N° 58 Emile Meyerson
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n° 58 Emile Meyerson PUBLIEE AVEC LE CONCOURS DU CNL ET DE L’UNIVERSITE DE PARIS X NANTERRE N° ISSN : 0296-8916 299 n° 58 Émile Meyerson mis en œuvre par Bernadette Bensaude Vincent, Eva Telkes-Klein et Frédéric Fruteau de Laclos © Revue éditée par l’Association pour la revue Corpus, 2010 N° ISSN : 0296-8916 299 TABLE DES MATIÈRES Emile Meyerson Bernadette Bensaude Vincent Avant-propos ........................................................................ 5 Une épistémologie à revisiter Anne Fagot-Largeault Meyerson : science et philosophie ..................................... 9 Sophie Roux Meyerson et les mathématiques .......................................... 23 François Pépin Un historien à rebours de l’histoire ? Meyerson et l’épistémologie historique de la chimie........... 47 Françoise Balibar Einstein et Meyerson : éloges et malentendus................... 63 Michel Bitbol Aux rives de l’île de la raison Meyerson et la physique quantique...................................... 81 Eva Telkes-Klein Émile Meyerson : « Coucher avec ma chimère » Itinéraires parisiens d’un Juif polonais................................ 99 Philippe Oriol Meyerson face à l’Affaire Dreyfus ...................................... 115 Stéphan Soulié L’intégration d’Émile Meyerson à la communauté philosophique : le rôle de Xavier Léon et du réseau de la Revue de métaphysique et de morale ...................... 129 1 CORPUS, revue de philosophie Peter Schöttler Marcel Boll, physicien-philosophe et critique d’Émile Meyerson .............................................................................. 143 Dominique Merllié Entre Meyerson et Lévy-Bruhl : Hélène Metzger................ 159 Frédéric Keck Le problème de la causalité chez Meyerson et Lévy-Bruhl.... 173 Jean Seidengart Science et réalité chez Meyerson et Cassirer : les ressorts philosophiques d’un grand débat épistémologique au XXe siècle............................................. 187 Noemí Pizarroso Émile Meyerson et la psychologie de son temps................ 201 Sarah Terquem L’héritage du dialogue entre Émile Meyerson et Lucien Lévy-Bruhl dans le développement de la « psychologie historique » d’Ignace Meyerson..................... 217 Elie During Entre Bergson et saint Thomas : la correspondance Metz-Meyerson ..................................... 235 Bernadette Bensaude Vincent Meyerson rationaliste ? ....................................................... 255 Anastasios Brenner La position continuiste d’Émile Meyerson .......................... 275 Frédéric Fruteau de Laclos Meyerson à l’épreuve du constructivisme contemporain... 287 Isabelle Stengers La plausibilité du diagnostic meyersonien......................... 305 Liste des sommaires : voir notre site http://www.revuecorpus.com 2 AVANT PROPOS DE L’ÉDITEUR L’œuvre d’Émile Meyerson a profondément marqué l’épisté- mologie française naissante au XXe siècle. Son premier livre Identité et réalité (1908) eut un grand retentissement dans la commu- nauté philosophique française et même internationale et lui a permis de participer à la vie comme aux débats philosophiques. Après une éclipse de plus d’un demi-siècle, voici que son œuvre refait surface. Après De l’explication dans les sciences, les Essais (1936) ont été réédités dans la collection Corpus des œuvres philosophiques en langue française, en 20081. Du cheminement de la pensée (1931) est en réédition chez Vrin2. Un gros volume de correspondances françaises de Meyerson révèle la vie de ce personnage et son insertion dans les réseaux des milieux intellectuels parisiens3. Quelques pièces inédites extraites du fonds d’archives déposé aux Central Zionist Archives à Jérusalem dévoilent des faces cachées — parfois surprenantes — 1 Émile Meyerson, De l’Explication dans les sciences, Paris: Payot, 1921, 3 vol ; 2e éd. 1927, réédition dans le Corpus des œuvres de philosophie en langue française, Paris, Fayard, 1995. Émile Meyerson, Essais, 1936, réédition dans le Corpus des œuvres de philosophie en langue française, Paris, Association Corpus/EUD, 2008. 2 Émile Meyerson, Du cheminement de la pensée, Paris, Alcan, 1931, réédition avec une présentation par F. Fruteau de Laclos à paraître chez Vrin, 2010. 3 Émile Meyerson, Lettres françaises, éditées par B. Bensaude-Vincent et E. Telkes-Klein, Paris, CNRS éditions, 2009. Corpus, revue de philosophie, n° 58, 2010. 5 CORPUS, revue de philosophie de son activité4. Enfin de belles études sur Meyerson témoignent d’un regain d’intérêt pour sa pensée5. C’est le moment de redécouvrir sa pensée et de réévaluer son œuvre à partir d’une relecture de ses ouvrages, comme à travers le réseau de ses correspondants. Ce numéro présente des contributions de divers auteurs, philosophes et historiens. Elles émanent d’un colloque organisé en décembre 2009 à Nanterre et à Paris par l’Institut de recherches philosophiques de l’Université Paris Ouest (EA 373), et l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques de l’Université Paris 1, auxquels fut associé le Centre de recherche français de Jérusalem. 