Lettre Au PM
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Montréal, le 15 décembre 2009 Monsieur Jean Charest Premier ministre du Québec Édifice Honoré-Mercier, 3 e étage 835, boulevard René-Lévesque Est Québec (Québec) G1A 1B4 Monsieur le Premier ministre, Depuis bientôt 18 mois, les entreprises d’économie sociale en aide domestique (EÉSAD) mènent une bataille intense en faveur de la reconnaissance des besoins financiers urgents de leurs entreprises et de leurs clientèles par votre gouvernement. En effet, au cours de 2008 et 2009, plusieurs actions de sensibilisation ont été entreprises tant auprès des fonctionnaires du ministère de la Santé et des Services sociaux, de la vice-première ministre, Mme Nathalie Normandeau qui avait à l’époque la responsabilité de l’économie sociale, et de la ministre déléguée aux Services sociaux, Mme Lise Thériault. M. Laurent Lessard, ministre actuel des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire, a aussi, depuis sa nomination, été sensibilisé au dossier. Des garanties verbales avaient été transmises aux représentants des regroupements d’EÉSAD comme quoi le gouvernement répondrait aux besoins urgents exprimés au moment du budget 2009-2010. Ce ne fut pas le cas, mais Mme Thériault réitéra son engagement à trouver une solution financière au plus tard au printemps 2009. De peine et de misère, une annonce de bonification du Programme d’exonération financière pour les services d’aide à domicile (PEFSAD) de 3,5 millions de dollars a été faite le 2 octobre dernier accompagnée par la mise sur pied du comité d’accès au PEFSAD (MAMROT, MSSS, MDEIE) pour trouver des solutions à long terme aux enjeux globaux des services d’aide domestique au Québec. Or, le 8 décembre 2009, la sous-ministre adjointe aux services sociaux du MSSS, Mme Marie-Claude Champoux, indique aux regroupements représentant les EÉSAD que les 3,5 millions de dollars annoncés par la ministre Thériault devront s’autofinancer et qu’il n’y a aucun argent neuf disponible. Concrètement, après que les clients aient reçu avis que leur aide gouvernementale serait majorée d’un très maigre 0,02$ pouvant aller jusqu’à 1$, cela veut dire que le MSSS demande aux EÉSAD soit de retirer cette majoration aux clients, soit de l’assumer elles-mêmes. Le 2 octobre dernier, votre gouvernement a dans les faits tenté de récolter le crédit d’une annonce qu’il savait pertinemment ne pas en être une. De plus, il est clair que le comité d’accès au PEFSAD ne peut tout simplement pas faire un travail juste et équitable dans les conditions actuelles imposées par votre gouvernement. Les besoins de milliers d’aînés, de personnes en perte d’autonomie, de personnes ayant des besoins d’aide à domicile et des plus démunis de notre société sont criants et urgents. Une solution financière viable doit être incluse dans votre prochain budget pour éviter des choix intenables, tant pour les EÉSAD que pour leur clientèle et les gens qui les entourent. Le PEFSAD a vu le jour suite au Sommet de l’économie et de l’emploi en 1996 pour soutenir financièrement la clientèle des EÉSAD. L’objectif principal du programme s’inscrivait dans une politique de soutien à domicile, mais cherchait aussi à transférer une économie alors très informelle au secteur formel, permettant ainsi de lutter contre le travail au noir et créer des emplois durables. Rappelons qu’il y a 101 EÉSAD au Québec qui emploient environ 6 000 personnes et offrent à 76 000 clients, dont environ 80 % ont 65 ans et plus, 5 millions d’heures de services annuellement. La clientèle de ces entreprises, si elle répond aux critères du programme, obtient une aide financière du PEFSAD . Après 12 ans d’existence, le PEFSAD n’a jamais été indexé, ni revu pour être ajusté à l’évolution des réalités quotidiennes des EÉSAD. Cette inaction qui perdure depuis plus d’une décennie provoque une situation critique à plusieurs égards. D’abord, l’évolution des coûts de la vie et de la main-d'œuvre, notamment l’augmentation du salaire minimum, force les EÉSAD, bien malgré elles, à réviser leurs prix de services à la hausse. Pour de larges pans de la clientèle des EÉSAD, cela devient intenable. Les entreprises constatent avec désarroi que les plus démunis diminuent leurs heures de services, voire même les abandonnent. De très nombreuses personnes qui bénéficieraient