziculture qui est en effet remise en cause. Ainsi, à toutes les étapes des travaux rizicoles, la nouvelle technique innove et contredit les pratiques traditionnelles (cf. tableau n°3).

58 Nombre de tiges qui portent des épis. 59 Razafimbelo (S.-J.), Vulgarisation du système de riziculture intensive dans la région d’Ampary, mémoire de fin d’étude pour l’obtention du diplôme d’ingéniorat -ESS- Département Agro-managment, Tananarive, 1994,85p.

35 Tableau n°3 : Comparaison des travaux et des techniques en Système de riziculture intensive (SRI) et riziculture traditionnelle (RIT).

TRAVAUX SRI RIT 1. Préparation du sol : Labour 2 fois 1 fois Hersage 2fois 1 fois Nettoyage des rizières et + - diguettes Planage + -

2. amende ment du sol + +

3. Protection du sol + -

4. Semen ces : Quantité pour 1 ha Moindre : 14 Kg Abondante : 100Kg Qualité Triées et traitées au préalable Tout venant

Etat des semences Pré germées Paddy sec

5. Pépinières : (cf. photos n°3) Inondée Etat Sèche Petite rizière Forme En plate bande Près d’une source et Lieu Près de la rizière facilement irrigable

(cf. photos n°4 et n°5) 6. R epiquage : Etat de la rizière Minimum d’eau, boue visqueuse. Culture inondée. Eau Lame de 2 cm. profonde de 25 à 30 cm.

Age des plants 6 à 8 jours 45 jours

36 Ecartement des plants Entre 20cm X 20 cm et Désordonnés sans 40 cm X 40 cm. écartement précis.

Nombre de brin par pied Un seul brin 2 à 4 brins 7. Sarclage : (cf. photos n°6) Moment 6 jours après le repiquage Un mois et demi après de repiquage Type de matériel Mécanique Manuel

Fréquence pendant une année 8 à 12 fois Une seule fois culturale 8. Confection de diguette : + + + : effectué. - : non effectué. Source : Inspiré de Razafimbelo, pp. 30-31, aménagé par l’auteur

Le SRI tient ainsi sa différence en plusieurs grandes lignes. La première est la minutie dans la préparation des rizières car si le labour et le hersage ne sont effectués qu’une seule fois pour la riziculture traditionnelle, pour la nouvelle technique ils sont faits deux fois. Un planage et un nettoyage des diguettes sont des plus pour un entretien préliminaire des rizières en SRI.

La protection du sol est une autre particularité du SRI. En effet, les rizières et ses environs sont aménagés pour garantir un emplacement peu risqué et un sol de meilleure qualité. Aussi, les alentours sont-il protégés par des plantes antiérosives et des brises crues.

Un des grands avantages en SRI est la quantité de paddy nécessaire. En effet, pour la riziculture traditionnelle, pour une parcelle de 1 ha, 100kg de semences sont alors que 14kg suffisent en SRI soit un gain de 86kg de paddy. De même, leurs présentations sont différentes

37 car pour la nouvelle technique, les semences sont sélectionnées60 et pré germées61 de manière simple pour garantir leur qualité.

Les pépinières sont aussi différentes entre les deux techniques culturales. Sèches et en forme de plate bande, afin d’enlever les plants fragiles sans les arracher (cf. photo n°4) avec le SRI. Elles sont situées près de la rizière et pour permettre un transport rapide vers les rizières car le repiquage doit se faire dans les plus bref délais pour la nouvelle technique.

Le repiquage concentre plusieurs caractères qui différencient le Système de riziculture intensive de la technique traditionnelle : une rizière boueuse avec une lame d’eau de près de 2cm et non inondée pour que le sol qui reçoivent les plants de 8 jours ne soit pas asphyxié ; un repiquage en carré de 20cm ou de 40 cm62 de côté pour donner un espace de croissance entre les plants63 contrairement au « voly saritaka64 » et « voly tora-tady65. Les petits brins sont plantés un par un avec le SRI alors qu’avec la technique traditionnelle 2 à 4 brins dont repiqués ensemble réduisant ainsi leur espace de croissance.

L’entretien des rizières par un sarclage dès 6 jours après le repiquage permet de déraciner les pousses de mauvaises herbes avant qu’elles ne deviennent plus grandes que les plants de riz. Cela permet aussi d’aérer et d’apporter de la lumière aux racines de ces derniers en même temps que le sol. De 6 à 12 fois pendant une année culturale66, la fréquence du sarclage est le garant d’une bonne productivité en SRI. Au contraire en riziculture traditionnelle, le sarclage n’est entreprise qu’une seule fois, un mois et demi après le repiquage.

60 Pour garantir que la petite quantité de semence investie pour obtenir les plants de repiquage soit suffisante, la technique du SRI utilise des moyens faciles pour que chaque grain donne un plant. Ils sont sélectionnés par flottaison c'est-à-dire qu’ils sont placés dans un seau d’eau, pendant un moment déterminé, et ceux qui flottent sont enlevés car sont mauvais. 61 Comporte déjà un petit germe. En effet, les semences pour le SRI sont « incubées » dans des trous spécialement confectionnés, à une température propice au début de germination des grains. 62 Le choix de l’espacement entre les plants se fait en fonction de la qualité et de la dimension de la rizière. Plus la qualité du sol et la superficie du terrain sont grand plus les écartements sont rapprochés. Par contre si le sol est moyen un espacement élevé est nécessaire pour que le sol ne soit pas trop sous pression et permettre de donner aux plants les nutriments nécessaires. 63 Il est à noter que les plants de riz, comme tout être vivant, exigent un espace de vie minimal pour puiser ses ressources. La concurrence entre plants trop rapprochés conduit à une croissance anormale donc à une mauvaise productivité. 64 Culture désordonnée. 65 Culture en ligne. 66 Laulanié, 2003

38 Photo n°3 : Comparaison des pépinières en riziculture traditionnelle et en SRI

Source : www.tefy saina.mg

Photo n°4 : Préparation des jeunes plants pour le repiquage en SRI

Source : www.tefy saina.mg

Photo n°5 : Le repiquage en SRI

39 Source : www.tefy saina.mg

Photo n°6 : Les travaux de sarclage en SRI

Source : www.tefy saina.mg

Entre le système de riziculture intensive et la technique traditionnelle, les différences sont nettes. Les manières culturales sont parfois même opposées. Pour l’élevage de la chèvre angora, ces innovations sont aussi présentes par rapport aux techniques ancestrales.

La méthode traditionnelle se caractérise par un élevage en semi-liberté. Sous la supervision de chevriers, de sept heures du matin jusqu’au coucher du soleil, les animaux errent dans un terrain de parcours pour se nourrir. Ils ne sont l’objet d’aucun soin particulier.

Importée de Turquie, d’Afrique du Sud ou de Namibie67 la chèvre angora a quant à elle besoin de beaucoup d’attention. Machine à fabriquer des poils, elle demande des conditions particulières pour révéler ses caractères génétiques (cf. photo n°7 et n°8). Une

67 Les pays d’importation des premières bêtes ne sont pas connus exactement. Les auteurs avancent en général trois pays : la Turquie, l’Afrique du Sud et la Namibie.

40 alimentation bien fournie, un toilettage régulier, nécessités par une toison fragile constituent des soins indispensables pour les angoras, alors qu’ils ne sont pas prodigués aux chèvres locales (photo n°9).

Photo n°7 : Bouc angora pur sang élevé Photo n°8 : Couple angora élevé en Afrique en France du Sud

Source : www.lescaprines.mg

Description : Poids des boucs : 40 à 60 kg Poids des chèvres : 30 à 40 kg Espérance de vie : environ 10 ans Poids d’un chevreau à la naissance : 2 à 3,5 kg

Cependant, malgré les contraintes qu’elles imposent, les nouvelles techniques ont convaincu les éleveurs pour les bénéfices engendrés car la chèvre angora est une vraie tirelire. Même si chaque tête ne donne plus actuellement que 500g de poil par tonte, un agora est toujours précieux. La production de mohair par bête est très faible car les angoras pur sangs ne sont plus qu’une trentaine (cf. photo n°10). Ces angoras sont la possession de l’Etat et ils sont regroupés dans la ferme d’Ankilimary, district d’Ampanihy.

Il est à savoir qu’à part ces angoras de la ferme d’Ankilimary il n’existe pas de chèvre de race pure dans le Sud malgache. Cette situation nuit à la bonne conduite de l’élevage de cette station car le problème de consanguinité entre les bêtes ne permet plus de donner des progénitures.

41 Photo n°9 : Photo n°10 : Les derniers angoras de Madagascar dans la ferme Chèvre locale et son petit. d’Ankilimary.

Source : Département Elevage, ESSAgro, université de Tananarive, promotion ILO

Aussi, pour espérer un accroissement et la préservation de l’actuel troupeau, de nouveaux angoras sont-ils nécessaires. Ce qui est impossible sauf avec de nouvelles importations car ceux en possession des éleveurs d’Itampolo ou de Bevoalavo, considérés comme angora, ne sont en fait que des métisses à degré de sang angora divers.

Entre la race locale dite osy gasy et les angoras de pur sang, une gamme de chèvres ayant différents degrés de sang angora existe dans le Sud malgache. Cette situation est la conséquence du croisement entre les chèvres de différentes races et de degré de sang angora différent car les gênes de la chèvre locale sont toujours prédominantes. Aussi, les angoras ne sont-ils plus que 2% de l’effectif total du cheptel caprin.

Nettement plus chère que la chèvre locale, l’angora a vu son prix multiplié par quatre en dix ans (cf. tableau n°4). L’envolée du prix des chèvres métis dit angora par les éleveurs montrent bien sa valeur. Il est à noter que le prix des angoras métis au niveau des « éleveurs vendeurs » fluctue suivant les projets de développement. L’insuffisance de l’offre et la montée de la demande lors des périodes d’achat par les nombreuses associations financées par les projets font que le prix atteint des pics saisonniers.

42 Tableau n°4 : Comparaison de l’évolution des prix des chèvres par race (1985-2005).

Années Prix par types (en Ariary) Chèvres locales Chèvres angoras 1985 1 000 - 1995 10 000 12 000 2005 14 000 à 20 000 30 000 à 50 000 Source : Compilation de données de Ramanantenasoa et du Ministère d’état au développement rural et de la reforme foncière, arrangé par l’auteur.

L’élevage angora est une activité appréciée par les paysans d’Ampanihy à cause des gains qu’il engendre. Malgré les problèmes de préservation de la race et la flambée saisonnière des prix des bêtes, handicapant pour les associations financés par les projets, la chèvre angora est toujours très recherchée.

De même, malgré les difficultés qu’il impose, le SRI attire quand même les paysans de Manandona. La nouvelle technique est adoptée pour les bénéfices qu’elle engendre. 82% des adoptants68 enquêtés confirment que c’est la raison de leur engagement dans ce nouveau système. Même 56% des non adoptants enquêtés reconnaissent l’existence d’une amélioration des revenus par la technique. En effet, malgré un besoin en main d’œuvre et en temps de travail plus élevé, le résultat final de la riziculture intensive serait, aux yeux de la majorité des paysans, meilleur par rapport à la riziculture conventionnelle (cf. tableau n°5).

Tableau n°5 : comparaison économique du SRI et de la riziculture traditionnelle (Pour un hectare)

M. O. Coût Coût Rende Prix du Recette Bénéfice Type réalisée M. O. total ment Kg brute s (H/J) (Ar/ H/J) (Ar/H/J) (T/ha) (Ar/Kg) (Ar) (Ar) RIT 243 1 000 243 000 2.5 500 1 250 000 1 007 000 SRI 444 1 000 444 000 7 500 3 500 000 3 056 000 RIT : Riziculture traditionnelle SRI : Système de riziculture intensive M.O. : Main d’œuvre

68 Actuellement, il n’y a plus que 20% des paysans qui ont adopté le SRI contre près de 60% en 1994.

43 H/J : Homme jour69 Ar/H/J : Ariary par homme jour Source : Razafimbelo aménagé par l’auteur.70.

Influencé par l’histoire du peuplement et une ingéniosité d’adaptation, les filières rizicole et mohair véhiculent des valeurs culturelles fortes. Ces dernières sont ancrées dans la mentalité et le quotidien des sociétés étudiées.

La riziculture à Manandona comme l’élevage de la chèvre à Ampanihy sont dépositaires des valeurs des populations. Celles-ci ont été transmis de génération en génération et sont le garant de la pérennité de l’identité sociale c’est ainsi qu’à la dimension culturelle de ces activités s’imbriquent leurs aspects économiques.

Dans les dites filières, des projets ont essayé de greffer de nouvelles techniques. Le SRI et l’élevage de la chèvre angora sont l’objet de vulgarisation depuis respectivement 10 et 100 ans.

Du reste, à Ampanihy et à Manandona, des projets se sont succédés mais n’ont pas su se faire accepter totalement. La mise à l’écart de la dimension culturelle dans leur action est en partie la cause de ces résultats mitigés.

69 Unité pour quantifier le nombre de main d’œuvre (évalué en nombre d’homme) nécessaire pour effectuer les travaux agricoles si synthétiser en une journée, selon Razafimbelo, 1994. 70

44 Chapitre II : LES PROJETS DELSO ET PSDR : ECHECS RELATIFS DÛS A L’IGNORANCE DE LA DIMENSION CULTURELLE ?

Les investissements pour le développement n’ont pas jusqu'à ce début du troisième millénaire, atteint les résultats escomptés. De leur conception à leur application, les projets portent peu de considération à la réalité sociale et physique. La logique économique des bailleurs de fonds l’emporte sur celle de ses hôtes. Et l’on ne peut s’empêcher de se demander s’ils ont pris en compte de façon adéquate les éléments culturels, qui, à notre avis, comportent des aspects positifs et négatifs. Sa prise en compte est nécessaire et devrait prendre en considération ces deux facettes.

1. AMPANIHY ET MANANDONA : DES BESOINS SOCIAUX MAL JAUGÉS

Les projets de développement à Madagascar sont en général conçus à l’étranger ou au moins par une équipe majoritairement étrangère. Le risque de les fonder sur une image erronée de la société malgache ne peut être exclu.

Dépendant de l’aide internationale71 à hauteur de 60% de son budget d’investissement, l’Etat malgache ne peut prétendre à une véritable autonomie. Les aides directes, sous forme de projets, qui visent à remédier à la situation critique de pauvreté dans le pays posent ce problème d’autonomie car en toute hypothèse, la logique des bailleurs de fonds est prépondérante. Ces derniers dictent les volets prioritaires et imposent les directives politiques. Le gouvernement et les institutions malgaches s’alignent sur leurs visions et les considèrent comme étant les leur propre.

Pourtant, comme tout investissement, les projets doivent être pérennisés pour assurer un profit continu à leurs créanciers. A voir la ribambelle de projets qui se sont succédés, sans réelle amélioration pour les Malgaches, la devise réelle de leurs concepteurs ne serait t-elle

71 Chiffres recueillis lors du cours de Géographie économique et sociale de Rabearimanana (G.), 4ème année de géographie, année universitaire 2005-2006, Ankatso, Tananarive.

45 pas : « un bon projet de développement est un projet qui engendre un autre ?»72. La volonté d’aboutir à un développement réel paraît en effet douteuse.

Le développement rural, objectif plus que jamais réaffirmé depuis 2002, a été depuis longtemps matière à projets par les bailleurs. La FOFIFA (Foibe Fikarohana momban’ny Fambolena) matérialise la conjonction de la volonté de ces derniers avec celle de l’Etat. Elle a pour objectif d’améliorer la production rizicole pour promouvoir la vie rurale. Bien qu’ayant fait ses preuves en matière de rendement, donc de revenu direct pour les paysans, le SRI est formellement contesté par cette institution étatique (cf. photo n°11). A ses yeux, il serait une « mauvaise perspective » pour le développement du milieu rural73. Cette position expliquerait l’attitude réservée des agents de la FOFIFA vis-à-vis de la vulgarisation du SRI.

Photo n°11 : Plants de riz cultivés avec le SRI

Source : www.tefy saina.mg

En tout cas, elle conduit le Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche à ne lui consacrer qu’un petit service démuni de toute base de documentation et d’action. Il n’est donc pas étonnant qu’à Manandona l’enseignement de la technique et les suivis ne sont assurés que par certaines associations paysannes sans la contribution des services étatiques, notamment le PSDR.

72 Propos de Feltz (G.) recueillis lors d’une interview, département d’histoire, Tananarive, mars 2006. 73 Propos tenus par le représentant de la FOFIFA lors de la conférence scientifique sur « les crises du riz à Madagascar » au Centre Culturel Albert Camus (CCAC), Tananarive, 4 avril 2006.

46 En partie fonctionnel grâce aux financements des bailleurs de fonds et à la contribution de multiples projets d’amélioration de la productivité rurale, la FOFIFA se doit de suivre la politique de ceux qui la financent. Aussi, son attitude face au SRI est très ambiguë. En effet, si le SRI venait à être massivement adopté grâce à une vulgarisation étatique, le rendement national serait multiplié par cinq voire même plus. L’autosuffisance en riz serait, sans équivoque, largement satisfaite. Et dans un tel cas de figure, la FOFIFA comme ses bailleurs n’auraient plus de raison d’être.

En reniant les capacités extraordinaires du SRI, elle entend rehausser autrement la production rizicole malgache. Pourtant, la FOFIFA œuvre depuis près d cinq ans dans la vulgarisation du Système de riziculture améliorée (SRA) dont les lignes directives ressemblent curieusement à celles du SRI tant dénigré : jeunesse des plants au repiquage, culture non inondée, repiquage en carré. La seule initiative nouvelle qui la diffère du SRI est l’utilisation de semences améliorées.

A l’échelle nationale, le bras de fer entre la FOFIFA et le SRI est patent. Le croquis n°3, confectionné par la FOFIFA, intitulé « l’adoption du SRI » le démontre. Si par un coup d’oeil à son titre on s’attend à découvrir le niveau d’adoption de la technique dans les communes de Madagascar, la lecture de la carte révèle pourtant la faiblesse de la maîtrise d’eaux dans les communes, raison avancée par la FOFIFA pour ne pas vulgariser la nouvelle technique dans le pays. En réalité, le croquis n°3 démontre et justifie la position de la FOFIFA vis-à-vis du SRI. Il est pourtant très étonnant de la part d’une institution d’une telle ampleur de n’avoir pas eu la droiture de donner un titre explicitant les problèmes pour une vulgarisation nationale du SRI.

Cependant le SRI intéresse des institutions caritatives comme le Catholic Reliefs Services (CRS). Ce dernier, par le biais du Caritas et les institutions catholiques, déploie sur les deux communes de Sahanivotry et de Manandona des actions de grande envergure.

47 48 Ainsi, une vingtaine de groupements de 50 adhérents chacun, sans distinction de religion, bénéficient depuis trois ans de séances d’apprentissage et de formation. Malgré ces efforts, la diffusion du SRI y reste modeste, comme dans l’ensemble du territoire national.

Avec une si faible diffusion du SRI, on peut dire que nul n’est réellement prophète dans son pays. Le père de Laulanié, celui qui a découvert cette nouvelle technique à Madagascar, n’a en effet pas été entendu par les services étatiques et les scientifiques de notre pays. Depuis 1989, ses tentatives de sensibilisation, poursuivies par l’ATS, n’ont guère trouvé d’écho auprès des responsables décideurs de l’Etat malgache.

Pourtant, dans le monde, la technique est très prisée et fait des « miracles ». En demandant les services de l’ATS pour aider les paysans aux alentours du parc de Ranomafana à retrouver une agriculture non itinérante, en 1995-1996, l’Américain Upoff, au départ n’était réellement pas convaincu. Mais surpris par le rendement et l’impact de la technique sur la population, ce recteur du Cornell University a fini par en faire une conviction personnelle et académique74. Ainsi, il s’est chargé de partager la découverte dans le monde.

Depuis, le SRI a été testé et introduit dans plus de 18 pays qui font partie des plus grands producteurs mondiaux. Il s’agit entre autres de la Chine, du Pérou, du Sri lanka, de Cuba, de la Gambie, de l’Indonésie, du Myanmar, des Philippines, de la Thaïlande et de l’Inde. Pour ce dernier, même si la technique n’a été introduite que depuis 2003, 10 000 exploitants la pratiquent déjà avec un rendement de 15 T/ha75. Les pays du continent africain comme le Bénin et le Sénégal ne sont pas en reste dans cette course pour l’adoption du SRI76. Les séminaires sur le riz ne se passent plus sans que les performances de la dite technique ne soient louées.

Mais à Madagascar où il a été découvert, le SRI est loin d’être connu et reconnu. Les chiffres officiels indiquent que 62% des communes malgaches déclarent ne pas pratiquer le SRI77. C’est significatif même si cette estimation doit être prise avec beaucoup de précaution car le différend entre la FOFIFA et la dite technique est évident.

74 Interview Rafaralahy, président de l’ATS, Ambondrona, Tanananarive, mai 2006. 75 Fanjanarivo, Riziculture : 18 pays adoptants le SRI avec succès, in. La Gazette, jeudi 02 novembre 2006, rubrique économie, p.10. 76 Interview Rafaralahy, président de l’ATS, Ambondrona, Tanananarive, mai 2006. 77 Fanjanarivo, Riziculture : 18 pays adoptants le SRI avec succès, in. La Gazette, jeudi 02 novembre 2006, rubrique économie, p.10.

49 Quoiqu’il en soit, le déficit de la production rizicole de Madagascar a un aspect géopolitique redoutable. Il peut entraîner des troubles d’envergure nationale car il est la cause du principal problème que vivent la plupart des ménages malgaches. Par contre, importateurs et gros collecteurs tirent beaucoup de profits de ce déficit. Disposant du pouvoir de faire fluctuer les prix selon leurs besoins, ces businessmen contrôlent au détriment des Malgaches la vie politique, économique et sociale du pays.

L’imposition par les bailleurs de fonds de leur politique de développement est moins flagrante dans la filière mohair. Initiateurs et financeurs des projets, ils en décident la continuité ou la suspension comme nous l’avons précédemment vu, à propos du projet DELSO. Les actions du PSDR à Ampanihy montre que l’Etat poursuit la voie tracée par les créanciers.

La dépendance de l’Etat malgache envers ses bailleurs le conduit à sacrifier les valeurs essentielles des populations, pour répondre à des objectifs qui leur sont imposés. Cette démarche engendre des revers si l’on se réfère au but officiellement affiché : le développement. Sur ce point, le feed-back concernant le piétinement des projets sur le terrain est sans équivoque.

