Le Médecin Dans Les Morticoles De Léon Daudet : Législateur, Juge Et Bourreau

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Le Médecin Dans Les Morticoles De Léon Daudet : Législateur, Juge Et Bourreau Le médecin dans Les Morticoles de Léon Daudet : législateur, juge et bourreau. Christine Peny To cite this version: Christine Peny. Le médecin dans Les Morticoles de Léon Daudet : législateur, juge et bourreau.. Peine et Utopie. Représentations de la sanction dans les oeuvres utopiques. Colloque international de Nice., Dec 2017, Nice, France. hal-01970398 HAL Id: hal-01970398 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01970398 Submitted on 5 Jan 2019 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Le médecin dans Les Morticoles de Léon Daudet : législateur, juge et bourreau Christine PENY Aix Marseille Université, CERHIIP1 Dans Les Morticoles, premier véritable roman de Léon DAUDET, une conception particulière et originale de la peine se fait jour, en relation avec l’idée d’un pouvoir médical ou d’une utilisation de la médecine à des fins politiques. En Morticolie en effet, les médecins cumulent les fonctions de législateur, de juge et de bourreau. Toutefois, c’est moins dans la réunion de ces fonctions (de légiférer, de juger et d’exécuter ou de torturer) que dans les rapports que lesdites fonctions entretiennent que se situe l’originalité de l’utopie des Morticoles et l’importance qu’y revêt la peine. Léon Daudet… L’image et la réputation de Léon DAUDET, chantre de l’Action Française, porte-plume – on pourrait presque dire porte-flingue – d’une droite conservatrice, antisémite, nationaliste et monarchiste, ne sont pas des plus séduisantes, loin de là. Ce que l’on retient généralement de sa vie et de son parcours effacerait presque le souvenir sympathique d’Alphonse, son illustre paternel2. Pour résumer les choses d’une manière un peu triviale : Léon DAUDET fait assez facilement figure de « sale type », et quiconque écrit ou discourt aujourd’hui sur lui est presque obligé – à moins de partager ses détestables idées – de s’excuser de s’être intéressé à sa personne ou à son œuvre. Léon DAUDET est surtout connu pour être une figure de la politique et du journalisme des années 1900 à 1940. A la veille de la Grande guerre, il se signale tant par son physique rabelaisien, un air de franche bonhomie, une moustache en guidon de vélo et une panse de moine (image n°1), que par ses premiers articles politiques, très virulents, déjà résolument antisémites (au Figaro, puis à L’Action française). Dans lesdits articles, l’indignation la plus sincère voisine avec la calomnie la plus abjecte, ce qui lui vaut ses premiers duels (image n°2). Im. 1 – Im. 2 – Léon DAUDET au début du XXe siècle Duel de Georges CLARETIE et Léon DAUDET (à droite) (par Aaron (?) GERSCHEL, fonds le 5 mars 1911, à l’hippodrome de Saint-Ouen Kodak-Pathé, RMN, Orsay) 1 [email protected] – CERHIIP – EA 2186. 2 Sur le personnage de Léon Daudet, voir notamment BASSI M., Léon Daudet. Un géant de papier, Monaco, Ed. du Rocher, 1993 ; BROCHE F., Léon Daudet. Le dernier imprécateur, Paris, R. Laffont, 1992 ; CLEBERT J.-P., Une famille bien française. Les Daudet, 1840-1940, Paris, Presses de la Renaissance, 1988 ; DOMINIQUE P., Léon Daudet, Paris, Ed. du Vieux Colombier, 1964 ; DRESSE P., Léon Daudet vivant, Paris, R. Laffont, 1958 (1947) ; GIOCANTI S., C’était les Daudet, Paris, Flammarion, 2013 ; MARQUE, J.-N., Léon Daudet, Paris, Fayard, 1971 ; VATRE E., Léon Daudet, ou le libre réactionnaire, Paris, France-Empire, 1987. 1 Dans l’entre-deux-guerres, toujours plus hargneux et toujours plus bedonnant, il use de ses talents de polémiste et d’orateur pour porter, avec Charles MAURRAS, l’Action française à son pinacle (images n°3 & 4), jusqu’à ce qu’intervienne le suicide, mal élucidé, de son fils Philippe, en 1923, qui marque le début d’un lent déclin politique, journalistique, et même personnel. Im. 4 – Im. 3 – Le comte DE VESINS, Charles MAURRAS, Affiche publicitaire de Léon DAUDET et l’amiral SCHWERER L’Action française (1918, Bibliothèque défilant pour la fête de Jeanne nationale de France) d’Arc, le 8 mai 1927 C’est à ces aspects de sa personnalité et de son parcours, à ces deux périodes de l’avant et de l’entre-deux-guerres, que l’on pense généralement lorsque l’on évoque le nom de Léon DAUDET. Il est, cependant, certains des aspects de son existence qui contrastent avec le ton de ses écrits politiques et montrent une personnalité plus complexe qu’il n’y paraît : sa fidélité à la mémoire d’Edmond de GONCOURT, qui le conduit à mettre sur pied d’Académie éponyme3 ; son admiration sincère pour Marcel PROUST, dont il n’ignorait ni les origines, ni les « goûts »4 ; son