Léon Daudet. Ou Le Libre Réactionnaire

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Léon Daudet. Ou Le Libre Réactionnaire 2 4 5 LÉON DAUDET OU LE LIBRE RÉACTIONNAIRE DU MÊME AUTEUR : Charles Maurras, un itinéraire spirituel, Nouvelles Editions latines, 1978, prix Saint-Louis. Montherlant entre le Tibre et l'Oronte, Nouvelles Editions latines, 1980. Henri Rochefort ou la Comédie politique au XIX siècle, Editions Jean- Claude Lattès, 1984. A paraître : Logis parisiens des grands hommes, en collaboration, Editions Henri Veyrier. ÉRIC VATRÉ LÉON DAUDET ou LE LIBRE RÉACTIONNAIRE EDITIONS FRANCE-EMPIRE 68, rue Jean-Jacques-Rousseau — 75001 PARIS Vous intéresse-t-il d'être tenu au courant des livres publiés par l'éditeur de cet ouvrage ? Envoyez simplement votre carte de visite aux EDITIONS FRANCE-EMPIRE Service « Vient de paraître » 68, rue J.-J.-Rousseau, 75001 Paris, et vous recevrez régulièrement et sans engagement de votre part, nos bulletins d'information qui présentent nos différentes collections, que vous trouverez chez votre libraire. © Editions France-Empire, 1987. Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays. IMPRIMÉ Je suis tellement réactionnaire que j'en perds quelquefois le souffle. Léon DAUDET. Quoi ? Cette liberté souveraine, ce franc- parler joyeux, c'était Daudet ? Hé oui ! C'était Daudet. Pierre GAXOTTE. Tu vois pas, çui-là, c'est l' gros Léon... Un titi parisien. ESQUISSE BIOGRAPHIQUE 1867 — Naissance à Paris (16 novembre). 1891 — Mariage civil avec Jeanne Hugo. — Publication d'un premier ouvrage, Germes et Poussière. 1892 — Naissance de Charles Daudet, à Paris (6 février). 1903 — Mariage civil et religieux avec sa cousine Marthe Allard. 1904 — A l'issue d'une réunion d'Action française, salle des Horti- culteurs, Daudet adopte publiquement les conclusions monar- chistes de Charles Maurras. 1908 — Premier numéro de l'Action française, organe quotidien du nationalisme intégral, où Daudet est à la fois directeur et rédacteur en chef. 1909 — Naissance de Philippe Daudet (7 janvier). 1913 — Léon inaugure dans l'A.F. une suite d'articles dénonçant l'espionnage intérieur au profit de l'Allemagne. 1915 — Naissance de François Daudet (13 mars). 1917 — Dans une lettre au président Poincaré, Léon dénonce le double jeu du ministre de l'Intérieur, Louis Malvy. 1918 — Naissance de Claire Daudet. 1919 — L'antiparlementaire Léon Daudet est élu député, le 16 novem- bre, par le troisième secteur de la capitale — rive gauche et XVI arrondissement. 1923 — Mort de Philippe Daudet (24 novembre) très probablement victime d'une machination policière. 1924 — Echec de Daudet qui ne parvient à renouveler son mandat pour une seconde législature. 1925 — Candidat à la succession de Jules Delahaye, sénateur du Maine-et-Loire, Léon échoue. — A l'issue d'un procès en diffamation, aux Assises, intenté au chauffeur Bajot qui soutient l'hypothèse du suicide de Philippe Daudet dans son taxi, Léon est condamné à cinq mois de prison, 1 500 francs d'amende, et Joseph Delest, gérant de l'A.F., solidairement, à deux mois et 500 francs. 1927 — Refusant de se constituer prisonnier, Léon se barricade dans les locaux de l'A.F. et tient tête aux forces de l'ordre (ven- dredi 10 jusqu'au lundi 13 juin). Il est incarcéré à la Santé avec Joseph Delest. Grâce au concours militant d'une télé- phoniste, les Camelots contrefaisant la voix du ministre de l'Intérieur exigent la libération immédiate de Daudet, Delest et d'un communiste. Après un bon mois de clandestinité Léon passe en Belgique (1 août). 1929 — Pour faire suite à une pétition d'écrivains et d'hommes poli- tiques, le gouvernement accorde la grâce du polémiste (30 décembre). 1938 — Comme il annonce l'imminence d'un conflit franco-allemand, Daudet recommande de suivre le maréchal Pétain dont le nom « représente, aux yeux de l'Allemagne, celui qui a vaincu son meilleur homme de guerre ». 1942 — Mort à Saint-Rémy-de-Provence (1 juillet). 1960 — Mort de Mme Léon Daudet, à Paris (26 avril). — Mort de Charles Daudet, à Paris (28 juillet). 1969 — Mort de Claire Daudet (Mme Biardeau) (14 août). 1970 — Mort de François Daudet, à Saint-Rémy-de-Provence (28 mars). PREMIÈRE PARTIE L'HOMME A VENIR CHAPITRE PREMIER DES DROITS D'AUTEUR EN OR — Je suis royaliste. — Bah ! L'impératrice l'est plus que vous. Troisième secrétaire du duc de Morny, qui lui donne la réplique, Alphonse Daudet reflète dans son propos le senti- ment familial. Les Daudet tiennent pour partie des Chouans de Balzac, des Compagnons de Jehu de Lenôtre, auxquels s'ajoutent en surimpression l'ardeur du faubourg nîmois de l'Enclos Rey où figure dans chaque atelier un portrait de Henri V. A Nîmes, où la Terreur blanche, puis les Cent Jours donnèrent libre cours aux querelles d'Atrides les plus san- glantes, la religion prime, dictant à peu près les opinions poli- tiques. Un Tel passe ainsi pour « protestant, mais bon roya- liste ». Les mœurs du Gard, déjà inspirées de l'Italie, façonnent au quotidien l'image d'une