2 DES PROJETS DE DÉVELOPPEMENT EN DICHOTOMIE AVEC LEURS BENEFICIAIRES AFFICHES

Le manque de considération des cultures par les projets démontre que la logique des bailleurs veut un traitement simplement économique des « sociétés cibles ». L’aspect humain est réduit à de simples chiffres sur la démographie : accroissement, répartition par sexe et par âge. Certains caractères influant directement sur le développement ne font l’objet d’aucune étude.

Ainsi, nous avons vainement cherché dans les documents des projets rizicoles à Manandona et mohair à Ampanihy, leurs aspects culturels. Seules les enquêtes sur le terrain ont pu mettre en exergue ces éléments, qui, pourtant, devraient être connus par ceux qui travaillent avec et pour ces groupes humains.

50 Le manque d’assurance individuelle du paysan malgache engendre peu d’autonomie dans son activité économique. Investir de son propre chef lui est très difficile contrairement à un paysan américain ou européen. La présence d’experts et de vulgarisateur est selon 100% des enquêtés une condition sine qua non de la réussite des deux filières. Ce qui signifie que les paysans se prennent difficilement en main. Et un tel esprit de dépendance est un handicap réel pour les paysans de Manandona et probablement de tout Madagascar.

Les mesures prises pour mettre en œuvre les projets ne répondent pas du tout à cette attente. A Ampanihy, ni le projet DELSO ni le PSDR n’a de responsable résident. Les relations des agents du PSDR avec Ampanihy se résument en de brèves visites d’une à deux semaines maximum tous les six mois. La totalité des activités et du personnel des projets est localisée dans la ville de Tuléar sans réelle relation avec la société d’Ampanihy.

Pour Manandona, en plus des charges de tous les travaux du ministère de l’agriculture dans les deux communes de Manandona et de Sahanivotry, le seul agent sur place s’occupe aussi de tous les projets de développement rural y existant. Et de ce fait, les attentes, en terme de suivi rapproché qui sont nécessaires ne sont pas satisfaites.

Le paysans malgaches ne sont pas non plus très audacieux. Entreprendre avec des risques de quelque ordre que ce soit ne les tente pas. Aussi est il difficile pour eux d’adopter les nouvelles techniques, vu les possibilités d’échec. Les séances de vulgarisation du SRI depuis presque 10 ans n’ont pas encore convaincu tous les riziculteurs de la commune de Manandona. Aujourd’hui, les adoptants ne représentent que 20% des paysans et aucun d’entre eux ne l’applique sur la totalité de ses rizières : 30,76% la pratiquent sur la moitié de leur rizière, 61,53% sur le quart et 7,69% sur moins du quart (cf. tableau n°6 et graphique n°2). Tableau n°6 : Répartition des adoptants du SRI par surface vouée à la technique- CR Manandona.

Surface en SRI par rapport à la surface Pourcentage d’adoptants. totale. Totalité 0% Moitié 30,76% Quart 61,53% Moins du quart 7,69%

51 Source : Enquête sur le terrain.

Graphique n°2 :

REPARTITION DES ADOPTANTS DU SRI PAR SURFACE VOUEE A LA TECHNIQUE DANS LA COM M UNE RURALE DE M ANANDONA

moins du quart; 7,7

moitié; 30,8

quart; 61,5

moitié quart moins du quart

Source : Auteur

Pour lutter contre cette crainte du risque, la démonstration demandée par les intéressés doit être envisager les deux espaces par les autorités concernées. Pour les riziculteurs de Manandona, l’aménagement de rizières vitrines est souhaitable.

A Ampanihy, une ferme pilote l’est aussi. Tous demandent à voir pour croire. Ces réalisations leur permettrait de constater de visu les résultats des nouvelles techniques. Constatant les bienfaits de ces dernières, ils seraient plus enthousiastes et plus disposés à les adopter.

Car jusqu’à présent, le manque d’enthousiasme des paysans pour les réunions est un obstacle majeur pour la réalisation des projets. Accusant des heures de retard et des absences fréquentes, les paysans sont aussi distraits lors des séances de formation. Cette attitude bloquant l’enrichissement des connaissances se rencontre dans presque tout le milieu rural malgache Les vulgarisateurs et présidents d’association nous ont confié leurs peines pour avoir une assistance régulière et consciente des enjeux.

52 La réticence des paysans à l’égard des réunions s’explique par le fait qu’ils ne veulent pas perdre du temps pour ce qu’ils qualifient de « causeries théoriques qui n’apportent pas le riz dans la bouche des Kilonga ». Ils préfèrent vaquer à leurs travaux qui exigent d’eux du temps et des efforts physiques.

Conscient que sa production de riz ou de tapis est cruciale pour la survie de sa famille, chaque paysan s’adonne à la tâche sans se poser de question. C’est ainsi que l’on constate la différence de vision et de priorité entre les agents de développement, soucieux d’un apprentissage technique et théorique, et les paysans dont la priorité est d’assurer la survie des siens.

Les heurts entre les directives découlant des projets et les habitudes de la population dans les deux espaces sont nombreux. Ils montrent l’insuffisance de la prise en compte de la dimension culturelle par les projets de développement. Aussi, les responsables de ces derniers ne peuvent-ils que constater leur échec sans pouvoir s’imposer.

Quelques auteurs ont déjà, à ce sujet, fait des remarques que nous avons essayé de vérifier et de réactualiser par nos séjours sur le terrain. Pour la filière mohair, la non compréhension des méthodes et de l’importance des croisements zootechniques, mentionnée par Andriambololona en 1972 reste toujours d’actualité78. Bien que prescrite pour une bonne conduite de l’élevage angora, la séparation des bêtes de cette race de celles de race locale est négligée. Par conséquent, les animaux s’accouplent, entraînant la perte de pureté de l’angora. Au fil des années, la production de poils de bonne qualité s’est réduite peu à peu. Et cette tendance a abouti à l’état de crise actuelle.

La construction de maison de parcage, en dur avec un sol damé et une toiture en tôle, imposé dans les financements, n’est pas non plus appliquée sur le terrain. La ferme d’Etat d’Ankilimary est la seule qui respecte les infrastructures pour la bonne conduite de l’élevage angora (cf. photo n°12). L’enclos des caprins n’est toujours pas couvert pour l’élevage traditionnel, il est clôturé par de simples branches. De même, les agents des projets essaient en vain d’expliquer l’importance du nettoyage régulier des litières. Car enlever les excréments des chèvres de leur enclos ou y laisser entrer un agent pour faire le travail est tabou. Seuls les

78 Andriambololona (H.), 1972.

53 membres de la famille ont un accès dans les parcs à bœufs et à caprins, et il leur est interdit par la tradition de toucher aux excréments.

Photos n°12 : Ferme d’Etat d’Ankilimary.

Source : Promotion ILO département élevage

Il est tout aussi difficile de faire prendre des bains antimicrobiens aux bêtes. Même s’ils sont convaincus par les agents des projets, les propriétaires n’arrivent pas à faire donner ces bains correctement par leurs salariés. De peur de tuer les bêtes, ou plus vraisemblablement pour pouvoir revendre par la suite les médicaments, ces derniers diminueraient les doses prescrites79. Aussi les chèvres devraient être immergées et frottées dans un bassin d’eau diluant un flacon du médicament, mais elles ne sont qu’aspergées de quelques cuillerées.

C’est pourquoi les maladies comme la gale caprine, la monesioze : une diarrhée provoquant une déshydratation totale de l’animal jusqu’à sa mort, sont fréquentes. Les contraintes techniques ne sont pas les seules rencontrées pour l’élevage des caprins à Ampanihy.

Sur un autre plan, l’administration et les responsables des projets font face au problème de recensement. D’un côté, les caprins ne font pas l’objet de recensement administratif. De l’autre, le phénomène de sous déclaration a toujours été une réalité dans le sud de Madagascar. Cette attitude est sans doute une séquelle de la pression fiscale sur les zébus pendant la colonisation et sous la première République. Il convient aussi de souligner qu’il est tabou dans cette partie de l’île de compter le troupeau. Les caprins se « dénombrent » en citant leurs robes. Aussi, les chiffres officiels sont-ils à prendre avec beaucoup de précaution. Et aucun des deux projets actuels n’a pu réaliser un travail de recensement fiable.

79 Information recueillie lors de l’interview de la présidente de l’association d’éleveurs Magneva Laza, Ampanihy, juin 2006.

54 Leur base de données, et par conséquent leurs actions sont alors très discutables.

Andriambololona80 a aussi dénoncé le manque de connaissance sur l’économie. Après les deux saisons de tonte81, les éleveurs enrichis dépenseraient follement l’argent récolté. De même, au retour des marchés après la vente de leurs tapis, les tisserandes se conduiraient pareillement. Quand vient ensuite la période où il est nécessaire de réinvestir, ils se trouveraient tous dans l’impossibilité d’y faire face. Le terrain a révélé que les éleveurs et tisserandes d’Ampanihy ne dilapident pas leur argent, comme l’indiquent ces idées reçues sur les gens du Sud. Si cette attitude a réellement existé, la crise actuelle de production de poils l’a fait disparaître car depuis quelques années, la survie est le mot d’ordre de chaque ménage.

Certains caractères sociaux mettent la paysannerie d’Ampanihy face à des problèmes qui influent sur la bonne conduite des projets dans leur espace. La même situation se rencontre à Manandona.

La méconnaissance de la notion de gestion à laquelle s’ajoute la pression sociale est pour Manandona le problème majeur des paysans. Les dépenses excessives et inutiles s’y rencontrent, en effet. Ainsi, tout individu ou famille ou association ayant bénéficié de financement par les projets doit organiser des festivités82. La somme obtenue, amputée de ces dépenses sociales, ne suffit plus à réaliser ce qui a été prévu dans les projets. Le reste sera soit investi dans les travaux mais avec un manque à gagner préjudiciable, soit même dépensé totalement, en dehors de ce qui a été convenu.

En réalité, dans les deux espaces, l’influence de la société pose problème. L’individu met les devoirs sociaux et familiaux au dessus de toute autre considération. En exagérant à peine, on peut dire que les activités économiques ne sont qu’accessoires et n’occupent que le temps où la société ne demande pas les services de l’individu. Cet aspect de notre culture est un handicap pour toute entreprise. Le cas de l’entrepreneur E. M., travaillant dans la confection de tapis mohair à Ampanihy est significatif. Il indique que ses travaux souffrent de l’instabilité de la main d’œuvre car ses tisserandes sont prêtes à laisser leur travail quitte à être

80 Andriambololona, 1972. 81 La tonte se déroule en deux périodes dans une année. Au cours de la première, vers le mois de février ou mars, les poils atteignent en général 15 à 17 cm. Ils ne sont que de 9 à 12 cm lors de la deuxième tonte en septembre, selon Ramanantenasoa. 82 Information recueillie lors de l’interview du président de l’association paysanne Santatra, Zanakambony, Manandona, mai 2006.

55 licenciées pour accomplir leur devoir social. Aussi, le niveau et les délais de production qu’il prévoit sont-ils difficiles à respecter.

Au total, la vivacité des habitudes, expression de la culture traditionnelle, marque le quotidien des habitants à Manandona et à Ampanihy. Mais cette réalité, pourtant très prégnante, a toujours été sous estimée par les projets. Et c’est là l’une des grandes explications de leurs résultats mitigés.

3 DES RÉSULTATS MITIGÉS, LA PAUVRETE INVAINCUE

Le développement est certes un fait en bonne partie quantifiable. Les chiffres mesurant la santé économique d’un permettent de l’apprécier. Mais il n’a aucun sens s’il n’est pas perçu dans le quotidien de chaque ménage. Le premier indice de cette amélioration de la vie est pour beaucoup de ménages ruraux l’autosuffisance en riz. Au niveau national, ne plus dépendre des importations en riz est aussi une priorité. Et c’est pourquoi tout le pays, de l’échelle des régions à celle des fokontany, c’est fixé pour ambition, la réalisation de l’autosuffisance en riz, depuis des décennies.

Avec un rendement plafond de 2,5T/ha, la riziculture traditionnelle ne permet pas de satisfaire un les besoins de plus en plus importants. Elle ne conduit pas le pays à l’autosuffisance. Cependant, les techniques susceptibles d’apporter une amélioration, notamment le SRI, sont délaissées voire ignorées. Dans la commune rurale de Manandona, l’adoption de la technique après un pic remarquable83 accuse même une régression significative (cf. graphique n°3 et tableau n°7).

Graphique n°3 :

83 60% des paysans en 1997.

56 Evolution de l'adoption et du rejet du Système de Riziculture Intensive dans la commune rurale de Manandona (1993-2006)

120

100

80 es ag 60 én m

% 40

20

0 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 année

adoptant non adoptant

Source : Mosser et enquêtes sur le terrain de l’auteur.

De 6% seulement en 1994, le nombre des adoptants du SRI passe en une année à 20% des ménages. Trois années plus tard, le pic d’adoption est atteint avec un niveau de 63,5% des paysans. Une légère baisse de 3% en 1999 précède la chute du nombre des pratiquants du SRI qui commence en 2000. Mais à cette date, la technique traditionnelle a connu un recul net, la vulgarisation ayant porté ses fruits. Tableau n°7: Evolution de l’adoption et du rejet du SRI dans la commune de Manandona de 1993 à 2006.

Pourcentage Pourcentage des non d’adoptants par adoptants par rapport au Années rapport au total total des ménages des ménages recensés (%) recensés (%) 1993 4 96 1994 6 94 1995 20 80 1996 34 66 1997 51 49 1998 63,5 36,5 1999 60,5 39,5 2000 53,6 46,4

57 2001 46,7 53,3 2002 39,8 60,2 2003 32,9 67,1 2004 26 74 2005 19 81 2006 18 82 Source : Mosser et enquêtes sur le terrain de l’auteur.

La tendance s’est renversée probablement à partir de 2000 et certainement à partir de 2002, car au moment de nos enquêtes, cette situation a accentué la crise84. Estimé à 4 500T, l’excédent en paddy de la commune de Manandona ne contribue que très faiblement à la solution des 35 000T de déficit de la ville d’Anstirabe85et du Vakinankaratra. A l’échelle de la nation, le premier lot de 12 500T de riz importé en Octobre 2006 marque la reprise des achats à l’extérieur pour combler le déficit qui tournerait autour de 100 000 tonnes par an.

Dans les zones où l’agriculture se heurte à des données naturelles défavorables, l’élevage sert de point d’appui au développement. En s’engageant dans la filière mohair en 1994, le projet DELSO c’est donné comme objectif le «développement durable de l’élevage pour augmenter la disponibilité des produits pour améliorer les revenus »86. Pour y parvenir, à moyen terme on a cherché à « atteindre le niveau de production des années soixante dix soit près de 30T de mohair par an »87. Mais il a abandonné la filière en dès 1999.

Opérationnel à Ampanihy en 2003, le PSDR quant à lui n’avance pas d’objectif chiffré pour l’élevage angora. La réduction de la pauvreté rurale, l’augmentation des produits et des revenus des paysans sont ses buts généraux. «Optimiser ou améliorer la productivité des animaux (race, aspects génétiques, santé, alimentation) augmenter la production de lait et de laine de qualité couvrant les besoins du marché (…) »88 sont pour lui les voies à suivre.

Mais la production actuelle, qui n’est que de 300kg89, est loin des résultats visés par les projets. La dégénérescence de la race entraînant la rareté du mohair est plus que jamais

84 Cette régression du SRI a sans doute été générale au niveau du pays. 85 Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, Annuaire de la statistique agricole, service de la statistique agricole, Tananarive, 2002, 196p. 86 Evaluation DELSO, octobre 1997. 87 Rapport semestriel d’activités, ministère d’Etat au développement rural et de la referme foncière, projet DELSO, Fonds européen pour le développement (FED), délégation de la commission européen à Madagascar, Tananarive, juillet 1995, 123p. 88 PSDR, Rapport sur les projets financés par le PSDR dans la commune rurale d’Ampanihy, 2005, 30p. 89 Chiffres recueillis auprès du Service de l’élevage d’Ampanihy, juin 2006.

58 ressentie à Ampanihy. L’apogée de la filière dans les années soixante en terme de production de mohair et de pureté de la race angora semble désormais inaccessible à moyen terme (cf. graphique n°4).

Estimé à 27 000 têtes en 1950, puis à 41 000 en 1955, le nombre d’angora est réduit à 26 000 en 1960. La grande sécheresse de 1958-1959 dans le sud a réduit considérablement le cheptel caprin comme celui des bovins. L’apogée de la filière mohair du début des années soixante dix est marquée par le pic de l’effectif du nombre d’angora à 95 000 têtes. Le laxisme des vulgarisateurs et de l’Etat, depuis, concernant les mesures techniques ont vite fait baissé ce nombre à 64 000 dès 1975.

Les conséquences des sècheresses doublées de la reprise des mauvaises habitudes d’élevage ont accélérés la chute de l’effectif des angoras qui n’est plus que de 12 000 en 1980. A partir de ce temps, les angoras se sont raréfiés pour aboutir à l’état de crise actuel. Ainsi, l’élevage sans règle stricte a fait que la production annuelle de mohair de la commune d’Ampanihy n’atteint que très difficilement les 300kg (cf. tableau n°8).

59 Graphique n°4 :

EVOLUTION DE L'EFFECTIF DES ANGORA DANS LA CR D'AMPANIHY

140

120

100 ) rs lie

il 80 m

n e (

if 60 t c e f

Ef 40

20

0 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2006 Années

effectif caprin effictif angora

Source : Compilation de l’auteur

Les individus pur sang ne seraient plus qu’une trentaine. Les maladies, les croisements avec les chèvres locales, la malnutrition et surtout le manque de concordance entre la conduite d’élevage sur le terrain et les projets de développement ont fait qu’en 36 ans la filière est revenue à sa case de départ.

Pourtant, la filière ne manque pas de débouchés sur la scène internationale où la demande reste importante alors que la production est en chute libre En effet, les trois plus grands producteurs mondiaux ont vu leurs productions s’effondrer.

60 Tableau n°8 : Evolution de l’effectif d’angoras et de la production de mohair, CR Ampanihy (1950-2006)

Effectif Effectif Production Années caprin angora de mohair (en millier) (en millier) (en tonnes) 1950 49 27 5 1955 51 41 20 1960 53 26 13 1965 70 53 37 1970 120 95 40 1975 79 64 25,6 1980 59 12 5,4 1985 61 9 4 1990 62 5 2,1 1995 63 4 1,2 2000 65 0,3 0,2 2006 63 0,3 0,2 Source : Compilation de l’auteur.

L’Afrique du Sud qui produisait 12 000 tonnes en 1987 n’est plus qu’à 5 000 tonnes en 2004 tout en restant de toujours le plus gros producteur avec 61% du total mondial. De même, Les Etats-Unis par le biais du Texas n’offre plus que 1 000 tonnes contre 8 000 tonnes en 1989. Il en est de même pour la Turquie. Et les nouveaux pays producteurs comme la Nouvelle Zélande, l’Australie ou le Lesotho n’arrivent pas à satisfaire le marché (cf. planche de graphiques n°5) car le mohair qui est une fibre textile de luxe reste très prisé autant dans l’habillement que dans l’ameublement.

A l’échelle mondiale, les causes de cette insuffisance de l’offre sont sans doute multiples. Pour ce qui est d’Ampanihy, les problèmes culturels que la filière mohair y affronte rendent irréalisable l’ambition du DELSO comme du PSDR qui consiste à vouloir retrouver la gloire d’Ampanihy dans les années soixante dix. Cette remarque vaut aussi pour la pratique du SRI à Manandona où les riziculteurs n’arrivent pas ou ne cherchent pas à se dégager de la pesanteur culturelle, c'est-à-dire des habitudes traditionnelles.

61 Planche de graphiques n°5 :

62 La culture est à Ampanihy comme à Manandona l’expression de l’adaptation de l’homme à la nature. Inscrite dans la mentalité, la psychologie et les habitudes, la culture transparaît dans les activités. Aussi, les filières rizicole et mohair renferment-elles de multiples représentations de l’imbrication du culturel et de l’économique. Les valeurs sociales, historiques et cultuelles du riz comme celles de l’élevage de la chèvre, font que leur importance se perpétue jusqu’à nos jours.

Face à une pauvreté grandissante, la politique étatique suit celle de ses bailleurs exprimée, imposée, par les projets de développement. Ainsi, la logique politique de ces derniers, c'est-à-dire la pérennisation de leur investissement, constitue la règle à suivre. Et, les aspirations et besoins fondamentaux des paysans pour la bonne conduite des projets sont peu considérés.

Le manque de considération accordé à l’aspect culturel du développement a amené, et amènent, à des chocs, des contradictions entre les visions des « développeurs » et les populations hôtes. Aussi, en plus de la distance géographique entre les agents des projets et le terrain, la distance entre les valeurs aggravent-elles la dichotomie des objectifs. Seulement, la culture n’est pas la seule ignorée par les projets. D’autres éléments de la réalité rurale paraissent hors de leur considération.

63 Deuxième partie:

MANANDONA ET AMPANIHY: VICTIMES DE

PROJETS PARACHUTÉS ?

Compte tenu de la pauvreté dans les communes de Manandona et d’Ampanihy, la question de l’efficience des projets de développement ne peut qu’être soulevée. La constatation de la situation dans les deux espaces oblige à s’interroger sur l’adéquation de la manière dont la réalité a été prise en considération. La négligence de l’aspect culturel est un élément d’explication majeur de cet embourbement sur le terrain. Mais il n’est pas le seul car d’autres paramètres qui relèvent aussi bien des données naturelles que des conditions humaines interviennent pour comprendre l’échec de ces projets. L’imbrication entre tous ces facteurs dans la réalité paysanne est telle qu’aucun fait ne peut être négligé.

Or, à Manandona et à Ampanihy, les projets touchant les filières mohair et rizicole ont ignoré outre la dimension culturelle beaucoup d’aspects de cette réalité rurale. Les études préalables ont omis certains éléments pourtant essentiels dans l’aboutissement des actions impulsées. Elles ont minimisé l’impact de ceux dont elles n’ont pas tenu compte.

En conséquence, les besoins de maîtrise minimum de l’environnement physique ne sont pas assurés. La dichotomie entre nécessités technique, économique et les actions prioritaires aux yeux des projets est palpable. Certaines conditionnalités imposées ont abouti à une situation absurde. Ce sont surtout des urbains qui ont tiré profit des projets de développement destinés au monde rural.

64 Chapitre III : LA REALITÉ SOUS ESTIMEE PAR LES PROJETS DE DÉVELOPPEMENT

Sans souscrire à l’esprit déterministe, il faut bien reconnaître l’influence incontournable des données naturelles, mais aussi du contexte économique qui caractérisent les deux espaces de Manandona et d’Ampanihy. On peut soutenir que la prise en compte de ces éléments par les projets dans les filières rizicole et mohair est inappropriée.