d’aide à domicile de la part des EÉSAD ne peuvent même pas envisager de souscrire à leurs services. Rappelons que le coût annuel d’une personne en CHSLD est estimé de manière très conservatrice à environ 55 000 dollars 1. Le coût de l’indexation du PEFSAD est égal au montant que devrait débourser le gouvernement pour à peine quelques centaines de personnes supplémentaires en CHSLD. Ensuite, il y a bien sûr les enjeux initiaux du PEFSAD de lutter contre le travail au noir et d’offrir des conditions décentes de travail à des milliers de travailleuses, car ce sont des femmes qui occupent très majoritairement les postes de préposée. Les hausses inévitables de tarif rendront les EÉSAD de moins en moins concurrentielles avec le marché noir et la volonté des EÉSAD de demeurer conforme à leur mission sociale en fournissant des services abordables pour les plus démunis, les contraignent à maintenir leurs conditions de travail à la limite du salaire minimum. Nous vous rappelons que votre gouvernement s’est engagé à des hausses récurrentes du salaire minimum, ce qui est une bonne nouvelle en soi, mais poussera les EÉSAD à de nouveaux choix déchirants à très court terme. Le temps presse donc pour éviter le pire pour toutes celles et ceux qui dépendent des services des EÉSAD pour demeurer chez eux. Votre gouvernement à fait de « Chez soi, 1 Conférence de presse de M. Philippe Couillard, ministre de la Santé et des Services sociaux – Publication du Plan d’action 2005-2010 sur les services aux aînés en perte d’autonomie : un défi de solidarité , 8 novembre 2005. le premier choix » le slogan de sa politique de soutien à domicile pour contrôler la hausse des dépenses de l’État en matière de santé et de services sociaux et faire face au vieillissement de la population, l’un des enjeux les plus importants auquel le Québec doit faire face. Les EÉSAD souhaitent être un partenaire dans cet effort collectif, mais pour rester chez soi, pour de très nombreuses personnes au Québec, cela veut dire en avoir les moyens. Le cadre financier général des EÉSAD a un grand besoin d’une révision complète pour qu’elles puissent assumer pleinement ce partenariat avec le gouvernement et demeurer des entreprises viables à long terme. Par contre, il y a urgence de procéder très rapidement à l’indexation du PEFSAD pour contrer le décrochage de la clientèle la plus démunie. Les EÉSAD ont évalué à 15 millions de dollars l’indexation du PEFSAD. Quinze millions de dollars d’argent neuf pour le PEFSAD doivent absolument être inclus dans votre budget 2010-2011. Nous souhaitons que vous nous fassiez part de l’engagement clair et sans équivoque de votre gouvernement lors d’une rencontre avant le mois de février 2010. Loin d’être une nouvelle dépense pour l’État, il s’agit, en termes financiers uniquement, d’une opération largement profitable pour le gouvernement, qu’il s’agisse de l’indexation du PEFSAD ou de la révision du cadre financier des EÉSAD. Rappelons qu’une grande partie de cet investissement revient à l’État sous forme d’impôts payés par les employés des EÉSAD et que pour chaque client perdu au profit du marché noir, le gouvernement est d’autant perdant. M. le Premier ministre, nous espérons que vous serez sensible à l’urgence de la situation et que votre gouvernement saura agir en conséquence et avec célérité. Des milliers de personnes dans le besoin au Québec en dépendent. Veuillez agréer, monsieur le Premier ministre, nos sentiments les meilleurs. Nancy Neamtan Présidente-directrice générale, Chantier de l’économie sociale Marie-Claude Gasse Présidente, Coalition des entreprises d’économie sociale en aide domestique André Richard Porte-parole, Aile rurale Cette lettre a reçu l’appui des organisations suivantes : Association québécoise pour la défense des droits des retraités et des préretraités (AQDR) Confédération des syndicats nationaux (CSN) Conférence des Tables régionales de concertation des aînés du Québec Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) Régime de retraite des groupes communautaires et des femmes Relais-Femmes Réseau FADOQ C.C. : M. Yves Bolduc, ministre de la Santé et des Services sociaux Mme Lise Thériault, ministre déléguée aux Services sociaux M. Laurent Lessard, ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire Mme Marguerite Blais, ministre responsables des Aînés .