indéfectible amitié pour Octave MIRBEAU, pourtant son contraire en matière de politique5 ; son soutien au jeune CELINE, contre ceux qui l’accusaient de trahir la France ; la promotion qu’il fit des premières œuvres de Pablo PICASSO et de Claude DEBUSSY ; l’« armistice » qu’il signa, après la mort de son fils, avec l’un de ses pires ennemis, le dramaturge Henry BERNSTEIN,… sont autant d’événements et d’attitudes qui font apparaître comme un double bienfaisant de l’exécrable militant et polémiste de l’Action française. L’historienne américaine Kate CAMBOR a d’ailleurs bien mis en évidence la complexité d’un caractère souvent paradoxal, les contradictions entre certains aspects de la vie publique et de la vie privée de Léon DAUDET, et le succès de son Belle Epoque6 a contribué à une « réhabilitation » partielle du personnage, et à la réédition de quelques-uns de ses écrits7. Certains aspects de l’œuvre de ce dernier, du reste, avaient été préservés d’une certaine manière de la « disgrâce » : d’une part, ses livres de souvenirs et les portraits de son père ; d’autre part – mais auprès d’une audience plus restreinte –, ses écrits à connotation médicale, sur la maladie d’Alphonse DAUDET, l’hérédité et le rapport à la douleur, lesquels ont donné lieu à un nombre significatif de publications académiques (articles, conférences et thèses en lien avec l’histoire de la médecine principalement) ces trente dernières années8. 3 Cf. DUFIEF A. S., « Les Daudet et l’Académie Goncourt », Cahier Edmond et Jules de Goncourt, n°10 (spécial « Cent ans du premier Prix Goncourt »), 2003, n°10, pp. 13-34. 4 Léon DAUDET a été le grand artisan de l’attribution du prix Goncourt 1919 à Marcel PROUST. 5 Sur les relations entre les deux hommes, voir notamment MICHEL P., « Les palinodies d’Octave Mirbeau ? À propos de Mirbeau et de Daudet », Les Cahiers naturalistes, 1988, n 62, pp. 116-126. 6 CAMBOR K., Belle Époque, trad. (de Gilded youth) par BURY L., Paris, Flammarion, 2016 (2009). 7 DAUDET L., Souvenirs littéraires, Paris, Grasset, 2009 ; Souvenirs polémiques, Paris, R. Laffont, 2015 ; Écrivains et artistes, Paris, Séguier, 2017. 8 Cf. BIANCHI E., Regards sur la médecine française à la fin du 19e siècle, grâce à l'étude et la critique des œuvres de Léon Daudet, Thèse Médecine, Dijon, 1994 ; DIEGUEZ S., BOGOUSSLAVSKY J., « The One-Man Band of Pain : Alphonse Daudet and his Painful Experience of Tabes dorsalis », in BOGOUSSLAVSKY J., BOLLER F. (éd.), Neurological Disorders in Famous Artists, Part 1, Bâle, Karger, 2005, pp. 17-45 ; DONALDSON-EVANS M., « Medical Menace in Léon Daudet’s Les Morticoles », Medical Examinations : Dissecting the Doctor in French Narrative Prose, 1857-1894, Lincoln, The University of Nebraska Press, 2001, pp. 158-174 ; FONCIN A., L’hérédité dans l’œuvre de Léon Daudet, 2 De ses œuvres authentiquement littéraires, en revanche, seuls Les Morticoles ont été régulièrement réédités depuis leur parution initiale : en 1925, 1927, 1939, 1956, 1984 (images n°6 à 10) avec, pour certaines de ces éditions, de belles illustrations9. Im. 5 – Im. 6 – Im. 7 – Im. 8 – Im. 9 – Im. 10 – Charpentier & Charpentier Fayard Valère Fasquelle Grasset Fasquelle (1894) (1925) (1927) (1939) (1956) (1984) La première édition de cette œuvre (image n°5) remonte au milieu de l’année 1894. Or, cette époque de la vie de Léon DAUDET n’a pas grand-chose à voir avec celles qui firent sa redoutable renommée. A ce moment, en effet, l’Action Française n’existe pas10. Léon DAUDET ne fréquente pas encore les deux personnes qui le feront évoluer vers la droite de la droite : d’une part, Charles MAURRAS, d’autre part, sa cousine et future épouse, Marthe ALLARD. L’affaire DREYFUS n’a pas encore éclaté. Son père, républicain enthousiaste, n’est pas encore mort – il ne disparaîtra qu’en décembre 1897. …à l’époque des Morticoles Qui est donc véritablement l’auteur de ces Morticoles qui paraissent en juin 1894 ? Alphonse Marie Vincent Léon DAUDET est né le 16 novembre 1867 à Paris, 4e arrondissement (image n°11), de deux jeunes mariés, Alphonse Marie Louis DAUDET et Julia Rosalie Céleste ALLARD, respectivement âgés de 27 et 23 ans (image n°12). Son père est en passe de devenir célèbre : douze des Lettres de mon moulin ont paru dans L’Evénement et il s’apprête à publier Le petit chose (1868). Im. 11 – Acte de naissance d’Alphonse Marie Vincent Im. 12 – e Léon DAUDET (18 novembre 1867, Archives de Paris, 4 , Alphonse et Julia DAUDET (par Louis Naissances V4E427) MONTEGUT, Musée Carnavalet) Thèse Philosophie, Paris IV, 1993 ; GELFAND T., « Medical nemesis, Paris, 1894 : Léon Daudet’s Les Morticoles », Bulletin of the History of Medecine, 1986, vol.
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