1. MANANDONA ET AMPANIHY, UNE NATURE MÉCONNUE

L’amélioration de la qualité de vie est en général définie comme le passage d’une formation sociale d’un état à un autre, estimé meilleur. Cela implique l’accroissement de son autonomie et de son pouvoir par rapport à son environnement. À « l’état de nature », l’environnement déterminait le mode de vie et les activités. Avec le progrès des connaissances, des techniques, de la technologie, les sociétés acquièrent des possibilités nouvelles. Ainsi, une partie des contraintes de l’environnement peut être gérée, par anticipation ou prévision, au profit de la société.

Dans cette optique, tout projet visant leur mieux-être doit permettre aux populations bénéficiaires d’élargir leurs possibilités. Mais, à Manandona et à Ampanihy, la nature, après des années de projet est loin d’être maîtrisée et les activités paysannes sont toujours tributaires des aléas du milieu.

Dans les espaces du sillon où se trouve la commune de Manandona, la filière rizicole comme les autres activités économiques subissent les méfaits d’une nature non domptée et mal gérée, notamment par l’excès d’eau en saison de pluies. Au contraire, à Ampanihy, comme dans l’ensemble du Sud, la population se heurte aussi au problème de l’eau, mais dans l’autre sens, car celle-ci y est insuffisante.

Dans le premier espace, de grandes inondations ont maintes fois anéantis les efforts de production rizicole. Cependant, attribuer ces déconvenues à la seule force de la nature serait erroné car l’homme y a sa part de responsabilité. Il suffit d’évoquer les deux causes des

65 inondations de Manandona pour s’en convaincre.

D’une part, les inondations résultant de la morphologie et du climat même du sillon. Avec deux saisons bien définies, la commune de Manandona reçoit une précipitation assez conséquente de 1322mm par an. La saison humide dure sept mois, d’octobre à avril, pendant laquelle 95% de la précipitation totale tombe. Le maximum se trouve en décembre avec 267mm. La saison sèche quant à lui dure cinq mois, du mois de mai au mois de septembre, on ne trouve que 66mm de précipitation sous forme de brouillard et de gelés (cf. graphique n°6 et tableau n°9).

Graphique n°6 :

DIAGRAMME OMBROTHERMIQUE CR MANANDONA

320 160 ) °C s 280 140 (

n 240 120 o i es )

200 100 r at u t m

i 160 80 at p m i ( 120 60 ér éc 80 40 p r m P 40 20 e

0 0 T

e r é il i t t r re ie i rs r a in û re re b b v vr a v le o b b n é a m ju il a o m m a f m ju m t ve e j te c c p o o é e n d s MOIS

précipitations températures

Selon la formule de Gaussen : P= 2T. Source : Service Direction générale de la météorologie section service informatique et banque des données, arrangé par l’auteur.

Partie intégrante de l’ensemble sud du Vakinankaratra, le relief de la zone de Manandona est formé de la chaîne de l’ avec la succession de petites cuvettes aux sols sableux avec des blocs de quartzite90 (cf. croquis n°4). Tableau n° 9: Répartition mensuel des précipitations et des températures, CR Manandona.

90 Monographie du vakinankaratra, 2003.

66 Précipitations Températures Nombre de Mois (mm) (°C) jours de pluies novembre 171,4 14 12,3 décembre 267 16 16,6 janvier 256,4 18 15,1 février 208,7 19 13,8 mars 173,5 21 13,1 avril 82,9 20 7,6 mai 22,3 22 2,5 juin 6,7 17 1,2 juillet 12,1 14 2,1 août 8,2 12 1,6 septembre 16,9 11 1,9 octobre 96 11 7,4 Total 1322 mm 95,2 Source : Service Direction générale de la météorologie section service informatique et banque des données, arrangé par l’auteur.

Par comblement de sédiment, la fracture a donné naissance au sillon de Manandona. En forme de grande cuvette, les terres de la commune reçoivent l’accumulation des eaux de pluie d’un grand bassin versant qui viennent engorgés la rivière Manandona (cf. photos n°13 et n°14).A cause de l’ensablement continuel des lits dû aux fortes crues et l’étroitesse de la gorge à Farasotrina, les rivières Sahalombo et Manandona débordent fréquemment de leurs lits.

D’autre part, la deuxième cause des inondations vient du mauvais aménagement des digues construites en 1986 le long de la rivière Manandona, par des projets étatiques qui ont en effet accentué le problème. Non seulement elles n’ont pas pu protéger les rizières du débordement de la rivière, mais en plus elles sont la cause de l’inondation des habitations et de la route nationale parce que, trop peu nombreux, étroits et mal placés, les canaux qui devaient assurer l’évacuation des eaux venant des collines vers le Manandona ont produit l’effet contraire (cf. croquis n°5). Près de 60% des récoltes auraient été détruites par les crues en 200591. La même année, plus de 45ha des terres sont devenus incultivables car ils sont redevenus des marécages (cf. planche de photos n°15).

91 Informations recueillies lors de l’interview du CDR, Manandona, mai 2006.

67 68 Photo n°13 : Morphologie en cuvette de la CR de Manandona.

Source : Auteur, mai 2006

Photo n°14 : La rivière Manandona dans le sillon.

Source : Auteur, mai 2006

69 70 Photos n°15 : Perte de surfaces cultivées dans la CR Manandona.

71 Source : Cliché de l’auteur, mai 2006

72 La forte pression démographique et l’inefficacité de la protection des rizières contre les inondations ont poussé la population à cultiver sur les pentes même les plus abruptes. La situation est catastrophique car cette pratique qui s’ajoute à la destruction des lambeaux de forêt en vue de la production de charbon de bois92, non seulement accélère l’érosion déjà importante, mais alimente considérablement les crues et augmente de manière exponentielle les risques d’inondation.

Mais les conséquences des actions humaines revêtent aussi d’autres formes : des coupes pour produire des bois carrés contribuent au déboisement, les feux de brousses sont courants et seraient l’expression d’une opposition politique à l’action du maire. En tout cas, en 2005, le feu qui a ravagé tout le flanc nord est de la commune de Manandona était si incontrôlable qu’il s’était étendu jusqu’à la commune voisine, Sahanivotry. Les intempéries qui l’ont suivi, ont entraîné des glissements de terrains qui ont causé des dégâts considérables, et même la mort de plusieurs villageois.

Mal gérée, la nature, notamment l’eau, est source de catastrophe dans la commune de Manandona. Dans le Sud, le non contrôle de cet élément aggrave une situation de pauvreté déjà critique.

A Ampanihy, les problèmes dus à l’eau revêtent d’autres aspects. L’insuffisance en eau handicape considérablement les activités économiques, et mettent la population de la commune et du Sud en général dans une situation de survie. Les sècheresses qui se succèdent amoindrissent les potentialités florales d’un écosystème déjà diminué (cf. photo n°16). Le déficit en eau est du à un climat de type semi aride dont la saison sèche va de sept à neuf mois. La saison humide est brève, parfois aléatoire (voir graphique n°7 et tableau n°10).

Avec une précipitation total de 533mm, Ampanihy, comme tout le Sud, connaît un déficit aigu en eau qui semble s’aggraver avec le réchauffement climatique mondial. La saison humide ne dure que quatre mois, de décembre à mars, pendant les quels 394mm de pluies soit 74% du total tombent. Avec une saison sèche longue de huit mois avec 194mm de précipitation seulement, le déficit en eau dans le sol ne permet qu’une végétation très diminué : le bush.

92 En effet, 20 à30 sacs de charbon sont vendus hebdomadairement au marché de Manandona pour la consommation locale et pour celle d’Antsirabe.

73 Photo n°16 : La végétation fragile du Sud.

Source : Cliché de l’auteur, juin 2006

Graphique n°7 :

DIAGRAMME OMBROTHERMQIUE CR AMPANIHY

160 80

140 70

120 60

100 50 ) C M) (M s (° 80 40 ture tions ra ipita mpé éc Te

P 60 30

40 20

20 10

0 0 novembre décembre janvier février mars avril mai juin juillet août septembre octobre MOIS

précipitaions températures

Selon la formule de Gaussen : P= 2T. Source : Service Direction générale de la météorologie section service informatique et banque des données, arrangé par l’auteur.

74 Tableau n° 10: Répartition mensuelle des précipitations et des températures, CR Ampanihy.

Précipitations Températures Nombre de Mois (mm) (°C) jours de pluies novembre 45,3 26,1 3,9 décembre 119,4 27,2 8,9 janvier 142,5 28 8,8 février 68,2 28,2 6,2 mars 64 26,9 4,9 avril 16,3 24,7 2,4 mai 21,5 21,7 2,7 juin 12,6 19,4 2,5 juillet 5,7 19,4 2,5 août 7,4 20,5 1,8 septembre 15 22,4 2,2 octobre 15,1 25 2,3 Total 533 mm 49,1 Source : Service Direction générale de la météorologie section service informatique et banque des données, arrangé par l’auteur.

L’élevage notamment celui des caprins fait face à des bouleversements qui se seraient accumulés depuis une soixantaine d’années. Des les années quarante, Bernard93 a mentionné ce déclin floral que le pouvoir colonial a compensé et anticipé par la plantation massive de « raketa » ou figuier de Barbarie. La réussite des actions de vulgarisations et la bonne acclimatation des angoras ont amenés à l’augmentation de leur nombre comme celui du cheptel caprin dans le Sud. Cette situation entraîne un surpâturage dont la pression sur un environnement déjà fragile cause les prémisses de l’épuisement de la nature.

Dans l’état actuel des choses, hors les périodes pluvieuses, les troupeaux doivent impérativement être déplacés à des dizaines de kilomètres du centre d’Ampanihy à la recherche de pâturage et d’eau pour éviter les hécatombes. Or, les accords avec le PSDR ont exigé des éleveurs bénéficiaires la localisation de leur ferme dans le pourtour immédiat de la ville d’Ampanihy.

Les associations ont pourtant dû aller à l’encontre de cet accord car en 2004 les sècheresses qui se sont succédées ont tué plus de la moitié des bêtes de chaque groupement.

93 Bernard (A.), Essai sur la transition de la société Mahafaly vers les rapports marchands, ORSTOM n°90, Paris, 1978, 405p.

75 Pour garantir une bonne nutrition aux chèvres, les membres des associations d’éleveurs ont partagés les survivants entre eux. Ainsi, chacun d’entre eux doit prendre en charge un petit troupeau. Les chèvres, réinstallées dans des villages dans la brousse, bénéficient de terrains de parcours plus fourni en végétation qui ne souffrent pas du surpâturage. Le cheptel n’est reconstitué en ville que lors des suivis des agents du PSDR. Une à deux semaines avant leur arrivée, ils préviennent les associations de leur visite par BLU et les chevriers conduisent les petits groupes vers Ampanihy ville.

La nature est un élément de base qu’il est primordial de contrôler, ou tout au moins gérer, pour espérer sortir du sous développement. Les projets qui sont en cours à Manandona et Ampanihy n’apprécient apparemment pas l’importance de la nature à sa juste valeur. Aussi, les filières mohair et rizicole sont-elles toujours sujets aux aléas de la nature. Sur un autre plan, les besoins en matériel et en infrastructure sont aussi sous estimés par les projets.

2. DES BESOINS MATÉRIELS ET INFRASTRUCTURELS INSUFFISAMENT CONSIDÉRÉS

Malgré les différents problèmes culturels déjà évoqués, les nouvelles techniques convainquent un nombre important de paysans. Mais il leur est très difficile de les mettre en application à cause de l’absence ou de l’insuffisance de matériels nécessaires. Les projets dans les filières rizicoles et mohair ne comportent en effet pas de solution adéquate à ce problème. Les paysans sont alors lourdement handicapés.

Un sarclage minutieux et fréquent est nécessaire dans le SRI. Il et du reste garant d’une bonne productivité dans toute la riziculture en générale. Pour ce faire, l’utilisation de sarcleuse est vivement recommandée. Pourtant, dans la commune rurale de Manandona, l’insuffisance est patent car il n’existe qu’une seule sarcleuse pour 72 paysans. En posséder personnellement est très rare. Seules, certaines associations paysannes en relation avec des ONG ou des projets ont pu en obtenir par dotation. Seulement, le manque fait que même les membres ont des problèmes de gestion pour leur utilisation. Chaque groupement ne dispose su de 3 à 4 sarcleuses alors que les 30 membres en ont besoin au même moment.

Ainsi, chacun doit attendre son tour, ce qui soulève chaque année un problème de

76 gestion. Quant aux paysans qui doivent louer les sarcleuses auprès des associations, ils attendront que tous les membres aient fini. Les risques que le matériel soit endommagé au moment où tous les paysans en ont le plus besoin est très élevé car il est sur utilisé. La production à Manandona est alors directement tributaire de ce manque de moyen matériel.

Il en est de même pour les autres matériels agricoles dans la commune de Manandona (cf. tableau n°11). En effet, il n’y a qu’une herse pour 12 paysans, une charrue pour 16 et on n’y trouve qu’un pulvérisateur pour 493 utilisateurs. On comprend dans ces conditions que 83% des chefs de ménage enquêtés estiment que la promotion des moyens matériels par les projets de développement est une des conditions centrales pour la réussite de la filière rizicole.

Tableau n°11 : Rapport entre matériel agricole et paysans utilisateurs, CR Manandona.

Matériel agricole Nombre d’utilisateurs 1 sarcleuse 72 1 herse 12 1 charrette 44 1 charrue 16 1 pulvérisateur 493 1 brouette 247 Source : Monographie de la commune rurale de Manandona, 2004

Ce problème de moyen de production met les paysans de Manandona en mauvaise posture. Les acteurs de la filière mohair sont aussi confrontés à cette insuffisance de matériels.

Les actions du PSDR n’ont pas soulagés ce problème qui reste pesant. Les tisserandes, par exemple, sont obligées de se contenter de cadre de tissage en bois rond, faute de cadre métallique, impossible à confectionner à Ampanihy. C’est un obstacle majeur car cette solution de fortune nuit à la qualité des tapis (cf. planche de photos n°17).

Photos n°17 : comparaison des cadres de tissage de tapis en bois et métallique.

77 Source : Promotion ILO, département Elevage ESSA, 2006

Les cadres de fortune en bois des tisserandes malgaches ne permettent pas d’obtenir des tapis de même qualité que ceux confectionnés sur cadre métallique. En effet, contrairement aux cadres métalliques, ceux en bois ne permettent pas de tendre suffisamment les « squelettes »94 pour obtenir des nœuds serrés. Seul l’entrepreneur français, E. M., dispose de ces cadres métalliques, patrimoines de la Maison mohair, qu’il loue à d’anciens membres95. La différence de gamme des produits est nette (cf. photos n°18 et n°19). Satiné et velouté, la brillance et l’éclat des « tapis …by Eric » ont arraché un label de renommée internationale.

Les petits matériels simples aggravent la différence entre les produits des tisserandes malgaches et ceux de l’entrepreneur français. Pour les premières le filage du mohair se fait à la quenouille. Pour le second, le mohair est filé dans une industrie européenne donnant au fil une finesse remarquable. Traité dans des usines spécialisées, le mohair perd la graisse source de mauvaises odeurs que gardent les tapis des tisserandes malgaches.

Photo n°18 : Le travail des « Tapis by Eric

94 Ensemble de fils verticaux sur les quels la tisserande noue le fil de mohair. Contraire de la « trame » qui est l’ensemble des fils horizontaux qui se placent entre chaque rangée de nœuds. 95 Informations recueillies lors de l’interview d’E. M., Ampanihy, juin 2006.

78 Source : Brochure « tapis by …Eric »

Photo n°19 : Modèle de tapis des tisserandes malgaches.

Source : Cliché de l’auteur, juin 2006

79 En amont du tissage, le manque de matériel engendre aussi des conséquences désastreuses pour l’élevage. Les apports de l’Etat en matériel et en infrastructure ont largement contribué à atteindre les belles années du mohair. Et depuis le désengagement de l’Etat, la conduite de l’élevage angora est défectueuse, faute de moyens.

Aujourd’hui, matériel de castration, d’entretien et quelque fois même de tonte ne sont plus à la portée des éleveurs. Aucun couloir de vaccination et de déparasitage ne subsiste. Aussi, chaque éleveur doit-il exécuter ces travaux vétérinaires lui même. Et dans ces conditions, les influences culturelles contribuent à la décadence de l’élevage surtout dans les zones éloignées d’Ampanihy car ceux près de cette ville sont à proximité de professionnels.

L’enclavement est pour toutes les communes du Sud, dont fait partie Ampanihy, un problème majeur. Pour parcourir les 200km de piste, qui relie Tuléar à Ampanihy, il faut une journée et demi en camion en saison sèche (cf. photo n°20). Pendant la saison de pluies, le trajet dure au moins trois jours.

Photo n°20 : Moyen de transport pour Ampanihy.

Source : Cliché de l’auteur, juin 2006

80 Aussi, n’est-il pas étonnant qu’il n’y ait qu’un seul investisseur étranger dans le « fil de diamant » si prisé sur le marché international. S’ajoutant à cette infrastructure routière impossible, le réseau de télécommunication instable et imprévisible, les fréquentes coupures d’eau et d’électricité, constituent des facteurs dissuasifs pour les opérateurs économiques tentés d’investir à Ampanihy.

En somme, la volonté de produire des acteurs des filières mohair et rizicole reste inefficace dans les deux espaces. L’insuffisance de matériels et d’infrastructures de base n’a été que trop peu prise en compte par ces projets. Cette situation difficile décourage toute initiative en milieu rural d’autant plus que le problème de financement paysan constitue un facteur de blocage toujours pesant.

3. LE PROBLÈME FINANCIER INÉFFICACEMENT RESOLU

Dans les filières rizicole et mohair, les besoins d’investissement sont insatisfaits. Les possibilités de crédits sont trop peu nombreuses et de plus, elles sont inaccessibles à la paysannerie. Comme dans n’importe quelle autre filière, les apports financiers sont nécessaires dans le mohair et le riz. A toutes les étapes du travail, l’argent est indispensable.

Pour les riziculteurs de Manandona, les dépenses se font sur plusieurs périodes. Le début de l’année culturale en est la première. Anticipant les pluies à venir, tous s’activent à préparer les pépinières et les rizières. La main d’oeuvre familiale étant insuffisante, les ménages font, en général, appel à des salariés. Pour le ménage de R. P., non adoptant du SRI, 4 personnes sur les huit membres de la famille seulement sont en âge de faire les travaux des champs. Aussi, pour cultiver l’hectare de rizière en sa possession avec la technique traditionnelle, R. P. doit-il embaucher en tout autour de 45 personnes pendant une année culturale.

Pour A. V., un riziculteur adoptant le SRI de la comme de Manandona, pas moins de 90 salariés sont à compter pour cultiver ses 80 ares dont la moitié suivant les techniques du SRI. Le trop peu de main d’œuvre familiale le force à faire beaucoup d’investissement dans le salariat. En effet, ses deux enfants étant trop petit, seul lui et sa femme s’occupent de tous les travaux agricoles.

81 Pour les riziculteurs de Manandona, la différence d’investissement entre SRI et riziculture traditionnelle est surtout palpable dans le salariats. La discrimination subsiste toujours dans les rémunérations car les femmes ne sont payées que 900 Ariary (Ar) la journée alors que les hommes touchent entre 1 000 et 1 200 Ar. Pourtant, ces derniers sont moins endurants et moins minutieux dans le travail. En plus, ils engendrent plus de dépense car ils consomment deux, voire trois fois plus de riz que les femmes au repas du midi, au frais de l’employeur.

La location des matériels est aussi source de dépenses. De 9 heures du matin à 11h 30, la charrue ou la herse est louée à 1 000 Ar. Le propriétaire manipule lui même son engin et ses zébus pour éviter tout dommage. En effet, sollicité par de nombreux paysans, il a grand intérêt à ce que son matériel soit toujours fonctionnel (cf. photo n°21).

Photo n°21 : Scène de labour à Manandona.

Source : Cliché de l’auteur, mai 2006

82 Quand vient le temps du sarclage, d’autres dépenses doivent être effectuées. La location du matériel est particulièrement onéreuse. Mais ces travaux sont cruciaux : l’élimination des mauvaises herbes, toujours abondantes, étant nécessaire pour améliorer le rendement.

Pour R. P. ses 1 ha de rizière en technique traditionnelle nécessitent une semaine de travaux de sarclage à 1 000 Ar par jour, ou plus vraisemblablement par demi journée car comme pour le repiquage les salariés ne travaillent que la matinée. Les 80 ares de A. V. nécessitent le même temps de travail car en SRI le sarclage doit être très minutieux. Mais en plus il doit être répété au moins six fois pendant une année culturale alors qu’un sarclage mécanique est suffisant en technique traditionnelle.

Pour les cultures de contre saison, pratiquées sur les rizières, l’achat d’engrais exige aussi de fortes dépenses obligatoires car cet apport garantit les rendements et servira pour la saison rizicole. Notons que ces cultures de contre saison procurent un appoint alimentaire ou source de revenus appréciable pour les ménages. Mais au moment de nos enquêtes 72.5% des ménages dénoncent le coût trop élevé de cet intrant dont le prix varie ente 1 000 et 1 600 Ar le kilogramme96.

En SRI le besoin en engrais est plus grand. En effet, pour A. V., 30 charrettes de fumier et 4 sacs d’engrais chimiques sont nécessaire pour ses 80 ares contre 10 charrettes de fumiers et 2 sacs d’engrais chimiques pour l’hectare en technique traditionnelle de R. P. En général les paysans confectionnent eux même, à partir de leur élevage, le fumier nécessaire aux cultures de contre saison mais si le besoin est, la charrette se vend près de 10 000 Ar. Le kilogramme des engrais chimiques s’achète en moyenne à 1 300 Ar mais il peut conjoncturellement coûter près de 1 600 Ar.

En somme, à toutes les étapes des travaux de la riziculture, les différences entre SRI et riziculture traditionnelle se dessinent. Les dépenses engendrées par la première technique sont nettement plus élevées que par la seconde. Mais avec un rendement très élevé, avec le SRI, le bénéfice est net (cf. tableau n°12). Tableau n°12 : Comparaison des dépenses en Système de riziculture intensive (SRI) et

96 Avant 2002, il était de 600 Ar et les paysans se plaignaient de son coût. Le pouvoir actuel a promis de baisser le prix, sans succès.

83 riziculture traditionnelle (RIT) (pour un hectare).

Dépenses SRI RIT Main d’œuvre 113 X 1 000 Ar 45 X 1 000 Ar (personnes) Coût du repas à midi (Ar / personne) 800 X 113 800 X 45 Sarclage (jours) 8 X 1 000 Ar X 6 fois 6 X 1 000 Ar Engrais chimiques (kilogramme) 250 X 1 300Ar 100 X 1300 Ar Fumier (charrettes) 38 (X 10 000Ar) 10 (X 10 000Ar) Si nécessaire Total brute 576 400 Ar 217 000 Ar Rendement (T/ ha) 7 2,5 Prix du Kg (Ar/ Kg) 500 500 Recette brute (Ar) 3 500 000 1 250 000 Bénéfice (Ar) 2 923 600 1 033 000 Source : Auteur.