4 Émile Meyerson, Mélanges. Petites pièces inédites, édités par Eva Telkes- Klein et Bernadette Bensaude-Vincent, à paraître chez Champion, 2010. 5 Frédéric Fruteau de Laclos : L'épistémologie d'E. Meyerson. Une anthropologie de la connaissance (Vrin 2009) ; Le cheminement de la pensée selon E. Meyerson (PUF, 2009), Meyerson (Belles Lettres, à paraître). Voir aussi le numéro de Archives de philosophie, 70/3, 2007 consacré à Meyerson et les sciences humaines et le collectif L’histoire et la philosophie des sciences à la lumière de l’œuvre d’Émile Meyerson, sous la direction de E. Telkes- Klein et E. Yakira, Paris, Honoré Champion, 2010. 6 UNE ÉPISTÉMOLOGIE À REVISITER Corpus, revue de philosophie, n° 53, 2007. 179 CORPUS, revue de philosophie 180 MEYERSON : SCIENCE ET PHILOSOPHIE 1. Meyerson, philosophe des sciences Le thème des rapports entre science et philosophie est un thème récurrent chez Émile Meyerson : « science et philosophie peuvent si peu se passer l’une de l’autre …1 ». La dernière partie du livre De l’explication dans les sciences (ES)2 s’intitule : « Raison scientifique et raison philosophique3 ». Et dans La déduction relati- viste (DR), au paragraphe sur « la distinction entre la science et la philosophie4 », on lit que science et philosophie poursuivent le même but (rationaliser le réel — donc le détruire !), à ceci près que la science « cherche à atteindre par des voies détournées, graduel- lement, ce à quoi la philosophie croit pouvoir parvenir d’un coup ». La ligne générale qu’on va suivre ici est celle de Meyerson lui-même. Le terrain propre du philosophe est l’épistémologie. Ce n’est pas la métaphysique. « L’homme fait de la métaphysique comme il respire, sans le vouloir et surtout sans s’en douter la 1 Émile Meyerson, De l’explication dans les sciences, Paris, Payot, 1921, 3 vol. ; 2e éd. 1927; réédition dans le Corpus des œuvres de philosophie en langue française Paris, Fayard, 1995 (plus loin désigné par les initiales ES) ; fin du Livre III, p. 504. 2 Les abréviations IR, pour Identité et réalité, 3e édition ; ES, pour De l’expli- cation dans les sciences, 2e édition, et DR, pour La déduction relativiste, sont de Meyerson lui-même, dans la Préface du livre Du cheminement de la pensée, Paris, Payot, 1931, vol. 1, p. xvi. Ce dernier sera désigné par les initiales CP. 3 ES, op. cit., Livre IV, ch. XV à XVIII. 4 Émile Meyerson, DR, Paris, Payot, 1925 ; repr. Paris, Gabay, 2000 (DR) ; ch. XXII, § 195, p. 269. Corpus, revue de philosophie, n° 58, 2010. 9 CORPUS, revue de philosophie plupart du temps5 ». « La science de nos jours est saturée d’onto- logie, et les savants, en dépit de ce qu’ils affirment expressément eux-mêmes, font de la métaphysique comme en ont fait, de tout temps, leurs devanciers6 ». « Science et métaphysique poursuivent toutes les deux le même but, la connaissance du réel7 ». La pensée commune, la science, font de la métaphysique. La sagesse philosophique selon Meyerson sera d’éviter d’en faire. Meyerson est chimiste de formation. Il a pratiqué la chimie au laboratoire : à Heidelberg chez Bunsen, puis un an au Collège de France, dans le laboratoire de Paul Schutzenberger, et deux ans comme ingénieur dans l’industrie des colorants (à Argenteuil), dont il a démissionné avec l’objectif de se mettre à son compte pour fabriquer un colorant bleu. C’est une expérience de terrain limitée, d’autant que de son stage au Collège de France il dit surtout que, « ayant les bibliothèques sous la main », il a dévoré l’histoire de la chimie de Hermann Kopp (4 volumes) et le traité de chimie de Jean-Baptiste Dumas (8 volumes)8. Meyerson restera toute sa vie un grand lecteur de travaux scientifiques et d’ouvrages philosophiques9. Pourquoi lire ces livres ? Pour comprendre comment la raison humaine fonctionne, pour étudier le « cheminement de la pensée » : c’est le titre de son dernier grand ouvrage, dont 5 ES, op. cit., Livre I, ch. I, p. 20. Voir aussi l’article : ‘Le sens commun vise- t-il la connaissance ?’, Revue de métaphysique et de morale, 30:1, 1923 repris dans : Émile Meyerson, Essais, Paris, Vrin, 1936, p. 1-11. 6 ES, op. cit., Livre III, ch. XIV, p. 503. 7 Émile Meyerson, Lettres françaises, éd. B. Bensaude-Vincent & E. Telkes- Klein, Paris, CNRS, 2009 (Lettres), 1908, s.d. 8 Hermann Kopp, Geschichte der Chemie, Braunschweig, Vieweg, 1843- 1847. Jean-Baptiste Dumas, Traité de chimie appliquée aux arts, Paris, Béchet jeune, 1828-1845. 9 Voir : Émile Meyerson, Du cheminement de la pensée, Paris, Alcan, 1931, 3