aventure dont on ne sait l'issue. Sur le Grand Cours, non loin de l'église Saint-Charles, les petits Nîmois vident à jet de pierre non pas la querelle des Capulet et des Montaigu, mais celle, inexpiable, des papistes et des huguenots. Depuis toujours, le climat sent l'embuscade. Vincent Daudet, « blanc » à chaux et à sable, fréquente assidument au Cercle Cornand, lieu de discussion, sur le mode amer ou enthousiaste, des amis du Roi. La chose est entendue ; l'Eden finit en 1830 avec l'âge de fer qu'instaure Louis-Phi- lippe, roi des Français, créature de la révolution bourgeoise. Père du Petit Chose, Vincent Daudet, les traits réguliers et massifs, « une nature enflammable, violente, exagérée, aimant les cris, la casse et le tonnerre », sujet à « des colères formi- dables qui s'attaquaient à tout et surtout à la révolution », passe, au reste, pour un brave homme, médiocre père de famille. Considérant peu son épouse et sa progéniture, le culte des lys semble lui tenir lieu d'occupation véritable, qui le dispense de songer à la décrépitude de son négoce en soieries. Alphonse Daudet n'aura de cesse de lutter « pour étouffer mon père au-dedans de moi : je le sentais se réveiller avec ses manies, ses colères ». Le patriarche qui se désola de n'avoir pu entre- prendre le voyage de Frohsdorf afin d'offrir l'hommage de son loyalisme au comte de Chambord, considère comme une reli- que l'envoi, sur l'initiative du duc de Lévis-Mirepoix, d'un cachet de cire rouge assorti de la devise « Fides - Spes », et d'un paraphe du prétendant. Un lien mystérieux attache dès lors l'humble soyeux à son prince. Les premières traces conservées de cette maison partent du règne de Louis XIV ; on signe (13 mai 1674) l'acte de bap- tême d'un certain Claude Daudet. Les archives conservent d'autres écrits postérieurs, qui forment une mosaïque ina- chevée ; enfin (2 mars 1756) Marguerite Castagnier épouse Jacques Daudet. Leurs fils aîné, Jacques, qui voit le jour la même année, sera le père de Vincent Daudet. Vieille race méditerranéenne, les Daudet, en raison même de l'antiquité du patronyme, ne savent précisément de quelle étymologie se recommander. Citant Mistral et son Trésor du Félibrige, le professeur Jacques-Henry Bornecque envisage une série de déclinaisons telles Dedet, Daudé, Daudel, Dau- diet, Dieudé, Deude... Les formes méridionales Déodati et Dounadieu apparaissent, pour la première empruntée au latin Déodatus, pour la seconde extraite de Dona Dieu, Dieu le Donne. Et d'évoquer l'origine lointaine d'un prénom roman converti en patronyme par métathèse de Déodat. Dans une autre perspective, des esprits avides de sensa- tion, épris de thèses piquantes ou cocasses, avancèrent une idée d'inspiration baroque qui mérite toutefois d'être citée. L'initiateur, Paul Arène (1881), tirant prétexte du succès de Numa Roumestan distingue une influence orientale et suscite une parenté entre Alphonse Daudet et Shéhérazade, rien de moins. Il enchaîne en rapprochant Daudet du provençal Daoüdé, puis de l'hébreu Daoud, ce qui, somme toute, n'est peut-être pas invraisemblable. Poupart Davyl, du Figaro, tient, de même pour l'origine juive du nom, diminutif de Davidet. Et le visage finement oriental de l'écrivain, son nez puissant et arqué, son teint mat, la frisure des cheveux de jais entre- tiennent de fait quelque confusion. Au Moyen Age des colo- nies juives ont essaimé dans le Languedoc, à Narbonne, à Montpellier, Béziers, et, dans le Comtat Venaissin, résident les Juifs du Pape ; la majeure partie de cette diaspora ayant dépouillé tout vrai sentiment d'appartenance ethnique dès avant la Révolution. Si on l'observe de plus près, le cachet oriental d'un Alphonse Daudet suggérerait aussi bien une phy- sionomie tzigane ou arabe. En tout cas, la famille Daudet ne revendiqua jamais dans son histoire une ascendence étran- gère ; ami de Drumont, l'auteur de Trente Ans de Paris, n'est guère connu pour ses sympathies dreyfusardes et son fils Léon, écarte d'un revers de main la thèse de l'origine sémite, précisant qu'en Ardèche existe encore un village nommé Daudet, berceau de sa famille. Acquis à l'idéal de stabilité 1 les Daudet connaissent par contre-coup des tempéraments indé- pendants, tel cet Alexis Daudet parti chercher maigre fortune dans la capitale et co-signataire d'une parodie théâtrale Bom- barde ou les marchands de chansons (1804), — Alphonse se prêtera lui-même sans succès à cette parodie du Parnasse qu'est le Parnassiculet contemporain (1866). 30 août 1806 : nais- sance de Vincent, second fils de Jacques, entrevu plus haut ; il participe de bonne heure à la marche de l'entreprise fami- liale de tissage dont il est voyageur-représentant dans tout le pays. 1828 : il fonde, avec son frère aîné Claude 2 une société en participation où il verse sa part d'héritage léguée, en son vivant, par son père et, l'année suivante, épouse Adeline Rey- naud, fille d'un courtier en fils de soie, au négoce prospère.
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