Il est clair que pour pouvoir faire face à ces nombreuses dépenses nécessaires pour bien conduire une exploitation rizicole, un système de crédit adéquat s’impose. Mais ce n’est pas le cas à Manandona.

Le même problème, non résolu, gêne aussi les éleveurs et les tisserandes d’Ampanihy. Pour eux, l’achat de médicaments pour les bêtes représente une cause de dépenses continues et permanentes. Le recours à des salariés pour surveiller les bêtes sur les terrains de parcours est aussi incontournable (Photo n°22). En général les chevriers ou mpiarak’andro sont de jeunes hommes entre 14 et 20 ans. La déscolarisation est un réel problème car les ménages ont besoins de cet apport financier. Chaque chevrier est payé entre 10 000 et 20 000 Ar par mois en fonction du nombre de tête à surveiller, de l’expérience du salarié et de la distance entre la ferme et le terrain de parcours. Le plus souvent deux chevriers travaillent ensembles et garde en moyenne 15 bêtes chacun.

Photo n°22 : Le mpiarak’andro avec une partie de son troupeau

84 Source : Cliché de l’auteur, juin 2006

Pour les tisserandes l’achat de matières premières : fils de mohair, fils industriels en coton97 (cf. photo n° 23) pour le cadrage, et les plantes tinctoriales98 est incontournable. A cet investissement s’ajoute obligatoirement le salaire se 2 ou 3 aide, payées 2 100Ar par jours ou tapis suivant son métrage.

Photo n°23 : Fils industriels utilisés par les tisserandes malgaches.

Source : Promotion ILO, département Elevage ESSA, 2006. Les institutions d’appui présents ne jouent pas pleinement leur rôle à Manandona et à Ampanihy. Leur offre de crédit semble inadéquate par rapport à la demande. Ou pire encore, 97 Les fils industriels sont utilisés comme trame entre les bandes de mohair dans les tapis par les tisserandes malgaches. 98 La coloration des fils de mohair se fait grâce à des plantes dites tinctoriales. Une gamme de couleur est obtenue par de nombreux végétaux. Ainsi, le daro donne la couleur noir, le lichen ou somotr’ala le marron ou l’orseille, les écorces de palétuviers ou tanga le gris, le vaombe le blanc cassé. D’autres plantes aujourd’hui très rares donnent d’autres colorations. Le talinalitose donne la couleur tabac, l’aloès ou vahona le grenat et le sirasira le vert kaki. Après cuisson avec ses plantes et séchage au soleil, les fils de mohair sont enduits de cendre pour fixer la couleur. Lors de nos visites chez l’entrepreneur E. M., il nous a montré ses expériences pour découvrir de nouvelles formules naturelles pour ressortir d’autres colorations.

85 elles n’ont pas la confiance des paysans.

Près de 70% des ménages enquêtés à Manandona, bien que n’arrivant plus à joindre les deux bouts, ne veulent pas recourir aux agences de crédit agricole. La CECAM a été particulièrement critiquée car les taux d’intérêt, allant 36% à 48% par an, jugés excessifs serait la cause principale de cette réticence.

Par ailleurs, les paysans ont peur d’hypothéquer leurs biens, par crainte des saisies. Or, c’est seulement par ces biais qu’ils peuvent disposer des crédits. En plus, les magouilles et extorsions de fonds commis auparavant par certains membres de cette institution ont renforcé la méfiance des paysans de Manandona à son égard. Les efforts de la CECAM matérialisés par de nouvelles mesures de gestion depuis le début de cette année, après une fermeture de près de deux ans, n’ont pas eu les résultats escomptés. Le souvenir des vagues d’arrestations dans le cadre de cette affaire reste vraisemblablement vivace.

Au total, les besoins financiers des ruraux reste sans solution, l’offre est insuffisante ou inadéquate. Les enquêtes des ménages de Manandona ont révélé que les crédits ne sont accordés qu’en début d’année civile, alors que le gros des dépenses a déjà été fait car cette période est déjà le milieu de l’année culturale. Les agents de la CECAM ont reconnu cette aberration sans pouvoir y remédier car la source du problème serait le fonctionnement de la maison mère, la lenteur et la multiplicité des démarches de transmission administrative. Aussi, l’argent arrive t-il quatre mois après l’accord du bureau central, c’est-à-dire bien en retard.

Pour Ampanihy, aucune institution de crédit agricole n’existe. Le problème est donc l’impossibilité d’accéder à un crédit « moderne ». Ils sont obligés de recourir à l’entraide fournie par le système social traditionnel, soit à l’usure. Ce dernier est surtout fait par les descendants de Karana (indopakistanais) à Ampanihy.

L’entraide se fait généralement entre personnes du même lignage. Mais certains natifs offrent chaque année des opportunités d’emprunt sans demander des intérêts et font même des dons. Il est à savoir que ces gestes permettent d’asseoir une notoriété sociale et politique.

Les financements alloués par les projets de développement y sont fortement critiqués.

86 Pour 72% des membres d’association enquêtés, ils ne tiennent pas compte de la réalité. En effet, les projets auraient sous évalué l’inflation du coût des matériels et des intrants. Par conséquent, à Ampanihy, les groupements ont dû payer de leur poches la différence entre le montant total réel des divers achats, imposés par le PSDR et la somme allouée à cet effet car les prix ont augmenté entre le moment de la signature de la convention et celui des achats.

L’exemple le plus cité et le significatif concerne le crédit pour l’achat des angoras. Les entretiens avec les responsables des associations d’éleveurs nous ont révélés que les 7.5 millions d’Ariary touchés par chaque groupement ont été accordés au moment ou un angora coûtait 20 000 Ar. Lorsqu’ils ont effectué l’achat, l’angora coûtait 41 000 Ar alors que le nombre de bête imposé par les accords ne pouvait être revu ! On mesure l’ampleur du problème qui se retrouve dans l’achat des divers matériels, et de médicaments.

Dans ces conditions, il est quasiment impossible pour les bénéficiaires de financement dans le cadre des projets à Ampanihy comme à Manandona, de respecter les termes des accords conclus.

Le but premier officiel des projets de développement rural est l’amélioration de la situation paysanne. Ceux dans les espaces de Manandona et d’Ampanihy sont pourtant loin de cet objectif car, au même titre que les facteurs culturels, les éléments de base des milieux ruraux n’ont pas été correctement pris en considération. Les aléas naturels pèsent toujours sur les filières mohair et rizicole, affaiblis par le manque de matériel et l’absence de financement adéquat. La situation sur le terrain montre que les projets, objets de notre étude, ne maîtrisent que très peu leur espace d’action. Les résultats auxquels ils sont parvenus permettent de penser qu’ils n’ont pas été conçus pour aider toute la paysannerie en difficulté car ils sont plutôt monopolisés par des citadins, opérateurs privés.

87 Chapitre IV : DES PROJETS DE DÉVELOPPEMENT MONOPOLISÉS

Les politiques actuelles présentent les projets de développement rural comme la voie qui permettra aux paysans de sortir de la pauvreté. Mais, la réalité est tout autre car ces projets ne les concernent pas tous. D’ailleurs, à bien y penser, ils ne sont pas les vrais acteurs dans ces projets. Figurants, les paysans ne sont au mieux que des personnages de l’arrière scène, victimes de discrimination et servant à voiler les véritables enjeux qui intéressent certains urbains et l’Etat.

1. PROJETS DISCRIMINANTS : LES FILIÈRES RIZICOLE ET MOHAIR

Les projets de développement ne sont en aucun cas des solutions miracles sans revers. Ils font naître des fractures dans les sociétés rurales. L’imposition de multiples critères pour sélectionner les personnes et les associations à financer instaure une véritable discrimination.

La ségrégation spatiale est flagrante et seuls les fokontany accessibles sont touchés par les actions des projets. Ainsi, dans la commune de Manandona, le PSDR favorise essentiellement les îlots le long de la route nationale n°7. C’est pourquoi 40% des associations bénéficiaires se trouvent à Zanakambony, 35% dans le chef lieu et à Soaray et 25% à Ambohimiray. Ce dernier fokontany est moins concerné par le PSDR car même s’il est limitrophe de la nationale, il est déjà assez éloigné du centre administratif.

Même les actions du Caritas, une ONG liée à l’église catholique, obéissent aussi à ces critères de proximité et d’accessibilité. Basée dans la commune de Sahanivotry voisine, elle a choisi les fokontany d’Ambohimiray et Ambohiponana et entend élargir ses actions à Manandona et Soaray, c'est-à-dire dans les fokontany prôches et accessibles. On le voit, certains fokontany bénéficieront de l’apport de deux projets et à l’opposé beaucoup d’autres en sont écartés (cf. croquis n°6). Le déséquilibre spatial par rapport aux projets est net dans la commune de Manandona.

88 Cette discrimination spatiale est aussi visible pour la filière mohair. Le problème se présente à trois niveaux. En premier lieu, le déséquilibre se voit à l’échelle des districts d’Ampanihy et de Beloha. En effet, le premier abrite 96% des groupements d’éleveurs financées et seulement 4% pour Beloha

En second lieu, les financements du PSDR sont mal répartis au niveau du district d’Ampanihy : 22groupements bénéficiaires sur le 25, soit 92% sont localisés dan les communes traversées par la route nationale 10 ; 2 seulement, soit 8% sont implantés à Androka, une commune difficilement accessible par la piste. Toujours à l’échelle du district, un déséquilibre est remarquable entre les communes car 56 % des associations financés se trouvent à Ampanihy suivi de loin par Ankilizato avec 20%. Pour les autres, communes les groupements bénéficiaires sont rares (cf. croquis n°7).

En troisième lieu, la discrimination spatiale se rencontre parmi les fokontany de la commune d’Ampanihy même. En effet, 61,5% des associations d’éleveurs financés sont basés à Ampanihy ville alors que 38,5% seulement se trouvent dans les fokontany excentrés (cf. croquis n°8). De même, 100% des associations de tisserandes bénéficiaires sont dans la ville.

Ainsi, à l’instar du PSDR qui concentre ses activités à Ampanihy ville et délaisse les villages et communes des environs, les projets mis en œuvre à Manandona n’accordent aucune attention aux villages difficilement accessibles comme Ambohitrimanjato.

89 90 91 92 Sur un autre plan, mais allant dans le sens de la discrimination, certaines règles imposées par les projets créent aussi à un clivage fondé sur le niveau de scolarité. Les dossiers exigés pour créer une association éligible pour le financement sont compliqués et en tout cas, hors de portée de la grande majorité des paysans. Seule une infime minorité peut y prétendre : ceux qui savent lire et écrire et surtout ceux qui ont fait des études assez avancées. Les plus instruits sont les actifs car ils sont à même de dialoguer avec les responsables des projets.

Cette inégalité entre paysans membres des associations crée évidemment des tensions préjudiciables au sens de celles ci. Elles donnent une piètre image de ces associations et du reste, l’opinion les perçoit comme des instruments utilisés par les instruits à leur profit et au détriment des autres membres.

Ce clivage entre les instruits et les autres est renforcé par le poids des formations théoriques imposées par les projets que seule une minorité peut suivre. A Ampanihy comme à Manandona, près de 95% des paysans enquêtés nous ont confié le peu d’intérêt qu’ils y trouvent. Les séances trop longues, trop techniques, trop abstraites ne sont pas conçues pour eux. Le gouffre entre le formateur et les paysans est patent dans les deux espaces. L’incompréhension totale entre ceux qui logiquement sont des partenaires est une grande faiblesse pour ces projets. Mais ce n’est pas la seule.

En subventionnant seulement les associations, le PSDR oblige les paysans à se regrouper. La liberté d’entreprendre individuellement n’est pas soutenue par les projets alors que la plupart des ruraux se méfient des associations. Bien que très au fait de cette méfiance, les « développeurs » continuent, contre tout bon sens, à refuser les financements individuels que souhaitent ceux qu’ils doivent aider.

Dans ces conditions, on peut estimer que le développement de la paysannerie des communes d’Ampanihy et de Manandona reste au niveau du discours. Les moyens pour améliorer la situation, notamment dans les filières rizicole et mohair, accompagnés de critères discriminatoires créent des frustrations que dénoncent les paysans. A ces graves problèmes qui plombent les associations s’ajoute la main mise urbaine dans les projets de développement rural.

2. LE DÉVELOPPEMENT RURAL : OBJET DES URBAINS

93 Dans les cas qui nous intéressent dans ce mémoire, l’affirmation selon laquelle les projets de développement aident les sociétés rurales à se prendre en main mérite d’être discutée car les rôles clefs se trouvent en effet entre les mains des urbains. Il s’agit d’une véritable mainmise qui revêt plusieurs formes.

Les projets ruraux dépendent directement des financements gérés par des citadins. Pour les projets mohair et rizicole, les décisions sont prises respectivement à Tuléar et à Tananarive. Pour Ampanihy, la branche dite de « terrain » du PSDR siège en effet à Tuléar, à presque 300 Km de l’espace d’intervention alors que les communications, au sens large sont très difficiles entre les deux agglomérations. Cette branche est à son tour tributaire de la maison mère à Tananarive. Les visites furtives des agents, moins de cinq fois par an, sont les seuls liens concrets ayant des impacts réels entre les projets et leurs actions.

Pour Manandona, la situation est plus acceptable, car c’est la ville d’Antsirabe, située à 30Km , qui assure le trait d’union avec la capitale, où tout se décide, pour tout projets rural intéressant cette commune. Mais le fait est que les plans d’actions et tout ce qui les accompagne émanent des villes et non des espaces concernés.

La décision spectaculaire prise soudainement par le président de la République le 29 août 2006, consistant à importer 45 000 angoras pour relancer la filière mohair99 est un exemple concret et actuel du rôle des citadins dans les projets de développement rural. Prioriser tel volet ou tel autre revient non pas aux paysans de Manandona et d’Ampanihy mais aux institutions et aux décideurs des grandes villes. La contradiction est inévitable car si, pour les ménages ruraux, produire le plus, à l’abri des risques pour mieux vivre est le but premier, pour les responsables d’institutions, malgré les affirmations, les décisions à prendre relèvent d’une autre logique et en tout cas tiennent compte des aspects géopolitiques relatifs aux relations qu’il faut entretenir avec les bailleurs de fonds. En outre, les urbains, cadres dans les projets, ne se contentent pas de la gestion à l’échelle nationale et régionale, mais en plus ils s’immiscent dans les communes même. En effet, certaines associations financées sont dirigées par des citadins. Dans la filière mohair, l’affaire fait scandale. Aux temps du DELSO, des particuliers de la ville de Tuléar auraient

99 Alain (I.), soutien aux artisans- tapissiers, 45 000 caprins à importer, in. L’Express de Madagascar, mercredi 30 août 2006, rubrique actualité, p.3

94 obtenu de grosses sommes destinées officiellement à la filière alors que des associations d’éleveurs ont été mises sur la touche. Les premiers n’auraient pas investi dans l’élevage angora mais dans d’autres secteurs. Le scandale aurait été d’une ampleur telle que le DELSO avait dû se défaire de la filière mohair en 1999. Selon certaines sources, ces problèmes seraient la cause de l’inaccessibilité à tout document sur le DELSO. Quoiqu’il en soit, ce projet illustre de façon caricaturale l’immixtion des urbains dans le développement rural.

Aujourd’hui, le problème d’attribution de financements reste d’actualité pour le PSDR. La grande corruption a été même évoquée par plusieurs éleveurs d’Ampanihy100. Certaines associations auraient obtenu le financement alors qu’elles n’ont jusqu’à maintenant établi aucune ferme d’élevage comme prévu. Pourtant, d’autres ayant auraient déjà signé les accords avec le projet n’ont obtenu aucune suite alors qu’ils devraient disposer du crédit qui leur a été alloué. Quelques associations victimes ont constitué les dossiers nécessaires pour plaider leur cause en dénonçant les anomalies. Mais ils ont peu de moyens et peu d’espoir car le bureau du Bureau Indépendant anti-corruption (BIANCO) qui pourrait traiter l’affaire se trouve à Fianarantsoa.

A Manandona, l’emprise urbaine est aussi manifeste. Certaines associations bénéficiaires sont aux mains de résidents d’Antsirabe ville. L’affaire des engrais PSDR a fortement marqué les paysans. Des appels aux groupements paysans ont été lancés par le projet 2005 pour l’achat à prix symbolique de centaines de tonnes d’engrais. Seulement, le gros du lot destiné à aider une paysannerie en difficulté aurait été attribué à des citadins et à des fonctionnaires101. Le prix de cet intrant au lieu de baisser a augmenté depuis cet épisode.

Qu’il s’agisse d’un manque de discernement ou d’une réelle corruption, les projets de développement rural laissent en tout cas beaucoup de place aux urbains. Les fonds investis dans l’amélioration de la situation paysanne sont alors détournés de l’objectif officiellement proclamé, aux dépens des vrais paysans. Ce mal est favorisé et est accentué par l’orientation ultra libérale choisie par les responsables d’Etat depuis deux décennies. Une telle politique a privilégié le secteur privé.

100 Informations recueillies lors d’entretiens avec des éleveurs non financés, informations réaffirmées par les responsables administratifs, Ampanihy, juin 2006. 101 Informations recueillies lors d’entretiens avec des paysans, Manandona, mai 2006.

95 3. LE PEU D’ÉTAT OU LE BONHEUR DU PRIVÉ

Se soumettant aux conditionnalités de ses bailleurs, l’État malgache poursuit jusqu’à présent le désengagement. Ce « peu d’État », ayant pour objectif théorique la relance de l’économie, a certes produit quelques effets positifs au niveau macro économique où à quelques exceptions près, les taux de croissance supérieurs à ceux de l’accroissement démographique depuis les années 90 ont été remarqués. Mais ce retrait de l’Etat fait des victimes, notamment dans les campagnes. Et s’il s’agit de victimes dont les cris ne peuvent sortir des campagnes.

Avant la politique de désengagement, l’État était un vrai moteur dans les espaces ruraux. A Manandona et surtout à Ampanihy, dans le passé, ses actions ont réellement aidé à l’essor des filières rizicoles et mohair. Pour ce dernier, c’étaient les appuis étatiques à toutes les échelles de la filière qui ont permis d’atteindre l’apogée de 1970 qui n’a plus été égalée. Durant cette période, le ministère de l’élevage avait dépêché des techniciens qui ont assuré des formations adaptées pour les éleveurs et les tisserandes, ainsi que le suivi de toutes les initiatives.

Des mesures techniques pertinentes, comme la castration des boucs de race locale, ont été soutenues par des moyens législatifs et matériels. En effet, des lois ont été établies et appliquées pour contrecarrer les mauvaises habitudes102 et pour mener à bien la conduite de l’élevage angora. Les agents du ministère assuraient eux mêmes l’exécution des opération de castration, limitant les risques d’échec et déchargeant les éleveurs. C’est grâce à cette pratique assurée par l’Etat que la race angora a prospéré à l’abri de la dégénérescence car les mâles d’origine locale ne pouvaient se reproduire.

Sur un autre plan, à l’époque coloniale, « l’opération raketa » était le fruit de l’initiative des différents services publics et surtout du Service de l’Elevage et de l’Animation Rurale (SEAR). Cette opération avait donné un nouveau départ à l’élevage angora qui n’a eu de limite que celle de l’environnement103.

102 Les lois stipulant la castration forcée de tous les boucs de race locale ont par exemple permis de garder la pureté du sang angora. De même les éleveurs étaient contraints d’emmener ses bêtes dans les centres de vaccinations et déparasitage. Ainsi, les maladies étaient limitées. 103 Bernard (A.), 1978.

96 Les infrastructures de soins et les centres administratifs rapprochés avaient facilité la tâche des éleveurs. En assurant les tontes, puis les collectes du mohair, l’État avait fait de l’élevage angora une filière phare. De même, sa large contribution dans la vulgarisation du travail du mohair, avait propulsé Ampanihy au rang de pôle de développement pour la région Sud.

Dans les années 70, la filière mohair avait atteint son apogée. Plus de 30 tonnes de tapis produit, plus 8 tonnes de mohair en stock, 1 358 membres de la coopérative qui disposait de 350 cadres métalliques de grande dimension, des milliers de petits matériels de travail du mohair104 sont les preuves d’une réelle santé de la filière. Pour l’élevage, chaque éleveur dans la zone mohair possédait en moyenne 20 têtes d’angora pur sang, avec une production de mohair minimale annuelle de 3 à 4 kilogrammes par bêtes. Cette performance pouvait atteindre même les 8 à 10 Kilogrammes105, très loin des 500 gramme par tête d’aujourd’hui.

Bref, la structure coloniale puis celle de la première République ont amené un amorce de développement dans cette partie du Sud malgache grâce à la filière mohair. Contrairement aux projets actuels, toutes les communes ont intégré le circuit économique par l’élevage et la collecte du mohair (cf. croquis n°9). En effet, même si la structure a été centrée à Ampanihy, elle n’a pas pour autant délaissé les communes éloignées de Bobakaka, d’Itampolo, d’Ambararata et de Bevoalavo. Ces points de ramassage des tontes ont joué le rôle de drain pour tous les éleveurs des zones isolées du Sud profond.

104 Nombre recueillis lors de l’interview d’un ancien membre de la coopérative, Ampanihy, juin 2006. 105 Andriambololona, 1972.

97 98 A

Manandona à la même époque, l’intérêt étatique pour la riziculture s’était traduit par la construction de multiples infrastructures. En conséquence, l’ensemble du territoire de l’actuelle commune a bénéficié de barrages, de canaux d’irrigation comme le Soanavelanirazana long d’une dizaine de kilomètres et de silos.

Vétustes et mal entretenus, ces moyens ne sont plus fonctionnels aujourd’hui. Le Soanavelanirazan, ne sert plus que de lavoir. Les infrastructures microhydrauliques ne

99 fonctionnent plus depuis des années, freinant les possibilités de production comme le cas du fokontany d’Ambohitrimanjato.

L’État a laissé la place au secteur privé. Ainsi, à tous les niveaux des deux filières, celui-ci est présent et installé aux commandes. La vente de matières de base comme les semences pour la riziculture à Manandona ou les géniteurs angora pour l’élevage à Ampanihy est dirigée par des particuliers. De même, la location de matériels de production a été reprise par le privé. Le désengagement a aussi atteint les formations paysannes. Les associations doivent à présent faire appel à des vulgarisateurs qu’elles doivent prendre en charge, comme pour le cas des enseignements du SRI. Ceux qui ne sont pas membres ne peuvent donc pas accéder à ces échanges de techniques et s’en tiennent aux pratiques traditionnelles.

D’une façon plus générale, l’accaparement des filières par le privé est tel que les paysans estiment qu’ils sont pris en otages. Les médicaments pour les chèvres, les engrais et pesticides pour la riziculture, dont la disponibilité et le prix laissent à désirer, dépendent entièrement du privé. Les éleveurs courent de gros risques en permanence car, tout un troupeau de 200 à 300 têtes peut être décimé par le « tsinaimena » ou monéziose106 en un ou deux jours seulement. De même, toute la récolte de la commune de Manandona peut être ravagé par le « maty fotsy »107 si les pesticides et les engrais viennent à manquer.

Si malgré toutes ces contraintes le paysan arrive à produire, c’est le privé qui en tirera la plus grosse part du profit. En effet, à Manandona la collecte du paddy est assurée par des opérateurs venant d’Antsirabe ville. En situation de monopole, ils imposent leurs lois étant donné que les paysans n’ont pas les moyens de vendre directement leurs produits.

C’est ainsi que 80% de la production agricole de la commune sont acheminés vers Antsirabe, et 15% vers Fianarantsoa. Seulement 5% de la production partent pour Tananarive, achetés directement par les voyageurs de passage. A Antsirabe, 60% des produits venant de Manandona sont consommés sur place et seul 20% sont ré acheminés vers Tananarive (cf. croquis n°10). C’est ainsi que ces opérateurs réalisent le plus de bénéfices dans la commercialisation du riz de Manandona, dont les retombées positives sont insignifiantes pour 106 Maladie due à un ver intestinal provoquant la déshydratation rapide de l’animal jusqu’ à sa mort.Cette maladie se transmet entre les chèvres par les excréments. Pourtant, les enclos ne sont pas nettoyés par tabou, et l’hécatombe de tout un troupeau peut être fulgurante. 107 Maladie due à des parasites, qui, en se nourrissant de l’intérieur des tiges, coupent les conduits de circulation des sèves et laisse ainsi les plants de riz ou de haricot secs sur pied.

100 les paysans producteurs.

Notons qu’à Ampanihy les éleveurs de la filière mohair sont aussi mal lotis que les paysans de Manandona. Le mohair est une matière première de plus en plus rare qui se vend bien sur le marché local d’Ampanihy. Mais c’est le privé, en aval de sa production et non les éleveurs qui est maître du jeu. En effet, seules des petites quantités se vendent facilement sur place. Les grands éleveurs, notamment les associations, ne peuvent écouler leur produit qu’en faisant appel aux collecteurs qui profitent largement de la situation.

Comme la saison de tonte est la même pour toutes les fermes, le mohair arrive en masse sur le marché qui ne peut l’absorber instantanément. Les tisserandes, ne disposant pas de capital ne peuvent acheter la matière première dont elles ont besoin pour un tapis ou pour une année en une seule fois. En effet, elles se fournissent en mohair au fur et à mesure de l’avancée d’un tapis et en fonction des arrhes versées pour les commandes spéciales. Aussi, la seule possibilité pour les éleveurs, est-elle de vendre le mohair en lot aux collecteurs. Ces derniers, arguant des lois du marché, en profitent pour baisser le prix. Les éleveurs n’ont pas les moyens de négocier, pressés qu’ils sont, par trois raisons majeures.

101 102 D’abord, la toison de mohair, après la tonte, est encore humide et doit être traitée pour ne pas moisir. Les éleveurs n’ont pas de matériel pour réaliser ce traitement. Ensuite, les accords avec les projets stipulent un versement d’une part du financement dans le compte bancaire de l’association après chaque récolte. Et les éleveurs sont contraints d’honorer cette échéance. Enfin, la troisième raison, il y a le besoin d’argent pressant : chaque éleveur, ayant payé de sa poche les dépenses très élevées pour assurer la bonne conduite de l’élevage se trouve en difficulté et veut rentrer dans ses frais pour survivre. Et c’est dans ces conditions qu’ils sont

103 obligés de céder la récolte, même à des prix non négociés, peu rémunérateurs.

Nous avons constaté que la libéralisation de l’économie n’a pas apporté la libre concurrence en milieu rural. Les opérateurs économiques qui disposent des capitaux s’accordent pour fixer le prix de vente des intrants et des matériels ainsi que le prix d’achat des produits. Jonglant avec les flux commerciaux, ils contrôlent ainsi, directement à leur profit, la vie paysanne.

Avec ce désengagement qui profite indiscutablement au secteur privé, l’Etat n’assure plus que les fonctions non rentables qui n’intéressent pas les détenteurs de capitaux. De fait, les agents du ministère de l’élevage d’Ampanihy n’ont plus comme rôle que le contrôle sanitaire de la viande sur le marché. Le service minimum en terme d’action et de personnel est devenu la règle pour les pouvoirs publics. A Ampanihy, les quatre fonctionnaires du ministère de l’élevage et de la pêche, déjà insuffisant en nombre sont en situation précaire et menacés d’affectation, alors que les administrés exigent leur maintien. Rappelons qu’à Manandona, le seul agent de l’Etat qui s’occupe de tous les projets ruraux de la commune, est aussi en charge de la commune voisine, Sahanivotry.

Avec une telle carence de l’encadrement étatique, il n’est pas étonnant que Manandona et Ampanihy aient raté leur développement.

104 Chapitre V : MANANDONA ET AMPANIHY : LE DEVELOPPEMENT RATE

Mesurer l’efficacité réelle des projets de développement nécessite une grande objectivité. Elaborer et avancer des statistiques et des chiffres est utile voire nécessaire pour appréhender les impacts des projets mais la portée réelle de ceux-ci doit être recherchée à l’échelle des ménages, qui, en principe et concrètement, devraient être les premiers bénéficiaires.

1. LES PAYSANS DE MANANDONA, DELAISSES ET EN CRISE

En investissant dans la filière rizicole, les projets de développement ont pour objectif l’amélioration de la vie paysanne. Mais le problème est que les habitants de Manandona, malgré les actions entreprises, restent plus que jamais en situation de pauvreté, voire de grande pauvreté.

Pour Manandona, la paupérisation des ménages non bénéficiaire de financements largement majoritaires, est une réalité qu’illustre le cas de R. Agée d’une cinquantaine d’année R. vit avec trois de ses enfants dans le fokontany d’Ambohitrimanjato. Sur ses 30 ares de rizières, le ménage ne produit que 600 kilogrammes de paddy car avec la technique traditionnelle, la famille n’obtient qu’un rendement de 2 tonnes à l’hectare. Cette récolte donne 420Kg en riz blanc108. Comme un malgache consomme en moyenne 110Kg de riz par an109, le ménage de R. n’est pas autosuffisant car à quatre, ses besoins s’élèvent à 440Kg.

A ce manque à gagner de 20Kg s’ajoute le poids des devoirs communautaires qui se payent en général en riz. Chaque année 35 Kg de riz blanc sont à prévoir pour ces « cotisations ». En cas de maladie, R. n’étant pas membre d’association paysanne, n’a comme solution que la vente de paddy, le plus souvent à prix sacrifié. Quand vient la période de

108 Une perte de 0,3kg devant être comptée par kilogramme de paddy décortiqué. Dabat, conférence scientifique, CCAC, Tananarive, 2006. 109 Dabat, conférence scientifique, 2006.

105 soudure, elle ne peut avoir recours qu’à l’usure dont les intérêts sont toujours exorbitants, atteignant 150% ou même plus.

Même si la riziculture est son activité principale, la famille de R. doit acheter du riz durant 3 ou 4 mois selon les années. De plus, les cultures de contre saison, pour combler le déficit, sont aussi soumises à de multiples problèmes. A cause du « maty fotsy »110, la récolte de haricots de tout le sillon a été détruit à presque 100% en 2005. Le ménage, ayant beaucoup investi dans les engrais n’a même pas pu reconstituer ses stocks de semences. Les conséquences de cette mauvaise année ont mis à mal le capital du ménage.

Il y a trois ans, la culture de l’orge et du blé, par le biais d’une association paysanne a procuré un revenu assez conséquent pour la famille, utilisé pour scolariser les trois enfants. Mais comme le président du groupement a disparu avec le gain de tous les membres, la coopération avec la société Malto a cessé. Aussi, le plus âgé des fils a-t-il dû arrêter ses études car les frais de scolarité, pour le porte feuille de la famille et ne pouvaient plus être assurés. Même avec les apports mensuels de la vente de lait auprès du centre de collecte du groupe TIKO, le ménage possédant une vache laitière, aux quels s’ajoutent et les salaires gagnés par R. et son fils en tant que journaliers chez les autres paysans, joindre les deux bouts est difficile pour le ménage.

Comme la majorité des familles d’Ambohitrimanjato et d’autres fokontany, celle de R. n’a pas bénéficié des actions du PSDR. Sa curiosité pour les nouvelles techniques et ses souhaits pour augmenter ses productions ne trouvent ni appui ni soutien. A son plus grand regret, les vulgarisateurs se sont contentés de promouvoir les fokontany au bord de la route nationale. Ainsi, le manque de matériel, d’intrants comme les engrais et les insecticides, l’absence de moyens financiers, de formation et d’encadrement technique handicapent ce chef de famille qui est, comme beaucoup d’autres, ignoré par les projets de développement.

En face d’une poignée de paysans intégrés dans les projets, le plus grand nombre est abandonné à leur sort, dans l’indifférence totale. Mais il faut dire que même ceux qui ont bénéficié de financement n’ont pas réussi à atteindre les bienfaits attendus.

110 Maladie due à des parasites qui en se nourrissant de l’intérieur des tiges coupent les conduits de circulation des sèves et laisse ainsi les plants de riz ou de haricot secs sur pied.

106 2. LES PROJETS DE DEVELOPPEMENT DE MANANDONA ET D’AMPANIHY : DES FINANCEMENTS SANS BIENFAITS

A Ampanihy, les financements du PSDR n’ont pas eu d’impacts positifs sur les acteurs à la base de la filière mohair. En effet, ni les associations d’éleveurs ni les groupements de tisserandes bénéficiaires des accords avec le projet n’ont semble-t-il pas enregistré des bénéfices notables jusqu’à présent.

L’exemple de J., présidente de l’association d’éleveurs Magneva laza, représente bien la situation engendrée par l’inefficacité du projet. Dès l’achat des angoras, après la réception de la première tranche des 7,5 millions d’Ariary en juin 2004, les premières failles du projet ont pénalisé les associations. En effet, les devis effectués par le PSDR en 2002 ont ignoré les inflations. A ce moment, une chèvre agora coûtait entre 10 000 et 20 000Ar. Pourtant, au moment de l’acquisition, le prix variait entre 30 000 et 50 000Ar. De plus, il faillait aller à Marolinta pour trouver des vendeurs.

Par conséquent, tout le projet a dû être remanié au détriment des groupements. Ces derniers n’ayant pu acheter qu’une trentaine d’angora, ont dû acquérir plus de 120 chèvres locale pour atteindre le nombre de bêtes imposés par le PSDR. Aussi, le projet est-il devenu une promotion d’élevage mixte, déviant de sa vocation exclusive en faveur de l’angora.

La perte de valeur des crédits alloués a affecté directement les membres sur un autre plan. Les médicaments vétérinaires offerts par le projet n’ayant couvert que 6 mois, les associations ont dû en acheter, comme prévu, mais le financement déjà insuffisant n’a pu suivre l’envol des prix. A partir de ce moment, les membres ont été obligés de cotiser et certains d’entre eux ont dû recourir à l’emprunt ou à l’usure.

A peine constitué, le cheptel, frappé par une vague de sècheresse, a été réduit de moitié. A la suite de cette catastrophe, les associations ont enfreint les accords passés avec le PSDR en déplaçant les troupeaux vers des villages éloignés où la végétation est moins fragile. Pour beaucoup de membres de l’association de J. comme pour ceux des autres groupements d’éleveurs, d’autres problèmes sont survenus pour aggraver la situation. En effet, les bêtes qui n’ont pas succombé aux sècheresses ont dû être partagé entre les membres. Ainsi, chacun doit

107 placer dans les villages une partie du cheptel et prendre en charge les dépenses nécessaires. Il leur faut payer le salaire des chevriers, les dépenses vétérinaire et celles pour assurer les déplacements fréquents pour surveiller l’élevage. Et en définitive, lorsqu’ils ont pu toucher les deux tiers restants du financement que le PSDR leur devait, la somme perçue a juste été suffisante pour régler les dettes et les arriérés.

On peut constater que le système de financement n’a pas amélioré la situation des bénéficiaires. Quant à l’association de J., depuis 3 ans, elle n’a récolté que 31 kg de mohair qu’elle a vendu à 372 000Ar. Mais de cette somme et de celles obtenues par les régulières vente de chèvres locales, il n’y a pas vraiment de bénéfices palpables pour les membres. En effet, les accords avec le PSDR exigent des associations le versement mensuel d’une somme égale à 10% des revenus d’une tonte. Car même si le financement n’est pas à rembourser, les associations d’éleveurs doivent reconstituer la totalité du financement qui leur reviendront par la suite. Le poids des multiples dépenses sur les membres fait que beaucoup d’entre eux tardent à payer leur part ce qui est préjudiciable pour l’association.

Bref, le projet PSDR n’a pas amélioré la situation des membres des associations d’éleveurs bénéficiaires. Au contraire, ils se retrouvent dans une situation d’endettement qu’ils n’ont pas choisi. Pour J. cet endettement déséquilibre même son budget familial et vient à peser sur les activités de son époux car elle doit souvent recourir aux bénéfices de ce dernier pour payer les frais pour la conduite du troupeau sous sa responsabilité. Le seul espoir pour cette mère de famille et pour les autres membres du groupement, est l’obtention du second volet du financement prévu en 2007. Ce financement, espèrent-ils, comportera un devis plus approprié anticipant l’inflation ce qui permettra l’entretien et le renforcement du troupeau actuel qui pourra générer des bénéfices vers la fin 2007. Si la situation reste encore difficile pour les membres des associations d’éleveurs financés, elle n’est pas meilleure pour les groupements de tisserandes financés. En effet, les projets subissent le même embourbement. M. C. H., présidente de l’association Tapis Mad rencontre les mêmes problème d’avant le PSDR. En effet, la somme allouée par celui-ci pour l’achat de matériels et de matières premières n’ayant pas permis d’acquérir le minimum nécessaire.

En effet, comme pour les devis des associations d’éleveurs, les prévisions n’ont pas tenus compte de l’inflation. Elaboré en 2002, avec le mohair à 6 000Ar le kilogramme, le

108 montage financier a été incohérent car le prix ce cette matière première a doublé. Seuls les petits matériels comme les ciseaux et les brosses en fer ont pu être acheté et M. C. H. a dû renoncer à l’essentiel, c’est-à-dire aux cadres métalliques.

Notons que le manque de matière première représente un grand handicap. Les 6 kg de mohair produits par ses 5 angoras sont très loin des 350 à 450Kg de poils qu’elle utilise chaque année. En plus, les pelotes de poil vendues tous les samedis sur le marché ne sont de leur qualité médiocre et renferment de mauvaises surprises (photo n°24).

Les poils sont rêches, courts et « sales », ils ne sont plus de couleur blanche mais virent au marron clair. Pire encore, ils sont filés avec du coton pour donner une impression de mohair. Les fraudes de toutes sortes sont courantes. Un caillou dissimulé dans les pelotes, le mohair trempé pour l’alourdir vendu au kilogramme (photos n°25).

Par précaution M. C. H., comme toutes les tisserandes prévenues, fait ses achats avec sa propre balance car celles des vendeurs sont le plus souvent truquées. Pour trouver des matières premières de qualité acceptable, elle doit, comme toutes les tisserandes d’Ampanihy, parcourir des kilomètres, dès le petit matin des jours de marché, et acheter les chargements des charrettes venues des zones éloignées.

A ces difficultés d’approvisionnement et de production s’ajoutent celles de l’écoulement des produits. En dépit des promesses faites par le ministère du commerce et de l’artisanat et de ce qui est prévu par les projets, les tisserandes malgaches ne disposent pas de point de vente dignes de ce nom. Elles sont obligées d’exposer leur tapis le long des rues. Depuis toujours, les murs de l’avenue de Tuléar et ceux de l’Ecole normale supérieur (ENS) Ampefiloha à Tananarive sont les seuls étalages qu’elles peuvent utiliser. Ce sont leurs seuls lieux de vente. Ce sont les membres des associations qui s’organisent pour expédier en commun les tapis finis. Ils se relaient aussi pour en assurer la vente.

Photo n°24 : Vente de mohair au marché hebdomadaire d’Ampanihy.

109 Source : Cliché de l’auteur, juin 2006. Photo n°25 : Pelote de mohair lors du jour de marché. 0100090000037800000002001c00000000000400000003010800050000000b0200000000050 000000c02a1120210040000002e0118001c000000fb021000070000000000bc0200000000010 2022253797374656d00120210000098c9110072edc630085616000c020000021000000400000 02d01000004000000020101001c000000fb029cff00000000000090010000000004400012546 96d6573204e657720526f6d616e0000000000000000000000000000000000040000002d01010 0050000000902000000020d000000320a5a0000000100040000000000fe0fa11220002d00040 000002d010000030000000000 Source : Cliché de l’auteur, juin 2006.

Dans ces conditions, 40% des tapis sont acheminés sur Fort Dauphin, 25% sur Tuléar et 20% sur Tananarive. Même si le marché n’est pas encore saturé la concurrence est très rude car l’entrepreneur français E. M. y écoule aussi 45% de ses produits : 10% à Fort Dauphin, 25% à Tuléar et 15% à Tananarive111 (cf. croquis n°11). Les tisserandes d’Ampanihy se plaignent de l’activité de ce dernier. En effet, les touristes de passage à Ampanihy ou à Tuléar sont plus attirés par les produits « tapis …by Eric » par leur qualité.

111 Il exporte 55% de ses tapis pour l’Europe, le Japon, les USA et l’Afrique du Sud.

110 111 Les show room, les ventes expositions des « tapis…by Eric » dans les hôtels et galeries de luxe sont en effet, nettement plus attrayants pour les clients importants qui se détournent de produits des tisserandes malgaches dont la vente se fait déjà au compte goutte. Du reste les chiffres d’affaires réalisés par M. C. H. sur le marché intérieur dépassent de très loin ceux de toutes les tisserandes.

On le voit, le projet PSDR n’a pas apporté des solutions aux problèmes des tisserandes d’Ampanihy qui se retrouvent plus que jamais en pleine difficultés. Comme les éleveurs, elles sont dans le désarroi et vivent une situation de crise dont l’issue est incertaine.

3. DES FILIERES ET DES ESPACES A L’AVENIR INCERTAIN

La pérennité des activités économiques rentables pour la population est un aspect essentiel et concret du développement. Pour Ampanihy et Manandona, les projets revendiquant un tel objectif n’ont même pas insufflé un nouveau départ pour les filières mohair et rizicole.

Ils n’ont amélioré la situation des filières concernées et celle des acteurs. A Ampanihy, il n’y a que l’entrepreneur étranger E. M. qui a émergé, étant aussi l’exception qui confirme la règle.

Venu à Ampanihy en 1990, il a, au départ, consacré ses efforts à la collecte de tapis. Il a arrêté rapidement dû au fais que ceux-ci n’étaient pas de bonne qualité. Ainsi, il a pris l’initiative de monter sa propre fabrique pour produire des tapis aux normes européennes. Cette situation est à la source des conflits avec les tisserandes malgaches qui se sentent lésées par la différence de moyens matériels et financiers.

Sa volonté de départ visant à produire des tapis avec le mohair local a échoué faute de matière première de qualité et de quantité. Aussi, a-t-il été contraint d’importer du mohair d’Afrique du Sud. Par la suite, le mohair a dû être et est toujours acheminé vers l’Europe pour être filé et traité. Le prix de revient est exorbitant. Dans ces conditions, les tapis E. M. coûtent très cher, 300 Euros le mètre carré (cf. photo n°26). E.M. y trouve son compte mais ses produits pourraient être plus compétitifs et son entreprise

112 plus prospère qu’elle ne l’est à présent112.

Photos n°26 : Tapis haut de gamme.

Source : Brochure « tapis …by Eric »

La relance de l’élevage angora à Madagascar serait pour lui et à tout ceux qui touchent la filière mohair un atout et une solution à tous les problèmes. En effet, s’il arrive à trouver sur place la trentaine de tonne de mohair de qualité supérieur qui lui sont nécessaires chaque année, il est disposé à aider les filatures locales pour qu’elles produisent le type de fil dont il a besoin. Cela lui épargnera le coût élevé des fils importés, auxquels s’ajoutent les problèmes d’acheminement jusqu’à Ampanihy et amoindrir les conséquences de l’instabilité de la main d’œuvre.

Pour l’heure, malgré sa position d’unique producteur mondial de tapis mohair grâce à l’entreprise de E. M., Madagascar ne réalise que peu de profits. En effet, la production est très limitée faute de matières premières et d’appuis. Ceux-ci ne sont pas suffisants pour alimenter des distributeurs permanents à l’étranger, élément clé pour s’approprier internationalement ce créneau porteur.

Pour atteindre cet objectif, 90 000 m2 de tapis par an sont nécessaires et elles n’auront aucun problème pour être vendues. Mais la production annuelle de E. M. n’est que de 6 000

112 E. M. utilise au total une vingtaine d’employés, tous Malgaches. Il est resté très discret sur la quantité exacte de mohair importé, sur le nombre de tapis produit chaque année, sur leur prix et naturellement sur son chiffre d’affaire.

113 m2 soit 7% de ce qui est requis. En attendant, E. M. est obligé de vendre à l’unité, comme un artisan, handicapé par l’inexistence de télécommunications fiables !

Après 15 ans d’activité à Ampanihy et avec beaucoup de sacrifices et du savoir faire, il a réussi à faire vivre son entreprise et une vingtaine de famille. Mais face à l’agonie de l’élevage angora et de la filière mohair, il n’est pas certain de l’avenir de son investissement et partage l’angoisse de presque toutes les familles d’Ampanihy. Celles-ci incriminent l’inefficacité de DELSO et du PSDR qui n’ont pas apporté de mieux être dans leur quotidien.

La situation des agriculteurs de Manandona est certes moins alarmante. Mais la pauvreté y gagne aussi du terrain. En effet, le PSDR n’a concerné qu’une infime partie de la population et les actions positives menées par les œuvres caritatives comme le CRS engendrant un peu d’espoir n’a que des retombées limitées. L’immense majorité des paysans reste à l’écart du développement. Au total, le désengagement de l’Etat à tous les échelons des filières mohair et rizicole n’a pas profité qu’à la minorité, détentrice de capitaux, généralement des urbains.

On le voit, de multiples éléments de base entrent en jeu dans le développement des espaces ruraux de Manandona et d’Ampanihy. Les projets ne les ont pas suffisamment considérés. La maîtrise des aléas naturels, notamment le problème de l’eau, non inscrit dans les « volets prioritaires » de ces projets, perpétue la dépendance vis-à-vis des conditions physiques. De même, les matériels de production sont insuffisants et ne répondent pas aux réels besoins tandis que les financements sont inadéquats.

114 En somme, les résultats des actions menées à Manandona et Ampanihy sont ambigu, et source de fractures sociales. Les critères géographiques et intellectuels, imposés par les projets trient les paysans et au final, seule une poignée d’entre eux est concernée par leurs bienfaits. La main mise urbaine sur l’attribution des financements permet de conclure que les projets de développement profitent plus à certains citadins qu’aux ruraux. Dans ces conditions, le désengagement de l’Etat par rapport à l’encadrement agricole pèse sur les paysans qui ont du mal à prendre des initiatives.

Force est donc de souligner la dichotomie entre les objectifs premiers et la réalité sur le terrain, s’agissant des projets mohair et filières rizicoles. Les sommes importantes injectées par leur intermédiaires n’a pas, loin s’en faut, atténué la pauvreté des ménages dans les espaces qu’ils sont censés de servir. La crise rurale persiste, le développement est raté.

115 CONCLUSION

Madagascar, classé parmi les cas les plus critiques au sein des pays pauvres, est pourtant le théâtre d’un grand nombre de projets de développement. Pourtant, la paupérisation est alarmante surtout en milieu rural où vivent presque 70% des Malgaches. La persistance voire l’avancée du sous développement signifie que les solutions prises ne sont toujours pas adéquates pour transformer positivement la réalité sociale.

Les éléments fondamentaux sont en effet sous estimés dans la conception et l’application des projets. Ceux qui touchent les filières mohair et rizicole, dans les espaces d’Ampanihy et Manandona, s’embourbent et ne parviennent pas à tirer la population de la pauvreté.

Un facteur majeur, la dimension culturelle, est totalement ignorée par ces projets. Pourtant, la culture, c'est-à-dire les habitudes, les valeurs ancestrales, les techniques traditionnelles, bref la mentalité est déterminante pour toute action de développement. Tous les aspects, négatifs ou positifs, doivent être pris en compte. Ce n’est pourtant pas le cas dans les projets que nous avons mentionnés dans notre étude. Par conséquent, à Ampanihy comme à Manandona, les tabous, les habitudes, la peur d’investir, le manque d’initiative, d’assurance et d’autonomie et les caractères culturels de la société traditionnelle constituent des freins pour un réel développement. C’est la raison pour laquelle les projets dans les filières mohair et rizicole ne sont pas en mesure de vulgariser valablement l’élevage de la chèvre angora et de pérenniser les efforts de promotion de nouvelles techniques comme le SRI, et leurs bienfaits.

De plus, les responsables des projets et ceux de l’Etat malgache semblent se soucier davantage de leurs bonnes relations avec les bailleurs de fonds que des besoins réels des paysans dont ils prétendent se préoccuper. En réalité, leur véritable priorité est d’assurer coûte que coûte la pérennité des financements dont ils profitent.

A part cela, certains aspects culturels, d’autres facteurs cruciaux influant sur la bonne conduite des projets sont mal considérés. Du coup, à Manandona comme à Ampanihy, les activités économiques subissent les méfaits d’une nature peu contrôlée. C’est ainsi que les fréquentes inondations des rizières et habitations dans le premier espace, les sécheresses qui imposent un élevage de type extensif dans le second réduisent à peu de choses les résultats

116 des différentes initiatives. Et pourtant, des solutions simples et efficaces existent. Elles permettraient, de maîtriser, ou du moins, de mieux gérer la nature.

Sur un autre plan, les matériels agricoles qui sont nécessaires pour les paysans sont insuffisants sans que les projets n’interviennent intelligemment. L’accès au crédit, crucial dans les deux filières est soit impossible soit difficile et inadéquat, dans la mesure où l’offre ne répond ni en volume, ni en temps voulu à la demande.

Les financements octroyés par le PSDR n’ont pas amélioré cette situation de crise. Au contraire, ils ont éveillé dans les deux espaces un sentiment d’injustice. Tous les paysans n’ont pas bénéficié des projets car les conditions imposées n’en ont favorisé qu’une poignée. Et de fait, un déséquilibre spatial et social net se lit dans les communes de Manandona et d’Ampanihy.

La ségrégation par le niveau scolaire, par la situation spatiale met hors du champ des projets la majorité des paysans car la plupart d’entre eux n’ont même pas eu la chance de terminer les études primaires et vivent dans les fokontany difficiles d’accès. De ce fait, ils ne sont pas en mesure de satisfaire la complexité des documents pour être éligibles et ils ne peuvent pas suivre les formations techniques demandées par les projets.

A cette orientation réellement discriminatoire des projets s’ajouteraient, à en croire la majorité des paysans que nous avons enquêtés, le népotisme et la corruption aux dépens de nombreuses associations paysannes.

Mais même pour celles qui ont obtenu un financement celui-ci n’est pas bénéfique. En effet, le manque de synergie des projets avec la réalité est évident. Ayant omis l’inflation de leurs calculs, les projets obligent indirectement les membres des associations d’éleveurs d’Ampanihy, par exemple, à cotiser pour compenser le manque à gagner. Or, ils n’ont pas tous les moyens d’honorer les versements mensuels stipulés par les projets. Dans ces conditions, la plupart de ces « bénéficiaires » s’engouffrent dans l’endettement d’autant plus que les actions ne donnent pas toujours les résultats attendus.

Par ailleurs, le désengagement de l’Etat aboutit à une main mise des opérateurs privés et des citadins sur les projets et sur la vie paysanne. En effet, ils contrôlent les flux

117 commerciaux et peuvent dicter leurs lois sur les semences, les engrais et les insecticides dans la filière rizicole, les médicaments vétérinaires et les fils de tissage dans la filière mohair. En fin du compte, les paysans de Manandona et d’Ampanihy sont loin d’être maîtres de leur sort.

Bref, dans les deux espaces, les vrais ruraux ne sont ni acteurs ni bénéficiaires mais de réelles victimes des projets. Ces derniers n’ont pas amélioré la situation de la filière rizicole toujours en difficulté et celle de la filière mohair en pleine agonie. Pourtant, des millions d’Ariary ont bel et bien été dépensés. L’avenir des populations des deux espaces étudiés est incertain. En privilégiant plus ou moins adroitement l’aspect économique et financier de leurs actions les projets de développement qui se sont succédés à Manandona et Ampanihy ont, nous semble-t-il, oublié que « l’Homme est la mesure de toute chose ».

118 BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages généraux : 1. AXIS, L’univers documentaire, Dossier culture, volume 3, Hachette, 1997, pp.254- 255 2. Carratini (R.), bordas encyclopédie, La Culture, Science sociale I, Milan, 1979, pp.545-552 3. Dupuis (X.), Culture et développement. De la reconnaissance à l’évolution, ONU et institut culturel africain (ICA)-PNUD, éd. PUF, 1991,174p. 4. Lombard (A.), Politique culturelle internationale. Le modèle français face à la mondialisation, Internationale de l’imaginaire nouvelle série n°16, BABEL maison des cultures du monde, 2003,357p. 5. Mahamoudou Ouédraogo, Culture et développement en Afrique. Le temps du repositionnement, UE, éd. L’Harmattan, 2002,190p. 6. Malcolm Adiseshiah (S.), Que mon pays s’éveille. Le rôle de l’homme dans le développement : réflexion sur les dix années à venir, ONU-UNESCO, 1970, 405p. 7. Picoche (J.), Dictionnaire étymologique du français, Le Robert, coll. Les usuels, 1992. 8. Poncelet (M.), Une utopie post-tiers-mondiste. La dimension culturelle du développement, L’Harattan, 1994, 361p. 9. Rajoelina (P.) (sous dir.), Madagascar refondation et développement. Quels enjeux pour les années 2000 ?, Paris, éd. L’Harmattan, 1998, 153p. 10. Ravelomanantsoa (O.) et al., « Deux mondes en présence : aspects culturels du développement. Ny fomba amam-panao sy ny famapandrosoana », Ouvrage collectif, Office du livre malgache, Tananarive, 2002, 79p. 11. Tribune recueille, « Le développement de A à Z. dictionnaire critique », Tananarive, 1998, 102p. 12. UNESCO, La culture clef du développement, ONU pour l’éducation, la science et l culture, PUF, 1983,195p.

119 Ouvrages spécifiques :

La filière rizicole et le Système de riziculture intensive : 1. Association Tefy Saina, Rapport final du marché n° 187-M/97/CFD /MIN AGRI/DGAT/DVA appui au développement du SRI dans le Menabe et sur les hautes terres, Tananarive, 2000, 120p. 2. Minten (B.), Randrianarisoa (J.-C.), Randrianarison (L.), « Agriculture, pauvreté rurale et politique économiques à Madagascar », Livré du ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, 2003,160p. 3. Cellule de développement rural (CDR), Base de données de la commune rurale de Manandona année culturale 2005-2006, Manandona, 2006, 8p. 4. Laulanié (de) (H. –S. -J.), Le riz à Madagascar. Un développement en dialogue avec les paysans, Ed Ambozontany, Ed Karthala, Antananarivo, Paris, 2003,208p. 5. Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, Annuaire de la statistique agricole, service de la statistique agricole, Tananarive, 2002, 196p. 6. Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, direction de l’agriculture, CRS- Association Tefy Saina- USAID- LDI- ADRA, Voly vary maro anaka (SRI), Tananarive, 2000, 14p. 7. Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, Monographie de la région du Vakinankartra, Unité de politique de développement rural (UPDR), Tananarive, 2003, 133p. 8. Ministère de l’Intérieur, Monographie de la commune rurale de Manandona, Tananarive, 2004, 35p. 9. Ministère de l’intérieur, Plan communal de développement, Tananarive, 2005, 57p. 10. Moser (C.-M.), Le système de riziculture intensive (SRI) situation actuelle et perspectives d’avenir, cahier d’études et de recherche en économie et sciences sociales n°4, Département Recherches en Développement, 2002, pp. 30-32. 11. Moser (C.- M.), Les limites du système de riziculture intensif et les leçons apprises pour la promotion de technologies agricoles à Madagascar, cahier d’études et de recherche en économie et sciences sociales n°4, Département Recherches en Développement, 2002,25p 12. Mosser (C.) Barret (C.), « Le système de riziculture intensive (SRI), situation actuelle et avenir, Agriculture, pauvreté rurale et politique économiques à Madagascar », Livré du ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, 2003, pp31-32.

120 13. Mosser (C.) Barret (C.), « Situation actuelle et perspectives d’avenir, Agriculture, pauvreté rurale et politique économiques à Madagascar », Livré du ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, 2003, pp30-31. 14. Randrianarisoa (J. C.), « Analyse spatiale de la production rizicole malgache, Agriculture, pauvreté rurale et politique économiques à Madagascar », Livré du ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, 2003, pp34-37. 15. Randrianarisoa (J. C.), « Déterminants de la production riziculture des petites et grandes exploitations agricoles : cas des Hautes terres », Livré du ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, 2003, pp38-41.

La filière mohair : 16. Battistini (R.), Géographie humaine de la plaine côtière mahafaly, Jucas, Toulouse, 1964, 197p. 17. Bernard (A.), Essai sur la transition de la société Mahafaly vers les rapports marchands, ORSTOM n°90, Paris, 1978, 405p. 18. Bureaux de la région du Sud Ouest, Programme régionale de développement rural GTDR- Sud Ouest, novembre 2001, 42p. 19. Commission des Communautés Européennes Madagascar, Evaluation de la coopération européenne filière viande élevage : projet des abattoirs nationaux, projet des abattoirs des villes secondaires, projet DELSO, volume I rapport principal Octobre 1997, Zooconsult, 128p 20. Commission des Communautés Européennes Madagascar, Evaluation de la coopération européenne projet « Développement de l’Elevage dans le Sud Ouest » 6 ACPMAG 023, volume IV, octobre 1997, Zooconsult Srl, 102p. 21. Secrétariat d’Etat aux affaires Etrangères chargé de la coopération, Direction de l’aide au développement, service des études techniques, département élevage, Compte rendu de la mission effectuée par Lacrouts chef du département à Madagascar, Novembre 1972, , 22. Eggert (K.), “who are the Malafaly ? cultural and social misidentification in southwestern Madagascar”, Omaly sy anio n° 13-14, 1981, pp 149-176. 23. Esoavelomandroso (M.), L’évolution actuelle des sociétés du Sud de Madagascar, Histoire sociale de l’Afrique de l’Est (XIX- XX siècle), acte du colloque de Bujumbura, Karthala, Paris, 1991, pp 487-495. 24. Fagereng, « Origine des dynasties ayant régnées dans le Sud et l’Ouest de Madagascar », Omaly sy anio n° 13-14, 1981, pp 125-140. 121 25. FFEM-Programme PCM-WWF-SAGE, Plan communal de développement commune rurale d’Ampanihy, 2003, 47p. 26. Grandidier (A.), Histoire de la grande île de Madagascar par Flacourt (1642-1660), collection des ouvrages concernant Madagascar, partie I, tome VIII, paris, 1913, 306p. 27. Grandidier (G.) et (A.), Histoire physique, naturelle et politique de Madagascar, histoire des tribus autres que les Merina, histoire des Mahafaly, tome III, fascicule I, chapitre X, Tananarive, 1958, pp179-189. 28. Hoerner (J. M.), Géographie régionale du Sud Ouest de Madagascar, coll. Tsiokatimo série recherche n°5, centre universitaire de Tuléar, 137p. 29. Hoerner (J.M.), « L’espace migratoire des Mahafale, facteur de cohésion et de développement », Omaly sy anio n°28, 1988, pp113-123. 30. Maison des paysans, Rapport technique et financier de développement de l’élevage dans le Sud Ouest, avril- juin 2004, Tuléar, 38p. 31. Maison des paysans/ DELSO, Rapport du Maison des paysans Septembre 2002- juin 2003, Tuléar, 31p. 32. Ministère d’Etat a développement rural et de la réforme foncière, commissariat général au développement intégré du Sud, Relance des activités mohair dans le Sud, CGDIS, 1993, 184p. 33. Ministère d’Etat au développement rural et à la reforme foncière, Programme Sectoriel Elevage, Projet de Développement de l’Elevage dans Sud Ouest (FED n°6 ACP MAG 060), Rapport Semestriel d’activités Janvier 1995, Union Européenne, 1995,98p. 34. Ministère d’Etat au développement rural et à la reforme foncière, Programme Sectoriel Elevage, Projet de Développement de l’Elevage dans Sud Ouest (FED n°6 ACP MAG 060), Rapport semestriel d’activités Juillet 1995, Union Européenne, 1995,104p. 35. Ministère d’Etat au développement rural et à la reforme foncière, Programme Sectoriel Elevage, Projet de Développement de l’Elevage dans Sud Ouest (FED n°6 ACP MAG 060), Rapport semestriel d’activités Juillet 1996- janvier 1997, Union Européenne, 1997, 96p. 36. Ministère d’Etat au développement rural et à la reforme foncière, Programme Sectoriel Elevage, Projet de Développement de l’Elevage dans Sud Ouest (FED n°6 ACP MAG 060), Rapport semestriel d’activités Janvier 1997-juillet 1997, Union Européenne, 1997, 112p. 37. Ministère d’Etat au développement rural et à la reforme foncière, Programme

122 Sectoriel Elevage, Projet de Développement de l’Elevage dans Sud Ouest (FED n°6 ACP MAG 060), Rapport semestriel d’activités Octobre 1997, Union Européenne,- Zooconsult, 1997, 102p. 38. Ministère de l’agriculture, de l’expansion rurale et du ravitaillement, La chèvre angora et le mohair à Madagascar, documents n° 43-44 mai- juin 1970, Tananarive, 1970, 38p. 39. Ministère de l’économie, des finances et du budget, INSTAT, Situation économique au 1èr janvier 2005, 2005, 195p. 40. Ministère de l’agriculture de l’élevage et de la pêche, Unité Politique Pour le Développement Rural, Monographie de la Région Sud Ouest, (UPDR), Tuléar, 2001, 58p. 41. Programme DELSO, document de compilation, Tuléar, 1998, 3p. 42. Projet SIRSA, Atlas des données structurelles concernant la sécurité alimentaire province de Fianarantsoa et Tuléar, mars 2006, 196p. 43. Projet SIRSA, Atlas des données structurelles concernant la sécurité alimentaire région Sud Ouest, mars 2006, 102p. 44. PSDR, Rapport sur les projets financés par le PSDR dans la commune rurale d’Ampanihy, 2005, 30p. 45. PSDR-FAMAHA, L’association de tissage UAMA Ampanihy Ouest, 2005, 14p. 46. Raveloson Raharilalao (C.), L’élevage de la chèvre Angora, la production de Mohair, l’élevage du mouton mérinos : la production de laine dans l’extrême Sud de Madagascar (Ampanihy, Tsiombe, Beloha, Ambovombe Androy), 1988,30p 47. Commissariat général au développement intégré du Sud, Ministère d’Etat au développement rural et de la reforme foncière, Relance des activités Mohair dans le Sud, 1993, 184p 48. Schomerus (L.), Gernböch, « Les Mahafaly, introduction à leur culture matérielle, Civilisation du Sud Ouest Archéologie- Anthropologie sociale et art de Madagascar », Taloha n°4, BDPA, Tananarive, 1971, pp81-87. 49. WWF-SAGE-FFEM, Plan communal de conservation commune d’Ampanihy, 2003, 22p.

Ouvrages périodiques : 1. Océan Indien Magasine n°17, septembre/ décembre 2004,

123 Grenier (J. M.), « le tapis mohair : chef d’œuvre de la brousse », pp50-52.

Mé moires et thèses : Ouvrages généraux: 1. Razanakolona (H.), Sous développement et projets FID dans la commune rurale d’Anbohitrimanjaka, mémoire de maîtrise de géographie filière spécialisée en environnement et aménagement, Tananarive, 2005, 83p.

La filière rizicole : 2. Rakotomalala (D.-.P.), Intégration du système de riziculture intensive (SRI) dans le modèle économique rizicole à Madagascar, mémoire de fin d’étude- ESS Agronomiques- département Agro-managment, Tananarive, 1994,94p 3. Randrianekena (H. A.), Quid du SRI, mémoire de fin d’étude, école professionnelle Supérieure agricole Bevalala, Tananarive, 2004, 51p. 4. Ranoelisoa (V.), Proposition d’appui pour les paysans adoptants du SRI (cas des paysans dans la commune rurale de - ), mémoire de fin d’étude, école professionnelle supérieur agricole Bevalala, Tananarive, 2004, 61p. 5. Razafimbelo (S.-J.), Vulgarisation du système de riziculture intensive dans la région d’Ampary, mémoire de fin d’étude pour l’obtention du diplôme d’ingéniorat -ESS- Département Agro-managment, Tananarive, 1994,85p 6. Razanadravao (S.), Etude du sillon de Manandona Vakinankaratra, mémoire de maîtrise, département de géographie, Tananarive, 1990, 166p.

La filière mohair: 7. Andriambololona (H.), La production de mohair à Madagascar, Thèse de doctorat vétérinaire, université Paul Sabatier, Centre d’Edition du cercle des élèves de l’ENVA, Toulouse, 1972, 103p. 8. Elaha (C.), L’homme et le milieu naturel en pays mahafale, DEA, département de géographie, Tuléar, 2005, 114p. 9. Joelson (G.), Ampanihy Ouest exemple d’un centre semi urbain en pays mahafale, mémoire de maîtrise, département de géographie, Tuléar, 1194, 172p. 10. Ramanantenasoa (H.), L’élevage de la chèvre en vue de sacrifice et de la fabrication de tapis mohair dans la région d’Ampanihy, mémoire de maîtrise, 124 département de Malagasy, Tuléar, 2005, 83p

Journaux : 1. Alain (I.), « soutien aux artisans- tapissiers, 45 000 caprins à importer », L’express de Madagascar, mercredi 30 août 2006, rubrique actualité, p.3 2. Andrianantenaina (D.), « Crainte de la production rizicole dans l’Alaotra », l’express de Madagascar, mercredi 28 juin 2006, rubrique actualité, p.5 3. Andrianantenaina (D.), « Denrées alimentaires, menace de pénurie de riz », L’express de Madagascar, mardi 05 septembre 2006, rubrique actualité, p.3 4. Andrianantenaina (D.), « Ravitaillement, reprise des importations de riz », L’express de Madagascar, mardi 03 octobre 2006, rubrique économie, p.5 5. Andrianantenaina (D.), « Harena 2006 prône l’échange et le professionnalisme », L’express de Madagascar, vendredi 06 octobre 2006, rubrique économie, p.5 6. Fanjanarivo, « Père Henri de Laulanié disparu il y a 10ans », La Gazette, vendredi 24 juin 2005, rubrique société, p.8. 7. Fanjanarivo, « Riziculture : 18 pays adoptants le SRI avec succès », La Gazettte, jeudi 02 novembre 2006, rubrique économie, p.10. 8. Rakotamalala (M.), « Denrées alimentaires, le prix du riz monte », L’express de Madagascar, vendredi 22 septembre 2006, rubrique actualité, p.3 9. Ravalitera (P.), « L’aventure des chèvres angoras dans le Sud Malgache », L’express de Madagascar, lundi 19 juin 2006, rubrique les bonnes feuilles, p.14 10. Ravalitera (P.), « L’attitude paysanne face au développement », l’express de Madagascar, jeudi 05 octobre 2006, rubrique les bonnes feuilles, p.18 11. Ravalitera (P.), « Une impuissance traduite par la contrainte », l’express de Madagascar, jeudi 05 octobre 2006, rubrique les bonnes feuilles, p.18

Sites Internet : Filière rizicole :

1. fr.wikipedia.org/wiki/Glossaire_de_Madagascar 2. fr.wikipedia.org/wiki/Riz 3. w ww.anthropologieenligne.com(madagascar sri) 4. w ww.chine-informations.com 5. w ww.cirad.mg 6. w ww.cite.mg 7. w ww.cnam.fr (riziculture asie) 8. www.cnearc.fr 125 9. w ww.consdev.org 10. w ww.dgroups.org 11. w ww.ecaf.org 12. w ww.fao.org (rizi asie techniq) 13. w ww.frameweb.org 14. w ww.globenet.org 15. w ww.humanite.presse.fr 16. w ww.ifap.org 17. w ww.ilo.cornell.edu 18. w ww.interreseaux.org 19. w ww.ired.org 20. w ww.la.refer.org 21. w ww.les-nouvelles.com 22. w ww.maep.gov.mg 23.www.orcades.org 24. w ww.parcs-madagascar.com 25. w ww.refer.mg 26. w ww.smbmada.net 27.www.takelaka.dts.mg 28. w ww.tefysaina.org. 29. w ww.ubifrance.fr (Le riz à Madagascar) 30. w ww.univ-antananarivo.mg

Filière mohair : 31.www.agrireseau.qc.ca 32. w ww.bergers-cathares.com 33.www.bibli.vet-nantes.fr 34. w ww.cirval.univ-corse.fr (monde) 35. ww w.ers.usda.gov (U.S. Dept. of Agriculture, Economic Research Service) 36. ww w.google map 37. w ww.ifad.org 38. w ww.inapg.inra.fr 39. w ww.instelevage.asso.fr 40.www.laine-mohair.com (monde) 41. w ww.lescaprines.com 42. w ww.madagascar-guide.com 43. www.mohair.com 44. w ww.newbie.it 45. économie) 46.www.tourisme.gov.mg/Decouvrir/mohair.cfm (Madagascar) 47. w ww.ubifrance.fr (Afrique du Sud) 48. ww w.utexas.edu

Carte: 1. Carte de Madagascar, feuille 11 Ampanihy, échelle 1/5 00 000, FTM, Tananarive, 1963. 2. carte satellitaire de la zone d’Ampanihy

126 Docu ment multimédia : 1. Encyclopédie Microsoft Encarta 2004

127 ANNEXES An nexe I : Ty pes de questionnaires d’enquêtes dans les communes d’Ampanihy et de Manandona.

QUESTIONNAIRES AMPANIHY Questionnaire éleveur, 2-3 Questionnaire tisserande, 4-5 Questionnaire responsable de vulgarisation, 6-7 Questionnaire responsable administratif, 8-9 Questionnaire entrepreneur, 10-11

QUESTIONNAIRES MANANDONA Questionnaire CECAM ,12 Questionnaire responsable administratif, 13-15 Questionnaire responsable de vulgarisation, 16-17 Questionnaire adoptant, 18-21 Questionnaire non adoptant, 22-25

An nexe II : Articles de journaux

12. Ravalitera (P.), « L’attitude paysanne face au développement » 13. Andrianantenaina (D.), « Crainte de la production rizicole dans l’Alaotra » 14. Ravalitera (P.), « Une impuissance traduite par la contrainte » 15. Fanjanarivo, « Riziculture : 18 pays adoptants le SRI avec succès » 16. Fanjanarivo, « Père Henri de Laulanié disparu il y a 10ans » 17. Andrianantenaina (D.), «Denrées alimentaires, menace de pénurie de riz » 18. Rakotamalala (M.), « Denrées alimentaires, le prix du riz monte » 19. Andrianantenaina (D.), « Ravitaillement, reprise des importations de riz » 20. Alain (I.), « soutien aux artisans- tapissiers, 45 000 caprins à importer » 21. Andrianantenaina (D.), « Harena 2006 prône l’échange et le professionnalisme »

128 A nnexe I : TYPES DE QUESTIONNAIRES D’ENQUETE.

QUESTIONNAIRES AMPANIHY

QUESTIONNAIRE ELEVEUR :

1. Age : 2. Etes vous membre d’une association paysanne : £OUI £NON : £Si OUI : La quelle : Nombre de membre : Année de création : Activités : £Si NON pourquoi

3. Nombre de votre cheptel : 4. quand aviez vous commencé l’élevage 5. Aviez-vous des chèvres angoras ? £OUI £NON £SI oui : Nombre : Où les aviez vous acheté : Prix d’achat : £Si NON : pourquoi

6. Combien de fois par an faites vous la tonte ? 7. Combien de Kg obtenez vous 8. Vendez vous le mohair ? £OUI £NON £Si OUI : À qui A combien £Si NON : pourquoi ? 9. Qui s’occupe de vos bêtes ? 10. Où les parquez vous ?

129 11. Achetez vous encore des angora ? £OUI £NON Pourquoi ?

12. Avez-vous déjà participé à des projets dans la filière mohair ? £OUI £NON £Si OUI : Le quel ? Quelle aide le projet vous a-t-il fournis ? Quelles sont les conditions ? £Si NON : pourquoi ?

13. Comment les membres de votre associations se partagent ils les produits de l’élevage ?

14. Quels sont les problèmes rencontrés au cours de l’exécution du projet ?

15. Le projet a-t-il amélioré votre situation ? £OUI £NON £Si OUI : comment ? £Si NON : pourquoi ?

16. Quels sont les problèmes qui se posent encore dans votre activité

17. Quelles solutions proposez vous ?

130 QUESTIONNAIRE TISSERANDE 1. Age

2. Etes vous membre d’une association : £Si OUI : La quelle Nombre de membre Année de création Activités

£Si NON : pourquoi ?

3. La confection de tapis est elle la seule source de revenu pour le ménage : £OUI £NON Si NON : quelles autres ?

4. Qui vous a appris le tissage des tapis

5. Vous travaillé pour : £Votre propre compte £Un entrepreneur

6. Combien de tapis par an pouvez vous confectionné ?

7. Où les vendez vous

8. Vous les vendez : £Vous-même £Avec l’aide d’intermédiaires 9. Quels sont les problèmes de la vente

10. Combien de kilos de poil par an utilisez vous/ 11. Où les achetez vous

12. Rencontrez vous des problèmes en matière première £OUI £NON 13. Quelle technique de tissage utilisez vous 14. Combien coûte chaque type de tapis 15. Avez-vous recours à des tisserandes salariées

131 £OUI £NON £Si OUI : Combien Heures de travail Salaire : £/m2 £/ tapis £Si NON : pourquoi ?

16. Prenez vous des commandes ? £OUI £NON £Si OUI : quelles sont les conditions £Si NON : pourquoi ?

17. Avez-vous déjà participé à des projets de développement dans la filière mohair ? £OUI £NON £Si OUI : Quel projet ? Quelle aide le projet vous a-t-il donné. Quelles sont les conditions ? £Si NON : pourquoi ?

18. Le projet a-t-il amélioré votre situation ? £OUI £NON £Si OUI : comment, £Si NON : pourquoi ?

19. Quels sont les problèmes rencontrés lors de l’exécution du projet ? 20. Quels sont les problèmes qui se posent encore dans votre activité 21. Quelles solutions proposez vous ?

132 QUESTIONNAIRE RESPONSABLE DE VULGARISATION 1. Titre du poste 2. Votre poste est rattaché à quelle institution 3. Depuis quand êtes vous en fonction 4. Depuis quand le projet est il fonctionnel 5. A combien s’élève le coût du projet 6. Combien de personnes sont touchées par le projet £Eleveurs £Tisserandes £Employés £Autres

7. Fonction du projet £Assistance technique £Assistance matérielle £Assistance financière £Formation £Autre

8. Vous procédez par : £Assistance individuelle Assistance de groupeAssistance d’associations

9. Effectif de caprin dans la région Sud ouest : Total : Chèvres locales : Chèvres angoras :

10. Nombre de caprin à Amapnihy : Total : Chèvres locales : Chèvres angoras :

11. Degré de pureté de la race angora : £Très faible £Faible £Elevé £Très élevé 12. Production £1995 £2000

133 £2005 £2006 13. Qualité des poils : £Mauvaise £Assez bonne £Satisfaisante £Très bonne

14. Existe des marchés pour les tapis + nombre £Régional £International

15. Combien de projets se trouvent dans la filière mohair £Etat £ONG

16. Portée de ces actions sur la filière £Mitigée £Assez satisfaisante £Satisfaisante £Pourquoi

17. Pourquoi vous avez choisi la filière mohair 18. La filière est actuellement en phase de £Crise £Reprise £Expansion £Autre 19. Porté du projet sur la vie des bénéficiaires :

20. Sur quel plans le projet a-t-il apporté un plus pour la filière 21. Votre projet a-t-il effectué des études sur la tradition et la culture dans les zones d’action £OUI £NON Si OUI : sur quoi exactement Si NON : l’élément culturel a-t-il pour vous un intérêt 22. Les habitudes et traditions ont-elles influencées sur l’accomplissement du projet £OUI £NON Si OUI : comment ? 23. Les actions de l’Etat dans la filières sont elles suffisantes £OUI £NON 24. Pour vous la filière mohair peut elle être un facteur de développement £OUI £NON 25. Est il possible de relancer la filière mohair ? £OUI £NON 26. Quelles mesures faut il pendre pour relancer la filière

134 QUESTIONNAIRE RESPONSABLE ADMINISTRATIF 1. Titre du poste 2. Nombre de cheptel 3. Total bovin £Région sud Ouest £Ampanihy 4. Total caprin £Région sud ouest £Ampanihy

5. Parmi les caprins £Nombre de chèvre locale £Nombre de chèvre angora

6. Production de mohair £1995 £2000 £2005 £2006

7. Qualité des poils £Mauvaise £Assez bonne £Satisfaisante £Très bonne

8. Nombre d’éleveurs £Région sud ouest £Ampanihy

9. Nombre de tisserandes £Région sud ouest £Ampanihy

10. Nombre d’entrepreneurs dans la filière mohair £Etranger £Malagasy 11. Nombre de projets dans la filière £ONG £Etat

135 12. Sur quels plans portaient ces projets : £Vulgarisation et communication £Encadrement technique £Encadrement vétérinaire £Encadrement matériel £Soutien financier £Autre :

13. Les actions pour la filière mohair sont elles suffisance £OUI £NON Si NON : sur quels points faut il faire des efforts.

14. Conséquences de ces actions sur la filière mohair : £Mitigée £Assez satisfaisante £Satisfaisante

15. La filière mohair peut elle être un créneau pour le développement du Sud £OUI £NON

16. Est il possible de relancer la filière £OUI £NON

17. Quelles solutions proposez vous

136 QUESTIONNAIRE ENTREPRENEUR 1. Localisation 2. Dénomination 3. Activité exacte dans la filière mohair £Collecte £Tissage £Commercialisation £Autre 4. Année de création 5. Nombre d’employés

6. Pourquoi avoir choisi la filière mohair

7. Combien de Kg ou de Tonnes de mohair par an utilisez vous

8. Vous faites vos approvisionnements auprès : £Eleveurs £De votre propre élevage £Importation £Autre 9. En gros combien de ménages vivent de votre activité

10. Combien de tisserandes employez vous

11. Où travaillent elles :

12. Elles sont rémunérées £Par tapis £Par mètre carré £Par mois

13. Le niveau technique des tisserandes est £Médiocre £Assez bas £Satisfaisant £Elevé 14. Avez-vous donné des formations à votre personnel

15. A combien d’élève le prix du Kg 16. Avez-vous des problèmes d’approvisionnement £OUI £NON Si OUI : les quels 17. Que faites vous pour y remédier

18. Combien de tapis par an produisez vous

137 19. Où les vendez vous + nombre £Marché local £Marché national £Marché international

20. Existe-t-il des problèmes de débouchés. £OUI £NON 21. Avez-vous bénéficié des actions des projets dans la filière mohair £OUI £NON 22. Impact de ces projets sur votre activité £Positif £Négatif £Neutre

23. Impact de ces projets sur la filière en général £Positif £Négatif £Neutre

24. Pensez vous que la filière peut être un créneau de développement pour le Sud 25. Une relance de la filière est elle possible

26. Quelles solutions proposez vous.

138 QUESTIONNAIRES MANANDONA

QUESTIONNAIRE CECAM : 1. Nombre d’adhérents Individus : Association paysanne :

2. Nombre de prêts par an : -individus : -associations paysannes :

3. Objets des prêts - - -Nombre de projets en SRI 4. Conditionnalités sur les prêts -- - 5. Nombre de cas de non paiement : -individus -association paysanne :

6. Causes des non paiements : -- - 7. Problèmes causés par la tradition : - -

139 QUESTIONNAIRE RESPONSABLE ADMINISTRATIF

1. Quel type de technique en riziculture a le plus de pratiquant ? Proportion en % :

2. le nombre des nouveaux adoptants du SRI au cours des 5 dernières années a : ¨ Augmenté o Beaucoup ¨Diminué oMoyen ¨Stable oPeu

3. Taux des paysans adoptant le SRI par rapport au nombre total des riziculteurs

4. Evolution du nombre de paysans abandonnant le SRI oAugmente oDiminue oStable

oBeaucoup oMoyen oPeu

5. Causes d’abandon (mettre en ordre par importance décroissante) oTradition oInvestissement élevé oAugmentation des travaux à faire oDifficultés techniques oAutre :

6. Pour vous, quels sont par ordre d’importance les problèmes majeurs au développement du SRI : oMaîtrise de l’eau oInsuffisance financière pour investissement oLa tradition oManque d’encadrement et de vulgarisation oManque de main d’œuvre oAutre

7. Comment réagit la population face aux techniques du SRI oAttentive oCurieuse et participative oPassive mais respectueuse oIndifférente oContre

8. Les habitudes de la population posent elles des problèmes dans le vulgarisation du SRI oOUI oNON

Si OUI : qu’est ce qu’elle craint : operte de la tradition opeur des ancêtres opeur de l’innovation opeur de la réaction de la société oautre :

9. Le niveau de scolarisation des paysans influe t-il sur la décision d’adoption du SRI :

oOUI oNON Pourquoi ? 140 10. Existe-t-il des actions de l’Etat en SRI oOUI oNON

Si OUI : de quelle nature 1) oVulgarisation et communication 2) oEncadrement technique 3) oEncadrement matériel 4) oEncadrement financier 5) oAutre

11. existe-t-il des actions de l’Etat dans les autres types de riziculture ? oOUI oNON

Si OUI de quelle nature ?1-2-3-4-5-

12. Existe-t-il des actions de l’Etat dans le développement rural oOUI oNON

Si OUI : de quelle nature ?1-2-3-4-5

13. Existe-t-il des ONG oeuvrant dans le SRI à Manandona oOUI oNON

Si OUI : les quels ; depuis quand

14. Existe-t-il des ONG oeuvrant dans les autres types de riziculture ? oOUI oNON

Si OUI de quelle nature ?1-2-3-4-5

15. Existe-t-il des ONG oeuvrant dans le développement rural oOUI oNON

Si OUI : de quelle nature ?1-2-3-4-5

16. Y a-t-il eu des études sur les traditions de la population par l’Etat et les ONG oOUI oNON Si OUI : par qui ?

Si NON : pensez vous que ces action soient bien adaptées à la population de Manandona ?

17. Les action de l’Etat et ONG en matière de SRI sont elles suffisantes oOUI oNON

Si NON que faut-il renforcer : oFinancier oMatériel oCommunication oEncadrement technique

18. Portée de leurs actions sur les paysans oPeu d’effet oEffet moyen oTrès efficace Si peu d’effet et effet moyen Pourquoi ? 141 19. De quel ordre est la participation de la population dans les programmes sur le SRI et le développement rural oElaboration oConsultation oSimple application oAutre

20. Existe-t-il des bienfaits que le SRI a apportés à la commune ? oOUI oNON

Si OUI : de quel ordre

21. La maitrise de la technique du SRI est oMédiocre oMoyenneoAssez bonne oSatisfaisante oTrès bonne

22. La demande d’engrais et de semence est elle satisfaite ? oOUI oNON

Si NON : pourquoi ?

23. Où les paysans s’approvisionnent –ils ? o o 24. Quelles action la commune envisage t-elle pour améliorer ses performances en SRI ? o o o 25. D’après vous les actions de l’Etat dans le SRI sont oInsuffisantes oSuffisantes o Autre :

26. Quelles actions attend la commune de l’Etat et des ONG ? o o 27. Quels atouts Manandona a-t-il en matière de SRI par rapport aux autres communes ? o o oManque de main d’œuvre oAutre

28. Quel avenir le SRI a dans la CR de Manandona ? oAssuré oMeurtre oNul

142 QUESTIONNAIRE RESPONSABLE DE VULGARISATION

1. Votre poste est attaché à quelle institution

2. Depuis combien d’année assurez vous cette fonction

3. En quoi consiste votre fonction : oVulgarisation oAssistance technique oAssistance matérielle oAutre

4. Vous procédez par : oAssistance individuelle oAssistance de groupe oAssistance aux associations oAutre

5. Face à vos actions sur le SRI, la population est : oAttentive oCurieuse et participative oPassive mais respectueuse oIndifférente oAutre

6. Quels sont par ordre d’importance les problèmes au développement du SRI : oMaîtrise de l’eau oInsuffisance d’investissement oTradition oManque d’encadrement et de vulgarisation oProblème de main d’œuvre oAutre :

7. Combien d’actions dans la vulgarisation du SRI ont été menés à Manandona ? -Par l’Etat : -Par les ONG :

8. Le budget de l’Etat pour le SRI par rapport aux autres actions de développement est : oInférieur oEgal oSupérieur oSuffisant oInsuffisant

9. Les actions de l’Etat dans le domaine du SRI sont elles suffisantes ? oOUI oNON

Si NON : que doit il amélioré ? o o 10. En général, le niveau de maîtrise des techniques du SRI est : oMédiocre oMoyenne oSatisfaisante oTrès bonne

11. La proportion de paysan adoptant le SRI est : oInfime oFaible oMoyenne oElevée

12. Les habitudes de la population posent t elles problème dans la vulgarisation du SRI oOUI oNON

Si OUI : que craint elle en adoptant le SRI : operte de la tradition opeur des ancêtres opeur de l’innovation

143 opeur de la réaction de la société oAutre

13. Le niveau de scolarisation influe sur la décision d’adoption du SRI oOUI oNON

14. Est il possible d’étendre l’adoption du SRI à Manandona oOUI oNON

Si OUI : Quels moyens vous manque t-il oAppui financier oMatériel oFormation oPersonnel oAutre :

Si NON : Pourquoi ?

15. Pour vous, le SRI est il un facteur de développement rural oOUI oNON Pourquoi ? o o

16. Pour vous, le premier responsable du non développement du SRI est : oL’ETAT oLes ONG oLa commune oLa population oAutre

17. La mentalité et la tradition ont-elles faits l’objet de travaux dans le cadre de la mise en place des projets de ONG et de l’Etat : oOUI oNON

Si NON : croyez vous que ces projets soient adaptés à la population de Manandona ? oOUI oNON

18. D’après vous pourquoi le SRI ne fait pas l’objet de vulgarisation intensive ?

144 QUESTIONNAIRE ADOPTANT

FOKONTANY :

1. Age du chef de ménage :

2. Niveau de scolarisation oPrimaireoSecondaireoUniversitaireoFormation spécialisée

3. Nombre de personne dans le ménage

4. Nombre des membres en mesure de faire les travaux agricoles

5. Surface totale des rizières (ha)

6. Disposition : oEn bloc oEn parcellesoNombre :

7. Surface rizicultivée : oTotalité oEn grande partie oA moitié oMoins de la moitié

Pourquoi ? oManque de main d’œuvre oDe temps oD’investissement oChoix oAutre

8. La riziculture est-elle la seule source financière : oOUI oNON

Si NON : quelle autre source oElevage oCulture de contre saison oCommerce oArtisanat oSalaire fixe oSalaire saisonnier oAutre

9. Combien de fois dans l’année cultivez vous du riz ? Les types de riz

10. Combien de tonnes produisez vous pour chaque culture ?

11. Est ce uniquement avec les techniques du SRI ? oOUI oNON

12. Pratiquez vous la culture de contre saison oOUI oNON

Si OUI : est ce par oLes techniques du SRI oAvant le SRI

13. Votre production en riz couvre t elle vos besoins annuelles : oOUI oNON

145 Si OUI : existe il un surplus commercialisable : oOUI oNON

Si NON : comment faites vous pour subvenir à vos besoins : oAchat de riz oComplément avec les produits de contre saison oAutre

Si OUI : combien de Kg, tonne.

14. Depuis quand pratiquez vous le SRI

15. Vous avez appris le SRI par oVous-même oTechniciens oUne personne qui le pratique oUne association oAutre

16. Pour quelle raison avez-vous adopté le SRI : oRecherche de bénéfice oVolonté et curiosité d’essayer de nouvelles techniques oRespect de l’administration oAutre

17. Portion de rizière en SRI o1/8 de la surface totale o1/6 o1/4 o1/2 oTotalité

18. Pourquoi ne pratiquez vous pas le SRI sur la totalité de vos rizières : oPeur de l’inefficacité de la technique oNon maîtrise totale de la technique oRespect de la tradition oConfiance en la riziculture traditionnelle oAutre :

19. Votre surface en SRI par rapport à la première année de l’adoption a oAugmenté oDiminué oStable

20. Votre production générale par rapport à la première année de l’adoption du SRI a oAugmentée oDiminuée oStable

21. Par ordre décroissant les grands problèmes en SRI sont : oLa maîtrise de l’eau oLa tradition oNécessité d’investissement oLa maîtrise des techniques oNécessité de plus de travaux oAutre :

22. Pour améliorer vos rendement vous avez besoin de : oPlus d’assistance technique oAide sur les matériels

146 oAide financière oAutre : 23. Avez-vous recours à une main d’œuvre salariée oOUI oNON

Si OUI : Nombre Coût :

24. Votre maîtrise de la technique est : oMauvaise oMoyenne oSatisfaisante oTrès bonne

25. Le SRI a-t-il apporté des changements dans votre vie quotidienne oOUI oNON

Si OUI : sur quel plan oHabitudes culturales oLa vision sur la riziculture oFinancière oAutre :

26. D’après vous, les paysans n’adoptent pas le SRI par oRespect de la tradition oManque de moyen financier oFaiblesse de la connaissance technique oManque de matériel oAutre

27. Etes vous membre d’une association paysanne oOUI oNON

Si OUI : depuis combien d’année Cela vous aide t-il dans le SRI oOUI-o NON

Si NON : Pourquoi oAucune utilité oComplexité de l’adhésion oPas confiance oAutre

28. Etes vous membre de la CECAM ou une autre institution du même ordre ? oOUI oNON SI OUI : depuis combien d’année

Avez-vous déjà fait un prêt oOUI oNON

Si NON : pourquoi oPas confiance oTrop de formalité oDangers des hypothèques oTaux d’intérêt trop élevé oAutre : 29. Quelle est la quantité d’engrais que vous utilisez : -dans le SRI : -dans la riziculture traditionnelle :

30. Achetez vous des engrais

147 oOUI oNON Si OUI : Où Avez-vous des problèmes : oPrix oDe proximité oDe quantité

31. Quelle quantité de semence utilisez vous ? -avec le SRI -avec la riziculture traditionnelle :

32. Achetez vous des semences oOUI oNON

Si OUI : Où : Avez-vous des problèmes : oPrix oDe proximité oDe quantité

33. En quoi le SRI est différent de la riziculture traditionnelle ? o o o 34. Etait ce difficile à assimiler ? oOUI oNON oUN PEU

35. Combien d’actions dans la vulgarisation du SRI ont été menés à Manandona ? -Par l’Etat : -Par les ONG :

36. Les actions de l’Etat dans le domaine du SRI sont elles suffisantes ? oOUI oNON Si NON : que doit il amélioré ?

37. Quelles faiblesses existent dans les séances de vulgarisation pour que certains paysans n’adoptent pas le SRI ?

38. Quelles solutions proposez vous pour développer le SRI ?

148 QUESTIONNAIRE NON ADOPTANT

FOKONTANY :

1. Age du chef de ménage :

2. Niveau de scolarisation oPrimaireoSecondaireoUniversitaireoFormation spécialisée

3. Nombre de personnes dans le ménage

4. Nombre des membres en mesure de faire les travaux agricoles

5. Surface totale des rizières : (Ha)

6. Disposition oEn bloc oEn parcelles oNombre :

7. Surface rizicultivée oTotalité oEn grande partie oA moitié oMoins de la moitié

Pourquoi ? oManque de main d’œuvre oDe temps oD’investissement oChoix oAutre

8. La riziculture est-elle la seule source financière oOUI oNON

Si NON : quelle autre source oElevage oCulture de contre saison oCommerce oArtisanat oSalaire fixe oSalaire saisonnier oAutre

9. Combien de fois dans l’année cultivez vous du riz? Les types de riz Production pour chaque culture :

10. Pratiquez vous la culture de contre saison oOUI oNON

Si OUI : est ce par

149 oLes techniques du SRI oAvant le SRI

11. Votre production actuelle couvre t-elle vos besoins alimentaires oOUI oNON Si OUI : existe t-il un surplus commercialisé ? oOUI oNON

Si NON Comment faites vous pour combler le déficit ? oAchat de riz oComplément avec la production de contre saison oAutre

12. Combien de tonnes produisez vous pour chaque culture ?

13. Avez-vous déjà entendu le terme de SRI oOUI oNON

14. Avez-vous déjà assisté à une séance de vulgarisation du SRI oOUI oNON Si OUI : Quand : Où :

15. Avez-vous déjà vu une rizière cultivée en SRI oOUI oNON

16. Trouvez vous que le riz y est différent de celui dans une rizière avec la méthode traditionnelle ? oOUI oNON Si OUI : sur quels plans : o o o o

17. En quoi les techniques du SRI sont ils différents de ceux des autres cultures : o o o o 18. croyez vous que ces techniques peuvent être efficaces ? oOUI oNON Si NON : pourquoi ? o o o o

150 19. Pourquoi vous n’adoptez pas le SRI ? oRespect de la tradition oManque de moyen financier oManque de connaissance sur les techniques oManque de matériel oPas confiance à des techniques nouvelles oAutre :

20. Est-ce que vous avez entendu parlé de vulgarisation du SRI à Manandona ? oOUI oNON Si OUI : par qui -oPar l’Etat : -oPar les ONG :

21. Les actions de vulgarisation du SRI sont elles suffisantes ? oOUI oNON Si NON : que faut il améliorer ? o o o o o 22. Quelles sont les faiblesses des séances de vulgarisation pour que beaucoup de paysans n’adoptent pas le SRI ? o o o o

23. Le SRI peut il porter atteinte à la société, OUI NON Si OUI comment : oPerte de la tradition oBouleversement des relations sociales oAutre :

24. Etes vous membre d’une association paysanne oOUI oNON

Si OUI : depuis combien d’année Cela vous aide t-il dans le SRI oOUI-o NON

Si NON : Pourquoi oAucune utilité oComplexité de l’adhésion oPas confiance oAutre

25. Etes vous membre de la CECAM ou une autre institution du même ordre ?

151 oOUI oNON SI OUI : depuis combien d’année

26. Avez-vous déjà fait un prêt oOUI oNON

Si NON : pourquoi oPas confiance oTrop de formalité oDangers des hypothèques oTaux d’intérêt trop élevé oAutre :

27. Quelle quantité d’engrais utilisez vous :

28. Achetez vous des engrais oOUI oNON Si OUI : Où :

Avez-vous des problèmes : oPrix oDe proximité oDe quantité 29. Quelle quantité de semence utilisez vous

30. Achetez vous des semences oOUI oNON

Si OUI : Où : Avez-vous des problèmes : oPrix oDe proximité oDe quantité

31. Sous quelles conditions adopteriez vous le SRI : oRenforcement des communications et de la vulgarisation oAmélioration de l’assistance technique oAide financière oAide en matérielle oAutre :

32. Quelles suggestions feriez vous pour que tous les paysans adoptent le SRI ?

152 Annexe II : ARTICLES DE JOURNAUX

153 154 0100090000037800000002001c00000000000400000003010800050000000b0200000000050 000000c02a1120210040000002e0118001c000000fb021000070000000000bc0200000000010 2022253797374656d00120210000098c9110072edc630085616000c020000021000000400000 02d01000004000000020101001c000000fb029cff00000000000090010000000004400012546 96d6573204e657720526f6d616e0000000000000000000000000000000000040000002d01010 0050000000902000000020d000000320a5a0000000100040000000000fe0fa11220002d00040 000002d010000030000000000

0100090000037800000002001c00000000000400000003010800050000000b0200000000050 000000c02a1120210040000002e0118001c000000fb021000070000000000bc0200000000010 2022253797374656d00120210000098c9110072edc630085616000c020000021000000400000

155 156 157 158 159 160 TABLE DES MATIERES

Remerciements…………………………………………………………………i Résumé………………………….………………………………………...……ii Acronymes……………………………….…………………………..………...iii Table des illustrations …………………………………..…….…………...…iv Sommaire ………………………………………..…..…………………….….ix

INTRODUCTION….………………………………………...…….…………..1

PREMIERE PARTIE :

LA FILIERE RIZICOLE DE MANANDONA ET MOHAIR D’AMPANIHY : OBJETS DE PROJETS NEGLIGEANT LA DIMENSION CULTURELLE…… ………………………………………….11

Chapitre I : La dimension culturelle des filières rizicoles et mohair...…….12

1. La culture, essence des filières rizicoles et mohair………………

….....12

2. De Manandona à Ampanihy : la culture traditionnelle, vivace et

déterminante……………………………………………………………16

3. Intérêts économiques des filières rizicoles et mohair………...……..….19

Chapitre II : Les projets DELSO et PSDR : échecs dûs à l’ignorance de la

dimension culturelle ?………………….…………………...... 36

1. Ampanihy et Manandona : des besoins sociaux mal jaugés………..…..36

2. Des projets de développement en dichotomie avec leurs bénéficiaires

affichés………………………………………………………………….41

161 3. Des résultats mitigés, la pauvreté invaincue…………………..………..47

162 DEUXIEME PARTIE :

MANANDONA ET AMPANIHY : VICTIMES DE PROJETS PARACHUTES ?...... 55

Chapitre III : La réalité sous estimée par les projets de développement….56

1. Manandona et Ampanihy : une nature méconnue…………………...... 56

2. Des besoins matériels et infrastructurels insuffisamment considérés….66

3. Le problème financier inefficacement résolu………………..………....71

Chapitre IV : Des projets de développement monopolisés………………....78

1. Projets discriminants : les filières rizicole et mohair……………….…..78

2. Le développement rural : objet des urbains………………………….....84

3. Le peu d’Etat ou le bonheur du privé…………………………………..86

Chapitre V : Manandona et Ampanihy : le développement raté.……….....93

1. Les paysans de Manandona, délaissés et en crise.………………….…..93

2. Les projets de développement de Manandona et d’Ampanihy : des

financements sans bienfaits…………………………..………………...95

3. Des filières et des espaces à l’avenir incertain….…………………….100

CONCLUSION...... …………………….104

Bibliographie

Annexes

Table des matières

163 FICHE TECHNIQUE

MEMOIRE DE MAITRISE EN GEOGRAPHIE HUMAINE

NOM : RAVELOARIMISA PRĖNOM : Lala Mbolatiana

TITRE : « LE SRI DE MANANDONA, LE MOHAIR D’AMPANIHY : GEOGRAPHIE DE L’ECHEC DE DEUX PROJETS DE DEVELOPPMENT »

Nombre de pages : 106 +9 (bibliographie) +33 (annexes)+10 (fiche technique) FORMAT : A4

PRESENATION DU TRAVAIL DE RECHERHE

Le présent travail comporte deux parties. La première partie intitulée « La filière rizicole de Manandona et mohair d’Ampanihy : objets de projets négligeant la dimension culturelle » comporte deux chapitres. Cette étape de notre démonstration a permis de dégager l’importance de la dimension culturelle, mal jaugée par les projets PSDR de Manandona et PSDR et DELSO d’Ampanihy.

La deuxième partie : « Manandona et Ampanihy : victimes de projets parachutés ? » comporte quant à elle trois chapitres. Elle est consacrée à démontrer le poids des autres éléments de la réalité paysanne influant la conduite des actions de développement des deux filières. Les réflexions qui y sont avancées permettent d’essayer une vision synthétique des éléments des projets de développement. Cela pour vérifier les affirmations d’un échec relatif des projets dans les deux espaces de Manandona et d’Ampanihy.

Le travail de recherche présente une armature d’outils scientifique pour renforcer le souci de démonstration. Ainsi, le texte comporte 11 croquis, 12 tableaux, 1 schéma, 7 graphiques et 26 photos. Dans le même esprit, la bibliographie montre notre volonté de

164 multidisciplinarité et précision. Aussi, nous avons consulté 12 ouvrages généraux sur les projets de développement et surtout sur leur dimension culturelle ; 49 ouvrages spécifiques sur les filières rizicole et mohair, sur les deux espaces de Manandona et d’Ampanihy ainsi que sur les nouvelles techniques ; 1 ouvrage périodique ; 10 mémoires et thèses ; 11 articles de journaux, présentés dans les annexes ; une quarantaine de sites Internet ainsi que des cartes et des documents multimédias.

Les annexes présentes les types de questionnaires utilisés durant les enquêtes sur le terrain qui ses ont déroulé à Manandona et Ampanihy lors. Pour le premier, les 5 types ont été utiles (questionnaire CECAM, questionnaire responsable administratif, questionnaire responsable de vulgarisation, questionnaire adoptant, questionnaire non adoptant). De même pour Ampanihy, 5 types ont permis de faire les investigations (questionnaire éleveur, questionnaire tisserande, questionnaire responsable de vulgarisation, questionnaire responsable administratif, questionnaire entrepreneur).

MOTS CLĖS : Ampanihy, Manandona, projets de développement, aspect culturel, angora, filière mohair, SRI, filière rizicole.

Rapporteurs : Gabriel RABEARIMANANA

Liens : Adresse de l’auteur : Lot II K 14 Antaninandro Antananarivo (101) MADAGASCAR Téléphone : 020 22 615 47 (dom) / 032 41 102 86 (mobile) Courriel : [email protected]

165 RESUME

P remière partie : LA FILIERE RIZICOLE DE MANANDONA ET MOHAIR D’AMPANIHY : OBJETS DE PROJETS NÉGLIGEANT LA DIMENSION CULTURELLE

La notion de culture peut prendre des sens divers suivant le contexte où elle est utilisée. Ainsi, elle peut connoter le traditionnel, le folklorique ou l’artistique. Elle peut aussi englober les traits identitaires d’une société. Aussi, pour prévenir tout mal entendu et toute mauvaise interprétation, est-il primordial de préciser le concept de culture une des bases du présent travail de recherche. « La culture englobe les différents moyens de communication, les langages, les traditions orales, les croyances, les rites, les jeux, les coutumes, les conventions sociales, les modes de production et de consommation (…) »113.

L’immixtion des projets dans l’ordre des sociétés mettent ceux ci incontestablement face à la dimension culturelle de ces dernières. L’objectif du millénaire étant d’éradiquer la pauvreté, les projets continuent leur œuvre pour l’amélioration des conditions dans les pays sous développés, notamment en Afrique. La prise en compte de l’identité de leurs hôtes est la condition sine qua non de la réussite des actions en faveur du développement. Seulement, dans beaucoup d’espaces « cibles », comme Manandona et Ampanihy, la culture est toujours mise à l’écart par les projets.

La culture est à Ampanihy comme à Manandona l’expression de l’adaptation de l’homme à la nature. Inscrite dans la mentalité, la psychologie et les habitudes, la culture transparaît dans les activités. Aussi, les filières rizicole et mohair renferment- elles de multiples représentations de l’imbrication du culturel et de l’économique. Les valeurs sociales, historiques et cultuelles du riz comme celles de l’élevage de la chèvre, font que leur importance se perpétue jusqu’à nos jours.

Face à une pauvreté grandissante, la politique étatique suit celle de ses

113AXIS, L’univers documentaire, Dossier culture, volume 3, Hachette, 1997, pp.254-255.

166 bailleurs exprimée, imposée, par les projets de développement. Ainsi, la logique politique de ces derniers, c'est-à-dire la pérennisation de leur investissement, constitue la règle à suivre. Et, les aspirations et les besoins fondamentaux des paysans pour la bonne conduite des projets sont peu considérés.

Le manque de poids accordé à l’aspect culturel du développement a amené, et amènent, à des chocs, des contradictions entre les visions des « développeurs » et les populations hôtes. Aussi, en plus de la distance géographique entre les agents des projets et le terrain, la distance entre les valeurs aggravent-elles la dichotomie des objectifs. Seulement, la culture n’est pas la seule ignorée par les projets. D’autres éléments de la réalité rurale paraissent hors de leur considération.

Chapitre I: LA DIMENSION CULTURELLE DES FILIÈRES RIZICOLE ET MOHAIR

La lutte contre la pauvreté sur le plan mondial par les différents projets a été mise en route dès les années soixante. Seulement, leurs résultats se trouvent très limités. Les questions sur le pourquoi des échecs des actions pour le développement, dans les pays du tiers monde, ont conduits à s’interroger sur la considération qui a été accordée à la dimension culturelle.

En effet, parmi les différentes hypothèses sur le sujet, il s’est avéré que le rejet, direct ou indirect, des actions par la population dite cible est une des causes principales des échecs des actions des projets. Des penseurs ont estimés que : « la culture est sacrifiée au mythe de l’économie en oubliant qu’il ne peut y avoir de développement économique réussi sans prise en compte et sans intégration de la dimension culturelle dans le développement »114. A Madagascar, à l’exemple des espaces de Manandona et d’Ampanihy, dans quelle mesure la culture malgache a-t- elle conditionné les projets qui ont été mis en œuvre ?

La riziculture à Manandona comme l’élevage de la chèvre à Ampanihy sont

114 Dupuis (X.), Culture et développement. De la reconnaissance à l’évolution, ONU et institut culturel africain (ICA)-PNUD, éd. PUF, 1991,174p.

167 dépositaires des valeurs des populations. Celles-ci ont été transmis de génération en génération et sont le garant de la pérennité de l’identité sociale c’est ainsi qu’à la dimension culturelle de ces activités s’imbriquent leurs aspects économiques.

Dans les filières rizicole et mohair, des projets ont essayé de greffer de nouvelles techniques. Le SRI et l’élevage de la chèvre angora sont l’objet de vulgarisation depuis respectivement 10 et 100 ans. Du reste, à Ampanihy et à Manandona, des projets se sont succédés mais n’ont pas su se faire accepter totalement. La mise à l’écart de la dimension culturelle dans leur action est en partie la cause de ces résultats mitigés.

Chapitre II : LES PROJETS DELSO ET PSDR : ECHECS RELATIFS DÛS A L’IGNORANCE DE LA DIMENSION CULTURELLE ?

Les investissements pour le développement n’ont pas jusqu'à ce début du troisième millénaire, atteint les résultats escomptés. De leur conception à leur application, les projets portent peu de considération à la réalité sociale et physique. La logique économique des bailleurs de fonds l’emporte sur celle de ses hôtes. Et l’on ne peut s’empêcher de se demander s’ils ont pris en compte de façon adéquate les éléments culturels, qui, à notre avis, comportent des aspects positifs et négatifs. Sa prise en compte est nécessaire et devrait prendre en considération ces deux facettes.

La dépendance de l’Etat malgache envers ses bailleurs le conduit à sacrifier les valeurs essentielles des populations, pour répondre à des objectifs qui leur sont imposés. Cette démarche engendre des revers si l’on se réfère au but officiellement affiché : le développement. Sur ce point, le feed-back concernant le piétinement des projets sur le terrain est sans équivoque.

Au total, la vivacité des habitudes, expression de la culture traditionnelle, marque le quotidien des habitants à Manandona et à Ampanihy. Mais cette réalité, pourtant très prégnante, a toujours été sous estimée par les projets. Et c’est là l’une des grandes explications de leurs résultats mitigés.

168 Deuxième partie: MANANDONA ET AMPANIHY: VICTIMES DE PROJETS PARACHUTÉS ?

Compte tenu de la pauvreté dans les communes de Manandona et d’Ampanihy, la question de l’efficience des projets de développement ne peut qu’être soulevée. La constatation de la situation dans les deux espaces oblige à s’interroger sur l’adéquation de la manière dont la réalité a été prise en considération. La négligence de l’aspect culturel est un élément d’explication majeur de cet embourbement sur le terrain. Mais il n’est pas le seul car d’autres paramètres qui relèvent aussi bien des données naturelles que des conditions humaines interviennent pour comprendre l’échec de ces projets. L’imbrication entre tous ces facteurs dans la réalité paysanne est telle qu’aucun fait ne peut être négligé.

Pourtant, sur le terrain, les besoins de maîtrise minimum de l’environnement physique ne sont pas assurés. La dichotomie entre nécessités technique, économique et les actions prioritaires aux yeux des projets est palpable. Certaines conditionnalités imposées ont abouti à une situation absurde. Ce sont surtout des urbains qui ont tiré profit des projets de développement destinés au monde rural.

En somme, les résultats des actions menées à Manandona et Ampanihy sont ambigu, et source de fractures sociales. Les critères géographiques et intellectuels, imposés par les projets trient les paysans et au final, seule une poignée d’entre eux est concernée par leurs bienfaits. La main mise urbaine sur l’attribution des financements permet de conclure que les projets de développement profitent plus à certains citadins qu’aux ruraux. Dans ces conditions, le désengagement de l’Etat par rapport à l’encadrement agricole pèse sur les paysans qui ont du mal à prendre des initiatives.

Force est donc de souligner la dichotomie entre les objectifs premiers et la réalité sur le terrain, s’agissant des projets mohair et filières rizicoles. Les sommes importantes injectées par leur intermédiaires n’a pas, loin s’en faut, atténué la pauvreté des ménages dans les espaces qu’ils sont censés de servir. La crise rurale persiste, le développement est raté.

169 Chapitre III : LA REALITÉ SOUS ESTIMEE PAR LES PROJETS DE DÉVELOPPEMENT

Sans souscrire à l’esprit déterministe, il faut bien reconnaître l’influence incontournable des données naturelles, mais aussi du contexte économique qui caractérisent les deux espaces de Manandona et d’Ampanihy. On peut soutenir que la prise en compte de ces éléments par les projets dans les filières rizicole et mohair est inappropriée.

Le but premier officiel des projets de développement rural est l’amélioration de la situation paysanne. Ceux dans les espaces de Manandona et d’Ampanihy sont pourtant loin de cet objectif car, au même titre que les facteurs culturels, les éléments de base des milieux ruraux n’ont pas été correctement pris en considération. Les aléas naturels pèsent toujours sur les filières mohair et rizicole, affaiblis par le manque de matériel et l’absence de financement adéquat. La situation sur le terrain montre que les projets, objets de notre étude, ne maîtrisent que très peu leur espace d’action. Les résultats auxquels ils sont parvenus permettent de penser qu’ils n’ont pas été conçus pour aider toute la paysannerie en difficulté car ils sont plutôt monopolisés par des citadins, opérateurs privés.

Chapitre IV : DES PROJETS DE DÉVELOPPEMENT MONOPOLISÉS

Les politiques actuelles présentent les projets de développement rural comme la voie qui permettra aux paysans de sortir de la pauvreté. Mais, la réalité est tout autre car ces projets ne les concernent pas tous. D’ailleurs, à bien y penser, ils ne sont pas les vrais acteurs dans ces projets. Figurants, les paysans ne sont au mieux que des personnages de l’arrière scène, victimes de discrimination et servant à voiler les véritables enjeux qui intéressent certains urbains et l’Etat.

Avec le désengagement de l’Etat qui profite indiscutablement au secteur privé, il n’assure plus que les fonctions non rentables qui n’intéressent pas les détenteurs

170 de capitaux. De fait, les agents du ministère de l’élevage n’assurent plus qu’un service minimum en terme d’action et de personnel, devenu la règle pour les pouvoirs publics. A Ampanihy, les quatre fonctionnaires du ministère de l’élevage et de la pêche, déjà insuffisant en nombre sont en situation précaire et menacés d’affectation, alors que les administrés exigent leur maintien. Rappelons qu’à Manandona, le seul agent de l’Etat qui s’occupe de tous les projets ruraux de la commune, est aussi en charge de la commune voisine, Sahanivotry.

Avec une telle carence de l’encadrement étatique, il n’est pas étonnant que Manandona et Ampanihy aient raté leur développement.

Chapitre V : MANANDONA ET AMPANIHY : LE DEVELOPPEMENT RATE

Mesurer l’efficacité réelle des projets de développement nécessite une grande objectivité. Elaborer et avancer des statistiques et des chiffres est utile voire nécessaire pour appréhender les impacts des projets mais la portée réelle de ceux-ci doit être recherchée à l’échelle des ménages, qui, en principe et concrètement, devraient être les premiers bénéficiaires.

On le voit, de multiples éléments de base entrent en jeu dans le développement des espaces ruraux de Manandona et d’Ampanihy. Les projets ne les ont pas suffisamment considérés. La maîtrise des aléas naturels, notamment le problème de l’eau, non inscrit dans les « volets prioritaires » de ces projets, perpétue la dépendance vis-à-vis des conditions physiques. De même, les matériels de production sont insuffisants et ne répondent pas aux réels besoins tandis que les financements sont inadéquats.

Bref, dans les deux espaces, les vrais ruraux ne sont ni acteurs ni bénéficiaires mais de réelles victimes des projets. Ces derniers n’ont pas amélioré la situation de la filière rizicole toujours en difficulté et celle de la filière mohair en pleine agonie. L’avenir des populations des deux espaces étudiés est incertain. En privilégiant plus ou moins adroitement l’aspect économique et financier de leurs actions les projets de développement qui se sont succédés à Manandona et

171 Ampanihy ont, nous semble-t-il, oublié que « l’Homme est la mesure de toute chose ».

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